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La place des arguments critiques dans l`appréhension juridique des

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1. la figure b tement oubli e par le peintre subversif refusant de peindre Plut t qu un geste d agression s imposant sans consentement une uvre comme un coup de poing plut t qu une d formation que l on trouverait scandaleuse sur n importe quelle uvre figurative le baiser se transforma par la gr ce de sa r ception en in formation transubstanciation de la mati re inerte par sa blancheur plane en forme signifiante cette vision toute augustinienne de l art fut superpos e une certaine conception contemporaine de l amour geste d une femme lib r e assumant sa f minit et peignant avec les l vres les posant sans demander la permission sur ce qui s offre elles D s lors la pr misse fausse s est impos e comme la v rit de l uvre promue au nom d un public pr sum majoritairement r fractaire aux pratiques artistiques contemporaines Les commentaires lus aux bas des articles reproduits sur internet laissent effectivement penser que majoritairement le public en tout cas la petite partie du public qui s exprime ainsi ce qui ne peut avoir valeur de g n ralit avait t conquis par cette rh torique pip e C Les juges face une demande de censure et les crit res de l uvre POGROM d Eric BENIER BURCKEL Les arguments de la pol mique publique relay e par la presse et qui constitueront des pi ces dans le dossier p nal POGROM roman d Eric B nier BURCKEL publi p
2. La place des arguments critiques dans l appr hension juridique des uvres de la protection la censure Agn s TRICOIRE Avocat la cour Sp cialiste en propri t intellectuelle D l gu e de l Observatoire de la libert de cr ation de la LDH Introduction le jugement de droit et le jugement de go t Le jugement de droit se doit de reposer sur des crit res objectifs En effet le juge qui doit appliquer la norme de droit ne doit pas faire tenir compte de sa propre opinion mais il doit appliquer la r gle dit e de fa on g n rale des situations particuli res Entre la situation g n rale telle qu elle est norm e par la loi et la situation individuelle telle qu elle est expos e au juge il y a donc un espace d interpr tation L objectivit du juge est souhaitable pour viter des carts d interpr tations qui seraient dus des convictions personnelles Ceci tant pos ces carts existent d autant qu en France le syst me d laboration de la jurisprudence est fait de telle fa on que la d cision d un tribunal ne lie pas l interpr tation que tel autre tribunal pourrait faire d une situation identique Ceci vaut pour des tribunaux de m mes niveaux Si le TGI de LYON a dit blanc le TGI de PARIS peut dire noir Il n y a pas non plus de contrainte hi rarchique Si le TGI de PARIS dit Blanc la Cour d appel de PARIS peut dire Noir et dans une autre affaire le TGI de PARIS peut dire
3. Si le travail de l artiste consiste toujours transformer le r el s il n invente rien il cr e par des moyens artistiques une situation mat rielle qui donne voir autrement le r el L artiste a cr des lettrines combl es l or fin mais de fa on in gale comme si l inscription tait l de longue date et avait subi l rosion du temps Il appara t pour dispara tre pour se fondre dans le r el qu il corrode L criture dans une typographie classique celle des frontons des b timents publics entra ne l illusion comme les raisins d Eleusis que l inscription est ancienne naturellement l ce qui entre videmment en contradiction avec le concept de Paradis Dans le m me temps cette illusion est r flexive Elle est de la part de l artiste destin e interroger le spectateur sur l illusion m me cr e par l uvre Nul ne peut pr tendre se faire prendre ce pi ge Le paradis n existe pas il n est signal sur aucun b timent public ou priv ni m me dans aucune glise Il est et doit rester dans la religion chr tienne une croyance pas une r alit tangible Le choix de peindre le mot paradis en majuscules au dessus de cette porte est l incarnation dans la forme de l id e que derri re la porte v tuste dont la serrure est en forme de croix derri re ces murs d cr pis dont la 12 peinture s caille apr s avoir franchi ce sol sur lequel on aper oit la poussi
4. citant des passages non vis s par la poursuite qui vont lui permettre de qualifier le projet litt raire de l auteur 2 me pr cepte Pour juger une uvre il faut juger sa r ception Le Tribunal fait un bilan des r actions suscit es par l uvre au motif que s il n est nullement le juge de la valeur litt raire de l ouvrage en cause il doit examiner la nature de celui ci ainsi que la port e des propos incrimin s Il convient de souligner ici que la d marche qui consiste confronter l avis qu il peut avoir ceux qui sont mis dans le cadre de la proc dure par l auteur l diteur les t moins mais aussi ceux des tiers de la critique est la fois tr s originale et tr s novatrice Rarement on a vu une juridiction p nale confront e une uvre abdiquer son autorit sur le jugement de go t 3 me pr cepte Pour juger une uvre il faut juger sa nature Concernant la nature du texte jugeant l indication roman sur la couverture insuffisante les juges de la 17 Chambre correctionnelle se livrent une double analyse celle de l uvre et celle de sa r ception pour v rifier sa nature romanesque Le Tribunal s autorise ensuite de ce qu il consid re tre un consensus de la part de l auteur de l diteur et de la critique pour affirmer que POGROM est bien une uvre litt raire d finie par son projet son contenu et son style qui entre dans la cat gorie d
5. n fice du droit d auteur aux cr ations industrielles Le parti relativiste a gagn d une part avec la loi du 11 mars 1957 qui s est h t e d tendre toutes les cr ations cette interdiction de juger du m rite de l uvre y ajoutant l interdiction de prendre en compte le genre et la forme d expression dans son article 2 devenu l article L 112 1 du CPI puis en Europe avec la France comme chef de file puisque l article 17 de la directive CE n 98 71 reprend le principe de l unit de l art avec cumul des protections Quels sont les crit res de l uvre Apr s avoir fait entrer l objet industriel en son sein va t on en exclure les uvres jug es comme n en tant pas par certains juristes C est clairement la solution pr conis e par l un d eux Certes il est possible d objecter que en refusant de qualifier ces comportements de cr ations le droit d auteur ignore ces nouvelles uvres qui sont consid r es comme telles par le milieu artistique et sont l objet de transactions commerciales Cette fracture entre le droit d auteur et le monde de l art est incontestable mais elle n est pas ill gitime En effet la notion d uvre est d ordre public II n appartient pas aux artistes d auto qualifier certains objets d uvres de l esprit si les crit res indispensables cette cons cration ne sont pas r unis L argument ne tient pas La d finition de l uvre n est pas d ordre public
6. raire ne faudrait il pas juger la valeur de l uvre ce dont le Tribunal imitant en cela les pr ceptes donn s au juge par la loi sur le droit d auteur article L112 1 du CPI s interdit fort bon escient De plus dire qu elle n est pas exclusivement pornographique c est ajouter la loi une condition qui n y est pas comme l a d j fait le Tribunal correctionnel de CARPENTRAS dans l affaire concernant Plateforme de Michel HOUELLEBECQ ou dans l affaire concernant ll entrerait dans la l gende de SKORECKI Rappelons que dans cette derni re esp ce la Cour d appel de N MES relaxant l diteur condamna les parties civiles pour avoir saisi le Tribunal correctionnel alors que le Ministre de l Int rieur qu elles avaient saisi galement n avait pas prononc d interdiction sur le fondement de l article 14 de la loi du 6 juillet 1949 sur la protection de la jeunesse ce qu elles ne pouvaient ignorer On peut encore rapprocher cette motivation de la nature non exclusivement pornographique de celle du jugement FLAUBERT qui lui vaudra la relaxe Il n appara t pas que son livre ait t comme certaines uvres crit dans le but unique de donner satisfaction aux passions sensuelles l esprit de licence et de d bauche ou de ridiculiser des choses qui doivent tre entour es du respect de tous On voit la difficult qu ont nos juridictions aujourd hui appliquer de fa on orthodoxe un article de l
7. re et les d bris de peinture se trouve le Paradis L uvre PARADIS est indissociable de son lieu au dessus de la porte des toilettes des deux dortoirs pour alcooliques dans un h pital psychiatrique Ces deux dortoirs taient vastes et comportaient seulement deux toilettes pour un nombre de lits important Les alcooliques servaient l h pital de VILLE EVRARD de main d uvre non r mun r e La transformation par cette r alisation formelle du lieu r el contingent marqu par la souffrance en repr sentation d un lieu symbolique religieux et fictionnel lieu de repos ternel qui n existe que pour ceux qui croient est produit par la forme de l uvre Le sens est on l a vu indissociable de la forme contrairement ce que soutenait Bettina RHEIMS devant la Cour C est bien ce qu a retenu la Cour d appel de PARIS en d cidant que l uvre s inscrit dans l approche conceptuelle de l artiste argument stylistique et intention de l auteur et que l uvre PARADIS constitue la mat rialisation de cette conception crit re juridique de la forme Que cette forme est originale d s lors qu elle exprime des choix tant dans la typographie des lettres retenues que dans leur ex cution manuelle la peinture d or patin e et estomp e que sur le choix du lieu de leur inscription partie int grante de l uvre mais aussi de la porte dont la serrure est en forme de croix et de l tat des murs et des sols
