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1. et plus encore S Latouche et dont l auteur pense qu elle fait des ravages dans la p nin sule Il nous a sembl int ressant et loyal d en informer nos lecteurs d autant que cette critique se fonde sur une lecture scrupuleuse citations l appui des textes disponibles en italien Elle constitue en outre le rappel opportun d une position universaliste qui s inscrit dans la grande tradition des Lumi res et de la philosophie kantienne C est souvent ce point de vue qui fonde en effet un rejet des analyses du M A U S S de la part d une intelligentsia dominante politiquement correcte et p n tr e son insu d un ethnocentrisme ordinaire LA QUERELLE DES DROITS DE L HOMME ET DE LA D MOCRATIE L universalisme occidental et lib ral se r duit le plus souvent la d fense incantatoire des droits de l homme On conna t la virulence des critiques 2 L actualit r cente a mis particuli rement en vedette en raison de sa citation par Jean Pierre Chev nement en Conseil des ministres la percutante critique de l id ologie des droits de l homme par Hans Magnus Enzensberger 1992 La rh torique universaliste ne fait pas de diff rence entre le proche et le lointain L id e des droits de l homme impose tout un cha cun une obligation illimit e par principe Elle r v le par l son noyau th ologique qui a surv cu toutes les la cisations Chacun est cens tre responsable de tous2. mais qui ne se r solve pas non plus en abandonner la charge symbolique Sur cette ques tion nous avons jug urgent de replacer au c ur du d bat l analyse incontournable pour les initi s mais difficile trouver et de ce fait peu connue de Raimundo Panikkar L article que nous reproduisons ici est paru dans sa version fran aise en 1982 dans la revue Diog ne la ques tion La notion des droits de l homme est elle un concept occidental l auteur r pond clairement par l affirmative D abord ce qui est au fonde ment d une culture n est pas forc ment au fondement d une autre Les postulats implicites de la D claration de 1948 l humanisme naturalisme l individualisme et l imaginaire d mocratique sont des croyances exclu sivement occidentales La transcendance de ces droits fait d autant plus probl me que la modernit se veut fond e sur l immanence Il n y a pas de valeurs qui soient transcendantes la pluralit des cultures crit il pour la simple raison qu une valeur n existe comme telle que dans un contexte culturel donn Toutefois s il faut exclure l existence de valeurs trans cendantales il peut y avoir des valeurs transculturelles c est dire partag es La question du respect de la dignit humaine ou d un ordre social juste est susceptible de servir de base un dialogue interculturel On peut ainsi trou ver dans les diverses cultures
3. ultimes bref de la diversit et de la diff rence QUI EST ETHNOCENTRISTE PURET ET PURIFICATION ETHNIQUES L ethnocentrisme celui de l Occident universaliste plus arrogant que jamais mais aussi celui r actionnel de ses victimes tant au c ur des probl mes soulev s il s imposait de commencer par se demander qui est eth nocentriste C est autour de cette question que tourne cette premi re partie Dans Ethnie ethnicit Annamaria Rivera s attelle cette t che bien utile qu est la clarification du concept d ethnie Elle retrace les ambigu t s origi naires et r currentes de ce concept et de ses usages Bien s r ces ambigu t s rejaillissent sur le concept d ethnocentrisme Fallait 11 pour autant y renon cer comme le soutient Marie Dominique Perrot par exemple au profit du concept plus neutre plus politically correct de sociocentrisme On peut en discuter Ses deux arguments l ambivalence du concept et la plura lit des centrations sont incontestables Le probl me de l appartenance concerne effectivement tout autant le genre que l introuvable ethnie Quand la question qui es tu Hannah Arendt ne peut que r pondre je suis une juive elle assume simultan ment la double appartenance au genre et au groupe Comme l a soulign Fran oise Collin dans un article de 1991 l universalisme des Lumi res nie tout autant l une que l autre tre femme est une i
4. Ce d sir implique le devoir de devenir semblable Dieu car c est un d sir qui suppose l omnipr sence voire la toute puissance Mais comme toutes nos possibilit s d action ont leurs limites la fourchette entre exigence et r alit ne fait qu augmenter Bient t on en arrive objectivement au phari sa sme et l universalisme moralement se r v le tre un pi ge La morale est le dernier refuge de l eurocentrisme Il est temps de renoncer aux fantasmes d une morale omnipotente Per sonne ne peut durablement se dispenser aucune communaut et aucun individu d examiner les diff rents degr s de sa responsabilit et de fixer des priorit s cit dans Le Monde du samedi 3 avril 1999 p 6 La critique est profonde et imparable ceci pr s qu on ne saurait hi rarchiser les priorit s en faisant abstraction de toute consid ration morale Nous sommes donc toujours en manque d une boussole permettant de nous orienter NDLR 16 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME qui leur ont t adress es tant d un point de vue r actionnaire que r volu tionnaire et m me utilitariste qu on se souvienne de la critique radicale du th me par Bentham de m me que dans une optique extra ou anti occi dentale Qu en est il de leur universalit suppos e Ici aussi est il possible de d finir une voie du milieu qui ne se satisfasse pas de l id ologie des droits mani re de donner raison leurs pourfendeurs
