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L`Exercice de l`Etat

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1. gt To j al gt 2 F ag s F 22 Aa EARNE 4 A as Te gh e D es LExercice de l tat photographie de plateau J r me Pr bois Coll Cahiers du cin ma travailler avec les l ves sur leurs ressentis en plusieurs tapes Il s agit dabord de partir de ce qu ils imaginent du film pour se demander apr s la projection si leurs attentes ont t satisfaites M me ceux qui seraient ventuellement d us de n avoir pas d cou vert le film d action ou de suspense que promet la bande annonce pourraient verbaliser l cart entre ces attentes et la r alit du film Un autre l ment mis en avant par la bande annonce est la nervosi t du dialogue On en retient surtout deux r pliques importantes du film qui imm diatement font mouche par leur sens de la formule Jai fait une fausse route C est con pour un ministre des Transports et 4000 contacts et pas un ami La promesse du film est donc celle d un relais entre l action et une parole plut t cisel e On remar quera aussi que la bande annonce sait m nager un certain myst re autour de son personnage principal ainsi d crit par Pauline sa conseill re en communication Tu mas pas d image Ton histoire reste crire Tu es flou Quelle est la vraie histoire de Saint Jean Comment sortira t il du flou Pour le savoir rendez vous au cin ma pour d couvrir le film dans son int gralit En ce sens la bande annonce remplit son
2. PIERRE SCHOELLER Exercice de l tat MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes Il ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www site image eu la gnsuilafs ot E o Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Joachim Lepastier Iconographe Carolina Lucibello assist e d Eliza Muresan R vision Sophie Charlin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2013 Cahiers du cin ma 65 rue Montmartre 75002 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est septembre 2013 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Un regard ac r et document sur la France contemporaine Avant la s ance Les promesses d un film D coupage narratif R cit L histoire d une mutation Genre Un savant m lange Mise en sc ne
3. 00 00 37 1 Un r ve 00 00 38 00 02 33 Sous les ors d un palais de la R publique des personnages masqu s d roulent un tapis posent les meubles installent le bureau du ministre Escort e par ces tranges figures une femme nue entre dans la pi ce Un crocodile ouvre son il puis la femme nue rampe jusqu lui et rentre dans la gueule du reptile Tout cela n est qu un r ve du h ros du film Bertrand Saint Jean ministre des Transports 2 L accident de car 00 02 34 00 15 39 Saint Jean est brutalement r veill quatre heures du matin par un coup de t l phone le pr venant d un accident de car Voyage clair dans les Ardennes pour rendre hommage aux victimes en compagnie de Pauline sa conseill re en communication et en liaison constante avec Gilles son directeur de cabinet Dans la voiture au retour alors que le jour ne s est toujours pas lev il est pris d un soudain malaise 3 La privatisation des gares 00 15 40 00 21 04 Saint Jean intervient dans une mission matinale d Europe 1 et annonce sa nette opposition un projet de privatisation des gares port par son rival au gouvernement le ministre du Budget Peralta De retour au minist re il pr side une r union de son cabinet o il exhorte son quipe davantage anticiper les d cisions et les arbitrages pour ne pas se faire balader 4 Martin Kuypers 00 21 05 00 30 45 Au bar tabac en face du minist
4. une vacance la fois r elle et symbolique du poste du ministre Le d sarroi du survivant Nous sommes nouveau l int rieur de la voiture Une s rie de gros plans met fin au suspense m me si Saint Jean semble encore entre la vie et la mort Il respire mais est cadr dans une posture de gisant 11 avant qu il tente de s extraire de la carcasse de la voiture Le d coupage est alors nettement plus pos Les plans sont plus longs et le cadrage serr para t comprimer encore davantage le ministre allong dans son sarcophage m canique La bande son reste quasi silencieuse On y entend juste de lointains cris de corbeaux ce qui renforce l aspect funeste de la sc ne Mais elle exacerbe aussi le souffle et les bruits cor porels de Saint Jean donnant ainsi une v ritable dimension tragique son effort Autre l ment de sus pense le garde du corps du ministre reste longtemps inerte puis bouge enfin sa main et son corps et tente lui aussi de sortir de l pave 12 alors que Saint Jean y est d j parvenu Retour un plan d ensemble qui montre Saint Jean de dos marchant d sorient sur la route et s loi gnant de la voiture Dans laxe oppos il est ensuite film de face en plan poitrine le visage ensanglant Son regard exprime peu peu un effroi 13 qu explique le plan suivant presque gore un raccord regard r v le un pied arrach 14 Un plan plus serr sur le visage de Saint Jean accompagne l a
5. 16 Une s paration Il n en demeure pas moins que l Exercice de l tat peut aussi tre vu comme un film qui raconte la s paration du duo form par Saint Jean et Gilles Le ministre doit s adapter et adapter ses propres convictions son milieu professionnel aux attentes de la population et aux forces politiques oppos es Le directeur de cabinet pour sa part reste une force inamovible qui ne variera pas et entrera finalement en opposition avec Saint Jean Au d part soud s les deux caract res vont se dis socier durant le temps du film jusqu l in luc table s paration finale En ce sens Saint Jean est un corps mouvant et ondoyant tandis que Gilles sera rest un esprit inflexible l entit qu ils consti tuaient en d pit de ses aspects fusionnels ne peut donc pas r sister une nouvelle donne Qui pilote qui Dites vous que c est nous qui avons besoin de vous Le conseiller Yan s adresse ainsi Kuypers ch meur de longue dur e et futur chauffeur du mi nistre On rep rera que dans le film le fonctionnement du couple constitu par le ministre et son chauffeur joue aussi clairement sur la dialectique du ma tre et du serviteur que celui du tandem Saint Jean Gilles Au d part le rapport de force para t clair mais les r les de dominant et de domin vont s inverser Le travail avec les l ves consistera cher cher des indices de ce retournement avant de souligner ce qu ils dise
6. du terrain Comment s accommoder de la raison d tat Comment agir dans l int r t de tous et non dans celui de quelques particuliers Quels sont les rap ports entre l appareil d tat et les grands groupes industriels Toutes ces questions demeurent minemment passionnantes mais pour y r pondre on emploierait plut t la forme d un article de journal d une enqu te voire d une dissertation destin e Sciences Po pas celle d un sc nario de film Qui plus est ces questions restent sou vent arides n cessitent des connaissances sur le fonctionnement des institutions fran aises Le d fi de L Exercice de l tat est donc d vo quer ces sujets sans avoir lair de dispenser un cours d ducation civique au spectateur Et de parvenir m me rendre captivantes des sc nes a priori tr s peu spectaculaires comme celles qui impliquent des discussions au t l phone des r unions de travail ou des c r monies protocolaires La r ussite du film est aussi le fruit d une criture sc naristique tr s scrupuleuse qui tresse diff rents registres d criture l inspiration documentaire le conflit tragique les visions fantastiques et le cin ma de genre thriller ou film de gangsters Le travail d analyse avec les l ves pourra donc tre ax sur la d tection de ces quatre dimensions du film que ce soit dans une approche globale de l uvre ou au sein d une m me sc ne tant l entrelace ment entre ces quat
7. exacte ment comme s il s agissait d une photo gouvernementale 00 28 37 Pour un ins tant les r les sont invers s les ch meurs semblent gouverner tandis que les ministres et directeurs de cabinet sont hors champ Le parall le fonctionne comme une piq re de rappel Le person nel politique doit tirer sa l gitimit de expression d mocratique du peuple Qui ta fait roi pourrait tre la ques tion adress e par cette image ponctuelle et symbolique la repr sentation poli tique En un sens la s quence fonctionne sur le principe de la f te romaine des Saturnales Lors de cette c l bration du solstice d hiver les esclaves jouissaient d une apparente libert et les barri res sociales taient provisoirement effac es On mettra enfin cette image la discr te dimension carnavalesque en rapport avec celle o Saint Jean apprend sa nomina tion un nouveau minist re assis sur un tr ne que figurent des toilettes 01 36 58 La trivialit de l action jure avec la solen nit du propos Cet ironique effet de con traste est renforc par le raccord 01 38 04 sur un plan plus serr de face et en l g re contre plong e de Saint Jean Lui m me y appara t dans une posture tr s proche de celle de l affiche lectorale buste relev air s rieux la fin de la conversation il est pris d un rire nerveux qui ajoute au d risoire la situation il 12 S QUENCE Laccident In
8. l films qu il a d velopp son inspiration bas e sur des faits d actualit ou des questions politiques aigu s S il passe la r alisation en 2004 c est aussi par l entremise de la cha ne Arte qui lui commande le t l film Z ro D faut chronique de trois ouvriers tra vaillant dans l industrie automobile Fait plut t inhabituel apr s le succ s de L Exercice de l tat il revient la t l vision pour signer Les Anonymes fiction diffus e en mars 2013 sur Canal et traitant de l assassinat du pr fet de Corse Claude rignac en 1998 Dans son parcours avant L Exercice de l tat mergent deux films ant rieurs qui sont des vrais jalons dans sa carri re et affirment la singularit de son regard Le premier est un film qu il a co crit LAfrance r alis par Alain Gomis en 2001 Premi re uvre du r alisateur et tourn avec un budget tr s modeste ce film raconte l histoire d El Hadj jeune tudiant s n galais Paris qui sou haite retourner Dakar pour participer au d veloppement de son pays et pour qui ce voyage devient un v ritable parcours du combattant Ce film se saisit de questions sociales et politiques br lantes immigration les relations entre la France et l Afrique le tiraillement entre deux identit s mais sur un mode sen soriel et po tique plus proche de la sensation que du discours L autre film important est bien s r sa premi re r alisation de cin ma Versailles 2008 Le film co
9. racle la chauss e En contrepoint de ces plans presque abstraits 8 deux autres tr s heurt s sont mon t s o Saint Jean est ballott en tous sens comme s l tait prisonnier d une machine laver en surr gime Au glissement de la voiture saisi de l ext rieur en un travelling avant qui ralentit mesure de la d c l ration du v hicule r pond un contrechamp sur la r action stup faite de Gilles l autre bout du fil Le directeur de cabinet est saisi dans un travelling circulaire donnant l impression que le d cor se d robe autour de lui avant que la cam ra se stabilise 9 Ce raccord mim tique para t signifier la symbiose dans laquelle se trouvent le ministre et son collaborateur Il permet aussi la mise en sc ne de communiquer la panique de Gilles qui a saisi la gravit de la situation en ayant seulement entendu la sc ne et doit donc en imaginer les images Le retour sur la route est un plan d ensemble fixe sur la voiture enfin l arr t mais retourn e et fumante Il s agit dun moment de suspension et de suspense presque silencieux accentu par un retour sur Gilles qui raccroche avant de r pondre un nouveau coup de fil inopportun Gilles court alors chercher de l aide dans les bureaux voisins Sa course sur un fond sonore anxiog ne est accompagn e par un travelling lat ral qui s arr te alors que lui m me a disparu du cadre sur le bureau vide de Saint Jean 10 signifiant ce moment l
