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lire saint-john perse en philologue

1. motions et de Claudel par le phras oral de la version originale Tandis que le symbolisme brille de ses derniers feux Leger voque les lans mystiques de Cruso On retrouve dans loges des positions largement r pandues parmi les artistes fin de si cle contre le positivisme qui r duit l humain une s che rationalit contre la science qui dissout les grandes uvres de l homme ils font appel aux sources int rieures l me L hostilit de Saint John Perse contre le m canisme cart sien et le rationalisme restera vive jusqu en ses derniers crits notamment dans les Discours Situ l origine de l aventure intellectuelle de Saint John Perse le p le du surr d demeure important dans toute l uvre le mysticisme de Ruysbroeck la m taphysique orientalisante de M aeterlinck d couverts gr ce Claude et Jammes le n o platonisme de Plotin le transcendantalisme d Emerson l nergie spirituelle bergsonienne l me des romantiques allemands seront sollicit s par Saint John Perse d s qu un alli sera n cessaire contre une forme de mat rialisme particuli rement contre l existentialisme et le marxisme apr s la Seconde Guerre mondiale Vers 1910 cependant une certaine distance est prise l gard des courants spiritualistes symbolistes et de l esth tique romantique Le po te se tourne vers une philosophie rigoureuse il affirme tudier Spinoza et H egel en m me temps qu il formule de
2. sans passer par Paris et supprime le s jour parisien avant l envol d sormais annuel vers les tats Unis Elle sugg re l attitude alti re d un po te solitaire l cart des milieux litt raires de la capitale M ais la r alit tait videmment autre La comparaison de la note biographique de Bosquet et de cale que publie Charpier est galement instructive La premi re r dig e dans les ann es 50 est 20 Correpondance d Alexis Leger av D ag H ammar amp j ld 1955 1961 op cit p 120 21 Voir par exemple la lettre du 4 f vrier 1958 Jean Paulhan Correpondance Saint John PerseJean Paulhan dition tablie pr sent e et annot e par J Gardes Tamine CahiersSaint John Per n 10 Gallimard 1991 p 137 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 15 encore marqu e par la Deuxi me Guerre mondiale Ainsi la description du fort d Urdos o le jeune Alexis Leger avait fait son service militaire est consid rablement raccourcie par rapport la premi re version qui S tendait sur le fort dit Fort du Portalet qui devait servir un jour de prison politique au Gouvernement de Vichy et o il e t t lui m me emprisonn trente cinq ans plus tard sil n avait quitt la France en 1940 D une mani re g n rale les corrections r v lent la distance prise par rapport aux v nements trop ancr s dans une r alit qu elle soit familiale ou historique Ce n est pas en effet une chronologie ordinaire que no
3. Voir infra p 27 48 F Nietzsche La volont de puisance IV 50 49 W W hitman To a Stranger Calamus Leaves of gras 50 V Larbaud Walt W hitman en fran ais La Phalange n 34 20 avril 1909 26 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE lettre destin e figurer dans Les Lettres d Asies OC 885 889 pour d finir la th matique et la po tique d Anabas Cette lettre sera reprise dans le Figaro en 1972 titre d exemple d un in dit publi dans l dition de la Pl iade Saint John Perse place ainsi son uvre sous l gide de ce navigateur qui fut d ailleurs un tranger dans la marine marchande anglaise II est vrai que le destin faisant de Saint John Perse un diplomate en Chine puis un exil en Am rique l aidera d velopper la dimension plan taire de son uvre po tique mais si la correspondance et la Biographie accordent une large place aux exp riences v cues souvent quelque peu magnifi es apr s Conrad il faut bien tenir son rangl les lectures de divers ouvrages de g ographie d anthropologie d ethnologie et de guides touristiques de brochures de magazines apportent les mat riaux des po mes Cette m thode fond e sur les collages d l ments h t roclites rapproche la po sie de Saint John Perse de l esth tique moderne Apollinaire d finissait ainsi le cubisme l art de peindre des ensembles nouveaux avec des l ments emprunt s non la r alit de visi
4. e Conrad p 148 52 Par exemple la fameuse exp dition dans le d sert de Gobi sest d roul e en automobile et a dur une dizaine de jours On ne saurait la comparer aux quip es de Segalen en Chine mais peu importe c est Anaba qui nous int resse 53 Apollinaire uvres en pros I1 La Pl iade Gallimard 1991 p 16 54 J B D uroselle La D adence Impr nat 1979 p 23 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 27 vision de l histoire pr sente dans Exil et Vents est li e la douloureuse exp rience du secr taire g n ral entre 1933 et 1940 Il ne nous appartient pas de dresser un bilan de l action diplomatique d Alexis Leger 55 mais seulement d appr cier en quoi le diplomate nourrit le po te Rappelons simplement les trois tapes de sa vie diplomatique les d buts en Chine 1916 1921 puis les ann es d troite collaboration avec Aristide Briand 1921 1932 enfin le pouvoir en tant que Secr taire g n ral du Quai d Orsay 1933 1940 La vie du jeune secr taire d ambassade en Chine n interf rait pas avec la poursuite de son uvre po tique comme Claudel Giraudoux Morand c est un diplomate qui consacre ses loisirs la litt rature et il puise dans le pays qu il d couvre des th matiques des images une vision du monde renouvel es Amiti du prince et Anabag t moignent de l int r t tr s ardent montr par Saint John Perse pour la culture l histoire et la g ographie chinoise
5. parcourir ces pages voir bouger cette biographie participer ces croisi res lointaines mais intimes 16 Saint John Pers et ssamisam ricains Courrier d exil Les Cahiers delanrf Cahi sSaint John Pes n 15 textes r unis traduits et pr sent s par Carol Rigolot p 229 17 Saint John Perse po te de gloire Critiquetome IIl n 17 octobre 1947 tome III n 18 novembre 1947 tomelll n 19 d cembre 1947 tome IV n 21 f vrier 1948 18 Cet article fut en d finitive publi par l Action unive rstaire de M ontr al 19 Saint John Pers Pr sentation par A Bosquet Choix de textes bibliographie dessins portraits fac simi l s Seghers 1953 Collection Po tes d aujourd hui n 35 14 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE Cette note r dig e la troisi me personne constitue la premi re version de la Biographie de la Pl iade Elle ne manifeste pas un souci de datation syst matique et le style en est g n ralement plus po tique qu informatif Bosquet carta d ailleurs certains passages au lyrisme excessif par exemple un long d veloppement sur les tats Unis D ans la r dition de 1971 appara t une chronologie plus s che que dans la premi re dition pourtant agu e En deux colonnes figurent les v nements de la vie du po te avec en regard ceux de son temps On peut penser que cette chronologie tardive a t b tie partir de la biographie du livre de
6. parfois mystifiante dans le but de d payser son lecteur de l envo ter et de l emporter avec lui 23 C est ainsi que le Po me l trang re claire singuli rement si on le met en relation avec la chronologie des ann es 1941 1943 L t 1942 est riche de d tails concernant sa r daction Les extraits cit s du journal de Lilita Abreu l trang re explicitent le lien entre la vie et la cr ation 22 Op dt p 79 23 Lettre de l trang re Lilita Abreu son fr re Pierre en date du 8 ao t 1943 Lettres l trang re textes r unis et pr sent s par M auricette Berne Gallimard 1987 p 149 16 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE Je m assieds pr s de lui sur le petit tabouret et je me plonge dans la lecture d un beau po me Je suis l trang re l Alienne qui s enferme avec ses lampes et ses souvenirs l cart du monde 15 ao t 1942 24 D efait dans le po me l trang re est bien pr sent e comme recluse dans sa tristesse Vous qui chantez c est votre chant vous qui chantez tous bannissements au monde ne me chanterez vous pas un chant du soir la mesure de mon mal un chant de gr ce pour mes lampes un chant de gr ce pour l attente et pour l aube plus noire au c ur des althaeas Po me l trang re 11 OC 169 Autre exemple celui de l explosion atomique le 16 juillet 1945 pr s de Los Alamos au N ouveau M exique dans des laborato
7. t oblig la malmener D e la traiter avec d sinvolture je n ai jamais prouv le besoin mais plut t celui d en accro tre les ressources latentes p 72 73 6 De la France rien dire elle est moi m me et tout moi m me Elle est pour moi l esp ce sainte et la seule sous laquelle je puisse concevoir de communier avec rien d essentie en ce monde M me s je n tais pas un animal esentiedlement fran ais une argile essentiellement fran aise et mon dernier souffle comme le premier sra chimiquement fran ais la langue fran aise serait encore pour moi la seule patrie imagi nable l asile et l antre par excellence l armure et l arme par excellence le seul lieu g om trique o je puisse me tenir en ce monde pour y rien comprendre y rien vouloir ou renoncer Lettre Archibald M acLeish du 23 d cembre 1941 OC 551 Nous renvoyons l dition de la Biblioth que de la Pl iade par les initiales OC suivies du num ro de page 7 S M allarm Le myst re dans les lettres uvres d d Yves Alain Favre Classiques Garnier 1985 p 306 8 Ibid p 304 305 10 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE m taphysicien et c est la po sie alors non la philosophie qui se r v le la vraie fille de l tonnement selon l expression du philosophe antique qui elle fut le plus suspecte La po sie est librement choisie et revendiqu e et il faut en tirer la cons quence que le po te d
8. tait attach d passer 59 J Molino La houle amp l clair propos de Vents de Saint John Perse Colloque Saint John Pers et les tats Unis Espace de Saint John Perse 3 Universit de Provence 1981 p 253 60 J M olino op cit p 249 61 J Molino op ct p 156 62 B M archal La Rdigion de M allarm Paris Corti 1988 p 558 63 C Camdin et J Gardes Tamine La Rh torique profonde de Saint John Pes op dt p 88 30 Colette CAM ELIN et Jo lle GARDESTAMINE les antagonismes nationaux au profit d une politique de concertation et d changes qui a t mal comprise l poque mais qui fait de lui un des p res de l id e europ enne comme Victor H ugo d autre part dans son comportement aux affaires il pratiquait une diplomatie du secret peu ouvert la discussion avec ses collaborateurs Le t moignage de Raymond Boyer de Sainte Suzanne diplomate attach son secr tariat particulier r v le le go t du pouvoir de Leger un aspect de sa personnalit que le po te cachait R Boyer de Sainte Suzanne a not par exemple ce propos de Leger en novembre 1939 11 y a autant de volupt dominer un homme qu poss der une femme En lisant les carnets de Sainte Suzanne Henriette Levillain a d couvert en Leger la figure stendhalienne d un voluptueux du pouvoir qui s amuse dans le combat se passionne pour le jeu compliqu des alliances ext rieures et int rieures 5
9. Etre60 Bien loin de ramener le po me l origineimmobile du mythe pour s opposer au chaos de l H istoire Saint John Perse rejoint l nergie cr atrice de temp tes et de conqu tes de temples et d pop es Tout est sur terre r volution permanente le travail du po te faire parler la forces Les multiples allusions aux mythes chamaniques gyptiens chald ens grecs latins et bibliques qui pars ment les po mes de Saint John Perse sont prises dans ce mouvement de la mythistoire comme s chaque mythe singulier reprenait sa mani re le vaste d bat sur la destin e humaine Toujours il y eut cette clameur toujours il y eut cette grandeur Cette chose errante par le monde cette haute transe par le monde et sur toutes gr ves de ce monde du m me souffle prof r e la m me vague prof rant Une seule et longue phrase sans c sure jamais inintelligible Exil 111 OC 126 II n est d histoire que de l me Exil V OC 130 s l me d signe la source de ce g nie symbolique du langage qui produisit jadis les mythes et qui d finit d sormais la fonction po tique Au fond cette conception rappelle le r le qu Aristote assignait la po sie un acte humain qui am ne des choses l existence afin d clairer le douloureux destin de l hommes L historienne Janine Ponty souligne une contradiction int ressante dans l activit diplomatique de Saint John Perse d une part il
