FJ0B605 Temps, temporalité et les catégories narratives
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1. agit pas seulement d un probl me de formes temporelles Car d autres l ments de l nonciation sont impliqu s La mise en sc ne de l une ou de l autre quelle qu elle soit suppose toujours un point de vue d observation locuteur nonciateur rep rage spatio temporel emploi ou absence de d ictiques une focalisation et une motivation soit par le personnage locuteur nonciateur soit par la narration Souvent on assiste une narrativisation de la description voir les descriptions promenades les descriptions explications etc Par ailleurs la description soul ve le probl me de la sp cification s mantique en effet elle exige la pr sence d un vocabulaire descriptif sp cial constitu pour la plupart de substantifs et dont l insertion dans la narration s effectue au moyen de diverses strat gies voir l tude de Philippe Hamon sur la descriptivit chez Zola 16 9 Polyphonie du texte narrateur s mainte reprise nous avons pu constater que la temporalit en tant que repr sentation d un temps d un espace et d une histoire dans un texte reste indissociablement li e aux pro bl mes de la focalisation de la subjectivisation autrement dit de la personne soit qu elle se charge de l nonciation rapporte les faits ou les actes d crit ou voit soit qu elle fait objet de description de citation de jugement de valeurs Bref il est utile de se poser l i2. ici hier Temporalit troitement li e l nonciation je tu x il maintenant ici ce gar on mon cahier mile Benveniste Probl mes de linguistique g n rale Paris Klincksieck 1966 Argumentation de Benveniste Qu est ce qui forme un paradigme Quel est le syst me des formes temporelles Point de d part incompatibilit entre pass compos et pass simple Paul arriva hier Paul est arriv hier Conclusion il existe 2 syst mes d nonciation diff rents r cit historique pass simple pass ant rieur imparfait plqpf prospectif il en dehors de tous les rep res d ictiques pas de modalisation pas d allocution pas d imp ratif discours tous les temps sauf le pass simple je tu il ici maintenant modalisation noms de qualit b embrayage et nonciation Shifters embrayeurs nonc s occurrence designace x nonc type denotace embrayeurs x appellatifs circularit r flexivit des deux mais instabilit du design t des embrayeurs je x Fido Diff rence essentielle entre je et tu toujours secondaire diff rence entre personne je tu et non personne il Or en litt rature n importe quelle entit peut tre rig e en nonciateur M nin aeide Thea Pell iadec Achill os Sujet de l nonc x sujet de l nonciation Je suis content x Paul est content Sujet x modalisation Je m en vais x Tu t en vas Il s en va Je m e
3. int rieur d une premi re globale On distinguera 1 La relation qui s institue entre l auteur et le spectateur ventuellement le lecteur Dans cette situation d nonciation l nonc n est autre que la pi ce elle m me l ensemble des r pliques des personnages 2 Les diff rentes situations d nonciation pr sent es sur la sc ne les interactions entre les personnages Cela implique un double travail d interpr tation de la part du spectateur destinataire narrataire qui doit interpr ter les propos des personnages deux niveaux diff rents la fois comme paroles que les personnages s adressent mais aussi globalement comme paroles que l auteur lui adresse par l interm diaire des personnages Quoi qu il en soit le personnage ne peut jamais jouir d une pleine responsabilit de ses propos car celle ci revient en derni re instance toujours l auteur qui dispose met en sc ne rapporte C est lui qui assume l ethos de l nonciation encod dans le texte la fois image du narrateur et garant responsable du pacte de communication avec le narrataire lecteur En effet Voil pourquoi il convient de distinguer entre l auteur narrateur qui est le locuteur responsable de l acte illocutoire et porteur de l ethos du texte et l nonciateur qui le narrateur peut confier la parole lui d l guer sa voix ou bien par rapport qui il adapte l angle de vision des choses Il
4. la fois dans le discours et dans le r cit L imparfait n est pas apte poser un proc s dans la chronologie et lui seul ne permet donc pas de raconter la diff rence d un nonc comme Paul a dormi l nonc Paul dormait semble incomplet exprime un suspens exige une continuation Paul dormait quand je suis rentr Cette divergence entre les emplois de l imparfait et des formes perfectives s claire si l on songe que l imparfait ne constitue pas directement un temps pass il ne situe pas un v nement dans le pass mais indique tout simplement qu un proc s est contemporain d un rep re qui lui est pass Ainsi dans la phrase pr c dente rien ne permet d affirmer avec certi tude que le sommeil de Paul appartient au pass car il peut dormir encore au moment o l on parle Cette diff rence essentielle est exploit e pour la hi rarchisation de deux niveaux dans la narration le niveau v nementiel constituant la dynamique narrative pass simple et pass compos et le niveau statique de faits pos s comme ext rieurs la dynamique narrative Il ne s agit pas seulement de la classique distinction entre l action et la description des circonstances mais plut t d une mise en relief permettant d instituer un premier plan formes perfectives et un deuxi me plan imparfait de la narration Ce n est aucunement une distinction s mantique aucun verbe ni aucun fait n tant a
5. la mimique etc il dit avec son rire mauvais il ajouta pr cipitamment il h sita ma s finit par dire Le probl me est analogue celui des didascalies au th tre Cela est d autant plus vrai qu en litt rature la notion m me de discours rapport est pour le moins douteuse Au fond il n y a pas de discours rapport la narration ne rapporte pas des propos ant rieurs mais elle cr e le discours cit en m me temps que le discours citant La fid lit du discours direct appara t comme une pure convention litt raire En fait il s agit d une technique de mise en sc ne narrative de distribution des voix de hi rarchie entre narrateur et nonciateurs Seul le narrateur auteur d cide de la strat gie c est lui aussi le garant de l nonciation Au niveau du personnage nonciateur la question de v ridicit ou de fid lit ne se pose pas Apr s trois ans j ai encore son accent ses mots dans l oreille Il s tait mis parler d une voix sourde Tenez La v rit la voil Martin du Gard Les Thibault La sinc rit ici est une pure convention romanesque destin e renforcer l illusion r aliste En principe le personnage n a nul besoin de pr ciser que sa citation est exacte comme il n est pas non plus tenu de justifier l exactitude de ses propres paroles La garantie inh rente l ethos de l auteur l emporte c Discours indirect A la diff rence du d
6. nonciation et identifi lui Cela explique l ind cision des lecteurs devant ce type de formes ils les interpr tent la fois comme des v nements dissoci s du pr sent et comme la r actualisation la r surrection des faits r volus Culioli propose d analyser de la m me mani re les pr sents des indications sc niques C est la fin du diner La table est en d sordre Les officiers et les Boh miens fument des cigarettes Deux Boh miens raclent la guitare dans un coin de la taverne et deux Boh miennes au milieu de la sc ne dansent Livret de Carmen acte II sc ne 1 Toutefois la situation ici est diff rente car les indications sc niques sont descriptives non actionnelles Transpos es au pass elles seraient exprim es par l imparfait non par le pass 7 simple comme ce serait le cas du pr sent aoristique Conclusion le pr sent est une forme s mantisme multiple et partant forme ambigu capable de m nager la transition entre plusieurs registres 1 Le pr sent d ictique fonde le discours En tant que tel il fonctionne comme embrayeur 2 Le pr sent peut exprimer aussi l tat ou la dur e au pr sent comme tel il convient aux descriptions l ments statiques qui au pass ont pour correspondant l imparfait 3 Le pr sent gnomique exprime de v rit s ternelles hors de tout temps et de toute nonciation 4 Le pr sent aoristique est une stylisation pr
