Daniel Pinson (paru dans « Les Cahiers de la Recherche
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1. presque closes sur elles m mes et s enfermant encore plus sur elles m mes l arriv e de ces corps trangers Alors que l Etat critique la fiction administrative des limites territoriales des banlieues comme fronti res inad quates la mise en oeuvre de projets invitant plus de coh rence et de solidarit intercommunales il impose avec la loi sur les ZUP par laquelle il d cide de leur cr ation des charcutages territoriaux perturbants Diff rentes recherches ont ainsi d montr la perversit techno bureaucratique avec laquelle des ZUP avaient t implant es sur plusieurs communes voire plusieurs d partements en r gion parisienne Ces manipulations d stabilisent les communaut s constitu es et brouillent l identit des nouvelles populations zupiennes en ne leur donnant comme issue possible qu une identification la cit dortoir dans laquelle on les a parachut es La haine de l id ologie pavillonnaire inspir e et accentu e par les volontaires confusions de Le Corbusier entre les lotissements sp culatifs et les cit s jardins fondent souvent les agressions de cet urbanisme du tout vertical consid r comme solution d ordre contre le g chis de l anarchie pavillonnaire Cette autre affirmation de rupture vis vis du tissu banlieusard m lange de traces rurales et de prolif ration pavillonnaire a encore pour effet de d signer avec plus d vidence un ensemble qui se manifeste la fois par sa taille2. conduites par des architectes ayant t capables de reconsid rer leur mani re d appr hender l objet architectural ont souvent abouti des d ceptions faute d une pr paration et d un outillage appropri s un type de d marche quasi ethno architectural Il y a dans cet entre deux de l observation ethnographique participante et de l architecture en site habit la place pour de nouveaux m tiers servant des projets qui ne sacrifieraient ni l architecture ni l habitant Il est hors de question ici de retracer la politique de la ville qui depuis 1983 et le rapport d Hubert Dubedout s est mise en place progressivement On observera seulement que cette politique de la ville r alise rarement une articulation pertinente entre l action sur le patrimoine immobilier et les actions en faveur des multiples autres aspects de la vie sociale qui bien entendu d bordent la condition de locataire et inscrivent l individu et le groupe dans des situations par rapport l cole au travail la vie associative la vie de quartier plus g n ralement la vie politique Ces diff rents aspects sont on le sait eux m mes abord s malgr des vell it s contraires de mani re isol e l exemple des cloisonnements qui se dressent entre les administrations et en prolongement entre les domaines de comp tence La vie de l habitant ne fonctionne pourtant pas de cette mani re quasi schizophr nique elle part d une appr hension la fois lo
3. la science biologique qu des rationalit s spatiales constructives et conomiques permettant la r alisation d un tel programme pour le plus grand nombre Cette rationalit d veloppe son investigation dans les moindres gestes de la m nag re l univers du logement observ par la science ergonomique de Ernst Neufert ce professeur du Bauhaus n a plus de secret elle participe de cet effort de transparence auquel aspire d une mani re totale l id al du Mouvement moderne La volont de transparence et le d sir d galit envahissent la forme du grand ensemble l homme est nu dans son habitat et l espace urbain L habitat ne cache plus en introduisant des s quences de progression entre le public et le priv on doute m me de la r alit d existence du priv puisqu une transparence sonore vient contredire la cl ture des appartements l habitat n identifie et ne signifie plus par le marquage des diff rences puisque l galit postul e des humains travers le droit l mentaire au logement rend incongru l accessoire pr cis ment ce qui distingue et impose la r p tition l identiquit dirais je volontiers comme t moignage par la forme de cette galit de condition L habitant est oblig de refouler son moi dans l appartement contraint qu il est par la relation n cessairement imparfaite entre son int rieur et l ext rieur de son immeuble L habit lui m me cet effet personnel est radicalement banni en ve
