LE TRAUMATISME DU CANCER - Cancer et Psychologie asbl
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1. PENSER L IMMORTALITE PERDUE Fran oise DAUNE Psychoth rapeute Cet article para t aussi dans le Bulletin du Coll ge Royal des M decins de l Agglom ration Bruxelloise INTRODUCTION L annonce d un cancer et de ses traitements est un v nement exceptionnel dans la vie de tout individu Cette annonce provoque une brutale d stabilisation remettant en question les valeurs de la vie une perte des rep res tant corporels que psychiques une perte de sens Le mode de d couverte et l annonce du cancer la chirurgie les traitements adjuvants et l apr s traitement sont autant de moments venant modifier un quilibre physique et psychique parfois d j tr s fragile Avec le cancer l individu est touch dans son identit personnelle dans son rapport autrui mais aussi dans ses relations sociales et professionnelles Avec l annonce d un cancer c est le d but d une histoire m dicale mais aussi d une histoire psychique de la maladie deux histoires au temps diff rent Une histoire m dicale dans l ici et le maintenant avec sa r alit palpable visuelle objectivable de par la pr sence du cancer et des effets secondaires des traitements d une histoire psychique envahie par un corps malade porteur de mort et o le pass fait irruption dans le pr sent avec son cort ge de conflits de deuils non r solus et o le futur semble sans avenir L annonce d un cancer est avant tout pour la personne2. il faut tout abandonner laisser la vie se poursuivre sans tre l Moment ultime o de nombreux clivages s observent tels que parler de la mort et faire des projets d avenir Le patient donnant au travers de ce discours paradoxal l impression que son Moi s est cliv en un Moi conscient de la mort proche et en un Moi inconscient refusant d admettre la fin in luctable Comme dit Andr GREEN La m connaissance de la mort dans l inconscient a lu domicile dans le Moi Mais comme le Moi est aussi conscient l instance garante de la rationalit qui se sait mortelle par sa relation la r alit ext rieure porte dans ses plis une doublure m galomaniaque pr te s enfler jusqu clipser l autre C est cette doublure m galomaniaque qu il nous est donn voir dans les jours pr c dant la mort Nous savons nous soignants que lorsqu elle clipse l autre la fin est proche Brusquement ces patients se r veillent apparaissent comme ressuscit s trouvant la vie belle parlant gaiement ayant des activit s tout azimut Pour eux le temps semble ne plus avoir de sens ou comme le signale Michel de M UZAN la conscience est affect e par la loi d intemporalit qui r gne dans l inconscient De plus avec cette exacerbation des investissements une perte de la distance dans la relation se produit Moment particulier de la relation th rapeutique o s observe un fonctionnement archa que tenda
3. acc s l immortalit Le Moi n est jamais plus immortel que lorsqu il soutient n avoir plus d organes plus de corps Moment particulier o s observe parfois le clivage corps psych C est un patient conscient mais qui semble ne plus avoir de corps Il n est pas rare que toute m dication anti douleur parfois extr mement importante puisse tre supprim e Le patient n a plus mal Il a d shabit son corps C est tout cela qui nous est donn voir chez ces malades donnant la sensation de vivre pleinement l aube de leur mort Finalit d un travail de tr pas o nous sommes les t moins d un temps qui semble tre remont jusqu au moment de la naissance d un renversement du d veloppement comme nous le montrent ces deux situations La premi re est celle de cette patiente de 42 ans que j avais suivie pendant 4 ans qui deux jours avant sa mort alors qu il existait d j une certaine confusion me demanda mon num ro de t l phone priv car c tait le seul qu elle n avait pas J en ai besoin au cas o Et quel ne f t pas mon tonnement de la voir me tendre une pomme pour que j y inscrive mon num ro Je lui dirai Vous voulez me manger Elle me r pondra Oui comme cela je l aurai toujours sur moi et je ne l oublierai pas Peu de temps apr s elle entrera dans le coma Au cours d une de mes visites sa m re qui tait pr s d elle me dit J ai reco
4. Cancer et Psychologie Association pour l Accompagnement de aay Kre sia des Personnes Atteintes d un Cancer de leurs Proches et des Soignants avenue de Tervuren 215 14 1150 BRUXELLES tel 02 735 16 97 fax 02 732 84 09 LE TRAUMATISME DU CANCER ou PENSER L IMMORTALITE PERDUE par Fran oise DAUNE psychoth rapeute Tir part du JOURNAL de CANCER ET PSYCHOLOGIE 23 n 23 2 trimestre 1997 avec le soutien de la Commission Communautaire Fran aise de la R gion de Bruxelles Capitale DE L ACCOMPAGNEMENT A LA THERAPIE Et si je t accompagnais pas pas Si prenant le risque d tre touch ou touch e de me laisser atteindre je me mettais l coute de ton angoisse sans la banaliser en acceptant que tu t y confrontes petit petit m me quand elle r veille la mienne Si je prends le parti de m appuyer sur ta partie positive discernant tes forces et tes qualit s de ta fragilit t aidant moins m priser ta peur Si je peux entendre sans m enfuir combien tu es dans le d sarroi et la tristesse combien l incompr hension de ce qui t arrive soul ve ta col re Si je peux sans te l imposer jamais ou aussi peu que possible et si tel est ton d sir te redire tes paroles souligner tes motions supposer tes sentiments leur pr ter une forme en te laissant le loisir de les approfondir pour leur offrir un sens et en nourrir ta vie Si tu peux te laisser m u
