Le Prix Nobel de chimie
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1. ce d sir existent d j dans plusieurs pays En France nous avons r alis deux installations qui nous ont per mis r cemment d obtenir des radio l ments en quantit cent fois plus lev e que celle que nous obtenions dans nos premi res exp riences Ce rapport sera largement d pass prochainement La m thode des indicateurs radioactifs jusqu alors r serv e aux l ments de masse atomique lev e peut tre g n ralis e un tr s grand nombre d l ments distribu s dans toute l tendue de la classification p rio dique En biologie par exemple la m thode des indicateurs employant les radio l ments synth tiques per mettra d tudier facilement le probl me de la localisation et de l limination d l ments divers introduits dans les organismes vivants Dans ce cas la radioactivit sert uniquement d terminer la pr sence d un l ment dans telle ou telle r gion de l organisme Il n est pas utile dans ces recherches d introduire des quantit s importantes de l indicateur radioactif Ces quantit s sont fix es par la sensibilit de l appareil d tecteur de rayons et la grosseur de l organisme v g tal ou animal Aux endroits que l on apprendra ainsi mieux conna tre o les radio l ments seront localis s le rayonnement qu ils mettent produira son action sur les cellules voisines Pour ce deuxi me mode d emploi il sera n cessaire d utiliser des quantit s importantes de radio l ments Ceci trouvera2. fournit de nombreux exemples o les quantit s de radio l ments sont extr mement faibles impond rables et cependant on a pu par les m thodes de la radiochimie tudier correctement leurs propri t s chimiques identifier certains d entre eux comme tant des isotopes d l ments actifs ou inactifs disponibles en grande quantit Cette chimie particuli re o l on manipule des quantit s impond rables parfois de l ordre de 10 16 gr est rendue possible gr ce au fait que l on peut doser et suivre par la mesure du rayonnement mis les traces infinit simales de mati re radioactive dispers e au sein d autres mati res Si nous pouvons crire avec certitude la r action nucl aire correspondant la plupart des transmutations spontan es il n en est pas de m me pour les transmutations provoqu es Le rendement de ces transmutations est tr s faible et les masses d l ments form s en utilisant les sources de projectiles les plus intenses que nous savons produire actuellement sont inf rieures 10 15 gr repr sent es au plus par quelques millions d atomes On peut cependant d duire la nature des atomes form s avec une assez grande s curit en admettant pour crire la r action nucl aire correspondante qu il y a d une part conservation du nombre de masse d autre part conservation du nombre de charge nucl aire entre les l ments r agissant et les l ments form s C est ainsi que le noyau d aluminium capturant
3. probablement une application pratique en m decine De l ensemble des faits envisag s nous comprenons que les quelques centaines d atomes d esp ces dif f rentes qui constituent notre plan te ne doivent pas tre consid r s comme ayant t cr s une fois pour toutes et ternels Nous les observons parce qu ils ont surv cu D autres moins stables ont disparu Ce sont probablement quelques uns de ces atomes disparus qui sont r g n r s dans les laboratoires Jusqu alors seuls des l ments vie relativement br ve s tendant de la fraction de seconde quelques mois ont pu tre obtenus Pour cr er une quantit appr ciable d un l ment vie beaucoup plus longue il faudrait dis poser d une source de projectiles prodigieusement intense N y a t il aucun espoir de r aliser ce nouveau r ve Si tourn vers le pass nous jetons un regard sur les progr s accomplis par la science une allure tou jours croissante nous sommes en droit de penser que les chercheurs construisant ou brisant les l ments volont sauront r aliser des transmutations caract re explosif v ritables r actions chimiques cha nes Si de telles transmutations arrivent se propager dans la mati re on peut concevoir l norme lib ration d nergie utilisable qui aura lieu Mais h las si la contagion a lieu pour tous les l ments de notre plan te nous devons pr voir avec appr hension les cons quences du d clenchement d un pa