7. r cit n est pas un embrayeur v ritable celui du discours qui est indissociable d un tu ici maintenant mais seulement la d signation d un personnage qui se trouve d noter le m me individu que le narrateur Si le je du h ros de la Recherche du temps perdu tait le narrateur le texte se dissoudrait imm diatement ce personnage se d finit pr cis ment par le fait qu il n a pas acc s au savoir du narrateur et qu il est appel ne co ncider avec lui qu au terme de l histoire La preuve du fait que le jeappartient essentiellement au r cit est dans les textes litt raires peuvent se passer enti rement de tout rep rage d ictique indice qu il ne s agit pas d un je du discours Quand il fut enfin sorti j attendis un quart d heure Alors j teignis l lectricit ouvris la porte de la biblioth que la refermant avec bruit comme si je regagnais mon appartement Puis vitant le moindre choc longeant t tons les pupitres et les vitrines de numismatique je revins sur mes pas et ouvris doucement la porte de gauche qui donnait dans la salle des Armures Pierre B no t Koenigsmark chap VID Le monde repr sent se tient par lui m me instituant son propre temps espace cotextuel auquel se r f rent les d ictiques spatiaux gauche Ce type de r cit pr sent n anmoins une particularit il permet de passer ais ment du r cit au discours le je op rant sur les
8. sence sans embrayage d un r cit donc d un r cit la fois pr sent et absent Surtout la forme du pr sent permet d amalgamer toutes ces significations La litt rature ne manque pas d en profiter Exemple analyser Du plus loin que je me souvienne j ai entendu la mer M l au vent dans les aiguilles des filaos au vent qui ne cesse pas m me lorsqu on s loigne des rivages et qu on s avance travers les champs de canne c est ce bruit qui a berc mon enfance Je l entends maintenant au plus profond de moi je l emporte partout o je vais Pas un jour sans que j aille la mer pas une nuit sans que je m veille le dos mouill de sueur assis dans mon lit de camp Je pense elle comme une personne humaine Quand la lune est pleine je me glisse hors du lit sans faire de bruit prenant garde ne pas faire craquer le plancher vermoulu Pourtant je sais que Laure ne dort pas J M G Le Cl zio Le chercheur d or Mon p re boit et se tait Je ne sais m me pas sil coute la musique que je joue Les soir es sont mortelles mais je ne le sais pas encore avant ce soir l L ennemi l ve la t te vers moi et sourit peine J ai le sentiment d un crime Je ferme les volets comme devant un spectacle abominable Monp re sur son fauteuil dort moiti comme l accoutum e Sur la table il y a encore nos deux couverts et le vin de mon p re Derri re les volets la place bat comme
9. t introduit en litt rature sur la lanc e des tendances subjectivisantes comme garant d une nouvelle authenticit En r alit c est l encore une technique avec tout ce qu une technique d criture a de conventionnel Le monologue int rieur n est pas plus authentique qu un monologue th tral La litt rature moderne en profite elle le combine toutefois avec d autres proc d s Dorrit Cohn Le propre de la fiction distingue ce propos d une part r cit d v nement r cit de parole r cit de pens es et d autre part monologue rapport monologue narrativis et psychor cit Ces diff rents registres de la narration souvent s imbriquent Ils sont sur lui Ils l encerclent Aucune issue Il est pris enferm au plus l ger mouvement la plus timide vell it ils bondissent Toujours aux aguets piant Ils savent o le trouver maintenant Lui m me s est soumis leur loi s est rendu eux si 26 faible confiant il est eux toujours port e de leur main Et elle souple mall able un instrument qu ils ont fa onn dont ils se servent pour le mater Faces stupides aux yeux luisants de curiosit Regards attendris Le spectacle est si touchant ces tourtereaux si jeunes leur petit nid Br ves incursions bonds furtifs reculs prudents attouchements timides petites surprises cadeaux la vieille remuant le bout mobile de son nez ses yeux moustill s sous ses
10. I Paris Gallimard 1947 coll Id es Vois annexes Le pass compos peu compatible avec l encha nement narratif il pose les proc s comme disjoints tous pass par rapport au moment d nonciation et en raison de son lien avec l accompli les pr sente comme statiques au lieu de les tourner vers les v nements qui suivent Par contre le pass simple instaure une continuit et un encha nement d actes Donc Zl acheta un g teau et il prit le train est interpr t comme une succession Alors que J a achet un g teau et il a pris le train pourrait tout aussi bien d noter deus faits ind pendants Pour la m me raison si l on peut dire Paul a rencontr l homme qu il a renvers deux jours plus t t on dira difficilement Paul rencontra l homme qu il renversa la veille la forme correcte exigeant ici l emploi du plus que parfait Paul rencontra l homme qu il avait renvers la veille Le fait que le pass compos suppose une relation avec un sujet d nonciation est galement lourd de cons quences Si l on remplace les formes de pass simple par des pass s compos s dans ces lignes de Simenon Quand il revint du m tro le boulevard Richard Lenoir tait d sert et ses pas r sonnaient Il y avait d autres pas derri re lui Il tressaillit se retourna involontairement Maigret et son mort chap l on obtient un texte d une tonalit toute diff rente au lieu d une histoire racont pa
11. Le Cl zio D sert Un tel usage de l imparfait homog n ise en quelque sorte le texte puisque les verbes marquant les tapes de l action ne sont pas morphologiquement distincts de ceux qui correspondraient ailleurs l arri re plan ou r sultent de la concordance des temps L it ration rel ve de la cat gorie grammaticale de l aspect L imparfait est loin d tre le seul temps qui puisse marquer une r p tition mais il pr sente la singularit de pouvoir tre in terpr t imm diatement comme tel s il ne s appuie pas sur une forme perfective Du point de vue s mantique l it ration associe deux traits qui seraient contradictoires un m me niveau la continuit et la discontinuit Il faut un travail d abstraction pour saisir d une part la totalit et d autre part les unit s discr tes qui la composent sans tre identiques elles m mes Dans le roman classique cf Genette Figures ID il existe une subordination fonctionnelle des nonc s it ratifs par rapport aux nonc s singulatifs l instar de la description l it ration repr sente un auxiliaire de la progression narrative portrait du personnage son caract re ses habitudes etc D s Proust on assiste une subversion par l it ratif qui devient plus important que le singulatif Il s agit d un probl me de vision du monde souvent tendance subjectivisante Description et it ration Un point commun les unit il ne s
12. Mentionnons Voltaire ou bien les Provinciales de Pascal o l ironie est une des techniques constitutives de l oeuvre en effet l ironie du narrateur y est polyfonctionnelle elle permet 1 de faire parler l adversaire 2 de prendre ses distances par rapport ses opinions 3 de valoriser le narrateur capable de l ironie et partant de marquer sa sup riorit 4 de d valoriser l adversaire Mais la polyphonie des voix narratives est aussi une des techniques narratives subjectivisantes notamment en relation avec le discours rapport qu il s agisse du discours direct du discours indirect du discours indirect libre ou du monologue int rieur 21 11 Discours rapport Une telle op ration consiste moins rapporter un nonc qu une nonciation nonciation qui suppose une situation d nonciation propre distincte de celle du discours qui cite Il s agit en effet d int grer une nonciation le discours cit qui dispose de ses propres marques de subjectivit de ses embrayeurs dans une seconde nonciation le discours citant at tach une autre instance nonciative Les trois processus rep r s par les grammairiens discours direct indirect et indirect libre se distinguent pr cis ment par les solutions divergentes de ce probl me cela s ajoutent les probl mes soulev s par la narration les propos ne sont pas seulement cit s ils prennent place dans un r cit a Discours dire
13. Tout cela contribue induire cette vision du monde particuli re o la conscience s englue dans les choses et le temps se dissout dans la description ou la r p tition Et l on sait que Flaubert est hant par l utopie d un univers 25 de part en part homog ne o l action serait minimis e b Monologue int rieur Il s agit d un proc d litt raire moderne qui dans la litt rature fran aise remonte mile Dujardin Les Lauriers sont coup s La rue est sombre il n est pourtant que sept heures et demie je vais rentrer chez moi je serai ais ment d s neuf heurs aux Nouveaut s L avenue est moins sonbre que d abord elle ne le semblait le ciel est clair sur les trottoirs une limpidit la lumi re des becs de gaz des triples bec de gaz peu de monde dehors l bas l Op ra J oubliais mes gants bah je serai tout l heure la maison et maintenant on ne voit personne Bient t je serai la maison Il ne faut pas confondre le monologue int rieur avec le fait de d crire ou de dire les tats d me d un personnage Cela peut se faire aussi bien au discours direct indirect ou indirect libre Le monologue int rieur est caract ris par deux faits 1 il n est pas domin par un narrateur 2 il n est pas soumis aux contraintes de l change linguistique pouvant donc prendre des libert s l gard de la syntaxe et de la r f rence La premi re propri t exclut la pr sence d