8. s lors n est plus un privil ge mais une vertu ontologique de l uvre L impunit lui est consubstantielle Sinon il n y a plus uvre mais communication argumentation logique toute forme d adresse de discours qui se risque une interpr tation dominante laquelle l uvre r siste Pour combien de temps encore ANNEXES I Extraits du CPI Titre 1er Objet du droit d auteur Chapitre ler Nature du droit d auteur Article L111 1 L auteur d une oeuvre de l esprit jouit sur cette oeuvre du seul fait de sa cr ation d un droit de propri t incorporelle exclusif et opposable tous Article L111 2 L oeuvre est r put e cr e ind pendamment de toute divulgation publique du seul fait de la r alisation m me inachev e de la conception de l auteur Titre 1er Objet du droit d auteur Chapitre Il uvres prot g es Article L112 1 Les dispositions du pr sent code prot gent les droits des auteurs sur toutes les uvres de l esprit quels qu en soient le genre la forme d expression le m rite ou la destination Il Loi du 29 juillet 1881 Article 1 L imprimerie et la librairie sont libres Article 24 8 me alin a Seront punis de cinq ans d emprisonnement et de 45 000 euros d amende ceux qui par l un des moyens nonc s l article pr c dent auront directement provoqu dans le cas o cette provocation n aurait pas t suivie d effet commettre l
9. tation qui est contestable ou en tous cas discutable a autorit le film est d finitivement interdit aux mineurs et ne pourra donc pass que sur des chaines crypt es contrairement ce qu avait pr vu une grande chaine de t l vision Les juges n ont ici tenu aucun compte de la presse qui avait unanimement lou le film comme Les Inrockuptibles ou Le Monde Ils n ont tenu aucun compte de leurs crit res habituels qui sont par ailleurs que la pornographie est constitu e quand les sc nes de sexe sont non simul es il n y en a pas ici et que la violence doit tre tr s grande ici le ministre l avait juste jug grande comme d ailleurs le Conseil d Etat La pornographie litt raire Quand nous sommes face la litt rature la pornographie qu est ce que c est L acte est toujours simul il n y a pas d acteurs Parfois le crit re de la r ception joue devant le tribunal et il y a interaction entre la presse et les juges Voici comment Saisie par le pr sident de l association Promouvoir d une plainte contre le roman de Michel HOUELLEBECQ Plateforme le TGI de CARPRENTRAS prend le parti d exclure l uvre litt raire et le roman du champ d application de l article 227 24 en les distinguant de l crit sp cifiquement pornographique La d marche est louable car cela voudrait dire que l uvre n est pas un message et elle tente de copier les classifications du cin ma M
10. Gris Les tribunaux n auront aucune sanction et le jugement sera valable M me quand la Cour de cassation s est prononc e les juridictions du fond restent libres de ne pas adopter la solution retenue par la Cour supr me Au plaideur alors de faire avancer sa cause jusque devant elle pour obtenir satisfaction La jurisprudence est donc relativement non contraignante relativement parce que des tendances se d gagent n anmoins qui permettent aux juristes de conna tre l tat du droit et aux justiciables de ne pas tre dans une trop grande ins curit juridique Pour distinguer le jugement de droit d un jugement critique il faut tenir compte de la port des jugements Le jugement de droit dit le droit applicable telle situation donn e de fa on p remptoire Il s applique d autorit aux parties Le jugement critique propose une analyse d uvre Il est une interpr tation plus ou moins autoritaire de l uvre mais n a pas d autre influence que sur le lecteur ou le spectateur Il n influe pas sur les relations juridiques entre les parties auteur public ni entre les parties et les uvres il emporte une force de suggestion pour la rencontre entre le public et l uvre ou la non rencontre mais celle ci reste libre Alors que le jugement de droit d termine la situation juridique qui va de la d termination de l existence d une uvre celles des personnes qui ont un lien l gitime avec elle paternit
11. amende de 12 000 euros L injure commise de la m me mani re envers les particuliers lorsqu elle n aura pas t pr c d e de provocations sera punie d une amende de 12 000 euros 33 Sera punie de six mois d emprisonnement et de 22 500 euros d amende l injure commise dans les conditions pr vues l alin a pr c dent envers une personne ou un groupe de personnes raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance une ethnie une nation une race ou une religion d termin e Sera punie des peines pr vues l alin a pr c dent l injure commise dans les m mes conditions envers une personne ou un groupe de personnes raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap En cas de condamnation pour l un des faits pr vus par les deux alin as pr c dents le tribunal pourra en outre ordonner 1 L affichage ou la diffusion de la d cision prononc e dans les conditions pr vues par l article 131 35 du code p nal lll Article 227 24 code p nal Le fait soit de fabriquer de transporter de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu en soit le support un message caract re violent ou pornographique ou de nature porter gravement atteinte la dignit humaine soit de faire commerce d un tel message est puni de trois ans d emprisonnement et de 75000 euros d amende lorsque ce message est susceptible d tre vu ou per u par un mineur Lorsq
12. ce qui signifierait qu elle serait indiscutable puisque le l gislateur a pris soin d en dire le moins possible sur ce qu est une uvre pour viter pr cis ment ce type de blocages C est la jurisprudence qui fixe au cas par cas les limites de l uvre D autre part le raisonnement confond le ready made et l art conceptuel ce qui est tout de m me ennuyeux sur le plan scientifique 3 C Bougeard in Les dessins et mod les en question le droit et la pratique sous la direction de A Fran on et M A Perot Morel Litec 1986 pp 27 ets 4 Pouillet n 80bis voir aussi Roubier Trait T2 p 381 Christophe CARON Droit d auteur et droits voisins Litec 2006 p 50 et 51 Enfin d cider qu une uvre d art reconnue dans le champ de l art n est pas uvre pour le droit d auteur lequel prot ge par ailleurs les logiciels et les tire bouchons les boulons et les petite culottes bien qu il existe aussi pour la plupart de ces objets un droit de propri t industrielle fait pour eux proc de d une censure esth tique et morale Les juristes sauraient ce qu est une uvre et comme le personnage r fractaire de Art font r f rence au bon sens commun exact inverse du sensus communis kantien lequel requiert un change d arguments et pas un jugement p remptoire Quoiqu il se passe dans le champ de l art le droit d auteur n aurait pas tre contamin par les artistes subversifs Mais le droit d auteur est d
13. ment Entre le droit d auteur qui d termine l ensemble des droits moraux et p cuniaires des auteurs sur les uvres et les lois habituellement appel es de censure aucun pont n a t pr vu par le l gislateur Il n y a donc pas en France d exception artistique l gale qui permettrait une uvre au motif qu elle est une uvre juridiquement de passer au travers des mailles du filet de la censure Bien au contraire l ensemble de la loi de 1881 sur la presse est g n ralement consid r e comme devant s appliquer tout types de discours que celui ci soit argumentatif discours politique scientifique journalistique ou artistique La loi sur la presse permet de punir notamment l incitation commettre des d lits l incitation la haine raciale l injure ou la diffamation de personnes ou de groupes de personnes raison de leurs origines leurs convictions leurs orientations sexuelles leurs religions Ici le juge devra qualifier les propos qui sont reproch s afin de d terminer s ils constituent le d lit Sa marge d interpr tation est en l esp ce tout fait consid rable il suffit pour s en convaincre d examiner la jurisprudence qui est l ensemble des d cisions rendues pour comprendre que la part de subjectivit du jugement de droit est ici importante Exemple non encore jug puisqu une enqu te du parquet est en cours le spectacle de Dieudonn doit il est tre interdit ou puni raison de
14. propos incrimin s Premier principe la libert de cr ation est plus large que la libert d expression Le Tribunal pr cise d embl e le cadre de sa propre libert d interpr tation des d lits poursuivis en d finissant la libert du cr ateur S inscrivant dans le sillage de l article 10 de la Convention europ enne de sauvegarde des droits de l homme et des libert s fondamentales et dans celui de l article 11 de la d claration de 1789 il affirme que la libert de cr ation est plus large que la libert d expression La cr ation artistique n cessite une libert accrue de l auteur qui peut s exprimer tant sur les th mes consensuels que sur des sujets qui heurtent choquent ou inqui tent A notre connaissance c est la premi re fois que la n cessit de la cr ation est ainsi clairement affirm e comme une libert qui conf re celui qui parle dans l uvre non pas une impunit pour un d lit qui serait commis si le m me discours n tait pas artistique mais une sorte d autonomie p nale g n ralement affirm e ainsi par la cCour europ enne pour le discours politique ou journalistique La libert tant accrue pour le cr ateur le Tribunal va devoir expliquer en quoi les propos qui s ils tait tenus dans la r alit seraient passibles de la loi p nale ne sont pas en l esp ce r pr hensibles 19 Le Monde 14 mars 2005 23 Le Tribunal commence par pr ciser qu
15. que face une nouvelle forme d art les juges int gre la question de la r ception de fa on tr s compl te et la limite de la pol mique comme pour signifier que la discussion sur le m rite doit rester hors champ du tribunal mais qu elle est bien arriv e jusqu aux magistrats qui ont d ailleurs videmment leur propre id e sur la chose En effet on notera que l arr t parle non d uvre mais d am nagement dans son dispositif on retrouvera la m me terminologie dans l affaire BUREN propos de la Place des Terreaux LYON dans laquelle les trois degr s de juridictions refusent cette fois de prot ger l uvre de BUREN dans l espace public Mais surtout la d cision indique de fa on liminaire et comme son corps d fendant force est de constater que l empaquetage du pont est apparu tout un chacun m me si des critiques ont pu tre faites l id e m me comme une uvre de l esprit que sans nier pour autant le caract re en partie publicitaire de l uvre il ne pouvait tre contest que l emballage d un pont lui m me choisi par sa grande anciennet et par sa notori t ne constituait pas une op ration courante Il y a bien ici un jugement de valeur n gatif l uvre de CHRISTO serait nous employons le conditionnel mais pas la cour publicitaire plut t que publique ce qui semble signifier que CHRISTO ne serait pas un artiste mais quelqu un qui veut faire parler de lui ou p