10. Jacques Charpier Saint John Pers publi en 1962 dans La biblioth que id ale chez Gallimard C est l une tape fondamentale vers la biographie de la Pl iade Jacques C harpier avait en effet annonc au po te par une lettre du 30 octobre 1960 que Gallimard lui avait confi le volume D ans une lettre du 25 septembre 1961 il se disait tr s inquiet de la biographie tr s d taill e que demandait l diteur Saint John Perse r digea pour lui ce qu il faut bien consid rer comme la premi re version de la Biographie des uvres Compl tes II demanda en particulier des renseignements ses s urs pour compl ter ses souvenirs D e la chronologie envoy e Charpier et qui videmment s arr te en 1961 la Fondation Saint John Perse poss de deux manuscrits O n voit le travail qui fait passer de la premi re version celle de la Pl iade Par exemple l ann e 1957 Saint John Perse indique Premier retour en France et un peu plus loin En automne court passage Paris En fait il sest arr t Paris d s son retour comme il l crit D ag H ammarskj ld le 19 mai 1957 Paris m me o je passerai le plus rapidement possible je s journerai en toute discr tion 2 Et quant son passage en automne il lui a tout de m me donn le temps de rencontrer en particulier Jean Paulhan H enri H oppenot et Julien Cain 21 La seconde version propose seulement comme dans la Pl iade
11. cet humanisme est aussi inactuel dans la mesure o il participe d une conception de l histoire qui n est pas progressiste et que Jean M olino d finit comme une mythistoire Les responsabilit s qu Alexis Leger a assum es au Minist re des Affaires trang res une p riode particuli rement tragique ont pu le faire r fl chir sur le sens de l histoire humaine qui n est ni immobile r p tition de la grandeur et de 58 Comment e notamment par R Ventresque Po tique de l universalisation Les Antilles de Saint John Pes L Harmattan 1993 p 89 97 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 29 la chute des empires ni progr s comme l a cru l historicisme du xixe si cle 11 n y a pas de transcendance qui guiderait en secret le genre humain mais la pr sence d une force qui comme le vent souffle l O uest et reprend toujours les m mes circuits5 Parce que les mouvements cosmiques sont de m me nature que ceux qui animent l histoire des civilisations et les cr ations humaines Jean M olino a pu affirmer que Vents est une pop e de la M ythistoire pop e selon D ante et selon le Western Saint John Perse op re donc dans Vents la fusion de l pop e primaire du h ros guerrier et de l pop e secondaire du Po te H ros le h ros est en m me temps guerrier po te et shaman proph te conducteur de peuples parce qu il incarne le mouvement m me de l H istoire c est dire de l
12. chaque 37 R Musil L homme ans qualit t 1 trad Ph Jaccottet Le Seuil 1956 r d Points 1982 p 480 soulign par l auteur 38 S M allarm Cris de ves uvres compl tes op cit p 361 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 23 texte est tr s rigoureuse Celle de Pour f ter une enfance par exemple reproduit la disposition d un discours rh torique le premier chant pr sente l id e g n rale l loge d un poque r volue les suivants d clinent le d tail de la vie d nique la famille la nourrice le paysage et le dernier reprend le premier pour s achever sur un mouvement d motion qui sugg re la mort 39 Une autre caract ristique des ann es de formation de Saint John Perse est le discr dit dont est frapp tout panchement sentimental en po sie Nous sommes les adversaires des motions sentimentales 40 crivait Nietzsche Saint John Perse prend acte de cette position dans sa critique du lyrisme individuel auquel il oppose le lyrisme impersonnel de Pindare OC 734 735 Anabag est construit de mani re polyphonique dans une sorte de th tralisation consistant tenir les r nes une multiplicit de voix41 Une construction bien charpent e de l uvre est valoris e contre le discontinu et le fragmentaire caract ristiques de l esth tique d cadente En 1910 Apollinaire forme le projet d un po me pique en douze chants dont il n crira que Vend miaire e
13. documentations diverses de la phase pr r dactionnelle Si le lecteur de romanciers r alistes ou naturalistes s attend trouver ce type de documents en abondance le lecteur de po sie risque d tre surpris de constater que la M use s entoure alle aussi de tels auxiliaires Il peut en tre rassur et oser fr quenter une uvre qui lui semblait interdite dans sa grandeur peut surtout chapper des contresens 70 Voir H Levillain Aux sources du mot po tique le Dictionnaire analogique dans Pour Saint John Pers d Pierre Pinalie Presses universitaires C r oles L H armattan 1988 p 157 168 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 35 Un exemple Au chant IX d Anabas qui voque le repos du guerrier et qui est donc charg de sensualit un d tail si on ne l interpr te pas correctement semble d tonner Et la femme s est couch e avec l homme dans l herbe adle se l ve met ordre aux lignes de son corps amp le crique s envole sur son aile bleue Voici en effet une interpr tation parmi d autres La sc ne voque la procr ation la f condation d une vie future et le criquet m me si la sc ne se d roule dans l herbe est ici assimil au grillon du foyer pr sence famili re et amicale participant de l intimit de la famille C est alors le criquet solitaire 71 C est ignorer que quelques lignes plus loin le chant parle au contraire de st rilit M ais l tranger vit sous sa
14. nouvelles r gles po tiques d sir de discipline et de nettet correspondant l esprit des ann es qui pr c dent la guerre de 1914 1918 L analyse de R citation l loge d une reine et de L Animale montre les 36 Voir M D caudin La ci des valeurs symbolistes 1960 r d Champion Slatkine 1981 et A Boschetti La po je partout Apollinaire Homme poque 1898 1918 Seuil 2001 22 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE efforts de l esprit pour dominer les d bordements de la sensualit ou le charme des images M usil crit au sujet des jeunes gens de 1910 qu ils pr naient le temp rament intellectuel un style de pens e rapide qui saute la gorge du monde le cerveau affin de l homme cosmique le lyrisme associ au plus intense dramatigne vital 37 en termes persiens M ath matiques suspendues aux banquises du sel Anabas OC 94 clair de l alipse et drame d Amers La compl mentarit que M usil d finit entre exigence intellectuelle nergie vitale et conscience cosmique demeurera un enjeu po tique pour toute l uvre de Saint John Perse Les tendances g n rales d un retour au respect des formes syntaxiques et l ordre m trique se sont accentu es apr s la guerre de 1914 1918 Q uand Saint John Perse a corrig Images Cruso pour l dition de 1925 il en a att nu les traits typiquement symbolistes recherche du rare th matique religieuse et vers l
15. pris correspond l image du po te superbement solitaire qu il a voulu donner de lui m me libre de toute influence litt raire comme de tout lien avec le contexte historique il pr sente un aspect plus int ressant nos yeux dans la mesure o ce que Saint John Perse refuse c est l assujettissement de la litt rature des valeurs historiques alors que l art doit cr er un univers autonome par rapport au monde r el De la m me mani re Nietzsche s en prenait la fi vre historienne au nom dela philologie classique dont le sens est d exercer une influence inactuelle crit il c est dire d agir contre le temps donc sur le temps et esp rons le au b n fice d un temps venir 35 C est bien la dimension que Saint John Perse donne Vents en po te qui participe au renouvellement des nergies individuelles et collectives Et des songes qu il osa vous en ferez des actes Vents1V 5 Le po me est adress des lecteurs qu il tente de convaincre par exemple d une forme d humanisme vitaliste contre l existentialisme dominant En r action contre le m pris id aliste du r d de la g n ration symboliste des artistes des ann es 1900 ont pr n l lan vitale l nergie sous toutes ses formes Les N ourritures terrestres de Gide 1899 participe de cette r action Selon une perspective attentive la configuration du champ litt raire et intellectuel de son temps l uvre de Saint John Perse et pourtan
16. que le po te avait retenu pour la Pl iade publi e en 1972 ou pour les textes de la fin de sa vie celui qu il avait choisi pour le recueil de S cheresse post rieur pour l essentiel 1972 Les textes de D sir de cr ole publi par Edmond D upland dans le volume Saint John Pes Antillanit amp universalit D es villes sur trois modes publi dans les notes r dig es par Saint John Perse pour l dition de la Pl iade et de l Animale publi par Albert H enry en 1981 sont rassembl s dans une rubrique Po mes de jeunesse Cohorte qui figure dans les notes de la Pl iade et dont nous montrons qu il a t compos tardivement contrairement ce qu a d clar Saint John Perse est propos la suite d O isaux de fa on permettre ais ment la comparaison Pour tous les recueils une notice g n rale pr sente les circonstances de composition et donne les grandes lignes de l interpr tation Les po mes sont ensuite analys s avec pour chacun d eux une br ve pr sentation comportant des r f rences bibliographiques sp cifiques suivie pour chaque chant d une courte introduction et de notes Ces notes sont introduites de la fa on suivante un premier chiffre renvoie l dition de la Biblioth que de la Pl iade un second Po ig Gallimard puis en italiques le segment qui m rite d tre comment Ainsi dans loges V on lira 42 Colette CAM ELIN amp Jo
17. sp cificit du langage po tique par rapport aux autres emplois du langage Or c est en grande partie par Val ry et T S Eliot qu a t fa onn e la position dela N RF sous l gide de laquelle S est faite l entr e en po sie du jeune Saint Leger Leger gr ce ses amis Jammes Frizeau et Claudel Rappelons que Gide a publi loges et qu Eliot a traduit Anaba Apr s la Seconde Guerre mondiale Saint John Perse a eu du mal retrouver une place dans le champ litt raire fran ais d une part en raison de son exil aux tats Unis d autre part cause du long silence de vingt ans qui s pare la publication d Anaba de celle d Exil Comme le terrain de la modernit tait occup par des po tes d avant garde tels que Char Eluard Aragon M ichaux ayant des degr s divers travers le mouvement surr aliste il s est tourn vers une po tique pure reprenant la th orie mallarm enne d fendue par Val ry et l id al de synth se et de mod ration propre la NRF ClaudePierre Perez conseille avec raison de tenir distance le D iscours de Stockholm car crit il ce qui se donne dans ce texte sur le mode de la certitude s nonce ailleurs d une fa on singuli rement moins assur e2s Saint John Perse d vadoppe cette po tique de mani re plus nuanc e dans son hommage L on Paul Fargue de 1963 OC 507 532 o il donne pour r gle po tique l quilibre de l quation po tique entre l abstrait et le conc
18. 5 Comme le po te le diplomate avance masqu Son plaisir tait de manipuler les hommes en coulisses d imposer sa volont quitte se d sint resser des d p ches venues de l tranger Dobler consul Cologne sen plaindra devant la commission d enqu te parlementaire apr s la guerre I a caporalis le Q uai crit un des interlocuteurs de Sainte Suzanne qui semble adh rer lui m me au propos rapport 66 Sainte Suzanne crit la date du 21 mai 1940 D part de Leger II me dit je vaistomber dans le noir je ne saurai plus rien Crouy aussi Puisil ne parle plus que de la situation militaire interrogeant C rouy avec passion Son d part a de l allure sang froid Songe t il son action du printemps et de l t dernier La regrettet il Sent il le poids de sa responsabilit 11 ne songe qu la partie qui se joue l enjeu Indomptables7 La force avec laquelle Leger a ni le malaise d son r le la t te de la diplomatie fran aise est sans doute proportionnelle l intensit de son tourment I1 sombrait dans des p riodes de mutisme se livrait des justifications incessantes sur son action politique face aux Fran ais rencontr s en Am rique L insistance sur la s paration entre Alexis Leger et Saint John Perse n est sans doute pas sans rapport avec cette blessure On remarque dans l attitude du diplomate une crispation dans les relations une fixation l image qu il entend
