L`élection à l`ère d`Internet
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1. Chapitre 2 L LECTION L RE D INTERNET PERSONNALISATION EGO ISATION ET D SACRALISATION DES RITUELS POLITIQUES Marc Ab les analyse de l lection pr sidentielle de 2007 met en vidence une transformation majeure de la vie politique avec l entr e en force d internet Il ne s agit pas seulement d une innovation technologique son usage modifie en profondeur la repr sentation des relations entre citoyens et candidats En prenant pour fil conducteur la comparaison entre cette lection et les pr c dentes on peut montrer en quoi l intervention du citoyen internaute s inscrit dans un vaste processus de reconfiguration de la sc ne politique Jusqu ici ce qui avait retenu l attention des observateurs c tait le caract re de plus en plus accentu de la personnalisation du pouvoir cons quence de l lection au suffrage universel d un pr sident devenu la cl de vo te du syst me politique Charles de Gaulle et ses succes seurs ont incarn jusque dans ses exc s cette personnalisation Dans une certaine mesure on renouait avec la monarchie sans pour autant que les partis politiques soient ray s de la carte Ils sont devenus avant tout des machines plus ou moins puissantes et efficaces se vouant produire et soutenir les candidatures partir du r f rendum sur le TCE en 2005 avec l acc s aux m dias de plus en plus r pandu dans la soci t on va voir interf rer deux processus d une part l exacerbation2. colmater les br ches sans pour autant ma triser les mouve ments d une conomie mondiale tr s labile et dont les flux n ont que faire des fronti res Du point de vue anthropologique ce qui s impose c est la perspective du risque et de la pr carit Les d buts du xxie si cle sont ins parables de cette appr hension de menaces non seule ment sur le plan conomique et social mais aussi dans le domaine de l cologie la d t rioration de la nature le r chauffement de la pla n te et de la g opolitique le nucl aire le terrorisme On ne s ton nera pas que la question de l avenir incertain vienne sur le devant de la sc ne Pour reprendre une opposition d velopp e plus loin la pro bl matique de la survivance obnubil e par les menaces du futur prend le pas sur l int r t traditionnel pour la convirance l tre ensemble dans la cit 64 CONTINUERLA LUTTE COM La finalit de l action politique a longtemps t con ue comme visant l am lioration de cet tre ensemble et le d bat portait sur les moyens d y parvenir les uns privil giant la justice sociale et les autres l initiative individuelle Aujourd hui on attend de la politique non pas un mieux mais un moins pire la possibilit de conjurer les menaces qui p sent sur l avenir Ce n est pas un hasard si le th me du d veloppement durable a rencontr un tel cho de m me que la r f rence au principe de pr caution Dans cette optique le r sultat du
3. d o l importance attribu e aux niveaux local et r gional dans l analyse des demandes politiques Alors que traditionnellement la d mocratie consistait avant tout dans l expression d une exigence partag e par le plus grand nombre le demos il s agit ici de favoriser la prise de parole individuelle sur une multitude de sujets Le royalisme pouvait appara tre en phase avec les formes les plus en vogue de spectacle t l visuel et le succ s des radios o les auditeurs interviennent au m me titre que les chro niqueurs sp cialis s Ce que la candidate et son quipe avaient bien compris C est que l exigence n tait pas tant la production d une opinion majoritaire que la possibilit pour le plus grand nombre d entrer dans le d bat d exprimer une opinion Si l on admet que les vrais artisans du non au r f rendum euro p en de 2005 sont ceux qui sans rel che sont intervenus sur le web alors que les grands m dias diffusaient la parole dominante celle d en haut droite comme gauche on comprend que cette strat gie par le bas ait t payante contrario le fait que Laurent Fabius n ait pas engrang les dividendes de sa campagne pour le non est symptomatique Le non s inscrivait dans le sillage de cette multitude de prises de parole qu aucun leader ne pouvait pr tendre domesti quer La premi re cons quence en tirer consistait faire de la politique non pas selon le vieux principe qui consiste d livr
