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Atlas de la mémoire.Mémoire de MA

1. Entre l exhaustif et l inachev l num ration me semble tre avant toute pens e et avant tout classement la marque m me de ce besoin de nommer et de r unir sans lequel le monde la vie resterait pour nous sans rep res il y a des choses diff rentes qui sont pourtant un peu pareilles on peut les assembler dans des s ries l int rieur desquelles il sera possible de les distinguer 7 Il y a dans l num ration un besoin d accumuler comme les personnages des Choses aiment accumuler les objets les meubles etc ou du moins le souhaiteraient de saturer et de nommer et donc de s approprier par les mots de ma triser tel Adam le premier homme ma tre de la terre et des animaux nommant ces derniers que Dieu cr e pour lui tenir compagnie ou tels les explorateurs baptisant les nouvelles terres Ibid pp 26 27 Ibid p 27 6 Jbid p 26 6 Ibid pp 27 29 66 Ibid p 29 67 Perec Georges Penser Classer in Le Genre humain n 2 1982 pp 111 127 repris dans Penser Classer op cit p 164 68 Cf Joly Jean Luc Une le on des Choses approche de la po tique perecquienne de la totalit in Beaumatin Eric Ribi re Mireille dir De Perec etc derechef M langes offerts Bernard Magn Paris Joseph K 2005 pp 237 253 Gen se 2 19 20 51 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec d couvertes Au del
2. 8 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit pp 42 43 11 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec tout un souvenir de ce r ve on peut supposer que le lieu retrouv rem morera la cause du traumatisme et le r soudra Le lieu est donc receleur d une m moire perdue La recherche d une m moire perdue est clairement le th me central de W ou le souvenir d enfance En ce sens la mission confi e Gaspard Winckler de retrouver l enfant claire bien les brumes du texte autobiographique il r v le par sa pr sence des non dits et nous aide les d chiffrer Gaspard Winckler est un homme qui a re u son nom d un enfant sourd muet c est ce dernier qui le baptise pour ainsi dire Il est totalement insolite qu un enfant donne son nom un adulte sauf si l on consid re qu en grandissant l enfant donne son nom l adulte qu il est devenu Par cons quent l clat lointain du r cit fictif donne l autobiographie une autre allure Georges Perec est la recherche de son enfance de son tat d enfant celui qui lui a donn son nom en grandissant celui qui a pr sent disparu physiquement et disparu de sa m moire Par cons quent l le W o se serait r fugi l enfant n est autre que l enfance qui se pr sente comme un lieu dans la m moire que Georges Perec va t cher de retrouver de rappeler Dans Esp ces d espaces au sein de la partie La cha
3. Enfin le dernier atlas identifiable est celui de Heinrich Berghaus Physikalischer Atlas Sammlung von 93 Karten Auf denen die haupts chlichsten Erscheinungen der anorganischen und organischen Natur nach ihrer geographischen Verbreitung und Vertheilung bildlich dargestellt sind datant de 1852 qui se trouve dans la derni re chambre de Bartlebooth chapitre XCIX Bartlebooth 5 Cet atlas se trouve dans la biblioth que aux c t s du Dictionnaire de G ographie de Meissas et Michelot ainsi que toutes sortes d ouvrages et d objets indiff remment rang s Le recueil de cartes porte ici clairement son caract re encyclop dique puisque non seulement il prend place dans la biblioth que mais surtout le Physikalischer Atlas de Berghaus contient toute une s rie de cartes et d explications les accompagnant portant sur de nombreux savoirs qui ne sont pas uniquement g ographiques Les tables nous en donnent un aper u 1 Meteorologie und Klimatographie 2 Hydrologie und Hydrographie 3 Geologie 4 Tellurischer Magnetismus 5 Pflanzengeographie 6 Zoologische Geographie 7 Anthropologie 8 Ethnographie 717 Le nouveau continent y tait orn des lettres en partie effac es TE RA COI B I A inscription mal interpr t e d abord par l historien en TERRA COLOMBIA puis corrig e en TERRA CONSOBRINIA d apr s le nom du navigateur dieppois Jean Cousin qu avait accompagn le cartographe Renaud R gnie
4. e pendant sa jeunesse et un r cit autobiographique L ouvrage commence par un r cit en caract res italiques dont le narrateur est un certain Gaspard Winckler qui se pr sente comme le seul d positaire la seule m moire vivante le seul vestige de ce monde qu est une le nomm e W situ e dans la Terre de Feu au large du Chili Cette le nous apprend il a t engloutie et ses habitants ont tous disparu Ce narrateur est d cid raconter ce qui l a men sur ces lieux et ce qu il y a vu Le deuxi me chapitre donne la parole un narrateur qui se nomme Georges Perec et qui entame son r cit par cette assertion Je n ai pas de souvenirs d enfance Les deux textes jetant l un sur l autre une lumi re lointaine les propos qui y sont tenus sont de ce fait la fois tr s proches et la fois passablement divergents La mise en parall le de ces deux chapitres comme nous sommes invit s le faire par le texte inscrit sur le quatri me de couverture du livre nous r v le plusieurs l ments importants qui vont servir de point de d part notre r flexion D une part nous avons un homme qui pr tend avoir une m moire capable de faire le r cit ethnologique d une le inconnue et perdue ainsi que de la soci t qui y avait pris place Cependant c est une m moire qui ne peut s appuyer sur aucun document crit comme le d voile Gaspard Winckler Longtemps j ai cherch les tr
5. L exploration des multiples lieux o Georges Perec a pass une partie de son enfance est constitutive d un projet de rem moration de sa propre existence aussi bien que de l ancrage de son pass resurgi dans ces lieux Se les approprier par la d signation l identification par la conqu te c est tenter d en faire en les rassemblant un espace de la m moire recelant son histoire comme cet hypoth tique grenier empli de souvenirs intacts c est consid rer la m moire comme un espace clat en petits morceaux en lieux dispers s De m me quand il part questionner Ellis Island avec Robert Bober afin de r aliser le film R cits d Ellis Island entre 1978 et 1980 Georges Perec explore un lieu faisant partie d une m moire potentielle d une autobiographie probable ce que moi Georges Perec je suis venu questionner ici c est l errance la dispersion la diaspora Ellis Island est pour moi le lieu m me de l exil c est dire le lieu de l absence de lieu le non lieu le nulle part c est en ce sens que ces images me concernent me fascinent m impliquent comme si la recherche de mon identit passait par l appropriation de ce lieu d potoir o des fonctionnaires harass s baptisaient des Am ricains la pelle ce qui pour moi se trouve ici ce ne sont en rien des rep res des racines ou des traces mais le contraire quelque chose d informe la limite du dicible que
6. approche d une r alit dont j affirmais que je n avais pas le souvenir En fait elle s est faite travers une exploration minutieuse presque obs dante force de pr cisions de d tails A travers N r p a 75 cette minutie dans la d composition quelque chose se r v le Ce travail minutieux autour des d tails de quelques traces observe mesure r colte des donn es afin de cerner le souvenir unique profond ment occult profond ment enfoui ni qu il tente d explorer L tude pr cise de ces traces se rapproche du travail de l arch ologue En effet on peut mettre en relation ce souci des traces avec le Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 26 7 Perec Georges Ellis Island op cit p 23 7l Ibid p 57 7 Cf notamment Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit chap VIII Le personnage de Cinoc dans La Vie mode d emploi pose galement cette probl matique du nom 7 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 58 74 Cf supra p 25 7 Perec Georges Le travail de la m moire art cit p 84 76 Thid p 83 26 L Atlas de la m moire personnage de La Vie mode d emploi Fernand de Beaumont qui entreprit de retrouver les vestiges d une cit l gendaire arabe Lebtit qui fut la capitale des Arabes en Espagne Afin de d couvrir les traces de cette cit Beaumont travaille sur les textes qui voquent sa l gend
7. oubli Cette fa on de cat goriser la m moire comme un lieu segment en de plus petits espaces clos se rapproche de la m taphore traditionnelle d signant l poque m di vale la m moire entra n e comme fhesaurus et dont on retrouve quelques l ments en particulier dans la d marche entreprise par Georges Perec dans sa s rie des Je me souviens En nous reportant l tude de Mary Carruthers Le Livre de la M moire la m taphore du thesaurus magasin puis chambre forte con oit la m moire ordonn e comme un ensemble inventori de cases ou d enclos o sont tri s et contenus sic observations et connaissances et dont il faut se figurer chaque case comme un topique ou un lieu r pertori o se trouve rassembl e toute une s rie d items pertinents Mary Carruthers poursuit cette r flexion par une comparaison entre la m moire et la biblioth que les souvenirs sont rang s dans les casiers de la m moire comme les livres sont rang s sur les tag res des biblioth ques ils sont class s dans des cellules et r pertori s selon des cat gories qu il suffit de consulter pour y avoir acc s La mani re dont Georges Perec parle de sa m thode de r miniscence d un souvenir dans Je me souviens se rapproche de cette m taphore de la m moire entra n e bien qu il faille concevoir le catalogue qui permet de retrouver la cote des exemplaires comme un vieux livre dont les pages
8. scrivain de La Disparition qui raye de la carte tous les lieux comportant la lettre e saute par dessus tous ces toponymes pour tirer des lignes joignant les endroits exempts de la lettre interdite Sous la m taphore de l atlas la m moire se per oit comme un lieu cartographi mais dont certains espaces sont rest s blancs esquiss s par les repr sentations qui les entourent Il s agit en quelque sorte du puzzle l effigie d une carte et dont quelques pi ces sont perdues emportant avec elles les lieux qui y sont peints ces espaces vides ne 231 232 Perec Georges Les lieux d une ruse art cit p 69 Perec Georges Tentative d inventaire des aliments liquides et solides que j ai ingurgit s au cours de l ann e mil neuf cent soixante quatorze in Action po tique n 65 1976 pp 185 189 repris dans Perec Georges L infra ordinaire Paris Seuil 1989 pp 97 106 7 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 152 234 Perec Georges La Disparition op cit p 309 65 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec pouvant tre que r v s imagin s partir des pi ces qui les encerclent et d crivent leurs contours Sur la mer de l oubli le voyage ne peut se faire que d le en le de port en port et seuls peuvent tre repr sent s sur la carte de la m moire les quelques morceaux de terre qui chappent la mar e La connaissance compl te de so
9. Didi Huberman Georges L Image survivante op cit p 452 Rabenstein Helga D composition Composition art cit p 33 Didi Huberman Georges L Image survivante op cit p 452 98 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit tableaux noirs o interagissent les photographies o circule le sens Georges Perec ne comble rien il se contente de suivre d un trait pr cis les lin aments de sa m moire de d crire sans rien ajouter les fragments de cette fresque ab m e par le temps 62 Lejeune Philippe La M moire et l Oblique op cit p 75 99 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Conclusion Topographie fant me 100 Conclusion Topographie fant me Des noms qui me reviennent des noms sans visage ou bien des visages sans nom souvenirs de lieux esquissant une topographie fant me la grande cour la petite cour le gymnase couvert le pr au l amphith tre de physique et sciences nat et le tout jeune prof en blouse blanche qui rougissait tout le temps les escaliers des dortoirs l atelier de fer et l atelier de bois et la paire de serre livres horrible mise en pratique de ce qu tait cens tre un assemblage en queue d aronde que je mis une ann e enti re saboter souvenirs de bruits souvenir du go t qu avaient les lentilles ou la pur e de pois cass s o
10. aime pas Pour continuer la s rie in L Arc 76 1979 repris dans Pingaud Bernard et al Georges Perec Paris Inculte 2005 pp 107 109 pp 107 108 Introduction Le terme atlas que l on retrouve plusieurs reprises dans l uvre de Georges Perec et qui a t choisi pour titre de l ouvrage oulipien est un mot tr s riche en significations Est il n cessaire de pr ciser tout d abord qu il s agit du nom du Titan Atlas condamn par Zeus porter sur ses paules selon les versions le monde la vo te du ciel le haut pilier qui s pare le ciel de la terre Par analogie le massif montagneux du nord de l Afrique l Atlas tient son nom du Titan Du personnage mythologique souvent repr sent avec un globe terrestre sur les paules fut galement tir le nom du recueil de cartes g ographiques du cartographe flamand Gerardus Mercator la fin du XVI si cle intitul qui d s lors se perp tua pour d signer les recueils de cartes en g n ral g ographiques c lestes ou th matiques par exemple Outre ces deux principales r f rences du mot atlas qui seront particuli rement importantes pour notre travail d autres d riv s de ce terme valent la peine d tre relev s Tout d abord le personnage mythologique Atlas est le p re des Pl iades sept filles qui furent poursuivies par Orion Les prenant en piti Zeus les transforma en toiles cr ant l amas ouvert des Pl iades dont l u
11. devant la feuille blanche que les gestes du cartographe se r v lent d un espace vide lentement se dessine une carte mesure que l criture trace des signes et des blancs sur le papier Sous la plume de Georges Perec le texte devient carte une carte pour pouvoir se rep rer pour ne pas se perdre Cependant la cartographie de la m moire ne saurait se limiter la reconstitution des souvenirs la litt rature en effet tient une place particuli rement importante dans l histoire de Georges Perec car contrairement sa m moire o tout d rive sur un fond d oubli le livre est un lieu stable o chaque l ment a sa place propre dans une 397 Cf supra p 38 368 Cf supra p 30 30 Perec Georges 53 jours op cit p 176 Il s agit d une note de Georges Perec reproduite dans le dossier qui accompagne les chapitres dactylographi s du roman en pr paration 102 Conclusion Topographie fant me chronologie av r e et fixe Le livre et par extension la biblioth que est une figure du savoir absolu encyclop dique de m me que l atlas et c est probablement pour contrebalancer le manque de sa propre m moire que Georges Perec va chercher dans les livres une stabilit une exhaustivit un tout coh rent Ainsi la litt rature et le langage vont se profiler comme des lieux d exploration pour Georges Perec et l Oulipo Dans une d marche d exposition l Oulipo d cide d inventor
12. e par la figure de l arbre est d mont e livre d veloppement non lin aire clat e par la promotion d une lecture en constellation en portulan en branche Ainsi le livre qu aurait pu proposer Georges Perec aurait bel et bien t un atlas de la m moire dans le sens o il aurait correspondu la conception d une m moire dispers e que l on doit lire en reliant des l ments en sautant d une toile l autre comme dans la lecture d un ciel toil ou en suivant la m thode du cabotage de port en port pour dessiner un portulan comme celui qui est accroch dans la pi ce des Altamont chapitre LXIX Altamont 4 et dont le titre est introduit en fac simil dans le texte fig 7 L ouvrage aurait particuli rement bien figur l image d une m moire au travail o tout est d pli mis plat d cortiqu et 3 Thid pp 53 54 1 Perec Georges 53 jours texte tabli par Harry Mathews et Jacques Roubaud Paris Gallimard 1989 dition originale P O L Onze chapitres sur vingt huit pr vus avaient d j t r dig s L dition pr sente en compl ment de ceux ci un dossier de notes et de brouillons permettant de d chiffrer le reste du livre quatri me de couverture 2 Lejeune Philippe La M moire et l Oblique op cit p 22 Pour une pr sentation plus compl te de ces archives cf Ibid pp 20 22 Perec Georges Lettre Maurice Nadeau ar
13. et blancs et d espaces vides qui s immiscent entre eux L criture est donc un jeu lors duquel on pose strat giquement des lettres des mots qui vont tablir des liens entre eux afin de tracer une image un texte qui d terminera alors chaque l ment L criture tant rapproch e d un jeu qui dessine des territoires et des fronti res elle entretient des relations analogiques avec la peinture et la cartographie puisqu il s agit de cr er un texte qui nous l avons vu va tre lu comme une image ou une carte Afin de favoriser une lecture en constellation de ses textes Georges Perec pratique une mise en visibilit de certains l ments textuels notamment par l insertion de typographies diff rentes de fac simil de cartes ou d images Cette strat gie d criture doit tre rattach e l laboration d un atlas En effet la lecture en constellation peut tre compar e une lecture d atlas laquelle a l avantage de pr senter plus sp cifiquement les caract ristiques du livre en ce que la lin arit de l ouvrage est clat e par l index qui permet de rapprocher des cartes dispers es l int rieur de sauter d un lieu un autre en parcourant son ensemble sans suivre un chemin rectiligne en une dimension La Vie mode d emploi est probablement le livre le plus repr sentatif de cette pratique de l atlas La minutie avec laquelle Georges Perec d construit d compose toute lin arit toute l
14. les dimensions temporelle et spatiale De l atlas d Olga Mavrokhordatos dans La Disparition et des repr sentations sur une carte mentale des d placements d un car ou de ses amis de sa famille on peut relever la n cessit identique de visualiser d inscrire de projeter sur une carte mentale ou non sa propre r alit et celle de ses proches pour mieux se les repr senter pour mieux les percevoir Il s agit du m me proc d que dans l anecdote que rapporte Georges Perec dans W ou le souvenir d enfance o le petit Georges et son cousin Henri reportent l aide de petits drapeaux sur une grande carte de l Europe punais e au mur les avanc es des arm es alli es dont ils taient inform s par les journaux Cet emploi de l atlas et des cartes est aussi tr s proche de la r verie En effet ces repr sentations de l espace sont l objet de nombreuses r veries l il suit des chemins trac s sur la carte et se repr sente un voyage Ainsi Georges Perec imagine l instant o sa m re sut qu elle allait partir pour Paris Il s agit d un texte crit plus de quinze ans avant W ou le souvenir d enfance dans lequel il le recopie toutefois pensant ne pouvoir que le r p ter Il n y eut dans la vie de ma m re qu un seul v nement un jour elle sut qu elle allait partir pour Paris Je crois qu elle r va Elle alla chercher quelque part un atlas une carte une image elle vit la tour Eiffel o
15. plus d analyse un silence qui laisse le lecteur seul face au livre seul face la signification qu il doit lui donner A l aboutissement du livre Georges Perec feint de donner la cl du r cit fictif mais il ne s agit que d une ruse comme le note Philippe Lejeune le fantasme de W chez l adolescent tait en relation avec les camps d extermination o tr s probablement sa m re a p ri Cette rapide indication in extremis ne fait que confirmer au lecteur ce qu il avait d j compris depuis un certain temps Elle a une autre fonction plus secr te clore le r cit en ayant l air de r v ler l essentiel alors qu elle l lude L essentiel c est de savoir quelle tait la fonction des dessins et des r cits de l enfant treize ans quel tait le sens de cette illumination qui Venise en 1967 a fait remonter la m moire les dessins oubli s quel tait le sens du projet de feuilleton et de sa progressive volution vers l horreur Sur toutes ces questions Perec avait dans un premier temps envisag de s expliquer on le verra en lisant les avant textes du livre Puis il a choisi le silence C est peut tre en cela que W ou le souvenir d enfance est une autobiographie psychanalytique un montage de sympt mes laissant le lecteur affronter seul le probl me de l interpr tation C est donc bien cela qu est W ou le souvenir d enfance un montage qui repr sente la m m
16. pour ne pas laisser les choses moiti L objectif est comme dans ce texte de pousser le lecteur ici la figure du narrateur puiser les chemins trac s par la trame des cartes ou du texte voyager dans l image pour y lire les histoires qui y sont cont es L pigraphe du pr ambule de La Vie mode d emploi tir de Paul Klee prend alors une tr s forte r sonnance L il suit les chemins qui lui ont t m nag s dans l uvre Outre l importance que cette phrase comporte en introduisant le mode d emploi du roman par son rapprochement de l art du puzzle l pigraphe stipule l existence d une pluralit de chemins dans le roman d une pluralit de romans car c est sous ce pluriel que se pr sente La Vie mode d emploi qui confirme l clatement de la lin arit Dans l Atlas de litt rature potentielle sont pr sent s deux principes parfois respect s par les travaux oulipiens le premier nonc est celui qui nous int resse le plus dans notre propos Il y est dit Un texte crit suivant une contrainte parle de cette contrainte Un des exemples illustrant ce principe est La Disparition de Georges Perec o le texte lipogrammatique en e raconte la disparition de la lettre e Anton Voyl d s le d but du r cit se met lire et bute tout instant sur un mot dont il ignorait la 303 Pour r sumer le livre d Italo Calvino des voyageurs se ret
17. pp 82 87 7 Perec Georges Tentative d puisement d un lieu parisien extrait du Pourrissement des soci t s n 1 1975 Cause Commune r dit chez Christian Bourgois Editeur 1975 88 Cf Lejeune Philippe La M moire et l Oblique op cit p 203 54 L Atlas du savoir rapport aux autres en les rangeant dans certaines cat gories Reprenons Lieux o j ai dormi Dans ce projet qu il expose dans Esp ces d espaces Georges Perec explique avoir entrepris l inventaire aussi exhaustif et pr cis que possible de toutes ces chambres qui servaient de lieu de stockage de la m moire L num ration de ces chambres pr alable leur inventaire sert de base la rem moration Le rapprochement est fort entre cette liste et l index d un atlas chercher dans cette liste la page o se trouve la carte que l on d sire consulter Or la liste n est pas uniquement le fondement du travail de m moire elle est aussi ce qui pr c de l criture comme dans le cas de La Vie mode d emploi Effectivement ce roman est le r sultat d un long travail de recherches qui s est constitu autour d un syst me complexe de contraintes vou diriger l imagination de l crivain Ainsi s est tabli le Cahier des charges de La Vie mode d emploi dans lequel on trouve notamment le plan de l immeuble et les listes de contraintes citations objets retrouver dans les pi ces etc Les listes servent d
18. rement manifeste dans La Vie mode d emploi o Georges Perec se donne pour objectif de lire et d puiser un immeuble fictif parisien le 11 rue Simon Crubellier dont la fa ade effac e expose simultan ment l ensemble des pi ces et de ses habitants un moment pr cis dans le temps le 23 juin 1975 vers 20 heures Devant Ka Ginzburg Carlo Signes traces pistes Racines d un paradigme de l indice art cit 76 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit cette fresque qui r v le son int gralit et tous ses d tails en un seul instant Georges Perec doit lire ce plan cet ensemble qui se pr sente lui en deux dimensions avant d en r diger le roman Pour ce faire il faut alors adopter le mode de lecture de la constellation relier les pi ces d une fa on arbitraire certes mais non pas hasardeuse al atoire ou encore lin aire suivre les pas d un personnage qui parcourrait toutes les pi ces les unes apr s les autres ou pire passer d une chambre l autre de haut en bas et de gauche droite Le type de lecture choisi par Georges Perec s arr te finalement sur la polygraphie du cavalier qui consiste en un d placement de cette pi ce du jeu d checs sur toutes les cases de l chiquier sans y passer plus d une fois La figure qui prend forme sur le plan de l immeuble 11 rue Simon Crubellier ressemble une carte de constellations les pi ces reli es par les mou
19. tre le ma tre Il y a dans ce cadeau la volont d instruire et de fournir une source de savoir consultable domicile d offrir un outil indispensable chaque biblioth que Mais on peut y voir galement une 222 Thid p 347 Ce m tier est d ailleurs tout fait int ressant puisqu il s agit exactement du contraire du dessein encyclop dique il ne s agit pas de conserver un savoir total dans un m me ouvrage mais de ne s lectionner que les mots couramment employ s il s agit de cr er un outil plut t qu un monument de savoir 223 Thid p 348 224 Perec Georges La Disparition op cit pp 263 264 63 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec fa on d offrir cet amn sique une nouvelle m moire une source de connaissances et de reconnaissance du monde de la r alit un moyen de se situer de se rep rer dans un monde inconnu Comme nous avons pu le voir en tudiant ces diff rents atlas qui pars ment l uvre de Georges Perec l atlas prend tout d abord la forme d un savoir encyclop dique source de savoir qui m me lorsqu il s agit d un savoir surann claire les poques pass es et suscite une connaissance historique l atlas de Waldseem ller ou d tourne les vidences bouscule les perceptions l mperium Japonicum De plus il repr sente un savoir capitalis dans la sph re domestique o il est employ comme source de savoir in vitable dans un