4. montr On pourrait trouver sans difficult en cette culture de la transparence les lin aments d une pens e morale sur la v rit qui passe sans trop de peine de la v rit constructive la v rit esth tique et vous colle chemin faisant du pan de verre l o l habitant mettrait plus volontiers un bout de rideau A la m me poque le sociologue allemand Georg Simmel d veloppait pourtant une th se devenue fameuse sur la fonction du secret dans la formation de la culture urbaine et voyait pr cis ment dans l anonymat que permettait la ville la fois par sa dimension mais aussi sa configuration le d dale de ses rues et l imp n trabilit relative de ses quartiers l un des facteurs d mergence de ce secret La culture dominante des architectes n adh re pas ces consid rations et sans doute bien plus qu une volont de contr le social pr occupation de politique et de gestionnaire est ce plut t cette hypertrophie de la vision perspective de la perception totale de l espace qui inspire cette volont de transparence et condamne comme stigmates de la r gression et au d sespoir de quelques uns tel Henri Gaudin le labyrinthe et la cl ture ces modalit s qui prot gent le secret L Utopie sociale l ordre urbain et la r p tition comme rationalit et expression de l universel d mocratique l galit Car la transparence est aussi une vertu des Lumi res on sait la fortune qu a ce terme dans la d m
5. Grasset 1961 24 G Althabe et alii Urbanisation et enjeux quotidiens Paris Anthropos 1985 25 P Clerc Les grands ensembles Paris PUF 1963 26 J C Kaufmann op cit 27 J C Chamboredon M Lemaire Proximit spatiale et distance sociale in Revue Fran aise de sociologie XI 1970 Paris pp 3 33 28 P Bourdieu Effets de lieu in La mis re du monde Paris Le Seuil 1993 pp 159 167 29 D Pinson Des banlieues et des villes Paris Les Editions ouvri res 1992 30 R Guglielmo B Moulin Les grands ensembles et la politique in H rodote N 43 Paris 1986 pp 39 74 et D Pinson Voyage au bout de la ville op cit 31 Il est frappant de noter la fr quence d utilisation de ce mot par les habitants des grands ensembles pour qualifier leur arriv e dans la ZUP et affirmer ainsi qu ils n avaient pas eu d autre choix 32 H Raymond M G Raymond A Haumont N Haumont L habitat pavillonnaire Paris CRU 1966 33 D Pinson Rez 1954 entre lotissement vertical et horizontal in Villes en parall le revue du Laboratoire de g ographie urbaine Universit de Paris X Nanterre pp 89 105 34 Plan Construction PAN Programme Architecture Nouvelle Documents 4 7e Session Paris MEL mai 1975 35 R Prost Conception architecturale une investigation m thodologique Paris L Harmattan 1992 chap IV 36 H Raymond L architecture les aventures spatiales de la raison Paris CCI Centre G P
6. L ARCHITECTURE DES ZUP COMME CULTURE OU LA MONUMENTALISATION DU LOGEMENT Daniel Pinson paru dans Les Cahiers de la Recherche Architecturale n 38 39 Marseille Parenth ses 1996 Il est aujourd hui largement convenu que la forme urbaine des ensembles o surgissent des troubles sociaux d voil s p riodiquement par des r voltes violentes n est pas un facteur d terminant ni m me influant dans le d veloppement de ces probl mes On ne peut faire cependant l conomie d une r flexion sur ces parties de la ville et faire comme si elles ne constituaient qu un d cor la mis re du monde d autant que ces espaces frapp s de vieillissement font l objet de r habilitations restructurations et r urbanisations diverses mises en oeuvre par les moyens d une politique urbaine volontaire d ploy e depuis 1983 dans le cadre des DSQ puis des contrats de ville Si l on se place du point de vue des acteurs de ces interventions sur le b ti et ses abords tous ces travaux sont ou bien consid r s comme une r paration n cessaire r sultant d un d faut d entretien ou d un surcro t de d gradation ou bien encore envisag es comme occasion de r aliser des corrections un mod le d urbanisation vieilli ou encore plus radicalement comme une alternative l absence de qualit urbaine de ces lieux d exclusion Ainsi implicitement se d gage l id e que la forme urbaine et architecturale n est pas sans effet sur la vie sociale dans ce