4. CONF RENCE NOBEL 1935 FAITE STOCKHOLM LE 12 D CEMBRE 1935 PAR IR NE JOLIOT CURIE institutCurie Ensemble prenons le cancer de vitesse C est un grand honneur et une grande joie pour nous de voir l Acad mie des Sciences de Su de nous attribuer le Prix Nobel pour nos travaux sur la synth se des radio l ments apr s l avoir d cern Pierre et Marie CURIE en 1903 Marie CURIE en 1911 pour la d couverte des radio l ments Je d sire voquer ici le souvenir du d veloppement extraordinaire de la radioactivit cette science nouvel le qui eut son origine il y a moins de quarante ans dans les travaux de Henri BECQUEREL et de Pierre et Marie CURIE On sait que l effort des chimistes du si cle dernier a tabli comme un fait fondamental l extr me solidit des difices atomiques qui constituent les quatre vingt douze esp ces chimiques connues Avec la d couverte des radio l ments les physiciens se trouv rent pour la premi re fois en pr sence de substances tranges minuscules g n rateurs de rayonnements poss dant une densit d nergie norme les rayons alpha atomes d h lium charg s positivement les rayons b ta lectrons charg s n gativement anim s les uns et les autres d une nergie cin tique qu il aurait t impossible de leur communiquer par des moyens humains enfin les rayons gamma semblables des rayons X tr s p n trants Les chimistes n eurent pas une moindre surprise en reconnaiss
5. ant dans les corps radioactifs des l ments qui subissent des modifications de l difice atomique que l on croyait immuable Chaque mission de rayon alpha ou de rayon b ta accompagne la transmutation d un atome l nergie com muniqu e ces rayons est d origine intraatomique Tant qu ils ne sont pas d truits les radio l ments ont des propri t s chimiques bien d finies comme celles des l ments ordinaires Ces atomes instables se d sint grent spontan ment les uns tr s rapidement les autres tr s lentement mais selon des r gles immuables que l on n a jamais pu influencer Le temps n cessaire pour la disparition de la moiti des atomes que l on appelle la p riode est une caract ristique fondamentale de chaque radio l ment selon les corps les valeurs des p riodes s chelonnent entre une fraction de seconde et des millions d ann es La d couverte des radio l ments a eu des cons quences immenses pour la connaissance de la structure de la mati re l tude de ces corps eux m mes l tude des effets puissants produits sur les atomes par les rayons qu ils mettent occupent les travailleurs de plusieurs grands Instituts de recherches dans tous les pays Pourtant la radioactivit restait une propri t exclusivement attach e une trentaine de corps pr sents dans la nature La cr ation artificielle de radio l ments ouvre un nouveau domaine la Science de la Radioactivit et constitue ainsi le prolonge
6. ment de l uvre de Pierre et Marie CURIE Apr s la d couverte des transmutations spontan es des radio l ments c est Lord RUTHERFORD que l on doit la r alisation des premi res transmutations artificielles Il y a de cela une quinzaine d ann es en bombardant avec des rayons alpha certains atomes l gers azote aluminium par exemple Lord RUTHER FORD mit en vidence l jection de protons ou noyaux d hydrog ne charg s positivement cet hydrog ne provenait des atomes bombard s eux m mes il tait le r sultat d une transmutation On a pu tablir avec certitude la nature de la transformation nucl aire l atome d aluminium par exemple capture la particule alpha et se transforme apr s expulsion du proton en un atome de silicium La quantit de mati re transfor m e est impond rable et seule l tude des rayonnements a conduit ces conclusions Au cours de ces derni res ann es diverses transmutations artificielles de type diff rent ont t d couvertes les unes sont produites par les rayons alpha les autres par les protons ou les deutons noyaux d hydrog ne de masse 1 ou de masse 2 d autres par les neutrons les particules neutres de masse 1 dont M le Pr CHADWICK vient de vous parler Les particules expuls es lors de l explosion de l atome sont des pro tons des rayons alpha ou des neutrons D CONF RENCE NOBEL 1935 institutCurie Ensemble prenons le cancer de vitesse Ces transformations constitue