5. ch un bon universel des droits de l homme et de la d mocratie Certes les multiples usages de la diff rence sont loin d tre l gitimes et les universa listes ont beau jeu de disqualifier les relativistes en leur imputant la totalit de ces usages et en particulier les int grismes et les purifications ethniques Toutefois apr s quarante ans d occidentalisation conomique du monde il faut beaucoup d hypocrisie pour s tonner de ces d rives identitaires Se fon dant sur un retour Piaget M D Perrot montre que la question de l alt rit doit rester plus que jamais ouverte Il est en effet n cessaire de sortir de soi m me pour se conna tre et se critiquer La d centration cognitive et la d marche h t ro r flexive sont indispensables sous peine de perdre la connaissance de soi danger que fait peser la mondialisation culturelle Dans De l absolument relatif au relativement absolu Micha l Sin gleton d veloppe lui aussi avec beaucoup de brio et un grand luxe d exp riences une d fense r aliste de la position relativiste bien relativi s e On n chappe pas explique t il l absolu de sa culture et donc un certain ethnocentrisme La question n est pas de se donner bonne conscience mais d tre simplement conscient du c t relatif de ses absolus Dans Le multiculturalisme est il soluble dans la d mocratie Alain Caill aborde la question sous son angle concre
6. d veloppaient la critique de l universalisme occiden 8 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME tal La tendance au relativisme culturel tait manifeste avec de nombreuses r f rences une anthropologie sinon culturaliste au sens strict au moins tr s culturelle Karl Polanyi et Marshall Salhins Cette d marche tait et reste iconoclaste pour des conomistes mais s inscrivait assez bien sans que nous en soyons alors pleinement conscients dans l esprit du temps La vogue plus ou moins m diatique tait au droit la diff rence et au discours gentiment pluraliste de l UNESCO marqu par la r f rence aux fortes pages crites la demande de cet organisme de Race et Histoire de Claude L vi Strauss dont nous reproduisons ici en guise d introduction ce num ro un extrait significatif Nous avons m me consacr deux num ros de ce qui tait devenu La Revue du M A U S S alors trimestrielle n 1 et n 2 de 1988 au th me Rationalisme et relativisme la question tant abord e sous l angle pist mologique Il s agissait de d noncer invasion de la rationalit cono mique et du paradigme int r tiste dans toutes les disciplines LES MANIFESTATIONS NOUVELLES D UN VIEUX PROBL ME On l a dit les temps ont chang sinon le fond du probl me Il est clair qu on ne peut plus aujourd hui aborder ces questions dans les m mes termes qu la sortie de la Deuxi me Guerre mondiale m me si
7. F Hayek et K Pop per mettaient d j en place la vision universaliste de la Grande Soci t aujourd hui triomphante C est ce contexte de l apr s guerre qui a dura blement fix les termes du d bat th orique et pratique pendant pr s d un demi si cle tant dans les sciences sociales que dans les ar nes internatio nales alors que se d roulait l pop e ambigu de la d colonisation et l exp rience non moins ambivalente du d veloppement conomique D sor mais de nouveaux enjeux se dessinent de nouvelles fronti res apparaissent de nouveaux pi ges th oriques et pratiques surgissent La mondialisation en particulier tout en caricaturant l universel ren force la nostalgie pour ses valeurs de plus en plus bafou es Mondialisation etuniversalit crit Jean Baudrillard 1996 ne vont pas de pair elles seraient plut t exclusives l une de l autre La mondialisation est celle des techniques du march du tourisme de l information L universalit est celle des valeurs des droits de l homme des libert s de la culture de la d mocratie La mon dialisation semble irr versible l universel serait plut t en voie de disparition Quand Baudrillard oppose ainsi le mondial l universel il ne fait que consta ter une r alit Toutefois n est ce pas l universalit de la science de la technique et plus encore de l conomie d essence bien occidentale qui a engendr cette mondialis
