Dérives et retours sur la question du Voyeurisme en art
Contents
1. La situation que d crit Proust est parfaite elle pr serve l s conditions originelles du voyeurisme Le voyeur est engag physiquement dans un processus d observation et en m me temps contraint au c ur de son indiscr tion une totale discr tion Son sujet ignore qu il est observ et ainsi n a pas adopter les dispositions r flexes et autres qu veillent et obli h 4 s m ma m E an fa mi i LE Ia a Marcel Duchamp tant donn s 1 lo chute deou 2 le goz d corose 2461966 Environnement en mot rioux mistes Don d la C sanrda Foundation Philodelohio Museum ot Art gent la pr sence d un autre pas plus que le voyeur qui se sent l abri dans un contexte qui pourrait tre celui de toute puissance du cr ateur pench sur ses cr atures Sartre a bien montr et Deleuze ensuite combien l autre d termine ma perception de lunivers Pire encore celui qui est surpris qui d couvre le regard de l autre sur des gestes qu ils croyaient secrets se sent terriblement d poss d symboliquement H lui faut rattraper le sens qui fuit l oppos regarder l autre son insu l pier c est se pr server du rapport qui le poserait en tribunal en police de la conscience c est le maintenir en son statut d objet d tude c est par ce pr l vement d intimit se r server la position pnivil m e d observateur en controle de la situation puisque celle ci empeche toute r ciprocit Imagin2. Article D rives et retours sur la question du Voyeurisme en art Alain Laframboise ETC n 56 2001 2002 p 10 14 Pour citer cet article utiliser l information suivante http id erudit org iderudit 35341ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 00 D RIVES ET RETOURS SUR LA QUESTION DU VOYEURISME EN ART Lo EET re erp nence ge Brunelleschi 0 Voyeur n m s est sp cialis 1833 pour d signer une personne qui assiste sans tre vue des sc nes rotiques Le Robert Dictionnaire historique de la langue fran aise Pars Dictionnaires Le Robert 1998 p 4111 est le privil ge de l art in cluant la htt rature de nous
3. je le suis dans un monde qu autrui m a ali n car le r gard d autrui embrasse mon tre et corr lativement les murs la porte da serrure toutes ces chases ustensiles au milieu desquelles je suis tournent vers l autre une face qui m chappe par principe Ainsi je suis mon ego pour l autre au milieu d un monde qui s coule vers d autre Dans La peinture incarn e Georges Didi Huberman commente la pudeur du sujet qui se d couvre vis non point par un observateur dissimul qu il aperce vrait soudainement mais par un regard dont il devine tout coup la convoitise Ici le sujet en question ex prime toute l ambigu t qu il y a entre r sister cette scrutation d un regard porteur de d sir avec la vio lence coextensive ce d sir et se rendre cette vo lont trang re qui impose une lecture une com pr hension de soi par l autre L incarnat qui est peau et qui est sang lincarnat se rait comme la couleur m me de l tre regard d un corps en tant gu il est d sir L rubescence vient la peau le sang y venant du fond vers la surface lors que le regard comme on dit perce la peau veut aller jusqu aux fonds La pudeur comme moment d rubescence manifeste en effet cela m me dont elle voudrait faire le retrait Tout d sir de voir s affole s exasp re devant la pudeur et toute pudeur s affole se manifeste devant ou dans le d sir Elle rougit Le voyeur d robe Le v
4. couch e gravure extraite de l Unterweysung der Messung Nuremberg 2 dition 1538 Bibl Mat Paris gager dans un expos exclusivement th orique le parcours propos ici prend la forme d un bref et tr s arbitraire retour sur un petit nombre de textes et d uvres li s la question du voyeurisme Voir Voir pour comprendre pour organiser le monde travers sa perception Ce fut ce que les pein tres de la Renaissance cherch rent au moyen de la perspective Brunelleschi le premier en d termina implicitement les r gles travers un objet un petit tableau la Tavoletta prototype dont la r alisation impliquait une construction de l espace plut t que sa probl matique reproduction Cette peinture la repr sentation du baptist re San Giovanni de Florence comme il faut au peintre pr supposer un lieu unique d o l on doit voir sa pein ture eu gard aussi bien la hauteur qu la largeur et la distance i Brunelleschi avait perc un trou dans le panneau sur lequel elle tait peinte qui se si tuait dans la partie peinte du temple de San Giovanni en ce lieu o percutait l il au droit de qui regardait depuis ce lieu l int rieur de la porte centrale de la cath drale Santa Maria del Fiore o il se serait plac s il l avait repr sent au jug Lequel trou tait petit comme une lentille du c t qui tait peint et de l autre allait s largissant en forme de pyramide comme fait un chape