19. Elle rend vaine du moins peut on l esp rer toute interpr tation qui continuerait s appuyer sur le monument dress par Saint John Perse sa propre gloire et qui 80 G Bounoure M arale sur le parvis Plon 1958 p 428 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 41 serait donc victime de l entreprise de mystification d un po te qui comptait Edgar Poe parmi ses ma tres Elle permet ainsi de saisir toute la richesse d un univers po tique qui met en relation de multiples civilisations de multiples savoirs elle permet surtout d appr cier sa juste valeur une uvre d di e l honneur du langage po tique qui dote de sens la finitude humaine ORGANISATION DU LIVRE Une chronologie d ment contr l e gr ce aux documents conserv s la Fondation Saint John Perse ouvre le volume Elle retrace la vie d Alexis Leger et les circonstances de composition des po mes de Saint John Perse Elle permet de comprendre le travail auquel sest livr le po te dans celle qu il a compos e pour le volume de la Pl iade et qui est plus la vie r v e du Po te qu une vie r elle Cette chronologie apporte des renseignements in dits et remet en cause la l gende cr e par le po te et r pandue sans pr caution par la critique Elle est n cessaire pour comprendre le mode de composition de l uvre et les retentissements de la vie et de l histoire sur l criture po tique Les recueils sont ensuite comment s L ordre de ces recueils est celui
20. LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE Colette CAMELIN et Jo lle GARDES TAMINE La philologie est un art v n rable une connaissance d orf vre appliqu e au mot elle enseigne bien lire c est dire lentement profond ment en regardant prudemment derri re et devant soi avec des arri re pens es avec des portes ouvertes avec des doigts et des yeux subtils Nietzsche Commen ons par un constat Au fil des ann es lentement mais selon une tendance confirm e par la baisse r guli re du chiffre des ventes par la raret des programmes scolaires et universitaires o il figure par son absence entre 1977 et 2006 de la liste des auteurs d agr gation Saint John Perse est devenu illisible D autres po tes herm tiques peut tre encore plus herm tiques que lui tels Rimbaud ou M allarm continuent pourtant tre lus y compris par le grand public ce dont t moigne le succ s de la nouvelle dition des uvres de M allarm par Bertrand M archal dans la Biblioth que de la Pl iade M ais Saint John Perse lui que n est venu clairer aucun v ritable commentaire critique sombre peu peu dans l oubli comme d autres prix N obel commencer par Sully Prudhomme D e cette situation la critique est en partie responsable pour s tre soumise aux interpr tations que Saint John Perse a lui m me fix es dans ses correspondances ses discours les entretiens qu il a accord s et surtout dans le volum
21. PL MENT BIBLIOGRAPHIQUE M AYAUX C Saint John Perse et les po tes contemporains dans M odernit de Saint John Pers Actes de colloque de Besan on de mai 1998 sous la direction de Catherine M ayaux Annales litt raires de Franche Comt 2001 p 265 282 La r ception de Saint John Perse dans les ann es cinquante soixanrte la planitude entre vertiget et vestige dans Saint John Per une po tique pour l ge nud ire 1945 1960 textes r unis par Mireille Sacotte et H enriette Levillain Klincksieck novembre 2005 p 37 56 CAMELIN C Entre Andr Breton et Paul Val ry l inscription de Saint John Perse dans la modernit M odernit de Saint John Per Actes de colloque de Besan on de mai 1998 sous la direction de Catherine M ayaux Annales litt raires de Franche Comt 2001 p 251 264
22. ailleur qui s apparenterait plut t H phaistos sculptant le bouclier d Achille C ela ne veut pas dire naturellement que le po te est un smple fabriquant Saint John Perse situait tr s haut l ambition de la po sie Ce sont ces constructions nocturnes si fragiles et imparfaites soient elles qui donnent son sens l existence humaine Sur la derni re page du livre de Gabriel Bounoure M ardle sur le parvis Saint John Perse a copi une citation du critique sans doute y at il trouv la justification de sa propre uvre Le langage po tique avec toutes ses puissances d insomnie bienheureuse ou tortur e contient sans doute l unique raison qu a l homme de s croire capable d un sens capable de se donner un sens 0 Au bout du compte qu apporte donc notre commentaire I1 replace dans la temporalit humaine celle de l histoire et celle du processus d criture une entreprise po tique qui se d clarait ontologique une uvre qui se voulait toujours hors du lieu et du temps comme frapp e d absolu fix e pour l ternit sur le papier bible d une collection prestigieuse Les notices que nous avons r dig es situent les textes dans leur contexte esth tique et thique les notes l vent les difficult s d interpr tation litt rale et clairent le travail de documentation et d intertextualit 11 sen d gage une approche de la po tique de Saint John Perse enrichie par l historicisation de l criture po tique
23. aquelle nous avons tabli le sens litt ral de plus d un passage obscur Saint John Perse a affirm qu il ne travaillait pas avec les dictionnaires m me si tous les mots qu il utilisait y figuraient en particulier dans le Petit Robert D ans une lettre Roger Caillois qui avait soup onn l inverse il crit le 8 ao t 1943 OC 959 pour sexcuser d avoir pratiqu une coupure dans un article de son correspondant J ai eu r tablir comme j ai pu quelques lignes de votre texte mat ridlement d truites aux manipulations de la poste ou de la censure mais il ne s agissait que d explication de mots telle que le Dictionnaire lui m me l e t fournie Et propos de Dictionnaire je dois vous signaler la seule libert que j ai prise envers votre texte m y sachant autoris la suppression d une demi phrase relative la pratique du dictionnaire qui pouvait sugg rer comme m canisme de l esprit le contraire m me de ce que vous consid rez certainement avec moi comme l essentiel de la fonction po tique c est dire sa fulguration propre dans la restitution synth tique comme dans la d charge elliptique son fatalisme rigoureux qui n admet rien de fortuit en cours de conclusion m me dans les plus larges amplifications apparentes Caillois avait crit ceci Peut tre m me consulte t il le dictionnaire pour n oublier aucune des r alit s qui existent Il tait en fait bien au dessous de la r alit Car non seuleme
24. arler n y est invent rien n y est absolument exact la v rit de l crivain se b tit sur les mat riaux de la vie courante parfois gauchis toujours emballis Certes les d faillances de la m moire peuvent tre invoqu es pour expliquer oublis et d formations c est le cas pour la date de la mort de la tr s jeune s ur Solange qui a eu lieu non en 1895 mais en 1894 C est aussi le cas de la rencontre avec Gabriel Frizeau cet armateur amateur d art qui lui fit conna tre le milieu culture bordelais 1904 1905 amiti de Gabriel Frizeau ami de Jammes et Claude chez qui il d couvre Gauguin dans sa plus large toile des M arquises En r alit elle eut lieu en novembre 1906 comme l attestent en particulier les travaux de Ren Rouy re1 et d Albert H enry C est Clauda qui a aiguill Alexis vers Frizeau et de cette lettre de Claudel AI L il est question dans une lettre d Alexis Jammes en septembre cf OC 756 Je re ois l instant une lettre de votre ami Clauda D ans une autre lettre de novembre 1906 lettre dont fait tat aussi le docteur Rouy re Al L remercie pr cis ment Claudel de son message et il ajoute Votre lettre m a permis de conna tre votre ami Frizeau Je ne l ai vu qu une fois OC 712 C est donc en novembre plut t que fin octobre qu Alexis a fait la connaissance de Frizeau 12 Quant Claudel qui connut bien le jeune Leger Orthez en 1905 ce qu indiq
25. ble souhait e proclam e malgr tout ce qui ne cesse de la d mentir pas d interview pas de r cital etc Je rapprocherais de ceci un tre fran ais revendiqu avec une force et une passion peu commune amp un tre en exil s par ailleurs jusqu ce point il avait s jour pr caire e t il dit sur une roche m diterran enne et latine lui qui s affirmait premi rement non latin non m diterran en Saint John Perse le Janus de deux noms qui pour nous fait une figure ne th matise pas ce renouement ce d nouement symbolique Comme si un devoir de r serve emportait cela m me II nous laisse ce paradoxe l effacement du serviteur requis par la grandeur du Service fait une lumi re qui l claire peu peu malgr lui Ce paradoxe c est d j celui que constituaient certaines attitudes de Victor H ugo un des ma tres de Saint John Pers auquel d ailleurs plus d un po me commencer par Exil emprunte des ments propos du Rhin Jean G audon souligne combien il doit au Guide du voyage du Rhin depuis ses sources jusqu en Hollande d Aloys Schreiber Dirai je sans nuances que la totalit du livre de Hugo sort de Schreiber 75 II rel ve la m me nigme que pour Saint John Perse c t des exercices de haute cole H ugo a trop souvent vendu la m che par des emprunts patents par exemple le passage sur les radeaux ou l histoire de la tour des Rats Quiconque aurait identifi un d
26. d racin s d contextualis s sont parfois impossibles rep rer Combien de r f rences attendent le hasard d une lecture pour tre d cel es On nous objectera que ces r v lations lexique savoir encyclop dique sources et intertextualit ne concernent que des aspects locaux des po mes L interpr tation d une po sie aussi complexe reste fort heureusement ouverte apr s les analyses que nous avons propos es nous n avons jamais eu l ambition d en percer le myst re et nous avons conscience de leurs limites II est vrai que dans le d tail nous avons tent de rester au plus pr s du texte et d en donner une explication litt rale suivant en cela les le ons de quelques ma tres en critique comme Paul B nichou N ous avons rarement expliqu les images les m taphores car elles s adressent l imagination et la sensibilit de chacun et nous nous sommes content es de pr ciser ventuellement le sens des termes qu elles comportent Ainsi propos de ce passage d Anabag VII OC 105 et de l ponge verte d un seul arbre le ciel tire son suc violet nous n avons pas comment le jeu des mati res et des couleurs et l effet qui en d coule mais nous avons indiqu le sens technique d ponge croissance qui pousse la surface de certains arbres ou arbustes parce que ce sens particuli rement bien adapt au contexte ce sens premier ce sens litt ral risquait de n tre pas per u N ous pensons
27. donner de lui m me et un go t du pouvoir 64 R de Boyer de Sainte Suzanne Derni res heures au Quai d Orsay Europe n 799 800 novembre d cembre 1995 p 68 69 65 H Levillain Avant propos R de Boyer de Sainte Suzanne D erni res heures au Q uai d O rsay op dt p 65 66 Ibid p 72 67 R Boyer de SainteSuzanne op cit p 58 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 31 qui ne sont pas trangers son comportement dans le champ litt raire O btenir le prix N obel et un volume de la Pl iade d rogeant la clause du pot mortem pour une uvre po tique de 400 pages a n cessit beaucoup d adresse et une volont inflexible Les correspondances avec D ag H ammarskj ld et avec Jean Paulhan sont clairantes cet gard On en vient se demander si dans sa carri re diplomatique comme dans sa carri re litt raire le souci d occuper une place de pouvoir n a pas souvent nui aux qualit s r elles de son travail et finalement g n l aboutissement de ses r alisations politiques ou la r ception de son uvre litt raire Car si Alexis Leger a aid Saint John Perse a obtenir le N obal il l a desservi en pla ant son uvre sous la garde d un milieu qui emp che de la faire vivre La strat gie litt raire du po te dans les ann es soixante a abouti le faire prendre pour alli par tous ceux qui d fendaient une conception traditionnelle de la po sie l encontre de ce qu est r el