8. PR SENTATION par Serge Latouche l heure de la mondialisation et du triomphe apparent de l universa lisme plan taire est il encore l gitime et int ressant de s interroger sur le relativisme Proph tie autor alisatrice l universalisme n a t il pas d truit apr s l avoir d l gitim travers l uniformisation culturelle l objet m me de la discussion et le sujet de la r flexion relativiste l existence de la dif f rence et de l autre En 1989 il y a tout juste dix ans et en m me temps une ternit la chute du Mur de Berlin semblait annoncer la fin du men songe et des illusions totalitaires Pendant quelques ann es le monde occidental se prit r ver de la paix perp tuelle qu am nerait coup s r l ex tension rapide toute la plan te de l conomie de march des droits de l homme des technosciences et de la d mocratie Aujourd hui le cauche mar a clairement succ d au r ve Partout dans le monde on se massacre all grement et les tats se d font au nom de la puret de la race ou de la religion L Occident aurait doublement tort de croire que ce sont l affaires de barbares qui ne le concernent pas D une part parce que le conflit se fait de plus en plus sentir au c ur m me des d mocraties les mieux ancr es Et surtout parce qu il y a tout lieu de penser que cet effarant retour de l ethnocentrisme du Sud et de l Est est au fond rigoureusement proportionn
9. Une lourde responsabilit p se sur l Occident et sur la d culturation d sastreuse qu il a impos e Cette contribution la psy chanalyse de l ethnicisme forme pathologique de l ethnocentrisme d bouche sur la n cessit d une v ritable th rapie collective pour sortir des cycles infernaux Qui est pur Qui est impur La r ponse ne semble aller de soi qu au sein d une culture institu e qui se pense elle m me comme sa propre norme Mais sit t qu elle est per ue de l ext rieur l illusion de la naturalit se dis sout Et celle de l universalit La paradoxale localisation occidentale de PR SENTATION 13 l universalisme se double d une non moins paradoxale diversit au sein de cet universalisme On n a pas assez r fl chi jusqu pr sent au probl me pos par les diff rences importantes entre l universalisme version fran aise et l universalisme des versions anglaise allemande am ricaine russe voire arabe L existence d universalismes particuliers est une aporie de l univer salisme sym trique de celle du relativisme extr me Avec Qui a peur de la communaut Jacques T Godbout amorce ce d bat en opposant le mod le fran ais de la d mocratie au mod le anglo saxon Le premier se veut fond sur la raison le second sur la tradition la common law Le Qu bec situ au carrefour des deux mondes est sans doute une bonne place d o arbitrer la question de la la cit scola
10. an taire sont n s au xvur si cle au moment o la nature tait clai rement d sign e comme l ennemi commun de l humanit On sait maintenant que cette victimisation de la physis n a pas vit les pires conflits et que nous n avons pas fini d en payer le prix en ce qui concerne les atteintes l environnement En outre les firmes transnationales principaux agents de la mondialisation sont certes int ress es par l existence d un gendarme pla n taire mais elles ne sont gu re d sireuses de payer le prix du maintien de l ordre par la r pression pour ne rien dire de la pr vention et encore moins de promouvoir une probl matique citoyennet mondiale Elles constituent certes des acteurs politiques de premier plan mais elles ne sont pas por teuses d un projet politique Le politique est l in luctable sous produit de leur objectif faire des affaires Comme le disait cyniquement l un de leurs repr sentants Gouverner le monde ne nous int resse pas nous voulons seulement le poss der Puisque village plan taire il y a il est vident qu il est souhaitable qu il trouve son mode de r gulation Simplement pour les raisons exprim es ci dessus la forme tat ne semble pas celle laquelle il faille songer L existence souvent voqu e d un embryon de soci t civile plan taire sous jacente au projet d tat mondial est elle aussi une r alit incontes table mais une r alit q
11. ation diabolique La parution du cours de g o graphie d Emmanuel Kant 19991 vient point nomm pour nous rappeler l troitesse ethnocentriste de l universalisme chez le plus grand penseur des Lumi res avec son floril ge de clich s racistes Il n y a pas de culture de toutes les cultures a sugg r nagu re Domi nique Janicaud en transposant l analyse bien connue de B Russell puisqu il PR SENTATION 9 n y a pas d ensemble de tous les ensembles Pour qu une culture existe il faut qu il y en ait au moins deux car la culture ne se d finit jamais que relativement Elle se construit par assimilation des apports ext rieurs et diff renciation par rapport aux autres cultures L mergence du mondial pose bien s r aussi la question de l tat mon dial soulev e par Fran ois Fourquet L tat tant selon l analyse h g lienne l incarnation de l universel au sein d une collectivit particuli re peut on concevoir l tat universel que certains appellent de tous leurs v ux On est tent de r pondre comme pour la culture et pour la m me raison qu un tat de tous les tats est impossible Si on d finit le politique la suite de Carl Schmitt par la relation ami ennemi il para t difficile de d signer l en nemi de l humanit unifi e moins de s inventer des martiens Certes et ce n est pas un hasard l universalisme et les projets de paix perp tuelle et d tat pl