5. permettre d prouver des motions que nous n avons pas v cues La litt rature rotique et l art rotique m me s ils sont souvent consid r s comme des sous genres en ont fuit depuis longtemps la preuve Aujourd hui du fait de la noto ri t de leurs auteurs certains textes avant m me mode d emploi de lo lavolstio d tre lus gagnent en altitude dans la hi rarchie des genres litt raires D couvre t on vraiment f t ce au feminin les descriptions cliniques les exploits statisti ques et le plaisir du plaisir sans culpabilit Quoiqu il en soit le simple fait que l on se questionne ce sujet m rite d j l existence de tels ouvrages ne serait ce que pour savoir si l on doit appeler voyeur le lecteur ou le spectateur d une uvre qui fait sa part la sexualit ou l rotisme ou encore d clarer voyeurs ceux que les catastrophes semblent un peu trop fasci net et qu un d sir de voir concr tement les sinistres attire sur les lieux D sir malsain ou d sir de con naitre de comprendre au plus pr s le malheur inscrit dans la mati re Il existe une impr cision terminologique et concep tuelle autour du mot voyeurisme qui fait qu on l largit trop souvent au point o il recouvre des conduites multiples qui ont peu voir avec la situa tion qu il a d abord servi d finir Plut t que de s en FA LA sal SA el El kat Albrecht D rer Homme dessinant une femme
6. agnole qui donne et barre l acc s ce peep show l en ar aussi fait l exp rience au mus e de Philadelphie amen l par mon d sir de voir de l art non de la pornographie Pourtant c est en voyeur que je zieute et me fait l exp rience de cette ma n e ouverte qui s offre moi et a moi seul Der ri re moi dans la salle du mus e quelqu un vient peut tre d entrer que je ne vais pas me surprendre mais dont je sens le regard picoter ma nuque pendant que coll la porte et encadr par son chambranle de bri ques je fais figure ou tache dans le tableau plut t pi euse d ailleurs a Puis me rendant compte que personne ne pouvait me voir je r solus de ne plus me d ranger ce moment o il ne se croyait regard par personne les paupi res baiss es contre le soleil M de Charlus avait relich dans son visage cette tension amorti cette vi talit factice qu entretenaient chez lui l animation de la causerie et la force de la volont Je regrettais pour lui qu il adult rit habituellement de tant de vio lences d tranget s d plaisantes de potinages de du ret de susceptibilit et d arrogance qu il cachat sous une brutalit postiche l am nit la bont qu au mo ment o il sortait de chez Mme de Villeparisis je voyais s taler si na vement sur son visage je ne pus m emp cher de penser combien M de Charlus eut t fich s il avait pu se savoir regard
7. au de paille f minin jusqu au diam tre d un ducat ou un peu plus Et il voulait que l il se pla at son revers l o le trou tait large et que celui qui devait y regarder d une main le collat contre son il et de l autre tint face la peinture un miroir plan de fa on que celle ci s y r tl chisse Or ce premier dispositif astreint le spectateur vi ser travers un petit trou l image que lui retourne un miroir se trouvant ainsi r duit la position de voyeur ainsi que l a expos Hubert Damisch ce moment au tout d but du XV si cle alors qu est propos le mod le de ce que sera la repr sentation perspectiviste tel que l a pr sent Manetti le biogra phe de Brunelleschi le spectateur se cache derni re le tableau mais un il son il r fl chi par le miroir vient le surprendre et lui renvoyer son regard indis cret Manetti affirmait d ailleurs propos de tout spectateur d une uvre de peinture ceci encore que qui regarde ne soit jamais discret Dans la mesure o la Renaissance optique et pers pective taient per ues comme en co ncidence voici un passage des Carnets de L onard qui dans l esprit des historiens de l art accompagne obligatoirement la description que fit Manetti D montre comment rien ne peut tre vu que par une petite fissure travers laquelle passe l atmosph re charg e des images d objets qui s entrecroisent entre les c