5. Er s 1994 n 5 DE M UZAN M Le Travail de Tr pas in De l Art la Mort Ed Tel Gallimard 1977 pp 117 130 DE M UZAN M Derni res Paroles Nouvelles Revue Psychanaly tique Printemps 1981 pp 117 130 SCHUR M La Mort dans la Vie de Freud Ed Tel Gallimard 1975 SEMPRUN J L Ecriture ou la Vie Ed Tel Gallimard 1994 WINNICOTT D W La Crainte de l Effondrement in Figure du Vide Nouvelle Revue de Psychan Ed Gallimard Printemps 1975 n 11 pp 35 44 40 Notre action vous int resse devenez membre de l Association cotisation annuelle 15 euros qui comprend l abonnement au Journal Vous d sirez tre plus efficace Les dons partir de 30 euros vous feront b n ficier de l exon ration fiscale n de compte de l ASBL 310 0596716 58 Notre action vous int resse devenez membre de l Association cotisation annuelle 15 euros qui comprend l abonnement au Journal Vous d sirez tre plus efficace Les dons partir de 30 euros vous feront b n ficier de l exon ration fiscale n de compte de l ASBL 310 0596716 58
6. aitements mais aussi des traumatismes ant rieurs comme le montre dans l histoire de cette patiente ce que nous pourrions appeler la mort par noyade Madame T g e de 50 ans a t trait e pour un cancer du sein par mastectomie et reconstruction imm diate par implantation de proth se Madame T m a t adress e par la chirurgienne trois semaines apr s son intervention Madame T lui avait demand d enlever la proth se qui tait insupportable tant la douleur tait intense La chirurgienne a refus d enlever la proth se avant 6 mois Elle lui a formul son impression qui tait qu elle exprimait sa d pression par la douleur et la non acceptation de la proth se Elle lui conseille de venir me voir La patiente voquera au cours du premier entretien une succession d v nements elle ne fait aucun lien entre ceux ci et la situation actuelle qui est la sienne c est dire une proth se remplie de s rum physiologique en lieu et place de son sein Le d c s de sa m re alors qu elle tait g e de 9 ans et demi d une embolie pulmonaire trois jours apr s la naissance de sa deuxi me soeur Elle est morte noy e Le d c s de sa belle m re il y a 4 ans et demi d une rupture d une l sion canc reuse au niveau de l oesophage Elle est morte noy e Sa peur actuelle qui est de mourir noy e par l explosion de la proth se suite un choc un accident ce qui entra ne par exe
7. ans leur quotidien r aliser une v ritable preuve de force dans le but d viter tout objet tout situation rappelant le cancer le traitement et l h pital car se souvenir penser c est avoir des naus es et vomissements En effet la couleur orange rappelle le produit de la chimioth rapie le bonnet de bain et le serre t te rappellent le casque et le garot plac s pour viter la chute des cheveux le compact disque rappelle la musique cout l h pital les tunnels rappellent la route prise pour aller au centre de traitements les mots cancer et chimioth rapie rappellent les traitements Un objet une situation un mot rappelle la maladie et les naus es et vomissements y r pondent Une infirmi re de chimioth rapie me racontait que quelques jours auparavant alors qu elle faisait des courses dans une grande surface elle aper oit une patiente Cette derni re en la voyant fut imm diatement prise de naus es L infirmi re le remarqua et changea de rayon Mais contrario pour d autres patients c est un v cu de s curit qui est associ aux traitements par la pr sence du personnel r pondant leurs questions coutant leurs angoisses par les examens les rassurant par la chimioth rapie les prot geant du cancer Pour ces patients l h pital devient comme ils le disent une deuxi me maison et parfois m me la premi re Confiant leur vie l institution et ses soignants ils se posent peu de questi
8. atiente g e de 40 ans ayant un cancer du sein g n ralis pour lequel elle avait d j re u de nombreuses chimioth rapies qui un jour me dit Je n ai que des artifices ce n est pas moi tout est dessin Lorsque je rentre le soir j enl ve ma perruque je me d maquille il n y a plus de sourcils Ce que le miroir me montre c est une nudit fleur de peau Signe d une condamnation mort puis la peau part Un corps qui pour de nombreux malades devient un objet d horreur pour eux mais aussi pour l entourage Plusieurs patients m ont rapport les difficult s li es ces modifications corporelles avec surtout les enfants Ceux ci ont peur car ils ne les reconnaissent plus Jorge SEMPRUN dans son livre L criture ou la vie crit Je voyais mon corps de plus en plus flou sous la douche hebdomadaire Amaigri mais vivant le sang circulait encore rien craindre a suffirait ce corps amenuis mais disponible apte une survie r v e bien que peu probable La preuve d ailleurs je suis l Le Moi semble accepter de nombreux sacrifices pour viter son effondrement par la menace supr me de l an antissement par la mort Un but vivre m me si le prix pay est comme pour cette patiente de 40 ans une alop cie d finitive de l arthrose la st rilit la m nopause de nombreuses cicatrices la fatigue une exacerbation de ses allergies une s cheresse de la peau des m