10. ration et une promesse de r conciliation avec Gilles H las le Pr sident exige qu il se s pare de son directeur de cabinet Les deux hommes se quittent sans effusion avalant cette derni re couleuvre et comprenant que la raison d tat sera toujours plus forte que leurs id aux communs ILMOGRAPHIE Pierre Schoeller 1992 Deux amis pr lude court m trage 2003 Z ro D faut t l film 2008 Versailles 2011 Exercice de l tat 2013 Les Anonymes Un pienghjite micca t l film Versailles 2008 Les Films Pell as Les Anonymes 2013 J r me Pr bois Scarlett Production Canal R ALISATEUR Un regard ac r et document sur la France contemporaine Quand sort LExercice de l tat en 2011 Pierre Schoeller n en 1961 a tout juste 50 ans Et m me si ce film n est que son deuxi me long m trage apr s Versailles sorti en ao t 2008 il a d j derri re lui une longue carri re entam e d s la fin des ann es 80 par l criture de sc narios Un professionnel du r cit Le parcours de Pierre Schoeller est celui d un professionnel du r cit qui aura pris son temps pour passer la r alisation et qui depuis plus de vingt ans tra vaille aussi bien pour le cin ma que pour la t l vision Pierre Schoeller n ta blit pas de hi rarchie entre cin ma et t l vision et passe sans difficult d un m dium l autre C est m me gr ce l criture de t
11. re Yan le conseiller de Saint Jean retrouve Martin Kuypers ch meur de longue dur e qui va tre embauch comme chauffeur du ministre dans le cadre d un pro gramme de promotion de l emploi Kuypers passe ensuite son entretien d embauche avec Gilles pendant que le minist re bruisse de son agitation coutumi re 5 Fin de journ e 00 30 46 00 36 29 R union entre Saint Jean et ses plus proches collaborateurs autour d une pizza au minist re pour d finir une strat gie contre Peralta la fin de sa premi re jour n e de travail Kuypers raccompagne le ministre son domicile 6 Saint Dizier 00 36 30 00 42 16 Lors d un d placement Saint Dizier la voiture du ministre est bloqu e par des manifestants l lys e une r union secr te d cide de la nomination d un cer tain Woessner un myst rieux poste 7 D ner avec Woessner 00 42 17 00 49 25 Le soir Gilles re oit la visite du fameux Woessner dont il tait question lors de la pr c dente r union l lys e Ce dernier lui tient un dis cours d sabus sur la perte de pouvoir de l tat et annonce qu il passe d sormais dans le priv la direction internationale d un grand groupe de tra vaux publics dont l objectif est de racheter les gares qui seront immanquablement privatis es 8 Chez Kuypers 00 49 26 00 58 38 Pour contrer une soir e d ennui et de solitude Saint Jean s invite chez Kuyper
12. Bien qu oppos au projet Gilles soutient un raisonnement complexe car il voit l une chance pour Saint Jean de gagner une nouvelle dimension politique Saint Jean au contraire reste sur le registre de la conviction personnelle pas du coup poli tique En fait chacun adopte alors le discours de l autre ce qui acte tacitement leur s paration venir la fin Gilles montrera son inflexibilit en pr f rant redevenir pr fet tandis que Saint Jean accep tera de piloter ce projet auquel il tait oppos L un a d muter l autre n a pu rester dans le jeu Ce sacrifice des convictions est all de pair avec celui d une complicit professionnelle et personnelle Deux per sonnages qui se pensaient indissociables sont devenus antagonistes Une temporalit lastique Une autre singularit du r cit de Exercice de l tat est l impression de vitesse qu il d gage Avec la s quence de l accident de car nous sommes immerg s dans une situation d urgence laquelle devra faire face le ministre Son quotidien n est compos que de situations de crise et le r cit joue sciemment sur l effet d accumulation des ava nies Les deux premi res journ es jusqu la fin du d ner chez Kuypers 00 58 38 sont ainsi d crites sur le mode de la chronique haletante voire effr n e o les v nements se bousculent dans un temps qui para t comprim D s le troisi me jour le r cit tant lanc une vitesse suffisante le
13. Pierre Schoeller Positif n 609 novembre 2011 Jacques Mandelbaum D abord il faut aimer ses personnages entretien avec Pierre Schoeller Le Monde 25 octobre 2011 Un entretien avec Michel Ciment issu de l mis sion Projection priv e France Culture 29 octobre 2011 est disponible dans les compl ments du DVD de Exercice de l tat Articles Nicolas Azalbert La fascination du pouvoir La Conqu te L Exercice de l tat Pater Cahiers du cin ma n 668 juin 2011 Thomas Sotinel L Exercice de l tat et Les Marches du pouvoir la politique cet obscur objet du d sir Le Monde 25 octobre 2011 Fabien Baumann et Adrien Gombeaud D lire et d lices du cin ma sarkosien Positif n 627 mai 2013 Sitographie Nathalie Kosciusko Morizet et Michel Rocard Nathalie Kosciusko Morizet et Michel Rocard d battent de L Exercice de l tat T l rama 26 oc tobre 2011 http www telerama fr cinema nathalie kosciusko morizet et michel rocard debattent de l exercice de l etat 44 75 php LExercice de l tat entretien avec Pierre Schoeller Les Inrocks com http www lesinrocks com cinema critique dvd lexercice de letat www site image eu Transmettre le cin ma Plus d informations de liens de dos siers en ligne de vid os p dago giques d extraits de films sur le site de r f rence des dispositifs d duca tion au cin ma Minist re amer l Exerc
14. Pierre Schoeller va s appuyer La pr cision du travail sc nographique et l attention port e aux d cors sugg rent pour certains lieux et accessoires embl matiques une interpr tation m ta phorique Il en va ainsi du bureau du ministre qui devient une sc ne de th tre ou des d cors de la maison inachev e et de la route en construction C est en ce sens que plusieurs sc nes du film fonc tionnent comme des all gories voquant la fois la relativit de l action politique et la ma trise illusoire du pouvoir Rituels et permanence La premi re s quence du film se passe dans la t te de Bertrand Saint Jean et figure un r ve rotique sorti de son imagination N anmoins bien que EN m1 Site im fantasmatique elle dit aussi quelque chose sur une r alit du m tier des hommes politiques Nous sommes dans le bureau d un minist re sous les ors et les dorures d un ancien h tel particulier et d tranges personnages d roulent un tapis posent un bureau portent qui un chandelier ou une hor loge pour planter le d cor 00 00 39 00 02 08 Dans un entretien radiophonique Pierre Schoeller raconte que contrairement ce que l on pourrait croire ces personnages masqu s ne viennent pas de la sc ne d orgie du film Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick 1999 mais du th tre japonais de marionnettes le bunraku Ces tranges personnages portent le m me costume cape noire et cagoule que les assistan
15. Rites et abandons Personnages Duo et renversement S quence L accident Technique Strat gies sonores Motif La parole comme action Parall les Le m tier politique l cran Contexte l aune de l actualit consulter 10 12 14 16 18 20 ICHE TECHNIQUE SYNOPSIS L Exercice de l tat gr iii L EXERCICE DE lt Diaphana France Belgique 2011 R alisation et sc nario Image Son Musique Montage Mixage D cors Producteurs Production Distribution Dur e Format Tournage Sortie Interpr tation Bertrand Saint Jean Gilles le directeur de cabinet Pauline la conseill re en communication Yan le conseiller technique Martin Kuypers le chauffeur Pierre Schoeller Julien Hirsch Olivier Hespel Philippe Schoeller Laurence Briaud Jean Pierre Laforce Jean Marc Tran Tan Ba Denis Freyd Jean Pierre et Luc Dardenne Archipel 35 et Les Films du fleuve Diaphana 1h55 2 35 scope novembre d cembre 2010 26 octobre 2011 Olivier Gourmet Michel Blanc Zabou Breitman Laurent Stocker Sylvain Debl Sous les lambris d un bureau minist riel une femme nue s avance et rentre dans la gueule d un crocodile C est le r ve que fait cette nuit l Bertrand Saint Jean ministre des Transports avant d tre r veill en pleine nuit par un coup de t l phone de Gilles son directeur
16. aussi le lien entre le film et l actualit M me si cet effet de collage peut para tre anecdotique voire de mauvais go t il r v le aussi des conjonctions impr vues fussent elles fantasma tiques entre fiction et r alit Trois repr sentations divergentes Il faut pourtant examiner l impact du film ind pendamment de ses r sonances avec l affaire en question il importe surtout de se demander en quoi la repr sentation de la chose politique dans Exercice de l tat diverge des approches de La Conqu te et de Pater Chacun des films aborde en effet la repr sentation de la vie politique mais dans un rapport au r alisme ou la cr dibilit tr s diff rent Des trois fictions r S Pace FD SA n kesvkions Carlton un nouveau Er rl Europe DSK cree au sammet Chef di entreprise du ETP commissaire uncurieux r seau Summer de ere lil et de Strauss Kahn R cit se Lib ration 26 octobre 2011 Photo J r me Pr bo is La Conqu te reste de loin la plus litt rale Racon tant le parcours de Nicolas Sarkozy le film n est rien d autre qu une reconstitution sc naris e la va vite qui vire peu peu au concours de sosies et d imitations Ce parti pris d incarner des per sonnages toujours en activit au moment o sort le film l emp che d aller vers des directions plus inattendues Le film ne contient rien que l on ne sache d j et son point de vue n est pas plus d v
17. d un homme qui pour s adapter la cruaut de son milieu doit se s pa rer d un fid le complice qui est peut tre m me son double Le sacrifice des convictions La narration de L Exercice de l tat ne pose pas d embl e le conflit central du r cit mais le laisse advenir par petites touches Le film d marre d abord sur un mode qui m le intimisme le r ve de Saint Jean et reconstitution document e le d placement sur les lieux d un accident et dresse finalement un portrait de son h ros en don nant voir la fois sa psych et son comportement Il faut attendre la s quence de la radio 00 17 13 pour qu apparaisse un premier conflit opposition de Saint Jean la privatisation des gares pro jet pourtant port par le gouvernement auquel il appartient D s lors Saint Jean et son quipe sont caract ris s comme des person nages minoritaires au sein de la majorit Le n ud du conflit qui alimentera la suite du r cit ne sera pas tant de savoir si les gares seront privatis es que de savoir jusqu quel point Saint Jean devra s adapter et s il devra renier ses convictions pour continuer exister dans cet environnement qui ne lui est pas acquis C est ainsi que Saint Jean perdra des alli s parmi lesquels son directeur de cabinet avec lequel il semblait ne faire qu un La sc ne centrale qui scelle leur destin est l entrevue 00 58 39 o ils comprennent que la pri vatisation va tre act e
18. d clarations ant rieures lroniquement le seul moment o la route para t d gag e est celui qui pr c de la catastrophe 01 14 46 On recourra l analyse de s quence cf p 12 pour souligner le con traste entre le d gagement de l espace et la soudainet de l accident La s quence des fun railles de Kuypers offrira pour terminer un autre exemple de travail sur la perte des rep res Gr ce une courte focale en utilisant des objectifs grand angle qui accentuent les effets de perspective Schoeller et son chef op ra teur Julien Hirsch travaillent une image o les premiers et seconds plans sont alter nativement flous et nets Cette technique permet d isoler le visage de Saint Jean film de trois quarts dos pr tant de moins en moins attention l hom lie du pr tre et s absorbant de plus en plus dans ses pens es Soudainement le h ros se r fu gie dans sa bulle et le monde ext rieur devient indistinct Enfin plus g n ralement ce travail sur le traitement de l espace d passera le con texte du film pour sugg rer comment un plan de cin ma est compos organisa tion du cadre jeux de perspective ouver ture de l horizon ou r partition des zones de nettet en fonction de leur proximit ou de leur loignement 10 PERSONNAGES Duo et renversement L Exercice de l tat ne s apparente pas au genre cin matographique de la com die mais le film est bel et bien une com d