7. cale et globale plus ou moins spontan ment int gr e Il semble que l on commence comprendre cela On per oit moins bien semble t il les rapports complexes qu entretiennent les dispositions urbaines et architecturales avec les pratiques sociales et l on a tendance renvoyer les difficult s d existence des populations aux seuls manques de travail de formation et aux autres effets de l exclusion conomique et sociale laquelle s ajoutera l exclusion ethnique Pour aussi fondamentales que soient ces approches elles n autorisent pas de faire l conomie d une r flexion sur l am nagement de l espace son chelle domestique comme son chelle urbaine au contraire elles doivent mettre sur la piste de solutions qui ne laissent pas le choix des r am nagements d espace aux seules conclusions que peut d gager un ma tre d ouvrage de l tat de son patrimoine un architecte de l illumination fugitive que lui sugg re une situation qu il aura entraper ue entre deux avions et un maire de se satisfaire de l cho publicitaire d un concours ouvert sur le site traiter et pour lequel il aura fait appel de grands noms Une autre culture professionnelle de l espace est b tir qui fasse mieux le lien entre la vie sociale et les configurations architecturales et urbaines nourrie d attention aux effets anthropologiques de la forme en contrepoint cette culture techno monumentale qui a gagn la conception des architectes au fil d
8. ctif et individuel dont l architecte doit tenir compte d tenteur d une comp tence qui est directement li e son exp rience r sidentielle sur son lieu d habitat et dans son logement A travers ce processus d appropriation et la relation troite qui s difie entre le sujet l habitant et l objet l architecture du logement surgit une situation pla ant l architecte dans une posture inhabituelle dans la culture artistique l int rieur de laquelle il se situe traditionnellement C est ce que Philippe Genestier appelle la limite basse du projet urbain le niveau du quotidien en opposition une qu te de monumentalisme qu il consid re comme inapt e aujourd hui Au niveau du quotidien en tout cas l attention des d tails troitement li s la vie habitante devra d sormais se substituer une attention exclusive au plan de masse De ce dernier il n est cependant plus pensable de nier apr s ce que nous avons tent de d montrer les effets sur la construction spatio identitaire Sa restructuration le r am nagement de ses figures immobili res constitutives comme de ses espaces publics devra d sormais r introduire la pr sence d une urbanit domesticit famili re en lieu et place d une monumentalit qui ne donne sens qu un effort de l Etat Providence aujourd hui per u comme un abandon A vrai dire une telle rupture conceptuelle est tout fait difficile r aliser et les exp riences de concertation
9. ein dans la masse construite de l architecture pour y faire circuler l air d abord puis les rayons du soleil ensuite avec la d couverte du bacille de Koch au d but du XXe si cle mais aussi dans la mise en ordre de l espace reproduction d un ordre productif qui prend ses distances avec le topos se distribue dans un espace cart sien l exemple de la halle de fabrication se donne voir aussi pour le commandement et la surveillance Il y a en fait continuit entre la pens e des ing nieurs du XIXe qui cr ent les cit s patronales et la pens e moderne en particulier celle de Le Corbusier qui se r clame d une esth tique de l ing nieur et qui trouvera plus tard dans l Etat patron le m c ne de sa vision du logement du plus grand nombre L esth tisation du principe panoptique la transparence comme id alisation et technique d aseptisation de l espace L ordre en soi ne serait pas cependant si insupportable s il n tait pas domin par un contenu totalement panoptique les vides y supplantent un tel point les pleins qu en plus de l air et du soleil le regard peut s y d ployer avec une libert qui devient efficacit polici re pour le gestionnaire de cet espace et viol d intimit s pour celui qui y inscrit ses secrets domestiques En plus d une aversion du d cor la culture architecturale moderne a toujours montr un app tit d mesur pour la transparence les pol miques r centes autour de la TGB nous l ont encore