28. e et dans la fi vre C est donc bien proposer une v ritable interpr tation du texte N ous pourrions r sumer nos axes d analyse N ous avons cherch montrer la dimension spirituelle de l uvre qui implique de mettre en place une lecture all gorique comme dans Anabas o la conqu te guerri re est l image d une conqu te de l esprit sa dimension thique que nous venons de rappeler sa dimension ontologique qui cherche le renouement l alliance de l homme avec l tre trouv non dans une quelconque transcendance mais dans le grand fait terrestre sa dimension m tapo tique puisque nombreux sont les recueils Anabag N eges qui narrent l histoire d un po me en train de se faire Sur le plan de l criture nous avons insist sur le go t des mots sur les jeux dont ils sont l objet et qui d c lent comme chez H ugo une v ritable m taphysique du langage M ais nous avons aussi voulu d mystifier la l gende entretenue par le po te lui m me qui fait de Saint John Perse un cr ateur emport par le souffle de l inspiration alors que ses po mes sont le fruit d un patient travail qui se voit sur les manuscrits Par exemple un verset de Vents 1 OC 201 fait l objet d un travail complexe qui se poursuit dans la marge de gauche et surtout dans la marge inf rieure La proposition initiale Et vos jambes taient telles est d ploy e dans une longue recherche qui figure dans la partie droite de
29. e Saint John Perse dans la Pl iade travers la correspondance in dite Saint John Perse Robert Carlier Souffle de Persen 7 1981 p 76 89 4 Je suis profond ment et scrupuleusement syntaxier Voir H M ondor ViedeM allarm Gallimard 1943 p 506 507 5 La dette que chaque crivain contracte envers sa langue maternelle est imprescriptible Elle ne s teint qu avec lui Je suis assur qu en un td domaine Sendetter et s acquitter de sa dette co ncident LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 9 sa langue et m me celles de Saint John Pers proclamant la langue fran aise sa seule patrie imaginable 6 la critique persienne a feint d ignorer que le po te est caui qui aime les mots qui les agence afin que selon la formule de M allarm dans une r ciprocit de feux distante ou pr sent e de biais comme contin gence 7 ils cr ent de v ritables univers II semble avoir t pos en principe tacite que pour admirer Saint John Perse il n tait pas utile de comprendre le sens litt ral de ses po mes qu il ne fallait surtout pas en comprendre le sens litt ral La critique a donc le plus souvent tourn le dos l analyse stylistique qui sattache d abord aux mots afin de construire le sens du texte On ne peut certes se contenter d une analyse esth tique des po mes Si la po sie n tait faite que d une motion oppos e l intelligence sil s agissait seulement de se laisser bercer par le rythme el
30. e ces passages n aurait eu qu tirer le fil Tout serait venu et les roueries de l criture seraient devenues les preuves irr futables du larcin et de sa dissimulation O n ne fait pas un pair de France ni un ministre d un tricheur qui ridiculise l histoire le savoir la politique Cette provocation inutile frise la d mence U bris inconscience confiance aveugle 74 M D eguy Saint John Perse Sud n 78 79 octobre 1988 75 J Gaudon La Borne Aristote dans Colloque de C risy H ugo le fabuleux Seghers 1985 p 218 38 Colette CAM ELIN et Jo lle GARDESTAMINE en soi m me attirance du gouffre Toutes les hypoth ses sont possibles devant l attitude de ce grand ambitieux qui tout coup baisse sa garde 76 Il est vrai que ce n est qu titre posthume que Saint John Perse la diff rence de Hugo a baiss la garde La biblioth que personnelle n a pas encore r v l tous ses secrets mais elle a permis de d celer bien des sources de sa po sie O utre les livres scientifiques au demeurant d ailleurs moins nombreux que les guides ou les articles de vulgarisation les livres de litt rature ont souvent servi de d clic l inspiration textes fondateurs de la culture occidentale d abord l Iliade et l Odys l n ide la Bible 7 mais aussi crivains ou po tes modernes ou contemporains ces grands a n s dont la dette n est pas toujours reconnue ni par le po te ni par la critique Leurs fragments
31. e de la Biblioth que de la Pl iade c t de l uvre les textes th oriques au 1 Nietzsche Aurore Avant propos Gallimard 1970 p 21 2 Dans la m me p riode Claudel y a figur plusieurs fois 8 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE demeurant peu nombreux lui servent de mode d emploi Discours prononc en 1960 lors de la r ception du prix N obel discours prononc en 1965 pour le 7 me Centenaire de Dante pr face aux uvres po tiques de L on Paul Fargue ils proposent une conception compl te de la po sie du po te et du langage po tique Les hommages litt raires la correspondance vont dans le m me sens gale de la science dans sa fonction cognitive la po sie l est aussi pour Saint John Perse de la philosophie en ce qu elle est ontologie science de l tre sa dimension est cette fois thique puisqu elle assure le renouement de l homme l tre et lui donne des le ons de vie Le po te est donc un chaman version du mage romantique revue et corrig e gr ce aux le ons de l ethnologie du moment ma tre d une navigation qui conduit vers l outre mort dont parle Chronique il rassure l homme en l assurant de sa dimension d ternit Le volume de la Pl iade qui est consacr Saint John Perse est un cas unique parmi les volumes de la collection Si les uvres compl tes de Saint John Perse pr sentent un contenu une organisation et des rubriques qui paraissent conformes aux e
32. es nous surprennent en songe sur le sable dans l allongement du soir faux derniers feux du jour aux feux du soir sur l tendue l allongement du sable aux derniers feux du jour charnel couleur de et de muqueuses l int rieur de la premi re h sitation que nous avons indiqu e en gras appara t une seconde entre vouloir et surprendre comme le marquent les accolades N ous nous sommes souvent appuy es sur les indications donn es par Saint John Perse son traducteur allemand F Kemp 1 N ous y renvoyons simplement par le num ro de page Une bibliographie s lective et g n rale termine l ensemble Elle regroupe des ouvrages g n raux dont la port e ne se limite pas tel ou tel recueil Cette bibliographie n a aucune pr tention l exhaustivit elle ne comprend que les ouvrages qui nous ont aid es 81 F Kemp Annotations de Saint John Pes pr c d d une pr sentation de Friedhelm Kemp Cahiers Saint John Pes n 6 Gallimard 1983 p 47 131 82 Voir aussi C Camalin et C M ayaux Saint John Per Bibliographie des crivains fran ais M emini Champion 2003 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 43 Nous avons crit Leger sans accent conform ment la transcription du patronyme sur les registres de l tat civil et dans les notes pour des raisons de simplicit nous n avons pas distingu l homme du po te et avons seulement utilis Saint John Perse COM
33. eur produit le grand souci d or la fleur v n neuse de l explosion 25 Les allusions du passage de Vents auraient elles t convenablement comprises sans la connaissance de l histoire 24 Lettres l trang re op cit p 146 25 C Camalin et J Gardes Tamine La rh torique profonde de Saint John Pers Champion 2002 p 72 73 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 17 Peut on l ignorer et ignorer surtout ses retentissements sur les sentiments et l imaginaire du po te Peut on par exemple crire un volume entier sur la cr olit de Saint John Perse au demeurant tr s int ressant sans s appuyer sur l histoire Peut on appr cier le montage po tique de la Biographie de la Pl iade sans en passer par elle Peut on tre d accord avec la critique lorsqu elle crit Et plut t que d ambitionner pour notre part une quelconque r v lation de l cart ventuel entre celui pour qui le po te sest donn travers ses uvres compl tes et l image de lui m me qui transparaissait au travers d autres t moignages nous voudrions justement tudier la po tique d lirante de l identit qui se met en place au fil de la Pl iade autour des origines cr oles d Alexis Leger N ous cantonnant donc pour l essentiel dans une chographie de la coh rence r flexive des uvres compl tes nous ne regarderons qu incidemment le mat riau se trouvant au del ou en de de ce volumes Cette po tique d
34. ffinement 55 On consultera ce sujet la chronologie Voir aussi de Crouy Chand Alexis Leger l autre visage de Saint John Pers d Picollec 1989 J Ponty L autre face de Janus Alexis L ger diplomate M odernit de Saint John Pers C M ayaux d Presses Universitaires Franc Comtoises 2001 p 237 250 Raymond de Sainte Suzanne Une politique rang re Le Quay d Orsay et Saint John Pers l preuve d un regard novembre 1938 juin 1940 pr sentation de H et Ph Levillain Viviane H amy 2000 56 Voir C M ayaux Ler rent chinois dans l uvre de Saint John Pers th se d tat Universit de Pau 1991 57 Correpondance Saint John Pes D ag Hammarskj ld op cit p 239 28 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE d artiste OC 606 II y a sans doute une relation entre po tique de l universalit 5s et la politique d velopp e par Briand servi par Leger qui affirme en pr ambule de son Organisation d un r gime d union europ enne La S D N troitement attach e la notion d universalit qui demeure son but et sa fin OC 587 Apr s la Seconde Guerre mondiale Saint John Pers fid le l esprit de Briand soutient fermement l installation de l ONU Le po me Vents t moigne du souhait d un nouvel ordre mondial apr s les d sastres de la guerre Se h ter se h ter t moignage pour l homme OC 224 Ce cri est dirig la fois contre les id ologies totalitaires d vasta
35. ibres 11 choisit pour Anabase un verset compos de segments m triques rigoureusement agenc s l instar de M allarm Saint John Pers sest m fi du vers libre I1 a cherch inventer une prosodie personnelle qu il a largement emprunt e Claude L incipit d Anabas Sur trois grandes saisons m tablissant avec honneur j augure bien du sol o j ai fond ma loi OC 93 peut Sentendre dans le domaine po tique comme la fondation d une nouvelle forme laquelle le po te restera fid le Ce verset place le po te en ma tre de l univers qu il cr e auquel il impose des lois C est cet acte cr ateur qui se trouve au c ur du po me plus que le r cit d une qu te spirituelle La tension qui structure Anaba entre la fondation de la ville et l appel de l espace peut alors Sentendre comme la tension inh rente l criture po tique entre la conqu te de territoires inconnus clair s dans Vents par le Soleil noir d en bas OC 228 et la conscience lucide qui organise le po me Le travail de l artiste consiste suivant fid lement la le on de Poe contr ler ses effets Ce qui fait la force de l criture de Saint John Perse c est que la diff rence de la recherche d quilibre pr n e par la NRF et par les Discours les deux dimensions de sa po tique demeurent en tension la puissance du r ve ou du d sir agit dans le surgissement des images partir des mat riaux collect s tandis que la construction de
36. idats Les correspondances confirment les efforts de Saint John Perse et de ses amis pour faire aboutir sa candidature Celle qu il tint avec Dag Hammarskj ld est particuli rement r v latrice15 tout comme les lettres envoy es ses amis am ricains Carol Rigolot qui a dit celles ci pr cis en note propos d une lettre envoy e par le 13 J Gardes Tamine Saint John Pers Les rivages de l exil Paris ditions aden coll Le cercle des po tes disparus 2006 14 Voir p 53 15 Correpondance d Alexis Leger avec Dag H ammarkj ld 1955 1961 textes r unis et pr sent s par M arie No lle Little Cahiers Saint John Perse Les C ahiers de la nrf Gallimard 1993 p 120 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 13 po te Katherine Biddle le 28 octobre 1955 o il indiquait La nouvelle de Stockholm ne pouvait me d cevoir puisque je n en esp rais rien que depuis plusieurs ann es Katherine uvrait en faveur de SJP D j en 1951 Dorothy la future M adame Leger avait encourag son amie faire germer dans les milieux litt raires et politiques qu elle fr quentait l id e de recommander SJ P pour le prix N obel Katherine sera plusieurs fois d ue 5 La Pl iade gomme toutes ces d marches et impose l image d un po te pour qui seules la vie et l criture comptent non les honneurs La critique ne s est pas plus souci e d exactitude que Saint John Perse et elle a repris sans v rificatio