9. cette demande Sa souffrance a t entendue et reconnue et nous allons tenter de redonner place la parole coup e par l angoisse Pour le patient dans ce moment d effondrement comme le dit Freud Le moindre geste qui lui rendra plus facile de s y reconna tre en son monde int rieur sera le bienvenu Un monde int rieur o le chef d orchestre a perdu sa baguette C est la cacophonie qui est le plus souvent exprim e par le patient Il a l impression d tre l acteur d un film qui n est pas le sien Il y a malentendu ou mal entendu Le m decin a d se tromper Il ne sait plus qui il est Il a l impression de devenir fou tant ce qu il a entendu est paradoxal tant la violence des motions est forte tant le traumatisme est sans repr sentation La vie est menac e physiquement par des cellules rongeant de fa on anarchique le corps et psychiquement par un noyau de terreur avec ses id es folles n cessitant un mouvement agressif du Moi pour tenter de faire face la brutalit de la blessure narcissique provoqu e par la r alit Il n est pas rare que dans l attente du premier traitement les patients parviennent mettre de la distance avec cette menace qu est le cancer Il n est pas encore r alit Rien dans ou sur le corps ne le dit Ils sont entiers sans trace Ni vu ni connu pour le Moi corporel La bonne m thode ne pas penser s occuper l esprit pour rendre les pens es inoffensives pour
10. e n cessaire au travail d laboration LE TEMPS DE L APRES TRAITEMENT La cr ation d un espace appartenant au patient et ayant pour but de lui permettre en toute s curit de vivre l exp rience traumatisante du cancer mais aussi de revivre d anciens traumatismes r actualis s va rendre possible la mobilisation de forces parfois insoup onn es pour tenter de sauvegarder l autonomie l identit les capacit s d investissement et de restaurer un plaisir fonctionner et parfois m me de le d couvrir Car c est dans l apr s traitement que le monde interne va tre progressivement r investi tandis que la r alit ext rieure sera partiellement d sinvestie C est passer du temps de l agir au temps pour penser et panser C est ainsi que dans cet apr s traitement certains patients vus en p riode de crise au moment de l annonce du cancer nous recontactent Telle cette patiente que j avais rencontr e plusieurs reprises au cours de sa chimioth rapie et qui est venue me consulter quelques mois apr s l arr t des traitements en me disant A qui dire ma souffrance si ce n est vous En fait cette patiente g e de 34 ans est venue me reconsulter et pouvait ce jour l reprendre en son nom une demande de psychoth rapie Mais quelle est cette souffrance C est la prise de conscience de cet tat de douleur psychique r sultant des traumatismes cumulatifs amen s par le cancer et ses tr
11. is d laborer une histoire aux effets magiques qui supprimerait la souffrance psychique et rendrait pour un certain temps le sentiment d immortalit et la qui tude qu elle procure La mort n existe pas c est pour les autres Nombreux sont les patients qui se tournent vers cette promesse des temps meilleurs car il n est pas facile de se dire qu il n y a plus rien que l on puisse faire Et pour vivre certains sont pr ts tout Alors pourquoi pas puisque personne ne sait et qui vous dit qu ils n ont pas raison et en plus cela ne fait pas faire de tort Il n est donc pas rare que les patients fassent appel l exorciseur au magn tiseur au gu risseur tout genre Nul besoin d tre fou pour y faire appel seule la peur de mourir y suffit Une patiente me rapporte dans un entretien de mani re tr s humoristique que par l interm diaire de son beau fr re elle a t amen e rencontrer un homme qui tient un discours sur les origines des maladies li es au magn tisme Cet homme lui a propos de venir chez elle valuer l tat magn tique de sa maison Il y d tecte une ligne n faste dans la chambre coucher traversant le lit donc pouvant expliquer l origine du cancer du sein de la patiente La patiente a modifi la position du lit pour pour qu il ne soit plus sur cette ligne magn tique n faste pour la sant Me disant que C est fou ce n est pas logique mais apr s tout De pl