19. de cabinet Il apprend qu un car scolaire a bascul dans un ravin et qu il doit se rendre sur les lieux pour exprimer sa compassion et la solidarit gouvernementale De retour Paris au petit matin il annonce en direct la radio son opposition un projet initi par l un de ses coll gues du gouvernement le ministre du Budget Peralta la privatisation des gares S ensuit une matin e de travail ordinaire au minist re entre remise d un rapport par un s nateur coups de fils et bras de fers verbaux pour r gler les rivalit s interminist rielles C est le moment o est accueilli Martin Kuypers ch meur de longue dur e engag comme chauffeur du ministre dans le cadre d un programme de lutte contre le ch mage Dans le rythme haletant de ses journ es minist rielles et le bal let des man uvres politiciennes Saint Jean doit se r signer admettre sa position minoritaire l int rieur du gouvernement pour finalement piloter ce projet de privatisation auquel il est oppos Voil qui cr e des tensions et peut tre m me une rup ture d finitive avec Gilles son vieux complice Son quotidien qui ressemble de plus en plus une course effr n e se brise dans un spectaculaire accident de voiture dont ne r chappe pas Kuypers Miracul mais affect Saint Jean revient aux affaires apr s une br ve p riode de convalescence Il est sou dainement mut au minist re du Travail promotion qu il vit comme une lib
20. ici dans un cin ma de fiction avec un sc nario et des acteurs On sait que le risque d une chronique m me si elle peut rester tr s int ressante est qu elle finisse par devenir homog ne et suive simplement le cours du temps en subissant davantage l action qu elle ne la cr e Pour donner du dynamisme au r cit il est donc n cessaire d inscrire un conflit central un v nement qui oblige les personnages princi paux changer leurs objectifs et r v ler une nouvelle nature Au d but du film Bertrand Saint Jean a un objectif clair s opposer la privatisation des gares Au milieu du r cit il est mis en minorit et doit se r soudre piloter ce projet de privatisation contraire ses convictions Exactement comme dans les trag dies de Corneille le h ros est mis face un dilemme tre en accord avec ses convictions mais d missionner et perdre donc la facult d agir ou au contraire pouvoir continuer agir mais en reniant ses premi res convictions C est ce conflit int rieur du h ros qui entre en r sonance avec d autres comportements certains plus cyniques et pragmatiques comme celui de Yan son jeune conseiller aux dents longues ou d autres au contraire plus rigoristes qui incarnent la conscience du ministre comme celui de Gilles son directeur de cabinet Les visions fantastiques Tout en tant un film minemment contemporain et r aliste L Exercice de l tat est encadr p
21. nouvelle arrive d j dans le contexte d un environnement sur chauff une fin de soir e au minist re noy e sous les infrabasses d une musique techno presque tribale Yan le conseiller technique du ministre se pr cipite pour r pondre alors que le spectateur n a m me pas entendu la sonnerie du t l phone Mais le brouillage sonore fait que Yan ne distingue m me pas quel appareil est en train de sonner et doit courir d un bureau l autre pour d crocher le bon combin Dans le vacarme il entend avec grand peine la funeste nouvelle de laccident puis fait remonter l information Gilles qui aussit t la relaie Saint Jean Durant ce processus de transmission l ambiance sonore se calme et se pose et permet aussi la pr sentation des diff rents protagonistes du r cit De m me quand le ministre quitte son domicile et part sur les lieux du drame la nouvelle de l accident est relay e par les flashes de France Info qui occupent l enti ret de la bande son sur des images de la voiture du ministre roulant dans la nuit 00 05 58 Mais le raccord sur la s quence suivante l a roport 00 06 10 joue l encore sur un contraste brutal Les bruits de moteurs d h li copt res saturent l espace sonore et obligent les personnages crier pour se faire entendre la confusion est d autant plus grande qu ils peuvent avoir plusieurs conversations simultan es en face face ou au t l phone Le montage son jo
22. office Elle soul ve des interrogations et promet que les r ponses seront donn es dans le film La singularit du titre Le titre quant lui est faussement simple car son interpr tation n est pas vidente Exercer l tat n est pas une expression connue On sert l tat qui est une entit au dessus de toutes les ambitions per sonnelles et on exerce le pouvoir qui est une facult ou un ascendant que l on conquiert Le titre est ainsi une sorte de barbarisme qui condense deux expressions l exercice du pouvoir et le service de l tat Or le pouvoir et l tat ne sont pas la m me chose L tat est reli au cadre d fini de l institution tandis que le pouvoir d borde justement de ces cadres et est prot iforme puisqu il y a le pouvoir de largent le pouvoir juridique le pouvoir m diatique etc En condensant ces deux cadres le film examine aussi deux approches de l action politique l une pure serait li e au service d sint ress des institutions c est la conception port e par Gilles le directeur de cabinet du ministre jou par Michel Blanc l autre impure ou mixte serait davantage port e sur le pouvoir et louvoierait entre diverses sph res politique affaires m dias Avec les l ves il est galement possible de s interroger sur l emploi et le sens du terme exercice qui renvoie aussi in vitablement la notion de d fi intellectuel et sous e
23. placement Saint Jean emprunte un tron on d autoroute inachev Sur la route d gag e la voiture fait soudainement plusieurs tonneaux alors que Saint Jean est toujours au t l phone avec Gilles qui l autre bout du fil entend le fracas de la catastrophe Saint Jean indemne arrive se d p trer des d combres du v hicule mais constate que son chauffeur est mort le pied arrach En larmes il erre hagard sur la route d serte 12 Convalescence 01 22 01 01 27 41 Saint Jean se r veille dans une chambre d h pital Malgr sa r ducation il re oit ses collaborateurs pour de courtes r unions Lors d une r ception le Premier Ministre somme Saint Jean de boucler la r forme des gares avant le printemps gr ce sa nouvelle popularit 13 Fun railles 01 27 42 01 34 05 Lors des fun railles de Kuypers Saint Jean r cite int rieu rement le discours qu il avait pr par mais que l pouse du d funt n a pas voulu voir prononc Le soir il retrouve sa femme l embrasse et la serre contre lui Encore dix huit mois et apr s je d croche apr s ce sera un autre rythme 14 D part 01 34 06 01 36 57 Premi re r u nion au minist re sur le projet de privatisation des gares Saint Jean y est assailli de br ves visions cau chemardesques il touffe dans un sac en plas tique maintenu par deux ravisseurs l arri re d une voiture il est sur le point de perdre l q
24. rappro cher mais il s agit l d uvres purement documentaires et en lien avec l actualit du moment La singularit du film de Schoeller est d tre enti rement crit et sans aucune r f rence l actualit poli tique fran aise2 Comment donc pr senter cette singularit aux l ves et surtout comment le rendre attrayant Les strat gies de la bande annonce Un premier travail peut tre fait sur la bande annonce et ce qu elle promet du film Apr s l avoir vue on peut demander aux l ves quel est le genre du film qu ils s attendent voir Globalement la bande annonce est structur e comme celle dun film d action Le h ros y est pr sent d embl e comme un personnage menac Les premiers mots sont explicites C est simple On r forme le statut des gares ou bien je saute les derniers seront par la bouche du Premier Ministre D ici l celui qui parle est vir l ambiance est ryth m e par une musique haletante et carillonnante qui voque un compte rebours Le h ros saute de sa voiture un h licopt re comme press par le temps Son acolyte Gilles est montr alterna tivement son bureau ou en train de courir de mani re perdue La conjonction de ces l ments voque davantage les s ries am ricaines suspense comme 24 heures o la menace de l horloge joue plein qu un film fran ais psychologique Il peut tre int ressant de gt Er un 7 D m
25. temps est plus distendu la temporalit est plus l che et les ellipses se font plus nombreuses Ainsi on ne sait pas combien de temps s est pass entre le moment o Saint Jean voque son envie de conqu rir une mairie 01 11 10 et sa ren contre avec le maire actuel Prade dans les couloirs de l Assembl e nationale 01 12 02 Cette acc l ration accentue aussi une certaine perte des rep res des personnages qui culminera avec la sc ne de l accident montr avec un sens du d tail saisissant Le dernier acte du r cit qui suit la convalescence de Saint Jean et son retour aux affaires joue aussi sur une temporalit plus l che juxtaposant trois grands moments le s jour de Saint Jean l h pital les fun railles de Kuypers le retour de Saint Jean aux Transports et sa nomination surprise au Travail sans que l on sache tr s bien combien de temps s est coul entre ces trois blocs Ces variations sur la temporalit et ces alternances de rythme dessinent la musicalit d un film qui res semble une cavalcade avec ses acc l rations soudaines et ses moments de pause D ironiques effets de rimes Au d but du film Saint Jean est dans son lit berc par un r ve ro tique la fin au milieu d une r union il est assailli par de furtives visions de cauchemar Au d but il se rend sur les lieux d un tragique accident de car Plus tard la mort manque de le happer durant son spectaculaire crash ro
26. tout en explicitant la singularit de Saint Jean au sein de deux collectifs sa propre quipe minist rielle puis le gouvernement Suite l accident du car dans les Ardennes l entretien avec Marc Olivier Fogiel 00 15 40 d marre sur le registre de l motion individuelle Assez vite un plan de coupe nous montre 00 16 05 l quipe de Saint Jean qui regarde d un air concentr sa prestation sur un cran de t l pour s impr gner de la parole de son champion Quant Pauline la conseill re en communication elle est sur place et surplombe le studio depuis une mezzanine Un court plan en plong e 00 16 35 nous montre son point de vue avant que nous puissions l identifier dans le contrechamp 00 16 38 Le discours de Saint Jean est donc visiblement sous contr le La transgression verbale va pourtant surgir peu apr s 00 17 13 lorsque le ministre d clare Les gares restent dans le domaine public et dans un nouveau sch ma directeur C est la parole du gouver nement L audace de Saint Jean est r elle son affirmation engage plus que son quipe et implique le gouvernement tout entier Il outrepasse ainsi ses pr rogatives La r action cette prise de position intervient peine trente secondes plus tard 00 17 46 avec le ministre du Budget Peralta qui d clare son tour Bertrand Saint Jean a beaucoup de talent dont parfois celui de parler la place des autres tout en prenant une position in
27. anence elle porte aussi une dialectique qui sous tend son propre inach vement Dans l absolu un projet politique est toujours une vision pour l ave nir un id al port vers lavant mais qui ne sera que partiellement concr tis que ce soit cause des r sistances du terrain ou du principe m me de l alternance d mocratique L encore comment traduire cette id e presque philosophique en termes de cin ma Pierre Schoeller r pond encore une fois par une m taphore spatiale ou topographique Il situe au moins deux sc nes cruciales dans des espaces inachev s La premi re sc ne de ce type est celle o Saint Jean s invite chez son chauffeur Kuypers 00 50 09 00 52 31 et o il d couvre que sa femme et lui doivent vivre dans une cara vane c t d un squelette de pavillon aux parpaings nus Le ch mage et diverses arnaques immobi li res ont emp ch le couple de financer la fin des travaux de construction et le home sweet home est rest un chantier abandonn Mais cette car casse en d sh rence agit comme un r v lateur sur l esprit de Saint Jean qui apr s une discussion anim e avec la femme de son chauffeur sort la pelle et enfourne le sable dans la b tonneuse pour prouver son allant remettre le chantier en route 00 52 32 00 57 30 Dans cette s quence Saint Jean devient une sorte de Don Quichotte cf p 10 rempli d un enthousiasme aussi d risoire que tou chant l