14. chaque balle qui partait d un fusil avait son billet Le ma tre Et il avait raison Apr s une courte pause Jacques s cria Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret Le ma tre Pourquoi donner au diable son prochain Cela n est pas chr tien Jacques C est que tandis que je m enivre de son mauvais vin j oublie de mener nos chevaux l abreuvoir Mon p re s en aper oit il se f che Je hoche de la t te il prend un b ton et m en frotte un peu durement les paules Un r giment passait pour aller au camp devant Fontenoy de d pit je m enr le Nous arrivons la bataille se donne Denis Diderot Jacques le fataliste Ici dans ce compartiment berc s et malmen s par le bruit soutenu par sa profonde vibration constante soulign e irr guli rement de stridences et d hululations en touffes pineuses les quatre visages en face de vous se balancent ensemble sans dire un mot sans faire un geste tandis que l eccl siastique de l autre c t de la fen tre avec un l ger soupir d exasp ration referme son br viaire reli de cuir noir souple tout en gardant son index entre les pages tranche dor e comme signet laissant flotter le mince ruban de soie blanche Soudain tous les regards se tournent vers la porte que d un seul coup d paule sans apparence d effort ouvre en grand un homme rougeaud essouffl qui a d monter dans le wagon juste au moment o le train s branlait qui lance dans le f
15. est justement r v latrice de la coupure entre l instance productrice du texte et l instance nonciative celle qui assume la responsabilit du texte elle m me consign e dans et par le texte Signer d un pseudonyme c est construire c t d un je biographique l identit d un sujet qui n a d existence que dans et par l institution litt raire Le recours au pseudonyme implique la possibilit d isoler dans l ensemble illimit des propri t s qui d finissent l crivain une propri t singuli re celle d crire de la litt rature et d en faire le support d un nom propre Voir aussi le th me de l autre je le th me de la mort de l homme comme condition la naissance du po te le th me du double Hugo Musset Philoth e O Neddy les deux th mes tant li s la marginalit social du statut de l crivain auteur Comment se construit le narrateur et le narrataire Il suffit d analyser et comparer ces deux textes Comment s taient ils rencontr s Par hasard comme tout le monde Comment s appelaient ils Que vous importe D o venaient ils Du lieu le plus prochain O allaient ils Est ce que l on sait o l on va Que disaient ils Le ma tre ne disait rien et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici bas tait crit l haut Le ma tre C est un grand mot que cela Jacques Mon capitaine ajoutait que
16. l autre est admise noncer Ainsi le narrateur prend une distance par rapport aux paroles qu il nonce Il s agit en fait d une mise en sc ne tr s subtile une esp ce de citation de soi m me o la v ridicit ou la justesse des paroles prof r es est d mentie par la distance marqu e par l ethos Cette distanciation est souvent difficile d chiffrer p ex dans le cas de l humour noir o elle ne peut souvent d couler de l normit de l nonc que l on ne saurait concilier avec l image du narrateur Les peuples d Europe ayant extermin ceux de l Am rique ils ont d mettre en esclavage ceux de l Afrique pour s en servir d fricher tant de terres Le sucre serait trop cher si l on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves Ceux dont il s agit sont noirs depuis les pieds jusqu la t te et ils ont le nez si cras qu il est presque impossible de les plaindre Montesquieu Esprit des lois XV 5 Il importe don de savoir distinguer et ma triser ces notions et ph nom nes narrateur nonciateur co nonciateur polyphonie ironique d doublement de la voix focalisation vision techniques de subjectivisation Le m me principe de distanciation polyphonique accompagne le rapport entre le narrateur et l nonciateur le personnage C est l la source de l ironie qui souvent accompagne ce rapport Parfois cette ironie est exploit e avec beaucoup d efficacit
17. la mer immense Il a lair d un naufrag Je vais vers mon p re et je le regarde de tr s pr s presque le toucher Il dort dans le vin Je ne reconnais pas tr s bien mon p re Marguerite Duras Hiroshima mon amour 4 Subjectivit Le r gime du r cit est en principe d pourvu de subjectivit de par son essence m me il se pr sente comme un nonc d tach de son instance nonciative avec l effacement de l nonciateur l absence de modalisation l introduction d une distance narrative un hors temps aoristique centr sur un rep rage spatio temporel cotextuel non d ictique ou absolu Le r gime du discours par contre renvoie clairement ou d faut montre implicitement l instance nonciative et ses coordonn es ancr es dans je tu ici maintenant Quant la modalisation il faut la concevoir sous son acception la plus large comme toute marque de subjectivit marque de volont de jugement d appr ciation d incertitude d interrogation mais aussi tout ce qui renvoie l nonciateur Les marques de subjectivit part la personne je tu et le mode verbal imp ratif proposition interrogative deux ph nom nes relativement discrets mais efficaces introduisent la subjectivit les noms de qualit et les adverbes modalisateurs adverbes dits de phrase Les noms de qualit peuvent tre identifi s gr ce la propri t syntaxique qu ils ont de pouvoir figurer dans deux
18. propositions singuli res ce le nom de qualit ce perfide de comte et en incise diff rents endroits de la phrase I lisait ma lettre en riant le perfide ces particularit s syntaxiques sont associ es des particularit s s mantiques qui les s parent des noms ordinaires Alors que ces derniers poss dent un signifi relativement stable ind pendant de telle ou telle nonciation singuli re et qui permet de lui attribuer une classe de r f rents virtuels cf denotace sera dit pr par exemple un r f rent poss dant les propri t s correspondant au signifi de ce nom les noms de qualit n ont de r f rent que par les actes d nonciation des sujets cf designace primo bez denotace la situation est sensiblement analogue celle des embrayeurs et des noms propres seulement ici pour les noms de qualit l valuation et l appr ciation l emportent sur la notionalit Le perfide d signe une personne que je traite de perfide et qui n est perfide que par mon nonciation En dehors d une nonciation particuli re il n existe pas de classe d tres perfides imb ciles ben ts qu on puisse d limiter a priori En outre dans l emploi en incise des noms de qualit l attribution de ces noms un individu doit tre justifi e par un lien s mantique entre cet individu et le pr dicat qui lui est affect Dans le monologue de Figaro le Comte n est perfide
19. soudaine fermet et plaida contre lui m me Je ne pouvais disait il mesurer l tendue de sa faute Mauriac Ici le je renvoie au narrateur il l nonciateur personnage L exemple pr cit montre l extr me difficult que l on a pour d limiter avec exactitude les limites du discours indirect libre aussi bien que les limites des deux nonciations m l es citante et cit e Voir les exemples tir s de Zola de Flaubert Cons quences pour la narration litt raire 1 grande vari t dans le discours indirect libre quant l tendue le marquage ou non du citant ou cit 2 souplesse dans le dosage des voix narrateur nonciateur s d o une richesse polyphonique 3 souplesse des proc d s de subjectivisation Chez Zola par exemple le discours indirect libre sert avant tout comme touche d authenticit langagi re dans la repr sentation des personnages contamination lexicale c est le prolongement de la v rit naturaliste la preuve de la fid lit d un narrateur t moin qui cependant maintient sa mainmise sur l ensemble de l univers narr Chez Flaubert au contraire le recours syst matique au discours indirect libre permet de mettre l imparfait et la non personne aussi bien les descriptions du monde ext rieur que celles des pens es des personnages Les deux se retrouvent ainsi au m me niveau Or l imparfait dans une narration prend en charge la dimension non dynamique