20. variations ainsi que des innovations th oriques et pratiques dans ce vaste champ litt raire Comme le laissent supposer ces quelques mots de la Pr face l ouvrage de 1981 le moment tait venu de faire le point sur les d veloppements manifestations et innovations ainsi que cette pr cision la fin du sommaire du m me livre le pr sent recueil des travaux de l OuLiPo a t coordonn par No l Arnaud sur un plan tabli collectivement au cours d un s minaire tenu Orsay du 15 au 19 octobre 1979 l Arlas de l Oulipo prend l allure d un bilan L Association prend le temps de s interroger sur sa situation topographique sur l avanc e de ses recherches Il faut faire le point d terminer o on en est comme le proposait Georges Perec dans Esp ces d espaces Faire le point c est avant tout d terminer la position d un navire d un a ronef Le Petit Larousse 2008 l Oulipo prend donc la peine de se situer d observer ce qu il a fait et ce qu il continue de faire l Oulipo regarde en arri re value le chemin parcouru et tente d en extraire des l ments significatifs pour en constituer un recueil de textes un recueil de cartes Nous avons montr que l atlas permettait d aborder la litt rature et la langue comme des espaces d exploration oulipienne il convient d sormais de consid rer une autre caract ristique de l atlas que
21. 1957 et au premier semestre 1959 9 Carrefour Mabillon li Paulette avec laquelle il s est mari en 1960 10 Place Jussieu proche de la rue Quatrefages o il habite avec Paulette de 1960 1966 11 Passage Choiseul Pourquoi le passage Choiseul Il ne m y est rien arriv J aime les passages 12 L le Saint Louis S 28 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 108 7 Jbid p 109 a Philippe Lejeune reproduit le tableau du bicarr latin d ordre 12 ainsi que la table des permutations qui en d coule pour Lieux dans son ouvrage La M moire et l Oblique op cit pp 155 156 14 L Atlas de la m moire voque ce travail et le r le de ces lieux dans la rem moration de son pass au moment o il apprend la mort de sa tante Berthe Par une co ncidence que le projet g n ral de ce livre amplifie comme si l un de ses buts tait de les faire na tre m obligeant faire revivre ou revoir des lieux des v nements des tres qui sont tous au d part derri re moi appartenant presque tous un pass qui se ferme et que les douze ann es qui viennent vont prolonger artificiellement les dotant d une vie seconde miroir d une vraie vie d j achev e que je ne peux que r p ter et commenter tissant autour la triple ou quadruple fable d une autobiographie n ayant dans mes douze choix lu qu un lieu vivant encore mais gardant l illusion que ma vie
22. HA K Las Kan mourut avant d avoir fini son job Donc la fin Von n a toujours pas la solution 1 Panglais It is a story about a small town It is not a gossipy yarn nor is it a dry mono tonous account ful of such customary fillins as a romantic moonlight cas ting murky shadows down a long winding country road Nor will it say anything about tinkling lulling distant folds robins caroling at twilight nor any warm glow of lemplight from a cabin window No Poursuivant son inquisition Amaury Conson vit qu Anton Voyl s attachait aussi aux us pri mitifs Un jour Gogni Tchad un Sokoro mit son boubou la fa on d un simili raglan qu il aurait acquis d un Fran ais snob safari Puis il alla Mokuiu o vivait son fils qu un rapport conjugal inou jusqu aujourd hui contraint un joug paradoxal car uxorilocal Jamais il n aurait d fournir un gar on aux Dion gor ultramontains sortant ainsi du circuit normal dont l articulation fait un subtil tissu clair distinct disons structural S o Margina Uti o Kaakil Lon gai ou Zori O puissants adjuvants pour 1 Il para trait dit on qu Ibn Abbou son cousin plu ion aart la solution mais s il la conna t coup s r il a tait 373 l 111 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec LR Pme ca gr ares drame ut es Annexe 4 Tableau A du Bilderat
23. M moire de licence sous la direction de Claire Jaquier Kaempfer Universit de Neuch tel octobre 2000 pp 39 S1 257 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 17 263 Cf Lusson Pierre Perec Georges et Roubaud Jacques Petit trait invitant la d couverte de l art subtil du go Paris Christian Bourgois diteur 1969 20 Perec Georges Lire esquisse socio physiologique art cit p 113 2 Tbidem 771 Cf Blumenberg Hans La Lisibilit du monde op cit 75 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec qu elles entretiennent dans l activit des yeux lors de l acte de lire et met en vidence la volont de lire la r alit Dans le d chiffrement du texte comme dans celui de la m moire ou du monde on retrouve un proc d qui se rapproche fortement de ce que Carlo Ginzburg nomme le paradigme de l indice Dans son article paru dans Le D bat en 1980 Signes traces pistes l historien observe les m thodes d analyse de diff rents personnages Giovanni Morelli historien de l art du XIX si cle d veloppa un moyen de distinguer les peintures originales des copies en examinant minutieusement les d tails les plus n gligeables des repr sentations o se manifestent beaucoup moins les influences d une cole Ensuite la technique de Sherlock Holmes le d tective cr par Arthur Conan Doyle s int resse aux indices pour reconstituer le d roulem
24. ai dormi Ecrire devient un acte de faire lire c est un jeu qui se joue deux comme l est le puzzle 288 Magn Bernard Cinqui me figure pour La Vie mode d emploi in Cahiers de Georges Perec 1 Colloque de Cerisy juillet 1984 pp 173 177 Paris P O L 1985 p 173 28 Thid p 176 Perec Georges Ellis Island op cit p 41 71 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 102 2 Sur les analogies entre l art du roman et celui du puzzle cf notamment Vuillemin Nathalie L Invitation la lecture op cit pp 39 51 81 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Dans le Petit trait invitant la d couverte de l art subtil du go que Georges Perec co r dige avec Pierre Lusson et Jacques Roubaud le jeu de go est compar l criture Sans doute aussi parce que l enchev trement des pierres blanches et des pierres noires dessine des lignes des r seaux des zones agr ables regarder Sans doute enfin parce qu il s agit d un chemin infini Il n existe qu une seule activit laquelle se puisse raisonnablement comparer le GO On aura compris que c est l criture L criture s apparente au jeu de go les pierres cr ent des formes des signes dans les relations qu elles entretiennent avec les autres elles suscitent progressivement des territoires des espaces sur le damier au final se dessine une image faite de signes noirs
25. bas et droite de la carte Ce renversement de la perception habituelle de l espace est au c ur de l activit de poseur de puzzle car il suffit parfois d un changement d orientation de la pi ce pour que celle ci trouve son sens dans les deux significations que comporte ce terme Puisque les rep res sont perturb s puisqu elles perdent celui qui les consultent ces cartes anciennes et d su tes obligent l observateur modifier son regard voir autrement les formes qui lui sont mises sous les yeux les reconna tre en faisant des analogies imaginer La troisi me carte curieuse de Bartlebooth est une carte du Pacifique cr e par une tribu c ti re du golfe de Papouasie L autre est plus curieuse encore c est une carte du Pacifique telle que les tribus c ti res du golfe de Papouasie en utilisaient un r seau extr mement fin de tiges de bambou indique les courants marins et les vents d terminants et l sont dispos s apparemment au hasard des coquillages cauris qui repr sentent les les et les cueils Par rapport aux normes adopt es aujourd hui par tous les cartographes cette carte semble une aberration elle n offre premi re vue ni orientation ni chelle ni distance ni repr sentation des contours en fait il para t qu elle se r v le l usage d une efficacit incomparable de la m me mani re expliqua un jour Bartlebooth que le plan du m tro lon
26. constellation que propose Georges Perec devient bel et bien n cessaire dans ce cas l il faut relier ce qui a t d membr sur cette carte repr sentant des l ments pars C est ainsi que la lecture des constellations l astrologie cette confiance illimit e dans les signes qui peuvent pr dire lavenir science caduque repr sente mieux que n importe quelle autre le travail de la m moire une cartographie la scientificit surann e qui excite l imagination et permet Georges Perec de se repr senter les atrocit s que sa m re a v cu C est par ces cartographies imaginaires qu il parvient enfin repr senter son histoire Tout au long de ce travail nous avons t ch de montrer comment la th matique de l atlas pouvait mettre en vidence de nouveaux enjeux et de pr senter une lecture originale de l uvre de Georges Perec En effet l aspect cartographique que ne manque pas d interroger l atlas a permis de relever les caract ristiques spatiales de la m moire une m moire comme un lieu ou comme un ensemble de lieux semblable la perception antique et m di vale de la memoria Or comme il y a des trous de m moire comme la m moire est d faillante Georges Perec doit rev tir le costume de l explorateur du cartographe qui part sur les continents inconnus pour y r colter des traces des donn es afin de pouvoir esquisser des cartes un atlas de sa m moire C est v ritablement l
27. consultation 21 mai 2010 78 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit l univers vus de tous les angles Cette sph re qui donne son observateur la vision de la totalit de l univers un seul et m me instant ne peut tre dite que de mani re incompl te par une num ration imparfaite qui offre seulement le sentiment approximatif de linfini Il s agit bien d une vision simultan e de l inconcevable univers qui met l crivain en face du probl me insoluble de la narration de ce point dont la r alit astronomique l crase Face l tendue insaisissable et indicible de l univers l crivain n a d autre recours que l num ration inachev e de cette r alit une mise en forme qui doit sugg rer l infini une po tique de l et c tera en quelque sorte Dans La Disparition Georges Perec utilise les caract ristiques de l Aleph pour d signer la qu te impossible de la lettre manquante qui fascine Anton Voyl La vision du tapis lui causait un mal troublant Sous l amas d illusions qu tout instant son imagination lui dictait il croyait voir saillir un point nodal un noyau inconnu qu il touchait du doigt mais qui toujours lui manquait l instant o il allait y aboutir Il continuait Il s obstinait Fascination dont il n arrivait pas s affranchir On aurait dit qu au plus profond du tapis un fil tramai
28. dans Esp ces d espaces L espace commence ainsi avec seulement des mots des signes trac s sur la page blanche D crire l espace le nommer le tracer comme ces faiseurs de portulans qui saturaient les c tes de noms de ports de noms de caps de noms de criques jusqu ce que la terre finisse par ne plus tre s par e de la mer que par un ruban continu de texte L criture est g n ratrice d espaces et elle d termine elle seule l ensemble des espaces sur la page un simple signe d termine un haut un bas un gauche un droite un recto un verso etc Tout l espace cet espace blanc et vide qu tait la page s organise autour d un simple point encr au centre en haut en bas etc il suffit d un cadre noir plac sur une page pour cr er la carte de l oc an que proposait Lewis Carroll dans La Chasse au Snark fig 1 Figure 1 Carte de l oc an extrait de Lewis Carroll La Chasse au snark Figure 1 Carte de l oc an reproduite dans Esp ces d espaces 35 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 26 6 Cf Perec Georges Esp ces d espaces op cit pp 13 29 357 La carte de Lewis Carroll est reprise par Georges Perec dans Esp ces d espaces op cit p 10 Les diff rences remarquables entre la repr sentation originale de la carte par Henry Holiday et sa reproduction chez Perec sont le changement de sa forme du rectangle au carr ainsi que l absence de mention de
29. des cat gories pouvoir les distinguer rien au monde n est assez unique pour ne pas pouvoir entrer dans une liste Cette certitude que nous pr sente Georges Perec entre terreur et exaltation est n anmoins rassurante et permet l homme de se rep rer dans cet amas h t rog ne quest le monde r el de ne pas s y perdre totalement bien que les classifications demeurent instables et qu il faille continuellement recommencer Tellement tentant de vouloir distribuer le monde entier selon un code unique une loi universelle r girait l ensemble des ph nom nes Malheureusement a ne marche pas a n a m me jamais commenc marcher a ne marchera jamais N emp che que l on continuera encore longtemps cat goriser tel ou tel animal selon qu il a un nombre impair de doigts ou des cornes creuses 7 7 Cf chapitre LXXX de La Vie mode d emploi op cit pp 454 464 o est relat un d bat scientifique sur la date du bapt me du nouveau continent Am rique d apr s le nom de l explorateur Am ric Vespuce 7l Perec Georges Je ne veux pas en finir avec la litt rature propos recueillis par Pierre Lartigue L Humanit 2 octobre 1978 in Perec Georges Entretiens et Conf rences vol I op cit pp 221 225 7 Ibid p 222 7 Perec Georges Penser Classer art cit p 154 74 Ibid p 164 T5 Ibid p 153 52 L Atlas du savoir Malgr l instabilit des
30. dit qu au jin fond du noir avant sa mort dans la nuit Gulois grava sur son pad Marshall Hall jr op cit fol 8 un long chainon i re fa Voici adi bh c dd f He RE Cf s pb Fi nl uyt EE ml xx sex Mais nul n a jamais pu savoir la conclu sion quoi Galois comptait aboutir dans son manuscrit non fini Cantor Douady Bourbaki ont cru par un par dix biais du corps parfait aux topos du local ring aux C du K func tor qu on doit Shih aux O s du grand Thom n oubliunt ni distributions ni in volations ni convolutions Schwartz ni Koszul ni Cartan ni Giorgiutti Saisir un vrai fil s r pour franchir l abrupt hiatus Tout fut vain Pontryagin y passa vingt ans finissant par n y plus voir du tout Or voici qu il y a huit mois Kan tra vaillant sur un adjoint lui voir D Kan Adjoint Functors Transactions V 3 18 montra par induction croit on il raison nait a t il dit Janlin sur un grand cardinal par forcing pour part la Proposition Soit G soit H soit K HC G G D K trois magmas nous suivons Annexe 3 Extrait du Curriculum studiorum d Anton V 373 Perec Georges La Disparition op cit pp 60 63 parfois mon cousin m iccombarnait voir l qui dobiti dans ni canton voitin Mais n ayant pas d aut il nous fallait conrir tout at long du parcours sinon nous arrivions trop tard Linda avait dis pati
31. expression voque doublement le travail du cartographe d abord tracer les limites sugg re aussi bien cl turer arr ter les recherches par la publication du livre et par l la projection m me sur le papier de ces recherches c est dire l criture que dessiner les contours du lieu que l on a explor l aide des donn es recueillies sur le terrain Ensuite de retour d exp dition le cartographe qui rend compte du lieu qu il a explor et qu il trace sur une carte lui donne un nom le d signe Ainsi tout le projet d exploration de la m moire et des traces dans W ou le souvenir d enfance aboutit la projection de la m moire dans l espace de la feuille de papier cern e alors dans cet ouvrage M taphoriquement l espace de la feuille blanche l espace du livre se m tamorphose sous la plume de Georges Perec en une image une carte un atlas o viennent se repr senter les lieux de sa m moire La cartographie de la m moire prend forme dans les sinuosit s des signes peints sur le papier suivant les diverses traces les 2 Ibid p 97 3 Cf supra p 20 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 18 29 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec divers images et documents r colt s pendant l exploration du lieu L crivain est cartographe il reproduit sur la page l espace qu il observe comme George Perec nous le laisse entendre
32. l endroit o il doit tre La biblioth que est pleine d histoires fixes fix es inalt rables et dont la chronologie des v nements n est pas reconstitu e de mani re al atoire arbitraire comme l est au contraire la m moire de Georges Perec Nulle chronologie sinon celle que j ai au fil du temps arbitrairement reconstitu e Ce lieu est l abri du vide qui attaque la m moire et vient au secours d une m moire oublieuse Les livres constituent une part importante de la m moire de Georges Perec les histoires qui y sont racont es remplissent certains trous sur les cartes de l atlas De ce fait l imagination constitue une donn e primordiale dans la cartographie de la m moire dans W ou le souvenir d enfance les espaces vides qui se forment entre les lots m moriels d cortiqu s analys s des souvenirs d enfance sont remplis par l exploration imaginaire mais minutieuse de l le W De cette mani re la carte se compl te se reconstitue et l criture comme sur les portulans recouvre les espaces blancs si bien que la carte devient carte inventaire comme l Imperium Japonicum qui int resse les sp cialistes parce qu elle regroupe les noms de soixante six provinces imp riales en id ogrammes japonais et en caract res latins Nous avons relev que plusieurs cartes taient assez curieuses pour exciter l imagination l atlas cordiforme de Martin Waldseem ller la carte papoue du
33. l espace et le lieu Kim Myoung Sook maginaire et espaces urbains Georges Perec Patrick Modiano et Kim Sung Ok Paris L Harmattan 2009 Oberg ker Timo Ecritures du non lieu Topographies d une impossible qu te identitaire Romain Gary Patrick Modiano et Georges Perec Frankfurt am Main Peter Lang 2004 Ropars Wuilleumier Marie Claire Ecrire l espace Paris Presses universitaires de Vincennes 2002 Yvan Fr d ric L extase du vide de Un homme qui dort Esp ces d espaces de Georges Perec in Savoirs et clinique n 8 janvier 2007 pp 143 153 Ouvrages et articles sur W ou le souvenir d enfance Chauvin Andr e Le on litt raire sur W ou le souvenir d enfance de Georges Perec Paris Presses universitaires de France 1997 Magn Bernard Les descriptions de photographies dans W ou le souvenir d enfance in Bertelli Dominique d Perec et l image Actes du colloque de Grenoble janvier 1998 Le Cabinet d amateur Revue d tudes perecquiennes n 7 8 Toulouse Presses universitaires du Mirail 1998 pp 9 20 Rabenstein Helga D composition Composition le double mouvement de W ou le souvenir d enfance in Kuon Peter d Oulipo Po tiques Actes du colloque de Salzburg avril 1997 T bingen Gunter Narr Verlag 1999 pp 31 40 Roche Anne W ou le souvenir d enfance de Georges Perec Paris Gallimard 1997 Sagnol Marc Georges Perec Qu te d criture
34. le miracle pourrait se produire et le plus trange est encore que plus le voyage se poursuit et plus chacun semble persuad qu un tel endroit existe qu il y a quelque part sur la mer une le un atoll un roc un cap o soudain tout pourra arriver o tout se d chirera tout s clairera qu il suffira d une aurore un peu particuli re ou d un coucher de soleil ou de n importe quel v nement sublime ou d risoire un passage d oiseaux un troupeau de baleines la pluie le calme plat la torpeur d une journ e 1 18 torride L enfant souffre d un traumatisme dont personne ne peut d terminer la cause et qui le prive de deux de ses sens La recherche d un espace d un lieu qui d chirera le traumatisme propose la r solution de ce dernier en fonction d un lieu qui rappellera la m moire de l enfant un l ment perdu englouti qui r veillera ses fonctions sensorielles C est sur la mer une mer d oubli qui pourrait symboliser la m moire que l on part la recherche d un lieu absent la m moire qui rappellera et gu rira la l sion Le lieu est un moyen mn motechnique tout comme un mot ramen d un r ve restitue peine crit 17 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit pp 250 251 Sur l emplacement du manque au coin inf rieur gauche cf Magn Bernard Le puzzle mode d emploi in Perecollages 1981 1988 Toulouse Presses universitaires du Mirail 1989 pp 48 49
35. les intervalles entre les deux r cits que se forme une signifiance c est dans les espaces blancs trac s par l alternance de ces histoires qu il faut chercher le sens du livre La structure du livre est clat e en quatre textes un r cit fictif qui commence par un vide l absence de traces objectives de l existence de W remarqu e par Gaspard Winckler dont la narration bien organis e et coh rente du fait qu elle se conforme un mod le traditionnel de r cit d aventures sera n anmoins dissoute dans la seconde partie un r cit autobiographique qui affirme une absence de souvenirs d enfance et qui va cependant t cher d en mettre en lumi re en explorant avec minutie les quelques documents disponibles La seconde partie rev t la m me structure la diff rence qu elle pr sente deux textes assurant une abondance d informations un r cit fictif qui pr sente de mani re compl te et suivant une m thode presque scientifique l organisation de la soci t sur l le W un r cit autobiographique qui r cite de nombreux 352 souvenirs mais d une voix h sitante Ainsi selon Helga Rabenstein en reliant les diff rents textes qui s appellent par opposition et par ressemblance on obtient le sch ma suivant F vide A vide F plein A plein Deux diagonales relient respectivement la tension vide plein entre la fiction de la premi re partie et l autobiog
36. les uns avec les autres il est impossible d crire un livre sans l influence de la biblioth que ce qui implique galement que des traits peuvent tre tir s entre les textes comme dans La Biblioth que de Babel si chaque exemplaire est unique et irrempla able il y a toujours la Biblioth que tant totale plusieurs centaines de milliers de fac simil s presque parfaits qui ne diff rent du livre correct que par une lettre ou par une virgule Ainsi en explorant la biblioth que on a une chance de trouver de fa on d tourn e au moins le r cit de son histoire Figure du savoir absolu figure d archive de l humanit figure de m moire du monde la biblioth que se pr sente comme un lieu stable rempli de souvenirs et d histoires pour Georges Perec De ce fait l exploration de la biblioth que devient exploration de la m moire Evoquant certains livres qu il a lus dans son enfance il explique ceci 222 Borges Jorge Luis La Biblioth que de Babel in Fictions Paris Gallimard pp 71 81 1957 et 1965 traduction par Paul Verdevoye Nestor Ibarra et Roger Caillois dition originale Buenos Aires Emece Editores S A 1956 et 1960 pp 75 76 24 La nouvelle commence ainsi L univers que d autres appellent la Biblioth que ibid p 71 gi Cf Blumenberg Hans La Lisibilit du monde Paris Les Editions du Cerf 2007 traduction par Pierre Rusch et Denis Trierweiler ditio
37. moire et l exploration des traces du pass des vestiges am nent Georges Perec une nouvelle tape celle de la tentative de reconstitution de ce pass de l assemblage des traces r colt es et des notes accumul es lors des explorations autrement dit l tablissement d une carte d un atlas de la m moire Cette m taphore a moins suscit d analyses que celle du puzzle la reconstitution de l image clat e en petites pi ces illustre la recherche m morielle aussi bien que l enqu te l histoire ou l arch ologie qui a galement t glos e par Georges Perec lui m me Dans W ou le souvenir d enfance on trouve en parall le d une part au chapitre XI le personnage d Otto Apfelstahl qui reconstitu e d une mani re peu pr s satisfaisante les circonstances du naufrage du Sylvandre partir de l tude des traces et qui fascin par cette histoire escale apr s escale reconstitufe l histoire de ce voyage ainsi que d autre part au chapitre XIII Georges Perec qui lui reconstitue arbitrairement une chronologie des souvenirs 7 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 513 3 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 83 S Ibid p 87 28 L Atlas de la m moire qui d sormais existent mais ne sont pas fix s Une fois les traces r colt es et les donn es relev es lors des explorations prend place tout un travail
38. monacal un mauvais grabat aux coussins avachis aux draps pas rago tants Il n y avait pour lavabo qu un cagibi noir un broc un pot un bol un rasoir un torchon dont un mulot avair fait son lunch Amaury ouvrit un un un amas d in octavos aux dos salis aux plats avachis qui s accumulait sur trois ravons branlants Chacun portait tout un tas d annotations marginalia qu il parcourut mais qu il comprit fort mal Il distingua pourtant cinq ou six bouquins qu Anton Vol paraissait avoir soumis nn travail plus approfondi Art and Mau sion par Gombrich Cosmos par Witold Gom browicz l Opoponax par Monica Wittig Dok tor Faustus par Thomas Mann Noam Chomsky Roman Jakobson Blane au Oubli d Aragon Puis Amaury mit la main sur un fort carton qu il onvrit Il y troeva maints manuscrits prou yant qu Anton avait du go t pour l instruction car ily gardait nen sing un soin ttiflon l acquis qu on lui inculqua jadis Ainsi lisant mat mot Amau ty putil parcourir l instructif curriculum studio rum d Anton Il y avait d abord du fran ais Li o nous vivions jadis il n y avait ni autos ni taxis ni autobus nous allions Aux Maths On Groups Traduction d un travail d Marshall Hal ir LIT 28 folios 5 18 inclus Li notion l qui la conquit qui la trou 14 qui de fournit Gauss ou Galois Len n a jamais in Aujourd hui tout un chacun conna t a Pourtant on