10. entre vie sociale et forme urbaine s il n y a pas lien de cause effet entre anomie sociale et dispositif architectural et urbain on ne peut nier qu il existe un rapport entre la d finition spatiale du logement sa distribution dans les tours et les barres la configuration et l implantation de ces derni res et le type de pratiques qu elles peuvent contenir et structurer Le credo industrialiste le standard l esth tique de l ing nieur l urbain et le social comme m caniques appareils Les mod les produits par le Mouvement moderne ne sont pas simplement de purs objets techniques pens s en fonction d une unique rationalit technique m me si cette derni re a beaucoup pes sur la conception du logement moderne Des travaux de recherche les plus r cents men s sur la g n se des principes fondant la configuration architecturale et urbaine du logis du plus grand nombre montrent qu une pens e sociale la fois explicite et implicite tait la source des solutions adopt es On peut m me affirmer que la consid ration technico conomique tait englob e dans cette pens e sociale par la place qu accordait cette pens e aux vertus du progr s et au coeur de celui ci des avanc es technologiques Il existe ainsi un rapport ind niable entre la conception du grand ensemble et celle de la cit patronale dans sa version muhlousienne 1845 pas seulement dans cette obsession de l espace fluide du vide qui supplante le pl
11. er travers ce qu il appelait la r novation inverse des grands ensembles ce que l administration a par la suite nomm par un glissement s mantique assez curieux la r habilitation Il s est d ploy cet endroit l une des domaines de r flexion et d exp rimentation les plus importants de l architecture du logement social voire de l architecture tout court d une mani re syst matique l architecte repense une architecture produite une poque donn e pour des finalit s sociales pr cises mais d pass es afin de l adapter aux changements intervenus dans les modes de vie urbains et domestiques La r habilitation constitue par l m me un champ nouveau de r flexion th orique associ e un ensemble de r alisations exp rimentales Il s agit de conceptualiser et d int grer au travail projectuel de l architecte comme l a bien remarqu Robert Prost une pratique qui se situait auparavant en dehors de son travail centr sur la construction neuve ou l extr me limite sur la restauration Un autre aspect important de la r habilitation est directement issu du fait que dans beaucoup de cas ces ensembles continuent d tre habit s tandis qu ils font l objet de restructurations Cette situation inverse totalement la relation qu entretenait auparavant l architecte avec l habiter d abstrait et de normatif ou de subjectif qu il tait dans les ann es 60 l habiter redevient concret L habitant est alors un sujet colle
12. es si cles en particulier dans le rapport de commis d Etat que la profession a entretenu pour certains travaux et que le Mouvement moderne a fini par transf rer celle du logement au XXe si cle Certes l architecture et l urbanisme ne r soudront pas la crise sociale mais comme expression mat rialis e d une organisation de l espace qui r git la mobilit les cohabitations les relations du public et du priv du banal et du monumental du profane et du sacr de l autonome et de l h t ronome etc ils facilitent consolident ou contrecarrent par leurs dispositifs les rapports sociaux urbains Notes 1 Ces travaux sont trop nombreux pour tre cit s Ils participent de ce qu on peut appeler une anthropologie spatiale 2 C Borngraeber Francfort la vie quotidienne dans l architecture moderne in Les Cahiers de la Recherche Architecturale n 15 16 17 Architecture et politiques sociales 1985 pp 114 123 3 L Murard P Zylberman Le petit travailleur infatigable Paris Recherches 1976 4 Le Corbusier Vers une architecture Paris Cr s 1923 5 G Simmel M tropoles et mentalit s in L cole de Chicago naissance de l cologie urbaine pr sent par Yves Grafmeyer et Isaac Joseph Paris Champ urbain 1970 6 H Gaudin La cabane et le labyrinthe Li ge Mardaga 1984 7 H Raymond L architecture les aventures spatiales de la raison Paris CCI Beauboursg 1984 8 A Rossi L architecture de la vil