12. les r primer pour les mettre de c t Mais pareil traumatisme n est pas oubliable refoulable Le Moi tente de sauver la face de se leurrer lui m me Et comme me le signalait une patiente S occuper l esprit n est pas remplir une vie Le temps des traitements va l y aider car c est le temps de l agir Mais dans ce temps de l agir d autres blessures vont venir se cumuler la premi re celles du temps pr sent li es aux effets des traitements et celles du temps pass r veill es par l cho Nous y reviendrons lorsque nous parlerons de l apr s traitement car avec le cancer l tat int rieur est celui d une exp rience traumatique interne continue comme une patiente me le disait Le bon sens me dit aussi que cette alop sie d finitive n est pas essentielle au regard de la vie Toutefois elle est largement charg e d affects Elle est une blessure s ajoutant aux deuils auxquels mon cancer m a conduite Scorie de la maladie Je croyais refleurir tranquillement apr s le long hiver des lourds traitements Ma d ception est grande et le chemin sera long pour retrouver mon image LE TEMPS DES TRAITEMENTS Si chaque traitement a ses propres effets physiques il est v cu diff remment selon les interpr tations et les associations des patientes en fonction de leur histoire Cependant le type de traitement peut induire des probl matiques diff rentes par exemple la mas
13. mple des attaques de panique lorsqu elle est en voiture la for ant s arr ter Apr s un travail d laboration la patiente fera le lien entre ces trois v nements mais aussi elle pourra pleurer la mort de sa m re et me dira Je savais que les b b s pouvaient mourir la naissance mais pas les mamans Ce travail lui permettra encore de se diff rencier de sa belle m re et surtout de l histoire de celle ci Chacune reprendra sa place dans l histoire de Madame T Cet exemple nous montre aussi que les repr sentations de la mort se construisent travers les exp riences v cues de la mort car la perspective de la mort renvoie aux autres morts Par la relation th rapeutique transf rentielle le malade est amen prendre conscience des liens entre les effets du cancer et les traitements et de son pass Ceci permettra de d nouer le pass du pr sent le dedans du dehors le monde interne de la r alit de la maladie Dans cet apr s traitement c est le cours de la vie qu il faut reprendre mais de quelle vie et pour combien de temps Pour poursuivre cette vie en vivant et non pas en survivant il va tre indispensable de ressourcer le Moi qui appara t cet instant comme vol en clats par une r gression narcissique n cessaire sa restauration Une r gression entra nant une rupture de dialogue avec l entourage qui reste surpris ne comprenant pas car pour lui avec la fin des traitements la page e
14. n go t de pavot ses bonheurs d l t res On peut dire Dieu et ce n est pas peu dire On peut dire la rose et la ros e l espace du matin On peut dire la tendresse l oc an tut laire de la bont On peut dire lavenir les po tes s y aventurent les yeux ferm s la bouche fertile On peut tout dire de cette exp rience Il suffit d y penser Et de s y mettre D avoir le temps sans doute et le courage d un r cit illimit probablement interminable illumin cl tur aussi bien entendu par cette possibilit de se poursuivre linfini Quitte tomber dans la r p tition ou le ressassement Quitte ne pas s en sortir prolonger la mort le cas ch ant la faire revivre sans cesse dans les plis et les replis du r cit n tre plus que langage de cette mort vivre ses d pens mortellement Mais peut on tout entendre tout imaginer Le pourra t on En auront ils la patience la passion la compassion la rigueur n cessaire Le doute me vient d s ce premier instant cette premi re rencontre avec l homme d avant du dehors venus de la vie voir le regard pouvant presque hostile m fiant du moins de ces trois officiers Je croyais m en tre sorti vivant Revenu dans la vie du moins Ce n est pas vident A deviner mon regard dans le miroir du leur il ne semble pas que je sois au del de tant de mort Une id e m est venue soudain si l on peut appeler id e cet
15. nce Pour ces patients le corps va devenir un objet d int r t Ils vont tre son coute Mais une coute parfois perturb e car ils n en reconnaissent ou ne connaissent pas le sens Un corps qui souvent par son silence inqui te Que se passe t il Une patiente tait heureuse d entendre les bruits abdominaux car ils taient signes de vie Mais certains effets de ces traitements peuvent devenir des rep res auxquels le patient s accroche pouvant mettre en chec certaines th rapeutiques Par exemple le contr le de la douleur car celle ci peut le renseigner sur l volution ou non du cancer ou bien les vomissements sont parfois attendus car ils sont interpr t s comme un signe d efficacit de la chimioth rapie Sans cette douleur sans ces vomissements le patient serait face au non savoir l incertitude au non contr le l insupportable Quel sens accorder au sympt me de ce corps qui a d j trahi Une douleur dorsale que le patient conna t depuis plusieurs ann es ne voudrait t elle pas dire aujourd hui qu il y a une m tastase Une patiente me disait En fait je suis comme un z bre c est dire un animal dont on ne sait pas si il est blanc avec des lignes noires ou si il est noir avec des lignes blanches Cependant le processus d laboration a parfois peu de place car le Moi corporel est fortement sollicit bouscul forc continuellement s adapter une r alit en mo