8. dymade Duchamp entre avantgarde t tredition Nimes Ed Jocqueline Chambon 1989 p 35 et 38 T Marcel Proust lo recherche du temps perdu Sodome et Gomorrke Paris Gallimard Guarto 1999 p 12101211 Giles Deleuze logique du sens Paris Minuit 1971 JeonPoul Sorre l tre et le n ant Essai d ontologie ph nom nologique Paris Gallimard 1968 p 317 ibid p 319 Ajoutons qu il n est pos oblig de penser ou de croire comme F 5 que cette Ind terminotommpr isibili de soi pour autrui et d outrul pour soi tonde lo libert de l un et de l outre Georges DidHuberman Le peinture incarn Paris Minuit 1985 p FIFA Dani Xil 154 Proust oo cit p 1215
9. eau cache en bois f un syst me secret permettant de faire glisser le bois pour d couvrir l uvre de Courbet qu la plupart du temps restait dissimul e L Origine du monde une image faite pour rester ca chee Une image interdite secr te devenue specta cle offerte voir provisoirement dans des conditions sp cifiques et ensuite d rob e au regard suivant d ailleurs un rituel imagin par Courbet lui m me i IEN E il NE I Duchamp parait ramener l observateur au plus pr s de cette situation originaire la contemplation des par ties g nitales f minines mais tant donn s est elle aussi une vision appr t e point pr lev e Il faudrait dire que seul l usage de la porte appartient la d ci sion du spectateur qu il faudrait imaginer par ailleurs ignorant tout de l uvre de Duchamp pour en faire un authentique voyeur Duchamp rend la scrutation d Etant donn s difficile Inconfort du spectateur impossibilit de s attarder sans tre soi m me un sujet d observation et terrible quivoque de cette victime d nud e car c est la d couverte d un cadavre que ce dispositif nous am ne Mais ce cadavre n a pas de v ritable identit sexuelle il est priv des attributs qui font l essentiel de L Ori gine du monde Le d sir le plus banal suffit dicter au premier voyeur venu le mode d emploi de l uvre et l atti rer devant le double illeton perc hauteur d yeux dans la porte esp
10. ons que je sois venu par jalousie par int r t par vice coller mon oreille contre une porte re garder par le trou d une serrure fe suis seul et sur le plan de la conscience non th tique de mor Cela si gnifie d abord qu il n y a pas de moi pour habiter ma conscience Rien donc quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier Je suis pure conscience des choses et les choses prises dans le circuit de mon ips it m offrent leurs potentialit s comme r pliques de ma conscience non th tique d mes possibilit s propres Cela signifie que derri re cette porte un spectacle se propose COMTE a voir une conversa ton comme entendre ma conscience colle d X Marcel Duchomp Elmi donn s 116 chule d eau 2 le goz 19461966 E i carage Cmronneme ent en mol rioux mixtes Don de lo Cossondro Foundation Philadelphia Museum et Ari mes actes elle est mes actes ils sont seulement commandes par les fins atteindre et par les instru ments employer Or voici que j ai entendu des pas dans le corridor on me regarde Qu est ce que cela veut dire C est que je suis atteint dans mon tre et que des modifica tons essentielles apparaissent dans mes structures modifications que je puis d abord saisir et fixer conceptuellement par le cogito r tlexit Je suis par del toute connaissance que je puis avoir ce mot qu un autre conna t Et ce moi que je suis
11. ot s pais et opaques des dites fissures Qui croirait qu un si petit espace peut contenir les images de l univers entier Ainsi puisque tout l univers se concentre en cette fis sure minuscule l observateur aura beau jeu de se ca cher Mais l indiscret est forc afin d observer et de repr senter correctement les choses d immobiliser son il un il unique sur un point pr cis ce que montrent l vidence deux gravures de D rer illus trant une recommandation d Alberti dans son Della Pittura Le viseur et l illeton o s intallent les dessi nateurs les r duisent l tat d il immobile Mais aussi le dessinateur la femme couch e dans l illustration de D rer n est il pas plus ou moins dans la position que dut adopter Courbet pour son Origine du monde Depuis l orifice dans la Tavoletta de Bru nelleschi la fissure chez L onard on en arrive lin discr tion ultime de Courbet Le dessinateur repr sent par D rer r duit n tre qu un il immobile sur un corps obligatoirement fig voque alors les victimes p trilhi es de M duse On sait que Freud a associ la terreur qu inspire la t te de M duse la peur de la castration qui survient chez le gar on aper c vant les organes g mitaux f minins Si la t te de M duse remplace la repr sentation du sexe f minin en isolant ses effets d horreur de ses effets de plaisir nt pe Gustave Courbet l Origine du monde 1866 H