39. nous avons laiss e jusqu pr sent au second plan il s agit de l aspect encyclop dique que rev t le recueil de cartes de sa figure de savoir total Comme le note Christian Jacob dans L Empire des cartes l atlas par l accumulation de cartes permet de concilier le tout et le d tail il satisfait la fois le d sir de contemplation de la totalit que propose la mappemonde ainsi que la recherche de donn es pr cises que prodigue la carte d taillant une zone particuli re troitement d limit e L atlas r unit une certaine quantit de cartes les extrayant d une collection d un catalogue afin de les compiler de les pr senter comme un savoir total encyclop dique La multiplication des cartes en fait de l atlas le lieu d archivage du savoir g ographique d une poque Par cet claircissement la d marche de l Oulipo dans l dition de ses anthologies devient plus explicite il s agit de constituer un ouvrage qui compile un savoir particulier de la litt rature potentielle qui archive les avanc es des connaissances dans ce domaine La composition de ces livres La Litt rature 148 Jbidem 1 Thid p 9 150 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 164 cf infra p 59 151 Jacob Christian L Empire des cartes op cit pp 97 98 15 Thid p 97 153 Ibidem 48 L Atlas du savoir potentielle et l Atlas de litt rature potentielle doit r pondr
40. particulier le ciel Les figures que les hommes des origines tra aient par des traits imaginaires sur la vo te c leste constitue le d but de la lecture et de l criture Le fait de relier les toiles les plus brillantes les unes avec les autres afin d y retrouver d y reconna tre une image un sens par la capacit d analogie de l esprit humain ou pour reprendre les termes de Walter Benjamin par son aptitude produire des ressemblances tient lieu d une forme premi re de lecture du monde lire ce qui n a jamais t crit la lecture avant tout langage dans les entrailles dans les toiles ou dans les danses et c est bien celle ci que semble r actualiser Georges Perec dans la th orie du texte qu il pr sente dans son article Lire esquisse socio physiologique 2 Thid p 111 Ce terme est emprunt l Oulipo cf Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit partie III 4 Constellations cf infra p 80 sq 200 Perec Georges Lire esquisse socio physiologique art cit p 112 7 Magn Bernard Perec lecteur de Roussel in Magn Bernard Perecollages pp 113 131 op cit p 113 262 Scholem Gershom Walter Benjamin Histoire d une amiti Paris Calmann L vy 1981 traduction par Paul Kessler dition originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1975 p 97 2 Jbidem 264 Benjamin Walter Sur le pouvoi
41. pas son organisation interne Le classement g ographique par contre renvoie la m taphore de la m moire comme lieu et montre comment celle ci s organise De plus le c t guide que porterait l ouvrage tout comme la perspective th matique laisseraient encore ouvert le jeu de reconstitution le jeu de lecture des cartes de la m moire l index donnerait la possibilit d aligner une suite de cartes de monter et 101 102 Perec Georges Esp ces d espaces op cit pp 47 48 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit pp 203 204 34 L Atlas de la m moire remonter le temps de jouer avec les combinaisons alors que la perspective chronologique arr terait d finitivement une lecture lin aire de la m moire que n affectionne pas particuli rement Georges Perec qui lui pr f re une lecture cartographique la m moire est lue comme une carte La disposition des chambres comme celle des cartes dans un atlas g ographique influencera le sens de l ouvrage et son mode de lecture Le m me ph nom ne se retrouve dans Lieux dont l issue tait encore plus incertaine j aurai fini en 1980 j ouvrirai alors les 288 enveloppes cachet es les relirai soigneusement les recopierai tablirai les index n cessaires Je n ai pas une id e tr s claire du r sultat final mais je pense qu on y verra tout la fois le vieillissement des RETE P RETE 103 lieux le vieilliss
42. qui le privent d acc s sa voix et son histoire Ces parois sont pareilles ces quelques lignes qui r sument et contiennent qui enferment l histoire de Georges Perec derri re elles au second chapitre de W ou le souvenir d enfance Je n ai pas de souvenirs d enfance mon histoire tient en quelques lignes ces quelques lignes qui rigent des murs pour dissimuler cette histoire v cue r elle La m moire de l enfance de Georges Perec prend la forme d un lieu inconnu cach souterrain peut tre qu il faudra parcourir explorer en Ne Perec Georges Les lieux d une ruse in Cause commune n 1 1977 coll 10 18 n 1143 pp 77 88 repris dans Penser Classer Paris Seuil 2003 dition originale Paris Hachette 1985 pp 70 71 41 Ibid p 59 48 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 17 19 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec d passant les murailles qui l enclosent et reconna tre non seulement dans le sens de l identification mais surtout dans celui de l examen d taill d un lieu de recherche de renseignements sur le lieu un lieu dont il faudra r colter des traces afin d en rendre compte afin de le situer Comme nous avons pu le voir dans un premier temps la m moire est per ue comme un lieu qu il faut explorer face la faillite de sa m moire face cette inconn
43. s lectionnant cinq cents lieux o peindre ses marines Georges Perec parpille les l ments de l histoire de Bartlebooth et des autres personnages dans les pi ces du roman faisant ainsi imploser la chronologie la lin arit du roman En pratiquant de la sorte Georges Perec reproduit dans son criture sa recherche m morielle o il doit enqu ter explorer sa m moire relier ses souvenirs reconstituer son histoire Dans une d marche mim tique l criture de type atlas renvoie au d chiffrement de la m moire comme l crit Walter Benjamin le langage serait le degr le plus lev du comportement mim tique et la plus parfaite archive de la ressemblance non sensible et c est pr cis ment ce que fait Georges Perec imiter dans son criture la r alit de la lecture de la m moire du lieu ou du texte invitant lire ses livres comme on lit la r alit En rendant visibles certains fragments du texte Georges Perec attire l attention sur une mani re de lire la m moire et la r alit non pas dans un ordre chronologique rectiligne mais dans un clatement de lieux qu il faudra relier Comme nous l avons mentionn par exemple l histoire de Bartlebooth est totalement parpill e dans l ensemble du roman et ses fragments n y apparaissent pas chronologiquement ils d pendent au contraire du lieu o ils se trouvent l image de la grande carte toil e trouv e dans l appartem
44. sont parfois trou es et les caract res illisibles ou que les rayons correspondants aux cotes sont vides ou partiellement remplis Dans son entretien avec Frank Venaille retranscrit dans le recueil fictif Je suis n Georges Perec r pond une question sur la fa on dont na t un souvenir Perec Georges Esp ces d espaces op cit pp 179 180 Cf supra p 15 24 Carruthers Mary Le Livre de la M moire La m moire dans la culture m di vale Paris Editions Macula 2002 traduction par Diane Meur dition originale Cambridge Cambridge University Press 1990 chapitre 1 Mod les de la m moire Thesaurus sapientiae 35 Ibid p 55 6 Thid pp 58 59 16 L Atlas de la m moire Dans le cas de Je me souviens ce sont des souvenirs qui sont provoqu s des choses oubli es que je vais faire resurgir une anamn se c est dire le contraire de l oubli C est une pratique assez curieuse je suis devant ma table de travail dans un caf un a roport ou un train et j essaie de retrouver un v nement qui n a pas d importance qui soit banal d suet et qui au moment o je le retrouve va d clencher quelque chose J essaie de me souvenir je me force me souvenir Je me dis voyons le th me de la nourriture le th me du sport celui de la politique une chanson un th me genre souvenirs de vacances L extrait de cet entretien met en vidence la perception d un
45. tables de travail qu taient les toiles noires et par l interaction qui r sultait de la rencontre de ces l ments h t rog nes creusait des intervalles significatives Pour reprendre les termes de Georges Didi Huberman Pr ter attention aux intervalles c tait se donner une chance d observer comment s embrassent et se s parent comment se combattent et se m lent comment s loignent et s changent les l ments d une intrication De la m me mani re que les espaces noirs sur les planches d Aby Warburg les espaces blancs qui s immiscent partout dans l alternance des textes de W ou le souvenir d enfance comportent un sens qu il faut savoir d chiffrer Dans La M moire et l Oblique Philippe Lejeune qui s int resse la gen se de l autobiographie sign e Georges Perec nous apprend que l auteur avait pr vu d crire un troisi me jeu de textes qui aurait expliqu sa d marche entreprise dans le d chiffrement de l histoire de W et de ses souvenirs qui aurait analys les deux premi res s ries 34 Jbidem 355 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit quatri me de couverture 36 Didi Huberman Georges L Image survivante op cit p 452 37 Thid pp 500 501 97 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Toutefois il abandonna cette id e et ne proposa ses lecteurs que les deux textes simplement altern s plus d explications
46. teau des destins crois s Paris Seuil 1976 traduction par Jean Thibaudeau et Italo Calvino dition originale Torino Einaudi 1973 Carroll Lewis La Chasse au Snark dition bilingue Paris Gallimard 2010 traduction par Jacques Roubaud 1876 Dumas Alexandre Le Comte de Monte Cristo Paris Gallimard 1981 1846 Warburg Aby Der Bilderatlas Mnemosyne publi par Martin Warnke en collaboration avec Claudia Brink Berlin Akademie Verlag 2003 deuxi me dition compl t e LITTERATURE SECONDAIRE Articles sur la carte et la cartographie chez Georges Perec Chauvin Andr e Cartes et plans repr sentations de l espace et conditions de lecture in Chassay Jean Fran ois dir Cahiers Georges Perec n 8 Colloque de Montr al Bordeaux Castor astral 2004 pp 237 253 Joly Jean Luc L criture cartographique de Georges Perec in Garane Jeanne d Discursive geographies Writing Space and Place in French Amsterdam New York Rodopi 2005 pp 223 236 Ouvrages g n raux sur la carte Brunet Roger La Carte mode d emploi Paris Fayard Reclus 1987 Cartes et figures de la terre Catalogue de l exposition du Centre Georges Pompidou Paris Centre Georges Pompidou 1980 Jacob Christian L Empire des cartes Approche th orique de la cartographie travers l histoire Paris Albin Michel 1992 105 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Ouvrages sur
47. un proc d de lev e de plans par des mesures d angles et de longueurs au long d une ligne polygonale Dictionnaire de l Acad mie 2010 informatis L explorateur collecte donc des donn es sur le lieu qu il tudie il effectue un travail de reconnaissance du terrain l histoire d un cheminement se trouve ainsi inscrite dans W ou le souvenir d enfance Le travail de rem moration ex cut ici prend des allures d exploration d un lieu et du chemin qui y m ne stylo en main pour prendre des notes pour garder des informations les donn es du lieu Nous avons mis en vidence dans un premier temps le caract re spatial de la m moire comme un lieu explorer et galement comme un espace fait de lieux morcel s comme dans Lieux o j ai dormi et dans Lieux ainsi que a fortiori sous la forme d un fhesaurus dans la constitution de Je me souviens Dans ces cas ci l exploration de la m moire se cantonne celle de ces micro espaces leur description dans le but de d couvrir de d terrer des souvenirs enfouis La technique de rem moration est m thodique dans le cas des Lieux o j ai dormi Georges Perec se rend dans les chambres de sa m moire il lui suffit de penser avec un minimum d application un lieu donn et d crit ce lieu retrouv cet espace ressuscit avec tous les d tails qui r apparaissent L crivain l explique lui m me la m moire du corps certitude c n
48. unes apr s les autres mais proc dent par saccades et fixations explorant au m me instant la totalit du champ de lecture avec une redondance opini tre parcours incessants ponctu s d arr ts imperceptibles comme si pour d couvrir ce qu il cherche l il devait balayer la page avec une agitation intense non pas r guli rement la mani re d un r cepteur de t l vision comme ce terme de balayage pourrait le laisser penser mais d une mani re al atoire d sordonn e y r p titive ou si l on pr f re puisque nous sommes en pleine m taphore comme un pigeon picorant le sol la recherche de miettes de pain Le parcours sp cifique des yeux dans le texte bouscule la conception habituelle de la lecture les yeux ne suivent pas la lin arit du texte afin de d chiffrer son sens mais proc dent par une activit plus complexe entre saccades et fixations repassant continuellement sur les m mes caract res Au del du cheminement progressif des suites de lettres et de signes au del de la lin arit conventionnelle du texte de sa lin arit apparente l il effectue un travail bien plus transgressif 1l explore l espace textuel en le traversant en repassant plusieurs fois par les m mes endroits en s arr tant pour observer 7 Perec Georges Lire esquisse socio physiologique in Esprit n 453 janvier 1976 pp 9 20 repris dans Penser Classer op cit p
49. venir s accrochera encore certains de ces lieux que le seul fait d y passer ou d y penser les fera t moins d exp riences nouvelles ou bien y aura t il d un c t ces lieux mythiques et momifi s gardant intacts des souvenirs de plus en plus d risoires cependant que ma vie ira se jouer dans des arrondissements que je n avais pas pr vus par une co ncidence donc Berthe et avec elle l avenue Junot ont resurgi dans ma vie apr s des ann es d oubli ou plut t d vitement au mois m me o je m appr tais me souvenir de l avenue Junot Dans ce passage l crivain met en avant les rapports privil gi s entre ces lieux et sa m moire Georges Perec montre la capacit qu ont ces lieux accrocher contenir les souvenirs et peut tre m me la vie venir qui son tour se m tamorphosera en souvenirs et prendra place c t des autres Aussi la m moire va t elle se former se morceler en ces diff rents lieux autour desquels s agglutinent les souvenirs ces lieux gardant intacts des souvenirs de plus en plus d risoires Car ce sont les lieux qui conservent les souvenirs mais Georges Perec en manque cruellement ou du moins ne poss de t il pas un lieu unique stable mais des lieux clat s dispers s qui se m tamorphosent et se d truisent progressivement comme il l crit la fin d Esp ces d espaces J aimerais qu il existe des lieux stabl
50. 109 2 Thid pp 110 111 71 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec certains points l il rompt la lin arit apparente du texte en le consid rant dans son ensemble puis en se concentrant sur certains de ses d tails C est dans les passages incessants entre ces deux perspectives et dans les sauts entre les points de d tails sur lesquels l il s arr te que prend naissance l clatement de la succession ordinaire des l ments textuels Cette mani re de lire un texte r v le et rel ve des caract ristiques originales de celui ci qui provient du latin texere tisser c est dire entrelacer suivant une armure donn e les fils de cha ne en longueur et les fils de trame en largeur pour en faire un tissu Le Petit Larousse 2008 La pratique du tissage pour m taphoriser l criture d un texte met en vidence la non lin arit de la lecture qui en r sulte la prise en compte de plusieurs perspectives simultan es En effet une mesure lin aire qui a l aspect continu d une ligne Le Petit Larousse 2008 s oppose la mesure de surface prise en compte d une deuxi me dimension ou de volume prise en compte d une troisi me dimension C est bien ce quoi nous invite indirectement Georges Perec quand il nonce le souvenir de la confection de napperons de papier la mani re du tissage en croisant des bandes de couleurs une fois au dessus une fois au dessou
51. 46 2 Thid p 43 71 Thid pp 45 46 12 L Atlas de la m moire Au del de la seule vocation des lieux o Georges Perec a dormi tout un lot de souvenirs ressurgit dans sa m moire qui sont li s cette chambre et ramen s par le rappel du lieu Ces chambres qu il se rem more presque sans effort sont comme des arbres facilement visibles dans sa m moire et qu il d terre qu il arrache r v lant les racines auparavant invisibles De plus cette d marche de rem moration introduit une m taphore de la m moire comme un ensemble de lieux la m moire prend dans ce cas la forme d un certain nombre de chambres peu pr s deux cents auquel s accroche un flot de d tails de souvenirs ou peut tre plus pr cis ment les chambres prennent l aspect de cases dans cet espace qu est la m moire cases contenant un certain nombre de souvenirs La m moire se profile donc comme un lieu un espace constitu de lieux clos qui renferment et donnent acc s c est dire archivent des souvenirs ayant un lien direct avec ces chambres r elles De ce dispositif de cases dans l espace m moriel d coule une capacit explorer chaque fragment un un afin d en retirer les souvenirs moins accessibles qui y sont gard s Il convient de relever que le travail des Lieux o j ai dormi est mentionn dans l ouvrage Esp ces d espaces parce que la m moire que nous avons d crite ent
52. Bilderatlas Mnemosyne d Aby Warburg sont pr sent s de haut en bas une carte du ciel repr sentant les constellations sous la forme d tres imaginaires ou non Himmelsdarstellung mit Sternbildern une carte des mouvements migratoires d change culturel entre le Nord le Sud l Est et l Ouest europ en Die Wanderstrassenkarte des Kulturaustausches zwischen Norden Stiden Osten Westen et un arbre g n alogique des familles Medici Tornabuoni Stammbaum der Familien Medici Tornabuoni Voici le petit commentaire qui accompagne ce tableau dans le Bilderatlas Mnemosyne Diff rents syst mes de relations o l homme est engag cosmique terrestre g n alogique L installation de toutes ces relations dans la pens e magique la 335 336 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 110 Warburg Aby Der Bilderatlas Mnemosyne publi par Martin Warnke en collaboration avec Claudia Brink Berlin Akademie Verlag 2003 deuxi me dition compl t e pp 8 9 37 Cf Annexe 4 p 113 92 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit s paration de l origine le lieu de naissance et la situation cosmique suppose d j un esprit productif 1 Orientation 2 change 3 classification sociale Les cartes du ciel de la terre ou encore l arbre g n alogique renvoient tous un m me type de pens e la place de l homme dans diff rents syst mes de relations cosmique spa
53. CONSON 21 Qui au sortir d un raccourci succinct nous dira la mort d un individu dont On pArA Jadis nues ra adh ere ne 22 O un us familial contraint un gamin 11 17 27 41 33 39 73 85 97 109 127 139 145 159 173 181 189 193 203 214 225 imaginatif finir son Gradus ad Par nassum par six assassinats 4 23 Du plus o moins bon parti qu un fran gin s angoissant tira du magot qu un tambour lui laissait 24 Qui s ouvrant sur un mari morfondu finit sur un frangin furibard VI ARTHUR WILBURG SAVORGNAN 25 Qui finit sur un blanc trop significatif 26 Dont coup s r on avait auparavant compris qu il finivait Ja narration POST SCRIPTUM Sur l ambition qui guida la main du scrivain METAGRAPHES Au Moulin d And 1968 Annexe 2 Table de La Disparition Perec Georges La Disparition op cit pp 317 319 241 259 277 291 301 311 315 317 110 Annexes aucun apparat sans aucun attrait sans souci du standing murs blanchis la chaux tapis salis faits d un mauvais coton qui partait par flocons l y avait un salon rabougri living room l aban don o un sofa moisi qui montrait son crin jouxtait un bahut puant l oignon pourri Un spa radrap fixait trois horrifiants chromos aux bat tants d un placard branlant La bow window an vitrail opalin donnait un jour gris blafard Il y avait pour lit un ch lit
54. Colloque de Cerisy juillet 1984 Paris P O L 1985 pp 213 231 Reggiani Christelle L image perecquienne comme antitexte in Bertelli Dominique d Perec et l image Actes du colloque de Grenoble janvier 1998 Le Cabinet d amateur Revue d tudes perecquiennes n 7 8 Toulouse Presses universitaires du Mirail 1998 pp 21 29 Ouvrages et articles divers Benjamin Walter Sur le pouvoir d imitation in uvres II Paris Gallimard 2000 pp 359 363 traduction par Maurice de Gandillac Rainer Rochlitz et Pierre Rusch dition originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1972 1989 1933 Didi Huberman Georges L Image survivante Histoire de l art et temps des fant mes selon Aby Warburg Paris Les ditions de Minuit 2002 Eco Umberto Vertige de la liste Paris Flammarion 2009 traduction par Myriem Bouzaher dition originale Milano Bompiani 2009 107 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Ginzburg Carlo Signes traces pistes Racines d un paradigme de l indice in Le D bat n 6 Paris Gallimard 1980 traduction par Jean Pierre Cottereau dition originale Gargani Aldo dir Crisi della ragione Torino Einaudi 1979 pp 57 106 pp 3 44 Pic Muriel W G Sebald L image papillon suivi de W S Sebald L Art de voler Dijon Les Presses du r el 2009 Riffaterre Michael La trace de l intertexte in La Pens e octo
55. Dans Un aphorisme peut en cacher un autre un g n rateur de texte produit partir de l introduction des nom et pr nom du lecteur des aphorismes partir d un corpus d aphorismes de base et d un vocabulaire particulier 302 Cf Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit pp 239 242 84 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit cit e pr c demment on retrouve cette technique d criture qui cr e pour le lecteur des chemins afin de cr er son tour Ainsi plusieurs uvres oulipiennes cherchent fournir un livre o les explorations sont possibles o les routes s entrem lent de la m me fa on que les histoires racont es par les personnages du Ch teau des destins crois s d Italo Calvino s entrelacent dans l image qu a produite la combinaison des cartes de tarot au fil des r cits Sans doute mon histoire est elle aussi contenue dans cet entrelacement de cartes pass pr sent futur mais pour ma part je ne sais plus la distinguer des autres La for t le ch teau les tarots m ont conduit ceci perdre mon histoire la confondre dans la poussi re des histoires m en lib rer Il ne reste plus de moi que l obstination maniaque de compl ter de fermer de faire revenir les r cits Et j ai encore parcourir une autre fois dans le sens oppos deux c t s du tableau et si je le fais c est que j y sae 304 mets un point d honneur
56. Dans un souci mim tique Georges Perec d veloppe dans son criture une mise en visibilit de certains l ments d tonnant et propose une lecture qui s appuie sur ces points saillants De m me il inscrit dans ses uvres de multiples possibilit s de lectures en proposant par exemple un index qui permet au lecteur de parcourir le livre dans tous les sens comme dans un atlas g ographique L criture d atlas de la m moire suppose un tel dispositif qui permet la lecture non lin aire suppose une disposition de textes que le lecteur peut parcourir en les reliant sa mani re comme s il lisait un atlas g ographique L atlas de la m moire devient une table d anatomie o tout est mis plat o tout est dispos de fa on laisser l observateur libre de lire de recomposer les l ments sans jamais arr ter une lecture mimant ainsi le v ritable travail de la m moire 370 Perec Georges Lire esquisse socio physiologique art cit p 113 103 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Bibliographie LITTERATURE PRIMAIRE uvres de Georges Perec N B Ne sont mentionn es que les uvres cit es dans le travail L Art et la mani re d aborder son chef de service pour lui demander une augmentation Paris Hachette 2008 dition originale in Enseignement programm n 4 Paris Hachette Dunod 1968 La Disparition Paris Gallimard L Imaginaire 1969 dition orig
57. Discursive geographies Writing Space and Place in French Amsterdam New York Rodopi 2005 pp 223 236 7 Chauvin Andr e Cartes et plans repr sentations de l espace et conditions de lecture in Chassay Jean Fran ois dir Cahiers Georges Perec n 8 Colloque de Montr al Bordeaux Castor astral 2004 pp 237 253 Introduction g ographie qu il faudra alors reconna tre et cartographier Cette d marche de cartographe n cessite un travail de reconnaissance du terrain une r colte de traces de donn es d marche particuli rement explicite dans W ou le souvenir d enfance Nous t cherons donc de montrer comment sous la plume de Georges Perec la m moire prend les caract ristiques d un lieu puis comment les recherches m morielles s apparentent une exploration de terrain qui aboutit une cartographie du ieu m moire Dans une deuxi me partie nous nous int resserons l atlas du savoir l atlas d un point de vue encyclop dique Si d une part la m moire est reconnue d faillante s il y a des trous de m moire d autre part il y a une volont de tout savoir Par cons quent nous t cherons d aborder la pratique de l inventaire d marche oulipienne adopt e dans l Atlas de litt rature potentielle En effet la litt rature devient pour l Oulipo un lieu un espace d exploration certes contenu par les contraintes mais vaste dans sa lib ration de l imagination L Oulipo inve
