Texte de Vincent Coussedière 2012 - Kristian Desailly
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1. KRISTIAN DESAILLY http kristian desailly free fr Je voudrais m veiller du r ve de l Histoire N tant pas po te je ne d crirai pas l uvre de Kristian Desailly Il n est d acc s l uvre que par l uvre elle m me Certes une traduction ou une transposition sont en partie possibles dans l univers des mots Il me semble que Pierre Jourde est le premier s tre avanc sur cette voie avec bonheur Contournant la difficult je ne parlerai donc pas directement de la peinture de K Je d crirai la situation qui est la n tre aujourd hui rendant la rencontre avec cette uvre n cessaire bien qu improbable On croyait en effet apr s Hegel que l art avait achev sa course a fortiori la peinture abstraite sens e en tre le cr puscule En philosophie ne r gnent pas seulement des concepts mais aussi d tranges notions mi concepts mi m taphores ou mythes Il s agit d tres un peu hybrides comme ceux qui peuplent les tableaux de notre peintre On a l impression de saisir un contour une limite et voici que la figure clate ou se disperse et s ouvre sur autre chose qu on n avait pas vu ou qu on croyait contraire Il en est ainsi de l trange et sombre diagnostic h g lien de la mort de l art L Art reste pour nous quant sa supr me destination une chose du pass Il est deux mani res de tenter d chapper au constat effectu par Hegel comm2. Orgie d art Orgie de politique Orgie de sexe Orgie d Histoire Les hommes continuent de na tre et de mourir de cr er des uvres de produire des connaissances d accumuler des richesses de parcourir le monde Mais ce faisant ils ne manifestent pas de nouvelles possibilit s humaines Ils ne font que r p ter ce qui a d j t accompli par d autres hommes avant eux Ils sont les spectateurs de l essence accomplie de l homme Les Touristes du monde Fascin s par ce spectacle un Baudrillard un Muray un Houellebecq aujourd hui n ont pas su d tourner le regard Ou tout simplement demeurer indiff rents Placez vous face une toile de Desailly et fr quentez l homme Vous comprendrez qu il y a une autre possibilit Laissez venir vous l apparente violence expressionniste des toiles Gagnez l il du cyclone L tout est paisible Le calme et la s r nit d une pr sence pleine vous gagnent Une phrase de Joyce vous revient Je voudrais m veiller du r ve de l Histoire KRISTIAN DESAILLY http kristian desailly free fr Une nouvelle et pourtant tr s ancienne figure du divin merge Regardez Les dieux sont multiples Vous l avez toujours su Lorsque vous couriez dans la montagne Lorsque vous aimiez une femme Lorsque vous buviez un verre de vin Lorsque vous contempliez l enfant qui joue Et le chat maintenant qui traverse la maison Regardez Ce sont ces m mes dieux que D
3. e de K Voici ce qu indique l uvre de K quelque chose cherche une place dans un monde qui ne lui fait place que sur le mode p rim de l uvre d art Quelque chose de matinal et d h sitant qui ne s expose pas seulement dans les KRISTIAN DESAILLY http kristian desailly free fr vernissages et les galeries Quelque chose qui ne s expose pas mais se pose l tout simplement au bord du chemin Au milieu des pierres s ches centenaires et des r serves de bois noueux amass es pour faire face l hiver Il faut fuir les expositions et leurs files d attentes interminables Il faut plut t aller sur les chemins Plus haut m me l o l air se rar fie et emp che tout bavardage On cherche le meilleur passage sur l boulis De temps autre une pierre fait un claquement sec et en entra ne plusieurs sa suite On est encore dans l ombre de la paroi Il fait frais c est encore le matin L haut le soleil jette ses premiers ors sur le granit On est pr t pour une rencontre avec K On ne le cherchera pas dans les vernissages o il fait parfois semblant d tre Lorsqu on l interroge il prend la tangente par le rire ou un haussement d paules ou encore par une parole dont l h sitation dissuade d aller plus loin Perplexe on retourne alors devant les toiles sans le mode d emploi attendu Et c est tr s bien ainsi What are you doing after the orgy demandait Baudrillard