20. FJ0B605 Temps temporalit et les cat gories narratives Programme du cours 1 Temps physique biologique temps dans les cultures 2 Temps grammatical temps du discours et temps du r cit fonctions d ictiques 3 R cit contre discours ou r cit et discours 4 Subjectivit 5 Complexit de l nonciation 6 Pass simple et pass compos 7 Pass simple compos et imparfait action et description 8 nonc s singulatifs et it ratifs 9 Polyphonie du texte narrateur s 10 Personnage comme locuteur nonciateur 11 Discours rapport 12 Discours indirect libre et monologue int rieur Bibliographie MichailBachtin Cas a chronotyp Praha Odeon 1980 Roland Barthes Le degr z ro de l criture suivi de Nouveaux essais critiques Paris Seuil 1953 1972 mile Benveniste Probl mes de linguistique g n rale I Paris Gallimard 1966 G rard Genette Figures I III Paris Seuil 1972 ou Seuil coll Points C Kerbrat Orecchioni L nonciation de la subjectivit dans le langage Paris A Collin 1980 Dominique Maingueneau l ments de linguistique pour le texte litt raire Paris Bordas 1990 Dominique Maingueneau Pragmatique pour le discours litt raire Paris Bordas 1990 Jean Paul Sartre Critiques litt raires Situations D Paris Gallimard 1947 Tom SKubi ek Vyprav Brno Host 2007 Miroslav ervenka Fik ni sv ty lyriky Praha Litomy l Paseka 2003 R f rences bibliographiq
21. ani re de temps et autres portent sur le seul syntagme verbal I marche lentement Il dit souvent les adverbes de phrase portent sur l ensemble de l nonc Les uns permettent de l valuer du point de vue de sa v rit peut tre sans doute certainement d autre de sa r alit effectivement r ellement d autres sont appr ciatifs heureusement par chance c t de ces termes qui portent sur l nonc il en est qui portent sur l nonciation elle m me Ainsi dans Sinc rement je ne pense pas me tromper l adverbe qualifie l acte m me de dire je ne pense pas me tromper l image qu entend en donner l nonciateur Ce type d adverbes peut m me impliquer le co nonciateur Franchement qu en penses tu Le mot franchement cherche contraindre par avance l nonciation de la r ponse 10 5 Complexit de l nonciation R cit et discours sont des concepts linguistiques qui permettent d analyser des nonc s ce ne sont pas des ensembles de textes Rien n interdit un m me texte de m ler ces deux plans nonciatifs C est presque toujours le cas des textes litt raires qui introduisent souvent des clairages voix diff rent constituant autant de sources d valuations subjectivisantes et de modalisations Il en est de m me pour la temporalit narrative Gr ce la sp cificit de l nonciation litt raire la fois rattach e un auteur na
22. citation au discours direct suppose la r p tition du signifiant du discours cit et par cons quent la dissociation entre les deux situations d nonciation citante et cit e Elle fait coexister deux syst mes nonciatifs autonomes chacun conservant son je fu ici maintenant ses marques de subjectivit sa modalisation Notons cependant que les embrayeurs ne sont pas n cessairement distincts mais il s agit alors de co ncidence entre des r f rences parall les Je pars lui criai je les deux nonciations ont ici pour locuteurs le m me individu Alors que les embrayeurs du discours citant sont par d finition directement interpr tables dans la situation d nonciation ceux du discours cit ne peuvent l tre qu partir des indications fournies par le discours citant En l absence de renseignements compl mentaires les embrayeurs du discours direct peuvent rester opaques ne permettant pas d identifier ni personnes ni lieu ni moment Tenez mon neveu vous voyez trois arbres devant nous Eh bien au dessus de celui de gauche il y a une fontaine dans une cour Suivez le rez de chauss e la cinqui me fen tre droite est celle de Tante Dide Et c est l qu est le petit Oui je l y ai men tout l heure Zola Docteur Pascal chap IM En fait le discours direct implique une mise en sc ne de la situation d nonciation avec des indications concernant le d bit l intonation l accent
23. ct et indirect Une conception erron e entretenue par les exercices scolaires veut que le discours indirect soit le r sultat d une transformation du discours direct lequel serait en quelque sorte P original des propos rapport s Ainsi Paul a dit que Jean viendrait serait la contrepartie exacte de Paul a dit Jean viendra En fait il s agit de deux formes ind pendantes de discours rapport et il n est pas difficile de mettre en vidence un grand nombre de ph nom nes qui interdisent de passer du discours indirect un nonc au discours direct En voici deux preuves 1 Il est impossible de mettre au discours indirect nombre d l ments qui figurent au discours direct onomatop es interjections vocatifs exclamations nonc s inachev s en langue trang re etc Il m a dit que brrr Il m a dit quel homme Il m a dit que Jean est le plus 2 Il est des cas o il est impossible de remonter du discours indirect au direct en restituant le rep rage primitif Un domestique l bas m a dit d entrer ici et qu on allait avertir mon beau p re qui tait avec ma femme Marivaux Jeu de l amour et du hasard En effet le domestique a t il dit votre beau p re et votre femme interpr tation de dicto ou bien a t il employ d autres r f rents que le personnage parlant a ensuite interpr t et traduit dans ses propres coordonn es b Discours direct On dit souvent que le discours direct est la reprod
24. de l individu dont le travail physique et mental a permis de produire cet nonc le second correspond l instance qui prend la responsabilit de l acte de langage Dorante Vous tes sensible son amour je l ai vu par l extr me envie que vous aviez tant t que je m en allasse ainsi vous ne sauriez m aimer Silvia Je suis sensible son amour qui est ce qui vous l a dit Je ne saurais vous aimer qu en savez vous Vous d cidez bien vite Marivaux Le Jeu de lamour et du hasard NL 8 Silvia reprend au je les propos de Dorante mais sans les prendre son compte sans les poser comme valides elle en est bien le sujet parlant mais pas le Jocuteur En litt rature cette distinction terminologique permet de faire le partage entre l crivain homme individu social r servant une partie de ses activit s l criture et l auteur ou narrateur s il s agit de prose narrative Cet auteur ou narrateur n est en effet que le corr lat de l nonciation textuelle et n a pas d existence ind pendante de son r le nonciatif C est une r f rence d finie et construite dans le texte et par le texte au m me titre que le narrataire lecteur qui lui sera diff rent du publie c est dire le correspondant de l crivain 17 La distinction entre l crivain et l auteur narrateur permet de comprendre en outre le ph nom ne du nom de plume ou pseudonyme Leur existence
25. deux registres Voir le texte de Marguerite Duras tir de Hiroshima mon amour Le lendemain de ce jour tait in dimanche Il pleuvait J allais la ferme d Ezy Je m arr tai comme d habitude sous un peuplier le long de la rivi re 11 L ennemi arriva peu apr s moi sous ce m me peuplier Il tait galement bicyclette Sa main tait gu rie Il ne partait pas La pluie tombait drue Puis le soleil arriva dans la pluie Il cessa de me regarder il sourit et il m a demeand de remarquer comment parfois le soleil et la pluie pouvaient tre ensemble l t Je n ai rien dit Quand m me j ai regar la pluie Il m a dit alors qu il m avait suivie jusque l Qu il ne partirait pas Je suis repartie Il m a suivie Un mois durant il m a suivie Je ne suis plus arr t e le long de la rivi re Jamais Mais il y tait pos l chaque dimanche Comment ignorer qu il tait l pour moi Je n en dis rien mon p re Je me mis r ver un ennemi la nuit le jour Et dans mes r ves l immoralit et la morale se m lang rent de fa on telle que l une ne fut bient t plus discernable de l autre 12 6 Pass simple et pass compos Analyse de l article de Roland Barthes L criture du roman in Le degr z ro de l criture suivi de Nouveaux essais critiques Paris Seuil 1953 1972 et de l article de Jean Paul Sartre Explication de L tranger in Critiques litt raires Situations