58. Georges Cahier des charges de la Vie mode d emploi pr sentation transcription et notes par Hans Hartje Bernard Magn et Jacques Neefs Paris CNRS et Zulma 1993 131 Perec Georges Penser Classer art cit p 164 12 TI s agit des chapitres LXVII pp 391 392 et XCIV pp 544 547 de La Vie mode d emploi op cit 193 Perec Georges L Art et la mani re d aborder son chef de service pour lui demander une augmentation in Enseignement programm n 4 Paris Hachette Dunod 1968 r d Hachette 2008 Texte reprenant en 59 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec personnage de Bartlebooth qui dans une anecdote absente du livre mais voqu e par Georges Perec lors d un entretien avait eu un autre projet que celui des cinq cents marines qui est distill tout au long du roman fonder une soci t qui estimerait le prix de la plan te Terre On commence un inventaire un ouvre bo te cinq centimes la Joconde quatorze milliards tel caillou tant Cette pratique de l num ration 5 produit une asphyxie chez le lecteur un vertige qui pourrait bien tre celui qui 196 donne son titre l ouvrage d Umberto Eco Vertige de la liste vertige produit par la profusion d l ments et peut tre la tentative d approche de l exhaustivit de la totalit 3 Le savoir encyclop dique L inventaire est un proc d litt raire qui introduit la questi
59. Georges Perec est intimement li e la m moire qui est d faillante et qui par cons quent doit tre combattue Cette panique de perdre mes traces s accompagna d une fureur de 7 Perec Georges Notes sur ce que je cherche in Le Figaro 8 d cembre 1978 p 28 repris dans Penser Classer op cit p 11 7 Jbidem 227 Propos de Georges Perec dans l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 28 Balzac voulait faire concurrence l tat civil moi c est simplement aux dictionnaires Perec Georges Entretiens et Conf rences vol I op cit p 228 2 Propos de Georges Perec dans l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 Ibidem 64 L Atlas du savoir conserver et de classer crit il dans Les lieux d une ruse en parlant de son analyse Tout devait tre gard lettres factures catalogues etc et class ensuite dans un syst me d mentiel couvrant chaque ann e chaque mois chaque jour de sa vie tout l ment objectif de la vie devait tre not ce qui aboutit notamment une Tentative d inventaire des aliments liquides et solides que j ai ingurgit s au cours de l ann e mil neuf cent soixante quatorze Cependant la m moire comme le monde est probablement trop vas
60. L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec sor TAONE QUE BaP Sa SA eDi PER ES Er p Agn AS ET EE PAAA MEN ANSE AR BTE ET TS d it M moire de master pr sent par Simon Miaz sous la direction de Muriel Pic Institut de litt rature fran aise Facult des lettres et sciences humaines Universit de Neuch tel Juin 2010 Simon Miaz Temple 9 2052 Fontainemelon 032 853 15 15 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Table des mati res INTEOQUCUION ren sad EE sean a oder te oies nr E ns area de tu ange dec 2 I L Atlas de la m moire issesminnnmnnnnennnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnne 7 1 La m moire COMME li U mmnsssssssnennnenenennnnnnnnnnnnnnnennnnnennennnnnennennnennns 8 2 L exploration et la r colte de traces mens 19 3 La cartographie de la m moire snnennenennse 28 IL L Atlas du savol iaaa ansaan iani andan auan nia aana raaraa adanan narada daaa ai 40 1 Le langage et la litt rature comme lieux explorer 41 PAE EA KABIA I IE D I i A a E E EE EEE EE E A EEE A EE 47 3 Le savoir encyclop dique seen 56 IT L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit 70 1 La constellation lire autrement mmsssssmnemenenennnenennnennes 71 2 L criture de l atlas rendre visible sms 81 3 L atlas de la m moire lire la m moire sssssssssnnnunnunnnunnunnnnnunnnnnnunnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn 91 Conclusion Topographie fant me ins 100 BibH
61. La Vie mode d emploi op cit p 460 37 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec la pratique de se rep rer Les trois cartes de Bartlebooth pr sentent le caract re d une carte imaginaire pour les personnages qui sont en contact avec elles Elles ne sont pas utiles mais d coratives supports la r verie l imagination Le contexte dans lequel se trouvent ces cartes fait d elles des repr sentations imaginaires car elles ne renvoient pas une r alit actuelle mais elles repr sentent une autre fonction dans le travail de la m moire l imagination C est en s appuyant sur ces cartes fictives que l on va pouvoir se rem morer Les cartes de l le fictive d Iputupi fig 2 qui accompagnent le pastiche d article scientifique de Georges Perec Distribution spatio temporelle de Coscinoscera Victoria Coscinoscera tigrata carpenteri Coscinoscera punctata Barton amp Coscinoscera nigrostriata d Iputupi recouvrent cette m me dimension elles sont aussi bien des repr sentations fictives qui suscitent la r verie et viennent appuyer l illusion du pastiche scientifique que ces cartes curieuses qui figurent la m moire et forment un support ad quat l imagination n cessaire la reconstitution du pass ET NON 1 OMS 3 ul S cul Lente con NH ele 5 nue Care ve 8 17 zone Cr au pi deade O LoneCr P RA meen e e eu
62. OBTADhIC ns etnetesanestuinantenitnins ti aidi dadia andad ddaa baidid inaani 104 Table des illustrations ssssnnsnnnnnnnnnnnnnnnnnnunnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn nnna 108 ANNEXES ser aiea ANN A ANERE A N EAN Eea ce E A TANAAN 109 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Introduction Je suis n le samedi 7 mars 1936 vers neuf heures du soir dans une maternit sise 19 rue de l Atlas Paris 19 arrondissement C est par cette num ration pr cise des informations sur le lieu et la date de sa naissance que Georges Perec commence le sixi me chapitre de son autobiographie W ou le souvenir d enfance publi e en 1975 Comme un moyen de rep rer dans le temps et dans l espace le d but de sa vie comme un moyen de mettre le doigt sur un point dans un atlas g ographique pour se situer les l ments du commencement de son histoire sont nonc s l un apr s l autre pour former un tout une phrase compl te qui se suffit elle m me Georges Perec est n la rue de l Atlas trange co ncidence quand on conna t son go t particulier pour l espace et la repr sentation de celui ci J aime les cartes et les plans les atlas En effet que ce soit dans Esp ces d espaces qu il publie en 1974 dans La Vie mode d emploi en 1978 ou dans d autres de ses textes il ressort clairement que l espace le lieu leur perception et l
63. Pacifique aberration qui ne respecte pas les normes cartographiques modernes l Imperium Japonicum et la carte de Renaud R gnier qui renversent les repr sentations habituelles Le r ve sillonne le trac des cartes de la m me mani re que les scientifiques du chapitre LXXX de La Vie mode d emploi parviennent lire le nom inscrit sur le nouveau 243 244 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit pp 194 195 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 98 68 L Atlas du savoir continent partir de quelques lettres d t rior es de d duire en observant l cart entre les lettres les caract res effac s et lire TERRA CONSOBRINIA L observation minutieuse des traces de la fa on dont elles entourent les espaces effac s combin e l imagination permet de reconstituer le message d origine Ce passage fait irr sistiblement cho celui du Comte de Monte Cristo une des lectures de Perec o l abb Faria explique Edmond Dant s avoir reconstruit le manuscrit sur lequel est d crite la cachette du tr sor des Spada partir d un fragment consum moiti par le feu L abb devina le texte disparu en mesurant la longueur des lignes et en p n trant dans le sens cach au moyen du sens visible La carte de la Cousinie comme la reconstitution du testament du Cardinal Spada clairent la fonction de l imaginaire dans le processus de rem moration chez Georges P
64. Pour moi crire enfin le travail d crivain se situe en connexion directe avec les autres crivains On crit tout seul mais on crit au milieu d une myriade enfin d une constellation d autres crivains Les uvres des autres font comme un sont des pi ces d un puzzle et au milieu de ce puzzle il y a un trou un vide qui est pr cis ment les livres mes propres livres qui sont nourris par tous les autres C est dire que j ai l impression quelque part de continuer quelque chose qu ils Jules Verne Raymond Roussel Michel Leiris Gustave Flaubert et d autres ont commenc explorer De son propre aveu cette image de la litt rature qui se dessine et qui serait l image d un puzzle est inspir e par Michel Butor Cette conception inscrit l crivain dans tout un r seau intertextuel dans un ensemble un espace particulier qu est la biblioth que Or de quel type de puzzle s agit il que repr sente t 1l Peut tre justement une image de carte la carte du monde litt raire Ainsi les explorations de chaque crivain se trouveraient figur es sur cette image indiquant l tendue des voyages des d couvertes des tra ages litt raires Cependant la biblioth que a contrairement la carte une perspective non seulement superficielle plane mais surtout profonde qui invite au travelling avant un approfondissement ce qui ne manque pas d voquer l atlas Celui ci
65. a cartographie de la m moire Nous avons montr comment ces projets mettaient en vidence la m taphore de la m moire comme lieu et la mani re dont Georges Perec l explorait Comment se seraient pr sent s les produits finaux s ils avaient abouti La question est obs dante mais sans r ponse Thid p 87 Thid p 14 Thid p 93 Thid p 14 100 Thid pp 93 94 33 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Voici ce que l auteur dit dans Esp ces d espaces des chambres qu il a recens es pour le projet des Lieux o j ai dormi Je ne suis pas encore d finitivement fix sur la mani re dont je les classerai Certainement pas par ordre chronologique Sans doute pas par ordre alphab tique encore que ce soit le seul ordre dont la pertinence n a pas tre justifi e Peut tre selon leur disposition g ographique ce qui accentuerait le c t guide de cet ouvrage Ou bien plut t selon une perspective th matique qui pourrait aboutir une sorte de typologie des chambres coucher Comment les classer Comment ranger cette m moire Apr s l exploration des lieux et leur description il resterait disposer ces textes les assembler selon un certain ordre Cette pr occupation rappelle celle d un cr ateur d atlas les cartes sont faites il faut y mettre de l ordre les monter ensemble d une fa on r fl chie les disposer dans l atlas afin d
66. a litt rature que ce soit d un contemporaines point de vue analytique red couvrir des contraintes int ressantes potentiellement ou d un point de vue synth tique inventer de nouvelles contraintes 20 T s agit de No l Arnaud Jacques Bens Claude Berge Jacques Duchateau Latis Fran ois Le Lionnais Jean Lescure Raymond Queneau Jean Queval et Albert Marie Schmidt 7 Bens Jacques OuLiPo 1960 1963 Paris Christian Bourgois Editeur 1980 p 20 7 La d finition est prononc e par Raymond Queneau dans son entretien avec Georges Charbonnier 1962 reprise dans Oulipo La Litt rature potentielle Cr ations Re cr ations R cr ations Paris Gallimard 1973 p 33 Bens Jacques OuLiPo 1960 1963 op cit p 43 4 Oulipo La Litt rature potentielle op cit p 17 41 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec La d marche de l Oulipo est particuli rement clairante dans notre tude sur l atlas chez Georges Perec car la fa on dont l Association d finit son travail voque la m taphore de la langue et de la litt rature comme lieux d exploration De ce fait un lien se cr e entre ce que nous avons mis en avant dans notre premi re partie la m moire comme lieu explorer et cartographier dans les textes de Georges Perec et la conception d velopp e dans les th ories de l Oulipo consid rant le langage et la litt rature comme lieux explorer Dans
67. aces de mon histoire consult des cartes et des annuaires des monceaux d archives Je n ai rien trouv et il me semblait parfois que A r 12 j avais r v qu il n y avait eu qu un inoubliable cauchemar Il s agit donc d un homme cherchant sur des cartes g ographiques des preuves de l existence de ses propres souvenirs un homme qui cherche une le disparue dans les Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit quatri me de couverture Ibid p 14 Dans les citations nous respectons la mise en italique du r cit fictif 1 bid p 17 1 Thid quatri me de couverture 1 Thid p 14 L Atlas de la m moire atlas g ographiques une le qui a t comme ray e de la carte et qu il t chera de rappeler partir de la topographie qu il s est constitu e dans la m moire D autre part se pr sente un homme qui affirme l absence de souvenirs de son enfance et d signe une m moire perdue Le parall le op r entre ces deux r cits nous permet de mettre en vidence le caract re topographique de l enfance dans la m moire de Georges Perec En effet si son personnage fictif cherche sur les cartes une le disparue qu il a visit e et dont il a conserv assez de souvenirs pour tre capable d en rendre compte Georges Perec par contre pointe une absence de souvenirs un trou sur la carte g n rale de sa m moire une carte manquante dans l atlas m moriel Le lien qu
68. activit s imagin es se poursuit jusqu la page 29 Cependant plus qu une incitation peupler les espaces ainsi cr s cette carte mod le sur laquelle ces espaces sont miraculeusement rassembl s est une repr sentation de la m moire Sur cette figure sont reli s des l ments totalement h t rog nes gr ce un montage qui cherche illustrer dans un souci didactique une soixantaine de termes g ographiques Ce montage qui truque le r el en regroupant diverses r alit s g ographiques une diversit incompatible de lieux sur un espace fictif est semblable au montage m moriel pour reprendre Georges Didi Huberman la m moire est monteuse par excellence elle agence des l ments h t rog nes d tails elle creuse des failles dans le continu de l histoire intervalles pour cr er entre tout cela des circulations elle se joue de et travaille avec l intervalle 110 des champs De ce fait l ekphrasis de la carte mod le des anciennes ditions du Petit Larousse illustr dans Esp ces d espaces d signe les m canismes de la m moire chez Georges Perec aussi bien dans le montage qu elle op re des l ments m moriels que dans 111 l imagination n cessaire celui qui cherche se rem morer La curiosit de cette carte est semblable celle de la m moire Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 26 Thid p 27 Jb
69. al Il racontait qu il travaillait Ursins dans l A n J ai cru saisir qu il vivait dans un garni J ai vu dans un Atlas qu Ursins avoisinait Oyonnax au mitan du Jura On disait qu il s agissait d un bourg tout fait plaisant Dans ce cas l atlas est consult dans le but de rep rer l endroit o se trouve l tre aim l ami afin de pouvoir situer visualiser cette personne afin de concr tiser les informations envoy es dans la lettre Ursins dans l Ain afin de projeter ces donn es sur une carte afin de se repr senter cette r alit Cet emploi particulier de l atlas est d autant plus int ressant si on le met en relation avec un autre texte de Georges Perec qui se trouve dans Esp ces d espaces Dans ce passage Georges Perec s interroge sur la diff rence de traitement entre le temps et l espace Il remarque que le temps pr occupe tout moment On a toujours besoin de savoir l heure que la plupart des gens portent des montres alors que l espace semble si vident qu on ne se pose jamais la question o on est On croit le savoir que rares sont ceux qui portent des boussoles C est vident bien s r mais qu est ce qui n est pas vident De temps en temps pourtant on devrait se demander o on en est faire le point pas seulement sur ses tats d me sa petite sant ses ambitions ses croyances et ses raiso
70. allie justement les deux types de repr sentations et rev t un aspect plus complet que la carte qui se limite soit la repr sentation g n rale d un large espace soit celle plus pointue d un lieu sp cifique En cela l atlas permet d aborder la biblioth que comme une projection de l espace litt raire La biblioth que se pr sente d une part comme un index un r pertoire indiquant chaque auteur et chacune de leurs uvres ou si l on pr f re comme une carte g n rale de la litt rature elle remplit ainsi la fonction globale macroscopique D autre part elle satisfait la perspective microscopique en proposant derri re chaque entr e de l index un livre une carte dirons nous fruit des explorations litt raires Par cons quent la biblioth que prend v ritablement la forme et la fonction d un atlas repr sentant la litt rature Ainsi Georges Perec s inscrit dans le grand Bertelli et M Ribi re Paris Joseph K 2003 ainsi que dans l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 14 Extrait de l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 Nous faisons ici la transcription 148 Perec Georges Pouvoirs et limites du romancier fran ais contemporain art cit p 83 46 L Atlas du savoir Atlas de
71. ance et La Disparition parce qu elles pr sentent le plus grand nombre d occurrences d atlas ainsi que l Atlas de litt rature potentielle de l Oulipo qui entretient explicitement un rapport entre l criture et la cartographie Il nous a toutefois sembl important de compl ter l approche de ces livres par l abord d autres textes de Georges Perec comme Esp ces d espaces ou certains articles repris dans le recueil fictif Penser Classer principalement Les Lieux d une ruse et Lire esquisse socio physiologique Ajouter une nouvelle entr e critique dans la glose d j abondante des uvres de Georges Perec pourrait para tre assez futile ou redondant Cependant croyons nous la perspective qu offre l atlas permettra d une part de saisir plusieurs aspects d terminants de son uvre et ce de mani re originale et d autre part de d gager un nouvel enjeu de son criture En effet nous t cherons de montrer comment l aflas cristallise une mani re de lire de d chiffrer le monde chez Georges Perec posant ainsi la question de la visibilit L atlas va pour commencer nous conduire une premi re partie qui s int ressera la d marche d exploration et de cartographie de la m moire La m moire devient un lieu explorer un lieu inconnu une carte blanche ou une absence sur les cartes de Joly Jean Luc L criture cartographique de Georges Perec in Garane Jeanne d
72. ar un syst me de cases qu il explore une une partir d un th me particulier voyons le th me de la nourriture etc Tout comme dans Lieux o j ai dormi l auteur se contraint un espace relativement clos afin de lib rer le plus de souvenirs possible et d viter peut tre la dispersion que pourrait engendrer l exploration de la m moire tout enti re On retrouve le m me vertige ou le m me aveu d incapacit puiser une telle totalit reconstituer minutieusement un si vaste espace que dans le projet de Bartlebooth dans La Vie mode d emploi qui est de saisir de d crire d puiser non la totalit du monde projet que son seul nonc suffit ruiner mais un fragment 5 Ibidem 56 Thid p 49 57 Perec Georges Le travail de la m moire art cit p 82 cf supra p 17 22 L Atlas de la m moire constitu de celui ci Cependant l exploration de la m moire dans le projet des Lieux comporte une diff rence qui est celle de la visite effective des lieux d crits Certes le projet est divis en deux types d criture et celle des souvenirs ne s effectue pas sur les lieux m mes auxquels ils sont rattach s mais Georges Perec s y rend toutefois pour r diger la partie r elle Aussi alors que les chambres des Lieux o j ai dormi ne sont explor es que dans la m moire les douze lieux sont eux r ellement explor s ils sont non seulement des lieux de
73. aut y voir un jalon y Afin d y d couvrir un indice sur la disparition d Anton les personnages se mettent lire Ces r critures lipogrammatiques que nous propose Georges Perec dans La Disparition constituent v ritablement une mise en sc ne de l acte de lecture Ce jalon qu il faut voir dans ces textes est bel et bien ce qu il d signe un point de rep re une marque permettant de se situer De ce fait les textes int gr s dans La Disparition sont bien des jalons des marques des points visibles ils sont bien les l ments saillants dont parle Georges Perec dans Lire esquisse socio physiologique et qui vont permettre au lecteur de lire le texte car c est la lecture des textes qui va r v ler aux personnages l omission de la lettre Par cette mise en abyme de l exploration des crits pour d couvrir le manque Georges Perec r v le ses propres lecteurs que leur acte la lecture n est pas anodin qu il n est pas aussi vident qu il para t il leur indique qu ils doivent d chiffrer lire en constellation et remarquer ce que les mots contournent ce qu ils encerclent et indiquent par la nuance du noir et du blanc par les sinuosit s des lettres Ce que demande l auteur son interlocuteur est d ouvrir les yeux de regarder le texte non comme quelque chose de lin aire de continu mais de se concentrer sur des l ments plus infimes plus insignifiants les l ments min
74. autant contrairement d autres projets comme Lieux est particuli rement repr sentatif d une criture qui cherche faire lire en constellation un livre arborescent d veloppement non lin aire que le lecteur pourra parcourir selon l itin raire qu il aura choisi qu il pourra explorer dans tous les sens de la m me mani re que dans La Vie mode d emploi Nous ne pouvons malheureusement pas analyser un texte abouti ou sur le point d aboutir comme le permettrait par exemple 53 jours le roman auquel Georges Perec travaillait avant sa mort et qui comporte plusieurs chapitres dactylographi s d apr s Philippe Lejeune ce que nous avons sous les yeux n est qu un travail pr paratoire tout le reste tait dans son esprit nous ne pouvons alors que supposer partir de la description du projet L criture de L Arbre proc derait de la lecture d une structure particuli re en arbre d une carte de la famille de Georges Perec et constituerait un recueil de lieux o seraient conserv s les histoires de chaque membre de sa famille c est dire un atlas de la m moire On imagine volontiers la disposition des diff rents r cits de vie dans un ordre qui se calque sur la carte g n rale arborescente comme diff rentes cases contenant des histoires particuli res et au travers de laquelle on explore la m moire l aide de l index De ce fait la chronologie apparente port
75. banale possible de la mani re la plus pr cise possible en essayant de ne rien oublier suit l nonciation de ce qui est vu c est ce que l on voit aujourd hui et l on sait seulement que ce n tait pas ainsi au d but du si cle mais c est cela qui nous est donn voir et c est seulement cela que 178 nous pouvons montrer Essayer de dire les choses en adoptant le ton froid et serein de l ethnologue serait on tent d ajouter comme dans W ou le souvenir d enfance o les souvenirs sont nonc s pris un un et explor s analys s d cortiqu s Du spectacle d Ellis Island ce lieu d potoir o l on ne voit plus qu une accumulation informe entassements h t roclites amas de grilles fragments d chafaudages tas de vieux projecteurs il faut extraire les diff rents l ments qui constituent ces ruines il faut prendre les restes un un et les noter scrupuleusement les nommer Georges Perec choisit de mettre ce passage sous la forme de l num ration au d triment de la description qu il aurait pu Cf Perec Georges Notes br ves sur l art et la mani re de ranger ses livres in L Humanit n 25 printemps 1978 pp 35 38 repris dans Penser Classer op cit pp 3 1 42 77 Perec Georges Ellis Island op cit p 40 41 78 Ibid pp 43 45 7 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 14 3 Perec Georges Ellis Island op ci
76. bre 1980 pp 4 18 Scholem Gershom Walter Benjamin Histoire d une amiti Paris Calmann L vy 1981 traduction par Paul Kessler dition originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1975 Table des illustrations Figure 1 Carte de l oc an reproduite dans Esp ces d espaces 30 Figure 2 CAE D ID ES RE ee 38 Figure 3 Polygraphie du cavalier et bicarr latin orthogonal d ordre 10 ssssesseseeseeae 78 Figure 4 Plan de l immeuble 11 rue Simon Crubellier pr sentant la polygraphie du CAVATIGE nana intimement 78 Figure 5 Fac simil de l intitul de la carte de la France et des colonies par L Sonnet 84 Figure 6 Arbre g n alogique des Gratiol t s ts an ee 92 Figure 7 Fac simil de l intitul du portulan par F Ollive 95 108 Bibliographie Annexes ller de Waldseem re isph Plani Annexe 1 371 Image disponible sur le site de Wikipedia sur l article Planisph re de Waldseem ller 109 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec 372 TABLE AVANT PROPOS O l on saura plus tard qu ici s inaugurait la Damnation Ta ANTON VOYL um ss asus Hans 1 Qui d abord a Pair d un roman jadis fait o il s agissait d un individu qui dormait tout son saoul a 2 O un sort inhumain s abat sur un Ro binson soupirant os 3 Dont la fin abolit l immoral futur papal promis u
77. ces morceaux distincts de la continuit du r cit 308 Perec Georges La Disparition op cit p 17 30 Thid p 19 31 Jbidem 3U Jbid p 27 312 Thid p 319 313 Par exemple notons le discours d Anton Voyl portant sur la lecture et la traduction du Katoun qui peut tr s bien tre lu comme un discours portant sur le roman m me de La Disparition Nous citons la fin de ce long propos Mais plus tard quand nous aurons compris la loi qui guida la composition du discours nous irons admirant qu usant d un corpus aussi amoindri d un vocabulariat aussi soumis la scission l omission l imparfait la scription ait pu s accomplir jusqu au bout Perec Georges La Disparition op cit pp 195 196 314 Cf Annexe 2 p 111 315 Perec Georges La Disparition op cit p 57 Chaque nouveau chapitre commence la page de droite impaire aussi la page 57 aurait d pr senter le chapitre 5 si la lettre e n avait pas disparu 86 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit viennent marquer pointer l absence de la lettre e puisqu il s agit bien souvent de r critures lipogrammatiques de textes connus Notons par exemple cette reprise d une comptine enfantine Alors choisissant au hasard suivant la chanson Am stram gram Pic ou Pic ou Coligram Bour ou Bour ou Ratatam Am stram gram j ai pris du lot un bambin puis Tout comme la chansonnette Buvons un c