16. nnu votre pas Ma fille m a appris le reconna tre quand elle l entend elle r agit Elle ne fait cela qu avec vous La seconde de cette autre patiente de 34 ans que j avais suivie pendant trois ans quelques jours avant mon d part en vacances lorsque j entre dans sa chambre elle me dit qu elle aime mon parfum et qu elle veut en conna tre le nom Sa voisine de chambre qui s appr tait sortir pour nous laisser seules ma patiente et moi m me lui dit le nom de ce parfum qu elle avait reconnu Le lendemain en entrant dans la chambre mon attention fut imm diatement attir e par un flacon grand format de mon parfum Lorsqu elle me le montre je lui dirai Comme cela vous m aurez toujours pr s de vous pendant mon absence et dans un clat de rire d enfant elle me r pondit oui Cette patiente d c dera peu de temps avant mon retour Il me sera aussi rapport que toute m dication anti douleur sera stopp e plusieurs jours avant son d c s la patiente n prouvant plus aucune douleur physique CONCLUSION Une patiente me parlait de mon r le en ces termes Votre r le est d essayer de restituer de mettre des ailes pour que le patient vole de lui m me Redonner sens l exp rience de la maladie canc reuse venue perturber une histoire en cr ant un espace pour les motions est notre but Cet espace va permettre un travail d laboration n cessaire au patient pour retrouver un nou
17. nt de maturation d un processus cr ateur C est donc parfois l occasion d un cancer pris ici comme initiateur de la demande qu une psychoth rapie peut tre commenc e Une construction de sens pour une maladie o personne actuellement ne peut en dire l origine laissant le malade ses interrogations et ses interpr tations Nombreux sont les patients canc reux disant des malades porteurs de SIDA Eux au moins ils savent pourquoi et comment ils l ont eu Une construction de sens pour une maladie d nu e de sens et dont les effets psychiques ont fait cho dans son histoire laissant pour le malade une porte ouverte toutes les interpr tations Tentation bien grande pour une partie du Moi de faire appel au leurre de la toute puissance psychique pour se reconstruire narcissiquement Une patiente me parlait du cancer en ces termes Le cancer c est quelque chose qu on n a pu ranger qu on n a pas pu recycler qui encombre Mais quelle est cette partie encombrante Un probl me psychique non r solu de son pass qui avec le cancer chercherait s vacuer par le corps Telle tait pour cette patiente l origine du cancer Mais quel est ce probl me car cela le cancer ne le dit pas mais il permet de redonner l espoir d un happy end Trouvez la solution et vous serez gu ri Une demande de psychoth rapie qui dans ce cas n est pas de se r approprier son histoire ma
18. nt vers l indiff renciation De la confusion entre le Moi et l objet une union avec lui d sormais immortelle est consomm e Les noces avec l objet ne conna tront plus aucune s paration dans l infini et l illimit des paradis retrouv s de l oralit Telle est la conception expos e dans Deuil et M lancolie mais qui dans cette fin de la vie se donne sentir et prouver Pour nous th rapeutes c est aussi accepter d tre utilis dans ce moment ultime comme si le patient pouvait partir avec une partie de nous et rendre ainsi cet instant moins terrorisant car le futur mort est comme un b b en d tresse Une d tresse li e une immaturit face cette exp rience unique Mais c est aussi pour le malade laisser en nous une partie de lui m me trace de son passage dans la vie car nous en serons les t moins Cette relation th rapeutique semble devenir pour les patients que nous avons suivis pendant un certain temps ce que de M ZUAN nomme la derni re dyade Relation o le patient se concentre sur une seule personne son entourage ne faisant plus partie de lui m me Une perte des liens difficilement supportable par les proches Andr GREEN dit aussi Au del du morcellement qui f ragmente le Moi et le ram ne l auto rotisme le narcissisme primaire absolu veut le repos mim tique de la mort Il est en qu te du non d sir de l autre de l inexistence du non tre autre forme d
19. ons et ils ont l air sans probl me Tout va bien En fait tout est sous contr le il ne peut rien arriver Lorsque la fin des traitements s annonce la perspective de la s paration fait na tre une angoisse d abandon La terre s effondre Ils se retrouvent seuls face leur destin Priv s des rep res q offrait l institution ces patients s aper oivent qu ils n ont plus ou pas le mode d emploi pour vivre Ils donnent l impression de survivre au cataclysme provoqu par l arr t des traitements mais peut tre n ont ils d j jusqu au cancer que surv cu Le temps des traitements moment difficile o la relation psychot rapeutique est aussi malmen e En effet la mise en place du cadre th rapeutique dans son aspect mat riel est impos e par la maladie et les traitements dont l intrusion permanente par la douleur les naus es le suivi m dical nous demandent au patient et moi m me une adaptation constante nous mettent dans une situation o l agir prend parfois place r installer le patient appeler une infirmi re Le travail est sans cesse mis en p ril Mais dans ce temps de traitements o l agir est roi notre position marginale de psychoth rapeute dans ce lieu hautement m dicalis o nous sommes les seuls ne pas toucher au corps peut permettre la naissance d une relation singuli re C est en effet de la permanence de cette relation qu un transfert peut s installer bas