26. exe Mais quelques mots peuvent encore les faire bondir vers lui de nouveau l enserrer Ces mots redout s il vaut mieux se pr parer se creuser pour les recevoir pour amortir le choc les voila il les sent qui se forment quelque part l bas il se raidit Mme Germaine Lemaire est sortie tandis qu une voix lente et grave la voix qu il conna t r pond Mais bien s r C est moi Mais non je suis chez moi encore pour un moment Vous ne me d rangez pas venez donc Je vous attends L univers apais soumis s duit s tire voluptueusement et se couche ses pieds Et lui dress tr s droit lui fort maitre de tous ses mouvements toutes ses facult s d ploy es la lucidit le courage le sens de la r ussite et du bonheur la ruse la dignit r pond avec aisance d une voix au timbre chaud si sympathique si prenant que lui m me en est s duit Bon c est magni fique Alors je vais venir Dans une demi heure peu pr s si vous voulez bien 27 Gr ce Dieu il a tenu bon il n a rien g ch Quel progr s Autrefois il aurait perdu la t te sacrifi par une faiblesse stupide ces instants une demi heure de bonheur Vingt cinqg minutes exactement Assis sur la banquette au fond de ce petit caf il peut maintenant savourer ce moment o rien encore n a commenc o rien ne peut encore tre compromis ab m o il tient encore serr contre lui son tr sor inentam absolument intac
27. gie grecque europ enne incluant l coulement cumulatif du temps mais l infl chissant en cercle Id e de l volution Giambattista Vico Principi delle scienzanuova puis le romantisme la philosophie allemande Hegel Marx et fran aise Auguste Comte mais aussi conjointement l conomie Adam Smith et les sciences naturelles Lamarck Cuvier Darwin Id e du progr s progression dans le temps accumulation quantitative accumulation qualitative transformation Le temps existe t il vraiment Qu est ce qui nous prouve le temps Y a t il un espace temps ou bien espace causalit La repr sentation du temps dans la culture europ enne est influenc e par la physique newtonienne par la philosophie h g lienne historicisme volutionnisme et le roman europ en qui est une th matisation par le r cit aventure de la probl matique d Temps cat gorie romanesque essentielle Transformation du mythe en roman narrativit Cf L vi Strauss Dum zil Gr ce ancienne Europe m di vale culture am rindienne 2 Temps grammatical temps du discours et temps du r cit fonctions d ictiques a expression du temps et de la temporalit dans la langue code grammaire Temps contenu s mantique nuit semaine X Temps rep rage coordonn es temporelles Encodage du rep rage syst me grammatical verbal temps verbaux pronominal personnes d ictiques d monstratifs pronoms possessifs adverbial
28. ilet une valise bomb e un paquet grossi rement sph rique envelopp dans un journal et maintenu par une ficelle d penaill e puis s assoit c t de vous d boutonnant son imperm able croisant sa jambe droite sur sa gauche et tirant de sa poche un hebdomadaire de cin ma couverture en couleurs dont il se met examiner les images Son profil pais vous masque celui de l eccl siastique dont vous ne voyez plus que la main pos e sur l appui de la fen tre les doigts tremblant cause du mouvement g n ral l index frappant doucement machinalement silencieusement au milieu du bruit la longue plaque de m tal viss e sur laquelle s tale vous le savez puisque vous 18 ne pouvez pas vraiment la lire que vous pouvez seulement deviner peu pr s une une quelles sont ces lettres horizontales qui vous apparaissent si cras es si d form es par la perspective l inscription bilingue Il est dangereux de se pencher au dehors E pericoloso sporgersi Michel Butor La Modification M me dans une narration qui se pose comme manant d un narrateur omniscient et paradoxalement absent du texte le narrateur occupe justement ce point virtuel de convergence de l nonciation dont le texte est le r sultat Son absence du texte trahit sa pr sence dans l nonciation d un certain type Car le texte lui assigne en retour un faisceau de propri t s 19 10 Personnage comme locuteur nonciateur L auteu
29. indre la mer Elle savait qu elle allait voir cela bient t alors qu elle ne pensait rien elle ne voulait rien d autre Son corps restait loin en arri re La lumi re continuait entrer jusqu au fond des organes Lullaby voyait avec tous ses yeux de toutes parts Elle voyait tout cela au m me instant et chaque regard durait des mois des ann es C tait comme si elle pouvait enfin apr s la mort examiner les lois qui forment le monde J M G Le Cl zio Lullaby Chaque soir il y a l action se d roule au pass une le on diff rente une po sie un conte un probl me nouveau et pourtant aujourd hui il me semble le pr sent de l nonciation que c est action pass e sans cesse la m me le on interrompue par les aventures br lantes du jour par les errances jusqu au rivage de la mer ou par les r ves Quand tout cela existe t il action pass e pr sent de l nonciation Mam pench e sur la table nous explique action pass e le calcul J M G Le Cl zio Le chercheur d or 15 8 nonc s singulatifs et it ratifs La distinction entre premier et arri re plan n est pas la seule hi rarchie que permette l imparfait Son emploi est en effet associ galement l it ration c est dire la r p tition d un m me proc s En l absence de formes de premier plan les imparfaits sont interpr t s comme it ratifs voir le texte de Proust La Prisonni re
30. iscours direct le discours indirect ne dissocie pas les deux 23 nonciations mais int gre le cit dans le citant Il constitue en fait une traduction de l nonciation cit e dans l nonciation citante avec un seul locuteur qui prend en charge l ensemble et sans reprise des signifiants du discours cit D s lors il n y a plus qu une seule situation d nonciation Et le discours cit est en quelque sorte transform en r cit int gr dans le discours citant discours et r cit sont pris ici au sens de Benveniste comme r gimes nonciatifs Toute modalisation dispara t exclamations interrogations ordres interjections Les personnes comme les d ictiques sont plac s sous la d pendance du discours citant 1 Si le discours cit comporte un jeou un tu qui ne se retrouvent pas parmi les personnes du discours citant elles sont converties en non personnes 2 Quelle que soit la forme utilis e par le discours cit je tu non personne si celle ci dispose d un correspondant dans le discours citant elle aura le statut qu elle occupe dans ce dernier Ainsi Je t aime peut tre traduit comme T a dit qu il l aimait 1 Il a dit qu il m aimait 1 et 2 Tu m as dit que tu m aimais 2 En mati re de d ictiques et des formes verbales concordance des temps on trouve le m me proc d de conversion La fluidit syntaxique carte toute rupture m me s mantique au poin
31. la division Delord eut la gauche On crut voir de loin s allonger vers la cr te du plateau deux immenses couleuvres d acier Cela traversait la bataille comme un prodige En effet le sens des nonc s n a pas a priori de r le d terminant dans la r partition des deux plans Si Heinrich Weinrich in Le Temps Seuil 1973 parle ce propos de plans Roland Barthes lui pr f re les termes de fonctions et d indices Tous les deux envisagent n anmoins une typologie sommaire de r cits r partis en r cits rapides privil giant le premier plan Voltaire 14 Candide et les r cita rythme lent Flaubert Neutralisation de l opposition Cette neutralisation ne saurait se faire au profit des formes perfectives impropres exprimer autre chose que des faits ponctuels Elle sera donc due soit l imparfait l o l imparfait peut s interpr ter comme it ratif soit au pr sent qui est le temps par excellence permettant d estomper la discontinuit entre l v nement la description et la perception des l ments statiques et dynamiques La respiration devenait de plus en plus lente et dans sa poitrine le coeur espa ait ses coups lentement lentement Il n y avait presque plus de mouvements presque plus de vie en elle seulement son regard qui s largissait qui se m lait l espace comme un faisceau de lumi re Lullaby sentait son corps s ouvrir tr s doucement comme une porte et elle attendait de rejo