7. nentielle carac t ris e par une p riode de 3 minutes Nous avons interpr t d une mani re semblable la production d l ments radioactifs dans le bore et le magn sium dans le premier cas il y a production d un azote instable de p riode 11 minutes dans le second cas d isotopes instables du silicium et de l aluminium CONF RENCE NOBEL 1935 FAITE STOCKHOLM LE 12 D CEMBRE 1935 PAR FR D RIC JOLIOT institutCurie Ensemble prenons le cancer de vitesse L interpr tation de nos premi res exp riences reposait ainsi que Mme JOLIOT CURIE vient de l ex poser sur des faits d ordre purement physique Nous avons pens qu il tait possible gr ce aux m thodes de la radiochimie de justifier nos hypoth ses de fournir une preuve chimique de la r alit des transmuta tions provoqu es Les premi res preuves indiscutables de la transformation d l ments en l ments chimiques diff rents ont t fournies par F tude des ph nom nes de la radioactivit Il n y a aucun doute que le radium se trans forme spontan ment en un gaz actif le radon en mettant des particules alpha ou h lions Nous pouvons crire avec certitude la r action nucl aire correspondante 1 Ra Rn T 2He car les quantit s des divers l ments entrant dans cette r action peuvent tre suffisantes pour que l on ait pu entreprendre avec succ s leur identification chimique et spectroscopique La suite des transformations radioactives
8. nt de v ritables r actions chimiques qui portent sur la structure intime de l ato me sur le noyau On peut les traduire par des formules simples ainsi que M JOLIOT vous l expliquera tout l heure Je vais pr sent vous parler des exp riences qui nous ont conduits obtenir par transmutation des l ments radioactifs nouveaux Ces exp riences ont t effectu es en commun par M JOLIOT et par moi m me et la fa on dont nous nous sommes partag cette conf rence est uniquement relative la commodi t de l expos En tudiant les transmutations avec mission de neutrons produites dans les l ments l gers irradi s par les rayons alpha nous avons remarqu certaines difficult s d interpr tation pour l mission de neutrons par le fluor le sodium et l aluminium L aluminium peut se transformer par capture d une particule alpha et expul sion d un proton en un atome stable de silicium Au contraire s il y a mission d un neutron le produit de la r action n est pas un atome connu Par la suite nous avons observ que l aluminium le bore irradi s par des rayons alpha n mettent pas seu lement des protons et des neutrons il y a aussi mission d lectrons positifs Nous avons alors suppos que l mission du neutron et de l lectron positif se produisait simultan ment au lieu de l mission d un proton l atome r siduel devait tre le m me dans les deux cas C est au d but de l ann e 1934 en tudia
9. nt les conditions d mission de ces lectrons positifs que nous nous sommes aper us d une diff rence fondamentale entre cette transmutation et toutes celles qui avaient t produites jusqu ici toutes les r actions de chimie nucl aire provoqu es taient des ph nom nes ins tantan s des explosions Au contraire les lectrons positifs produits par l aluminium sous l action d une source de rayons alpha continuent tre mis pendant quelque temps apr s l enl vement de la source Le nombre d lectrons mis d cro t de moiti en 3 minutes Il s agit donc ici d une v ritable radioactivit qui se manifeste par l mission d lectrons positifs Nous avons montr que l on pouvait communiquer de m me une radioactivit avec mission d lectrons positifs ou n gatifs au bore ou au magn sium par bombardement de rayons alpha Ces radio l ments arti ficiels se comportent en tout point comme les radio l ments naturels Reprenant notre hypoth se de la transformation du noyau d aluminium en noyau de silicium nous avons suppos que le ph nom ne se produit en deux temps il y a d abord capture de la particule alpha et expul sion instantan e du neutron avec formation d un atome radioactif qui est un isotope du phosphore de masse 30 alors que l atome stable de phosphore a une masse gale 31 Ensuite cet atome instable ce radio l ment nouveau que nous avons appel radiophosphore se d truit suivant une loi expo