20. st tourn e Mais cependant la paix du Moi est jamais troubl e m me lorsqu un patient est dit en r mission compl te la trace du traumatisme central induit par le cancer restera marqu e dans sa m moire car le malade se sait porteur d une menace effrayante la mort Un savoir lourd et difficile porter qui doit tre tu et une trace de ce traumatisme sans cesse r activ e par le suivi m dical mais aussi par le tout et rien de la vie quotidienne La mort est naturelle et in vitable Nous le savons tous Nous en parlons entre nous nous la voyons et nous la c toyons tous les jours par le biais des m dias Nous la vivons par la mort d un tre proche nous nous y pr parons en crivant un testament mais cette mort l est celle d un autre La n tre nous ne nous la repr sentons pas Avec le cancer le patient est forc de croire en elle Cette connaissance ce savoir provoque une crainte continue de l effondrement de l organisation du Moi en tant que menace d an antissement de la vie Une patiente me disait Parfois lorsque je suis devant quelqu un brusquement je pense que je sais quelque chose qu il ne sait pas Je ne peux rien lui dire tant c est horrible il s effondrerait En fait je suis comme ces gens qui reviennent des camps de concentration je sais De cet instant de cette fraction de seconde au cours de laquelle la mort se fait nous pourrions parler des heures sans qu aucun de nous ne p
21. suel ne donnait au patient la moindre indication sur un processus corporel de maladie C est donc parfois dans une totale ignorance que le patient arrive la consultation Le Moi qui aime la paix ne se doutait de rien aucun danger l horizon Entendre le mot cancer et brutalement le Moi est d stabilis mis dans l impossibilit d agir de penser d ha r Le Moi est sid r fascin par cet irrepr sentable qu est la mort L annonce du cancer est donc un moment o les patients s effondrent devant le m decin C est alors que le m decin fait appel au psychoth rapeute au tiers La demande qu il effectue l est souvent autant pour le patient que pour lui m me en plein d sarroi devant ce malade qui le met dans l impossibilit d agir et lui signifie par ses motions la violence du diagnostic prononc par lui Le m decin au travers de cette demande nous donne une place celle de prendre en charge les effets psychiques de la maladie lui s occupera du corps malade Son but est de rendre un corps en bon fonctionnement et gu ri notre but nous psychoth rapeutes est de donner au patient les moyens de faire face au cancer et ses cons quences en donnant sens l exp rience de la maladie sans pr tention de gu rison Une patiente me disait Un m decin donne la vie peut il comprendre la mort Premi re rencontre avec le patient surpris de nous voir mais soulag que le m decin ait formul
22. synonyme de mort et m me dans un premier temps de mort imminente Cet v nement exceptionnel qu est la maladie canc reuse fait profiler l horizon l exp rience unique dans la vie de tout individu celle de mourir Avec nos patients nous allons tenter au travers de la relation psychoth rapeutique de penser l impensable de supporter l insupportable d imaginer l inimaginable de mettre des mots sur l exp rience unique et future qui sera agie car la mort se fait LE TEMPS DE L ANNONCE Dans un cabinet de consultation un m decin et un patient qui vont l un et l autre vivre un moment particulier Pour le m decin celui d annoncer un cancer diagnostic porteur d une menace effrayante car il est synonyme de mort r elle Pour le patient celui d entendre ce diagnostic de cancer v ritable traumatisme brutal de la r alit Le temps se suspend Quelle est cette catastrophe dont le m decin lui parle Il ne comprend rien C est le chaos Il est sid r devant cet incompr hensible cet insupportable cette violence des mots Tout cela n a pas de sens Beaucoup de patients disent Je me sens bien et vous me dites que vous allez me mutiler Je me sens bien et vous me dites que je vais mourir Tout ceci est d autant plus paradoxal si le cancer est une d couverte de d pistage sein ou fortuite au cours au cours d un examen pour d autres probl mes leuc mie Aucun signe d celable palpable vi
23. te bouff e de chaleur tonique tonique cet afflux de sang cet orgueil d un savoir du corps pertinent la sensation en tout cas soudaine tr s forte de ne pas avoir chapp la mort mais de lavoir travers e D avoir t plut t travers e par elle De l avoir v cue en quelque sorte D en tre revenu comme on revient d un voyage qui vous a transform transfigur peut tre BIBLIOGRAPHIE BEGOIN J La Violence du D sespoir ou le Contresens d une Pulsion de Mort en Psychanalyse Revue Fran aise de Psychanalyse 1989 n 2 DAVAN M D ni de la Mort et Passage du Temps in Psychanalyse l Universit Ed PUF Tome 15 n 57 Janvier 1990 pp 3 22 FREUDS Consid ration Actuelles sur la Guerre et la Mort in Essais de Psychanalyse Ed Petite Biblioth que Pavot 1981 pp 7 40 FREUDS Le Tabou des Morts in Totem et Tabou Ed Petite Biblioth que Pavot 1992 pp 84 115 GREEN A Narcissisme de Vie Narcissisme de Mort Les Editions de Minuit 1983 HIRSCH D Le Sida Maladie de la Vie Terreur et D sespoir d une Mort Annonc e Cahier de Psychologie clinique La Maladie Humaine Ed De Boeck 1994 pp 113 131 JURANVILLE A R flexion Psychanalytique sur les Soins Palliatifs in Psychanalyse l Universit Ed PUF Tome 19 n 75 Juillet 1994 pp 43 64 LEHMANN A La M thode Psychanalytique en Canc rologie Revue Internationale de Psych Etats de Corps Ed