28. ant au c ur du minist re des Affaires trang res Ces deux uvres aux dialogues tr s enlev s se plaisent d crire un microcosme au bord de la crise de nerfs et n h sitent pas oser de purs moments de com die La bande dessin e fait d ailleurs l objet d une adaptation cin matographique par Bertrand Tavernier pour une sortie pr vue fin 2013 il sera alors int ressant d analyser ses points communs et divergences avec le film de Pierre Schoeller Pater d Alain Cavalier 2011 Camera One Coll Cahiers du cin ma 19 20 CONTEXTE l aune de l actualit D s sa toute premi re projection publique au Festival de Cannes le 19 mai 2011 dans la section Un certain regard L Exercice de l tat b n ficie d une belle exposition et d un accueil chaleureux dont l cho d passe m me le strict cadre du cin ma Il est pourtant impossible d voquer l accueil du film sans rappeler cer tains l ments de contexte qui ont d embl e influ sur sa r ception Quand la politique s invite Cannes Le premier est ext rieur au cin ma mais il est difficile de le passer sous silence Dans la nuit du 14 au 15 mai heure fran aise clate l affaire DSK et le feuilleton m diatique qui s ensuit Quelques jours plus tard le Festival de Cannes pr sente coup sur coup trois films fran ais traitant directement de la vie poli tique fran aise de ses travers et de ses coulisses La Conqu te de Xavier Durr
29. ante o Saint Jean se retrouvera endormi dans un lit d h pital ET HIT ACUTI TTT l 3 20 13 14 TECHNIQUE Strat gies sonores La politique contemporaine est obs d e par la communication et Exercice de l tat ne pouvait pas passer c t de cette question Le film int gre cette donn e la trame narrative notamment via le personnage de Pauline la conseill re en com munication qui suit Saint Jean la trace dans tous ses d placements La singularit du travail de Pierre Schoeller consiste n anmoins questionner l obsession de la communication par les outils m me de sa mise en sc ne le film joue constam ment sur une dialectique de la transmission et du brouillage en recourant un travail assez pouss sur la bande sonore parfois tr s nette parfois beaucoup plus surcharg e Volontairement celle ci west pas toujours lisible et requiert parfois un certain effort d coute de la part du spectateur Ces contrastes ne sont pas gratuits et participent de toute vidence de ambiance particuli re du film De la limpidit la surcharge Pour rendre compte de la difficult de l activit minist rielle l environnement sonore est trait avec une nervosit particuli re Un certain senti ment d urgence et d excitation propre la fonc tion et au m tier passe directement dans l envi ronnement sonore du film Prenons la s quence de l accident de car 00 02 35 La
30. appr ciation formul e par beaucoup de spectateurs de Exercice de l tat au moment de sa sortie Et pourtant comme tous les films celui de Pierre Schoeller ne vient pas de nulle part et l on peut s amuser lui dresser une filiation revendiqu e ou imaginaire Si la pr sentation cannoise du film a d embl e per mis de le comparer La Conqu te de Xavier Durringer et Pater d Alain Cavalier qui abordent des th matiques proches cf p 20 L Exercice de l tat par son rythme sa vivacit la pr cision de ses situations et le r alisme de ses personnages a aussi t rattach une certaine veine du cin ma am ricain De M Smith au S nat de Frank Capra 1939 Lincoln de Steven Spielberg 2013 en passant par Temp te Washington d Otto Preminger 1962 ou par la s rie la Maison blanche crite par Aaron Sorkin 1999 2006 nombre d uvres ont fait le portrait de personnages porteurs d id aux tout en diss quant les m ca nismes l gislatifs et institutionnels des tats Unis Tous ces films tablissent des dialectiques la fois fines et puissantes entre les convictions des personnages et les concessions auxquelles les contraint la machine politique Comme LExercice de l tat ils cherchent transformer la parole et la n gociation en pure action Le dialogue y est ainsi souvent cal sur les d placements des personnages C est ainsi que la figure sc naristique du walk and talk parler en marchant
31. ar deux s quences oniriques voire fantastiques situ es en tout d but et quasiment la fin qui r v lent la psych secr te du h ros La premi re est louverture du film Il s agit d une d routante s quence de r ve qui se d roule dans les salons du minis t re D tranges personnages masqu s apportent bureau tapis et acces soires du ministre Une femme nue escort e arrive au milieu de cet int rieur raffin puis sengouffre dans la gueule d un crocodile tapi dans l ombre de la pi ce Comme tous les r ves celui ci joue sur des associations d id es et des d placements symboliques Les personnages masqu s peuvent faire penser une version plus inqui tante des huis siers de la R publique qui sont eux m mes une forme r publicaine des domestiques de l Ancien R gime Et la composante rotique du r ve renvoie videmment la libido de Saint Jean tant l app tit de pouvoir fonctionne sur un mode proche de l app tit sexuel La seconde s quence onirique se situe quant elle presque la fin du film Au contraire de la premi re qui est tr s continue celle ci joue par flashes et par bouff es soudaines Ce sont des visions tr s fugitives qui assaillent Saint Jean lors d une r union de travail Il se voit touffant la t te dans un sac plastique captif des personnages masqu s pr sents dans son premier cauchemar Il est sur la ban quette arri re d une voiture ou en d s quilibre sur le point de
32. autre sc ne o la notion d inach vement est litt ralement d sign e et m me mise en sc ne est celle de l accident de voiture sur un tron on d autoroute d sert mais encore en travaux cf p 12 L encore on peut voir dans cette route une m ta phore de l action politique Elle n est qu un tron on qui ne m ne nulle part On croit la dominer puisqu on est seul sur cette voie mais elle est pleine d impr vus et d accidents en politique les coups de couteau dans le dos les plus inattendus sont fr quents 1 Dans l mission Projection priv e entretien avec Michel Ciment sur France Culture diffus e le samedi 29 octobre 2011 et disponible dans les compl ments du DVD Horizons et obstacles Pour rendre compte des difficult s de l action politique la mise en sc ne use de nombreuses m taphores visuelles et spa tiales Pour initier les l ves aux subtilit s de l laboration des plans un travail sera initi partir de la notion de profondeur de champ d finie comme zone de l espa ce dans laquelle le sujet appara t avec nettet Il s agira de souligner la variation des profondeurs de champ dans le film qu elles permettent de d gager de longues perspectives ou au contraire de jouer sur des effets d impasse Cette diversit ren dra compte du champ d action du person nage principal Quel horizon a t il devant lui Quels obstacles rencontre t il Ces interrogations sont
33. cc l ration de sa course Le plan suivant est un gros plan fixe sur le visage immobile de Kuypers film hauteur du sol 15 Saint Jean lui parle off Pas de r ponse Le face face entre les deux hommes est dramatis par un champ contrechamp en plong e et contre plong e 16 et 18 La sc ne reprend ainsi les codes du wes tern repr sentant un homme viril qui laisse clater ses failles quand il perd un compagnon Entre les deux plans se situe cependant un saisissant plan d ensemble en plong e presque verticale montrant de mani re crue et hyperr aliste le corps de Kuypers avec le bas de sa jambe arrach et accentuant lim pression d un effet de miroir entre les deux hommes 17 Un dernier plan large la composition assez picturale montre Kuypers dans la posture d un gisant 19 Accompagn d une musique sifflante aux notes suspendues prolong es et inqui tantes un plan tr s large montre la route d serte seulement encombr e des restes du v hicule On y discerne la silhouette de Saint Jean errant hagard en contre jour dans l ambiance post apocalyptique d une lumi re cuivr e de fin de journ e 20 Les sifflements de la musique s intensifient alors que le ministre vient vers nous dans le m me plan et que l on d couvre son visage ravag par le chagrin et le d sarroi Malgr tout le per sonnage est d sormais un survivant qui semble capable de r sister tout Un fondu au blanc annonce la s quence suiv
34. culi rement instructif de s arr ter sur la sc ne de conflit entre Saint Jean et Gilles qui se d roule au moment o le directeur de cabinet comprend que le ministre devra contre son gr accepter la privatisation des gares chapitre 9 00 58 39 Saint Jean Tu veux me l cher Gilles Monsieur le ministre S J Il n y a pas de ministre qui tienne je te parle d homme homme G Monsieur le ministre nous sommes attendus S J Tu es avec moi ou contre moi G Matignon dans une heure S J Ce n est pas quelques gares qui vont bousiller dix ans d une amiti comme la n tre pas toi Gilles Si toi tu fais d faut sur qui je peux m ap puyer moi sur qui G Quelques gares Mais c est une r volution du territoire On pourra tudier partir de la trans cription de ce dialogue et ventuel lement de son interpr tation par les l ves comment se joue l opposi tion entre Saint Jean et Gilles Durant cet change Saint Jean utilise d em bl e le registre affectif utilisant le tutoiement et invoquant l amiti de son interlocuteur quand ce dernier restant au contraire de marbre se r fugie derri re le langage administra tif et invoque le d vouement l tat 17 18 PARALLELES Le m tier politique l cran Enfin le cin ma fran ais propose un tableau la fois cr dible et original des coulisses du pouvoir C est l
35. deux films t moignent surtout de deux poques et de deux conceptions diff rentes de la communication politique Le plus ancien est le plus singulier le documentaire de Raymond Depardon tourn comme son nom l indique durant la campagne lectorale victorieuse de Val ry Giscard d Estaing en 1974 a t interdit d exploitation par le principal int ress apr s son lection Ainsi pendant plus de vingt cinq ans le film n a t montr que lors de rares pro jections parfois pirates et n a connu sa r elle sortie en salles quen 2002 Pourtant le film ne contient aucune r v lation fracassante aucun scoop g nant pour le Pr sident Qu est ce qui a bien pu l embarrasser au point qu il bloque sa diffusion aussi longtemps Sans doute ce que l on voit aussi dans l Exercice de l tat un quotidien du m tier politique d nu de tout apparat constitu essentiellement de d pla cements de r unions informelles de conciliabules entre deux portes En d pit de diff rences notables entre la vie politique d aujourd hui et celle de 1974 o les imp ratifs de communication taient encore balbutiants et les quipes de campagne tr s r duites le film de Depardon poss de un autre point com mun avec celui de Pierre Schoeller tous deux brossent le portrait d un homme politique pris dans une grande solitude En t moigne cette sc ne fascinante o Giscard d Estaing regarde la soir e lectorale du premier tour ab
36. elopp que celui d un reportage t l vis l oppos Pater est un film d pouill et qui se veut totalement d connect de toute allusion des figures existantes Il n est rien d autre qu un jeu de r les entre le r alisateur Alain Cavalier qui incarne le Pr sident de la R publique et l acteur Vincent Lindon qui joue le Premier Ministre Mais la fiction reste d lib r ment avare de toute reconstitution et le film n aborde la question de la politique que sous l angle de la parole Situ entre la fiction et le documentaire Pater explore la complexit des rapports de pouvoir qui peuvent aussi bien lier un Pr sident de la R publique et son Premier Ministre qu un cin aste et un acteur voire un p re et un fils Le film n est d ailleurs pas tant une fable sur le pouvoir qu une variation enjou e autour d un dispositif o l habit fait le moine puisqu il suffit aux com diens de mettre un costume et d affecter une parole grave pour ressembler des hommes politiques Ni aussi litt rale que celle de La Conqu te ni aussi ludique que celle de Pater l approche de L Exercice de l tat se situe un niveau de r alisme interm diaire d tach de toute allusion imm diate la vie politique fran aise contemporaine et en m me temps tr s document sur les usages de cette m me vie politique Et tout comme Pater mais sur un registre diff rent c est un film sur le pouvoir de la parole et sa repr sentatio