12. ce l odyss e du christianisme la modernit Les r sistances des autres cultures n ap parurent pas comme une forme de conflit entre des identit s et des cultures particuli res mais comme les l ments d un gigantesque conflit historique entre l universel et les particularismes dans lequel l id e de peuples sans histoire exprimait justement leur incapacit repr senter l universel L uni versel n est il alors qu un r ve totalitaire d mod Ce n est pas s r nous explique E Laclau car le pur particularisme n offre aucune r ponse aux probl mes des soci t s contemporaines Un certain universel comme hori zon est un imp ratif de la convivance au sein du village ou m me de 1 Ce n ologisme de convivance plus appropri que le terme de convivialit dans le contexte m diterran en pr cis ment est emprunt Predrag Matvejevitch dans La M di terran e et l Europe Stock p 23 14 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME l archipel plan taire Le rejet de l universalisme vu comme contenu par ticulier propre l ethnie occidentale est une voie politique sans issue Toutefois la tension entre l universel et le particulier doit rester pr gnante et c est m me la pr condition par excellence de la d mocratie l universalisme bien temp r de ces contributions fait cho le plai doyer de Franco Cassano L universalisme peut aussi tre vu et d nonc c
13. communaut r elle ou imaginaire fond e sur le partage du sang et des substances cor porelles est pens e comme premi re et constitue le socle identitaire immuable des pluri appartenances n gociables Sous cet angle nous n avons jamais t modernes Avec Le g nocide au Rwanda Dominique Temple nous plonge dans l horreur absolue d un auto g nocide moderne qu il est trop commode de camoufler en guerre tribale sous pr texte qu il se d roule en Afrique noire Il s agit avant tout en effet d un ph nom ne qui touche les lites urbaines occidentalis es et accultur es en apparence Et pourtant plus encore qu en Bosnie on ne peut comprendre l v nement dans les termes de la rationa lit occidentale L interpr tation propos e par D Temple se fonde sur la rupture des relations de r ciprocit entre Tutsis et Hutus qui fondaient l ordre social engendrant alors une situation d anomie favorable une d g n res cence raciste et ethnocidaire La modernit sous la forme de l universalisme conjoint de l conomie marchande et des valeurs droits de l homme d mo cratie a refoul la tradition sans d truire ses racines imaginaires Il devient alors impossible d exprimer verbalement le d boussolement qui s ensuit Le chaos mental pousse chacun chercher litt ralement dans le cr ne de l autre la cause de son propre d sordre Comment chapper une cri minalisation collective
14. dentit qui se construit comme celle d tre juif arabe ou bos niaque Cet aspect important du d bat n est pas vraiment abord dans le 12 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME num ro En d pit d une participation f minine notable il reste sans doute entach d un incorrigible machocentrisme Quoi qu il en soit on peut on doit s interroger sur le contenu des identit s culturelles en jeu Il y a peut tre moins de diff rence identitaire entre un Serbe bosniaque un Croate bosniaque et un Bosniaque musulman qu entre un Normand et un Alsa cien et sans doute infiniment moins qu entre un Corse et un Basque tous pourtant fran ais Un tel jugement ne se d montre pas bien s r mais c est en tout cas notre intime conviction en particulier apr s la lecture de la vigou reuse analyse de Guy Nicolas sur le contenu g om trie variable des identit s qui se construisent voire s inventent au gr des circonstances Cet artifi cialisme relatif n emp che pas le sacrifice bien au contraire On est tout aussi pr t mourir pour une cause vide et inconsistante que pour toute autre mieux fond e Philippe Rospab dans L identit archa que s interroge sur ce jeu des polarit s identitaires la carte sugg r par G Nicolas Le rappro chement entre les purifications ethniques r centes et les pratiques des Papous de Nouvelle Guin e l am ne poser que l appartenance une