24. tectomie touchera la femme dans son identit mais la recherche de donneurs amp 2 familiaux pour une greffe de moelle troublera les liens et ses alliances dans la famille Mais sans aucun doute les traitements renvoient au cancer la mort de par le but poursuivi faire r gresser la maladie obtenir une r mission voire une gu rison Les traitements sont une lutte comme il est dit combattre la maladie Un combat dont la n cessit essentielle est de post poser la mort dans un temps le plus loign possible Gagner du temps sur cette mort qui arrive toujours trop t t Mais avec les traitements le r el du corps habit par la mort va s inscrire Pour certains patients pour qui ce r el ne montrait aucun sympt me physique c est avec les effets secondaires des traitements qu il va prendre sens Effets secondaires qui peuvent tre transitoires tels que l alop cie les naus es les vomissements les modifications du go t de l odorat ou d finitifs tels que la st rilit l amputation d un membre d un organe Avec les effets secondaires des traitements c est la perte des rep res corporels la perte du sein des cheveux l installation d une m nopause pr coce des variations pond rales parfois importantes Nombreux sont les patients qui d cident ne plus se reconna tre ne plus tre femme homme se vivre vieux avant l ge et m me se percevoir comme un mort en sursis Telle cette p
25. tiliser comme m diat pour d couvrir toute la force de tes projections et de tes repr sentations de la vie Si je peux en gardant mon int grit te rejoindre l o tu attends m me dans le silence et le repli dans un combat pour r sister l vidence pour rencontrer avec toi cette terreur proche de celle de l enfant Si je peux te sachant le plus capable de le faire te soutenir aupr s des tiens dans ton d sir de retrouver une alliance de c ur avec eux Si je peux avec une r elle comp tence m appuyer sur ton savoir profond et ta force motionnelle pour tre avec toi dans ta recherche si ce n est pour r parer ton corps au moins l o tu mets ton nergie r parer quelque chose de ta vie dirais tu de ton me Si je parviens parce que j en ai fait l exp rience m me si ce n est pas dans les m mes circonstances et de la m me mani re que toi te faire passer que tu peux t appuyer sur moi que je m efforcerai de ne pas l cher la barre pour tre pr t rencontrer avec toi les cueils du parcours Si je peux te faire passer que m me si j ai peur je d ciderai de faire ce qu il faut pour arriver rester l alors peut tre pourrons nous tablir une confiance r elle et solide qui te permettra d aller en m incluant si tu le veux l o tu conduis ta vie la rencontre ou non de ton mythe Beno t de COSTER Psychoth rapeute LE TRAUMATISME DU CANCER O
26. uisse r ellement dire comment elle se vit Cette exp rience unique dont nous ne savons rien mais qui nous interroge beaucoup restera jamais une question sans r ponse Accepter que cette question reste sans r ponse c est peut tre accepter que nous sommes mortels mais aussi que nous ne sommes pas tout puissants Mais il est difficile de se r signer de se dire que la mort sera l un jour Pourquoi la maladie canc reuse vient elle pr venir de cette r alit et signifier que chacun porte en lui et doit vivre avec ce savoir et l incertitude du moment o elle se fera Vivre une telle situation d impuissance n est pas vivable pour le patient car elle repr sente la plus grande des agressions psychiques Certains patients disent non plus vivre mais survivre ne pouvant plus prendre de la distance attendant le point final de ce traumatisme une fascination ali nante menant la mort psychique Cependant pour beaucoup une tentative de reprise du contr le au travers d une reconstruction du sens de ce qui leur arrive va leur permettre de reprendre une ma trise de ce monde interne Le chef d orchestre va tenter de retrouver sa baguette pour arr ter cette cacophonie Mais il va falloir faire l inventaire de ce qu il a sa disposition pour ensuite remettre les pages de la partition en ordre La maladie canc reuse de par la d sorganisation du monde interne qu elle a provoqu e peut tre l origine d un mouveme