37. iptive des Iles Flore phan rogamique des Antilles publi e l Institut colonial de M arseille en 1896 73 Voir R Ventresque Le Po te et le G ologue dans le chant VI d Exil de Saint John Perse Souffle de Pes n 1 1991 p 49 55 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 37 n est ce pas pour rendre au r v rend ce qui lui est d vrai dire les pr cisions sur le livre de Duss sont tranges Tout se passe comme Saint John Perse indirectement orientait ses lecteurs vers la d couverte du collage D efait toute la documentation conserv e la Fondation Saint John Perse pose la m me question pourquoi ce po te qui a tant occult son mode d criture a t il laiss de quoi le d couvrir 11 y a quelque chose comme un paradoxe fort vibrant qui passionne cette vie et qui n est pas r solu absolu si j ose dire par alle crit M ichel D eguy 72 et il poursuit Le livre o se r sume pour nous Saint John Perse le Pl iade r fute d nie comment dire en quelque mati re ce que localement page page de la correspondance il nous dit il referme cicatrise la schize dont il nous parle rien de plus constant chez Alexis L ger que ce refus du litt raire de la vie litt raire de la mise en sc ne par l homme de l auteur Le livre est fait de ce qu il ne voulait pas mettre en livre ni en sc ne sa vie Pourquoi eut il besoin de cette fiction s v re d une s gr gation inlassa
38. ire Logoph re Granada 2005 40 F Nietzsche La Volont de puisance 473 trad H Albert 1903 r d Le Livre de poche p 52 41 J Gardes Tamine D loges Anabas la constitution d un lyrisme impersonnel La Strat gie de la iche Universit de Provence 1996 p 52 42 Voir Boschetti op cit p 108 24 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE contemplatif dont les vieux po tes grecs et hindous sans parler du grand Lucr ce nous ont donn les mod les OC 1122 D ans la po sie du d but du xxe si cle l exigence de ma trise de l uvre s accompagne d une certaine violence froide et brutale Saint John Perse a soulign sur son exemplaire de La Volont de puissance que l artiste est peut tre par nature n cessairement sensuel motif en g n ral malgr cela sous l empire de sa t che de la volont d arriver la ma trise il est g n ralement sobre 43 il appelle cruaut autant thique qu esth tique cette exigence intellectuelle et artistique il loue chez D amalincourt le peintre volontaire qui d j n ignore plus la cruaut envers soi OC 1219 Cette cruaut ne lui est pas propre elle est pr sente la m me poque dans les St les occident es de Victor Segalen 4 influenc comme le jeune Alexis Leger par la lecture de Nietzsche Ni Zarathoustra ni les St les occident es ni Anaba n exaltent l arm e et les guerres nati
39. ires souterrains Les nombreuses coupures de journaux conserv es par Saint John Perse montrent combien il avait t frapp par l v nement L uvre en porte trace Et le Monstre qui r de au corral de sa gloire l il magn tique en chasse parmi d impr visibles angles menant un silencieux tonnerre dans la m moire bris e des quartz g Et l Exterminateur au g te de sa valle dans les aust rit s du songe et de la pierre l Etre mur dans sa prudence au n ud des forces in dites m rissant en ses Causses un extraordinaire g nie de violence Contemple face face le sceau de sa puissance comme un grand souci d or aux mains de l Officiant Vents 111 3 OC 223 224 Le Monstre dans le corral comme le M inotaure dans le labyrinthe figure l nergie sauvage cach e au c ur du noyau La violence de cette force in dite devenue l arme terrible qui an antit H iroshima le 6 ao t 1945 quelques semaines apr s la premi re exp rimentation est rapproch e de celle de l E xterminateur dont saint Paul menace les mauvais chr tiens l Exterminateur ex cute les destructions que Yahweh commande dans sa col re D ans l Apocalypse chaque sceau bris marque une tape sur la voie de la destruction et de la purification La comparaison finale sugg re le caract re sacr de l nergie de la mati re Alors que l officiant du rite d leusis montre un pi de bl l initi au terme de son parcours l Exterminat
40. la marge inf rieure Elle prend la forme d un tableau o sont d clin es diff rentes possibilit s telles qu un homme songe la surprise que r ve en songe le 78 J Molino La H oule et l clair op dt 79 Voir l ensemble de la variante en p 36 40 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE Songeur qu ose ne songe le Songeur que s en allonge en songe la surprise qu on ose le songe sur les plages qu elles S allongent qu elles nous surprennent en songe sur le sable dans l allongement du soir Letexte a retenu Et vos jambes aient longues amp tales qu dles nous urprennent en songe sur les sables dans l allongement des feux du sir On voit bien que la construction de l image est autant ou davantage issue d un r seau de mots sur la page que du rapprochement de donn es r f rentielles Le po me se fabrique partir de multiples tentatives qui sollicitent des associations imaginaires tales que l id e d allongement venue des jambes longues comme les ombres allong es par la lumi re du couchant Et le Songeur prend sans doute plaisir d velopper sur la feuille une telle promesse La diff rence entre le processus de l criture et le texte achev est saisissante Ainsi nous ne devons pas nous repr senter le po me comme un tre n tout arm telle Ath na du cerveau de son cr ateur il a t longuement lim cisel martel par un trav
41. le se confondrait avec la musique Or pr cis ment selon M allarm la po sie est sup rieure la musique gr ce aux mots et leur signification L crit envol tacite d abstraction reprend ses droits en face de la chute des sons nus et plus loin Les mots d eux m mes s exaltent mainte facette reconnue la plus rare ou valant pour l esprit centre de suspens vibratoires M ais ce n est pas pour autant qu il faut directement aller l id e D un c t une conception empathique du po me laquelle la critique devrait r pondre par une sorte de lyrisme la hauteur de son objet D e l autre au nom d une v n ration pour la po sie cens e galer la philosophie par d autres moyens que le discours rationnel l affirmation de la profondeur de la pens e du po te nouvel H raclite Plotin redivivus dont il convient d analyser les conceptions philosophiques la pens e du mouvement la conception de l tre M ais le po te n est pas un philosophe sinon il aurait choisi de s exprimer en philosophe c est dire avec un discours argumentatif et rationnel Lorsque les philosophes eux m mes d sertent le seuil m taphysique il advient au po te de relever l le rigoureusement Le fleuve Alph Gallimard Collection L imaginaire 1978 p 72 Et encore Pour ma part j ai toujours trait ma langue avec un respect religieux J aurais plut t renonc une science dont le vocabulaire rebutant m e
42. lement son criture po tique En interdisant toute lecture qui fasse ressortir l historicit de sa d marche il a fini par embaumer son uvre Et c est en contradiction avec une uvre qui sur les traces d anthropologues comme Frazer ou de po tes comme T S Eliot dans The Wase Land voyage travers les civilisations les continents et les si cles Le lecteur de Saint John Perse s appr te voir les civilisations scintiller comme autant d toiles sur les vagues de la nuit 68 c est ainsi que M arcel D ienne d finit la d marche d historiens humanistes qui ont ouvert la voie des ethnologues Le masque lev se r v le une uvre po tique d une tout autre port celle m me qui nous a s duites l intensit des sensations concr tes l univers complexe comparant l incomparable le jeu prodigieux avec le langage tout cela vaut mieux que la statue UN COMMENTAIRE PHILOLOGIQUE R eplacer Saint John Perse dans son temps et parmi ses contemporains scruter le d tail de sa vie pour le retrouver parfois transform par l criture dans ses textes nous a permis de les clairer Apr s tout il sagit l d une des t ches auxquelles ne rechigne pas toute analyse philologique digne de ce nom l tude des r lia N ous n avons pas pour autant bien au contraire renonc l tude des 68 M D tienne Compare l incomparable Seuil 2000 p 19 32 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE mots gr ce l
43. lirante comment vraiment l appr cier sans passer par l analyse de l cart non pas ventuel mais r el entre l homme et le po te Cette analyse nous ne l avons pas faite syst matiquement mais par la chronologie et les notes que nous proposons nous avons donn au lecteur le moyen de la faire qu il souhaite clairer tel ou tel passage de l uvre ou qu il se soucie de replacer dans son temps un po te qui sest pourtant d clar hors du temps et de l espace HISTORICIT DE SAINT JOHN PERSE Fid le aux mod les romantiques admir s dans sa jeunesse Chateaubriand Hugo Poe Saint John Perse a toujours tenu d finir la po sie comme une aventure strictement individuelle 11 n est d histoire que de l me Exil V s par e de l histoire autant que du contexte intellectuel contemporain crivait propos d Anabas que cette uvre se voulait toujours hors du lieu et hors du temps comme frapp e d absolu 27 C est pourquoi il n a pas assez de sarcasmes envers la litt rature engag e et d clare que la po sie se trouve au dessus des vicissitudes de l histoire humaine sous le ciel incorruptible d Anabag Ses grands a n s Whitman M aeterlinck Claudel affirmaient que comme l artiste est un tre divin un cr ateur il n a pas se plier aux 26 M Gallagher La cr olit de Saint John Pes Les Cahiers dela nrf Cahier Saint John Pers n 14 Gallimard 1998 p 48 27 Lett
44. lle GARDESTAMINE 6 37 48 litudes vertes comme note 6 renvoyant l expression solitudes vertes qui se trouve p 37 dela Pl iade et p 48 de Po s gG allimard N ous avons indiqu la liste des manuscrits que l on conna t et que l on peut consulter La plupart se trouvant la Fondation Saint John Perse pour ne pas alourdir la pr sentation nous n avons mentionn le lieu o ils se trouvent que lorsqu il est diff rent 11 nous est arriv lorsque le po me dans son tat d finitif sen trouvait clair d int grer et de commenter des variantes dans les notes Fr quemment dles proposent ce que depuis les manuscrits d Anaba publi s par Albert H enry on appelle des palettes de mots c est dire des listes dispos es g n ralement au dessus ou au dessous de la ligne et du mot autour duquel Saint John Perse t tonne N ous les avons signal es entre barres droites Lorsque le texte offre une palette l int rieur d une palette plus vaste elle est pr sent e entre accolades Ainsi dans cette variante de Vents 11 1 OC 200 et vos jambes taient longues f addition interlin aire f et telles qu on aseen sn les oulair srprendre qu un h songe la surprise r ve en songe le Songeur ose en songe le Songeur la surprise promesse merveille que Sen allonge en songe aux gr ves la surprise qu on ose le songe sur les plages gr ves qu elles s allongent f biff f qu ell
45. n sens m taphorique la chair de la r verie Le sens botanique de songe est enregistr dans le Littr avec leque la m me poque Apollinaire travaille couramment Le grand dictionnaire ne se trouve pas dans la biblioth que de Saint John Perse mais il a tr s bien pu le consulter ailleurs En tout cas le critique a int r t le faire et il en est r compens 11 d couvre en particulier l humour trop souvent occult du po te et des jeux avec les mots que n auraient pas d savou s les surr alistes qui par la bouche de Breton le revendiquaient d ailleurs comme un des leurs surr aliste distance La phrase du premier chant d Anabag je lui fais peu cr dit au commerce de l me OC 94 34 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE n est sans doute pas particuli rement difficile interpr ter et on y reconnait le mot commerce auquel le po te aimait donner son sens vieilli de fr quentation d changes humains I1 vaut cependant de remarquer que l expression est fabriqu e partir d un adage du droit que cite le Littr Le cr dit est l me du commerce Pourquoi dans Vents cette menace myst rieuse Nous t pierons colchique d or comme un chant de tuba dans la mont e des cuivres Et si l homme de talent pr f re la roseraie et le jeu de clavecin il sera d vor par les chiens 1 6 OC 193 sinon parce que le nom vulgaire du colchique que rapporte le Lit