15. des quivalents hom omorphes sortes d analogies fonctionnelles existentielles Ainsi les droits de l homme sont l une des fen tres travers lesquelles une culture particuli re se donne la vision d un ordre humain juste pour les individus qui y participent Le dharma et plus particuli rement le swadharma constitue peut tre bien la fen tre indienne sur le m me objectif En un mot conclut il la critique transculturelle n invalide pas la D claration des droits de l homme mais propose de nouvelles perspectives pour une critique interne et trace les limites de leur validit tout en offrant de nouvelles possibilit s la fois en vue de l largissement du domaine de juridiction de la d claration au cas o le contexte changerait et en vue d une f condation mutuelle entre elle et d autres conceptions de l homme et de la r alit Une voie moyenne est ainsi propos e entre le relativisme agnostique et l absolutisme dog matique Cette relativit que R Panikkar distingue du relativisme rejoint ainsi la relativisation de l absolu de M Singleton et le relativisme bien temp r de F Cassano Malheureusement comme le remarque Gus tavo Esteva disciple de R Panikkar les portes conduisant la d sabsolutisation des droits de l homme sont le plus souvent ferm es par les universalistes qui les imposent comme un point de r f rence n ces saire pour valuer et juger toutes l
16. e de l trange familiarit de l animal dans Le paradigme de la filiation p 345 On regrettera que dans ce num ro le rapport la nature et en particulier l animal comme forme pr liminaire et matrice du rapport l autre n ait finalement pas t trait par l un ou l autre de ces auteurs Ce n est que partie remise Et l article de Jean Pierre Berlan Confiscation du vivant nous permettra quand m me de nous introduire au c ur des dangers de la r duction biologique de la diversit La confis cation de la technoscience par les firmes transnationales de l agro business menace de faire dispara tre la vari t des esp ces et l autonomie des pay sanneries Or toutes deux constituent l une des sources de la pluralit culturelle OUVERTURE De toutes ces consid rations il ressort croyons nous qu entre un rela tivisme sans principe et un universalisme cannibale la voie est troite mais qu il vaut la peine de faire le pari qu elle existe et de la rechercher Elle serait celle d un relativisme mod r ou pour mieux dire d un pluri versalisme C est elle que les auteurs de ce num ro de La Revue du MAUSS invitent les lecteurs explorer avec eux Il convient tout d abord de prendre PR SENTATION 11 ses marques En remettant en m moire pour commencer les prises de posi tion si influentes sur ce point de Claude L vi Strauss Et en explorant avec Corne
17. e les genres Ce travail herm neutique sau vage suppose un universalisme primordial partag par les indig nes et les Blancs permettant l expression m me des diff rences Cet univer salisme n cessairement pluriel rejoint par un biais inattendu l id e du pluriversalisme BIBLIOGRAPHIE BAUDRILLARD Jean 1996 Le mondial et l universel Lib ration du 18 03 96 Cassano Franco 1989 L approssimasione Il Mulino CoLLin Fran oise 1991 Pluralit diff rence identit Pr sences n 38 Ducros Denis 1997 Autophagie La Revue du M A U S S n 9 Comment peut on tre anticapitaliste 1 semestre ENGELHART Philippe 1996 L Homme mondial Arl a ESTEVA Gustavo 1998 Grassroots Post Modernism Remaking the Soil of Cultures Zed Books Londres ENZENSBERGER H Magnus 1992 Vues sur la guerre civile Gallimard GENOVESE Rino 1995 La trib occidentale B Boringhieri Hours Bernard 1998 L Id ologie de lhumanitaire ou le spectacle de l alt rit perdue L Harmattan KANT 1999 G ographie Aubier VANDANA Shiva 1996 thique etagro industrie Main basse sur la vie L Harmattan
18. el la secr te violence impliqu e par l imposition de la norme universaliste occidentale Comme si derri re l apparente neutralit de la marchandise des images et du juridisme nombre de peuples percevaient en creux un ethnocentrisme paradoxal un ethnocentrisme universaliste l ethnocen trisme du Nord et de l Ouest d autant plus d vastateur qu il consiste en une n gation officielle radicale de toute pertinence des diff rences cultu relles Et ne voit dans la culture que la marque d un pass abolir d finitivement Dans une situation aussi dramatique la pens e h site Impossible sans doute au nom d un relativisme irresponsable d avaliser les folies purifi catrices Impossible aussi au nom d un universalisme aveugle de m conna tre les ravages produits par la pr tention de l Occident au monopole de la cul ture l gitime Toutefois au nom m me de notre tradition il nous est tout aussi impossible de renoncer tenter de d finir des normes thiques poli tiques et culturelles minimales que l humanit enti re soit effectivement susceptible de partager Le MA U S S d une certaine fa on est n d une protestation contre l une des formes et des cons quences principales de l universalisme occi dental l imp rialisme de l conomie au plan de la r alit et de la pens e De nombreuses contributions dans les premiers num ros de ce qui tait alors le Bulletin du M A U S S