37. es registres attendus de la musique de film Philippe Schoeller ne cr e pour le cin ma qu l occasion des r alisations de son fr re Son activit principale est la composition de pi ces musicales contem poraines De ce fait sa musique pr sente des tonalit s surprenantes D s le g n rique elle impose d tranges tonalit s qui participent au ton particulier de la s quence inaugurale la composition est la fois harmonieuse et grin ante avec ses sons de percussions un peu frois s s ses coups de gong ses notes de piano stridentes Ce ne sont pas des airs ou des th mes que l on retient alors mais plut t des ambiances suspendues des fr missements qui ne cessent de r son ner jusqu hanter l esprit du spectateur Dans un bonus DVD L image sonore Philippe Schoeller montre comment il a compos un th me partir de la r so nance prolong e d une cloche vache retravaill e lectroniquement Plaqu sur la sc ne o Saint Jean erre hagard sur l autoroute apr s l accident 01 21 25 ce bourdonnement parvient tre la fois volatil et ent tant Un premier travail avec les l ves sera ax sur la reconnaissance des timbres et des registres sonores de la musique du film Il faudra identifier certains instru ments tr s particuliers carillons cloches cymbales mais aussi examiner l effet pro duit Un autre atelier travaillera sur les glissements d ambiance qui op
38. essentiel de recenser les diverses formes que prennent ces r actions Comme dans la trag die classique la parole est une tra n e de poudre qui d clenche plusieurs types de r ponse et dans des temps diff rents Il y a d abord le S M S d arbitrage de Matignon 00 22 32 qui appara t sous la forme d une parole officielle crite directement sur l cran Il y a ensuite le coup de fil de Peralta Saint Jean 00 22 55 en apparence sur le mode du duel direct franc et ferme mais ponctu par des insultes off une fois que les appareils sont raccroch s Il y a encore la r action du s nateur Juillet 00 24 00 qui est expri m e sur le mode de la confession feutr e Jai entendu de dr les de choses ce matin propos des gares Enfin se d roule la toute derni re mise au point cat gorique de Saint Jean devant les journalistes La situation est lim pide Je ne serai pas le ministre de la privatisation des gares 00 25 35 Cette affirmation pourrait ponctuer et clore cette s quence pol mique C est sans compter les remontrances finales que le Premier Ministre adresse Gilles sur un mode cette fois volontairement th tral 00 30 00 Comme des millions de Fran ais il m arrive d couter la radio le matin C est le genre de d ballage que le PR Pr sident de la R publique ne veut plus entendre Diversit des discours L ventail de ces r ponses permet galement d attirer l attention sur les di
39. ette tension et ce danger le film recourt aussi par fois aux codes du film de gangsters Une r union l lys e 00 38 03 est ainsi sciemment film e comme un conclave mafieux avec le Pr sident de la R publique dans le r le du Parrain Plus tard quand Saint Jean voudra se d barrasser d un concurrent dont il lorgne la mairie il lui fera une proposition qu il ne pourra pas refuser en l occurrence un poste la Cour des Comptes l encore en uti lisant exactement les m mes m thodes que la mafia S ensuivra un duel verbal dans les couloirs de l Assembl e nationale 01 12 00 qui reprend l aussi les codes d intimidation des films criminels 1 Puis celle de Fran ois Hollande en 2012 mais donc apr s la sortie du film VIISE EN SCENE Rites et abandons Dans beaucoup de films qui mettent en sc ne des hommes politiques l enjeu de la fiction se r sume souvent la qu te du pouvoir et se condense autour d une lection remporter ou d une popularit conqu rir Au contraire LExercice de l tat montre l tape suivante une fois que le pouvoir est conquis pass e l euphorie de la victoire comment s exerce le pouvoir Quel est le m tier de gouverner En quoi consiste t il exactement Quelles sont les actions quotidiennes du pouvoir Bien que l action politique soit essentiellement verbale elle passe aussi par des actions et des rituels sur lesquels la mise en sc ne de
40. ff rents modes de transmission de la parole politique Celle ci n est pas univoque dans sa forme et peut aussi bien prendre l aspect d un communiqu officiel d une parole sciemment th tralis e d une conversation tendue ou de com mentaires off nettement plus rel ch s ce titre on notera aussi l utilisation novatrice des S M S qui s affichent plusieurs fois en plein cran Ils repr sen tent un outil de communication moderne qui se situe d lib r ment entre l crit et l oral m me si les ministres n crivent pas encore en langage texto et en motic nes Leur surimpression soudaine sur l image semble encore ajouter un mode de communication suppl mentaire cette diversit vient logiquement s ajouter la diversit des tons et des inflexions de voix des diff rents personnages On peut ainsi rep rer parmi d autres les phras s un peu tra nants et volontairement affect s du Premier Ministre 00 30 00 et du Pr sident de la R publique 00 39 09 Il est enfin possible d analyser com ment les personnages dans les situations de crise peuvent faire appel diff rents registres pour signifier quel degr d intimit et de professionnalisme ils souhaitent placer les d bats Ils peuvent ainsi le plus souvent choisir en fonc tion des circonstances la rigidit protocolaire ou le rapprochement affectif cf Atelier Il n y a pas de ministre qui tienne Il peut tre parti
41. figur es l image dans les sc nes de d placements L action du film se concentrant plut t sur des es paces exigus tels que bureaux apparte ments ou voitures les quelques moments qui offrent une vue d gag e sur des ext rieurs sont d autant plus saisissants On pourra ainsi rep rer la r currence du motif de la route Ainsi dans la sc ne o Saint Jean se rend sur les lieux de l accident de car 00 07 15 un bref plan nous montre ce que voit le ministre une route ennei g e et p rilleuse sur laquelle il faut avan cer avec prudence dans l obscurit de la nuit Plus tard quand il se rend Saint Dizier 00 36 30 sa voiture est stopp e par un groupe de manifestants et la s quence commence avec le m me type de plan une route qui se bouche soudai nement Nous sommes cette fois de jour mais les fumig nes des manifestants et la neige installent une ambiance brumeuse dans laquelle la voiture ne peut d sormais plus avancer Ces deux courts plans en cho sont une m taphore de l action de Saint Jean il lui faut tracer sa voie t tons dans un environnement hostile II progresse sur un trajet sem d emb ches avance de fa on parfois al atoire ren contre parfois un mur se trouve contraint au demi tour On remarquera que cette volte face se produit aussi au figur quand il doit piloter un projet gouvernemental la privatisation des gares contraire ses convictions profondes et ses
42. ice de l tat nous plonge en immersion dans un monde peu connu et fantasmatique les couloirs des minist res de la Ve R publique et les intrigues qui s y nouent Cet univers que nous percevons par le prisme m diatique et t l visuel n a t que rare ment abord par la fiction cin matographique a fortiori celle qui est produite en France Suivant les pas de Bertrand Saint Jean ministre des Transports interpr t par Olivier Gourmet L Exercice de l tat est tout autant le portrait complexe et tourment d un serviteur de l tat devant concilier convictions personnelles et jeu politicien qu un film de genre o la course contre la montre du ministre prend parfois des allures de thriller Son int r t d passe son sujet et sa cr dibilit documentaire pour se d ployer sur de multiples niveaux dramaturgie vivante et rigoureuse cis lement d une parole qui devient action densit des ambiances visuelles et sonores Pierre Schoeller apporte ici la preuve qu il est possible de combiner souci de cr di bilit et puissance de l imaginaire R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro Sc nario r alisation et production de l Universit Paris Panth on Sorbonne Il e
43. ie du pouvoir Bien que le regard de Pierre Schoeller reste tr s proche de son sujet le cin aste adopte une certaine distance cri tique qui vaut ironie notamment lorsqu elle montre l aspect parfois d risoire des rapports de force La politique reste un petit th tre avec ses codes et ses emplois c est dire des fonctions adapt es tel ou tel type de personnalit Dans la caract ri sation de ses personnages comme dans leurs rap ports de force et ou de d pendance L Exercice de l tat reprend ainsi la figure classique du duo ma tre serviteur ou ma tre confident telle qu elle a t tablie par le th tre classique de Moli re et Marivaux mais qu il s agit de d cliner et d adapter la France contemporaine Les multiples conseillers qui gravitent autour de la figure du ministre Saint Jean ont des rapports de hi rarchie et de d pen dance envers lui mais en m me temps Saint Jean ne peut agir sans eux C est donc une v ritable rela tion dialectique qui op re entre les personnages et g n re une premi re dynamique de r cit Le corps et l esprit Le premier duo du film est celui form par le ministre Bertrand Saint Jean interpr t par Olivier Gourmet et son directeur de cabinet sou vent abr g en dircab Gilles Michel Blanc Jusqu l ultime s quence du film qui voit leur s paration arbitraire les deux figures restent telle ment interd pendantes que l on peut affirmer sa
44. inger Pater d Alain Cavalier et donc L Exercice de l tat En soi ce tir group est d j remarquable puisque le cin ma fran ais a sou vent paru frileux sur le traitement de la vie politique Mais ces trois films sont aussi fatalement per us selon le prisme de l v nement m diatique qui occupe alors les esprits Lors de la projection de Exercice de l tat la d couverte inattendue de la premi re s quence qui met clairement en sc ne la pulsion libi dinale de l homme politique colore le film de Schoeller d une inattendue connotation proph tique Ce parall le entre film et actualit ne s arr te pas l Quand le film sort enfin sur les crans fran ais le 26 octobre 2011 soit pr s de cinq mois apr s sa pr sentation cannoise l affaire DSK a connu de nou veaux rebondissements Et le quotidien Lib ration n est pas en reste pour imaginer pour sa une un mon tage assez croustillant Sous le gros titre portant sur l affaire du Carlton Carlton un nouveau coup pour DSK on peut ainsi voir la photo du film o la femme nue p n tre dans la gueule du crocodile Un regard rapide et non inform pourrait ainsi croire que la photo a t elle m me prise dans les salons du Carlton comme pi ce conviction lors d une soir e licencieuse d autant plus que le titre accompa gnant la photo L Exercice de l tat ou la perversit du pouvoir est non seulement crit en caract res plus petits mais souligne
45. n Aussi le film gagne t il sur les deux tableaux celui de l imaginaire et celui du document entre lesquels s tablit une r elle dialectique Contrairement La Conqu te le spectateur n a pas l impression de conna tre les moindres rebondissements de l histoire avant qu elle lui soit racont e Sa curiosit est donc sans cesse aiguis e et il prend plaisir fureter au c ur de ce petit monde aux figures presque famili res mais aux m canismes plus myst rieux Ce sont sans doute ces imbrications qui comme l crivait le critique Thomas Sotinel dans Le Monde du 26 octobre 2011 font prouver cette sensation si plaisante pour le spectateur d acc der enfin une r alit qui lui chappe CONSULTER Filmographie Films r alis s ou crits par Pierre Schoeller Alain Gomis Afrance DVD Bqhl 2012 Pierre Schoeller Versailles DVD France T l visions ditions 2009 Pierre Schoeller LExercice de l tat DVD Diaphana TF1 Vid o 2012 Films sur des th matiques proches Xavier Durringer La Conqu te DVD Gaumont 20LL Alain Cavalier Pater DVD Path 2011 Yves Jeuland Le Pr sident DVD France T l visions ditions 2011 Raymond Depardon 1974 une partie de campagne DVD Arte Vid o 2004 Nanni Moretti Le Ca man DVD Bac vid o 2006 Bibliographie Entretiens Dominique Martinez et Yann Tobin J ai fait un thriller pas un trait politique entretien avec