13. fait pour recr er dans les grands ensembles et les ZUP des regroupements sociologiquement repr sentatifs de la soci t fran aise avec la jeunesse des populations accueillies en plus Ardemment d sir e la r ussite de cette mixit qui est encore un mythe auquel on continue de s accrocher avec un int grisme inadapt sans nuances n a pas r sist au substrat de diversit des micro mod les culturels internes la soci t fran aise et des projets familiaux fortements d termin s par les capitaux conomiques et culturels Les premiers ont rendu les cohabitations d autant plus difficiles que les transparences visuelles et sonores de l espace les rendaient plus perceptibles les seconds ont fait clater le m lange en rendant in vitable avec la substitution de l aide la personne l aide la pierre 1977 l chapp e des plus fortun s vers le pavillon Les fractions les plus d munies des grands ensembles en sont rest es captives tandis que la crise d versait par ailleurs dans le logement social les victimes de ses effets multiformes perte d emploi abandon du r ve d accession illusion du retour d migration L antiterritoire dans le territoire l urgence et le gigantisme contre l oeuvre patiente du temps Mais un autre obstacle l int gration urbaine des grands ensembles surtout des ZUP et cons cutivement de leur population est largement li aux conceptions qui fondent leur constitution comme territo
14. ire celle du temps de leur r alisation celle de leur taille et celle de leur rapport au territoire existant l poque de leur construction la crise du logement met en vidence l ampleur de la t che et l urgence de la situation question simple r ponse simple il faut faire vite et grand Les r serves fonci res des grandes villes tant souvent puis es c est quelquefois sur le territoire des communes de banlieues que l on va cr er ces villes nouvelles avant l heure qui ne sont pour l instant que des banlieues dortoirs et qui dans beaucoup d endroits en arriveront doubler la population initiale des banlieues concern es V nissieux par exemple Or l Etat consid re ces communes comme inaptes mener leur terme de tels projet La crise du logement justifie l encore toutes les logiques d urgence de d l gation de pouvoir et les grands ensembles n y chapperont pas La cr ation de la SCET filiale de la CDC puis celle des soci t s d quipement qui en d pendront loigneront progressivement des collectivit s locales la d cision de cr ation d tude et de conduite de ces vastes op rations Ce moment marque le d but de l offensive de l Etat pour substituer l chelon de la commune celui de l agglom ration On mesure mieux aujourd hui le ravage territorial et humain qu ont occasionn ces bombardements de cit s dans les banlieues de populations d racin es dans des populations fortement enracin es
15. l expose devant l ASCORAL Association des constructeurs pour le renouveau de l Architecture du Logement la fin de la seconde guerre mondiale Il y d veloppe cette fameuse p dagogie de l habiter dont il pr conise l enseignement d s le plus jeune ge On en voit toute l influence chez ses contemporains lorsqu ils exposent ses c t s et pour Paul Henry Chombart de Lauwe leur conception du logement Le d roulement de la vie domestique y est v ritablement con u comme l application du mode d emploi d une machine l habitant se trouve devant un objet dont il est cens ignorer le fonctionnement Tout cela semble pure logique puisque le logement est une machine domestique au m me titre que la machine laver ou l aspirateur D o l absolue n cessit de se r f rer un mode d utilisation tant donn que la technique ne livre ses secrets qu ceux qui se soumettent ses r gles En ce sens le pouvoir de la m canisation est non seulement une r alit une ran on du confort qui affecte avec une intensit insoup onnable les g n rations d architectes qui c toient Le Corbusier mais aussi le Ma tre lui m me totalement subjugu par ce pouvoir qui l difie en mythe vivant pour la machine habiter La modernisation du logement est sans doute un progr s incontestable et qui doit beaucoup la production industrielle des appareils m nagers Cependant le Mouvement moderne glisse entre les arts m nagers moder