16. qui participent caract riser l impression esth tique globale qui se d gage de l ensemble de cette repr sentation On retrouve ici le crit re de l ex cution manuelle qui posera probl me pour d autres uvres d art conceptuelles qui sont faites sur mode d emploi par des tiers le crit re de l id e choix du lieu indissociable de la forme croix de la porte pas faite par l artiste ce qui rassure sur le danger qu on vient d noncer Tous ces crit res de l uvre constituent des l ments d appr ciation qui rel vent de l analyse critique autant que juridique Comprendre comment une uvre fonctionne et la d crire sans pour autant porter un jugement de valeur sur elle Enfin les juges retiennent 6 28 juin 2006 Comm com electr 2006 comm 120 note Ch Caron 13 un crit re esth tique l impression esth tique globale qui se d gage de l ensemble qui n est pas condamn par la Cour de cassation comme relevant du m rite parce que l argument ne lui a pas t soumis et un nom d uvre fort peu commun dans la jurisprudence repr sentation pour d signer cette uvre nom assez malin car il la situe dans un champ g n ral La Cour d appel de PARIS avait d j eu l occasion de juger prot geable l installation d un artiste contemporain un empaquetage dans l espace public le Pont Neuf Ce qui nous parait particuli rement significatif dans cette affaire Christo est
17. trait comme un vulgaire support par les personnages Le r fractaire dessine une diagonale se recule pour la regarder ce qui fait rire la salle Ici Arthur DANTO d crit que contrairement au public fran ais qui est ravi le public am ricain de la pi ce jou e BROADWAY retient son souffle comme si sur sc ne quelqu un allait se faire gorger gt puis dessine un skieur ce qui fait hurler de rire et applaudir le public parisien Le tableau souill reste seul en sc ne et le personnage conciliant dit dans l pilogue qu il a pleur qu il ne cesse de pleurer Depuis ce soir l je ne supporte plus aucun discours rationnel Coup de th tre puisque nous y sommes le feutre est effac sur le tableau avec un petit chiffon par l acheteur et le r fractaire redevenus amis et complices par la gr ce du geste iconoclaste permis Ce dernier est enfin capable de donner une interpr tation de l uvre cela signifie t il que le passage l acte ouvre la sensibilit ou la compr hension et raconte une histoire de blanc qui justifie le tableau L ami devient donc amateur La pi ce obtient deux Moli res en 1995 du Meilleur Auteur et Meilleur spectacle du th tre priv r compense du succ s La morale de cette pi ce de sa r ception et de son couronnement pourrait 11 Arthur Danto d crit tr s bien comment le geste iconoclaste de ce personnage qui ach te un monochrome le fait passer da
18. Celui ci doit tre r par et si ce n est pas possible c est sa valeur marchande qui est due qu il soit ou non consid r comme une uvre Le vandalisme m diatique Comme pour tout d lit p nal la question de l intention est importante Dans le cas des vandales vampires et l on d signera ainsi les vandales qui invoquent une autre motivation que la simple haine de l objet d truit l intention est parasitaire s agit de s ajouter de s imposer une uvre expos e et d attirer l attention des m dias grand renfort d explications sur la l gitimit du geste Le baiser sur la toile de Cy TWOMBLY a t pr sent comme un geste d amour ou encore comme un acte artistique Non seulement par la responsable du geste mais aussi tr s largement par la presse Les deux motivations s opposaient l une l autre et se sont en bonne logique annul es Le geste d amour pr sent comme spontan tait disait on du c t de la d fense exclusif du d lit de d gradation volontaire Il n y avait pas eu de volont de d grader puisque la jeune femme n avait pas pr m dit son geste et qu elle avait t attir e par une force myst rieuse vers l uvre qui l avait appel e Son baiser ne pouvait donc selon elle tre qualifi de d gradation Quant au geste artistique il tait au contraire pr sent comme celui de la r ponse d une artiste un artiste dialogue sacr auquel le droit ne pouvait donner p
19. Dalloz 2006 Jur p 1827 Note A Tricoire le droit p nal au secours du Ready made n est pas Duchamp qui veut 10 1994 Actes Sud 16 l uvre plastique repr sent e dans cette fiction II nous semble que le sujet de la pi ce dans la mesure notamment o le vandalisme va tre pr sent comme une solution n est pas sans entretenir un rapport complexe avec la d gradation r elle celle l de l uvre de TWOMBLY et avec la r ception publique de cet acte r el Un homme ach te un monochrome L un de ses amis le traite de merde y voit un danger affirme qu il est grave d acheter un presque monochrome 20 briques et de se prendre pour un collectionneur Les clich s anti art contemporain font beaucoup rire le public des Champs Elys es Il n est pas ill gitime de se poser quelques questions sur la qualit de ce rire L ami r fractaire symptomatique de la posture du fran ais qui on ne la fait pas manifeste une intrusion h ro que il s engage veut convaincre l acheteur qu il se trompe et dans ce combat tous les moyens sont bons L acheteur encourage alors l ami r fractaire s exprimer sur la toile et lui tend un feutre en lui disant vas y Il accroche la toile pour lui faciliter la t che C est la premi re fois que le tableau est expos comme un tableau Il a t jusque l promen par terre sans statut comme un objet C est au moment o il est institutionnalis qu il est
20. abes encore que l auteur pr tende qu elle soit li e un pr c dent roman o ses personnages s en prenaient aux noirs et aux arabes est videmment l pour provoquer et peut l gitimement tre interpr t e comme instaurant une concurrence entre les victimes de racisme Il nous semble sans parler de responsabilit p nale que sur le plan thique politique ou esth tique l auteur engage plus directement sa responsabilit dans la publication de la d dicace que dans celle de l uvre D s lors peut on croire B NIER BURCKEL quand il affirme dans la presse qu il lutte contre les communautarismes Et quand il affirme dans le m me article qu il n est pas antis mite est il cr dible Je ne suis pas antis mite Pogrom n pargne rien ni personne Les femmes le couple le milieu litt raire parisien les communautarismes l cole l argent tout y passe Je ne suis pas le premier m int resser la figure du monstre Sade Lautr amont Dosto evski Houellebecq et Brett Easton Ellis Le Monde 20 f vrier 2005 Est il est plus franc quand il d clare un mois apr s Je l emmerde le bon go t moi Je ne veux pas me laisser dicter mes go ts Et tant pis si a indigne ceux qui ont la langue sal e de scrupules et autres niaiseries petites bourgeoises Je n ai pas honte de mes propres fascismes Ils sont l en moi ils expriment quelque chose de ma nature je ne les consid r
21. ais qu est ce qu un crit sp cifiquement pornographique Et comment admettre que a contrario l uvre litt raire pornographique ne soit plus une uvre Le tribunal qui avec la meilleure volont du monde explique que Plateforme est une uvre n est pas tr s convaincant car il tombe dans le pi ge de l arbitraire si le propos litigieux d velopp par l auteur d fendeur agr ment de sc nes sexuelles complaisamment d crites peut certainement appara tre incongru choquant ou r voltant l ouvrage en cause n en est pas pour autant d nu de toute valeur artistique ou litt raire ainsi d ailleurs l on estim nombre de critiques et de journalistes Le juge s rige ici en critique s appuyant sur des experts et lie la protection de l uvre son m rite ce qui dans l autre versant du droit des uvres le droit d auteur lui serait interdit Ce faisant il soumet la qualification juridique de l uvre son propre arbitraire sa subjectivit donc l al a Or cette valuation subjective est d pourvue de toute pertinence car une uvre est uvre juridiquement raison de l originalit de sa forme et inutile un mauvais roman a le droit d voquer la pornographie un mauvais film peut tre violent un mauvais tableau peut aborder le th me le plus indigne La r ussite de l uvre n est pas la question du juge mais du critique et le juge n a pas besoin de cette valuation Il lu
22. anmoins publiquement le statut d uvre sous la foi de la lecture du Monde est une attitude que l on retrouve h las souvent Dominique de VILLEPIN alors Ministre de l Int rieur jugea difficile une interdiction administrative qui le tribunal le cite serait en contradiction avec la pratique administrative et la jurisprudence du Conseil d tat et estima que l engagement d une telle proc dure susciterait une pol mique sur le retour l ordre moral et la censure les possibilit s de poursuites judiciaires pouvant tre plus ouvertes que la police administrative et renvoya donc le dossier au 18 Inrockuptibles mars 2005 22 Garde des Sceaux Cependant L action publique fut donc la demande expresse de Dominique PERBEN mise en uvre par le Parquet dans cette affaire Quels d lits L article 1 de la loi du 29 juillet 1881 rappelle le principe constitutionnel de la libert d expression L imprimerie et la librairie sont libres Une pens e qui serait unanimement r prouv e et qui ne serait pas punie par la loi serait donc tout fait libre Sont r prim s les d lits de provocation la haine antis mite article 24 8 e alin a de la loi de 1881 d injure antis mite article 33 alin a 3 de la m me loi et de fabrication et de diffusion messages pornographiques article 227 24 du code p nal L l ment mat riel des infractions la nature du livre et la port e des