32. n vais x Que je men aille Va ten b D ictiques spatiaux et temporels Rep rage absolu x cotextuel voir Maingueneau L T L pp 25 26 3 R cit contre discours ou r cit et discours Traits caract ristiques de certaines formes temporelles R cit bas sur le jeu entre le pass simple et l imparfait absence d embrayage absence de modalisation subjectivit z ro dans une narration objective Discours bas sur le jeu entre le pr sent le futur le pass compos et l imparfait embrayage modalisation subjectivisation dans un contact la fois informatif mais aussi performatif a Statut ambigu de certaines formes verbales Formes et temps compos s 1 En position non libre conjointe aux formes temporelles simples les formes compos es expriment l ant riorit Quand il a crit une lettre il l envoie Quand il avait crit une lettre il l envoyait Quand il eut crit une lettre il lenvoya Quand il aura crit une lettre il l enverra La forme d ant riorit ne porte par elle m me aucune r f rence au temps et elle doit s appuyer syntaxiquement sur une forme temporelle libre dont elle adopte la structure formelle pour s tablir au m me niveau temporel et remplir ainsi sa fonction propre Voil pourquoi il est inadmissible de dire Quand il a crit une lettre il envoya Le r gime nonciatif sera celui de la forme temporelle libre r cit pour le pass simple discour
33. nstar de la th orie linguistique de l nonciation qu est la pragmatique la question de l identit du sujet nonciateur et de distinguer trois statuts diff rents celui du producteur physique de l nonc l individu qui parle ou crit celui de je c est dire de la personne qui en se posant comme nonciateur mobilise son profit le syst me de la langue et se place l origine des rep rages r f rentiels celui de responsable des actes 1llocutoires dans la mesure o chaque nonciation accomplit un acte qui modifie les relations entre les interlocuteurs ordre promesse assertion etc Le plus souvent ces trois statuts sont assum s en m me temps par celui qui prof re un nonc En disant Je pars en vacances je suis la fois le producteur l individu d sign par je et le responsable de mon assertion Mais il faut pouvoir dissocier ces r les pour rendre compte d un certain nombre de ph nom nes linguistiques et partant de ph nom nes litt raires tant donn que la litt rature instaure un type de communication souvent bien plus compliqu et en tout cas irr ductible aux changes linguistiques ordinaires Sujet parlant locuteur nonciateur selon Oswald Ducrot Michail Bachtin puis Tzvetan Todorov polyphonie et principe dialogique Distinguons d abord le sujet parlant et le locuteur d un nonc Le premier joue le r le de producteur de l nonc
34. paupi res frip es sourire aguicheur montrant le sucre Et lui aussit t fr tillant chien ignoble dress par eux faisant le beau l il brillant de convoitise tendant le cou avidement Non ma tante vous feriez a pour nous vraiment C est s rieux vous ne plaisantez pas Ils sont chaque jour plus audacieux Ils passent toutes les bornes rien ne leur fait plus peur Aucune pudeur chez eux aucune retenue Ils fourrent leur nez partout attaquent ouvertement Plus de pr cautions m me devant les gens Pourquoi se g ner n est ce pas Tout est permis avec lui Brave imb cile si d licat Perles aux pourceaux Mais ils verront De quel bois il bondit Rira bien il court presque bousculant les passants L indignation la rage le soul vent toutes ses forces affluent il faut en profiter rester sur son lan ce sera tout de suite ou jamais Mais ne pas perdre la t te ne pas trop se h ter surtout il faudrait tout recommencer prolonger cette angoisse ce suspens Doucement l index bien enfonc dans le petit cercle de m tal pousser bien fond le cadran le laisser revenir son point de d part une lettre puis l autre maintenant les chiffres C est le premier mouvement qu il fait vers la d livrance c est un d fi qu il leur lance eux tous l bas de cette troite cabine au fond du petit bistrot en composant ce num ro un simple num ro de t l phone comme les autres en apparence et ce
35. ploi Marcel Proust la recherche du temps perdu Raymond Queneau Zazie dans le m tro Les Fleurs bleues AlainRobbe Grillet Le Voyeur Jean Paul Sartre La Naus e Les Mots Claude Simon La route des Flandres Michel Tournier Le Roi des Aulnes La Goutte d or Marguerite Yourcenar Alexis Le Coup de gr ce M moires d Hadrien Souvenirs pieux 1 Temps physique biologique temps dans les cultures Il s agit de distinguer r alit perception et repr sentation de la r alit physique biologie culture histoire expression langue repr sentation perception litt rature a Temps physique entit physique la r alit est refl t e diff remment par la physique au cours de son volution Newton construction g om trique cf la g om trie euclidienne de l espace et du temps d veloppement de la m canique temps espace homog ne une abstraction g om trique Einstein repr sentation non homog ne dynamique du temps espace relativit b Temps biologique li au v cu comment vit on le temps Henri Bergson temps x dur e le v cu psychique cf Marcel Proust le temps psychique est une dur e v cue cumulativement Biologiquement la vitesse de l coulement du temps varie avec l ge l homme se trouve 25 ans la moiti de sa vie c Temps et culture Temps mythique mythologique x temps historique cf Claude L vi Strauss x Georges Dum zil mythologie am rindienne x mytholo
36. priori statique ou dynamique En effet c est l auteur qui d cide sa fa on de modeler la sc ne narrative preuve le texte de Hugo tir des Mis rables Comparez Toute cette cavalerie tendards et trompettes au vent form e en colonnes par division descendit la colline de la Belle Allinace s enfon a dans le fond redoutable o tant d hommes d j taient tomb s y disparut dans la fum e puis sortant de cette ombre reparut de l autre c t du vallon Ils montaient graves mena ants imperturbables dans les intervalles de la mousqueterie et de l artillerie on entendait ce pi tinement colossal tant deux divisions ils taient deux colonnes la division Wathier avait la droite la division Delord avait la gauche On croyait voir de loin s allonger vers la cr te du plateau deux immenses couleuvres d acier Cela traversa la bataille comme un prodige Toute cette cavalerie tendards et trompettes au vent form e en colonnes par division descendait la colline de la Belle Allinace s enfon ait dans le fond redoutable o tant d hommes d j taient tomb s y disparaissait dans la fum e puis sortant de cette ombre reparaissait de l autre c t du vallon Ils mont rent graves mena ants imperturbables dans les intervalles de la mousqueterie et de l artillerie on entendit ce pi tinement colossal tant deux divisions ils furent deux colonnes la division Wathier eut la droite
37. qu associ un nonc o il riait en lisant O femme femme femme cr ature faible et d cevante nul animal cr ne peut manquer son instinct le tien est il donc de tromper Apr s m avoir obstin ment refus quand je len pressais devant sa ma tresse l instant qu elle me donne sa parole au milieu m me de la c r monie Il riait en lisant le perfide et moi comme un ben t Non Monsieur le Comte vous ne l aurez pas vous ne l aurez pas Ainsi le nom de qualit est il ins parable de la pr sence d une subjectivit nonciative et d actes d nonciation singuliers Il suffit qu apparaisse ce type de noms pour qu il faille restituer cette subjectivit source de l appr ciation m me si le narrateur peut s abstenir d intervenir directement pour d f rer sa voix un nonciateur personnage Selon les Boche au contraire la blanchisseuse d s sa premi re nuit s en tait all e retrouver son ancien poux aussit t que ce jeanjean de Coupeau avait ronfl Zola Assommoir Ch VII La pr sence du nom de qualit dans une phrase apparemment neutre indique qu il y a un nonciateur les Boche en l occurrence et donc qu il s agit de discours indirect libre Parmi les marques de subjectivit il faut galement accorder une place importante ces 9 adverbes dits de phrase ou modalisateurs mod lniadverbia Alors que les adverbes de m
38. quement l nonciation litt raire ou bien existe t il aussi dans la langue courante Je l ai aper u hier il tait furieux apr s Paul il allait lui casser la figure reprendre la voiture et tout annuler En tout cas son extension est due surtout la fortune du roman aux 19 et 20 si cles Le discours indirect libre a repr sent longtemps un d fi pour l analyse grammaticale On y trouve en effet m l s des l ments qu on consid re en g n ral comme disjoints la dissociation des deux actes d nonciation comme dans le discours direct et la perte d autonomie des embrayeurs comme dans le discours indirect Autrement dit si les embrayeurs se conforment la situation d nonciation du discours citant avec la concordance des temps que cela implique pour les formes verbales la modalisation de l nonciation cit e reste pr serv e En fait le discours indirect libre se d finit avant tout n gativement il n existe pas de marques sp cifiques pour cette forme de citation Seuls en sont exclus les l ments qui le rendraient indiscernables du discours direct ou du discours indirect la subordination par un verbe de locution d une part la pr sence du couple d embrayeurs je tu d autre part On peut trouver des je ou des tu il suffit pour cela que ce je ou ce tuco ncident avec le locuteur ou l allocutaire du discours citant mais en aucun cas une paire d interlocuteurs Il protesta avec une