19. ences et non leur n gation Autre nouveaut l irruption de la sensibilit cologique Alors que la croissance des Trente Glorieuses s tait d roul e dans l ignorance la plus compl te de l environnement la conscience des limites de la plan te s est impos e et la nature est devenue un partenaire in luctable des rapports de P humanit avec elle m me Depuis les tudes de Philippe Descola sur les Achuars ou Jivaros on sait que la c sure nature culture n existe pas pour toutes les soci t s La colonisation de la nature en Occident annonce et prolonge celle des naturels Comme la colonisation des terres crit avec vigueur la biologiste et militante indienne de l environnement Vandana Shiva 1996 l appropriation de la vie requiert une invasion ici l int rieur du corps et une dissociation une fragmentation C est ce lien entre la fragmentation et l appropriation des ressources et des gens qui fonde le projet patriarcal du savoir comme pouvoir sur autrui Autophagie 1997 le bel article de Denis Duclos touchait cette question Franco Cas sano a crit aussi de tr s belles pages sur la proximit et la diff rence de l animal au d but de son livre L approssimasione 1989 L tranget fon ci re de l animal nous renvoie alors notre propre tranget nous m mes expliquait pour sa part Jacques Dewitte en se proposant de reprendre et de d velopper le th m
20. es pratiques culturelles et toutes les traditions du monde Esteva 1998 PR SENTATION 17 Changer les termes de l opposition est aussi le souci de Christoph Eber hard porte parole dans ce num ro du Laboratoire d anthropologie juridique de Paris T Il revisite les droits de l homme dans une optique dialogique ou dialogale et pluraliste Pour lui aussi il est urgent de ne pas trancher et de maintenir ouvert le dialogue entre les cultures au sein de l in luctable village plan taire Personne en effet ne peut l gitimement parler au nom de l humanit tout enti re sous peine de d boucher sur le clash des civi lisations proph tis par Huntington que l on rencontre de nouveau Cette troisi me voie entre un universalisme h tif et le ghetto des particula rismes ce pluralisme sain se rapproche du relativisme bien temp r de F Cassano et le dialogue dialogique suppose la d centration propos e par D Perrot L id e reprise de R Panikkar des quivalents hom omorphiques constituant cet horizon n cessaire la cohabitation des cultures particuli res donne un contenu moins ethnocentrique aux valeurs universelles Les grands gouroux de la tribu Michel Alliot tienne Le Roy Norbert Rouland et Robert Vachon sont pris t moin d une conception tripolaire cosmo th o andrique de la r alit dont on peut se demander si elle ne tente pas de mettre fin d une certaine fa o
21. et d fendus l chelle mondiale C est cette voie qu explore ici Jean Baptiste de Foucauld 3 La d cision de publier ici ce texte n a pas coul de source S Latouche le jugeant trop rh torique En l occurrence le responsable de ce num ro S L a accept de faire plaisir au responsable de la revue A C 18 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME ENCORE SUR L UNIVERSALISME ET LE PARTICULARISME IT EN PRATIQUE Dans cette quatri me et derni re partie la question de l articulation entre universalisme et particularisme est reprise sous des angles plus vari s et plus concrets la fois Et d abord de mani re m taphorique mais hau tement suggestive Dans un article retentissant paru dans Le Monde diplomatique et qu il r sume ici Jean Pierre Berlan analysait les impli cations du monopole sur les semences vis par les grands semenciers am ricains qui aboutit une situation inou e Sous pr texte de pro gr s technique et de meilleurs rendements les agriculteurs se voient de plus en plus contraints d acheter des semences g n tiquement modi fi es qui s ils les replantaient dans leur champ l ann e suivante se r v leraient st riles ce qui les condamne toujours racheter de nou velles semences Quelle belle illustration d un universalisme technico marchand cannibale De l agriculture la culture il n y a qu un pas La situation de quasi monopole des tats Unis sur la prod
22. ire mise sur le devant de la sc ne par les affaires de foulards islamiques Il est clair que l universalisme particulier de la tribu fran aise la rend peu apte g rer l irruption du multiculturalisme dans la vie quotidienne m me si pour des raisons que J Godbout n analyse pas ici les autres ne font gu re mieux Peut tre parce qu il n est pas de bonne articulation concevable de l universalisme et du particularisme qui ne s adosse en d finitive une m taphysique du divers Ce sont les grands traits d une telle m taphysique la fois en rupture et en continuit des autres articles de ce num ro qu esquisse ici Henri Raynal LA QUERELLE DE L UNIVERSALISME ET DU PARTICULARISME I LA TH ORIE VERS UN PLURIVERSALISME On en arrive ainsi ce qui fait le c ur de ce num ro centr sur la reprise du d bat entre universalisme et relativisme dans le contexte du retour de l ethnocentrisme occidental et anti occidental Avec L universalisme le particularisme et la question de l identit Ernesto Laclau nous entra ne dans une plong e philosophique plus vertigineuse encore que celle que met tait en sc ne le d bat avec C Castoriadis La mort du sujet transcendantal fait merger une pluralit inqui tante de sujets concrets et d bouche sur une prolif ration identitaire Le particularisme extr me met en danger l uni versel Certes celui ci doit tre questionn L auteur nous en retra