23. ar FLAMMARION qui vient de signer avec Catherine MILLET et d dicac Aux Noirs et aux Arabes sort d but 2005 dans le flot de la seconde rentr e du livre et passe relativement inaper u malgr son ostensible racolage Michel FIELD le d fend voquant son criture son style sa rythmique qui voquent dans les meilleurs pages le tourment des corps de peintres comme Francis BACON ou MUNCH C est sur ce terrain qu il faut juger cette uvre Le pire danger serait d en faire une lecture sociologique de l indigner de propose politiquement incorrects sur le femmes les Juifs ou les Arabes Dans Livre Hebdo la critique est descriptive truff e de citation de POGROM laudative le livre est qualifi d incandescent et provocant et r f re C line et L on BLOY 12 TV Magazine 4 f vrier 2005 13 Alexandre Fillon 17 octobre 2004 n 582 19 Le Nouvel Observateur le d fend galement c linien en diable argument de filiation POGROM renouerait il avec le r alisme social Idem mais par genre B nier B rckel retrouve ici le proc d qui tait celui de Michel Butor dans la Modification Celui d une histoire crite la deuxi me personne du pluriel gt argument de filiation en encore L artiste v ritable nouveau Zarathoustra dont la langue fulmine en napalm et shrapnel serait en croire l auteur celui qui parviendrait dans
24. ble retournement Le premier est celui de l explication de l uvre de TWOMBLY pr sent e faussement comme un monochrome Or disons imm diatement que l uvre vandalis e est un triptyque Ph dre vocation du dialogue ponyme de PLATON sur l amour dont seule la partie centrale est monochrome en r alit un ready made monochrome savoir une toile industriellement appr t e les deux autres parties tant des repr sentations abstraites l une en peinture rouge sur fond blanc l autre en blanc et mine de plomb sur papier beige Les trois parties de l uvre dialoguent entre elles sur le th me de l amour avec les moyens de la peinture et de la composition et l illustration rh torique laisse le spectateur libre d interpr ter chacun des l ments qui ne peut tre isol des deux autres Il est donc faux de pr senter l uvre vandalis e comme un monochrome Faux mais n cessaire la d monstration D s lors que l uvre tait pr sent e comme monochrome elle devenait pour la presse une uvre provocatrice insuffisante incompl te et il devenait facile de stigmatiser le caract re n cessairement m prisant ou moqueur de son auteur de son propri taire de ce monde de l art contemporain qui se moque du monde Face cette posture la douceur de la r ponse de la vandale deuxi me retournement apparaissait d s lors comme la juste compl tude toute 18 f minine le rappel
25. blement f tide L ennui est que le roman tranche faisand e de litt rature trash portait trop bien son titre Pogrom En m me temps qu un certain savoir faire langagier le texte rec lait plusieurs pages rappelant pires d jections collaborationnistes des ann es 1940 C est le personnage qui parle dira t on Mais l auteur jette le masque par la d dicace plac e en exergue du texte Aux Noirs et aux Arabes mani re limpide et dieudonnante de dire que les juifs qu il insulte dans le roman sont des fausses victimes qui font privil ge de la Shoah pour dominer la soci t fran aise Certes le style justifie bien des choses et la litt rature a presque tous les droits Mais pas celui de se mettre au service de la haine raciste Bref il manquait notre petit article une pr cision essentielle celle qui consiste appeler un chat un chat et Pogrom un livre antis mite Sylvain BOUMEAU d nonce l affaiblissement de la vigilance des institutions ditoriales et critiques Certains rappellent que fiction il y a L argumentation de Comment et Rolin est on ne peut plus probl matique On retrouve une nouvelle fois l identification des id es de l auteur celles de ses personnages Le m me type d arguments il y a quelques temps a eu pour cons quence la convocation dans un commissariat de deux romanciers Nicolas Jones Gorlin l auteur de Rose Bonbon Gallimard et Louis Skorecki celui d Il entrerait da
26. d originalit puis que l id e de l uvre tait 11 seule originale et non prot geable en ce qu elle tait une id e laquelle de surcroit n aurait pas t copi e par Bettina RHEIMS puisque celle ci avait mis deux femmes nues l une jeune l autre vieille devant la porte du Paradis Autrement dit la d formation de l uvre par alt ration de son sens tait permise non seulement parce que PARADIS n tait qu une id e non prot geable celle de transformer un lieu r el les toilettes de l ancien dortoir des alcooliques en lieu symbolique le Paradis mais parce que cette id e avait t modifi e par le travestissement m me de l uvre Paradis n ayant pas le m me sens mais tant ici le support d une rh torique religieuse et machiste la femme coupable et exclue du Paradis il n y avait pas de mal Or Jakob GAUTEL ne revendiquait pas une id e mais une uvre Il ne revendiquait ni la propri t du mot PARADIS ni le proc d d inscription en lettres d or ni la typographie en lettres dites b ton ni sur l id e d inscrire des mots sur les murs Si sa d marche d artiste consiste dans l id e g n rale d apposer des mots sur des lieux pour en changer le sens en l esp ce Jakob GAUTEL revendiquait l incarnation de cette id e dans l uvre PARADIS d finitivement appos e au dessus de la porte des toilettes du dortoir des alcooliques de l h pital psychiatrique de VILLE EVRARD
27. de l uvre voir la d termination de celles qui ont un lien ill gitime l uvre copie d une uvre poursuites du contrefacteur Par ailleurs le jugement critique est essentiellement pluriel et il n est pas autoris alors que le jugement de droit est unique Si le juge est saisi pour dire qu une uvre est prot geable il rendra un jugement opposable tous ce que les juristes d finissent par l autorit de la chose jug e Ce qui signifie que pour cette uvre l aucune autre solution ne pourra tre rendue d s lors que les voies de recours auront t puis es ou non exerc es Le jugement est dit alors d finitif On voit donc que pour les uvres le jugement de droit est d terminant alors que le jugement de go t est r fl chissant pour reprendre la terminologie kantienne c est dire qu il n est qu une pr tention recueillir l assentiment de tous Il y a donc deux occurrences o le droit a une influence d terminante sur l uvre c est quand il dit qu elle est une uvre pour le droit et d autre part quand il dit si l uvre est l gale Dans le premier cas il va au moyen des r gles du droit d auteur dire si l uvre est prot geable alors que dans la deuxi me occurrence il dira si elle doit tre interdite raison de l illic it de son contenu Il se trouve qu il peut y avoir une corr lation entre la premi re question et la deuxi me La loi ne le pr voit pas express
28. discussion valuative possible pour le juriste autre que celles permises par le droit A Ce jugement a t r form par la Cour d appel de N MES puis par la Cour de cassation Il est donc symptomatique d un pi ge dans lequel les juges peuvent tre entrain s par des extr mistes mais rien de plus Parfois la justice r siste la presse et prot ge l uvre que la presse voue aux g monies B Car les juges sont les gardiens des libert s fondamentales dont fait partie la libert d expression et de cr ation Ce ne sont pas les m mes D monstration C A Le droit d auteur et les crit res de l uvre juridiques ou critiques La d finition de l uvre par la loi L uvre de l esprit est prot g e du seul fait de la r alisation m me inachev e de la conception de l auteur et quels qu en soient le genre la forme d expression le m rite ou la destination Premier principe le juriste ne doit pas du m rite de l uvre Cette interdiction de juger du m rite de l uvre remonte 1902 Pourquoi Quelque temps avant s tait engag e une grande pol mique jurisprudentielle sur les crit res de l uvre Depuis la cr ation du droit d auteur par les deux lois de 1791 et 1973 les juges sont saisis de demande de la part d industriels ou d artisans Si les loi r volutionnaires font r f rence aux Beaux Arts et la litt rature elles parlent aussi d crits en tous genre mais pas de formes en tou
29. e pour tre accrue la libert de cr er n est pas pour autant absolue comme l indique la d claration de 1789 Celui qui abuse de sa libert doit en rendre compte Deuxi me principe l apologie n est pas la repr sentation Le Tribunal affirme clairement le droit de repr senter ces d lits dans une uvre m me si l crivain apr s les avoir repr sent s ne les d nonce pas ostensiblement Le Tribunal affirme ici le droit l immoralit dans l uvre ou de l uvre apportant un d menti clair et longtemps attendu la d cision FLAUBERT du 7 f vrier 185722 C est bien l absence de d nonciation ostensible qui entra na une condamnation morale mais non judiciaire car FLAUBERT est relax de Madame BOVARY Tout en affirmant que le projet litt raire de FLAUBERT de montrer le tableau de la d gradation d une femme tomb e dans le vice tait une donn e morale sans doute dans son principe suivant en cela l hypocrite mais efficace d fense de l avocat de l crivain le Tribunal expliquait que ce tableau aurait d tre compl t dans ses d veloppements par une certaine s v rit de langage et par une r serve contenue en ce qui touche particuli rement l exposition des tableaux et des situations que le plan de l auteur entendre ici le projet litt raire lui faisait placer sous les yeux du public Non content d avoir pos ainsi les bases formelles de la d sapprobation m
30. e pas comme contre nature ils font partie int grante de ma psych Face un propos d une telle ambigu t chacun est libre de conclure que le livre est antis mite et que l auteur l est aussi et que FLAMMARION ne s est pas couvert de gloire en publiant cet auteur ou bien qu il n en est rien ou bien encore que cette pr face ne rel ve de rien d autre que d une posture m diatiquement rentable Cette d dicace peut elle tre interpr t e comme faisant un chemin rebours du travail de distanciation dont le Tribunal marque raison l existence dans le roman puisque tous les signes de m diations sont l et bien l Personnages histoire distance travail formel Condamner l auteur sur ces seuls mots du point de vue de la loi p nale semble d licat tant il est difficile d imposer judiciairement un 22 Le Monde 20 f vrier 2005 23 Chronic Art mars 2005 29 sens ce qui reste un jeu d adresse Sur le d lit de message pornographique et violent La motivation du Tribunal utilise galement l argument de la fiction donc de la mise distance pour en d duire que ce d lit n est pas non plus constitu Le Tribunal indique que la sc ne poursuivie ce titre fait partie int grante de l uvre litt raire dont elle n est pas d tachable ce qui conf re aux descriptions en cause une nature autre qu exclusivement pornographique Or pour dire qu une sc ne pornographique ne serait pas litt