4. r f rendum de 2005 la victoire du non est tout fait symptoma tique Le tournant de la campagne a t on s en souvient la controverse sur le projet de directive du commissaire Bolkestein et de mani re plus caricaturale mais combien efficace l image du plombier polonais Dans ce contexte voter contre c tait appliquer le principe de pr caution se pr munir contre la possibilit d une d t rioration de la situation de l emploi Il ne s agit pas ici de juger de la validit ou de la rationalit des choix lectoraux Ce qui appara t en pleine lumi re c est l impact de la globalisation et des repr sentations qu elle induit On remarquera cependant que cette question demeure en retrait dans le discours des candidats Leurs programmes concernent avant tout les pr occupa tions imm diates et gr nent des mesures dans tous les domaines qui rel vent de la politique int rieure En revanche on discerne dans les r actions du public dans les h sitations d une partie de l lectorat l indice d un r el scepticisme sur la capacit des futurs gouvernants quels qu ils soient affronter des forces globales face auxquelles le politique n a qu un impact marginal D o ce paradoxe apparent les citoyens se passionnent comme auparavant pour la joute pr siden tielle mais ne voient plus dans l exercice du pouvoir l chelle nationale la cl du changement dans l ordre global le d tenteur du pouvoir a perdu de
5. de la personnalisation et d autre part et c est l la grande nouveaut ce que j appellerais l ego isation de la sph re publique D sormais le citoyen lecteur se caract rise moins par la nature de ses convictions qu il ne se d finit comme sujet souverain libre arbitre agissant Toute l lection de 2007 se joue dans l interpellation permanente par les protagonistes de la comp tition pr sidentielle de ce sujet souverain qui est en mesure d interagir selon sa volont avec les candidats L lection pr sidentielle comme un rituel politique Traditionnellement l lection du chef de l tat est un moment cl de la vie politique non seulement parce que les pr tendants exposent 60 CONTINUERLA LUTTE COM leurs projets mais aussi parce que les citoyens ont leur mot dire et d cident par leur vote de l issue du combat La campagne est un rituel politique grand spectacle Comme tous les grands rites cet v nement revient de mani re cyclique et ponctue le processus poli tique Il marque la fois la fin d un r gne et le d but d une re nouvelle 11 suscite ainsi une attente m me si chacun sait d avance comment les choses vont se d rouler durant la p riode de campagne Un rituel codifi Par nature le rite est synonyme de r p tition il proc de selon des r gles pr cises En l occurrence une candidature n est valid e que si certaines exigences sont remplies l obtention de cinq cents signa ture
6. fin On peut lire et relire l histoire elle r serve toujours quelque surprise sans perdre de sa fra cheur C est une exp rience de ce genre que nous r serve l lection pr sidentielle Certes selon les crus il y a plus ou moins d inattendu les p rip ties sont plus ou moins spectaculaires En tout cas il y a sans nul doute une attente Son objet est facile cerner c est le duel Lorsqu on entre dans une p riode lectorale on se pr pare suivre un affrontement qui s il A 61 L lection l re d internet met dans un premier temps plusieurs challengers en lice se r sorbera en un duel au sommet Ce duel qui constitue le c ur de l lection se mat rialise dans le face face t l vis entre les candidats du second tour Il marque la fois le point de tension le plus lev et la fin de la campagne Mais les citoyens ne sont pas des spectateurs passifs d eux d pend le destin des candidats Ils ont entre les mains les cl s de l lys e et ils sont pr sents au travers des sondages toutes les tapes de ce processus L lection pr sidentielle est un ritual drama Cette notion pro duite par l anthropologue Max Gluckman pour rendre compte des transitions dans les monarchies africaines traditionnelles s applique parfaitement au contexte fran ais Dans le r gime de la Cinqui me R publique marqu par la centralisation et la personnalisation du pouvoir certains y voient une v ritab