12. oyeur est la recherche d une image qu il esp re parfaite construit et qui non seulement lui livre l objet de sa convoitise mais le comble ce faisant par son accomplissement sa per fection Il ne se contente pas de n importe quelle image mais de celle qui s offre lui l insu de son objet tout en le laissant lui prot g Il se masque der ri re une paroi il guette attend sa proie comme les vieillards piant Suzanne il se retrouve derri re une porte et pie ou comme le narrateur de la Recher che il va jusqu se hisser pas de loup sur une chelle afin de voir par le vasistas qu il n ouvre pas M de Charlus et Jupien en conversation Son plai sir tient pr cis ment ce pouvoir de tirer vers lui ce qu il voit de l investir du sens qui lui convient Le client ou la cliente des bars qui vont voir la danseuse ou le danseur ne sont d j plus aussi l abri ils con sentent tre vus en outre ils op rent avec l assenti ment de l autre Le voyeur authentique nommons le provisoirement ainsi est un intrus il vole l autre son intimit ce qu il a de secret de priv de cach Le voyeur est celui qui ne regarde pas les choses comme elles doivent tre regard es il n est pas comme il faut Et il ne partage pas Aussi bien la Tavoletta que L Origine du monde et ses conditions d exposition bien qu elles constituent des rep res parlants ne sont que des simulations de ce qu e
13. st l irreproductible d une situation de voyeu risme M taphores succ dan s indices Ce qui im porte dans la conduite du voyeur ce n est pas uni quement ce qui a trait la pulsion scopique c est sa position son retrait Une uvre texte tableau sculp ture vid o installation performance chor graphie ne fait pas du spectateur un voyeur pas plus que le a flasher qui s exhibe dans un lieu public ne trans forme ses t moins forc s en voyeurs Nous nous heurtons ici aux limites de l homologie Nous nive lons aux fins de constituer des paradigmes pour cons truire la th one et les r ductions qu elle impose tou Jours pour exister dans son id ale perfection ALAIN LAFRAMBOISE Extrait de lo Vite di Filippo Brunelleschi d Antonio di Tuccio Maneti cit por Hubert Domisch l origine de lo perspective Paris Flammarion W967 p 1131 T4 Hubert Damisch op ait p 124 H Comisch Origine de la perspective a Mocua n 1979 p 131 L onard de Vinci codex ol 345 mv cf les Carnets de L de V d par Edward Mac Curdy Paris 1942 11 p 218 219 cit por H D in l Origine 1987 Elisobeth Roudinesco Jacgues locon Esquisse d une vie histoire d un systeme de pens e Poris Fayard 1993 D 248 246 S est voi qu il a l aspect d un corps f minin meis on aussi souvent soulign le caract re approximatif lt d cal de cette anatomie feminine Thiery de Duve R sonnances du rea
14. uile sur toile 46 x 55 em Collection particuli re l artiste que montre D rer vou l tude du corps de son modele malgr le drap qui n est qu une incita tion de plus pour l imagination du spectateur semble en mesure de combiner enqu te scientifique recher che artistique et convoitise sensuelle l n est pas innocent que Lacan devenu acqu reur de L Origine du monde ait choisi de montrer cette pein ture suivant des modalit s pr cises Face au jardin dans un grand local surmont d une baie il se fit am nager un bureau rempli d objets d art d une valeur inestimable Le plus sublime tait le ta bleau accroch dans la loggia qui surplombait l unique pi ce L Ongine du monde peint par Gustave Cour bet en 1866 pour le diplomate turc Khalil Bey lI s agissait d une toile repr sentant dans sa nudit m me le sexe cart d une femme juste apr s les convulsions de l amour Apr s la mort du diplomate il avait disparu dans diverses collections priv es C est ainsi que Lacan le d nicha vers 1955 l origine il tait recouvert d un panneau de bois sur lequel tait peint un paysage destin masquer l rotisme jug effrayant de ce sexe l tat brut Le bois avant disparu Sylvia pensa quil fallait continuer de garder au secret cette chose si scandaleuse Les voisins ou la femme de m nage ne comprendraient pas disait elle Elle demanda donc Andr Masson de confectionner un nouv
Download Pdf Manuals
Related Search