46. nciliabules entre l homme politique et son conseiller en communication dans l habitacle de la voiture officielle Exactement comme dans le film de Pierre Schoeller l homme politique appara t cha peronn parfois m me guid par ses conseillers cf p 10 Dans le cas de Georges Fr che le paradoxe semble piquant car lui m me a b ti sa r putation sur sa grande gueule et une suppos e spontan it loin des usages polic s du milieu Le documentaire r v le donc l envers de cette parole la fois calcul e et provocatrice D o viennent cependant les r ticences qu il g n re Reposant sur un point de vue moins affirm que L Exercice de l tat r alis avec le souci d une apparente neutralit dans un style qui voque celui de l mission Strip Tease le film devient presque l otage de son sujet De fait le documentaire pouse sans grand discernement le point de vue de Fr che qui ne se prive ni de cabotiner ni de ridiculiser ses adversaires politiques de mani re plus que d loyale Si le film garde une valeur informative il manque ainsi assur ment de contrechamp Plus que tout il distille un malaise certain qui dit quelque chose sur un certain d voiement de la d mocratie contemporaine quand l lu se comporte comme un monarque et quand les conseillers deviennent des courtisans C est sans doute la divergence essentielle entre Le Pr sident et LExercice de l tat En cherchant ausculter les dessous de la poli
47. nist riel soumis un double imp ratif Obligation lui est faite d agir et de r agir de mani re quasi instan tan e aux v nements c est l la t che de Saint Jean Il lui faut parall lement op rer un travail de fond sur un terme plus long et plus soutenu telle est la partie d volue Gilles En quelque sorte Saint Jean occupe le terrain tandis que son direc teur de cabinet le pr pare intellectuellement Ainsi apr s avoir list les oppositions sur les deux caract res il faut donc analyser dans le d tail comment le sc nario les relie en insistant sur le fonctionnement de ce tandem et en montrant qu ils ne peuvent se passer l un de l autre Quand Gilles coute avec concentration le discours de Saint Jean sur les lieux de l accident de car par tir de 00 11 19 il s impr gne de la personnalit de son ministre pour plus tard pouvoir mieux pr parer ses arguments de riposte contre le ministre du Budget 00 18 13 Le fil du t l phone qui les relie peut m me tre vu comme un cordon ombilical qui nourrit r ciproquement ces deux personnalit s a priori oppos es Gilles a autant besoin de la pr sence et des humeurs de Saint Jean que Saint Jean a besoin des arguments pos s et rationnels de Gilles On se reportera galement la sc ne de d briefing 00 18 06 suivant linter vention du ministre sur Europe 1 pour voir com ment fonctionne leur interaction entre parole et action cf Motif p
48. nnu pour tre l un des derniers r les de Guillaume Depardieu CN Pierre Schoeller sur le tournage du film J r me Pr bois Coll Cahiers du cin ma vaut aussi pour la singularit de son sujet Avec cette histoire d une commu naut de SDF campant dans le parc du ch teau de Versailles et devant recueillir un petit gar on abandonn Schoeller traite sur un mode all gorique de la confrontation des classes sociales en France puisque le parc du ch teau peut aussi tre vu comme une maquette du territoire national Un cin aste moraliste Un souci commun anime ces deux titres et Exercice de l tat celui de parler de la France d aujourd hui et d aborder des questions politiques mais toujours sous langle du rapport entre l homme l humain le citoyen et la soci t Si Afrance et Versailles prenaient pour h ros des personnages plut t humbles voire d munis l tudiant sans papiers le SDE l enfant abandonn Exercice de l tat change la donne en allant voir aux antipodes au sommet de l ex cu tif De l aveu m me de Pierre Schoeller Versailles et L Exercice de l tat forment un diptyque sur une France en crise voire en faillite D un bout l autre du spectre social un m me constat s impose l humain a toujours un long et dif ficile combat mener contre la machine administrative C est en fait ce com bat que Schoeller cherche filmer mais il le fait sans ranc ur ni d magogie Il
49. ns crainte que le v ritable personnage principal du film est ce personnage deux t tes La r alit pro fessionnelle ob it une r partition des t ches assez claire le ministre est dans la lumi re tandis que le directeur de cabinet reste dans ombre Le premier agit parle se d place intervient dans les m dias tandis que le second structure les quipes et surveille l avanc e des travaux Le premier est un tre dynamique le second statique La caract ri sation op r e par Pierre Schoeller dans le domaine de la fiction renforce cette opposition Il importe donc d analyser comment le r alisateur et sc na riste d finit les principaux traits d incarnation et de caract re de ses personnages La premi re image de Saint Jean 00 02 09 nous le montre endormi son corps massif allong et pris d une rection nocturne suite son r ve rotique Plus tard en revenant du site de l accident d auto car il est soudainement pris d un violent malaise et vomit sur le bord de la route 00 14 50 Tout la fin du film il apprend sa nomination un nou veau poste minist riel assis sur un autre tr ne celui des toilettes 01 36 58 Entre temps on l aura vu boire avec volupt chez Kuypers 00 55 40 C est donc un tre plut t jouisseur avec un corps une pr sence une intimit des d sirs des humeurs des entrailles l inverse le personnage de Gilles est la plupart du temps montr assis
50. nt du pro tagoniste et de la fonction minist rielle On repartira de la s quence o Kuypers en formation doit conduire avec une cagoule sur le visage 00 29 00 pour remarquer que cet accesoire renvoie aux personnages masqu s de la premi re s quence cf p 8 Si Kuypers se trouve ainsi connect la communaut large et secr te des serviteurs de l tat vaste confr rie qui englobe tout le personnel du minist re le rapprochement avec les kuroko marionnettistes du personnel poli tique introduit l id e d un retournement des valeurs C est ainsi que Kuypers est l pour servir le ministre mais aussi pour le soutenir Ce dernier verbe doit s en tendre au sens propre comme le montre le moment o Kuypers porte sur son dos le ministre ivre mort et le d pose sur le palier de son appartement 00 57 30 Cette image forte anticipe celle o Saint Jean surprend Gilles en le soulevant du sol 01 39 12 Mettre en cho ces deux s quences reviendra montrer que les trois hommes l homme du peuple le ministre et l minence grise se portent ou se supportent les uns les autres dans un rapport de hi rarchie mouvant lls for ment un triangle dont chacun des som mets a besoin de l autre pour s affirmer Une autre image vocatrice de ce ren versement de valeurs pourra tre com ment e celle du groupe de ch meurs de longue dur e dont fait partie Kuypers posant sur le perron du minist re
51. ntend que l action politique rel ve la fois de l outil de formation de l nigme du casse t te et m me de la quadrature du cercle puisqu il faut la fois satisfaire le plus grand nombre tre en accord avec ses propres convictions ainsi que son envie de changement et prendre en compte les r alit s du terrain Il est noter que toute cette ambiguit productive autour du titre tient beaucoup aux subtilit s de la langue fran aise et de sa culture politique Le titre s est ainsi r v l intraduisible Comme le dit lui m me Pierre Schoeller dans une interview aux Inrockuptibles L tat au sens o on l entend en France c est impossible traduire En Allemagne il est sorti sous le titre de Staatsgewalt l autorit de l tat concept d j tabli dans la culture politique du pays mais pour les autres pays o le film a effectu sa carri re Pologne Gr ce Su de Hongrie Argentine Australie Canada tats Unis il a t pr sent sous un titre international nettement plus simple The Minister le ministre 1 cf Parall les p 18 2 La seule est une citation du discours d Andr Malraux pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panth on le 19 d cembre 1964 mais nous sommes ici davantage dans l Histoire de France que dans la politique D COUPAGE NARRATIF Les titres et les minutages reprennent ceux des chapitres du DVD Diaphana TF1 Vid o 0 G n rique d but
52. omme une suite de mouvements ayant chacun son propre tempo et sa propre vivacit En ce sens l Exercice de l tat est un film hant par une certaine musicalit qui sans tre plaqu e de l ext rieur na t de l int rieur m me du rythme des s quences et de leur encha nement Dialogues initiatiques Comme tout film qui d crit en d tail un milieu socioprofessionnel Exercice de l tat doit t moi gner du jargon particulier de ses personnages lan gage sp cifique qui souligne leur appartenance un milieu La fonction use ainsi d acronymes et d abr viations dircab d signe le directeur de cabinet PM renvoie au Premier Ministre Plus surprenant pour les non initi s PR voque le Pr sident de la R publique quand tout un chacun di rai t Pr sident Un spectateur qui entend PR pense d ailleurs d embl e au mot p re Int ressante superposition psychanalytique Ainsi quand le Premier Ministre reproche Gilles les pro pos radiophoniques tenus par Saint Jean le matin il le sermonne en ces termes 00 30 28 C est le genre de d ballage que le PR ne veut plus entendre La r plique sonne imm diatement comme la mise en garde d un pater familias un adolescent turbu lent Schoeller s amuse donc parfois de ce langage d initi s qui cr e forc ment un d calage entre lim plicite entendu des personnages ce qu ils com prennent imm diatement par le
53. presque soud son bureau et indissociable de sa fonction 00 12 06 Cest un pur intellect si d vou sa t che que sa vie en para t devenue monacale Sa sexualit demeure une inconnue contrairement celle de ses coll gues du minist re Son seul ami suppos est Woessner ancien camarade de promo de l E N A avec lequel il continue avoir des dis cussions professionnelles 00 44 22 l inverse de Saint Jean on ne lui conna t aucune famille aucun loisir aucun jardin secret Quand les con seillers se laissent aller des soir es pirates dans les murs du minist re 00 02 35 il ne parti cipe pas ces d bordements Personnage sans patronyme il semble m me ne jamais avoir besoin de dormir Quelque part son corps comme son inti mit se sont volontairement effac s devant l ampleur de sa t che et devant le poids de l Histoire Rien d tonnant d s lors entendre r sonner chez lui un c l bre discours de Malraux qui tout la fois l inspire et l crase Une entit unique S il est ainsi possible d articuler une tude des personnages du film sur la recherche d indices de caract risation en s parant ce qui rel ve du cor porel et de la pr sence physique chez Saint Jean de ce qui rel ve de l intellectuel chez Gilles il faut galement souligner que ces deux caract res aussi dissemblables qu ils soient ne forment en r a lit qu une seule entit celle d un corps mi
54. r git nombre de sc nes o chacun parle en mou vement dans les couloirs de la Maison blanche ou du S nat am ricain N anmoins toutes ces cr ations restent aussi grandement ancr es dans une culture de la d mocratie proprement am ricaine et il s av re hasardeux de les comparer terme terme avec L Exercice de l tat Deux documentaires sur la politique fran aise Dans cette perspective les connections les plus fructueuses sont sans doute rechercher dans le contexte fran ais ou europ en Sur le th me de la repr sentation du politique on pourra ainsi confronter Exercice de l tat deux documentaires Lun date d il y a pr s de quarante ans il s agit de 1974 une partie de campagne de Raymond Depardon tourn en 1974 L autre beaucoup plus r cent Le Pr sident d Yves Jeuland date de 2010 Pourquoi comparer ces deux documentaires la fiction document e de Pierre Schoeller D abord parce que tous deux s immiscent comme des petites souris dans le quotidien de la politique suivant r unions d briefings et d placements Ensuite parce qu ils gravitent autour de deux personnages hauts en couleurs le maire de Montpellier Georges Fr che dans Le Pr sident et le candidat la Pr sidence de la R publique Val ry Giscard d Estaing dans 1974 Voil pour les points communs avec le film de Le Pr sident d Yves Jeuland 2010 La G n rale de Production Schoeller Mais il nous faut constater que ces