7. m diatisation cr e de fait un terrain min et ceux qui aujourd hui sont les chouchous peuvent demain faire les frais de l int r t m me qu ils ont suscit Royal et Sarkozy sont des bons clients pour reprendre une des expressions favorites des journalistes mais d autant plus susceptibles d tre d s tabilis s la moindre anicroche L lection est un spectacle et si le feuilleton conna t des rebonds multiples rien de tel pour captiver le public D o cette abondance d v nements anecdotiques aussi vite oubli s que mont s en pingle qui rythment la campagne Parmi eux bien s r toute affaire qui pourrait faire tr bucher les princi paux challengers d o l int r t manifest pour le patrimoine et les feuilles d imp ts Remarquons que pour lors ce qui rel ve de la vie intime famille sexualit demeure pour longtemps encore hors champ Pour le reste les rumeurs ou la suspicion trouvent un cho non seulement dans la presse et l audiovisuel mais sont en outre r percut es amplifi es par le web Certaines sc nes enregistr es l insu de leurs protagonistes sont parfois diffus es sur la toile avec des effets plus ou moins d vastateurs On se souvient notamment d une conversation o S gol ne Royal remarquait que les enseignants pourraient travailler plus et qui fut diffus e quelques jours du vote des militants socialistes Autre exemple une conf rence Sciences Po o Alain Duhamel fai
8. person nes tr s vari es d o un large spectre d interventions allant du commentateur sp cialis l individu lambda Une prise de parole facilit e Le r seau est devenu un moyen d expression incontournable Le sentiment qu il est possible de se faire entendre d un grand nombre lorsqu on d livre son message sur le r seau cr e une v ritable ivresse De m me la possibilit de r agir en temps r el et de dialoguer avec d autres propos de l actualit br lante est v cue comme une affir mation de libert On peut noncer ses dol ances dire leur fait aux politiques avancer des propositions concr tes D sormais les lec teurs ne sont plus simplement un public pris t moin par les candi dats qu ils essaient de convaincre et de s duire Dans la sc nographie traditionnelle les repr sent s disposent du bulletin de vote mais sont vou s au r le de spectateurs passifs durant la campagne moins qu ils n appartiennent une organisation poli tique Internet offre le moyen de p n trer dans l espace public comme porteur d une capacit d initiative Un des sites ayant connu un suc c s imm diat durant la campagne est celui de l crivain Alexandre Jardin commentonfait fr qui part de l id e que l essentiel d une d ci sion politique r side dans son ex cution Il ne suffit pas de faire des 67 68 CONTINUERLA LUTTE COM propositions encore faut il se donner les moyens de les concr tiser O
9. re de gouvernement de la cit et les modes d intervention dans le d bat public L id e que la politique pouvait transformer la soci t voire m me changer la vie comme le proclamait la gauche en 1981 a fait long feu Cela tient en partie ce que les coh rences id ologiques qui orientaient les parties adverses se sont passablement dilu es laissant place dans les diff rents camps des propositions plus pragmatiques Les alter nances successives et l incapacit de la gauche et de la droite tenir leurs promesses notamment sur la question de l emploi ont rendu l opinion sceptique quant l efficacit des programmes conomiques et sociaux l re du global Nous sommes entr s dans l re du global marqu e par la toute puissance des march s financiers et l interd pendance de plus en plus troite d conomies domin es par les strat gies des grandes firmes transnationales L une des cons quences de cette situation est une perte d autonomie et d initiative des pouvoirs politiques nationaux On en fait presque quotidiennement l exp rience avec les suppres sions d emplois et les d localisations qui r pondent des logiques exog nes L tat ne peut pas tout d clarait le Premier ministre Lionel Jospin faisant face une crise de ce genre C tait reconna tre les limites de la gouvernance nationale Certes dans le monde d aujourd hui les tats sont encore bien pr sents mais leur r le consiste
10. s lection des candidats jusqu alors chasse gard e des partis politiques devient cr dible La proc dure des primaires concr tiserait l mergence d un genre in dit de relations plus directes et dialogi ques Certains voient dans cette nouvelle sph re publique les conditions m mes de la r surrection du d bat politique comme si la verticalit et l asym trie qui vont de pair avec l adh sion un lea dership allaient comme par enchantement laisser place une r o rientation des processus vers plus d horizontalit et d interactivit Cette ego isation de la d mocratie accompagne la d sacralisation du pouvoir et son intense personnalisation Elle imprime d sormais sa marque la politique du xxre si cle