10. r s lai de des projectiles protons et deutons En Italie d abord et dans d autres pays ensuite les chercheurs en particulier FERMI et ses collaborateurs utilis rent les neutrons projectiles de choix pour provoquer les transmutations Un grand nombre de nouveaux l ments furent ainsi cr s parmi lesquels le radio phos phore RP32 le radiohafnium de p riodes respectives 17 5 jours et quelques mois Actuellement on sait faire la synth se souvent par plusieurs proc d s le radio aluminium RAI28 peut tre form par des transmuta tions de 5 types diff rents de plus de cinquante nouveaux radio l ments nombre d j sup rieur celui des radio l ments naturels que l on trouve dans l corce terrestre Ce fut certainement une grande satisfaction pour notre regrett Ma tre Marie CURIE d avoir vu ainsi se prolonger cette liste des radio l ments qu elle avait eu en compagnie de Pierre CURIE la gloire d inaugurer D CONF RENCE NOBEL 1935 institutCurie Ensemble prenons le cancer de vitesse La diversit des natures chimiques la diversit des vies moyennes de ces radio l ments synth tiques per mettront sans doute des recherches nouvelles en biologie et en physicochimie Pour mener bien ces tra vaux il sera n cessaire de disposer de quantit s relativement importantes de ces radio l ments C est en employant des projectiles acc l r s artificiellement que l on atteindra ce but Des dispositifs r pondant
11. reil cataclysme Les astronomes observent parfois qu une toile d clat m diocre augmente brusquement de grandeur une toi le invisible l il nu peut devenir tr s brillante et visible sans instrument c est l apparition d une Novae Ce brusque embrasement de l toile est peut tre provoqu par ces transmutations caract re explosif pro cessus que les chercheurs s efforceront sans doute de r aliser en prenant nous l esp rons les pr cautions n cessaires 1 On porte en haut et gauche du symbole chimique le nombre de masse en bas et gauche le nombre de charge nucl aire 26 rue d Ulm 75248 Paris cedex 05 www curie fr Fondation priv e reconnue d utilit publique depuis 1921
12. traces de phosphore se seraient s par es de l aluminium dans les m mes conditions Enfin l aluminium activ peut tre dissous dans un m lange acide oxydant A la solution on ajoute une peti te quantit d un phosphate de soude et d un sel de zirconium et l on constate que le phosphate de zirconium en pr cipitant entra ne l l ment radioactif Ces exp riences dans le cas de l aluminium sont d licates car elles doivent tre effectu es en 6 minutes environ la vie moyenne des atomes radioactifs form s tant inf rieure 5 minutes Des essais chimiques du m me genre nous ont montr que le radio l ment form dans le bore sous l action des rayons alpha est un isotope de l azote Nous avons propos d appeler ces radio l ments nouveaux isotopes n existant pas dans la nature d l ments connus radioazote radiophosphore radioaluminium dans le cas du magn sium irradi par des rayons alpha et de les d signer par les symboles RN13 RP30 RAI28 Aussit t apr s ces premi res recherches nous avons sugg r que le m me ph nom ne pouvait avoir lieu pour des types de transmutations provoqu es par le choc d autres particules que les rayons alpha par exemple par les protons les deutons les neutrons Ces exp riences furent reprises et d velopp es dans plusieurs pays En Angleterre et aux tats Unis o les physiciens disposent d installations de tr s hautes tensions divers l ments nouveaux furent pr pa
13. un h lion doit se transformer en silicium lorsqu il y a mis sion d un proton MAI iHe Si iH 27 4 30 1 13419 14 1 L atome form est tr s probablement le silicium mais cet l ment tant pr sent en quantit infinit simale il n est pas possible de l identifier chimiquement Au contraire lorsque l atome form est radioactif nous pou vons l identifier en appliquant les m thodes de la radiochimie Dans le cas par exemple o l Aluminium irra di par les rayons alpha met des neutrons la r gle pr c dente permet d crire la r action de transmuta tion suivante MAI He P on D CONF RENCE NOBEL 1935 institutCurie Ensemble prenons le cancer de vitesse L atome form tant radioactif nous pouvons v rifier qu il poss de les propri t s chimiques du phosphore tube de verre parois minces solution CLH feuille d aluminium pre alablement irradiee Fig 1 Une feuille mince d aluminium pr alablement irradi e par les rayons alpha est attaqu e et dissoute dans une solution d acide chlorhydrique fig 1 La r action chimique produit de l hydrog ne naissant qui entra ne l l ment radioactif dans un tube parois minces sous une cloche eau Cette s paration montre avec certitude qu un l ment chimique diff rent de l aluminium a t form lors de l irradiation par les h lions Elle fournit une preuve indiscutable des transmutations provoqu es d autre part des
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