78. ces vides qui pars ment l uvre de Georges Perec citons la pi ce blanche vit e une cave de La Vie mode d emploi qui aurait d tre d peinte au chapitre LXVI ainsi que la Nouvelle carte compl te illustr e administrative historique et routi re de la France et des colonies dont le coin inf rieur gauche qui repr sente le S n gal est plut t rong Dans la partie fictive de W ou le souvenir d enfance il y a un personnage d enfant nomm Gaspard Winckler qui est sourd muet cause d un traumatisme enfantin dont les m decins ne parviennent pas d terminer la cause Dans le but de le gu rir de son tat d autisme sa m re d cide d entreprendre un tour du monde en bateau afin que les paysages les diff rents climats produisent en lui un choc qui mettra fin son traumatisme Cependant cette entreprise semble ne pas porter ses fruits comme en rend compte Otto Apfelstahl qui a enqu t sur le naufrage du Sy vandre sur lequel naviguaient Caecilia Winckler et son fils Ce voyage con u avant tout comme une cure perd peu peu sa raison d tre il appara t de plus en plus nettement qu il a t inutile de l entreprendre mais il n y a non plus aucune raison de l interrompre le bateau erre pouss par les vents d une c te l autre d un port l autre s arr te un mois ici trois mois l cherchant de plus en plus vainement l espace la crique l horizon la plage la jet e o
79. cher de d finir celle ci ce deuxi me recueil de travaux oulipiens a pour vocation d exposer des m thodes de les illustrer par des exemples et de montrer v ritablement l tendue des explorations des terrains explor s par l Association l ouvrage rev t un aspect plus complet que celui de 1973 dont les auteurs ne se cach aient pas le caract re pr liminaire envisageant d j un plus grand nombre d explorations effectuer pour les ann es venir Le titre de l ouvrage de 1981 est tout fait int ressant au lieu d employer un terme comme le glossaire ou le dictionnaire pour le d finir c est le terme d atlas qui est retenu alors qu il n y est a priori pas question de g ographie ou de cartographie Pourtant comme nous l avons observ la litt rature potentielle et la langue sont r guli rement pr sent es comme des lieux De plus la structure du livre et la d marche d exposition voulue par l Oulipo mettent en vidence la pertinence du terme atlas qui couvre parfaitement la forme et le but de l ouvrage il s agit bel et bien de rassembler les nombreuses explorations litt raires qu ont faites les membres de l Oulipo de les d finir d en r colter des traces c est dire des exemples afin de les illustrer et de montrer enfin gr ce cet atlas les terrains conquis de la litt rature potentielle il s agit de rassembler toutes les cartes qu ont trac es les O
80. ci le d sert avec son oasis son oued et son chott voici la source et le ruisseau etc simulacre d espace simple pr texte nomenclature espace inventaire mais espace suscit par le tra age des mots suscitant son tour un remplissage imaginaire une animation il y a des vaches dans les pr s des vignerons dans les vignes des b cherons dans les for ts etc Cette num ration de la r alit engendr e par l num ration des termes g ographiques forme certes une repr sentation na ve de la r alit Image d Epinal Espace rassurant mais elle g n re galement une association simplifi e entre le mot et l image voici le d sert etc la liste met plat une r alit complexe la sch matise et introduit un travail de reconnaissance de la r alit Le portulan et la carte mod le du Petit Larousse illustr se profilent comme des espaces inventaires des figurations de la r alit cartes parfois sch matiques mais cherchant rassembler et taler une totalit d indications de toponymes de nomenclatures dans une perspective pratique pour l un didactique pour l autre On se situe avec ces deux objets dans un espace encyclop dique respectivement tentative de totalisation de donn es marines et tentative d exhaustivit de termes g ographiques Dans son texte Penser Classer Georges Perec explique ainsi ce qu il entend par num ration
81. classements comme Georges Perec nous en donne l exemple avec les diff rentes mani res de ranger les livres dans une biblioth que l tre humain a besoin de rep res pour voluer dans un monde h t roclite il lui faut nommer classer ordonner les choses cr er des cartes pour se situer Pour ce faire il proc de par analogies par ressemblances il doit faire un travail de reconnaissance de la r alit ressortir de l h t rog n it des traits particuliers des signes par rapport auxquels il pourra se rep rer L num ration et la tentative d inventaire r pondent une recherche de stabilit un besoin de mettre les choses plat un besoin de ma triser qui s oppose une r alit infinie inatteignable du moins du point de vue humain qui n est pas r gi par un code unique une loi universelle L num ration est un premier moyen de lire le monde de lire le lieu Quand il rejoint Ellis Island pour faire un documentaire t l visuel avec Robert Bober Georges Perec s interroge Comment reconna tre ce lieu restituer ce qu il fut comment lire ces traces comment aller au del aller derri re ne pas nous arr ter ce qui nous est donn voir 77 Et le seul moyen qu il a trouv pour lire ce lieu est l num ration Au d but on ne peut qu essayer de nommer les choses une une platement les num rer les d nombrer de la mani re la plus
82. conscience et du savoir et le globe figure encyclop dique De ce personnage mythologique d coule le nom du massif montagneux d Afrique du Nord qui est mentionn par deux fois dans La Disparition C est aussi en r f rence au Titan que Gerardus Mercator la fin du XVI si cle donna le nom d atlas son recueil de cartes d nomination qui fut ensuite conserv e pour les publications de ce genre Les objets atlas dans l uvre de Georges Perec figurent un savoir encyclop dique qui est employ des fins passablement diff rentes ce qui r v lera les multiples caract ristiques que comporte le recueil de cartes Dans La Vie mode d emploi deux personnages ouvrent un atlas le feuillettent afin de pointer une destination au hasard laquelle ils vont se rendre Il s agit de Bartlebooth et de Lino Margay Dans le cas du milliardaire le choix des lieux o il peindra ses cinq cents marines s effectue plus ou moins au hasard feuilletant des atlas des livres de g ographie des r cits de voyages et des d pliants touristiques Bartlebooth cochait les lieux qui lui plaisaient Lino Margay totalement d figur suite un accident de v lo d cide de fuir son pays D cid s expatrier il avait confi au hasard le soin de choisir sa destination ultime il avait ouvert un atlas et sans le regarder avait plant une aiguille sur une carte du monde le hasard apr s tre plusieurs fois tomb e
83. crit Ottaviani Mirobolant dit la Squaw Fascinant tout fait fascinant confirma Savorgnan Par surcro t ajouta Aloysius il n y a qu un y dans Whisky Confondant Saisissant Inou Ottaviani voulut ravoir la communication Savorgnan la lui donna Il la lut pour lui mi voix On aurait dit qu il n avait pas compris quand il avait lu d abord Alors Ottaviani ironisa Swann dis nous si tu saisis Ottaviani paraissait souffrir Il s agitait sur son pouf Il suait Il transpirait ahanant S affaissant Ottavio Ottaviani murmura d un ton mourant Mais il n y a pas non plus d 325 L introduction de ce texte dans le roman permet Aloysius Swann de faire prendre conscience Ottavio Ottaviani de Omis r v lation qui le tue aussit t Ce lipogramme en a en e et en z permet v ritablement de rendre visible aux personnages comme au lecteur par ce processus de mise en abyme la contrainte qui r git la r daction du livre Cette fin du chapitre 25 est tout fait repr sentative du jeu des signes noirs et blancs de ce qui est crit et de ce qui appara t entre les lignes le tabou du roman semble se dessiner dans l espace blanc qui termine ce chapitre dans le ton mourant d Ottaviani apr s le d apostrophe qui ouvre sur une demi page blanche vide Cette mise en sc ne de la lecture dans La Disparition confirme bien la volont de Georges Perec de
84. d un espace blanc sans rep res sur lequel on parvient peut tre distinguer quelques d bris d un naufrage la d rive S il n y a presque aucune carte repr sent e en tant que telle dans ses uvres si Georges Perec pr f re contourner les repr sentations cartographiques du r el c est peut tre parce que les cartes sont principalement un support l imaginaire l criture Et s il prive son lecteur d images r elles de cartes en ne lui pr sentant que leurs intitul s que leurs morceaux textuels c est que les cartes qu il propose son lecteur sont des cartes trac es par son criture c est que l atlas qu il offre son lecteur est tout d abord le livre qu il lui met sous les yeux Les seules cartes de Georges Perec sont celles 36 Perec Georges 53 jours op cit p 34 64 Thid p 32 365 Tbidem 366 Thid p 34 101 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec d Iputupi support son pastiche scientifique carte imaginaire d une r verie d un faire semblant scientifique ainsi que le plan du 11 rue Simon Crubellier et que la carte de l oc an carte vide o rien n est trac figure de la page blanche point de d part de toute sa d marche d criture et de sa recherche m morielle Sur cet espace blanc sur cette topographie fant me flottent sans amarre les ruines du pass les r sidus de la m moire La mani re de lire en
85. d enfance Claude Burgelin par exemple crit La saga du e disparu eux disparus a d tonnantes proximit s avec le roman qui entrecroise le disparue et ils disparus A d faut de pouvoir explorer ce lieu absent Georges Perec comme l un de ces faiseurs de portulans comme le scrivain de La Disparition va crire et esquisser la forme du lieu inexplor ou inexplorable quitte devoir calligraphier en son centre les mots terra incognita Le souvenir enfoui se forme donc dans l espace du texte entre les traits entre les signes de l criture je sais que ce que je dis est blanc est neutre est signe une fois pour toutes d un an antissement une fois pour toutes C est cela que je dis c est cela que j cris et c est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace et dans les lignes que ces mots dessinent et dans les blancs que laisse appara tre l intervalle entre ces lignes Cette le perdue ce lieu enfoui cette m moire perdue lui est inaccessible et il ne peut qu en faire une esquisse qu en faire appara tre les contours par l criture par le r cit d une histoire fictive de son enfance et le r cit autobiographique de son enfance L alternance des deux textes s organise autour d un lieu central d une absence incarn e par ces trois points de suspension plac s entre les deux parties du livre la rencontre des quatre textes comme une le que seul le t
86. dans l atlas de Reiner Otten La carte est disponible sur Internet l adresse suivante http www raremaps com gallery detail 13651 Imperium Japonicum Per Regiones Digestum Sex_et Se xaginta Atque Ipsorum Reland Ottens html 61 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec sur une carte de 1503 de Renaud R gnier assez singuli re pour tre achet e par James Sherwood le grand oncle de Bartlebooth Tout comme cette carte de Renaud R gnier l Imperium Japonicum a une particularit le nord n est pas en haut de la carte pour la premi re il est en bas pour la seconde droite Comme le note le narrateur de La Vie mode d emploi ce changement d orientation cette repr sentation renvers e d truisait chaque fois compl tement la perception habituelle de l espace et les pays les continents ne ressemblent plus l image que nous nous sommes fabriqu e d eux cette rotation perturbe leur reconnaissance leur identification nouveau nous pouvons relever que l atlas ancien pr sente parfois des cartes qui veillent la curiosit des historiens ou des amateurs exposant une vision du monde diff rente de la vision contemporaine standardis e le narrateur de La Vie mode d emploi note que ce changement d orientation tait plus fr quent l poque qu on ne le croit g n ralement repr sentant des connaissances un moment arr t dans le temps
87. de lui accorder v ritablement un caract re spatial elle est horizon c est dire une ligne circulaire bornant le champ de vision et par cons quent ayant trait la perception et la repr sentation de l espace ou dans un sens m tonymique la surface qui s tend sous le champ de vision d un observateur Ensuite elle est point de d part elle est coordonn es partir desquelles les axes de ma vie pourront trouver leur sens Tous ces termes renvoient des notions math matiques et g om triques de repr sentation et de situation dans l espace l enfance est origine d o partent abscisse et ordonn e partir desquelles se situent spatialement les diff rentes poques de sa vie Par cette m taphore Georges Perec d peint la m moire comme un graphe math matique o vont tre report es les coordonn es des tapes de sa vie l enfance en constitue le lieu d origine le point de d part le point z ro 0 0 Au del de la m moire comme lieu cette figure fait des souvenirs des lieux repr sentables et repr sent s report s sur un graphe cartographi s la m moire est une carte sur laquelle prennent place les diff rents lieux de la vie pass e en s organisant autour de l enfance espace originel qui pourrait tre trac au centre de la page ou peut tre en bas gauche 6 Thid pp 25 26 10 L Atlas de la m moire comme le laissent supposer les diff rents espa
88. de nommer il s agit galement de reconna tre de baliser la r alit Le besoin d num rer et d accumuler rel ve galement d un autre plaisir enfantin celui de la ma trise d une s rie Dans un entretien en 1978 Georges Perec explique ceci Voyez les enfants lorsqu ils commencent compter 1 2 3 11 la satisfaction vive que donne le d sir de ma triser une s rie Il s agit d un plaisir de r citer de conna tre l entier d une s rie De m me l num ration tient de la ma trise d un savoir que l on cite r cite la mani re de Conseil dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne qui comme le note Perec sait CLASSER les poissons et tablit le catalogue raisonn des poissons que Ned Land arraisonne La classification de Conseil lui permet la fois de r citer son savoir et d valuer ses connaissances mais galement de lire le monde en s parant les poissons dans diverses listes ou si l on pr f re en les assemblant selon leurs caract ristiques C est ainsi que Georges Perec d finissait l nonciation l assemblage permet de distinguer les choses et la d signation des choses par des mots cr e des rep res Dans ce d sir de classification du monde il y a sans nul doute la volont de ma triser une r alit h t roclite qui nous d passe rassembler des choses diff rentes qui n anmoins se ressemblent pour ensuite au sein
89. de reconstitution d assemblage d organisation afin de pouvoir repr senter le lieu explor de d crire l espace Nous avons montr comment l enfance et a fortiori la m moire pouvait tre per ue comme un lieu explorer et que toute la d marche de rem moration la d marche d approche de ce lieu prenait appui sur l exploration et la r colte de traces Ainsi tout le projet d crit dans W ou le souvenir d enfance tourne autour de cette tentative d vocation de sa propre histoire et par l exploration de la m moire et des traces de son histoire Georges Perec parvient r diger ce m me livre qui rassemble les traces r colt es et les donn es relev es dans une tentative de reconstitution de son histoire D s le second chapitre le premier du r cit autobiographique Georges Perec voque le projet la d marche la m thode de son ouvrage Outre les vocations de l exploration de la m moire ce passage cl met en vidence un point particuli rement int ressant de notre angle d approche il s agit de l expression mettre un terme sur laquelle l auteur joue judicieusement Une fois le chemin parcouru ce retour sur le lieu de la m moire apr s un lent cheminement fait d observation et de relev de donn es il est temps de mettre un terme ce lent d chiffrement c est dire de repr senter la m moire en projetant sa r alit sur le papier Le jeu de mots sur cette
90. deurs de pisse et de chou fleur Dans le deuxi me chapitre de son roman inachev 53 jours Georges Perec voque travers la voix de son narrateur des souvenirs du coll ge Geoffroy Saint Hilaire d Etampes Engag se rappeler l poque du coll ge pour identifier un pr tendu ancien camarade de classe le narrateur de 53 jours est assailli par les souvenirs qui sont revenus en foule qu il est impossible de contenir un amas de souvenirs qu il faut trier qu il faut d chiffrer et dont il faut num rer les morceaux Parmi ces souvenirs reviennent des souvenirs de lieux esquissant une topographie fant me Le pass revient la m moire appara t soudain sous une couverture diaphane immat rielle et se trace sur une carte imaginaire Cette topographie fant me est non seulement une repr sentation revenante d un espace pass mais galement une carte impossible une carte reconstitu e par la m moire un montage d l ments de lieux qui laisse ou masque peut tre des espaces blancs des trous de m moire Rien n est v ritablement identique la r alit pass e elle ne restitue rien moins qu une carte sur laquelle elle a dispos tous ces espaces fant mes laissant circuler entre eux des espaces vides des espaces blancs Cette topographie fant me ressemble trangement la carte blanche de l oc an dans La Chasse au Snark une repr sentation du vide
91. donien n est absolument pas superposable un plan de la ville de Londres tout en tant d un emploi suffisamment simple et clair pour que l on puisse s en servir sans probl me lorsque l on veut se rendre en m tro d un endroit un 113 autre D un point de vue repr sentatif cette carte est une aberration d apr s les crit res cartographiques actuels mais elle s av re efficace dans la pratique La carte papoue repr sente tout fait l aberration qu est la carte de la m moire un plan qui ne peut pas se superposer la r alit du pass car elle est un montage d l ments h t rog nes anachroniques mais une carte qui comme dans les deux cas pr c dents est tablie selon une m thode scientifique selon des codes d criture tablis et permet dans m moire en l occurrence celle qui affronte la r alit de l Holocauste le devenir orphelin et la perte d identit il faut malgr tout imaginer sous peine de perdre toute chance de retrouver le pass p 148 112 Cette carte de 1503 fait l objet d un d bat scientifique dans le chapitre LXXX de La Vie mode d emploi car le continent nouvellement d couvert porte une inscription demi effac e qui ressemble TERRA COLUMBIA du nom de Christophe Colomb Cependant apr s expertise la d nomination du continent se r v le tre TERRA CONSOBRINIA d signant Jean Cousin navigateur dieppois 113 Perec Georges
92. e la volont de faire le point sur les travaux oulipiens Par cons quent il convient de mettre plat les diff rentes explorations de les num rer d en faire des listes afin de pouvoir les classer de pouvoir composer ces recueils partir d elles Ainsi le regard que l Oulipo porte sur son parcours et sur ses explorations va chercher lire d composer ces r alit s pour en faire l inventaire noncer platement entendons ce terme dans le sens d une mise plat toutes les contraintes d couvertes toutes leurs variantes tous les textes qui les explicitent Dans son sens commun l inventaire d signe l tat la description et l estimation des biens appartenant quelqu un ou une collectivit Le Petit Larousse 2008 il s agit d un recensement minutieux d un ensemble de choses d une valuation qui s effectue par la mise en liste de ce quoi elle s applique Dans La Litt rature potentielle Jacques Bens pr sente le principe de l inventaire qui consiste en l extraction des substantifs des verbes des adjectifs et des adverbes d un texte donn et en leur inscription sur des listes distinctes Ce travail qui avait pour but de relever des tendances chez les auteurs tudi s et d en tablir des classifications substantivistes verbistes adjectivistes adverbistes afin de pouvoir tablir la critique sur le mat riau r el concret pond rable et non p
93. e le ph nom ne pr sent dans Lieux se rapproche passablement de celui que nous avons relev dans Lieux o j ai dormi En effet si les douze lieux choisis par Georges Perec sont des lieux de m moire sa d marche d criture des souvenirs qui y sont li s fait de ces lieux de m moire les lieux de sa m moire les lieux qui constituent sa m moire et qui contiennent ses souvenirs les rassemblent et les rappellent Dans Lieux le 21 avril 1969 dont un extrait est retranscrit par Philippe Lejeune dans La M moire et l Oblique il 77 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 108 Philippe Lejeune dans son ouvrage La M moire et l Oblique Paris P O L 1991 p 164 donne ces douze lieux 1 Rue Vilin 1936 1942 de sa naissance au d part pour Villard de Lans 2 Rue de l Assomption o habite sa tante Esther o il vit de 1945 1960 3 Franklin Roosevelt lieu de la fugue qu il fait en 1947 4 Avenue Junot o habitaient sa tante Berthe et son cousin Henri 5 Rue de la Ga t li e son ami Jacques Lederer 6 Place de l Italie cause de la chambre de son ami Michel o au cours de l hiver 1955 1956 il dactylographia son premier roman Les Errants 7 Place de la Contrescarpe proche de la rue Blainville et de ses amis du foyer des tudiants tunisiens elle fut dans les ann es 1956 1957 qqc comme une m re patrie 8 Rue Saint Honor deux chambres qu il occupe au premier semestre
94. e biblioth que Amaury Conson mais aussi des fins plus utilitaires afin de choisir sa destination Bartlebooth Lino Margay et enfin pour r ver Cyrla Szulewicz et se repr senter son emplacement et celui de ses proches Olga Mavrokhordatos La fonction des atlas dans l uvre de Georges Perec renvoie donc une volont de totaliser de capitaliser une r alit dans les livres L atlas est un ouvrage qui recueille une repr sentation totale du monde aussi bien g n rale que d taill e il r pond au d sir de faire entrer le monde entre les couvertures du livre de l introduire dans la biblioth que Georges Perec voque plusieurs reprises les d sirs d criture les plus fous parcourir toute la litt rature de son temps crire tout ce qui est possible un homme d aujourd hui d crire explorer tous les arts d criture faire concurrence se mesurer aux dictionnaires et aux encyclop dies utiliser tous les mots de la langue fran aise l image du dictionnaire Bescherelle qui inventoriait tous les mots de la langue m me les moins usit s Dans ces diff rentes ambitions se retrouve chaque fois la th matique de la totalisation et de l puisement l envie d embrasser une r alit dans son ensemble d en retirer tous les l ments et de les inscrire dans les livres la mani re d un atlas Cette obsession constante dans l uvre de
95. e cet amas sombre il va falloir extraire des traces arracher des souvenirs afin de pouvoir constituer un savoir sur la m moire afin de pouvoir se repr senter et se r approprier ce lieu le r organiser ce travail ne peut alors se formuler qu partir de l exploration de la m moire et des lieux qui la composent 1 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 180 4l Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 97 98 Cf Carruthers Mary Le Livre de la M moire op cit Ibid p 56 4 Ibidem 45 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 98 18 L Atlas de la m moire 2 L exploration et la r colte de traces Du mouvement m me qui me permit de sortir de ces gymnastiques ressassantes et harassantes et me donna acc s mon histoire et ma voix je dirai seulement qu il fut infiniment lent il fut celui de l analyse elle m me mais je ne le sus qu apr s Il fallait d abord que s effrite cette criture carapace derri re laquelle je masquais mon d sir d criture que s rode la muraille des souvenirs tout faits que tombent en poussi re mes refuges ratiocinants Il fallait que je revienne sur mes pas que je refasse ce chemin parcouru dont j avais bris tous les fils De ce lieu souterrain je n ai rien dire Je sais qu il eut lieu et que d sormais la trace en est inscrite en moi et dans les textes que j cris Il dura le temps que mon histoi
96. e et de syndic mais quelques r 333 ann es plus tard la guerre de nouveau s acharna sur lui Cet exemple est tout fait repr sentatif de la m thode de mise en visibilit pr conis e par Georges Perec D une part cet l ment singulier rompt compl tement avec la lin arit du texte et ressort particuli rement de la suite homog ne de mots De plus ce morceau qui produit un effet d alt rit engage explicitement le lecteur briser sa lecture lin aire transgresser la norme l habitude d une lecture continue lin aire en le renvoyant d autres lieux du roman la mani re d une note de bas de page int gr e dans le texte m me Cet l ment illustre bien la volont de rupture avec la lin arit d velopp e par Perec dans La Vie mode d emploi gr ce l index qui en est peut tre la repr sentation la plus visible L arbre g n alogique des Gratiolet fig 6 auquel renvoie cette note encadr e remplit enti rement la page 110 l ment h t rog ne qui survient en plein milieu du r cit de cette saga familiale coupant m me la phrase entam e la page 109 et poursuivie la page 111 Le chapitre qui contient cette figure est le chapitre XXI Dans la chaufferie 1 Le r cit d rive de la mention du chauffage central d installation relativement r cente au d but de l histoire des Gratiolet par la mention du veto que posait la famille alors majoritaire au sein de la cop