11. sidentielle telle qu elle est mise en spectacle dans les diff rents pisodes de la campagne est ins parable d une culture politique o l affrontement joue un r le essentiel Cela s observe l Assembl e nationale o la d lib ration l gislative donne le plus souvent mati re r affirmation des clivages entre droite et gauche Lorsqu on se trouve dans l h micycle on per oit presque physiquement cette tension permanente Dans ces conditions il n y a pas s tonner que l lection pr sidentielle refl te l exacerbation des contraires La politique en mutation Quelque chose a pourtant boug depuis quelques ann es Non point tant au sein des forces politiques en pr sence o l opposition entre les deux grandes polarit s de gauche et de droite est inscrite au c ur de la vie publique qu au niveau des relations que les Fran ais entretiennent avec la politique En premier lieu alors qu on a sou vent fait tat d une d saffection croissante des citoyens ces derniers 2 Marc Ab l s L chec en politique Belval Circ 2005 3 Marc Ab l s Un Ethnologue l Assembl e Paris Odile Jacob 2000 z de vea 63 L lection l re d internet se sont montr s au contraire tr s int ress s par la campagne de 2007 En t moignent l inscription massive sur les listes lectorales et la part prise dans le quotidien par les discussions politiques Ce qui change en profondeur ce sont les attentes en mati
12. ale de m me que l attitude du candidat la petite phrase qu on retiendra dans la s quence au journal t l vis On peut donner l exemple du d placement au Mont Saint Michel de Nicolas Sarkozy apr s avoir t d sign candidat par son parti C est tr s symbolique de ce que l homme a fait de mieux c est symbolique aussi des uvres de l homme c est symbolique de ce qu on peut faire pour arranger les choses c est symbolique de la rencontre entre une R publique la que et en m me temps une spiri tualit qui a compt dans l histoire de France Lieu de spiritualit symbole de la France ternelle le Mont Saint Michel menac par l ensablement est aussi le plus grand chantier de d veloppement durable de France Ainsi le candidat donne voir la fois son attachement au patrimoine et l histoire son int r t pour la dimen sion cologique et son souci d assurer l harmonie entre la cs et reli gieux On notera que pour une fois le pr sidentiable a d laiss la cravate pour un col roul bleu afin de signifier le caract re plus personnel plus intime de cette visite peu apr s le meeting de Bercy o il avait t adoub par l UMP en grande liesse Seule fausse note dans sa volont de s inscrire dans la grande tradition des pr sidents de la Cinqui me R publique et de faire un clin d il la gauche le voil qui citant Fran ois Mitterrand lui attribue tort la fameuse r plique de Val ry Gisca
13. and West 1963 62 CONTINUERLA LUTTE COM r plique imm diatement en d non ant le d lit de sale gueule Dans un ouvrage ant rieur j ai analys les volte face de Lionel Jospin l une de ses faiblesses fut sans aucun doute sa difficult assumer la position du tueur n cessaire dans ce duel mort Qu on se souvienne du d bat t l vis entre Fran ois Mitterrand et Jacques Chirac en 1988 o la relation agonistique atteint son paroxysme quand le second somme le premier de le regarder dans les yeux et quand Jacques Chirac ayant pris le parti d appeler le pr sident sortant M Mit terrand se voit sans cesse qualifi de M le Premier ministre et finit par tr bucher en pronon ant un M le Pr sident qui appara t imm diatement comme la reconnaissance de sa propre subalternit L attrait du public pour ces d bats ne tient pas tellement leur contenu puisqu ils ne font que reprendre les arguments d velopp s pendant la campagne C est l affrontement des personnalit s qui retient principalement l int r t et la mani re dont les tensions s expriment sur le plan motionnel et dans des formules qui font ou non mouche comme le fameux vous n avez pas le monopole du c ur lanc par Val ry Giscard d Estaing Fran ois Mitterrand en 1974 ou lors du d bat de 1981 cette r plique du second au premier qui le traitait d homme du pass vous tes l homme du passif La dramaturgie pr