31. er dans les holocaustes et qui n aurait d oreille que pour un Auschwitz en symphonie dod caphonique Nietzsche reviens Ils sont devenus fous Ici le critique tente de se d douaner par une pirouette de ce projet qu il ne conteste pourtant aucunement sur le fond Une pol mique est d clench e Par qui Par un diteur crivain et par un crivain Bernard COMMENT et Olivier ROLIN tous deux attach s au Seuil qui vient de perdre Catherine MILLET apr s son succ s plan taire La vie sexuelle de Catherine M cet l ment tant relev dans la d cision comment e ce qui montre son importance contextuel pour le juge p nal Comment Par la publication d une tribune dans Le Monde figure d autorit dans le monde de la presse Pourquoi C est l argument de la confusion Pens e du personnage pens e de l auteur Dans Le Monde du 12 f vrier 2005 ils ouvrent le feu contre l auteur auquel ils attribuent le vomissement antis mite de l un de ses personnages D l gation vraiment Non L odieuse jouissance est celle de l auteur un jeune homme de 33 ans professeur de lyc e l auteur truffe son texte d assez de clins d il sa propre biographie pour qu on ne nous fasse pas le coup de la fiction qui s inscrit dans la parfaite filiation de l antis mitisme fran ais S il n en fallait qu une preuve ce serait ce monstrueux mot youtre qu on n entend probablement pas dans le
32. es phrases d colorent le sang au lieu d en lib rer l humeur ils l ass chent ils la d naturent ils lui creusent sa tombe p 173 On voit bien ce que l argument biographique a d intenable juridiquement tant il est constitu d ambigu t d un jeu que le lecteur peut d jouer tous moments en mettant distance dit le Tribunal le propos comme ne lui tant en r alit pas directement adress c est un livre qu il a entre les mains et c est un personnage qui monologue et comme relevant de la fiction et non pas du r el Il conduirait des aberrations Faudrait il faire des enqu tes pouss es sur les auteurs Suivons plut t le jeune Th ophile GAUTIER dans l blouissante pr face de Mademoiselle de MAUPIN II est aussi absurde de dire qu un homme est un ivrogne parce qu il d crit une orgie un d bauch parce qu il raconte une d bauche que de pr tendre qu un homme est vertueux parce qu il a fait un livre de morale tous les jours on voit le contraire 1 Le probl me de la d dicace 21 Folio Gallimard 1973 p 48 28 Un d tail a chapp la poursuite et donc la d cision la d dicace Le principe de la d dicace est de n tre pas dans la fiction elle est l expression directe de la pens e de l auteur en adresse aux lecteurs sans la m diation de la forme romanesque Or c tait probablement le probl me essentiel du livre puisque la formule Aux noirs et aux Ar
33. ettre du l gislateur de 1793 il y a l un retour une ex g se juridique orthodoxe e Le crit re ontologique la nature de l objet L uvre doit parler l esprit et pas seulement aux sens pour ressortir aux Beaux Arts e Le crit re de l intention de l auteur et du champ dans lequel il entend uvrer e Le crit re de la valeur esth tique qui est videmment le plus probl matique puisqu il fait encourir le risque de la subjectivit et de l arbitraire du juge L unit de l art ou le triomphe du relativisme juridique La loi de 1902 tend la protection de la loi de 1793 aux architectes et aux statuaires et pr cise que le m me droit appartient aux sculpteurs et dessinateurs d ornements pour ces derniers quels que soient le m rite et la destination de l uvre Cette loi est l uvre de POUILLET th oricien relativiste de la propri t intellectuelle quoi sert le vote de la loi du 14 juillet 1909 sur les dessins et mod les si le droit d auteur doit syst matiquement jouer le r le de voiture balai Elle avait le sens de devenir la loi des cr ations industrielles et la jurisprudence aurait pu refaire le travail de s paration commenc dans les ann es 1870 si elle n avait sous la pression des industriels et avec l aide des juristes sp cialistes pour qui l assimilation des uvres appliqu es l industrie et les autres devait tre absolue express ment interdit au juge de refuser le b
34. forme de l uvre C est la raison pour laquelle on retrouve chez les juristes contemporains des passages si anachroniques sur l ex cution personnelle par exemple et sa pr tendue n cessit pour caract riser la forme En droit d auteur il n y a pas de place pour des arguments critiques Et pourtant je vais vous raconter une histoire Affaire Paradis Du ler mai au 30 juin 1990 l h pital psychiatrique de VILLE EVRARD organisa une exposition intitul e Pour un espace de recherches et de productions Les uvres command es aux artistes furent r alis es in situ pendant un mois Chacun travailla dans un espace ouvert aux diff rentes populations de l institution patients et soignants Jakob GAUTEL jeune artiste invit r alisa une uvre constitu e de lettres en lettres d or avec un effet d usure peintes la main composant le mot PARADIS au dessus de la porte des toilettes de l ancien dortoir des alcooliques Durant le mois de juin 1990 l espace f t ouvert exceptionnellement au public PARADIS a ensuite t reproduite sans son consentement dans l uvre de Bettina RHEIMS intitul e LA NOUVELLE EVE vendue par la galerie J r me de NOIRMONT Bettina RHEIMS argua jusque devant la Cour de cassation avec le soutien de certains juristes r solument contre la protection par le droit d auteur de l art conceptuel que l uvre PARADIS n tait par une uvre mais une id e non formalis e exempte
35. i suffit de dire que l objet qu il a juger est une uvre ce qu il sait faire en droit d auteur et de postuler ensuite que dans l uvre la violence l indignit ou la pornographie peuvent tre repr sent s car l uvre ne les pr sente pas de fa on litt rale d une part et que d autre part il en va de la libert de cr ation interdire de tels contenus l uvre serait une violation manifeste de l article 10 de la CEDH Un an apr s le m me tribunal condamne l diteur L o SHEER une peine d amende de 7 500 euros pour avoir publi Il entrerait dans la l gende de Louis SKORECKI en niant par une analyse litt rale et pr tendument objective du contenu purement et simplement la forme et son troite intrication avec le fond Le tribunal affirme que peu importent les intentions de l auteur quant au genre litt raire recherch Ce qui revient nier d embl e que ce roman est une uvre puisque l uvre n est uvre que si elle est forme Les juges se donnent ici le pouvoir par cette disqualification pr alable de lire le contenu dans un sens univoque litt ral et pr tendument objectif alors que c est pr cis ment parce qu elle est polys mique que l uvre est uvre Le TGI de CARPENTRAS affirme que le roman est le monologue d un tueur en s rie principalement de femmes et surtout de fillettes Il n est qu une succession ininterrompue de sc nes d crites avec une extr me crudit de me
36. icle 11 de la d claration de 1789 puise ce creuset commun Dans cet espace th oriquement collectif tout appartient tous et aucun monopole ne peut tre accord un individu au nom de cet int r t collectif qui prend depuis la fin du XVII me si cle le nom de progr s Pour le juriste la distinction entre id e et forme fonctionne comme crit re positif La forme est n cessaire pour d finir l uvre et donner prise au monopole Pour justifier l existence de cette distinction dont le processus 10 op ratoire est d un ind niable avantage la plupart des juristes font r f rence des grands auteurs non juristes qui l auraient exprim e ou justifi e Or les r f rences utilis es sont syst matiquement puis es et en cela nul hasard au XVII me si cle grand si cle du classicisme Les juristes ne mentionnent jamais ceux des philosophes ou des crivains qui ont contest cette distinction classique entre la conception noble et intellectuelle et l ex cution t cheronne ou qui ont affirm une position beaucoup plus nuanc e C est une premi re occultation La deuxi me op ration du droit est de renverser la perspective de la dichotomie classique laquelle quand elle distingue l id e de la forme impose la seconde de suivre la premi re de fa on d ailleurs passablement normative En droit puisque les id es appartiennent tous et constituent le lot commun le juriste va se cantonner la
37. ire qui vendrait des produits quoi sert ce jugement de valeur cette cat gorisation alors que le droit d auteur prot ge les slogans publicitaires quand ils sont originaux et depuis 1985 de fa on explicite l uvre de commande publicitaire Mais si l uvre est publicitaire elle n est pas courante au sens de pas banale Pour un peu on sentirait les juges bluff s par le geste qui ensuite est d crit dans toute son originalit Si ce d tour nous semble utile c est 7 Arr t du 13 novembre 2008 pourvoi n Z06 19 021 Legifrance 14 que cette d cision est honn te Honn te car le magistrat dit ou sugg re son go t le compare celui des autres prend le pouls de la r ception de l uvre dans sa description qui insiste sur ce que l uvre donne voir et dans sa sociologie la r f rence au go t de tout un chacun au go t commun partag B Les juges face un acte de vandalisme et les crit res de l uvre Le vandalisme comme acte r pr hensible Que le vandalisme ne soit pas tol rable fait juridiquement consensus d s lors qu il est r prim par la loi p nale et que celle ci est dict e pour prot ger la soci t contre les actes des Hommes Fin de l histoire pourrait on dire Est punie la d gradation du bien d autrui et s il est expos dans un mus e c est une circonstance aggravante du d lit sans que l on ait se poser la question de la nature de l objet