97. e et trouve dans une m taphore des indications de l emplacement de la citadelle qui le guident vers Oviedo o une quipe d arch ologues entreprend les fouilles Si les r sultats se r v lent finalement vains et si sa recherche se conclut par son suicide la d marche de Beaumont est pour le moins int ressante du point de vue du travail partir des traces Effectivement l arch ologue traque v ritablement les informations des textes auxquels il a acc s afin de d terminer l emplacement de la cit C est apr s un travail minutieux sur les traces crites laiss es par la citadelle l gendaire que Beaumont parvient cerner un lieu susceptible de contenir les vestiges de Lebtit c est dire des l ments qui permettront de reconstituer une histoire plus pr cise de la cit L entreprise de Georges Perec se rapproche donc de celle de l arch ologue une exploration minutieuse des traces afin de cerner le lieu enfoui de le situer pour avec un peu de chance le d couvrir et l explorer son tour Enfin la r colte de traces se r f re la th matique de l enqu te o comme dans le cas de l arch ologue le d tective r unit des traces des indices pour reconstituer ce qui s est pass l histoire le crime Toute la premi re partie du r cit fictif dans W ou le souvenir d enfance rel ve de l enqu te polici re et renvoie de ce fait au paradigme de l indice d velopp par Carlo Ginzburg En ef
98. e faire sens L alternative de les classer selon leur disposition g ographique montre un int r t particulier pour faire de la m moire une carte g n rale du monde o seraient plant s de petits drapeaux repr sentant les chambres semblables ceux que Georges Perec confectionnait avec son cousin Henri pour repr senter l avanc e des troupes alli es sur une grande carte de l Europe accroch e au mur puis comme dans un atlas suivraient des cartes plus sp cifiques et plus pr cises les descriptions des chambres Enfin le classement de ces lieux qu il soit g ographique ou th matique constitue dans tous les cas une r flexion sur la fa on dont l ouvrage l atlas va prendre forme selon ce qu il veut signifier Une fois la r daction des chambres tablie Georges Perec se serait trouv confront une certaine quantit d images qu il se serait appr t aligner combiner afin de lire ces repr sentations de sa m moire Il aurait mont d mont dispos ind finiment ces lieux qui auraient formul la succession de son histoire Le choix provisoire qu il pr sente dans Esp ces d espaces oscillant entre ordre typologique et g ographique r v le la ferme volont de ne pas soumettre son criture une organisation discursive ou chronologique de sa m moire un refus d crire et de lire la m moire selon une disposition qui s attacherait la coordonn e temporelle et qui ne correspondrait
99. e fondement aussi bien la rem moration qu l criture mais elles sont encore moyen d orientation ou carte plan quand elles sont index puisqu elles guident le lecteur dans son entreprise Il convient de terminer ce chapitre par une pr cision vidente mais l mentaire sur les caract ristiques de l num ration et de ce qui en d coule catalogue liste inventaire recensement etc Dans Penser Classer Georges Perec crit Il y a dans toute num ration deux tentations contradictoires la premi re est de TOUT recenser la seconde d oublier tout de m me quelque chose la premi re voudrait cl turer d finitivement la question la seconde la laisser ouverte entre l exhaustif et l inachev Ce tiraillement est r v lateur car il met en vidence un point essentiel de l inventaire qui est l approche de l exhaustivit la tentative et la tentation de rejoindre un absolu une totalit un id al impossible C est cette question que l on retrouve par exemple dans toutes les tentatives d puisement d un lieu parisien ou d inventaire de quelques unes des choses qui ont t trouv es dans les escaliers au fil des ans ou encore L Art et la mani re d aborder son chef de service pour lui demander une augmentation Cette recherche de l exhaustivit se manifeste notamment dans le 189 190 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 47 Perec
100. e le sens de l image Cette mani re de lire n est pas anecdotique dans l uvre de Georges Perec elle t moigne d une volont de lire autrement et ceci s applique non seulement la lecture d un livre mais aussi au d chiffrement de la m moire comme celui du monde de la r alit Un certain art de la lecture et pas seulement la lecture d un texte mais ce que l on appelle la lecture d un tableau ou la lecture d une ville pourrait consister lire de c t porter sur le texte un regard oblique mais d j il ne s agit plus de la lecture son niveau physiologique comment pourrait on apprendre aux muscles extra oculaires lire autrement D De son aveu propre cette mani re oblique de lire d passe le sujet de son article Toutefois la seule mention de l interrogation sur la fa on de lire autrement r actualise non seulement la lecture de la constellation mais aussi la m taphore de la 271 lisibilit du monde La mise en parall le de la th orie du texte de Georges Perec de la lecture c leste et de la m taphore du monde comme livre illustre bien les analogies 266 Sur les analogies entre l art du roman et celui du puzzle cf notamment Vuillemin Nathalie L Invitation la lecture R flexivit et interaction entre auteur et lecteur dans La Vie mode d emploi de Georges Perec amp Se una notte d inverno un viaggiatore d Italo Calvino
101. e m moire structur e de fa on contenir dans des lieux distincts dans des cases diff rentes des souvenirs class s et r pertori s de fa on ce qu en cherchant un certain th me le catalogue indique une alv ole contenant l v nement sans importance qui va d clencher quelque chose Toutefois cette entreprise n est pas aussi facile et rapide qu elle semble l tre il faut g n ralement entre un quart d heure et trois quarts d heure de flottement de recherche compl tement vague avant qu un des souvenirs ne surgisse Il convient d ajouter que les Je me souviens ont pour contrainte de devoir tre communs peu subjectifs m me s ils renvoient un v cu idiosyncrasique aussi un tri doit il tre effectu pour faire ressortir ce souvenir d risoire Enfin Georges Perec voque la sensation qui survient au moment o il a acc s au souvenir Et puis au moment o l on sort le souvenir on a vraiment l impression de l arracher i va aei 39 d un lieu o il tait pour toujours Cette petite phrase presque anodine l ch e au fil de l entretien terminant son propos et laissant place une autre question est tout fait significative puisqu elle d termine explicitement la m moire comme un lieu qu il convient d explorer afin d en faire resurgir un souvenir d en arracher le souvenir De plus elle pose la m moire comme un contenant dans lequel le so
102. e manque l absence l chec Dans La Vie mode d emploi on retrouve ce principe de lecture de l amas dans la troisi me pi ce de l appartement de Gaspard Winckler chapitre LIIT dont la femme Marguerite avait un irr sistible attrait pour le fouillis Le capharna m de sa table fait l objet d une longue num ration o chaque objet est d tach et not l un apr s l autre Cette table est l un des nombreux exemples que l on peut donner de La Vie mode d emploi car le principe m me du livre r side dans l num ration syst matique des objets de chaque pi ce ainsi comme il le fit pour l une des toiles qui lui inspira ce 186 roman le tableau de Sa l Steinberg The Art of Living Georges Perec fait un inventaire de l immeuble du 11 rue Simon Crubellier D autres lieux sont puis s dans l uvre de Perec citons les exemples de Tentative d puisement d un lieu parisien et de la partie r elle de Lieux dont cinq textes ont t publi s dans des revues L num ration est galement un proc d m moriel La liste et la classification permettent la m moire de ma triser une s rie de situer des informations les unes par 82 Ibid p 51 3 Ibid p 52 s Joly Jean Luc Une le on des Choses art cit p 247 35 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 297 Sel r dige un inventaire non exhaustif de ce dessin dans Esp ces d espaces op cit
103. e qui dort Esp ces d espaces de Georges Perec art cit p 149 78 Perec Georges La Disparition op cit p 20 786 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit p 239 287 Un mot qui est la place p pour p lt n 2 vient la place 2p et un mot qui est la place p gt p gt n 2 vient la place 2n 1 2p Nous renvoyons ici encore Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit pp 243 248 80 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit picturales ainsi cette contrainte qui r gle l int gration de l alt rit dans le roman rel ve de la constellation lire et relier les textes entre eux l intertextualit Georges Perec tire des traits entre diff rents points de la biblioth que La pseudo quenine sert surtout permuter les colonnes et ou les lignes des bicarr s orthogonaux latins qui r partissent les quarante deux l ments obligatoires pour chaque chapitre Pour reprendre les termes de Bernard Magn la pseudo quenine est g n ratrice de structures par la multiplicit des r glages qu elle admet elle dispose l criture Plus qu une contrainte la pseudo quenine est une mani re de lire les listes que l on a cr es afin d crire partir d elles car c est bien vers cela que nous nous dirigeons au del de la lecture des listes et des plans tablis au del du d chiffrement de la r alit prend place l criture po
104. ement de mon criture le vieillissement de mes souvenirs Dans ce cas encore plus que dans le pr c dent les combinaisons auraient pu tre nombreuses rassembler les textes selon les lieux rassembler les types de textes description du lieu contre description de m moire etc Ce qui est certain c est que Georges Perec aurait eu classer tous ces papiers toutes ces repr sentations de la m moire les disposer dans un atlas tablir un index pour retrouver dans le recueil les textes les cartes que l on souhaiterait consulter Dans cette d marche les livres de Georges Perec deviennent des atlas de la m moire o les repr sentations des lieux explor s viennent se reposer L atlas est en ce sens d p t lieu d archives et donc moyen mn motechnique La m moire d pos e sous forme de carte dans ces atlas peut ensuite tre consult e et lue en suivant diverses combinaisons en composant d composant recomposant L atlas permet de se rep rer de parcourir de voyager dans la m moire il contient la m moire d un point de vue synchronique puisqu il est la repr sentation de la m moire un moment donn celui de sa publication mais aussi d un point de vue diachronique puisqu il pr sente de nombreuses cartes historiques Ainsi ces textes sont comme ces atlas surann s o l Italie apparaissait encore comme un bariolage de petits royaumes que Cinoc le tueur de mots de La Vie mode d
105. emploi consulte pour r diger son grand dictionnaire des mots oubli s ils contiennent encore une m moire historique mais font eux aussi partie de l histoire puisque surann s ils n ont plus d int r t qu historique et encore est il moindre Ces cartes et atlas surann s que l on retrouve un peu partout dans les livres de Georges Perec comportent galement une autre dimension au del de la m moire qu ils contiennent c est leur obsolescence qui en fait 103 104 Perec Georges Lettre Maurice Nadeau art cit p 59 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit pp 348 349 35 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec des objets remarquables significatifs En effet l image de la carte mod le des anciennes ditions du Petit Larousse illustr qui repr sente plus d une soixantaine de termes g ographiques rassembl s sur soixante centim tres carr s les cartes excitent l imagination Simulacre d espace simple pr texte nomenclature mais il n est m me pas n cessaire de fermer les yeux pour que cet espace suscit par les mots ce seul espace de dictionnaire ce seul espace de papier s anime se peuple se remplisse un long train de marchandises tir par une locomotive vapeur passe sur un viaduc des p niches charg es de gravier sillonnent les canaux des petits voiliers man uvrent sur le lac etc L num ration des
106. ent d une affaire criminelle Puis la psychanalyse de Sigmund Freud se concentre sur les sympt mes les donn es marginales r v latrices Le point commun de ces trois figures est le mod le de s miotique m dicale qui tablit un diagnostic en observant les sympt mes Cette mani re de passer de traces infimes ce qui les a produites ce raisonnement rebours des indices vers ses causes provient selon Carlo Ginzburg de l tat de chasseur qui a pendant longtemps occup les hommes Lire les sympt mes les d tails d chiffrer les indices les traces les signes relier ces l ments significatifs pour reconstituer une histoire que ce soit dans le cadre d une chasse d une enqu te d un diagnostic ou d une psychanalyse c est bien ce quoi se livre Georges Perec dans un bon nombre de ses ouvrages En effet comme nous l avons montr dans le deuxi me chapitre de notre premi re partie la d marche de recherche de sa m moire s inscrit dans ce paradigme de l indice qu il s agisse de sa psychanalyse la recherche de sa voix et de son histoire ou du d chiffrement de W que ce soit dans la minutie qu il met dans la d composition de sa m moire ou dans l exploration des d tails des traces Il s agit donc bel et bien d une enqu te qui a pour objectif de relier sa m moire clat e Relier les signes pour lire la r alit cette mani re de lire que cristallise la constellation est particuli
107. ent de Troyan libraire d occasion par Monsieur J r me L intitul de cette carte datant de 1878 est reproduit en fac simil sur toute la page 250 fig S Repr sentant la France et ses colonies la carte est un montage de diff rents espaces une carte de la Corse et un plan de Paris sont plac s dans des encarts et les colonies sont plac es dans chaque bord Cet objet a galement la particularit de 5 Cf notamment l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 ou Perec Georges Entretiens et Conf rences vol I et IL op cit aae Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 27 Benjamin Walter Sur le pouvoir d imitation art cit p 363 28 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 249 83 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec pr senter sur le bord sup rieur les armes de vingt villes et vingt portraits d hommes c l bres qui y sont n s Marseille Thiers Dijon Bossuet Rouen G ricault Ajaccio Napol on 1 etc Les hommes c l bres ne sont pas align s par ordre chronologique comme on le verrait habituellement mais dispers s dans vingt villes Cette mise en visibilit de la carte rel ve la pr f rence perecquienne d une disposition spatiale plut t que chronologi
108. er le lecteur adopter cette fa on de lire Nous verrons alors que ces modes d criture et de lecture permettent de lire la m moire comme un atlas Mn mosyne la mani re de celui d Aby Warburg o des l ments significatifs se cr ent dans les intervalles form s par le montage des deux textes de W ou le souvenir d enfance lun fictif l autre autobiographique L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec La th matique de l atlas travers ce parcours nous permettra de mettre en lumi re chez Georges Perec une strat gie de lecture et d criture du monde et en particulier de la m moire par le recours de l crivain un principe de visibilit I L Atlas de la m moire L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec 1 La m moire comme lieu Il y a dans ce livre deux textes simplement altern s il pourrait presque sembler qu ils n ont rien en commun mais ils sont pourtant inextricablement enchev tr s comme si aucun des deux ne pouvait exister seul comme si de leur rencontre seule de cette lumi re lointaine qu ils jettent l un sur l autre pouvait se r v ler ce qui n est jamais tout fait dit dans l un jamais tout fait dit dans l autre mais seulement dans leur fragile intersection En 1975 Georges Perec pr sente une autobiographie tout fait particuli re W ou le souvenir d enfance qui m le une fiction inspir e par une histoire cr
109. er ou m me enlever les deux petites roues adjacentes qui m assuraient ma stabilit Comme tout le monde j ai tout oubli de mes premi res ann es d existence Mon enfance fait partie des choses dont je sais que je ne sais pas grand chose Elle est derri re moi pourtant elle est le sol sur lequel j ai grandi elle m a appartenu quelle que soit ma t nacit affirmer qu elle ne m appartient plus J ai longtemps cherch d tourner ou masquer ces vidences m enfermant dans le statut inoffensif de l orphelin de l inengendr du fils de personne Mais l enfance n est ni nostalgie ni terreur ni paradis perdu ni Toison d Or mais peut tre horizon point de d part 2 A 16 coordonn es partir desquelles les axes de ma vie pourront trouver leur sens L enfance est tout d abord pr sent e sous le sens litt raire du fopos du lieu commun Selon la r gle du genre elle tient une place importante dans l autobiographie Georges Perec exp die cependant la question de la petite enfance par cette phrase d mystificatrice pour le genre autobiographique Comme tout le monde j ai tout oubli de mes premi res ann es d existence Ensuite sur la m me page Georges Perec parle de l enfance en employant des m taphores qui annulent ou du moins r duisent le caract re temporel de cette p riode de ces ann es pour en faire un objet plus concret auquel il tait rattach avant
110. erec Si la fiction et la litt rature en g n ral se profilent si bien comme lieux stables de la m moire sources de savoir que l on peut constamment consulter on comprend d autant plus la n cessit d crire de cartographier les souvenirs qui surgissent dans l oubli m moriel afin de les conserver et pouvoir les retrouver l occasion L atlas est vou recueillir continuellement de nouvelles cartes tre mis jour par le cumul par les ajouts r guliers de cartes pour poursuivre sa vocation encyclop dique la composition d un atlas m moriel tient lieu de la constitution d un savoir sur la m moire La biblioth que constitue la fois le lieu d archive du monde que l on vient consulter afin de r organiser sa m moire et auquel on ajoute constamment de nouveaux documents de m me elle est source de savoir et source d criture 245 E x p k A s r j m Dans la th matique du d chiffrement d un manuscrit en partie effac nous pourrions galement citer Les Enfants du Capitaine Grant de Jules Verne qui fut galement l une des lectures de Perec 6 Dumas Alexandre Le Comte de Monte Cristo Paris Gallimard 1981 1846 chap XVIII Le Tr sor p 201 69 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec III L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit 70 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit 1 La constellation lire au
111. ernelle et adoptive s Comme son nom l indique c est un livre en arbre d veloppement non lin aire un peu con u comme les manuels d enseignement programm difficile lire la suite mais au travers duquel il sera possible de retrouver en s aidant d un index qui sera non un suppl ment mais une v ritable et m me essentielle partie du livre plusieurs histoires se recoupant sans cesse J ai d j beaucoup travaill sur ce projet pendant plus de six mois en particulier j ai interview ma tante personnage central du livre une fois par semaine j ai fait quelques esquisses de r daction mais il me faudra encore pas mal 38 Warburg Aby Der Bilderatlas Mnemosyne op cit p 8 Verschiedene Systeme von Relationen in die der Mensch eingestellt ist kosmisch irdisch genealogisch Ineinssetzung aller dieser Relationen im magischen Denken denn Sonderung von Abstammung Geburtsort und kosmischer Situation setzt schon eine Denkleistung voraus 1 Orientierung 2 Austausch 3 soziale Einordnung Nous traduisons 332 Perec Georges Lettre Maurice Nadeau art cit pp 51 66 93 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec d enqu tes et de mises au point avant de m y mettre pour de bon C est un projet auquel je tiens beaucoup mais je pense avoir un peu peur de m y lancer vraiment Ce projet inachev la mort de Georges Perec mais pas abandonn pour
112. es immobiles intangibles intouch s et presque intouchables immuables enracin s des lieux qui seraient des r f rences des points de d part des sources Mon pays natal le berceau de ma famille la maison o je serais n l arbre que j aurais vu grandir que mon p re aurait plant le jour de ma naissance le grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts Mes espaces sont fragiles le temps va les user va les d truire rien ne ressemblera plus ce qui tait mes souvenirs me trahiront l oubli s infiltrera dans ma 3l Extrait des Lieux n 7 avenue Junot souvenir lundi 21 avril 1969 16h cit par Lejeune Philippe La M moire et l Oblique op cit pp 161 162 15 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec m moire je regarderai sans les reconna tre quelques photos jaunies aux bords tout 84 32 casses Sous l clairage de cette citation les mots trac s dans Lieux que nous avons cit s plus haut prennent une r sonnance plus retentissante ces lieux mythiques et momifi s gardant intacts des souvenirs de plus en plus d risoires viennent s opposer la privation de ce grenier de l enfance La m moire s articule donc autour de lieux conservant et donnant acc s aux souvenirs mais entre lesquels il y a parfois des fissures des d calages des espaces vides des lieux absents apparaissant alors comme des les surgies au milieu de la mer de l
113. essant En lisant les uvres de Georges Perec nous avons remarqu de nombreuses occurrences d atlas Cette Jacob Christian L Empire des cartes Approche th orique de la cartographie travers l histoire Paris Albin Michel 1992 p 97 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec notion que nous avons pr cis e plus haut nous semble assez juste pour aborder son uvre dans une perspective in dite Il existe certes une abondance de r f rences d ouvrages critiques sur les diff rents textes de Georges Perec cependant l aflas n a apparemment pas encore t abord contrairement des th mes comme le puzzle les seuls articles abordant explicitement les cartes et la cartographie chez Georges Perec sont notre connaissance celui de Jean Luc Joly L criture cartographique de Georges Perec et celui d Andr e Chauvin Cartes et plans repr sentations de l espace et conditions de lecture qui traitent tous deux uniquement de La Vie mode d emploi Ainsi l atlas qui ouvre des perspectives critiques plus tendues que la seule carte permet nous semble t il d chapper ou de contourner les difficult s que pose une uvre tr s glos e En ce qui concerne le choix du corpus dans la large bibliographie perecquienne nous avons d cid de nous concentrer principalement sur trois des uvres les plus connues de Georges Perec La Vie mode d emploi W ou le souvenir d enf
114. esth sique lui permet de reconstituer l image de la chambre d y replacer les meubles les tableaux les tapis d y reconna tre les tapisseries les papiers peints etc Georges Perec en se couchant dans son lit et en pensant une certaine chambre va se cr er une repr sentation spatiale un plan une carte du lieu o partir de la certitude topographique du lit dans la chambre i e apr s avoir trac l emplacement du lit va r introduire un un chacun des l ments du mobilier va r am nager la chambre dans son entier Dans le cas des Lieux o j ai dormi Georges Perec tablit un plan dessine une carte du lieu explorer qui enclenche un processus de rem moration On reconna t bien l les mouvements d un voyageur qui s en va muni d une carte d explorateur afin de se Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 43 5 Ibid p 46 cf supra p 12 Ibidem 21 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec rep rer mais galement surtout avec la ferme intention de collecter des informations pour compl ter cette carte En effet en explorant ces diff rentes chambres avec la sensation presque physique d y tre nouveau des souvenirs plus profonds se d couvrent Comme un mot ramen d un r ve restitue peine crit tout un souvenir de ce r ve ici le seul fait de savoir que le mur tait ma droite la porte c
115. et autobiographie in Goga Yvonne d Actes du colloque international Georges Perec octobre 1996 Cluj Napoca Dacia 1996 pp 23 35 Ouvrages sur la m moire Carruthers Mary Le Livre de la M moire La m moire dans la culture m di vale Paris Editions Macula 2002 traduction par Diane Meur dition originale Cambridge Cambridge University Press 1990 Lejeune Philippe La M moire et l Oblique Paris P O L 1991 Schilling Derek M moires du quotidien les Lieux de Perec Villeneuve d Ascq Presses universitaires du Septentrion 2006 Ouvrages et articles sur la lecture et la lisibilit Blumenberg Hans La Lisibilit du monde Paris Les Editions du Cerf 2007 traduction par Pierre Rusch et Denis Trierweiler dition originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1981 Magn Bernard Les figures du lecteur dans La Vie mode d emploi in Goga Yvonne d Actes du colloque international Georges Perec octobre 1996 Cluj Napoca Dacia 1996 pp 53 65 106 Bibliographie Martin Marie Odile L inscription de la pi ce du lecteur dans le puzzle de la Vie mode d emploi in Cahiers Georges Perec n 1 Colloque de Cerisy juillet 1984 Paris P O L 1985 pp 247 264 Pic Muriel Lisibilit de l image document W G Sebald ou les patiences de la m moire in Criqui Jean Pierre dir L image document entre fiction et r alit Actes du colloque du BAL 2 3 nove