16. la hauteur de ses barres et tours et la signal tique formelle de sa modernit marqu e par la r p tition et le d pouillement autant d attributs qui qu on le veuille ou non identifient d s le d part mais son insu l habitant et son habitat tranger aux yeux de l autre l autochtone Perception des ann es 60 qui ne pourra que se radicaliser lorsque la population accueillie en HLM se mutera en pieds noirs puis en africains noirs et maghr bins Ainsi le grand ensemble pr sente dans sa structure interne comme cadre physique r ceptacle de vies sociales aussi bien que dans sa configuration externe d isolat sans rapport avec le territoire constitu de longue date dans lequel il est introduit brutalement comme cadre de consommation et de reproduction autosuffisant toutes les caract ristiques qui rendront l int gration interne de sa population et son int gration externe dans le territoire et la communaut pr existants probl matiques Il constitue en fait un cadre enti rement bureaucratique la r ponse techno administrative une situation d urgence devenue r alit gr ce la rencontre entre une interpr tation peine r ductrice de la doctrine moderniste des CIAM et l mergence de l Etat Providence En guise de conclusion projection entre projet social et projet urbain Le groupe d architectes Arcane a eu l initiative en 1975 dans le cadre de la 7e session du Concours PAN Programme Architecture Nouvelle de pos
17. le 1966 Paris L Equerre 1981 9 Le Corbusier Les trois tablissements humains Paris Minuit 1957 10 N Elias La soci t de cour Paris Calman L vy 1974 et R Sennett Les tyrannies de l Intimit Paris Le seuil 1979 11 L Architecture d Aujourd hui n 36 Boulogne sur Seine Ao t 1951 12 Le Corbusier Mani re de penser l urbanisme Paris Les Editions de l Architecture d Aujourd hui Boulogne sur Seine 1946 Appendices 13 P H Chombart de Lauwe Famille et habitation Paris Editions du CNRS 1960 14 S Giedion La m canisation au pouvoir Paris CCI Beaubourg 1978 15 J Dreyfus La soci t du confort Paris L Harmattan 1990 16 Le Corbusier Vers une architecture Paris Cr s 1923 17 P H Chombart de Lauwe op cit 18 H Raymond Urbain convivialit culture in Les Annales de la recherche urbaine n 37 Paris MELT PU pp 3 8 19 D Pinson Voyage au bout de la ville ACL Crocus Saint S bastien sur Loire 1989 20 C Moley L immeuble en formation Li ge Mardaga 1991 21 J C Kaufmann La vie HLM Paris Lyon Les ditions ouvri res Economie et Humanisme 1983 22 D Pinson Diffusion des modes de vie et brouilage des types architecturaux une interrogation actuelle de la typologie in J C Croize J P Frey P Pinon Recherches sur la typologie et les types architecturaux Paris L Harmattan pp 239 254 23 C Rochefort Les petits enfants du si cle Paris
18. les classes clair es ont au contraire continuement cherch affirmer la dimension priv e L espace priv du pauvre devient public Cette publicit participe l encore de cette transparence qui caract rise l architecture du logement inspir e dans les ZUP par le Mouvement moderne 2 La crise d un ultime mod le d int gration urbaine autoritaire On n a sans doute pas puis l lucidation des raisons qui ont progressivement abouti la pr f rence de l Etat fran ais pour les propositions du Mouvement moderne La capacit technique de celles ci affronter un changement d chelle dans la production du logement y est sans doute pour beaucoup Les termes du concours pour la Cit Rotterdam Strasbourg capacit de production atteignant 800 logements implication des entreprises d s la conception ouvert en 1951 l initiative du Ministre de la Reconstruction et de l Urbanisme Eug ne Claudius Petit en sont une illustration ind niable Une tentative d urbanisation des moeurs par la p dagogie du bien habiter Derri re la forte argumentation de l efficacit conomico constructive p n tre au grand jour mais plus souvent en contrebande des dispositifs qui confortent un mode d habiter relativement pr cis lui m me d fini par le concepteur et consid r comme devant tre adopt par l occupant du logement car conforme au mode d emploi que dicte la machine habiter C est bien le projet de Le Corbusier tel qu il
19. nes et la culture domestique traditionnelle le m me type de rupture amn siante que celle qu il introduit entre la cit moderne et la ville ancienne La p dagogie de l habiter moderne est associ e au refoulement pour ne pas dire la r pression de la culture acquise qui m susait Le Corbusier de l espace l instar du Manuel de l habitation il faut faire le grand vide l armoire normande et la soupe au choux qui d go tait tellement Marcel Lods n ont plus leur place dans le logement moderne comme le jardin ouvrier n a plus sa place dans la ville moderne De fait le logement moderne par sa composition comme par son mode d emploi appelle un mode de vie implicitement urbain si tant est qu on puisse s rier l urbanit dans un genre de vie unique Tout ce qui peut entretenir de pr s ou de loin un rapport avec une vie rurale peine effac e dans l habitus de l occupant du logement moderne est objectivement condamn puisqu il n existe rien dans l appartement un cellier ou une cave digne de ce nom ni dans la cit qui en permettrait l exercice Quel combat a t celui des habitants de HLM pour obtenir un lopin de terre o ils puissent cultiver un petit jardin Et l on mesure cette autre anomalie des grands ensembles mais aussi de la th orie du logement minimum lorsque leur conception pr conisait pour les bellevillois d port s La Courneuve et les ruraux bretons et vend ens abrit s dans les ZUP de Rennes o