46. n ses affirmations confondant aveugl ment l homme et sa l gende Cette l gende il a commenc la r diger t t bien avant que l id e m me d une Pl iade ne lui soit venue Q uand le secret du pseudonyme fut perc aux tats Unis en 1942 avec la note que le po te am ricain Archibald M acLeish ins ra dans la revue Poetry qui publiait Exil puis en France en 1947 1948 avec les articles de M aurice Saillet 7 la vie d Alexis Leger risquait d chapper au po te Aussi orientat il le botaniste canadien Louis M arcel Raymond avec lequel il entretint par la suite une longue correspondance lorsque celui ci lui envoya un article destin Fontaine o il voquait l uvre mais aussi l homme et reprenait la plupart des indications de M acLeish 18 Saint John Perse sugg ra Raymond quelques modifications qui arriv rent trop tard pour tre reproduites Bien que minimes remplacer v que par pr lat onze ans par douze ans ces corrections manifestent un d sir de contr le que confirme la correspondance avec Alain Bosquet Celui ci pr parait un volume consacr Saint John Perse pour la collection Po tes d aujourd hui chez Seghers 2 Saint John Perse lui envoya une note biographique de huit pages et compl ta ces indications quelques mois plus tard comme l apprend une lettre de Bosquet en date du 7 mars 1952 Je ne vous dirais pas combien j ai t touch quelle a t mon motion
47. nneraient au grand Po te un air humain trop humain il faut bien invoquer le d sir de transformer la vie en destin Un exemple parmi bien d autres celui de la fin du s jour en Chine du jeune secr taire d ambassade Q uitte finalement la Chine apr s avoir d clin l offre d une situation de Conseiller diplomatique aupr s du gouvernement chinois OC XVIII Or les documents montrent que Leger tait en fait dans une tout autre position contrairement ce qu il crit c est lui qui semploya longtemps solliciter un tel poste et c est en partie parce qu il ne l obtint pas qu il demanda rentrer en France 14 Le prix N obel de 1960 ne donne lieu qu quatre mots l ann e 1960 au milieu d autres distinctions moins prestigieuses et de voyages lu membre honoraire de l Acad mie am ricaine et de l Institut national des arts et lettres d Am rique Elu membre correspondant de l Acad mie bavaroise Prix N obel de litt rature Voyage en Scandinavie et s ourne dans la campagne belge en Brabant Publication Paris du discours de Stockholm sous le titre Po ie OC XXIX comme sil s agissait d un v nement sans grande importance d une distinction obtenue presque par hasard M ais les coupures de journaux soigneusement d coup es et coll es dans les dossiers de presse tenus jour et conserv s dans les archives de la Fondation Saint John Perse montrent que son nom tait r guli rement cit depuis 1953 parmi les cand
48. nt la biblioth que personnelle du po te comporte plus d un dictionnaire mais encore sont ils consid rablement annot s Son Petit Larouse semble avoir t lu article apr s article crayon en main selon une pratique d ailleurs fr quente dans sa g n ration Les six premi res pages de la lettre a sont par exemple annot es tout comme les douze premi res de la lettre b etc Saint John Perse ne semble pas n cessairement y chercher des informations sur les objets sinon on comprendrait mal qu il ait soulign les d finitions suivantes carrossier qui fabrique des carrog ries cessible qui peut tre c d II y cherche plut t des informations sur les mots eux m mes sur leur formation et les liens qu ils entretiennent les uns avec les autres Et ces mots se retrouvent souvent dans les po mes comme cologie soulign dans le Larous qui migre signal par des guillemets dans O isaux 69 Voir J Gardes Tamine Saint John Perse et les mots Europe n 799 800 novembre d cembre 1995 p 110 118 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 33 Telle est pour l oiseau peint de Braque la force secr te de son cologie OC 411 Le sens de ces mots y compris quand ils sont techniques est respect Ils m ont appel l O bscur et j habitais l clat dit nouvel H raclite le po te dans Ames OC 281 Combien de mots qui si l on consulte les dictionnaires deviennent lumineux et particuli remen
49. ntribuent cr er des effets de discordance que l on retrouve chez d autres po tes de la m me poque comme Apollinaire lecteur lui aussi de Nietzsche Pour viter de figer sa pens e ou de souffrir devant le nihilisme Zarathoustra est accompagn de son singe le singe traverse lui aussi l uvre de Saint John Perse ou de son bouffon Le h ros gai voil ce qui a chapp aux auteurs de trag die 48 tranger Qui riait l ouverture d Anabag OC 89 tranger telle est bien une des figures du po te dans l uvre de Saint John Perse depuis Anabas jusqu l tranger dont la voile a longtemps long nos c tes dans Amers OC 321 Valery Larbaud aimait citer le pasing tranger de W hitman rappelons qu il a publi un loge du po te am ricain en 1909 50 L exotisme le voyage sont tr s en vogue pendant les ann es de formation de Saint John Perse parmi des po tes pour lesquels la figure de Rimbaud demeure la r f rence essentielle Larbaud se prom ne en harmonika Zug travers l Europe Claude et Segalen crivent sur la Chine Apollinaire sur l Allemagne et l Europe centrale Cendrars sur New York et sur la Russie Jacques Rivi re publie en 1913 un essai consacr au Roman d aventure Andr Gide traduit et fait traduire des romans de Conrad auteur auquel Saint John Perse crit une 46 M Bakhtine Esth tique amp th orie du roman Gallimard 1978 p 458 47
50. obert Laffont 1995 p 85 95 Voir M Courtois St les occident es ou l O ccident en d route Cahier Victor Segalen n 6 p 55 64 45 C Debon Apollinaire et la pens e nietzsch enne dans Apollinaire au carrefour des cultures Actes du colloque de Tunis mars 1998 Presses de l cole Normale Sup rieure Tunis 1998 p 39 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 25 Lerire crit Bakhtine abolit la distance pique et en g n ral toute distance hi rarchique En fait de grands exploits voici que d barquent des filles et des mules en fait de flotte guerri re des arrivages de farine Le ton frise la parodie dans l allusion la l gende de M emnon nos verres o la glace pouvait chanter comme M emnon OC 102 Le chant du roi fils de l Aurore sert caract riser la fonte des gla ons dans un verre Le po me comporte des lieux ou des actions qui ressortissent au trivial ou au comique non seulement les cuves friture OC 112 les quartiers aux d tritus OC 99 les cale ons de filles OC 99 mais aussi les morts sous l urine et le sel de la terre OC 97 les pierres vertes et huileuses comme des fonds de temples de latrines OC 98 on remarquera la juxtaposition et la chute saisissante du chant vin les filles urinaient en cartant la toile peinte de leur robe OC 110 Les jeux de mots les collages h t rog nes les comparaisons insolites co
51. ohn Perse ou la tentation de la d mesure Ta Qud n 4 hiver 1961 p 51 31 J Gracq En liant en crivant Jos Corti d 1980 p 199 32 H Meschonnic Historicit de Saint John Perse Critique du rythme Verdier 1982 p 389 33 Ibid p 367 34 P Claudel Art po amp ique uvre po tique d J Petit Biblioth que de la Pl iade 1967 p 91 20 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARD ESTAMINE Le refus de l histoire au profit de l ontologie est d ailleurs lui m me historique On pourrait dire la mani re des h raclit ens que la po sie de Saint John Perse es et n et pashistorique Elle ne l est pas dans la mesure o le contexte r f rentiel est syst matiquement effac o se c toient en un m me po me les champs culturels les plus divers et des r f rences issues de civilisations anciennes et modernes appartenant aux cinq continents Saint John Perse ayant exclu toute localisation aussi bien que toute datation OC 793 de son univers po tique celui ci tend l atemporalit du mythe II revendique l autonomie de la cr ation comme les humanistes de la Renaissance qui voulaient lib rer leurs uvres des anciennes tutelles th ologiques il veut affranchir les siennes de la soumission impos e par la modernit l histoire conomique politique id ologique d une soci t En revendiquant le statut ontologique de la po sie c est l ind pendance de son art qu il d fend Si ce parti
52. oit d abord tre trait en artisan du langage po tique Plut t que les vastes synth ses que le po te invite faire il sagissait donc pour nous de proposer des interpr tations apr s avoir tabli le sens litt ral des textes et mis la pens e de Saint John Perse en relation sans doute avec les discours philosophiques de son temps mais surtout avec les probl matiques litt raires par rapport auxquelles il a d se situer II fallait bien sortir la statue de Saint John Perse de son isolement superbe pour voir le po te marcher sur la chauss e des hommes de son temps En d cidant sous l impulsion de l avocat et homme de lettres marseillais Pierre Guerre de b tir avant sa mort sa Fondation Aix en Provence et de lui l guer tous ses documents de travail ses manuscrits ses correspondances sa biblioth que personnelle consid rablement annot e Saint John Perse n a t il pas d ailleurs laiss aux chercheurs de quoi fonder une nouvalle critique D es travaux sur les correspondances ont montr que certaines telles les Lettres d Asie avaient t crites ou r crites pour la Pl iade et qu elles constituaient des uvres litt raires au m me titre que les recueils po tiques D autres partir de l examen des manuscrits ont conduit revenir sur la fiction d un po te qui r dige d un seul jet sous le coup de l inspiration et se contraint ensuite laguer D autres encore ont r v l combien Saint John Per
53. on mais la r alit de connaissance 53 Or la connaissance que Saint John Perse a du monde n est pas s parable de sa vie de diplomate Une grande partie des malentendus concernant son uvre et qu il a lui m me entretenus tiennent la s paration artificielle qu il a revendiqu e entre le po te et le diplomate L image d Alexis L eger Saint John Perse en Janus bifrons employ e par D uroselle54 est sans doute plus juste car elle implique que les deux faces sont li es Certes il a dissoci son activit diplomatique de sa cr ation po tique sur la sc ne politique et sociale puisqu il n a rien publi pendant qu il tait en poste au Q uai d O rsay et qu il n a pas fait tat de son uvre po tique ni en public ni aupr s de ses collaborateurs pendant toute cette p riode Si le diplomate doit tre rigoureusement s par du po te afin de laisser celui ci sa pleine autonomie cr atrice affranchi de tous liens au pouvoir et l histoire imm diate la r ciproque m rite r flexion car le po te ne peut tre enti rement coup de l exp rience du diplomate de ses pens es et particuli rement de sa conception de l histoire II nous para t vident que la 51 Voir C M ayaux Les Lettres d Asie de Saint John Pes Lesr crits d un po te Les Cahiers de la nrf Cahiers Saint John Pers n 12 Gallimard 1994 p 141 149 C M ayaux montre qu il sagit bien davantage d une lettre consacr e Conrad que d une lettre adress