116. et pour moyens De plus ces parall les sont renforc s par l exemple des portulans ces cartes textes sur lesquelles les mots esquissent dans leur accumulation les contours des continents et des les Alors que le portulan figure la m tamorphose de la carte en texte chez Georges Perec que la comparaison rapproche des faiseurs de portulans le texte devient carte Tandis que l num ration des noms de ports de caps de criques suit le trac des continents et remplit l espace cartographique le trac des contr es m morielles se dessine progressivement au fil des mots crits mesure que se tisse le texte Par cons quent en repr sentant sa m moire lieu dans W ou le souvenir d enfance partir des donn es qu il a r colt es Georges Perec fait de son autobiographie un livre de cartes un atlas au sein duquel les deux textes altern s viennent syst matiquement offrir une carte nouvelle n e d une exploration afin de constituer un ensemble qui par l accumulation des cartes tend vers une connaissance plus compl te de ce lieu qu est la m moire Le portulan est une figure qui nous int resse doublement puisque sa constitution rappelle le mode de navigation par cabotage qui consiste en un d placement du navire de port en port en restant proche des c tes Ce concept nous permet d interroger la d marche du d tournement dans l uvre de Georges Perec Dans son entretien avec Frank Venaille il voque le t
117. eur repr sentation fascinent Georges Perec on trouve r guli rement dans son uvre des atlas des cartes des plans des portulans des planisph res des mappemondes des globes terrestres des cadastres des guides de voyage des explorateurs des cartographes des g ographes des ethnologues etc De plus l Oulipo Ouvroir de Litt rature potentielle qu il rejoint en 1967 publie en 1981 son second recueil de travaux qu il intitule Atlas de litt rature potentielle L objectif de l Oulipo est d tendre les explorations litt raires de repousser les limites de la cr ation litt raire en imposant des contraintes qui joueront le r le de stimulateur d imagination Ainsi le groupe se r unit r guli rement depuis 1960 pour discuter les propositions de contraintes les unes red couvertes dans des uvres anciennes et r actualis es les autres compl tement nouvelles inspir es par exemple de structures math matiques L Aflas de litt rature potentielle est donc vou exposer au grand public les diff rentes explorations et d couvertes de l Oulipo De ce fait l ouvrage rassemble les travaux oulipiens et les pr sente comme les cartes d un atlas g ographique Perec Georges W ou le souvenir d enfance Paris Gallimard 1975 dition originale Deno l 1975 p 35 a Perec Georges Je suis n in Je suis n Paris Seuil 1990 pp 9 14 p 9 3 Ibidem Perec Georges Jaime je n
118. exte du portulan repr sente Or ce lieu absent se constitue galement dans les intervalles cr s par la disposition entrecoup e des deux r cits au sein desquels se rencontrent les deux textes qui s clairent l un l autre d un c t le lieu absent de la m moire le souvenir enfoui de l autre W lot 92 pp Ibid p 84 23 Perec Georges La Disparition Paris Gallimard 1969 dition originale Deno l 1969 p 39 et passim a4 Burgelin Claude Georges Perec Paris Seuil 1990 p 94 5 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 63 32 L Atlas de la m moire inaccessible de la Terre de Feu aujourd hui monde englouti Cependant quoique la chance d aborder W soit mis rable Gaspard Winckler y est parvenu puisqu il en est devenu la seule m moire vivante De plus le narrateur du r cit fictif de la seconde partie dont l identit n est pas vidente fournit une description presque cartographique de l le au chapitre XII Il y aurait l bas l autre bout du monde une le Elle s appelle W Elle est orient e d est en ouest dans sa plus grande longueur elle mesure environ quatorze kilom tres Sa configuration g n rale affecte la forme d un cr ne de mouton dont la m choire inf rieure aurait t passablement disloqu e Le voyageur gar le naufrag volontraire ou malencontreux l explorateur hardi que la fatalit l e
119. faire lire ses livres d une mani re diff rente il faut relier les diff rents l ments qui composent le texte consid rer l ensemble et le lire comme une carte en observant les d tails les traces diss min es dans l uvre il faut galement utiliser les 324 Jbid p 296 Ce texte a t publi dans Oulipo La Litt rature potentielle op cit 94 325 Thid pp 296 297 326 Thid p 299 89 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec mots de passe qui sont introduits dans l uvre Ce terme est utilis par Jacques Bens dans son article Queneau oulipien pour parler de la parodie qui s av re tre un autre type de potentialit Divis e en deux l h t roparodie qui imite les uvres des autres et l autoparodie o l auteur renvoie ses propres ouvrages la parodie inscrit l uvre dans un tout que ce soit dans un plus vaste ensemble cr ateur la litt rature pour l h t roparodie ou dans l ensemble de l uvre que l auteur cr e Pour Jacques Bens les l ments parodiques agissent alors comme des r f rences pattes blanches et mots de passe Ainsi La Disparition livre essentiellement intertextuel renvoie constamment le lecteur un espace plus vaste gr ce ces mots de passe ces traces de l intertexte qui d une part inscrivent le roman dans le champ litt raire et d au
120. fet afin de d terminer les causes du naufrage et de chercher d couvrir ce qu est devenu l enfant Otto Apfelstahl est amen consulter les diverses traces qu ont laiss es derri re eux Le Sylvandre et ses occupants la correspondance des voyageurs le journal de bord les documents portuaires et les renseignements m t orologiques et radiogoniom triques C est par l tude de ces informations qu Otto Apfelstahl retrouve la trace de Gaspard Winckler auquel il demande de prendre part la recherche de se rendre sur les lieux du naufrage et de retrouver l enfant La difficult dans l entreprise de Gaspard Winckler est le manque presque total de traces il n y a aucune trace de l enfant sur les lieux du naufrage mais c est par l exploration de ce qui existe qu il pourra esp rer resserrer ses hypoth ses autour d une v rit En effet 1l peut mettre la supposition que l enfant a t abandonn 77 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit pp 26 29 78 Cf Ginzburg Carlo Signes traces pistes Racines d un paradigme de l indice in Le D bat n 6 Paris Gallimard 1980 traduction par Jean Pierre Cottereau dition originale in Gargani Aldo dir Crisi della ragione Torino Einaudi 1979 pp 57 106 pp 3 44 27 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec avant le sinistre Ce r cit fictif claire bien le r cit autobiographique cet enfant di
121. h matiques la litt rature pouvait s explorer On s est donc mis explorer ou vouloir explorer le langage Qu il s agisse d anoulipisme ou de synthoulipisme la d marche oulipienne est constamment per ue comme une exploration l observation la recherche puis la d couverte de potentialit s dans ces lieux de la langue et de la litt rature Dans le premier manifeste de litt rature potentielle d j Fran ois Le Lionnais explique que l Analyse consistait en la recherche dans les uvres du pass des possibilit s qui d pass aient souvent ce que les auteurs avaient soup onn Autant dire que les Oulipiens se profilent comme de nouveaux explorateurs qui retournent sur les territoires visit s par leurs pr d cesseurs mais approfondissent les recherches afin de d couvrir de r v ler ce que les Anciens n avaient pu qu esquisser qu voquer Il y a une v ritable volont de compl ter les cartes qu avaient trac es les Anciens d en redessiner de nouvelles partir de moyens modernes d employer des m thodes scientifiques afin de mieux cartographier ces lieux Il s agit galement pour l Oulipo de montrer les terrains explor s par ceux qu ils reconnaissent avec humour comme des plagiaires par anticipation les terrains conquis et ventuellement d en r actualiser les contraintes Cependant ces nouveaux explorateurs vont plus loin leur vocation essentielle demeu
122. hiffrer le texte devient carte o se rep rer et le d tail ne peut plus tre contempl sans rapport avec l ensemble qui le contient il faut continuellement passer d un mode d observation un autre du macroscopique au microscopique Ainsi de m me que l atlas le texte pr sente une vision combin e de l ensemble et du particulier Le mode de lecture d une carte puisque c est vers celui ci que nous dirige Georges Perec par ses deux dimensions clate la perception habituelle du texte il n y a ni commencement ni fin on ne lit pas de droite gauche ni de haut en bas la carte se lit dans la consid ration de son unit d abord avec recul puis l il passe sur les l ments saillants l expression ce qui saute aux yeux convient alors tout fait pour 7 Le picorement que proposait Georges Perec finalement explorer les points plus discrets pour sa th orie du texte r v le bien des similitudes avec la lecture d une carte d une image explor er au m me instant la totalit du champ de lecture avec une redondance opini tre extraire des l ments signifiants des miettes de sens des mots 2 Jbidem 23 Jbidem 254 Thid p 112 255 Jbidem 256 Pour ce passage nous renvoyons au chapitre 12 Lire en deux dimensions de l ouvrage de Roger Brunet La Carte mode d emploi Paris Fayard Reclus 1987 pp 40 42 7 Perec Georges Lire esqui
123. i re c tait le r ve de Mallarm s assemble dans une biblioth que une image terrifiante que Borges a utilis e Dans La Biblioth que de Babel de Borges l univers est une immense biblioth que contenant une quantit de livres si grande que l tre humain la caract riserait volontiers comme infinie Chacun de ces livres de m me taille exactement quatre cent dix pages de quarante lignes de quatre vingts caract res est une variation des vingt cinq signes vingt deux lettres deux signes de ponctuation le point et la virgule et l espace sur l espace de la ligne de la page et du livre Cette id e est celle que tout mot et par 235 236 237 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 155 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 26 Perec Georges Entretiens et Conf rences 1965 1978 vol II d critique tablie par D Bertelli et M Ribi re Paris Joseph K 2003 p 306 38 Le nombre exact de livres dans la biblioth que de Babel imagin e par Borges a fait l objet d un calcul qui a donn ce r sultat 25 la puissance 1 312 000 Ce nombre astronomique de livres quoique fini peut donc tre consid r comme infini du point de vue humain au vu de sa taille Cf le site Internet du Collectif de Babel www collectifdebabel blogspot com 66 L Atlas du savoir extension tout texte et tout livre est obtenu partir des m mes lettres de base La f
124. i nous est demand de faire entre les deux r cits r v le deux absences une le perdue et absente des cartes g ographiques et une m moire perdue de ce lieu commun qu est l enfance dans l autobiographie qui s clairent l une l autre et nous incite ainsi penser la m moire comme un lieu Cette m taphore de l le W comme la m moire perdue de l enfance de Georges Perec est accentu e par un lien particulier entre les deux histoires D s le deuxi me chapitre le premier du r cit autobiographique les relations entre les deux textes se r v lent particuli rement entrem l es par leurs similitudes Par exemple nous noterons la r miniscence de l aventure W dans le r cit fictif et celle du fantasme de W dans le r cit autobiographique qui interviennent lors d un s jour Venise Cet l ment analogue dans les deux r cits rapproche les deux histoires d autant plus que W tait d une certaine fa on sinon l histoire du moins une histoire de son enfance L criture de l aventure de l le engloutie invent e dans sa jeunesse nous fait voir l enfance de Georges Perec elle m me comme une le disparaissant sous la surface de la mer et ne laissant de traces visibles que les cercles concentriques qui s loignent de son point de noyade C est ainsi que Georges Perec nous invite voir cette enfance dont il ne se souvient pas un lieu dans la m moire dont il peut faire le tour d
125. id p 26 Pic Muriel Lisibilit s de l image document W G Sebald ou les patiences de la m moire in Criqui Jean Pierre dir L image document entre fiction et r alit Actes du colloque du BAL 2 3 novembre 2009 Paris La F mis sous presse Yvan Fr d ric L Extase du vide de Un homme qui dort Esp ces d espaces de Georges Perec in Savoirs et clinique n 8 pp 143 153 janvier 2007 p 149 1 Didi Huberman Georges L Image survivante Histoire de l art et temps des fant mes selon Aby Warburg Paris Les ditions de Minuit 2002 p 500 1l Cf Pic Muriel W G Sebald L image papillon suivi de W S Sebald L Art de voler Les Presses du r el 2009 Gr ce l empathie la m moire s aide de l imagination non pas pour inventer le pass le transformer en fiction mais pour produire la rem moration Lorsque l v nement est insoutenable pour la 36 L Atlas de la m moire De la m me mani re les trois cartes que Bartlebooth a collectionn es parce qu elles contreviennent aux conventions modernes de la cartographie suscitent l int r t la curiosit et la r verie Le planisph re de Renaud R gnier qui porte le toponyme de Cousinie sur le nouveau continent et l Imperium Japonicum tir de l Atlas de Reiner Otten ont la particularit de s orienter de mani re inhabituelle pour les hommes du XX si cle pr sentant respectivement le nord en
126. ier les contraintes d couvertes pendant l exploration dans son recueil l Atlas de litt rature potentielle La pratique de l inventaire met plat les l ments qu il nonce un par un comme celui qui veut se rem morer le pass aligne les traces les documents les souvenirs les uns apr s les autres Or c est galement un proc d m moriel qui tend recueillir un ensemble une totalit qui recherche l exhaustivit car l atlas est galement une figure du savoir encyclop dique qui cherche totaliser capitaliser toute une r alit dans un livre Toutefois c est parfois ce m me caract re scientifique qui quand il s agit d atlas surann s fait que ces objets figurent au mieux la m moire La th matique de l atlas a galement pu mettre en vidence une th orie de la lecture dans l uvre perecquienne qui se manifeste aussi bien dans la fa on qu a l auteur de lire la r alit et de lire les contraintes qui r gissent ses livres que dans son criture qui incite le lecteur limiter et lire autrement Cette th orie repose sur la perception du texte comme une carte il faut lire en deux dimensions passer de l ensemble aux d tails aux mots et relier les points saillants entre eux pour en extraire le sens comme pour une lecture du ciel Cette conception rend caduque la lin arit ordinaire du livre sa chronologie et cr e ainsi de multiples chemins parcourir dans le texte
127. igure de la biblioth que qui est d velopp e dans cette nouvelle est celle du savoir absolu total aucun livre n y est identique m me si leur diff rence peut tre minime la Biblioth que est totale et ses tag res consignent toutes les combinaisons possibles des vingt et quelques symboles orthographiques nombre quoique tr s vaste non infini c est dire tout ce qu il est possible d exprimer dans toutes les langues Tout l histoire minutieuse de l avenir les autobiographies des archanges le catalogue fid le de la Biblioth que des milliers et des milliers de catalogues mensongers la d monstration de la fausset du catalogue v ritable l vangile gnostique de Basilide le commentaire de cet vangile le commentaire du commentaire de cet vangile le r cit v ridique de ta mort la traduction de chaque livre en toutes les langues les interpolations de chaque livre dans tous les livres 0 Dans cet univers o tous les livres existent et se r p tent ind finiment toutes les histoires se trouvent rang es cela r active la m taphore du monde comme livre Si la m moire est contenue dans la biblioth que Georges Perec tente de l explorer pour retrouver sa m moire pour faire resurgir ses souvenirs De plus une id e centrale de cette nouvelle est celle de la r p tition in vitable des livres contenus dans l univers Les livres entretiennent des relations
128. image simultan e et instantan e 77 Perec Georges Quatre figures pour La Vie mode d emploi in L Arc n 76 3 trimestre 1979 article reproduit dans Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit pp 387 392 T1 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec ir Le ETES M ACER EE G o EEEE EEEE e NRA APE RE RAP AEPPAREAE RP ET C L Si TAMAA FE A 8 ERP 1 E ATA AT A ee N aac NAPPAA TAAMA ss V JE Sep exe PNY yi Le AIN AE Fa Ts 4 x TS AE He i A D AK nae CET e PEE e OPEN Figure 4 Plan de l immeuble 11 rue Simon Crubellier pr sentant la polygraphie du cavalier La probl matique de la simultan it qu implique une image fait r f rence une figure particuli re qui est celle de l Aleph du nom de la nouvelle de Jorge Luis Borges Dans cette nouvelle qui donne galement son nom au recueil dans lequel elle prend place le narrateur est confront un Aleph l un des points de l espace qui contient tous les points le lieu o se trouvent sans se confondre tous les lieux de 776 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit pp 389 et 391 777 L image est extraite de la th se de Steve Hodges Revealing code what can language teach software Georgia Institute of Technology mai 2004 p 65 La th se est disponible sur le site Internet http www borderschess org Perec htm derni re
129. imaux du langage les lettres et d en d duire quelque chose toutes les lettres sont utilis es au fil du roman sauf une la plus essentielle en langue fran aise la cinqui me lettre de l alphabet la deuxi me voyelle la lettre e Cette demande prof r e par Georges Perec d observer le texte dans son ensemble et de rep rer des l ments particuliers est bien mise en vidence par l insertion d un texte de Raymond 320 Perec Georges La Disparition op cit pp 60 66 321 Thid pp 85 89 32 Jbid p 116 32 Jbidem 88 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit Queneau au vingt cinqui me chapitre de La Disparition dont la particularit est d tre un 324 lipogramme en a en e et en z Approchant de la fin du roman Aloysius Swann agent du Barbu qui semble tre Georges Perec lui m me qui poursuit la loi du Talion sur les enfants de Arthur Wilburg Savorgnan fait lire Ottavio Ottaviani le seul fils restant de ce dernier le lipogramme de Raymond Queneau Apr s la lecture du texte les personnages discutent son propos Hum dit Savorgnan cachant mal son imbitation Quoi scandalisa Aloysius n as tu pas vu qu il y avait ici un l on sait quoi tout fait fascinant Ma foi non avoua Savorgnan Mais voyons Savorgnan il n y a pas un a dans tout a Non d un Toutou mais tu dis vrai fit Savorgnan arrachant l adroit manus
130. inale Deno l 1969 Petit trait invitant la d couverte de l art subtil du go Paris Christian Bourgois diteur 1969 en collaboration avec Pierre Lusson et Jacques Roubaud Esp ces d espaces Paris Editions Galil e L espace critique 2000 19741 W ou le souvenir d enfance Paris Gallimard L Imaginaire 1975 dition originale Deno l 1975 Tentative d puisement d un lieu parisien Christian Bourgois Editeur 1975 extrait du Pourrissement des soci t s n 1 1975 Cause Commune La Vie mode d emploi Paris Hachette Le Livre de Poche 1978 Je me souviens Paris Hachette 1978 dition originale P O L 1978 Th tre I Hachette 1981 Penser Classer Paris Seuil La Librairie du XXI si cle 2003 dition originale Hachette 1985 L infra ordinaire Paris Seuil La Librairie du XX si cle 1989 53 jours texte tabli par Harry Mathews et Jacques Roubaud Paris Gallimard Folio 1989 dition originale P O L 1989 Je suis n La Librairie du XX si cle Paris Seuil 1990 Cahier des charges de la Vie mode d emploi pr sentation transcription et notes par Hans Hartje Bernard Magn et Jacques Neefs Paris CNRS et Zulma 1993 Ellis Island Paris P O L 1995 Entretiens et Conf rences 1965 1978 vol I et IL d critique tablie par D Bertelli et M Ribi re Paris Joseph K 2003 Coffret CD DVD Geo
131. la Pr sentation des travaux de l Oulipo parue le 22 d cembre 1961 dans le Dossier 17 du Coll ge de Pataphysique auquel il s est rattach en fin d ann e 1960 en tant que Sous Commission et reprise en 1973 dans La Litt rature potentielle c est dire dans l une des premi res publications d finissant l Association celle ci s introduit ainsi Dans ce premier Dossier on verra que pour dessiller les yeux de ses Membres encore peu aptes supporter le soleil potentiel citoyens qu ils sont des caligineuses Contr es du Verbe obvie l Ouvroir s est appliqu d couvrir en ces ombres les reflets phosphorescents qui y filtrent soit sous les esp ces de quelques unes des tentatives plus ou moins potentielles consciemment entreprises dans le pass soit surtout dans la manipulation des mat riaux involontairement propos s par les anciens d j auteurs au traitement potentiel 7 Outre l allusion au mythe de la caverne de Platon qui fait de la litt rature potentielle le soleil la v rit du travail litt raire la comparaison entre la caverne et les caligineuses Contr es du Verbe obvie introduit toute une r flexion sur la conception de la langue comme un l ment spatial En poursuivant la comparaison entre le texte oulipien et celui de Platon on comprend que le lieu ferm de la caverne fait d ombres et d obscurit repr sente la litt rature selon les Anciens car la litt rature pote
132. la litt rature au milieu d une constellation d explorateurs et poursuit quelque chose que ses pr d cesseurs ont commenc explorer 2 L inventaire Les Oulipiens se pr sentent comme des explorateurs d un nouveau monde litt raire la litt rature potentielle Ils sortent des rouages traditionnels du langage et de la litt rature pour exp rimenter un vaste territoire de l imagination qui se lib re par la contrainte Contraindre le syst me qu est le langage sortir de son fonctionnement routinier le forcer r v ler ses ressources cach es voil ce quoi l Oulipo veut activement travailler ou s amuser travailler car l aspect ludique demeure important dans le groupe Alors explorant des contraintes nouvelles en d terrant d anciennes en proposant des variantes l Oulipo a au fil des ann es accumul toute une s rie de contraintes in dites ou r actualis es et de textes de po mes les explicitant Par cons quent lorsque l Ouvroir d cide de publier la premi re anthologie le premier recueil de ses travaux La Litt rature potentielle une douzaine d ann es apr s sa fondation il doit extraire de sa collection des l ments pertinents et repr sentatifs afin de se pr senter de se d finir De m me huit ans plus tard pour son deuxi me recueil Atlas de litt rature potentielle il faut recueillir rassembler des r sultats de leurs explorations ainsi
133. la m moire des lieux visit s de m moire constitutifs de la m moire et la structurant mais aussi des lieux de m moire dans un sens proche du lieu de comm moration Cette exploration effective des lieux de m moire dans le but de recueillir des souvenirs ou des traces est particuli rement pr sente dans les textes de W ou le souvenir d enfance et ceux des R cits d Ellis Island De la brume o se m lent et o d rivent les souvenirs de son enfance Georges Perec voudrait d gager une chronologie une v racit partir de ces traces du pass il voudrait reconstruire une histoire Au d but de la seconde partie de W ou le souvenir d enfance qui relate les ann es o les souvenirs existent apr s son arriv e Villard de Lans Georges Perec voque la dispersion de ses souvenirs et la difficult de les identifier de les situer Ce qui caract rise cette poque c est avant tout son absence de rep res les souvenirs sont des morceaux de vie arrach s au vide Nulle amarre Rien ne les ancre rien ne les fixe Presque rien ne les ent rine Nulle chronologie sinon celle que j ai au fil du temps arbitrairement reconstitu e du temps passait Face cette incertitude de la m moire face cette mer d oubli sur laquelle flottent quelques souvenirs incertains Georges Perec entreprend de visiter les lieux auxquels devraient tre rattach s ses souvenirs et essaie la fois de les confronter eux de le
134. las Mnemosyne d Aby Warburg pr sentant 1 Repr sentation du ciel avec constellations 2 Carte des mouvements migratoires d change culturel entre le Nord le Sud l Est et l Ouest europ en 3 Arbre g n alogique des familles Medici Tornabuoni 7 Warburg Aby Bilderatlas Mnemosyne op cit p 9 112
135. lque chose que je peux nommer cl ture ou scission ou coupure et qui est pour moi tr s intimement et tr s confus ment li au fait m me d tre juif i S approprier ce lieu d une m moire potentielle c est en quelque sorte explorer et mesurer le lieu de la cl ture de la s paration forc e de sa famille qui le rend tranger par rapport quelque chose de lui m me diff rent des sliens Cette cl ture qui est trac e dans Ellis Island qu il re trouve dans ce non lieu il s agit probablement de l irr vocable qu il se doit d voquer pour retrouver son enfance amp Cf supra pp 15 16 Perec Georges Esp ces d espaces op cit pp 179 180 6 Jbid pp 179 S Ibidem cf supra p 15 S6 Perec Georges Ellis Island Paris P O L 1995 p 56 Nous reproduisons la ponctuation de ce texte telle qu elle est pr sent e dans l dition cit e Ibid pp 57 58 68 Thid p 59 25 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec je n ai pas d autre choix que d voquer ce que trop longtemps j ai nomm l irr vocable ce qui fut ce qui s arr ta ce qui fut cl tur ce qui fut sans doute pour aujourd hui ne plus tre mais ce qui fut aussi pour que je sois encore Ainsi l appropriation d Ellis Island pour Georges Perec semble faire partie du projet g n ral de rassemblement des lieux de sa m moire En exploran