23. lius Castoriadis certaines des difficult s inh rentes une oppo sition trop simple laquelle lui m me n chappe pas toujours entre universalisme et relativisme Dans un d bat avec le M A U S S qui s est d roul peu avant sa mort Cornelius Castoriadis persiste et signe Il y r af firme sa position que toutes les soci t s sont gales mais qu il y en a une qui est plus gale que les autres l Occident Lui seul pousserait l auto r flexion jusqu la critique du politique et la pens e de son auto institution Toutefois le philosophe se d fend de tout ethnocentrisme Le constat de l exceptionnalit occidentale ne serait pas un jugement de valeur Force est cependant de remarquer que cette position justifi e mais partielle manque du r quilibrage n cessaire pour tre relativis e D o la n cessit d un rela tivisme bien temp r adapt notre temps Serge Latouche dans son bref article Il n y a plus de Persans tente une premi re reconnaissance du terrain sur lequel les d bats se d ploient d sormais La disparition du plu riel dans un monde unique pas seulement par la pens e provoque un crasement qui son tour est responsable de l mergence du double eth nocentrisme d nonc Le refus de la pens e unique et de l homme unidimensionnel avec toutes ses s quelles d bouche sur un plaidoyer pour la r habilitation du polyth isme des valeurs de la pluralit des fins
24. n la tension qu il semblait indis pensable de pr server Dans la m me veine avec Les droits culturels comme mode d inter pr tation et de mise en uvre des droits de l homme Boris Martin pousse l analyse juridique jusqu au mode d emploi de ces bonnes intentions Il ne faut pas introduire de nouveaux droits les droits culturels dans des d clarations destin es rester lettre morte ou servir de caution des d rives terroristes Il faut poser les droits culturels droits des cultures et droit la culture comme un principe d interpr tation des droits de l homme d j existants Ce qui permet de saisir leur dimension collective souvent occult e et de rejeter une universalit unilat rale autrement dit d in culturer les droits de l homme L universalisation plurielle que pr conise l auteur correspond tr s exactement notre concept de pluriversalisme Mais les droits de l homme ne doivent ils pas tre la fois relativis s et largis encore dans une autre direction Non plus seulement au del des limites du seul occidentalisme mais aussi au del du seul ordre politico juridique On sait comment le marxisme a toujours oppos la qu te d une lib ration r elle c est dire conomique au formalisme des droits Mais si l on non ait des droits qui ne soient plus seulement juridiques et moraux mais aussi sociaux et si ces droits taient susceptibles d tre d fi nis
25. omme l ethnocentrisme de la trib occidentale suivant l analyse de Rino Genovese 1995 ou comme un mythe historiquement situ Ce qui carac t rise le fondamentalisme universaliste nous dit F Cassano est que convaincu d tre le d tenteur d une v rit sup rieure il se croit oblig de convertir l humanit enti re du salut de l me au bien tre mat riel des mission naires chr tiens aux techniciens du d veloppement S appuyant sur l analyse proph tique des cons quences d sesp r es de l imp rialisme culturel par A Toynbee le z lotisme et l h rodianisme il montre que l int grisme est une r action en retour et en miroir au fondamentalisme universaliste occi dental Tirant la le on de mani re critique de la guerre des civilisations de Huntington il sugg re une issue moins conflictuelle rechercher dans une voie m diterran enne de tol rance et de convivance et dans la diversit dans un relativisme bien temp r pr cis ment quoi sert le relativisme culturel si le monde est devenu mondial se demande Marie Dominique Perrot Tout a t dit et redit sur l opposition entre relativisme et universalisme et en d pit des changements induits par la mondialisation il n y a pas vraiment de rupture Pourtant il ne faudrait pas tomber dans le pi ge de consid rer le bon universel comme une alternative la mauvaise mondialisation ni opposer au mauvais universel du tout mar