14. des ego est avant tout soucieuse de v cu elle nonce d nonce les difficult s quotidiennes et r clame des r sultats En m me temps la conscience en creux des limites de l action politique nationale contribue dessiner un paysage singulier Conclusion L lection pr sidentielle de 2007 offre ainsi un v ritable prolonge ment au processus qui s tait enclench lors du r f rendum de 2005 Depuis lors la mont e d internet a pris toute sa place au c ur du paysage m diatico politique L erreur serait toutefois d en sur valuer L lection l re d internet l impact Aujourd hui toutes les forces en pr sence se sont appropri l outil il a perdu le pouvoir de fascination qu il pouvait exercer lors de son apparition Cependant il est clair que l une des cons quences des processus interactifs suscit s par les usages de cette technologie est de remettre en cause une certaine forme de sacralisation du pou voir Non pas que la monarchie r publicaine ait proprement parler disparu En termes de pouvoir la pr sidence n a fait que se renforcer dans la derni re d cennie C est dans la sph re des repr sentations que s est produit le changement le plus notable La possibilit d inter peller le pouvoir directement gr ce l outil informatique modifie la vision longtemps pr dominante du d calage entre gouvernant et gouvern s L id e que ceux ci peuvent intervenir jusque dans le pro cessus de
15. ditionnels de la repr sentation politique d un c t les protagonistes leaders et de l autre les spectateurs lecteurs se trouvent de plus en plus chahut s par l interactivit des ego qui p n trent leur tour dans l ar ne leur mani re les m dias refl tent bien cette mont e en puissance de la d mocratie des indivi dus Les programmes phares de la campagne projettent les citoyens sur le devant de la sc ne Ce qu on retient avant tout de ces missions ce n est pas tant le contenu des r ponses que la relation que les candidats instaurent avec le public Personnalisation rapport mo tionnel voire compassionnel entre l lu et le peuple n a t on pas affaire une nouvelle forme de populisme dans un type de perfor mance qui incite la d magogie en l absence de v ritable d bat politique On n est pas loin de certaines formes de jeu t l visuel le candidat se trouve face un jury qui au final d signera le candidat liminer Ce qui est s r c est que cette mise en spectacle de la politique d sacralise les lus en visant produire une image des citoyens comme v ritables protagonistes de l lection De mani re convergente des sites internet et des programmes t l vis s captent cette qu te d expression et d initiative qui est l une des donn es nouvelles de la campagne alors que semble se dissoudre tout int r t pour les d bats id ologiques sur la mondialisation le lib ralisme etc La d mocratie
16. er un message face des lecteurs somm s de prendre parti mais jouer plus fin Qu est ce dire D abord la notion de programme politique devient obsol te Il faut plut t accompagner cette opinion en train de na tre travers les multiples expressions qui surgissent sur les r seaux La meilleure position pour maintenir son leadership c est d viter de priver les individus de d bat C est ce qu ont compris les principaux candidats Chacun sa mani re a cherch se montrer le moins p remptoire possible et s est attach capter la pr occupation largement partag e par les lecteurs d intervenir en politique comme des citoyens pourvus d une autod termination individuelle et non fondus dans la masse A t on assist au triomphe de la d mocratie individualiste li e l affaissement des grands clivages id ologiques o l affirmation des diversit s se substitue aux oppositions frontales 69 70 CONTINUERLA LUTTE COM C est ainsi qu il faudrait alors interpr ter l cho recueilli par le dis cours de Fran ois Bayrou visant transcender l antagonisme entre gauche et la droite Non pas un quelconque attrait pour une nouvelle mouture de la troisi me force mais l id e que le champ politique est ouvert qu on peut le remodeler au gr des exigences des individus citoyens Une d sacralisation des lus Il y a l n en pas douter une inflexion profonde de la pratique politique Les param tres tra
17. la parit au plus haut niveau Les autres raisons g n ralement invoqu es pour expliquer le succ s de la candidate furent qu elle avait su recueillir la sympathie des m dias et de l opinion ce qui a fortement pes sur la d cision de son parti Des citoyens participants Mais l int r t qu a suscit la candidature Royal est ins parable de cette mont e en puissance de formes nouvelles d expression qui bousculent la relation traditionnelle des leaders politiques la soci t civile la diff rence de ses coll gues f minins comme masculins qui continuaient fonctionner dans les codes et les contraintes des appareils politiques S gol ne Royal a choisi de privil gier d autres m thodes La cr ation de son site D sirs d avenir s inscrit dans cette perspective S adresser aux internautes en faire des intervenants directs dans l laboration d un livre programme cette strat gie a recueilli d embl e un cho positif car elle prenait en compte l engouement pour la soci t des r seaux et la soif d expression des individus stimul e par ce cadre propice la discussion 3 L lection l re d internet Le royalisme mettait en avant la d mocratie participative et le refus du clivage entre les gens d en bas et les lites Il exaltait la d mocratie de proximit et pr nait une m thode de gouvernement qui prenne pour point de d part la r alit des probl mes v cus par les gens dans leur quotidien