4. e il est deux mani res de tenter d chapper toute mort La premi re la KRISTIAN DESAILLY http kristian desailly free fr plus commune est l oubli Le refuge dans l illusion de la vitalit ternelle de l art C est l attitude de la majeure partie de la critique Il s agit d oublier la pertinence de l analyse h g lienne ou de l ignorer De faire comme si le mort n tait pas mort mais vivant De c l brer sans cesse l art et les artistes De r p ter en boucle l expression spectacle vivant alors qu on est soi m me mort ainsi que les uvres qu on commente Plus subtilement avec Derrida et ses pigones on assignera ontologiquement l art son statut de spectre L art ne peut pas mourir parce qu il n a jamais t vivant Il a toujours t la mise en forme de sa propre disparition et de son impossibilit L art peut donc ind finiment se poursuivre et le commentaire des critiques avec lui Comment au contraire tre fid le ce qui meurt C est la question que n ont jamais cess de poser un Jean Clair ou un Philippe Muray La deuxi me mani re d chapper au constat d Hegel est de le radicaliser Il faut alors endurer cette mort de l art La porter en soi au pris d une m lancolie sans fin Etre hant par la lumi re projet e sur toute chose par le souvenir de ce qui est mort Lumi re semblable la lumi re d une toile qui nous parvient alors qu elle est d
5. e qu il avait faire Il a peint Il a h rit d une tradition que d aucuns appelleraient abstraite Mais il faut se m fier de ces concepts qui d coupent l histoire de l art en p riodes se contestant et se d passant les unes les autres et allant vers un ach vement Ainsi dans une perspective h g lienne la peinture abstraite serait le signe de l ach vement et de la mort de l art L art n ayant plus rien dire ayant exprim enti rement l Id e n aurait d autre choix que de se prendre lui m me comme sujet Ayant rompu avec le monde commun un monde d termin par la science et la technique et dont l Id e serait repr sent e par elles l artiste exprimerait une subjectivit vide s par e du monde concret une originalit pure Renversant la perspective h g lienne un Michel Henry dira que toute peinture est abstraite y compris la peinture figurative ce qui est une mani re assez r jouissante il faut l avouer de mettre un peu de d sordre dans les th ories critiques De la m me mani re Kristian Desailly en passant de l abstraction la figuration et l illustration et vice versa prendra quelque libert avec les courants et les p riodes Il est vrai que ceux ci n existent que dans la t te des th oriciens Les p riodes ne s opposent pas Elles ne peignent pas non plus remarquez Il n y a que les peintres qui peignent et ventuellement font une uvre Comme cell
6. epuis longtemps teinte Il s agit de rechercher le point o tout a bascul De se reprocher de n avoir pu l anticiper ou de n avoir su saisir un autre possible De n avoir pu retenir le cours des choses comme on peut se reprocher de n avoir pas t suffisamment pr sent la mort de l tre cher parce que tel mot ou tel geste auraient peut tre pu prolonger son existence Le Critique se fait alors gardien de l art du pass Conservateur Conservateur de l art comme chose du pass Ce qui fait appara tre quel point l art actuel est en comparaison chose morte Contemporains des gardiens de la disparition de l art comme des garants autoproclam s de sa vitalit il nous semble qu une autre voie est possible Une voie v ritablement fid le au diagnostic h g lien parce qu elle le conserve tout en le surmontant Comme il est sans doute possible d tre fid le la mort de KRISTIAN DESAILLY http kristian desailly free fr l tre cher en faisant davantage que simplement lui survivre mais en ne niant pas non plus le manque qu il creuse Quelque chose continue apr s que l art et l histoire ont achev leur course C est ce quelque chose que nous indiquent l uvre et la vie de Kristian Desailly Qu a fait Kristian Desailly pour appara tre ainsi inentam solide comme un roc apr s que les vagues rageuses de la critique et de la contre critique se sont retir es Il a fait c
7. esailly partage avec vous et qu il vous fait voir travers ses toiles Ce sont des dieux qui surgissent au c ur du quotidien Et pourtant pareils aux dieux d Epicure ils ne s occupent pas des hommes Vincent Coussedi re Geishouse 2012 Professeur agr g de philosophie Auteur d loge du populisme paru chez Elya ditions en 2012
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