26. pro pose un voyage travers quelques v nements ou livres r cents qui s inscrivent dans ce m me panorama de la coexistence plurielle Le M A U S S a d sormais dix sept ans d existence Les temps sont venus o certains de nos compagnons plus ou moins proches nous quit tent On trouvera ici une petite note n crologique sur C Castoriadis Dans le pr c dent num ro il y en avait une autre sur notre ami Jean Louis Cher lonneix Cela nous a amen s publier en sa m moire un texte sur l ag n PR SENTATION 19 de Jean Luc Boilleau que ce dernier lui a d di Au vrai l ag n cet ter nel trouble f te questionne aussi le conformisme des temps et la bonne conscience de l universalisme et de l ethnocentrisme ordinaire La diff rence culturelle et l ag n ne sont ils pas intrins quement li s Enfin une seconde contribution de Philippe Rospab De l histoire comme malentendu constitue une bonne conclusion l ensemble Partant du conflit des interpr tations du sacrifice massacre du capitaine Cook en 1779 Hawa tel qu il a t analys magistralement par Mar shall Salhins il nous montre comment l interpr tation occidentale via l imp rialisme finit par s imposer travers les r interpr tations locales Et cela plus particuli rement dans le cas de la monnaie et des changes oblatifs en Nouvelle Guin e gr ce une dialectique des jeux de pouvoir entre les g n rations et entr
27. t le plus difficile Comment sortir des apories de la conception d mocratique occidentale confront e en son sein PR SENTATION 15 et de plus en plus la pluralit de cultures tout fait trang res l imaginaire de la d mocratie tout au moins au n tre Louis Dumont avait bien r sum le d fi ceux qui r clament la fois l galit et la diff rence r clament l impossible Si toutes les cultures et les langues ont une gale dignit aucune communaut politique selon A Caill ne peut exister sans privil gier constitutivement sinon constitutionnellement une ou le petit nombre de cultures originaires sur lesquelles elle s taye et dont elle est n e Dans ces conditions conclut il le bon r gime politique bon pour qui pourrait on demander est celui qui tend favoriser le maximum de pluralisme culturel compatible avec son propre maintien Ce qui implique d approfondir toujours plus la d mocratie r elle et en particulier de l in troduire dans les quartiers voire entre les quartiers Suggestion transmettre aux diff rents ministres de la Ville et des ghettos des banlieues Avec l article du philosophe g nois Santino Mele De l autre c t de la lorgnette nous passons carr ment la controverse C est la tra duction d un article paru en Italie sur la critique de la vision du M A U SS et singuli rement du relativisme culturel attribu A Caill
28. uction cin matographique n est elle pas fortement hom omorphe au monopole des semences nouvelles Patrick Renault expose ici les tenants et aboutis sants de la lutte men e en France pour pr server une exception culturelle Mais au del du cin ma toutes les cultures ne sont elles pas par d fini tion des exceptions culturelles L exception n est elle pas la r gle On trouvera sur ce point des l ments de r flexion dans la longue note consa cr e par Fran ois Fourquet une relecture de l uvre du c l bre historien des cultures A Toynbee Avec Les monnaies de SEL versus l euro L ancrage citoyen des monnaies face au cosmopolitisme mon taire J rome Blanc et Jean Michel Servet posent le probl me de l universalisme et du relativisme au niveau de la monnaie terrain sur lequel la question a t tr s peu abor d e L aussi comme dans les autres domaines derri re la fa ade de l unification uniformisation du monde se recr ent des cloisonnements des localismes des particularismes sains ou pervers La monnaie n en d plaise aux princes conomistes qui nous gouvernent n est pas qu une pure fonction Elle ne peut vivre sans symbolisation L tude des espaces mon taires concrets par del la fiction officielle est peut tre un bon r v lateur des strates culturelles qui structurent le village plan taire Avec sa Chronique du pluralisme culturel Serge Latouche nous
29. ui reste pour l essentiel aussi virtuelle que son mode de fonctionnement en r seau sur Internet Cette soci t civile plan taire communautaire et d mocratique crit Bernard Hours 1998 p 81 se construit sur l absence de soci t s civiles Il n y a pas de soci t s civiles au pluriel sans fronti res pas plus qu il n y a de soci t s civiles sans des ter ritoires o s inscrit la pertinence de leur discours Cette soci t unifi e fictive accessoire n cessaire du march mondial a besoin des ONG de la m me fa on que les tats afin de rendre d mocratiques donc comestibles pour les citoyens consommateurs les n cessit s conomiques articul es aux n cessit s humanitaires Au mieux on est dans l illusion au pire dans l imposture Y font cho les d clarations de Philippe Engelhard 1996 p 27 D aucuns r pondront qu une culture mondiale est d j en train de na tre sous nos yeux Que du frottement m diatique des cultures et des voyages 10 LE RETOUR DE L ETHNOCENTRISME d coulent certaines attitudes communes n est pas niable en effet Mais ces attitudes pour l instant s apparentent plus un plus petit commun mul tiple qu une vision du monde construite et partag e Une mani re d avoir plut t que d tre Une mode la danse le v tement les voitures plut t qu une culture universelle Culture qui devrait tre une int gration patiente des diff r
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