39. r n est pas le seul pouvoir dire je dans un texte Les narrations pr sentent continuellement des personnages qui noncent au discours direct se posent en responsables de leur nonciation en locuteurs Le personnage peut passer du statut de non personne celui de locuteur le discours direct ayant la vertu d introduire dans l nonciation d autres sujets Mais il ne faut pas oublier que ces propos un niveau plus lev sont en fait plac s sous la responsabilit de l auteur qui les rapporte au m me titre que tous les autres l ments de son histoire Ce ph nom ne d ench ssement est d ailleurs r cursif le personnage locuteur peut son tour rapporter les propos d un autre personnage dans son propre r cit et ainsi de suite voir Diderot Jacques le fataliste Boccaccio Decameron Diff rente est la position de l auteur dramatique On ne peut pas dire qu il s agit d un discours direct puisque l auteur est absent et laisse les personnages dialoguer de mani re auto nome De plus le dispositif th tral repose sur une polyphonie particuli re qui distingue entre le Sujet parlant l acteur qui joue et le locuteur le r le Le th tre constitue donc un mode d nonciation singulier qui ne se laisse pas ramener malgr l illusion qu il tend imposer l usage ordinaire de la langue Il suppose en effet l ench ssement d un ensemble de situations d nonciation l
40. r un romancier on a plut t affaire aux propos d un t moin qui d ailleurs semblent peu naturels Car l adverbe involontairement associ un pass compos semblerait alors incongru seul le narrateur omniscient ayant le privil ge de juger si le geste tait involontaire Voir l effet que tire du pass compos Albert Camus dans l tranger J ai pris l autobus deux heures Il faisait tr s chaud J ai mang au restaurant chez C leste comme d habitude Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et C leste m a dit On n a qu une m re Quand je suis parti ils m ont accompagn la porte J tais un peu tourdi parce qu il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard Il a perdu son oncle il y a quelques mois J ai couru pour ne pas manquer le d part Cette h te cette course c est cause de tout cela sans doute ajout aux cahots l odeur d essence la r verb ration de la route et du ciel que je me suis assoupi J ai dormi pendant presque tout le trajet Et quand je me suis r veill j tais tass contre un militaire qui m a souri et qui m a demand si je venais de loin J ai dit oui pour n avoir plus parler 13 7 Pass simple compos et Imparfait action et description La compl mentarit aspectuelle qui existe entre l imparfait et les temps perfectifs pass simple et pass compos explique la pr sence de l imparfait
41. rrateur et au lecteur je tu ici maintenant et instituant un hors temps aoristique d un univers litt raire autonome le r cit et le discours s interp n trent Or il faut le souligner ce qui constitue la base c est le r cit Celui ci peut tre d port vers le discours Car le discours en litt rature constitue toujours un artifice il a toujours une position marqu e signifiante contact avec le lecteur avec le personnage subjectivisation dislocation du monde r f rentiel etc Toujours est il qu en litt rature le r cit comporte toujours ou presque des traces ou touches du discours notamment en ce qui concerne la subjectivisation et la pr sence de la double temporalit narrative les deux se r f rant la fois au moment de l criture et au cotexte de l histoire narr e Le malheur diminue l esprit Notre h ros eut la gaucherie de s arr ter aupr s de cette petite chaise de paille qui jadis avait t le t moin de triomphes si brillants Aujourd hui personne ne lui adressa la parole sa pr sence tait comme inaper ue et pire encore Stendhal Le rouge et le noir Probl me du JE du r cit Nous avons consid r le r cit comme un type d nonciation sans embrayeurs Cela se heurte une objection imm diate il existe de nombreux textes narratifs au pass simple qui sont associ s un je or je a t d fini comme un embrayeur En r alit il n y a pas l de contradiction Le je du
42. s arrivaient derri re Montmartre ces esp ces de grands foss s ces carr s en contre bas o se croisent de petits sentiers foul s et gris Un peu d herbe tait l fris e jaunie velout e par le soleil qu on apercevait tout en feu dans les entre deux des maisons E Germinie aimait y retrouver les cardeuses de matelas au travail les chevaux d quarissage p turant la terre pel e les pantalons garance des soldats jousant aux boules les enfants enlevant un cerf volant noir dans le ciel clair Au bout de cella l on tournait pour aller traverser le pont du chemin de fer par ce mauvais campement de chiffonniers le quartier des Limousins du bas de Clignancourt Fr res Goncourt Germinie Lacerteux Si l nonciateur prend la parole discours direct ou indirect libre il a son partenaire un co nonciateur Dans la prose narrative cette situation correspond au statut du personnage 20 principal qui occupe une position privil gi et les autres personnages Le texte litt raire a souvent une structure complexe o les diff rentes strates narratives s entre m lent et les diff rentes voix celle du narrateur et celles des personnages nonciateurs s interp n trent dans une composition polyphonique M me dans une narration en apparence simple celle qui est assum e par le narrateur seul la voix peut se d doubler c est le cas de l ironie Ici une voix garde la responsabilit et d termine l ethos
43. s pour le pr sent pass compos 2 En position libre absolue les formes compos es expriment la perfectivit Ainsi le pass compos est le parfait du pr sent le plus que parfait le parfait de l imparfait le futur ant rieur est le parfait du futur etc Mais elles peuvent exprimer aussi le pass du temps simple le pass compos est alors le pass du pr sent etc D o l ambiguit et la polyvalence s mantique des temps compos s en particulier du pass compos dans le registre du discours 1 Il est le parfait du pr sent et alors il a valeur de pr sent J ai appris qu il est d j rentr 2 Il est le pass narratif par rapport au pr sent J ai appris que tu as travaill toute la nuit C est ce deuxi me pass compos qui s oppose en tant que temps narratif au pass simple tant l un exclusif de l autre soit dans le r gime du discours pass compos soit dans celui du r cit pass simple Probl me quel statut le pass compos a t il dans cette phrase complexe Quand il est rentr il a vu que sa femme n tait pas encore rentr e b Imparfait Etant corr latif aussi bien du pass compos que du pass simple et cela sur le m me 6 plan de corr lation perfectivit imperfectivit l imparfait appara t en litt rature comme une forme permettant de n gocier le passage de l un l autre ou au contraire maintenant l nonciation dans une zone ne
44. t Le temps se tient presque immobile Les instants ferm s sur eux m mes lisses lourds pleins craquer avancent tr s lentement presque insensiblement se d placent avec pr caution comme pour pr server leurcharge de r ve d espoir Nathalie Sarraute Le Plan tarium L extrait montre clairement que le narrateur m me s il tend s effacer reste incontournable et transpara t travers les paroles comme un point de convergence des nonciations 28
45. t d exclure toute une s rie de verbes introductifs du discours rapport dans le discours direct mais qui n admettent pas la construction syntaxique convenable s obstiner poursuivre faire etc Cette int gration compl te jusqu aux embrayeurs de l nonciation rapport e a pour cons quence une fusion des voix narrateur nonciateurs personnages En litt rature le proc d s offre un jeu subtile de cache cache Donc Balbec et sans me dire qu il Morel avait lui parler d une affaire il m avait demand de la pr senter ce m me Bloch M de Charlus d clarait sans en penser un seul mot et pour les taquiner qu une fois mari s il ne les reverrait plus et les laisserait voler de leurs propres ailes Proust La Prisonni re Si dans le premier cas le mot mis entre guillemets peut tre attribu Morel dont le narrateur rel ve un tic de langage caract ristique dans le second cas le narrateur nous laisse dans le flou voler de leurs propres ailes est imputable aussi bien au narrateur qu l nonciateur Charlus 24 12 Discours indirect libre monologue int rieur a Discours indirect libre Depuis qu il a t rep r par les grammairiens il n a cess de les fasciner En litt rature on s est particuli rement interrog sur son apparition est d j dans la litt rature m di vale ou bien au 17 si cle seulement Autre probl me est il r serv uni