54. onales car la violence est une thique et une esth tique ces vertus belliqueuses crit Claude D ebon sont li es la lutte incessante que doit mener le philosophe contre les forces de la mort et de la d g n rescencess La lucidit qui ne veut tre dupe ni des grands sentiments ni des r gles acad miques a pour corollaire l humour le rire transgresseur Anabag se garde de rester dans le registre noble La tradition pique est certes pr sente dans Anaba mais elle n est pas r v r e I1 entre dans ce po me une grande part de jeu avec les mod les qui ferait de Saint John Perse moins un intemporel explorateur de l me qu un moderne aventurier du langage I arrive qu une comparaison rabaisse l objet d crit Portant son c ur farouche et bourdonnant comme un g teau de mouches noires OC 97 La grande accumulation du chant x c l brant des occupations parfois triviales peut rappeler le pastiche des d nombrements bibliques ou des catalogues hom riques dans la litt rature parodique chez Rabelais ou Aristophane Le rire d gonfle le ton noble de l pop e qu avons nous donc rire mais qu avons nous rire sur nos si ges pour un d barquement de filles et de mules et qu est ce dire depuis l aube de tout ce peuple sous les voiles D es arrivages de farine OC 98 43 F Nietzsche La Volont de puissance 367 p 415 416 44 V Segalen St es uvres compl tes d H Bouillier R
55. pport au savoir et la culture Le po te 71 lizabeth Coss H umbert Saint John Perse Po sie sience de l tre Presses Universitaires de N ancy 1993 p 205 72 Voir M arc Criado Les In ces dans l uvre de Saint John Pers m moire de ma trise universit de Provence 2001 36 Colette CAM ELIN et Jo lle GARDESTAMINE est l gal du savant et c est sans doute on l a dit parce qu il utilise plus que lui les ressources de l intuition fulgurante et de la pens e analogique mais ce n est pas pour autant qu il peut tourner le dos la pr cision scientifique Le po te tend la rigueur il cherche selon les termes du chant 11 d Oigaux OC 410 retrouver la langue tr s s re et tr s r v rencieuse des vieux naturalistes fran ais qui crivaient une poque o n avait pas t consacr e la s paration de la litt rature et de la science Une lettre Louis M arcel Raymond le dit nettement et critique l approximation La terminologie am ricaine m c ure par l incorrection autant que la grossi ret de ses appellations populaires clipsant toute d termination scientifique 0C 994 995 Saint John Perse n affirmet il pas Roger Caillois que la substitution de rouge mauve dans l expression l argile rouge des grands fonds Exil VI OC 133 est bien le r sultat d une v ritable correction non d une variante Pr cision de fait impos e par l oc anographie P
56. que le texte gagne tre clair dans toutes ses virtualit s et qu il appartient ensuite au lecteur de construire sa propre interpr tation pourvu qu elle soit compatible avec ce sens litt ral 76 Ibid p 219 77 Voir R Ventresque La Biblioth que de Saint John Perse des ann es de jeunes l exil mat riau anthropo logique amp cr ation po tique M ontpellier th se de doctorat 1990 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 39 Les notices g n rales proposent cependant des fils de lecture o nous nous sommes engag es plus profond ment en nous appuyant sur les remarques pr cises et limit es que nous avons consign es dans nos commentaires Sugg rer que le M inotaure de Vents peut tre rapproch de l explosion atomique de Los Alamos conduit sinterroger sur la place de l histoire de la mythistoire selon le terme de Jean M olino 8 dans le recueil et sur l attitude que Saint John Perse adopte face ses d faillances C est d boucher sur une dimension thique celle que l on voyait d j se d gager d Anaba aux lendemains de la guerre de 1914 1918 et qui conduit carter la tentation de l abandon aux forces d l t res l ac die et qui refuse le nihilisme et la croyance que tout n est qu illusion C est encore celle qui contre la tristesse du grand ge affirme dans Chronique que toute la dignit de l homme consiste dans l outrance m taphysique Saint John Perse dit ailleurs le scandal
57. r cision d ailleurs inattendue pour l imagination premi re qui n associe point d elle m me le rouge la nuit abyssale lettre du 10 f vrier 1954 OC 563 C est dire que l imagination doit c der ses droits la correction scientifique D e fait cette pr cision a d ment t relev e dans les ouvrages de g ologie en particulier celui de Pierre Termier 73 la gloire de la Terre Souvenir d un g ologue Il arrive m me que ce soient des passages entiers qui transitent ainsi d un ouvrage technique au po me et ce depuis l entr e en po sie D s loges en effet Saint John Perse pratique la mani re d Apollinaire ou de Cendrars la m me poque le collage Combien de passages emprunt s la Flore phan rogamique des Antilles du P re Duss sy retrouvent commencer dans le chant IV par la description de l Anibe dans sa cupule verruqueuse et tronqu e ou celle des abutilons ces fleurs jaunes tach es de noir pourpre la base Les traits d union qui ont ailleurs de plus nobles valeurs ne signalent ils pas ici malicieusement le larcin Et si la biographie insiste l ann e 1898 sur le go t de l enfant pour les sciences naturelles Form tr s t t l quitation et la vie sur mer l enfant S prend aussi d histoire naturelle en compagnie d un savant botaniste re u dans sa famille leR P Antoine D uss auteur d ouvrages r put s qui font encore autorit sur la flore descr
58. re Karl Birger Blomdhal 8 novembre 1955 cit e par R Little U ne image de la dialectique mou vement stasis dans Anabas Etudes sur Saint John Pers Klincksieck Paris 1984 18 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE contingences de la r alit D e m me le Discours de Stockholm pr sente la po sie comme un langage o se transmet le mouvement m me de l tre OC 444 et le Discours de Florence est organis autour d une exclamation Po sie science de l tre OC 413 Il est probable que Saint John Perse comme M allarm gardait la nostalgie d un mode de pens e id aliste et spiritualiste m me si pour lui l essentiel tait de donner l illusion d un acc s l essence qui ne saurait aboutir La recherche en toute chose du divin et cette intol rance en toute chose dela limite humaine ne sauraient m habiliter rien de plus qu mon aspiration OC 1019 1020 C est surtout la pr tention de d finir une fois pour toutes les moyens et les proc d s de la po sie qui a t reproch e Saint John Perse notamment par H enri M eschonnic et d une mani re plus g n rale par les avant gardes litt raires Defait la conception de la po sie que Saint John Perse d fend dans les ann e soixante reprend celle de Paul Val ry qui au d but du si cle proposait une d finition formelle et a historique du po tique Val ry comme M allarm dans Cris de vers posait en dogme la
59. ret entre l imaginaire et le r el comme entre l esprit et 28 C P Perez Saint John Perse et Claudel filiation ou cousinage Saint John Pers face aux cr ateurs Souffle de Perse n 5 6 p 58 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 19 la lettre OC 516 II convient de rappeler que la po sie de Fargue tait appr ci e la N RF parce qu elle est plus accessible et moins dangereuse que celle de Rimbaud et de M allarm 2 Saint John Pers du fait de son loignement a ainsi t amen figer des partis pris qui sont souvent bien plus rigides dans les textes en prose que dans les po mes o se d ploient la force de l imaginaire le sens du rythme et le go t du jeu qui font la s duction de son criture po tique Ses positions litt raires lui ont cependant valu de nombreuses critiques de la part d auteurs favorables aux avant gardes O n n est pas surpris de voir Saint John Perse reint dans Td Que 3 par exemple La pr dilection pour les Syrtes ne suffit pas le rapprocher de Julien Gracq qui critique la froideur l immobilit hi ratique de son univers po tique Le monde qu il c l bre est un monde arr t un monde bloqu pour toujours l heure de son solstice un monde qui passe de l heure de l Histoire celle de la stabilit sid rale du recensement et du d nombrement 31 H enri M eschonnic sen prend au primat du cosmique corollaire de la toute puissance de la m trique dans le verse
60. s56 Cependant ces deux textes ont t mis au point pendant les premi res ann es de la collaboration d Alexis Leger avec Aristide Briand si bien qu on peut se demander si la th matique d Anabas n est pas li e la mise en ordre de l Europe apr s la guerre II s agit en effet cette fois de construire un ordre selon la raison alors que les hommes sont soumis des passions troites et vingt peuples sous nos lois parlant toutes les langues OC 103 pourrait faire cho la politique de paix men e par Briand actif la Soci t des N ations Le texte d un discours prononc en mars 1942 N ew York intitul Briand et publi dans les T moignages politiques OC 605 614 d veloppe les qualit s intellectuelles et humaines de ce ministre qui re ut le Prix N oba dela paix en 1926 La solitude du conqu rant d Anaba qui scande le Chant V est partag e par les grands hommes d tat comme Briand souvent attaqu et incompris La d dicace port e sur le volume de la traduction anglaise d Anabas offerte D ag H ammarskj ld Secr taire g n ral de l ONU tend montrer que la probl matique d Anabag est travers e par les pr occupations du diplomate Pensant vous mon cher D ag votre solitude secr te de guide conduisant la plus vaste Anabag de peuples Tel est le talent que Leger appr ciait chez Briand comme il menait au vent de mer le plus fr le voilier il apportait au maniement des hommes un ra
61. se avait emprunt aux livres de sa biblioth que par une pratique du collage qui n a rien envier celles de Cendrars ou d Apollinaire Toutes ces recherches ont l gitim une nouvelle approche du texte qui se penche sur sa gen se sur son travail de composition et d criture sur les mat riaux linguistiques qu il utilise et ont replac le po te dans l histoire qu il s agisse de son histoire personnelle ou de l Histoire litt raire et v nementielle de son temps C est cette double analyse que nous avons mise en uvre dans ce volume LA BIOGRAPHIE la lumi re des documents de la Fondation Saint John Perse et des correspondances r elles publi es en particulier par les Cahiers de la NRF la biographie qui ouvre la Pl iade doit tre lue comme un r cit en grande partie 9 Discours de Stockholm OC 444 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 11 romanesque ou comme un de ces Vies o les crivains de l Antiquit c l braient un grand personnage C est bien en effet la c l bration d Alexis Leger que s est livr Saint John Perse10 Si les chronologies ordinaires des ouvrages de la Biblioth que de la Pl iade num rent des faits d ment contr l s celle qui ouvre les uvres Compl tes de Saint John Perse d cline ann e apr s ann e les v nements d une vie exemplaire Elle participe de l intention g n rale du volume la gloire du Po te et de la Po sie Si rien proprement p
62. t Brumaire En 1911 Saint John Perse crit Claudel qu il est c ur des po mes qui d posent en carnets et qu il aimerait mener une uvre comme une Anaba sous la conduite de ses chefs OC 722 II restera fid le cette esth tique qu il explicite dans le Discours consacr D ante D o l exigence en art d une uvre r elle et pleine qui ne craigne pas la notion d uvre et d uvre uvr dans sa totalit OC 453 II regrette que Val ry n ait pas construit d uvre structur e partir de ses cahiers Le volume de la Pl iade soigneusement achev rel ve de ce souci ainsi que la destruction de nombreux manuscrits et de carnets de notes L esth tique de Saint John Perse est fort loign e du work in progres de la modernit II a compos avec un grand soin ses recueils gardant pour mod le le po me antique comme l O dyse ou l n de La composition de Vents par exemple comporte quatre s quences de six ou sept chants construits autour d une trame spatiale un voyage en O ues jusqu au Pacifique et un retour en Europe et d une trame temporelle qui plonge dans le pass jusqu aux plus anciennes civilisations de l humanit pour s achever l re atomique Auss Claudel peut il affirmer que a Vents ressortit la cat gorie du po me pique ou plus exactement 39 J Gardes Tamine Po tique ou rh torique tardive in Raconter s du