27. uqueuses et au cours des traitements en plus la perte des ongles de r flexes d hypoesth sie des membres des naus es de l an mie des infections diverses li es la leucop nie Toutes ces modifications font cho dans l histoire du patient Ainsi pour cette patiente que je viens de d crire l alop cie la renvoie ses premi res ann es de vie o elle avait comme elle disait la boule z ro La seule personne qui elle se montrait sans perruque ou coiffe tait sa m re car celle ci lavait connue comme cela Des yeux dans lesquels elle se reconnaissait Pour les autres regards ce nu t te tait un signe ext rieur de maladie et elle y lisait l horreur De plus la m nopause la fatigue les probl mes de peau lui renvoyaient aussi une perception d elle m me qui tait d tre une petite vieille Mais avec l alop cie la st rilit et la cicatrice au sein son identit de femme tait aussi touch e Elle ne savait plus si elle tait jeune ou vieille femme ou ayant un sexe disait elle ind termin Je ne parviens pas retrouver mon image f minine c est la plaie ouverte du cancer Pour cette patiente la lutte contre la mort primera car la maladie poursuivra son chemin sans r pit Pour les autres patients c est parfois par ces modifications corporelles qu ils prennent conscience que leur corps existe et qu ils existent C est par l absence de l organe qu ils r alisent son importa
28. us cet homme lui a galement vendu une bo te contenant de l huile destin e capter les mauvaises ondes de l habitation L huile de cette bo te est changer dans un an et la patiente de me dire en riant Je ne lui ai pas demand quelle huile je dois mettre dans la bo te Dans la suite de l entretien la mise d un sens sur cette attitude fera dire la patiente toute sa peur de mourir LE TEMPS DE L AGONIE Cependant pour de nombreux patients le cancer ayant repris ou poursuivi son volution ce temps de l apr s traitement est limit voire m me inexistant Une progression de la maladie provoquant un crescendo th rapeutique tentant inexorablement de ma triser cette mort Mais celle ci n a cesse de nous narguer nous confrontant notre impuissance Personne ne peut dire quand arrivera la mort ce temps ne fait pas partie de notre savoir mais des signes de sa venue l annoncent Le patient le sait Je ne suis plus malade des traitements mais de la maladie Elle volue Il n est pas possible de ne pas savoir que l on va bient t mourir vous diront certains patients Alors vient ce temps de finir le travail de tr pas comme l a nomm Michel de M UZAN Faire le deuil soi m me un travail commenc avec l annonce du cancer qu il va falloir terminer Les m canismes de d fense pr sents depuis le d but de la maladie vont s exacerber au seuil de la mort car il est difficile de se dire qu
29. uvance perp tuelle en fonction des effets secondaires des traitements La r alit ext rieure va prendre toute la place Elle va tre surinvestie car source de dangers continuels tandis que le monde interne est partiellement d sinvesti Coller cette r alit ext rieure est le seul moyen pour le Moi de ne pas s effondrer Le prix payer pour la vie est pour le patient de faire dans ce temps th rapeutique l exp rience de sa d pendance aux traitements au suivi m dical aux soignants Une r alit qui va rythmer son quotidien Ce sont les effets secondaires des traitements qui d cident pour lui de sa capacit travailler ou non d aller ou non au cin ma de descendre ou non les poubelles de conduire ou non les enfants l cole car comment faire cela lorsque les naus es sont pr sentes que la fatigue vous envahit que les hypoesth sies vous font perdre le sens de l orientation spatiale De plus d une chimioth rapie l autre le patient ne sait pas toujours quels en seront les effets secondaires Un traitement fastidieux contraignant angoissant v ritable pers cuteur Mais le patient ne peut s loigner prendre de la distance car il le maintient en vie comme me le disait une patiente Sans lui je sucerais d j la racine des pissenlits Mais il fait peur il terrorise Certains patients d veloppent principalement l gard de la chimioth rapie une phobie Ces patients sont amen s d
30. vel quilibre et se r approprier son histoire et comme le dit Ren ROUSSILLON Vivre en cr ant et recr ant les conditions d une vie malgr la mort en r engendrant les conditions de possibilit de soi Mais je terminerai en vous lisant un extrait du livre de Jorge SEMPRUN L Ecriture ou la Vie Ce passage s adresse me semble t il tant au patient qu au th rapeute Il n y a qu se laisser aller La r alit est l disponible La parole aussi Pourtant un doute me vient sur la possibilit de raconter Non pas que l exp rience v cue soit indicible Elle a t invivable ce qui est tout autre chose on le comprendra ais ment Autre chose qui ne concerne pas la forme d un r cit possible mais sa substance Non pas son articulation mais sa densit Ne parviendront cette substance cette densit transparente que ceux qui sauront faire de leur t moignage un objet artistique un espace de cr ation Ou de r cr ation Seul l artifice d un r cit ma tris parviendra transmettre partiellement la v rit du t moignage Mais cela n a rien d exceptionnel il en arrive ainsi de toutes les grandes exp riences historiques On peut toujours tout dire en somme L ineffable dont on nous rebattra les oreilles n est qu alibi Ou signe de paresse On peut toujours tout dire le langage contient tout On peut dire l amour le plus fou la plus terrible cruaut On peut nommer le mal so
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