20. ocratie d aujourd hui et quel point il obs de les politiques ces hommes publics par excellence Les architectes du Mouvement moderne sont porteurs de ces belles valeurs elles participent de leur culture et ce d sir de v rit cette fin ultime de la transparence obs de aussi bien leur d marche de constructeur que de metteur en forme des normes sociales Ces derni res auront pr cis ment souvent chez les plus radicaux d entre eux nous pensons bien s r Le Corbusier et sa science du logis les contours des universaux biologiques caract ristiques de la nature humaine auxquels s ajoutera l effet lib rateur des cadeaux de civilisation machiniste mod le dont l expansion mondiale ne paraissait pas faire le moindre doute L homme est promis cet avenir de lumi re son unit biologique appelle son unit de condition sociale l architecture l urbanisme se doivent d exprimer cette conception que la science et le progr s ne tarderont pas imposer la soci t enti re L architecte qui au XIXe si cle travaillait pour le propri taire de la maison loyer ajustait la d finition des logements qui composaient l immeuble difier la connaissance empirique approximative mais r aliste de la soci t L architecte moderne d finit l habitat partir d une ration de logement concept que l on doit Ernst May et qui renvoie autant la notion d un minimum vital d fini partir de consid rations empruntant
21. ompidou 1984 37 D Pinson Architecture et usage Paris L Harmattan 1993 38 Ph Genestier Que vaut la notion de projet urbain in L Architecture d Aujourd hui n 288 Paris septembre 1993 pp 40 46 39 C est en particulier le sens du travail de l Equipe TGT J C Garcias Jean Jacques et J r me Treuttel et sur un autre registre de l architecte Lucien Kroll 40 Ph Bataille D Pinson Maison Radieuse de Rez volution et r habilitation Paris MEL PCA Coll Recherches 1990 41 B Haumont Un nouveau champ pour l architecture et ses recherches le projet urbain in Les Cahiers de la Recherche Architecturale n 32 33 Marseille Editions Parenth ses pp 103 110 42 H Dubedout Ensemble refaire la ville Paris La Documentation fran aise 1983 43 F Dubet D Lapeyronnie Quartiers d exil Paris Seuil 1992 sous la direction de P Bourdieu La mis re du monde Paris Le Seuil 1993 C Jacquier Voyage dans dix quartiers europ ens en crise Paris L Harmattan 1991 44 B Huet L architecture contre la ville in AMC N 14 Paris D cembre 1986 pp 10 14
22. rtu de la r glementation HLM de la fa ade o il serait tent de chercher le soleil pour achever son cycle de propret La monumentalisation du logement la banalisation du temple ou l inversion des valeurs urbaines La ZUP ou l Unit d habitation de grandeur conforme sont devenues les manifestes architecturaux du Mouvement moderne aboutissement logique de la place qu occupait la question du logis dans les principes fondateurs la raison d tre des CIAM Comme l a tr s judicieusement remarqu Aldo Rossi la cit Radieuse de Le Corbusier est l un des rares b timents existants qui rige le logement au statut de monument Les allusions de Le Corbusier au Phalanst re de Fourier ce que ce dernier appelait aussi un Palais social accr dite cette interpr tation d Aldo Rossi On peut aussi tendre cette remarque aux ZUP et aux grands ensembles qui se pr sentent comme des totalit s autosuffisantes faisant abstraction de leur environnement ou le mettant en simple situation d accompagnement La composition architecturale des ZUP se pr sente la plupart du temps comme si le reste de la ville n existait pas et le mat riau principal de la composition concerne avant tout le logement Dissoci es de la rue qui est devenue la voie de circulation automobile les masses b ties des immeubles de logements d terminent l pannelage de l ensemble Les mergences les plus lev es celles qui font rep re sont chaque fois des tours de ving