55. re registres est constant L inspiration documentaire L Exercice de l tat r ussit d j une premi re gageure c est un film qui parle de l activit politique de la France d aujourd hui de mani re tr s r aliste et plausible mais s interdit la moindre allusion la vie politique partisane de notre pays Bertrand Saint Jean est ministre des Transports mais nous ne savons m me pas s il op re dans un gouvernement de gauche ou de droite On le sent parfois en minorit cofsullatio D Sy 4 Site im au sein du gouvernement oppos la ligne du minist re du Budget mais ces ant c dents et divergences d opinion ne sont jamais expliqu s Le spectateur ma pourtant pas besoin de ces r f rences pour sentir que le film est tr s cr dible tant tout ce qui concerne le quotidien du m tier politique est restitu avec pr cision Comment s crit un discours dans l avion conduisant le ministre sur les lieux d un accident de car Comment s organise une r union de travail avec les conseillers Comment le Pr sident de la R publique et le Premier Ministre parlent ils aux membres du gouvernement Comment commander un sondage d opinion secret en l int grant dans une fausse ligne budg taire Quelle formation suit le chauffeur d un ministre Le film est ainsi fond sur un socle documentaire qui renseigne le spectateur sur la r alit de la profession politique abor d e exactement comme toutes le
56. rent en g n ral quand la musique vient en toute discr tion absorber le reste de la bande son imposant de nouvelles r sonances aux images On pourra tudier la s quence o Saint Jean doit faire un dis cours devant une assembl e d ouvriers 01 09 28 la fin d une conversation t l phonique tendue un tintement de cloche sonne soudainement tandis que Saint Jean regarde un lac Le prolonge ment de cette note se m lange des notes qui pourraient voquer des piaille ments d oiseaux Puis la musique occupe toute la bande son tandis que Saint Jean et l assembl e d ouvriers muets se toisent r ciproquement ce moment l la mu sique est une v ritable projection de lin qui tude mentale de Saint Jean person nage qui para t alors fr ler le d r glement C est bien la musique qui rend manifeste impression d inqui tante tranget qui correspond selon Freud une l g re rupture dans le cours rassurant du quoti dien qui mane de la s quence Toujours dans le bonus DVD Philippe Schoeller explique qu il a travaill son mat riau musical en continuit avec la bande sonore Un autre travail sera donc fond sur une recherche des moments o la musique na t des sons et des bruits du film une voiture qui roule des froisse ments de tissus le cliquetis d un briquet agit fr n tiquement 01 34 06 L exercice initiera les l ves aux subtilit s de la com position sonore en les invi
57. s Marne la Vall e Il y d couvre que lui et sa femme Jos pha vivent dans une caravane puisque leur pavillon est rest inachev suite diverses arnaques et malfa ons Lors du d ner Jos pha et le ministre se repro chent mutuellement de ne pas assez conna tre la r alit de l autre Gris par la boisson Saint Jean sort ivre dans le jardin et se saisit d une pelle dans l intention d aider Kuypers finir sa foutue baraque En fin de soir e Kuypers ram ne Saint Jean ivre mort jusqu au palier de son appar tement bourgeois 9 D cision 00 58 39 01 06 11 Face face tendu entre Saint Jean et Gilles La privatisation des gares semble in luctable Saint Jean ructe pense tre le dindon de la farce Il cherche remobiliser Gilles C est peine perdue puisqu une r union Matignon confirme la privatisation et d signe Saint Jean comme pilote d un projet auquel il a t jusqu ici hostile 10 Tensions 01 06 12 01 13 04 Journ e de d placement en province pour Saint Jean plac e sous le signe de la tension voire de la panique change orageux avec Falconetti le ministre de la Sant man uvres internes pour trouver une ville o tre parachut lors des prochaines munici pales face face muscl dans les couloirs de l Assembl e nationale avec Prade le maire de Dijon dont il convoite la place 11 Laccident de voiture 01 13 05 01 22 00 En retard un d
58. s agit de montrer dans des contextes diff rents les complexit s de l appareil politique et ses interactions avec les affects personnels Aussi bien Damien le SDF Guillaume Depardieu dans Versailles que Bertrand Saint Jean le ministre Olivier Gourmet dans L Exercice de l tat restent des personnages de c ur et de conviction qui doivent chacun leur chelle et chacun dans leur domaine lutter contre plus fort qu eux Tous les deux cherchent vivre selon leurs convictions et sans compromission En ce sens Pierre Schoeller est un cin aste moraliste qui dresse les tableaux des m urs de son temps tout en repla ant les tiraillements existentiels de ses personnages au c ur des dynamiques par fois contradictoires de la cit la polis grecque la cit tat la communaut de citoyens libres et autonomes contemporaine AVANT LA SEANCE Les promesses d un film Au moment o sort L Exercice de l tat Pierre Schoeller est encore un cin aste peu identifi puisqu il ne s agit que de son deuxi me film de cin ma De plus il traite un sujet la vie politique vue de l in t rieur peu voire pas du tout abord par le cin ma de fiction en France Seuls les films de Raymond Depardon 1974 une partie de campagnel sur la campagne lectorale de Val ry Giscard d Estaing en 1974 et ceux de Serge Moati diffus s la t l vision au moment des lections pr sidentielles pourraient ventuellement s en
59. s autres professions avec ses codes ses proc dures son jargon ses usages etc Le g n rique indique quatre conseillers au sc nario chacun a une activit professionnelle bien plus proche du monde politique que du cin ma Gr goire Biseau est journaliste conomique et politique au quotidien Lib ration S bastien Calvet est un photographe politique qui a suivi la campagne lectorale de S gol ne Royal en 20071 Beno t Gausseron est un ancien conseiller en communication de Francis Mer Thierry Breton et Jean Louis Borloo au minist re des Finances Francis Roll Tanguy enfin est l ex directeur de l activit fret de la S N C E Notons que ces deux derniers intervenants sur le sc nario ont leurs personnages r pliques dans le film Pauline la conseill re en communication et le pr sident de la S N C E Ces quatre conseillers ont donc pu apporter suffisamment de souvenirs de d tails concrets de choses vues pour rendre cr dibles la fois l action quotidienne des personnages du film et surtout leurs rap ports de force Dans les remerciements du g n rique on note aussi les noms de deux figures politiques de premier plan Michel Rocard et Martin Hirsch sans que leur r apport au film soit pr cis Le conflit dramatique Si le film se contentait d aligner ainsi les sayn tes r alistes il reste rait de l ordre de la chronique documentaire ou plut t de la simu lation documentaire puisque nous sommes
60. solument seul dans son bureau du minist re des Finances alors install au Louvre Somme toute la d marche du film appara t finalement assez proche de celle de Pierre Schoeller il s agit bien pour Depardon de d sacraliser la fonction politique de montrer ses rouages de r v ler sa part faillible et humaine Si Le Pr sident d Yves Jeuland est apparemment construit sur un principe voisin le suivi d une quipe politique durant une campagne lectorale le film appara t comme nettement plus probl matique Le Pr sident en question n est pas celui de la R publique mais de la r gion Languedoc Roussillon Georges Fr che ancien maire de Montpellier de 1977 2004 connu pour sa m galoma nie comme pour ses fr quents d rapages exclu du Parti Socialiste et continuant pourtant jouir d une grande popularit Suivant Fr che et son quipe durant la campagne des lections r gionales de f vrier mars 2010 le documentaire d Yves Jeuland enregistre presque son insu les derniers mois d activit de cet animal politique qui d c dera quelques mois plus tard en octobre 2010 le film posthume ne sortira pour sa part qu en d cembre de la m me ann e 1974 une partie de campagne de Raymond Depardon 1974 Palmeraie et d sert Sc nes identiques points de vue divergents On retrouve dans le film certaines sc nes quasiment identiques celles de L Exercice de l tat en parti culier les co
61. st galement d l gu g n ral du Festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Joachim Lepastier est critique aux Cahiers du cin ma depuis novembre 2009 apr s avoir men des tudes d architecture et de cin ma Il a r alis plusieurs courts m trages documentaires et enseigne l histoire du Cin ma au C L C F Conser vatoire libre du cin ma fran ais ainsi que dans des coles d art l E S A e art sup CAHIERS CINEMA Ex Libert Egalit Fraternit R PUBLIQUE FRAN AISE
62. tant qualifier les ambiances sonores et musicales du film grin ante agressive enve loppante etc mais surtout en illustrant les notions de sons di g tiques qui appartiennent au monde de l histoire racont e et extradi g tiques qui lui sont ext rieurs Plus simplement encore ce travail autour de la musique et de son impact dans la narration montrera que pour citer Philippe Schoeller le mouve ment du son pr c de le mouvement de l il 15 16 VOTE La parole comme action L Exercice de l tat d peint l action de la politique l re de la m diatisation outrance et de la communication imm diate Par essence l action politique s appuie sur le verbe Le th tre politique et la trag die ont un point commun la parole y est action Comment d s lors mettre en sc ne cette parole dans un contexte contemporain en donnant un r le aux outils modernes de commu nication C est l un des vidents challenges que s est donn s Pierre Schoeller pour orchestrer une mise en sc ne qui repose elle m me tr s largement sur les notions de circulation et de transmission Naissance d une parole collective Une sc ne du film embl matique rend compte explicitement de la valeur et de la nature de la parole politique celle de l interview accord e par Saint Jean Europe 1 Elle permet de distinguer avec pr cision ce qui a trait la parole individuelle et collective
63. tense spectaculaire et contrast e la s quence de l accident de voiture chapitre 11 01 14 52 01 22 00 contient en elle tout ce qui fait la singularit de L Exercice de l tat Sa construction rigoureuse en trois temps le trajet en voiture l accident impr visible l apr s coup permet de m nager successive ment un temps pour le dialogue puis un autre pour l action et la sensation pure Dans le r cit le passage ponctue et embl matise un moment de crise celui o la machine s est emball e un tel point qu elle m ne l accident r el et la vacance du pouvoir symbolique Menaces Le premier plan de la s quence est pris depuis l int rieur de la voiture Par le pare brise on voit un ouvrier retirer les barri res du chantier pour ouvrir la route au v hicule 1 Les plans suivants montrent la voi ture s engageant sur la route d gag e et sont pris depuis l ext rieur Ils la suivent en travelling avec une l g re plong e et en se rapprochant d elle signifiant une menace qui r de voire un mouvement de pr dation On peut galement noter qu avant de s engager sur la route la voiture franchit plusieurs obstacles barri res de chantier p age rail de s curit La musique sur ces s quences distille des notes assez inqui tantes sugg rant que ces franchissements successifs sont aussi des transgressions des passages du Rubicon Une fois ces seuils franchis le destin de la voit