38. it tout livre estampill roman est une conception bien na ve par sottise ou par roublardise de la litt rature des m canismes qu elle engage du contrat de lecture qu elle tablit Tout cela revient dire simplement que la litt rature est une pens e Sans cette pens e et cette responsabilit la fiction risque de devenir le d potoir facile de certains d lires oblig s de quitter le registre du pamphlet pour court circuiter les effets de la loi Gayssot Faut il dire une fois de plus que par principe nous sommes contre l interdiction d un livre N anmoins et contrairement ce qu on entend dire les crivains n ont pas tous les droits pas plus que les humoristes ils n ont droit l ordure Les diteurs non plus ne sont pas l gitim s faire sous couvert de la fiction commerce de l immonde La saisine de la justice une d cision politique Le premier ministre Jean Pierre RAFFARIN apr s s est inqui t lors du d ner annuel du Conseil repr sentatif des institutions juives de France CRIF de certaines initiatives suppos es litt raires telles que celles qui r cemment tait pr sent e dans la presse comme un livre inqualifiable ce qui est le titre de la chronique de COMMENT et ROLLIN parue le m me jour dans Le Monde demanda au Ministre de l Int rieur d intervenir Les propos du Premier ministre dont on peut douter qu il ait lu le livre et lui d nie n
39. j contamin depuis longtemps par les objets industriels et par l industrie qui cherche profiter de sa protection en le d pe ant de tout ce qui pourrait prot ger l auteur Alors de quelle subversion parle t on Si elle n est pas juridique s agit il du retour de la vieille exigence que les uvres soient morales Le droit d auteur prot ge les uvres quelle que soit leur morale il n a pas a tre l outil du censeur la Cour de cassation l a dit propos d un film pornographique Veut on revenir par la querelle sur les uvres d art contemporain au jugement du procureur PINARD sur FLAUBERT et BAUDELAIRE avec des imp ratifs moraux et cat goriques Le droit d auteur est suffisamment lastique pour prot ger la Joconde et L H 0 0 Q Fountain et Le Pont d Argenteuil ainsi que les uvres d amateurs comme les romans pornographiques que le procureur PINARD crivait en cachette par exemple La d finition de l uvre par la jurisprudence l originalit de la forme La distinction retenue pas les juristes entre id e et forme permet de construire un crit re de l uvre prot geable qui permettrait de concilier les int r ts de la collectivit avec ceux de l auteur Il concilierait la pr servation de l espace de libert dans lequel chacun peut librement circuler puiser sans avoir rendre compte Le principe de la libert d expression consacr comme un droit de l homme dans l art
40. l n est pas crit la premi re personne du singulier ce qui renforcerait la tentation des parall les mais la troisi me personne du singulier et la deuxi me personne du pluriel qui exprime le point de vue du personnage dans une forme qui r f re la modification de Michel BUTOR c est dire une forme litt raire dans laquelle s exprime un monologue int rieur une pens e demi consciente une r alit mentale en train de s laborer Cette technique formelle cr e une suppos e complicit On notera par exemple ce qui pourrait tre une adresse au lecteur dans un sens qui pourrait tre interpr t comme une apologie raciste exemple vous devez bien avouer que vous r vez souvent de cracher la gueule des roumaines mal fagot es qui font la manche dans le m tro gt D autres arguments militeraient contre l identification de l auteur et du personnage car ce dernier est l objet de commentaires qui vont de la complaisance souvent la d pr ciation parfois L inqualifiable est rest coinc quelque part entre le stade cannibale et le stade sadique anal b tard de la norme en somme mais dans la norme malgr tout Celle des d viants souffrant d a rophagie mentale L inqualifiable le vice ind crottable p 167 ou bien L inqualifiable veut que chaque phrase soit le vitrail d un carnage Qu on voie le sang couler dans ses mots qu on le sente gicler dans ses phrases mais ses mots et s
41. mplique l existence d une distanciation qui peut tre irr ductible entre l auteur lui m me et les propos ou actions de ses personnages qu une telle distance appr ci e sous le prisme d formant de la fiction est susceptible d entra ner la disparition de l l ment mat riel des d lits Or le projet litt raire de l auteur tant celui selon ses propres d clarations de d crire et d explorer les formes du Mal le Tribunal affirme sans particuli rement en justifier d ailleurs qu il s est abstenu de toute dimension apolog tique dans la r alisation de ce projet Autrement dit les propos d un personnage fictionnel propos fluctuant selon l interpr tation qu on lui donne discours d imagination qui fonde ou est fond par un monde irr el des personnages fictionnels ne sont pas identiques au discours r el Pour les interroger sur leur sens il faut saisir d o l importance de lire l uvre dans son int gralit le discours de l uvre n cessairement sujet d bat critique appropriation et d formation Mais on s avance ici sur le terrain de ce que le Tribunal a r serv pour l l ment moral de l infraction on y reviendra donc ce stade le Tribunal affirme que le dispositif fictionnel est le garde fou de l apologie La mise distance avec son double la possible identification s inscrivent dans un jeu conscient et d lib r M me si je m identifie elle je sais que je ne
42. n 1993 NIMES une petite partie du monde de l art contemporain soutint le vandale expliquant que son geste tait artistique poursuivant l uvre du DUCHAMP lui donnant une r ponse On rappellera que l artiste de comportement avait urin puis bris d un coup de marteau l urinoir ou plus exactement sa reproduction ainsi rendu par lui sa destination d objet ce qui aurait d selon ces fans l exon rer de toute responsabilit Le vandale fut poursuivi au p nal puis au civil Et condamn sur ces deux fondements Le tribunal de TARASCON cherchant expliquer son jugement civil au monde de l art et s appuyant pour ce faire sur Nathalie HEINICH et Pierre LEPAPE traita DUCHAMP et le vandale de mystificateurs pi ge dans lequel le Tribunal de PARIS dans la seconde affaire se garda bien de tomber La seconde d gradation de FOUNTAIN cette fois expos e au Centre Georges Pompidou par le m me en 2006 sentait le r chauff Entre temps la question du vandalisme fut trait e dans la pi ce de Yasmina REZA Art Le jugement esth tique des trois personnages sur un monochrome va menacer leur amiti les diviser et susciter des r actions du public dont on va voir que de fait elles sont nettement en d faveur de 8 TGI Tarascon 20 novembre 1998 Dalloz 2000 Jur p 128 et Chron p 98 B Edelman et A Tricoire l preuve du droit retour sur l affaire Vacarme 2001 n 15 p 20 TGI du 24 janvier 2006
43. ne ou de leur appartenance ou de leur non appartenance une ethnie une nation une race ou une religion d termin e seront punis d un an d emprisonnement et de 45 000 euros d amende ou de l une de ces deux peines seulement Seront punis des peines pr vues l alin a pr c dent ceux qui par ces m mes moyens auront provoqu la haine ou la violence l gard d une personne ou d un groupe de personnes raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqu l gard des m mes personnes aux discriminations pr vues par les articles 225 2 et 432 7 du code p nal En cas de condamnation pour l un des faits pr vus par les deux alin as pr c dents le tribunal pourra en outre ordonner 1 Sauf lorsque la responsabilit de l auteur de l infraction est retenue sur le fondement de l article 42 et du premier alin a de l article 43 de la pr sente loi ou des trois premiers alin as de l article 93 3 de la loi n 82 652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle la privation des droits num r s aux 2 et 3 de l article 131 26 du code p nal pour une dur e de cinq ans au plus 2 L affichage ou la diffusion de la d cision prononc e dans les conditions pr vues par l article 131 35 du code p nal Article 33 alin a 3 L injure commise par les m mes moyens envers les corps ou les personnes d sign s par les articles 30 et 31 de la pr sente loi sera punie d une
44. ns la l gende L o Scheer pour qu ils s expliquent sur leurs m faits l diteur du second a de plus t condamn en premi re instance Combien de clins d oeil la biographie de l auteur font ils basculer un texte de la fiction la non fiction Dommage qu au del de la stigmatisation de Fr d ric Begbeider leur tribune ne marque pas de distinction entre pens e politique produite par une oeuvre et opinions de son auteur et se montre ambigu quant aux limites de la libert de cr ation 1 gt Nouvel Observateur 17 f vrier 2005 16 Inrockuptibles 23 f vrier 2005 17 Christophe Kantcheff Politis 24 f vrier 2005 21 Bernard COMMENT et Olivier ROLIN qui ne craignent pas apr s avoir ouvert la pol mique de la clore puisque leur deuxi me article s intitule Pogrom suite et fin 8 contestent l argument de la fiction de fa on virulente II s est trouv quelques demi habiles pour brandir le sacro saint droit de tout dire qu il faudrait par principe garantir la fiction Or disons le clairement la fiction n est pas un sanctuaire un espace magique o l immonde par la seule gr ce d tre devenue fictionnelle se muerait en or Elle est un protocole ou un pacte qui se cr e en et par chaque livre s en revendiquant et suppose un dispositif construit permettant le cas ch ant de mettre distance tel et tel personnage Accorder un statut d impunit ou d indiscutabil