63. t bien adapt s au contexte Oigaux semble utiliser un vocabulaire m taphorique comme hampe ou tendard Les vieux naturalistes fran ais dans leur langue tr s s re et tr s r v rencieuse apr s avoir fait droit aux attributs de l aile hampe barbes tendard de la plume s attachaient de plus pr s au corps m me territoire de l oiseau comme une parcelle infime du territoire terrestre 11 OC 410 que l on croirait emprunt la botanique ou au langage courant Et pourtant il sagit l de termes d ornithologie employ s avec leur sens pr cis pour d signer des parties de la plume Pour ces mots difficiles on est videmment tent d ouvrir les dictionnaires M ais combien d emplois en apparence clairs qui m ritent eux aussi qu on ait recours eux et qui deviennent du coup beaucoup plus int ressants Ainsi dans ce passage d loges XIV l eau nue est pareille la pulpe d un songe e le Songeur est couch l OC 46 on peut videmment se laisser prendre la d rivation de songe Songeur et ne donner songe que le sens de r verie M ais il est un autre sens compatible avec le contexte antillais c est celui de plante dont la racine est comestible Pulpe en ce cas est parfaitement adapt N est ce pas rendre justice au travail po tique que de reconna tre le double sens un sens litt ral la chair d un fruit u
64. t historique car elle est ins parable de la position du po te dans ce champ Le choix m me d une inactualit ne se comprend que sur la sc ne o il est revendiqu N ous partons de l hypoth se qu abstraire la po sie de Saint John Perse d enjeux intellectuels thiques et esth tiques situ s dans la po sie du xxe si cle que ce soit pour en 35 F Nietzsche Consd rations inactudles 11 Pr face trad H Albert Mercure de France 1907 LIRE SAINT JOHN PERSE EN PHILOLOGUE 21 louer l univers mythique ou pour en critiquer l immobilit hi ratique revient priver cette uvre de l paisseur de sens qui en fait la richesse Pendant les ann es de formation du po te de 1900 1914 la sc ne litt raire est marqu e par des tensions entre les audaces modernes l esprit nouveau disait Apollinaire et l aspiration l ordre le retour la tradition L influence du symbolisme reste d terminante quant l id al de beaut qui implique discipline et travail m me si les critiques vitalistes et naturistes apportent de nouvelles exigences ouverture au monde concret aux forces cosmiques importance du corps du sexe C est dans ce climat que les premiers po mes de Saint Leger Leger cherchent leur voie D es villes sur trois modes est encore mal d gag de l influence des Parnassiens et de Baudelaire alors qu Images Cruso est proche de Rimbaud par l acuit des sensations l intensit des
65. t persien et conclut la d shistoricisation du langage et du po me 2 qui fait de Saint John Perse un parnassien moderne 3 Selon M eschonnic la po sie de Saint John Perse ne se r f re aucun v nement pr sent ne prend pas position dans les querelles en cours surtout dans les Discours choisit contre l volution lin aire de l histoire humaine les cycles cosmiques Pour lui l historicit de la po sie de Saint John Perse consiste pr cis ment d nier toute dimension historique l aventure humaine proche en cela de son a n Claudel qui a d velopp dans son Art po tique en 1907 une th orie selon laquelle l volution de l histoire est identifi e au mouvement naturel avec ses crises ses p riodes Ces critiques sont fond es sur les d clarations de Saint John Perse lui m me dans ses Discours surtout o il donne une image de sa po tique qui oriente la lecture des po mes et dissimule volontairement leur historicit N otre entreprise au contraire a vis tablir le sens litt ral de ses po mes afin d en faire appr cier l paisseur vivante et de les situer dans un contexte historique auquel la po tique pure qu il affichait cherchait les soustraire 29 Les po mes de Fargue semblent H enri Gh on des Illuminations formul es plus pos ment par un artiste moins ivre ou plus ma tre de son ivresse que Rimbaud NRF ao t 1912 30 M M axence Saint J
66. tente honor de laitages de fruits O n lui apporte de l eau fra che pour y laver sa bouche son visage et son sexe On lui m ne la nuit de grandes femmes br haignes ha plus nocturnes dans le jour Et peut tre aussi de moi tirera t il son plaisir OC 110 Plaisir et f condit ne semblent pas vraiment associ s M ais le contresens qui attribue Saint John Perse la confusion entre criquet et grillon ignore galement le travail ant rieur du po te et sa fr quentation d outils de travail comme ici les livres consacr s l entomologie Les notes de lecture prises par exemple sur les Souvenirs entomologiques de Fabre montrent au contraire que les ailes bleues du criquet sont bien associ es au plaisir amoureux Voici le passage relev par le po te Lorsq sur les pierrailles d un sentier le Criquet ailes bleues soulign par le po te d licieusemt se grise de soleil et fr le de ses grosses cuisses post r l pre rebord de ses lytres lorsq la Grenouille verte se gonfle la gorge ds le feuillage des arbustes et la ballonne en sonore vessie au momt o l orage couve ils ne cherchent qu t moigner la joie de vivre l univers joie que chaq esp ce animale c l bre sa mani re 72 Si nous avons le plus souvent possible clair les mots soit par des d finitions soit par des citations prises dans les ouvrages avec lesquels Saint John Perse travaillait c est aussi pour clairer son ra
67. tr comme les guides de botanique de Saint John Perse est tue chien Le po te pratique assid ment un autre type de dictionnaire le Dictionnaire analogique I1 poss dait deux exemplaires du dictionnaire de M aque dat de 1936 maisil est probable qu il avait consult celui de Boissi re plus ancien dont M aquet respecte les principes Un de ces exemplaires est consid rablement annot La plupart des mots vieillis du vocabulaire de l astronomie sont ainsi soulign s aberration pr cession station d clinaison Ils se retrouvent videmment dans l uvre N ous avons indiqu dans les notes aussi bien les sens consign s par les dictionnaires de langue que ces soulignements dans le M aque parce qu ils r v lent les chemins qu ont parfois emprunt s l imaginaire et l criture Les connaissances de Saint John Perse sont donc lexicales Elles sont galement encyclop diques D ans les livres de sa biblioth que et dans les dossiers qu il avait soigneusement constitu s on trouve les clefs de la plupart des expressions obscures des po mes sur les pages soulign es et annot es d ouvrages d ornithologie de botanique de g ologie d ethnologie d histoire de parapsychologie ou d occultisme comme sur les feuillets de brochures touristiques ou d articles de presse soigneusement class s N ous nous sommes donc livr es des recherches de g n tique textuelle et nous nous sommes int ress es aux notes et
68. trices qui font de l histoire un absolu et contre le mat rialisme inhumain de l conomie de march Cet humanisme qui a t entendu par les N ations U nies et par le jury du prix N oba a t critiqu par des intellectuels marxistes de l apr s guerre L humanisme en effet est entr en crise apr s les traumatismes de Verdun d Auschwitz d Hiroshima et du Goulag Saint John Perse ne croit pas qu un syst me philosophique ou politique puisse aider l humanit se relever de ses ruines II essaie en revanche de redonner confiance en l homme pour lui permettre une action efficace D ag H ammarskj ld r vait cette poque de contrer par une ducation humaniste universelle le totalitarisme et les int r ts particuliers des puissances financi res nationales militaires afin de garantir chacun assez de s curit mat rielle de culture de libert et surtout de dignit pour acc der la conscience de l appartenance une humanit plan taire Ce projet Soppose au marxisme au nom duquel H enri M eschonnic juge l historicit de Saint John Perse et au mat rialisme lib ral qui ne tient pas compte de la dignit humaine automatisme industriel nuisible aux valeurs de l esprit sdon Saint John Perse OC 555 556 L humanisme de Saint John Perse est certes historique il a t re u favorablement par les d mocrates am ricains qui l ont soutenu dans les ann es cinquante et par les milieux des N ations Unies mais
69. ue la biographie il ne lui offrit pas un exemplaire de son Ode Les M uses dans l dition grand format de la Biblioth que d O ccident OC XIII mais L Arbre volume publi en 1901 qui rassemble plusieurs pi ces T te d Or 10 Voir R Ventresque La Biographie de Saint John Perse dans l dition de la Pl iade d un masque l autre Les M ots la Vie n 9 L Autobiographie du d ir au mensonge 1996 p 71 80 J Gardes Tamine De la biographie d Alexis Leger la Vie de Saint John Perse ibid p 81 87 11 R Rouy re La jeunes d Alexis Leger Saint John Pers Pau Bordeaux 1899 1912 Presses universitaires de Bordeaux 1989 12 Lettres d Alexis Leger Gabrie Frize u 1906 1912 Acad mie Royale de Belgique Gembloux 1993 Introduction dition notes et index par Albert H enry p 46 12 Colette CAM ELIN amp Jo lle GARDESTAMINE L change Le Repos du spti mejour La Ville La jeunefilleViolaine 11 est conserv dans la biblioth que personnelle et porte effac e mais encore lisible cette d dicace Saint Leger En souvenir d un soir d orage Orthez et du mot dit vos a n s avant votre ge d homme D es erreurs de ce type la confrontation de la biographie avec la chronologie propos e ici et avec la biographie r cemment publi e 13 permettra de constater qu elles sont nombreuses mais souvent peu significatives M ais quand sont pass s sous silence des pisodes qui do
70. us livre Saint John Perse mais la vie hors du commun d un Po te qui obtint le prix N obel La requ te de Charpier date pr cis ment de 1961 au lendemain de la haute distinction d cern e par l Acad mie su doise C est d un nob liste qu il convient de retracer pour la post rit l histoire depuis ses lointains a eux jusqu ses derni res publications Prince du royaume d enfance jeune prodige litt raire choy par ses a n s ami et conseiller des grands de ce monde instruit des choses litt raires comme des choses scientifiques perp tuel exil et partout chez lui tel est le po te d paint par la Biographie de la Pl iade Comme l crit Ren e Ventresque le personnage hi ratique de la Biographie est bien la derni re incarnation des hautes figures de l uvre po tique de l Enfant de l Etranger du M a tre du navire du Po te et de l homme du grand ge2 M ais l homme dans tout cela La chronologie propos e dans ce volume permet de le restituer avec sa grandeur mais aussi ses petitesses ses calculs de carri re qu elle soit litt raire ou politique avec les anecdotes infimes et les v nements majeurs qui ont tiss quatre vingt sept ans d existence et qui ont retenti sur l uvre Elle explique plus d un d tail myst rieux dans des po mes qui ont bien souvent leurs racines dans des petits faits tr s r els auxquels il donne une r sonance inattendue et qu il assemble de fa on myst rieuse
71. xigences rudites de la Biblioth que de la Pl iade le volume a en effet t enti rement con u construit r alis par le po te avec la seule assistance de son pouse Dorothy Leger qui en a assur la dactylographie et de Robert Carlier des ditions Gallimard qui l a aid rechercher des documents Cette dition a t con ue pour prendre un caract re parfaitement achev tel un Livre un Texte clos un monument b ti pour l ternit un livre qui soit un livre architectural et pr m dit comme l crivait M allarm Ainsi le volume de la Pl iade n ob it il en r alit aucun des crit res de la critique s rieuse il difie une figure celle d un Po te ma tre d criture et de vie et cette figure a largement contribu enfermer la critique dans l hagiographie L homme au masque d or a difi la statue d un po te inspir crivant l histoire de son me hors du lieu et hors du temps si bien que les critiques m dus s par ce masque hi ratique ont n glig l historicit de l uvre et la sp cificit de sa langue Oubliant les d clarations m mes des po tes celles de M allarm s affirmant r solument syntaxier 4 celles de Roger Caillois dont Saint John Perse aimait les commentaires insistant dans Le fleuve Alph es sur le respect que l crivain doit 3 Voir R Ventresque Les tapes et les enjeux de l laboration de l dition des uvres Compl tes d

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