23. s ensembles Nous voudrions tenter de r fl chir dans cet article et en nous appuyant sur des travaux ant rieurs l articulation entre forme urbaine et vie sociale en analysant la forme du grand ensemble comme expression d une culture monumentale du logement la rencontre entre les pr occupations de l Etat Providence d une ma trise d ouvrage sociale en limite d int gration l appareil d Etat et d une ma trise d oeuvre aliment e par les travaux d Etat entrant en opposition avec celles des habitants litt ralement confront s cette culture techno monumentale de l espace du logement s y adaptant ou se l appropriant plus ou moins activement 1 La forme urbaine du grand ensemble comme repr sentation culturelle de la ville Divers travaux sociologiques et comparaisons internationales ont prouv qu il n y avait pas de lien direct entre la forme urbaine et le contenu de la vie sociale qui s y d veloppe Ainsi des op rations de promotions immobili res priv es qui reprenaient les mod les urbanistiques et architecturaux des grands ensembles avec une qualit constructive peine meilleure n ont jamais fait parler d eux Pr sentant les manques commun ment reproch s aux grands ensembles ils ont souvent fait office comme cela a t d montr de solution transitoire pour les classes moyennes en attendant l acc s au pavillon Mais cependant la solution d attente ne constitue pas une n gation du lien qui peut exister
24. t tages destin es au logement Dans la ville ancienne ou classique le campanile le clocher le d me ou le beffroi avaient cette fonction de signal attribut de ce qu Aldo Rossi appelle l difice singulier Par l m me ce dernier dominait le reste de la ville en particulier cette somme d habitations align es sur la rue qui ainsi ouvraient la perspective sur le monument religieux ou civil Ceux ci sont d sormais banalis s dans la ZUP ils deviennent de simples quipements rarement valoris s dans la composition de toute fa on cras s par la tour signal sur laquelle focalise la composition la plupart du temps mis en marge des centres de gravit du plan On assiste ainsi l inversion des valeurs compositionnelles de l architecture urbaine qui accompagnaient les conventions de l urbanit et qui faisaient que de tout temps ce qui exprimait la communaut paroissiale civile ou d mocratique l espace public se subordonna it le priv sauf lorsqu il tait d ordre f odal le roi et son palais faisant alors quasiment partie du domaine public Avec l utopie du Phalanst re la r alit de la Cit Radieuse et des grands ensembles le logement cette mission d humanit du Mouvement moderne devient monument la question du logement donne voir son importance elle devient affaire publique D une certaine mani re la monumentalisation du logement rend ainsi publique travers la ZUP une dimension domestique dont
25. u de Nantes le m me type d habitat quelques diff rences insignifiantes pr s et syst matis s en catalogues autour des ann es 60 En ce sens le logement moderne impose une norme spatiale unique qui pr tend ramener la vie domestique ses exigences d utilisation d emploi judicieux de bon usage On est loin du temps o l on pensait les types de logements dans l institution HBM en fonction de la r alit des mani res de vivre des populations travers le mod le rural Henri Becque et le mod le urbain Emile Zola Une logique normative nouvelle uniformise les mani res de vivre les types familiaux les diff rences de contextes elle exprime d une mani re caricaturale l galit devant le droit au logement elle le r sume l acc s au confort pens avant tout comme acquisition d appareils m nagers dont l emplacement est pr vu dans le logis elle en dicte les conditions d utilisation Sortez de cet usage normatif implicitement et explicitement r glement et vous tes vous habitant hors norme passible de condamnation sinon pour tout le moins d un proc s car les transparences urbaines d crites plus haut ne seront pas sans vous exposer dans votre mode de consommation non conforme au regard des autres L artifice de la mixit bureaucratique L Etat et le Mouvement HLM mettaient de grands espoirs dans l int gration sociale par le partage de la modernit du logement Certains de son efficacit ils ont tout
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