45. ns une autre cat gorie sociale et constitue d s lors une menace pour l amiti bas e sur des valeurs communes in La madone du futur Seuil 2003 p 415 ets 17 se r sumer et l on assume ici la subjectivit de cette interpr tation d autant plus ais ment que nous ne croyons pas aux interpr tations objectives l assertion selon laquelle quand une uvre monochrome rires est vandalis e rires et applaudissements ce n est pas s rieux car a s efface silence un peu g n du public Retenons l argument puisqu il a t servi dans la vraie vie la COLLECTION LAMBERT responsable de la conservation de l uvre de TWOMBLY Or le rouge l vres r el n est pas un feutre lavable de th tre II a fallu des heures de patient travail d expert pour que la partie vandalis e de l uvre de Cy TWOMBLY retrouve sa virginit En d autres termes dans la vraie vie les gestes iconoclastes quand ils s imposent aux uvres ne sont jamais pour rire On comprend mieux pourquoi dans la r ception de l affaire du baiser et au del du cercle judiciaire qui a fait uvre de justice en condamnant la vandale il n y a pas eu de consensus autour de la r pr hension sociale de l acte de vandalisme Si le monde de l art dans sa majorit a fait part de sa r probation la presse a r serv un excellent accueil la vandale Mais pour parvenir rendre la vandale sympathique il lui fallut la presse proc der un dou
46. nulle association ne s est constitu e partie civile l occasion du pr sent litige La soci t civile n est pas partie au proc s Ces l ments sont tous post rieurs l uvre et ne peuvent donc constituer les l ments moraux des infractions vis es par la plainte D s lors on peut s interroger sur le fait que le Tribunal en conclut que dans ces conditions il n est nullement tabli qu en crivant et publiant une uvre de fiction litt raire les pr venus aient pu avoir conscience de commettre des d lits La conscience ne pouvant tre que contemporaine de l criture ou de la publication et non de la r ception de l uvre le rappel de ces l ments externes marque que la r ception de l uvre est influen able par des l ments externes l uvre Mais pour autant il semble que le Tribunal indique ici ce qui est rarissime dans la jurisprudence que si la r ception constitue l uvre sa diversit efface le crime ou tout au moins montre qu il ne peut y avoir aucune certitude sur la conscience de le commettre Loin d tre anodin l anachronisme apparent de cette motivation r v le une conception enfin contemporaine de l uvre C est le spectateur qui 31 fait l uvre disait DUCHAMP D s lors chacun s en fait sa propre id e ce qui rend difficile la t che du juge quand on lui demande de privil gier une interpr tation plut t qu un autre Le privil ge de la fiction d
47. oi qui confond tout ou que certains utilisent dans une confusion d lib r e On pourrait arguer que la litt rature ne repr sentant que des mots n est pas pornographique limitant ainsi la d finition de celle ci l image pour laquelle ce terme a t con u 24 5 avril 2002 je ne me souviens plus s il a t publi 25 27 mars 2003 L n 202 juin 2003 p 85 26 30 Il Sur l l ment moral des infractions L intention de commettre un d lit On trouve rarement dans une d cision autant d l ments de contextualisation qui permettent par leur r cit aux magistrats de l ordre judiciaire de prendre parti En l esp ce c est et de fa on assez curieuse pour caract riser l absence d intention de commettre un d lit que le Tribunal mentionne e L origine de la plainte e la tribune dans Le Monde de Bernard COMMENT et Olivier ROLIN e le r glement de compte entre le Seuil et Flammarion Le Tribunal marque par l qu il conna t le contexte conflictuel dont les enjeux ne sont pas ceux de la poursuite contre le livre mais un r glement de compte entre diteurs Puis le Tribunal rappelle la position des diles dont le moins que l on puisse en dire est qu elle est contradictoire Le conflit la divergence d opinion entre ministres permet au Tribunal de ne s appuyer sur aucune de ces minentes opinions subtil rappel du principe de la s paration des pouvoirs Enfin le Tribunal remarque que
48. orale que l auteur doit s imposer dans l uvre le Tribunal poursuivait son cours d esth tique conventionnelle l n est pas permis sous pr texte de peinture de caract re ou de couleur locale de reproduire dans leurs carts les faits dits et gestes des personnages qu un crivain s est donn mission de peindre qu un pareil syst me appliqu aux uvres de l esprit aussi bien qu aux productions des beaux arts conduirait un r alisme qui serait la n gation du beau et du bon et qui enfantant des uvres galement offensantes pour les regards et pour l esprit commettrait de continuels outrages la morale publique et aux bonnes m urs Au contraire dit le jugement du 16 novembre 2006 les auteurs ont la libert et non le droit de ne pas tre n cessairement consensuels et peuvent heurter choquer inqui ter joli triptyque qui remplace le d lit d outrage disparu et nous vient de la jurisprudence de la CEDH rendue en mati re de presse 20 Jugement du tribunal correctionnel de Paris 7 f vrier 1857 in Madame Bovary Le livre de Poche 1983 p 540 Gazette des tribunaux du 8 f vrier 1857 24 Application Comment v rifier si l apologie expresse et d lib r e est constitu e ler pr cepte Pour juger une uvre il faut la lire en entier Sans chercher imposer sa lecture avec l autorit de celui qui sait lire le Tribunal commence avec coh rence par la lecture du roman dans son int gralit
49. quand il s agit de critique non plus une situation r elle mais une repr sentation symbolique quels sont les crit res auxquels on peut avoir recours Le spectacle de Dieudonn porte t il gravement atteinte la dignit humaine La pornographie qu est ce que c est J ai beaucoup crit sur le sujet et je ne peux toujours pas en livrer une d finition s re Sur ces trois notions r unies le Conseil d tat a jug r cemment 1 C est pas de l art c est de la pornographie in Le sens de l ind cence Collection essais LA LETTRE VOLEE 2005 Le sexe et sa repr sentation artistique In La libert sexuelle Sous la direction de D BORRILLO et D LOCHAK PUF 2005 le film Quand l embryon part braconner comporte par la repr sentation d une rencontre banale entre un homme et une femme de nombreuses sc nes de torture et de sadisme d une grande violence physique et psychologique et pr sente une image des relations entre les sexes fond e sur la s questration l humiliation et l avilissement du personnage f minin dont la mise en sc ne est de nature heurter la sensibilit des mineurs qu ainsi le ministre de la culture et de la communication n a pas commis d erreur d appr ciation en interdisant la diffusion du film en cause aux mineurs de moins de 18 ans J ai vu le film et je n ai manifestement pas vu le m me film Or l arr t du Conseil d Etat m me s il propose une interpr
50. rise Mais s il tait artistique il tait volontaire annulant d s lors l argument pr c dent 15 La jeune femme qui a d grad l uvre de Cy TWOMBLY a t condamn e p nalement par le Tribunal correctionnel d AVIGNON une peine l g re un stage de citoyennet et civilement r parer le dommage subi par les parties et notamment les frais de restauration de l uvre selon le principe de droit civil que quiconque cause un dommage autrui en doit r paration Cependant il n est pas indiff rent de revenir sur les arguments qui dans l enceinte du proc s ou l ext rieur ont t utilis s Car ce qui interroge ici le juriste est que si le tribunal a suivi la voie classique du constat de la faute et de sa r paration il s est trouv que le baiser sur la toile n a pas t unanimement consid r comme un acte de vandalisme Le vandalisme comme acte consensuel Certaines uvres sont encore et toujours consid r es comme des provocations et ceux qui les exposent comme des agitateurs voire des montreurs d trons comme l crit Jean CLAIR dans Le Figaro du 11 septembre 2008 propos de l exposition de Jeff KOONS Versailles Une histoire moins r cente rel ve l encore de ce consensus justifiant presque l acte de vandalisme La premi re fois que FOUNTAIN multiple l original tant perdu appartenant l Etat la suite d une donation de la veuve de DUCHAMP fut bris e e
51. s banlieues mais qui a une longue histoire celle des ann es 1920 1930 et de la guerre Il se trouve toujours quelque jeune imb cile cynique pour crire de telles pages de tels livres On esp rait qu il ne se trouverait plus d diteur du moins ayant pignon sur rue pour les publier Ce n est pas le cas Comme si l esprit publicitaire triomphait de toute limite dans la promotion de simulacres de subversion qui touchent l intol rable Nous n avons jamais t favorables l interdiction des livres Mais nous avons toujours pens que la publication relevait d une responsabilit de l auteur mot qu on devrait pr f rer celui d crivain pour rappeler 14 Thomas R gnier 20 janvier 2005 20 l autorit qui s engage et de l diteur Il y a un directeur litt raire chez Flammarion qui de fait et par sa fonction cautionne ce livre Les critiques reviennent sur le livre de fa on cette fois partag e Retournement de situation Laurent JOFFRIN qualifie dans le m me Nouvel Observateur le livre d antis mite et se servant de la d dicace pour confirmer l argument de la pens e de l auteur Une fois n est pas coutume Cette semaine l Obs se siffle lui m me Il y a trois semaines nous publiions une critique du livre d Eric B nier B rckel Il s agissait d une critique litt raire classique trop classique qui valuait le style d un romancier en phase avec un certain air du temps passa
52. s genres En 1806 un statut sp cial est invent pour prot ger les dessins et mod les r clam par les soyeux lyonnais Mais rien n y fait le recours au droit d auteur est souvent privil gi y compris par ceux qui ne produisent par dans le domaine de l art Pour aller tr s vite dans ces p rip ties judiciaires apr s une p riode o les juges refusent de discriminer entre objets industriels et uvres d art et font b n ficier largement de la protection du droit d auteur deux d cisions dans les ann es 1880 de la Cour de PARIS puis de la Cour de cassation dans la m me affaire refusent de conf rer un caract re artistique un bronze il appartient aux juges de rechercher en l absence de d finition l gale si les objets doivent tre class s dans la cat gorie des uvres de l esprit et du g nie ou s ils ont au contraire un caract re purement industriel ou commercial les bronzes faisant l objet de la r clamation des appelants ne pr sentent en eux m me aucun caract re ou valeur artistiques partir de ces deux d cisions on note un net fl chissement de la jurisprudence dans le sens d une distinction entre art et industrie sur la base de crit res divers que l on pourrait identifier de la fa on suivante e Le crit re social o institutionnel la destination de la production Les juges tentent ici clairement d identifier le champ dont ressorti l objet en accord avec le v u et la l