46. tte apparence banale a quelque chose d mouvant elle rehausse son caract re magique c est le talisman qu il porte toujours sur lui sa sauvegarde quand il se sent menac C est le mot de passe r v l aux rares privil gi s la permission de s en servir est conf r e comme la plus haute distinction Et il l a re ue il en a t jug digne lui parfaitement Mais ne pas se r jouir ne pas se glorifier trop t t tout peut encore tre perdu dans un instant il peut tre rejet vers eux ignominieusement humili vaincu ressaisi par eux aussit t leur proie pour toujours cette fois Il se sent comme un homme traqu sur un sol tranger qui sonne la porte de l ambassade d un pays civilis puissant de son pays pour demander asile La sonnerie r sonne dans le vide Chaque coup r gulier prolong tient sa vie en suspens Un d clic On a d croch C est surprenant d entendre sa propre voix comme d tach e de lui qui n est plus que d sordre d sarroi lambeaux palpitants r pondre de son propre gr tr s calmement Est ce que Mme Germaine Lemaire est l C est de la part d Alain Guimiez Ce nom Germaine Lemaire que sa voix calme prononce est un scandale C est une explosion Ce nom les ferait reculer Il ferait dispara tre de leurs visages ces coups d oeil continuels sur lui si perspicaces ces sourires entendus le bout mobile du nez de la tante cesserait de s agiter se figerait tendu perpl
47. u moment d nonciation Il exclut toute valeur durative et tout rep rage par rapport au moment de l nonciation En r gle g n rale sauf dans le cas de r cits courts cf les histoires dr les c est l histoire d un homme qui entre chez le coiffeur et demande ce pr sent ne remplace pas purement et simplement le pass simple il le suppl e localement des fins stylistiques bien d termin es Voir le passage tir de Chateaubriand p 47 remarquer la place du pr sent aoristique dans l organisation textuelle Le pr sent se greffe l aussi o le r cit peur d boucher sur une constatation d ordre g n ral une digression qui suspend l action Voir Roger Vailland p 47 48 Enfin le pr sent aoristique permet de situer l histoire dans un hors temps Voir J M G Le Cl zio La Guerre p 48 un pr sent parfaitement d shumanis et tranger Bref le pr sent aoristique ne saurait tre r duit une variante du pass aoristique c est dire du pass simple Les deux formes ne sont pas quivalentes C est pourquoi A Culioli propose pour rendre compte de cette diff rence que le rep re de ce pr sent ne soit ni li la situation d nonciation comme pour le pr sent d ictique ni coup de celle ci comme le pass simple mais situ par rapport un rep re fictif construit partir du moment d nonciation un rep re qui serait la fois coup de ce moment d
48. uction fid le du discours cit le locuteur constituant ainsi une sorte de magn tophone id al En r alit le propre du discours direct c est qu un m me sujet parlant se pr sente comme le locuteur de son nonciation X a dit et d l gue la responsabilit du propos rapport un second locuteur celui du discours direct Cette prise de distance est une mise en sc ne l int rieur de la parole mais en aucune fa on une garantie d objectivit Le discours rapport n a d existence qu travers le discours citant qui construit comme il l entend un simulacre de la situation d nonciation cit e On peut par une mise en contexte particuli re l intonation le d coupage d tourner compl tement le sens d un texte qui du point de vue de la litt rarit ne s carte pas de l original Les Provinciales de Pascal en sont une parfaite illustration il suffit de l analyser en d tail 22 coutez encore ce passage de notre P re Gaspar Hurtado De Sub pecc diff 9 cit par Diana p 5 tr 14 99 c est l un des vingt quatre P re Escobar Un b n ficier peut sans p ch mortel d sirer la mort de celui qui a une pension sur son b n fice et un fils celle de son p re et se r jouir quand elle arrive pourvu que ce ne soit pas que pour le bien qui lui en revient et non pas par une haine personnelle O mon P re lui dis je voil un beau fruit de la dirction d intention La
49. ues compl mentaires Erich Auerbach Mimesis Zobrazen skute nosti v z padoevropsk ch literatur ch Praha Mlad fronta 1998 Michail Bachtin as a chronotop Praha Odeon 1980 mile Benveniste Probl mes de linguistique g n rale I Paris Gallimard 1966 Jaroslav Fry er La gen se du sens dans la recherche du temps perdu tudes Romanes de Brno VI 1972 Vyprav v prvn osob v dne n m francouzsk m rom nu tudes Romanes de Brno X 1979 Les pr supositions dans la communication litt raire tudes Romanes de Brno XI 1980 La situation dans la communication litt raire tudes Romanes de Brno XV 1984 Ji r mek Les fonctions narratives et les r les es personnages dans le conte fantastique tudes Romanes de Brno XV 1984 Le dialogue et le m tar cit tudes Romanes de Brno XVI 1985 Le chronotope de la nuit dans le r cit fantastique tudes Romanes de Brno XXII 1993 Textes propos s pour analyse Alain Fournier Le Grand Meaulnes Michel Butor Modification Louis Ferdinand C line Voyage au bout de la nuit Albert Camus L tranger La Chute Patrick Chamoiseau Solibo Magnifique Marguerite Duras L Amant Hiroshima mon amour Gustave Flaubert Madame Bovary Andr Gide Les Caves du Vatican Les Faux monnayeurs Jean Marie Gustave Le Cl zio D sert Onitsha Le Chercheur d or Roger Nimier Le hussard bleu Georges Perec La Vie mode d em
50. un narrateur qui un moment ou un autre consid rerait de l ext rieur le personnage Dans le monologue int rieur on ne rapporte pas les propos d un personnage puisque c est la totalit de l histoire qui se trouve en quelque sorte absorb e dans la conscience du sujet qui monologue Le second point concerne plus directement la r flexion linguistique On a vu qu avec le discours indirect libre on est confront une repr sentation de la parole et non une parole v ritable La valeur expressive est conserv e mais non la valeur d interlocution Cependant dans cette forme de discours rapport l ind pendance l gard de la dimension interlocutive est contrebalanc e par une d pendance tr s forte l gard du narrateur le discours indirect libre int gre sa voix 1l l ins re dans le fil de la narration Le monologue int rieur au contraire s mancipe de l interlocution puisqu il pr tend restituer le flux de conscience du sujet son discours int rieur mais aussi du narrateur Ce faisant il se donne le droit d user d une forme de langage qui viole un certain nombre de contraintes usuelles de la communication de la correction syntaxique la clart de la d signation Discours de soi soi m me il peut ainsi se soustraire tout ce que suppose la communication publique la relation des sujets diff rents de soi Plut t que d une parole il s agit d une pens e parl e Le proc d a
51. utre celle du discours indirect libre c Pr sent Le pr sent est essentiellement le temps appartenant au discours l un des embrayeurs Mais en litt rature il est aussi utilis comme pr sent historique ou pr sent aoristique Deux faits rendent possible ce statut litt raire 1 Le caract re de l nonciation litt raire institution litt raire qui la fois marque l embrayage contact narrateur lecteur les circonstances du moment de l criture etc mais cet embrayage se fait distance subspecie aeternitatis laquelle aspire toute valeur litt raire voir les diff rents journaux intimes devenus oeuvres litt raires voir p ex LudvikVaculik La Cl des songes esk sn 270 271 et le probl me du rachat du contingent par l ternit litt raire 2 Le pr sent est une forme non marqu e et peut donc assumer le non embrayage Car rien n oblige de lier le r cit au seul pass simple cela ne pourrait tre que le cas le plus fr quent Si l on d finit le r cit comme un mode de narration sans embrayage ni modalisation il suffit qu un texte pr sente ces caract ristiques pour relever du r cit en l absence de toute forme de pass simple Le pr sent est particuli rement propice ces emplois Le pr sent aoristique ne constitue videmment pas un fait d embrayage nonciatif il n indique pas que le proc s se prolonge est ouvert droite et contemporain d
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