64. tique spectacle les deux films parviennent des conclusions radicalement oppos es Aucun d eux n est dupe des compromissions reniements et tra trises qui maillent l activit politique mais le film de Schoeller montre que malgr tout le syst me d mocratique avec ses rituels assure une certaine permanence et restera toujours plus grand que les personnalit s politiques aussi talentueuses et inspir es qu elles soient Tout au contraire le docu mentaire de Jeuland s av re nettement plus cynique ne cachant gu re sa fascination pour une personna lit proche d un inamovible autocrate qui s abstrait presque du jeu de la d mocratie LExercice de l tat t moigne donc d une foi dans le service de l tat quand Le Pr sident acte le fait que ce service a vir au culte de la personnalit Ambiances lectriques Enfin deux autres uvres pourront aussi tre voqu es avec profit La premi re est un court m trage de 36 minutes La R publique de Nicolas Pariser 2009 qui voque les luttes intestines au sein d un parti politique r uni en universit d t et qui venant d apprendre la mort subite du Pr sident de la R publique doit d signer son candidat pour la prochaine lection La seconde est une bande dessin e en deux volumes publi s en 2010 et 2011 Quai d Orsay de Christophe Blain et Abel Lanzac pseudonyme d un diplomate en poste New York qui montre l ambiance lectrique voire hyst rique r gn
65. tom ber du haut d un escalier du minist re Ces courts acc s de panique qui l assaillent symbolisent ses doutes au moment o il accepte d agir l oppos de ses convictions Une autre s quence bien qu appartenant un registre minemment r aliste travaille aussi sur la fronti re entre la r alit et son d r gle ment Il s agit de la s quence de l accident film e avec une violence tellement soudaine et impr vue qu elle outrepasse m me le domaine du fantastique et bascule dans l horreur cf p 12 Les codes du cin ma de genre Cette sc ne d accident stup fie car elle comporte plusieurs d tails qui ne d pareraient pas dans le cin ma gore comme le r alisme des blessures et la pr sence du pied arrach C est sans doute l un des points les plus originaux de L Exercice de l tat recourir quelques figures propres au cin ma de genre pour mieux faire comprendre les rouages et les rapports de force de ce petit monde politique Le film utilise fr quemment les codes du thriller notamment quand il suit la voiture de Saint Jean de nuit avec une musique grave et inqui tante Avec des moyens tr s simples ces plans instillent une tension qui d teint sur le reste du film et rend m me parfois le personnage de Saint Jean impr visible et inqui tant La politique appara t donc comme un monde cruel o se multi plient les traquenards les r glements de compte et couteaux dans le dos Pour rendre c
66. ts marionnettistes les kuroko qui viennent sur sc ne tenir des accessoires voire des l ments de d cor En faisant appel un l ment issu de la tradition th trale japonaise Schoeller installe d embl e une id e forte toute action politique d bute par un c r monial Ces rituels cod s orchestr s chor gra phi s sont le garant non seulement d une tradition mais aussi d une continuit de l tat Le c r monial la circulation des objets et des symboles consti tuent la toile de fond du th tre politique sur laquelle entreront les hommes avec leurs convic tions et leurs actions Par cette sc ne ritualis e et anonymis e puisqu on ne saura jamais qui se cache derri re les cagoules noires Pierre Schoeller montre que l espace symbolique qu est la sc ne politique et les instruments du pouvoir pr existent l action politique La pr sence d objets datant des XVII ou XVIIIe si cles bureaux tapis pendu lettes sugg re quant elle que cette c r monie initiatique se r p te au niveau symbolique depuis la R volution Fran aise Cet invariable lever de rideau t moigne aussi de la permanence de l tat Les rituels se r p tent les hommes passent et ne sont tous des degr s divers que des serviteurs d une id e plus haute du bien commun et de l in t r t g n ral La politique un projet inachev Bien que l action politique s inscrive dans une per m
67. ue ainsi constamment de fortes et brusques juxtapositions du net et du brouill Mais ces coups et ces sautes dans l audition signifient aussi que pour Saint Jean et son quipe la communication est une lutte de tous les instants Pour se faire entendre il faut constamment se battre contre un environnement hostile ici figur par une composition sonore ou vertement agressive Or dans un contexte agit tout fait sens tout fait message Saint Jean et surtout Pauline sa conseil l re en communication l ont bien compris Au d tour de la rencontre entre Saint Jean et le pr fet sur les lieux du drame et d un change de cravate entre les deux hommes 00 07 47 le film montre incidemment alors que les conversations s entre croisent que la communication n est pas unique ment verbale et que la ma trise du dress code en l occurrence la cravate la plus sombre semble tre ici un gage de respect envers les victimes reste un imp ratif La communication que doivent piloter Saint Jean et son quipe na t donc de cette dialectique entre des codes visuels qu ils ont par faitement ma tris s et une communication sonore davantage soumise aux al as et l arbitraire de l adversit Par son travail tr s fin sur la collision des contrastes auditifs cette s quence cr e aussi sa propre dynamique sonore qui lance le film sur la piste dune composition au sens musical du terme En effet le film peut se lire c
68. ui libre en haut d un escalier Oppos au projet Gilles quitte son poste de directeur de cabinet dans l intention de redevenir pr fet 15 Revirement 01 36 58 01 43 25 Aux toi lettes Saint Jean re oit un appel du Secr tariat G n ral de la Pr sidence de la R publique lui annon ant sa nomination surprise au minist re de l Emploi et de la Solidarit Tout sa joie il retrouve Gilles et exulte On va faire de grandes choses ensemble Les deux hommes arrivent l lys e pour recevoir leur feuille de route des mains du Pr sident de la R publique Il faudra d samorcer et reprendre les cinq points de son dage que l on va perdre avec les gares Le Pr sident demande galement Saint Jean de trouver un nouveau directeur de cabinet Gilles accepte sto quement la d cision Les deux hommes se s parent dans l indiff rence 16 G n rique de fin 01 43 26 01 47 36 R CIT L histoire d une mutation Le r cit de L Exercice de l tat ob it une structure tr s particuli re et para t plut t complexe analyser Le spectateur a l impression d un film qui pr f re d crire un milieu plut t que raconter une his toire Et pourtant ce milieu regorge bel et bien d histoires plus ou moins int ressantes et anecdotiques au point que le film donne l impression d un trop plein narratif Ne pourrait on pas malgr tout pr senter Exercice de l tat comme le r cit de la mutation
69. ur culture du sous entendu et un spectateur souvent moins initi et rompu ces codes de communication Dans cette perspective la sc ne de la r union l lys e o se d cide la nomination de Woessner 00 38 02 joue sur un parti pris d criture assez radical cr ant certaines surprises Au d marrage de la s quence le dialogue n est compos que d une suite de noms propres num r s par la demi douzaine de participants la r union Chacun prend des airs contrits ou entendus d s lors qu un nom est jet en p ture L heure para t grave et solennelle mais pour le spectateur qui ne conna t aucun de ces noms la sc ne para t nettement plus ironique voire d risoire Le spectateur volontaire ment laiss distance de l enjeu de la sc ne ne voit plus que les conventions et les codes des rela tions de pouvoir On n est pas tr s loin du th tre de l absurde d Eug ne Ionesco en particulier de La Cantatrice chauve compos e partir de phrases tir es des guides Assimil dont les dialogues volon tairement vid s de toute signification d nudent aussi les conventions sociales Ce court exemple montre que Pierre Schoeller s il d crit de mani re tr s pr cise et document e le contexte minist riel sait aussi le regarder avec un certain d calage pour mieux en d monter les rouages L impact de la musique Compos e par Philippe Schoeller fr re du r alisateur la musique ne travaille pas sur l
70. ure et de son quipage est scell 2 Dans la suite de la s quence nous restons toujours l int rieur La route est enfin d gag e et ambiance semble plus paisible Saint Jean discute man uvres politiciennes au t l phone avec Gilles sur un ton ferme parfois presque martial Un court plan serr sur les mains du chauffeur continue sugg rer une menace comme si le personnage tait pi de derri re 3 Les dialogues sont parfois off sur des travellings lat raux pris depuis l int rieur de la voiture qui mon trent le paysage alentour Et l on note une autre particularit dans la mise en sc ne des champs contre champs les plans sur Saint Jean sont fixes mais dans une voiture en mouvement 4 tandis que les plans sur Gilles sont de courts travellings lat raux 5 Ainsi dans les raccords il y a toujours du mouvement Les sc nes de dialogue ne sont jamais statiques La surprise de accident Puis survient l accident dont la cause ne sera jamais montr e On le vit d abord de l int rieur de la voi ture en voyant Saint Jean qui sursaute 6 brusquement interrompu au milieu de sa phrase Puis un plan d ensemble en travelling avant montre la voiture faire un tonneau 7 Retour imm diat dans l habitacle avec une suite de plans heurt s tr s courts qui nous transmettent la sensation r elle de laccident en travaillant un hyperr alisme des mati res frottements de la t le bris de vitre tincelles du m tal qui
71. utier Dans LExercice de l tat les v nements exceptionnels se r p tent donc sugg rant que le film ob it une secr te logique de boucle Les personnages s agitent beaucoup cou rent continuellement apr s le temps mais reviendraient ils leur point de d part Le film le laisse clairement entendre la fin quand le Pr sident indique sa nouvelle mission un Saint Jean fraf chement nomm ministre du Travail Tu mes pas l pour refaire le monde Tu es l pour reprendre les cinq points de sondage qu on va perdre avec les gares Dans cette logique Saint Jean devient malgr lui un pompier pyromane puisqu il doit contrer les effets n gatifs d une r forme contraire ses convictions mais qu il a d piloter par solidarit gouvernementale En situant ce raisonne ment qui se mord la queue en fin de film Schoeller montre que l ac tivit politique se contente parfois simplement de g rer des crises qu elle a contribu alimenter Cette fa on de boucler la boucle t moigne d un constat d sabus sur le degr de latitude de l action politique GENRE Un savant m lange La singularit de Exercice de l tat est d aborder un sujet li lac tualit et des questions en prise avec la soci t fran aise contempo raine et de parvenir les transformer en spectacle cin matogra phique Dans le film sont abord es des questions d licates com ment accorder ses convictions la r alit
72. verse celle de son coll gue La privatisation est l tude Une fois cette fracture au sein du gouvernement publiquement mise jour il faut organiser la riposte du c t de Saint Jean 00 18 06 Le d briefing se fait d abord sous forme d une conversation t l phonique entre le ministre et Gilles petit petit deux autres intervenants Pauline la conseill re en communica tion et Guillemot le PD G de la S N C E alli Saint Jean entrent dans le dialogue par t l phones interpos s Le tour de force de la sc ne est de mettre en sc ne un dialogue t l phonique entre quatre intervenants avec des paroles qui cr pitent de toutes parts tout en restant en plan fixe dans l espace restreint d une banquette arri re de voiture Pris entre les trois intervenants Saint Jean a paradoxalement autant si ce n est plus un r le d coute que de parole Un t l phone coll chaque oreille il doit de plus couter les conseils de Pauline assise ses c t s dans la voiture 00 18 55 Sa parole se structure peu peu gr ce aux interventions des autres qui agissent comme des souffleurs de th tre Par ce cr pitement du dialogue Pierre Schoeller montre alors qu une prise de position politique n mane jamais d un homme seul mais d une constellation de points de vue R actions retardement Les r actions la prise de position de Saint Jean essaimeront plus tard dans la suite du r cit Il est

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