18. le monarchie pr sidentielle le changement de titulaire rev t un relief tout particulier Un rituel dramatique Les lections les plus r centes ont atteint un haut degr de drama tisation en raison de la violence des affrontements qu elles ont susci t s On se souvient de la confrontation entre douard Balladur et Jacques Chirac en 1995 Le premier avait acc d Matignon deux ans plus t t avec la b n diction du second Progressivement la rela tion de confiance entre les deux hommes se d lita Faisant ses preu ves comme Premier ministre acqu rant une certaine popularit douard Balladur se sentit pousser des ailes Jacques Chirac de son c t se voyait de plus en plus rel gu au r le de chef de parti La pr sidentielle fut marqu e par un impitoyable duel entre les deux amis de trente ans et par le clivage qui s ensuivit au sein de la droite Apr s sa victoire le maire de Paris manifesta sa rancune en cartant du pouvoir tous ceux qui avaient soutenu son rival commencer par Nicolas Sarkozy Le duel entre Lionel Jospin et Jacques Chirac en 2002 pr sente une violence analogue celui qui opposa ce dernier douard Balladur L un des tournants de la campagne se situe au moment o le candidat socialiste attaque le pr sident sortant en employant une batterie d adjectifs peu am nes vieilli us fatigu Jacques Chirac 1 Mar Gluckman Order and Rebellion in Tribal Africa Londres Cohen
19. r la plupart du temps constate l initiateur du site les administra tions et les cabinets minist riels s av rent peu innovateurs C est l qu entrent en sc ne les internautes ils interviennent pour donner le mode d emploi Qu il s agisse d une proposition de Nicolas Sarkozy sur le non renouvellement d un d part la retraite sur deux de fonc tionnaires ou d une proposition de S gol ne Royal concernant la construction de 120 000 logements sociaux dans chaque cas c est aux visiteurs du site de s y coller L cho qu a connu sur la toile cette initiative est symptomatique Avec l entr e en force d internet les individus ne veulent plus tre seulement des r cepteurs passifs ils souhaiteraient eux aussi influen cer l opinion publique et chacun s exprime choisissant son sujet sa mani re son terrain La p riode qui a pr c d la campagne pr siden tielle a constitu cet gard un v ritable r v lateur Elle a t mar qu e par la victoire de S gol ne Royal face ses deux rivaux au sein du parti socialiste Plusieurs l ments ont jou les uns avaient trait au renouvellement commencer par le fait que la pr sidente de la r gion Poitou Charentes apparaissait comme une figure nouvelle face des personnalit s qui avaient occup des positions minentes au sein du gouvernement et de l organisation politique Autre facteur d innovation le choix d une femme marquait la volont de faire enfin pr valoir
20. rd d Estaing lors du d bat de 1974 vous n avez pas le monopole du c ur videmment les m dias sont l aff t de ce genre de gaffe mais durant cette p riode c est S gol ne Royal qui polarise l attention par ses d clarations sur le Qu bec et sur l efficacit de la police chinoise son erreur sur le nombre de sous marins nucl aires Au moment o 4 Le Monde 16 janvier 2007 CONTINUERLA LUTTE COM elle conna t un trou d air dans sa campagne S gol ne Royal choi sit d aller en Martinique et la Guadeloupe 7 000 kilom tres de la m tropole Royal a donc fait sien le cri que lui avaient lanc les femmes martiniquaises son arriv e Fort de France celui de la fanm doubout femme debout en cr ole Pour r solument se bros ser en candidate de l insoumission Le lieu la posture sont l pour exprimer le refus de plier la volont d aller de l avant comme si la candidate allait se ressourcer chez ceux qui symbolisent les oppri m s pour revenir plus forte et d termin e dans le d bat national La t l vision et les autres m dias ont le pouvoir de grossir le trait un d rapage verbal un geste mal ma tris un lapsus tout peut faire v nement voire d stabiliser un pr tendant Quand Arnaud Montebourg interrog sur Canal sur le principal d faut de S gol ne Royal r pond Fran ois Hollande ce qui n est qu un bon mot a imm diatement un effet d vastateur La