53. son contenu antis mite Doit il tre consid r comme r visionniste La loi p nale permet par ailleurs de punir Le fait soit de fabriquer de transporter de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu en soit le support un message caract re violent ou pornographique ou de nature porter gravement atteinte la dignit humaine soit de faire commerce d un tel message est puni de trois ans d emprisonnement et de 75 000 euros d amende lorsque ce message est susceptible d tre vu ou per u par un mineur Article 227 24 Concernant le champ de cette article le mot message est actuellement compris par la majorit des juristes comme incluant les uvres On y reviendra Nous avons ici trois crit res la violence la pornographique tre de nature porter gravement atteinte la dignit humaine Ces crit res ont fait consensus entre la droite et l aile gauche du Parti socialiste lorsque la loi a t discut e l Assembl e nationale Ils sont le r sultat d un lobbying actif de Familles de France au moment de la r forme du code p nal c est dire d une association particuli rement conservatrice Is remplace l ancien d lit d outrage aux bonnes m urs que le l gislateur avait tout bonnement d cid de supprimer notamment cause de sa trop grande lasticit et de sa r f rence la morale entrainant trop d appr ciation subjective chez le juge Pour autant les nouveaux crit res
54. sont ils plus objectifs La violence n est pas d finie par la loi On mesure le degr de subjectivit qu implique une telle d finition tel point que ce crit re est tr s rarement utilis judiciairement En revanche il est int gr dans les syst mes de classifications des uvres pour les visas concernant les films et pour les heures de diffusion concernant les missions de t l vision Par exemple j ai le souvenir du temps o nous avions la t l vision d avoir vu avec une certaine sid ration une s rie venant des USA faisant l apologie de la peine de mort sur TF1 le samedi apr s midi Je n ai pas le souvenir que quiconque ait critiqu TF1 pour avoir diffus des messages violents pour autant Dans les divers rapports qui ont t crits il y a quelques ann es sur la violence la t l vision l accus principal s est trouv tre le cin ma Ni la spectacularisation de la violence dans l information ni la violence faite aux individus que l on encourageait alors r v ler leur vie intime aux t l spectateurs n a t incrimin e par les rapporteurs L atteinte la dignit humaine est un crit re encore moins utilis contre les uvres La dignit est la fois une belle chose et un pi ge Je sais ce que sont des conditions indignes de d tention Car il existe des crit res objectifs pour les d finir Conditions d hygi ne acc s aux droits conditions de s curit physique et mentale Mais
55. suis pas Madame BOVARY La loi de 1881 n a vocation s appliquer qu au discours journalistique ou politique qui provoquerait par la litt ralit d une pr sentation 26 favorable la haine de l autre Bien s r il ne faut pas exclure qu un jour un roman soit un pamphlet antis mite auquel cas comme l indique ici le Tribunal il conviendra de ne pas s arr ter l tiquette et de v rifier que le m canisme de mise distance est bien pr sent En l esp ce le Tribunal consid re que la haine du personnage antis mite d Eric B NIER BURCKEL est noy e dans un roman qui d veloppe autant la haine de soi que de l autre mais surtout que le lecteur a bien de quoi mettre distance ces propos La caract risation de la fiction appara t notre connaissance pour la premi re fois dans une d cision comme la marque de la distance entre la pens e de l auteur et les propos des personnages Analyse critique de cette position Cet argument aurait il pu devenir op ratoire juridiquement On doit noter en premier lieu que le projet de carnage de POGROM de ce personnage se limite l criture Il crit pour assassiner le corps il s inflige sans rel che la solution finale il n est plus qu Hiroshima en dedans Vous ne feriez pas de mal une mouche Trop pusillanime dans les violences vous ne vous l chez que sur le papier p 122 Du projet de son livre le personnage dit Ecrire c es
56. t gratter la cro te cong dier tous les optimismes mettre au jour la trame saignante qui irrigue le ciel et regarder la douleur en face p 46 Certaines diatribes sont des propos du narrateur ne pas confondre avec l auteur car elles sont d tach es du projet livresque du personnage Le Tribunal en rel ve d ailleurs une qu il pr te dans une erreur certainement involontaire l auteur alors que c est le narrateur qui parle en page 235 de Pogrom l auteur indique qu un livre doit exploser entre les doigts cracher des chardes dans l il des tabous prendre les conventions et la censure bras le corps et leur broyer les os sans quoi il est bon pour la poubelle et en page 246 qu crire c est se mettre hors la loi Les similitudes biographiques r elles entre la vie de l auteur et le personnage tous deux professeurs en lyc e tous deux crivains tous deux ayant une vision de la litt rature manifestement semblable ne sont gu re convaincantes si l on avance que le lecteur qui peut ignorer ces similitudes ou les conna tre peu importe construit en tout tat de cause son propre roman compl te les images ressent les propos avec sa propre imagination Mais il est difficile de nier que le roman joue d une certaine ambigu t comme une grande partie du roman contemporain ce qui ne renvoie 27 pas le travail d criture pour autant la non litt rature Ainsi i
57. u roman D s lors lui restait examiner les passages incrimin s dans leur port e Pour juger une uvre il faut juger la port e des propos et les m canismes de la fiction Des propos de personnages Sur l existence des m canismes de la fiction le Tribunal rel ve que le fait que les propos incrimin s sont plac s dans la bouche de personnages de ce roman et que les messages violents ou pornographiques poursuivis se rapportent des comportements qui 25 leur sont pr t s au cours d une sc ne de zoophilie et de sodomie expos e en termes particuli rement crus Ces propos ou ces faits ne sont donc pas r els mais fictionnels Et le refus de l argument biographique dans l uvre de fiction Le Tribunal pour qualifier ces propos refuse de proc der par comparaison avec des l ments biographiques de l auteur comme l avaient fait les pol mistes qui avaient contest le statut fictionnel du roman Ceux l avaient on l a vu en introduction contest la pr sence de m canismes fictionnels usant de parall les entre le personnage principal l inqualifiable nom qui r f re l indigne l innommable l inf me au politiquement incorrect et l auteur Par une affirmation de principe particuli rement importante puisqu elle r pond de fa on g n rale cette tentation comparatiste qu elle n a pas lieu d tre le Tribunal affirme que La notion m me d uvre de fiction i
58. ue les infractions pr vues au pr sent article sont soumises par la voie de la presse crite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne les dispositions particuli res des lois qui r gissent ces mati res sont applicables en ce qui concerne la d termination des personnes responsables 34
59. une des infractions suivantes 32 1 Les atteintes volontaires la vie les atteintes volontaires l int grit de la personne et les agressions sexuelles d finies par le livre II du code p nal 2 Les vols les extorsions et les destructions d gradations et d t riorations volontaires dangereuses pour les personnes d finis par le livre III du code p nal Ceux qui par les m mes moyens auront directement provoqu l un des crimes et d lits portant atteinte aux int r ts fondamentaux de la nation pr vus par le titre ler du livre IV du code p nal seront punis des m mes peines Seront punis de la m me peine ceux qui par l un des moyens nonc s en l article 23 auront fait l apologie des crimes vis s au premier alin a des crimes de guerre des crimes contre l humanit ou des crimes et d lits de collaboration avec l ennemi Seront punis des peines pr vues par l alin a ler ceux qui par les m mes moyens auront provoqu directement aux actes de terrorisme pr vus par le titre II du livre IV du code p nal ou qui en auront fait l apologie Tous cris ou chants s ditieux prof r s dans les lieux ou r unions publics seront punis de l amende pr vue pour les contraventions de la 5 classe Ceux qui par l un des moyens nonc s l article 23 auront provoqu la discrimination la haine ou la violence l gard d une personne ou d un groupe de personnes raison de leur origi
60. urtres sauvages avec recours d lib r la violence gratuite et de s vices sexuels en particulier sur de jeunes enfants On peut bien videmment lire ce livre ainsi mais cette lecture subjective en ce qu elle est litt rale pr tend analyser le fond sans la forme ce qui encore une fois est un parti pris de lecture une interpr tation un jugement de go t en outre irrecevable puisque l uvre ne saurait tre interpr t e partiellement au nom d une s paration impossible du fond et de la forme Un tel jugement ne devrait pouvoir pr tendre s imposer au 225 avril 2002 BONNET et autres FLAMMARION et HOUELLEBEC L gipresse n 192 juin 2002 p 76 d triment d autres analyses de l uvre et fonder un jugement de droit surtout si ce dernier aboutit une condamnation du livre En d autres termes un jugement de droit sur une uvre peut il affirmer qu elle dit une chose et que cette chose est la r alit c est dire l unique lecture qu on peut faire de l uvre et interdire chaque lecteur de faire sa propre lecture Une telle d marche peut elle tre approuv e par le juriste soucieux de concilier la n cessaire objectivit du droit avec la consubstantielle subjectivit de l uvre Ne doit on pas se garder dans l application de la loi de l arbitraire du jugement valuatif Il nous semble que le sujet de l uvre a fait perdre de vue aux juges qu il s agissait d une uvre sans

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