21. s d lus Les dates et les conditions de la campagne officielle sont fix es pr cis ment et les temps de parole sont contr l s Au second tour deux candidats s affrontent et un d bat t l vis les oppose L lection est donc bien un v nement singulier dont l issue est impr visible mais un v nement programm l action se d roule selon des r gles pr cises r pond certains codes et se d roule selon un ordonnancement invariant On peut consid rer la pr sidentielle comme un rite de passage et comme un rituel de r g n ration l issue de la campagne l un des concurrents conna t une mue d ci sive de simple candidat il s l ve la responsabilit supr me L lection ouvre un nouveau cycle politique et l entr e en fonction de l lu inaugure une p riode qualifi e d tat de gr ce durant laquelle il concr tisera un d sir de changement on parle des cent jours de la nouvelle pr sidence La campagne marque la quintessence de la repr sentation au double sens du terme d l gation et mise en sc ne Les pr tendants doivent prouver leur capacit repr senter c est dire incarner les attentes des lecteurs La campagne offre aussi voir en repr senta tion un spectacle unique destination du public Elle pr sente l attrait du feuilleton o l on suit avec passion les avatars des grands prota gonistes Si le r cit est bien men les lecteurs demeurent en haleine du d but la
22. sa puissance De nouvelles relations entre candidats et public Le second l ment de nouveaut qui caract rise la campagne pr sidentielle de 2007 concerne la modification de la relation entre le public et les candidats Traditionnellement le discours politique dans le cadre d une campagne lectorale tait fond sur une relation asy m trique entre l metteur le leader son parti et les r cepteurs le peuple R unions lectorales meetings taient l occasion de d livrer un message de faire conna tre ses propositions Mais c est surtout gr ce aux m dias audiovisuels que les candidats trouvaient leur pa A pl F 65 L lection l re d internet v ritable audience Dans les ann es 1960 John F Kennedy puis Charles de Gaulle montr rent tout le parti qu on pouvait tirer d un m dia de masse la t l vision pour convaincre des millions d lec teurs Depuis lors la mise en spectacle sur le petit cran est devenue la condition indispensable de la conqu te et de l exercice du pou voir l exemple de Fran ois Mitterrand qui apr s y avoir t long temps r tif devint un adepte de la performance t l visuelle est tout fait r v lateur Se construire pour et par les m dias ce n est pas seulement faire l acteur il faut aussi cr er l v nement Une grande partie de la campagne consiste en des d placements au cours desquels le choix du lieu et du groupe auquel on rend visite a une importance capit
23. t part de son intention de voter pour Bayrou Diffus e plusieurs mois plus tard sur le web elle conduisit la sus pension des activit s audiovisuelles du journaliste 5 Lib ration 29 janvier 2007 L lection l re d internet Tous ces buzz ont contribu la dramatisation de l v nement D ailleurs l expression buzz elle m me s est r pandue au point d tre employ e tout propos alors qu l origine elle circulait seulement dans le milieu sp cialis des informaticiens L internet en campagne ou la d mocratie des ego L entr e en sc ne d internet comme nouveau m dia politique constitue sans aucun doute l une des innovations de l lection pr si dentielle de 2007 D j lors du r f rendum de 2005 les blogs et les chats avaient jou un r le non n gligeable Alors que les grands m dias audiovisuels avaient visiblement pris fait et cause pour le oui de m me que les dirigeants des grands partis la prolif ration de sites d cortiquant le projet constitutionnel et alignant les arguments en faveur du non a particip la dynamique qui a finalement abouti au rejet du texte On a pu mesurer alors l impact de cette forme nouvelle de communication Avant m me le d marrage de la campagne pr si dentielle le ph nom ne des blogs s est encore intensifi et a culmin partir de janvier 2007 S il y a les sites des professionnels de la politique et du journalisme la formule est pratiqu e par des
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