136. lus sur des consid rations dites esth tiques est reconnu trop vaste du moins la publication de cet ouvrage et se limite alors l extraction des substantifs de certains po mes Jacques Bens crit Je me suis born extraire les substantifs de certains po mes J ai ainsi obtenu des 157 listes que j ai appel es nventaires en hommage au Trt Satrape Jacques Pr vert Ces listes prenaient ou non un sens voquaient ou non des images qui rappelaient parfois le sens et les images du po me original dans le meilleur des cas ces 4 r A 158 Inventaires acc daient leur tour la gloire du po me Rappelant la technique po tique de l inventaire employ e notamment par Jacques Pr vert Jacques Bens voque le caract re po tique que peut donner l exercice Cependant ce qui nous int resse le plus ici est cette volont de mettre plat le po me si l on peut dire de le d composer pour en obtenir des listes recensant l ensemble du mat riau employ dans le po me et pour de cette mani re le pr senter l inventaire 154 Perec Georges Ellis Island op cit p 43 155 Oulipo La Litt rature potentielle op cit pp 162 167 156 Thid p 162 157 Trt Satrape le Transcendant Satrape est un titre port par certains membres du Coll ge de Pataphysique 158 Oulipo La Litt rature potentielle op cit p 163 49 L Atlas de la m m
137. mbre chapitre 1 Fragments d un travail en cours Georges Perec fait allusion un projet qui consiste recenser et d crire de m moire les lieux dans lesquels il a dormi L crivain explique en effet que sa m moire est capable de faire resurgir avec pr cision les d tails de ces chambres l emplacement des fen tres et des portes celui des meubles aux seules exceptions pr s de celles de sa premi re enfance Pour cela il lui suffit de s tendre dans son lit de fermer les yeux et de penser l un de ces lieux si bien qu il ressent jusqu la sensation presque physique d tre nouveau couch dans cette chambre Ce travail de Georges Perec nous indique tout d abord une m moire particuli re des lieux Or ce qui est encore plus int ressant que cette capacit de r miniscence ce sont les souvenirs qui reviennent en m moire en accompagnant ces chambres Les souvenirs s accrochent l troitesse de ce lit l troitesse de cette chambre L espace ressuscit de la chambre suffit ranimer ramener raviver les souvenirs les plus fugaces les plus anodins comme les plus essentiels La seule certitude c nesth sique de mon corps dans le lit la seule certitude topographique du lit dans la chambre r active ma m moire lui donne une acuit une pr cision qu elle n a presque jamais autrement 13 Perec Georges Esp ces d espaces Paris Galil e 2000 1974 p
138. mbre 2009 Paris La F mis sous presse Vuillemin Nathalie L Invitation la lecture R flexivit et interaction entre auteur et lecteur dans La Vie mode d emploi de Georges Perec amp Se una notte d inverno un viaggiatore d Italo Calvino m moire de licence sous la direction de Claire Jaquier Kaempfer Universit de Neuch tel octobre 2000 Ouvrages g n raux sur Georges Perec et l Oulipo Burgelin Claude Georges Perec Paris Seuil 1990 Magn Bernard Perecollages 1981 1988 Toulouse Presses universitaires du Mirail 1989 Montfrans Van Manet Georges Perec La Contrainte du r el Amsterdam Atlanta Rodopi 1999 Reggiani Christelle Rh toriques de la contrainte Georges Perec L Oulipo St Pierre du Mont Editions InterUniversitaires 1999 Ouvrages et articles divers sur Georges Perec Dangy Scaillierez Isabelle L Enigme criminelle dans les romans de Georges Perec Paris Honor Champion 2002 Joly Jean Luc Une le on des Choses approche de la po tique perecquienne de la totalit in Beaumatin Eric Ribi re Mireille dir De Perec etc derechef M langes offerts Bernard Magn Paris Joseph K 2005 pp 237 253 Magn Bernard Cinqui me figure pour La Vie mode d emploi in Cahiers de Georges Perec 1 Colloque de Cerisy juillet 1984 Paris P O L 1985 pp 173 177 Pawlikowska Ewa Citation prise d criture in Cahiers Georges Perec n 1
139. n avorton GODU sage 5e 4 O nonobstant un Vol du Bourdon il n y a pas d allusion Nicolas Rim sky Kotsakov r 6 Qui au sortir d un Corpus compilant nous conduira tout droit au zoo 7 O l on para t vouloir du mal aux avo cats marocains de 8 O l on dira trois mots d un tumulus o Trajan s illustra III DOUGLAS HAIG CLIFFORD 9 O un baryton na f conna tra un sort PUIEUTADU 408 mere ire Lave 10 Qui souhaitons nous plaira aux fanas pindarisamis sn su den des mat dus k 11 Dont la fin aura pour fonction d amol lir un Grand Manitou 12 O uv bijou ombilical suffit Panglici sation d un B tard 13 Du pouvoir inou qu un choral d Anton Dvorak para t avoir sur un billard 14 O Pon va voir un cyprin faisant fi d un halvah pourtant royal IV OLGA MAVROKHORDATOS 15 O dissipant vingt ans d archifaux faux fuyants Pon va savoir pourquoi coula limposant Titanic 16 Qui fournit un appui probatif la posi tion du dollar 17 O l on saura Popinion qu avait d Hol lywood Vladimir Ilitch 18 Dont d aucuns diront coup s r qu il fournit maints apports capitaux 19 Du tracas qu on court vouloir un pois soniai 5e es dar eve Mer de 20 Qui nonobstant l inspiration du duo initial n aboutit qu un climat ma ladif V AMAURY
140. n des syst mes d toiles porte le nom d Atlas et qui est situ dans la constellation du Taureau Enfin selon le Tim e et le Critias de Platon Atlas serait galement le nom du premier roi de l Atlantide l le qui aurait t engloutie dans des temps recul s L atlas fait r f rence au monde des repr sentations du monde qu il s agisse du globe terrestre que porte le Titan ou des cartes rassembl es par un faiseur d atlas Il est donc question de cartographie de lecture et d criture du monde et de sa mise en espace Ensuite le globe que porte Atlas qui rappelle l objet globe terrestre que l on peut avoir chez soi repr sente symboliquement la totalit le savoir total encyclop dique Enfin l atlas comme livre g ographique propose une vision tr s compl te du monde L atlas est un dispositif qui permet de concilier le tout et le d tail En effet contrairement au planisph re et au globe terrestre l atlas pr sente par la profusion des cartes qu il contient le monde d un point de vue aussi bien global que resserr autour d un espace pr cis Il y a dans l atlas tout un mode combinatoire toute une disposition des cartes qui lui permet d embrasser la totalit macroscopique et microscopique et d atteindre une certaine exhaustivit Le terme d aflas comme nous avons pu le voir est d une richesse impressionnante et son emploi par l Oulipo le rend d autant plus int r
141. n originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1981 2 Borges Jorge Luis La Biblioth que de Babel op cit p 78 67 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Le troisi me livre tait Vingt ans apr s il me semble que je connaissais ce livre par c ur et que j en avais assimil tellement de d tails que le relire consistait seulement v rifier qu ils taient bien leur place num ration de d tails et de passages du livre et cent autres pisodes pans entiers de l histoire ou simples tournures de phrase dont il me semble non seulement que je les ai toujours connus mais plus encore la limite qu ils m ont presque servi d histoire source d une m moire in puisable d un ressassement d une certitude les mots taient leur place les livres racontaient des histoires on pouvait suivre on pouvait relire et relisant retrouver magnifi e par la certitude qu on avait de les retrouver l impression qu on avait d abord prouv e ce plaisir ne s est jamais tari je lis peu mais je relis sans cesse et chaque fois avec la m me jouissance celle d une complicit r r 243 d une connivence ou plus encore au del celle d une parent enfin retrouv e L espace litt raire est un espace stable o les mots le savoir sont ancr s et encr s pour de bon dans le papier tout est sa place tout peut tre retrouv
142. n pleine mer avait fini par d signer l Am rique du Sud Dans un cas comme dans l autre ce n est pas le savoir contenu dans l atlas qui int resse les personnages mais d une part Bartlebooth consulte l atlas en r vassant et en relevant cinq cents lieux o peindre des ports d autre part Lino Margay recherche une repr sentation globale du monde afin de piquer une destination La consultation de l atlas 204 La nymphe Syrinx pour chapper au d sir de Pan est m tamorphos e en roseau Cf Ovide Les M tamorphoses livre premier 25 l Institut s attachait Hassan Ibn Abbou qu il nommait la sous commission du Corpus patrimonial d Inscriptions du Haut Atlas Marocain etc p 90 Mais qu il soit Hamada Tassili Adrar Iguidi Grand Atlas Borkou Djouf ou Touat l inhumain Sahara vaut qui s y hardit moult tintouins etc Perec Georges La Disparition op cit p 276 7 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 80 207 Thid p 423 58 L Atlas du savoir est dans ces deux cas utilitaire mais c est aussi leur destin e que les personnages confient au hasard et au livre de cartes L atlas est galement un ouvrage pour rep rer Dans La Disparition Olga qu Anton Voyl a quitt e re oit de lui une lettre dans laquelle il lui donne des nouvelles sur sa vie Voici ce qu elle dit de ce pli final Plus tard il posta un pli fin
143. n propre pass tant essentiellement impossible en d pit des classements couvrant chaque ann e chaque mois chaque jour comme le r vait Georges Perec on ne peut se raccrocher qu l inventaire le plus exhaustif possible de ces lots qui contournent les espaces d ombre Comme on peut le voir l obsession du savoir absolu pr sent par les nombreuses figures de savoir encyclop dique ainsi que par les multiples tentatives d puisement chez Georges Perec vient contrebalancer l impossibilit de constituer une connaissance totale de la m moire Parcourir le monde le sillonner en tous sens ce ne sera jamais qu en conna tre quelques ares quelques arpents Georges Perec d plore l absence de lieux stables de sa m moire et il doit pour s y opposer composer un atlas m moriel afin de pouvoir se rep rer de savoir o il en est afin de suivre sur les cartes les chemins parcourus et r ver les routes qu il s appr te prendre regardant son enfance comme les coordonn es partir desquelles les axes de s a vie pourront trouver leur sens Or il existe un lieu stable de m moire qui va compenser les trous qui pars ment l atlas de Georges Perec il s agit de la biblioth que La biblioth que est la figure du savoir encyclop dique par excellence cumulant tous les livres qui ont t crits et tous ceux qui le seront dans tous les domaines qui soient Georges Perec explique que l Histoire ent
144. ns l ments sont absents On peut donc constater que dans ces trois exemples le verbe arracher traduit une v ritable bataille contre le vide la faillite de la m moire Georges Perec r actualise la m taphore de la m moire comme lieu relativement ancienne puisqu il s agit d une conception antique reprise au Moyen Age Cependant il ne s agit pas d une m moire entra n e au contraire c est une m moire d faillante d sordonn e que l on rapprocherait de la silva l inextricable for t d un mat riau chaotique un magma que Mary Carruthers compare une biblioth que sans catalogue la silva que d ailleurs ne manque pas d voquer le Sy vandre ce bateau qui vogue de mani re presque al atoire sur une mer d oubli la recherche de ces morceaux de terre de ces bribes de m moire Dans le chapitre XII de W ou le souvenir d enfance Georges Perec pr sente ce lieu d sordonn disparate qu aucun proc d heuristique ne structure comme de la mati re souvenir qui flotte sans amarre la mani re des d bris d un bateau d truit par la temp te il n y a pas de donn es temporelles seulement des changements de lieux et de d cors La m moire se structure autour de donn es spatiales plus s res mieux identifiables que les donn es temporelles qui elles se confondent s entrem lent dans une m me temporalit indiscernable le pass De cette for t sauvage d
145. ns d tre mais sur sa seule position topographique et non pas tellement par rapport aux axes cit s plus haut mais plut t par rapport un lieu ou un tre auquel on pense ou auquel ainsi on se mettra penser Par exemple lorsqu on monte aux Invalides dans le car qui va vous conduire Orly se repr senter la personne que l on va attendre en train de passer la verticale de Grenoble essayer tandis que le car se fraye un chemin difficile au milieu des embouteillages de l avenue du Maine de se figurer sa lente avanc e sur une carte de France la travers e de l A n de la Sa ne et Loire de la Ni vre et du Loiret Ou bien d une mani re plus syst matique s interroger en un moment pr cis de la journ e sur les positions qu occupent les uns par rapport aux autres et par rapport vous quelques uns de vos amis recenser les diff rences de niveaux les orientations imaginer leur d placement dans l espace 208 209 210 7bidem Perec Georges La Disparition op cit p 210 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 164 211 bid pp 164 165 59 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Il s agit l d une lecture spatiale des v nements du pr sent Georges Perec inscrit la r alit les faits sur une carte On peut relever dans cette r flexion la plus grande importance que prend la question du lieu sur celle du temps et la tension exprim e entre
146. nt les atlas surann s que les savants peuvent d couvrir ou reconstituer une r alit pass e L Atlas de Reiner Otten qui appara t la fin du m me chapitre est en r alit uniquement cit dans un souci d rudition Contrairement l atlas de Waldseem ller qui apparaissait dans le texte comme objet sp cifique celui de Reiner Otten est seulement voqu en passant pour se concentrer sur une carte particuli re qui en faisait partie Cette carte l Imperium Japonicum per regiones digestum sex et sexaginta atque ipsorum 216 Japonensium mappis descriptum ab Hadriano Relando survient dans ce chapitre la suite de la seconde communication donn e lors du congr s cit pr c demment qui portait 71 Le nom de ce professeur est apparemment produit par le Faux pour la contrainte Fleurs qui devait donner immortelles qui sont remplac es par arbre caille de sapin blanc Zapfenschuppe pomme de pin cf Perec Georges Cahier des charges de la Vie mode d emploi op cit Chauvin Andr e Cartes et plans art cit p 250 715 Introduction la cosmographie avec quelques l ments de g om trie et d astronomie n cessaires l intelligence de cette science ainsi que les quatre voyages d Amerigo Vespucci cf Annexe 1 p 110 Comme son titre complet l indique la carte de l Imperium Japonicum a t produite par le cartographe Adrien Reland Elle est ensuite reprise
147. ntielle ne constitue selon l Oulipo lui m me qu une avanc e de plus dans la querelle des Anciens et des Modernes qui repose sur les r gles tablies traditionnellement et qui ne sort pas de son fonctionnement routinier Par cons quent sortir de la caverne et acc der aux r gions sup rieures au monde intelligible de Platon revient prendre le parti de l Oulipo La litt rature potentielle est cette contr e qui s tend infiniment l ext rieur de la caverne de la litt rature traditionnelle Hors de ces caligineuses Contr es du Verbe 125 Thid p 38 126 Platon La R publique livre VII 127 Cf notamment La Lipo Premier Manifeste in Oulipo La Litt rature potentielle op cit pp 15 16 AS B nabou Marcel Quarante si cles d Oulipo in Magasine litt raire n 398 L Oulipo la litt rature comme jeu pp 20 26 Paris mai 2001 p 22 42 L Atlas du savoir obvie s ouvre perte de vue tout un territoire inexplor des potentialit s un territoire des contraintes aussi diverses soient elles Alors se mettent en mouvement les travaux de l Oulipo lequel donne ses membres le r le de nouveaux explorateurs la conqu te de continents inconnus de territoires inexplor s La m taphore de l exploration des lieux langagiers et litt raires revient constamment dans les textes th oriques de litt rature potentielle Bref comme les mat
148. ntorie les contraintes qu il d couvre et son Atlas devient un outil comme l est le dictionnaire Nous observerons galement la pratique perecquienne de l num ration la liste l index etc qui constitue aussi bien une tentative d approcher l exhaustivit qu un proc d m moriel Enfin dans un troisi me temps nous aborderons l atlas sous l angle de l criture et de la lecture l atlas entre lisibilit et visibilit En effet l atlas met en vidence une fa on de lire le monde qui s appuie sur la visibilit entre les quelques images qui pars ment les uvres de Georges Perec et les appels constants des typographies divergentes des l ments d tonnant Nous nous int resserons la simultan it qui s articule aussi bien dans La Vie mode d emploi o il est question d un immeuble dont la fa ade est enlev e et dont toutes les pi ces sont de ce fait visibles au m me instant que dans La Disparition o est abord e la question de l Aleph point fixe qui permet de contempler simultan ment la totalit de l univers dans une nouvelle de Borges Pour explorer la simultan it l instant Georges Perec propose un mode de lecture particuli rement d velopp dans son article Lire esquisse socio physiologique qui s apparente celui de l atlas et qu il va non seulement employer pour d chiffrer la r alit mais galement mettre en pratique dans ses livres pour incit
149. ogique a constitu pour Georges Perec un passage essentiel dans son travail de recherche du pass tracer une carte fictive en suivant une m thode scientifique ou du moins imitant une scientificit pour susciter l imagination qui aidera produire la rem moration Ainsi la rem moration passe par l exploration de ces cartes imaginaires la cartographie imaginaire de W compl te celle de la m moire 116 Cf supra p 33 117 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit quatri me de couverture 118 Jbidem 11 Pic Muriel W G Sebald L image papillon op cit p 148 cf supra note 111 pp 36 37 39 IT L Atlas du savoir L Atlas du savoir 1 Le langage et la litt rature comme lieux explorer A la suite d un colloque organis au ch teau de Cerisy la Salle autour de l uvre de Raymond Queneau et intitul Une nouvelle d fense et illustration de la langue fran aise se constitue un groupe de dix personnes qui prend le nom de S minaire de Litt rature Exp rimentale abr g S litex afin de r fl chir sur la litt rature A la fin de l ann e 1960 cette association co fond e par Raymond Queneau et Fran ois Le Lionnais d cide de modifier sa d nomination en adoptant le nom d Ouvroir de Litt rature Potentielle abr g d abord en Olipo puis d finitivement Oulipo D s leurs premi res r unions consid rant qu ils ne se r uniss ent pas seulement pou
150. ogique dans la narration de son roman en choisissant le parcours du cavalier d un jeu d chec en d pit de celui d un pr sum personnage qui passerait successivement dans toutes les pi ces de l immeuble ou en d cidant de disperser les informations sur Bartlebooth de les distiller au fil des chapitres montre bien la volont qu a l auteur de bousculer les codes du roman et de faire de son livre un atlas o 23 Lusson Pierre Perec Georges et Roubaud Jacques Petit trait invitant la d couverte de l art subtil du go op cit pp 41 42 Cf Liste des 99 choses apprendre sur B in Perec Georges Cahier des charges de la Vie mode d emploi op cit 82 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit les parcours sont divers o reposent diff rentes lectures potentielles Georges Perec a fait de La Vie mode d emploi un atlas que le lecteur peut explorer dans lequel il peut cheminer sa guise cr er son propre itin raire en reliant les l ments du texte partir du plan et des pi ces annexes l index le rappel de quelques unes des histoires racont es dans cet ouvrage Comme il l explique dans ses entretiens les pages annexes permettent au lecteur de jouer de reconstituer l histoire des diff rents personnages le De ce fait l instar de Bartlebooth qui roman contient donc des livres potentiels diss mine son projet dans le monde entier en
151. oire au travail de l auteur une toile blanche sur laquelle Georges Perec pingle des fragments entre lesquels seront laiss s des espaces blancs des trous de m moire et entre lesquels circulera une signification qu il faudra reconna tre en reliant les l ments en imaginant Helga Rabenstein note que dans cette autobiographie tous ces souvenirs retenus et voqu s souvent comment s et parfois rectifi s n arrivent pas former un ensemble ils s alignent l un apr s l autre une fois une autre fois plus tard encore plus tard Cette remarque r v le bien une caract ristique de la m thode m morielle de Georges Perec il faut num rer platement faire l inventaire des traces des souvenirs les mettre plat comme sur une table d anatomie Ainsi la m moire est d cortiqu e et expos e fragment par fragment dans l atlas de la m moire sans explication pour que le lecteur prenne en charge l interpr tation et pour que l ouvrage garde son aspect de table de travail et n arr te pas une lecture sp cifique de la m moire W ou le souvenir d enfance rev t l aspect d un atlas de la m moire qui reproduit imite la m moire r elle vivante dans son accumulation d l ments h t rog nes dans ses espaces vides ses hiatus suivant l image de l atlas d Aby Warburg Mnemosyne de ses 358 359 360 361 Lejeune Philippe La M moire et l Oblique op cit p 65
152. oire dans l uvre de Georges Perec devient ventaire talage Ainsi l instar de la carte qui figure la r alit d un espace par sa projection sur une surface plane l inventaire expose platement les l ments d un texte il le d compose avant de le recomposer sous forme de listes afin de rendre visible et de permettre d valuer d analyser l ensemble d en distinguer des tendances La technique d exposition adopt e par l Oulipo dans ses deux ouvrages pr sente des aspects d inventaires De m me que l atlas permet d envisager ces livres comme un recueil de cartes des explorations oulipiennes comme la repr sentation multiple de ce lieu qu est la litt rature potentielle l atlas propose un aspect qui a trait l exhaustif l inventaire la liste Ce qu expose l Oulipo prend certaines caract ristiques de l inventaire le recensement des contraintes et leur description et ce dans des fins d valuation Nous pouvons rapprocher encore cette pratique de celle du catalogue du grec katalogos liste num ration pr cise m thodique exhaustive des l ments d une collection et par m tonymie support mat riel o cette num ration est inscrite TLFi Ainsi d une revue du chemin parcouru du r capitulatif des travaux effectu s bref de l inventaire l Oulipo passe une strat gie de pr sentation le catalogue liste organis e Dans le cas de l inventaire aus
153. on architecture de l existence D 60 d un toboggan d un auvent ou d une barri re la mati re d un souvenir L exploration de Lans en Vercors la recherche du home d enfants met v ritablement en vidence le travail de reconnaissance du lieu revenir sur ses pas observer attentivement ces espaces tenter de rep rer des d tails qui se rappellent vaguement la m moire identifier et t cher d extraire de ces lieux un souvenir La tentative de localisation du lieu de m moire est dans ce cas manqu e mais nous pouvons remarquer la volont de situer les souvenirs dans des endroits pr cis des lieux identifi s reconnus de les classer de les ranger ces endroits pour que ceux ci fonctionnent l instar des chambres dans Lieux o j ai dormi On retrouve ici encore les moyens mn motechniques de la memoria antique et m di vale Georges Perec essaie de restructurer sa m moire comme un fhesaurus chaque lieu formant une case o viendraient se ranger les souvenirs Mary Carruthers note que le principe fondamental consiste diviser la mati re m moriser en morceaux suffisamment courts pour que l on puisse s en souvenir sous la forme d unit s distinctes et agencer celles ci suivant un ordre rigoureux facilement reconstituable Ainsi organis e la m moire donne un acc s plus facile ce qu elle contient et vite qu on se perde dans ses eaux troubles Cette rest
154. on de l exhaustivit en tentant d embrasser une totalit un absolu dans la perspective de contrebalancer le vide le blanc l absence Le recensement de tous les l ments d un ensemble ou du moins la tentative d num ration exhaustive d un ensemble s identifie dans une certaine mesure la pr tention des ouvrages vocation encyclop dique qui tentent de constituer un savoir total absolu sur une th matique sp cifique Les livres de Georges Perec contiennent pour beaucoup quelques figures du savoir encyclop dique ou plus sp cifique qu il s agisse d ouvrages de l encyclop die au dictionnaire en passant par l atlas ou bien de savants rudits cartographes g ographes historiens arch ologues m decins chimistes physiciens etc La totalit suscite un int r t particulier dans les uvres de Georges Perec L atlas constitue une figure du savoir encyclop dique dans ses aspirations comme dans son tat La carte qui y prend place est de fait transform e du point de vue de sa forme car uniformis e homog n is e par rapport aux autres cartes pour entrer dans le 1 7 mais galement dans la perception qu on en a dans la fa on dont on l aborde recuei elle change de statut car elle constitue une partie d un ensemble Ce tout l atlas est selon Christian Jacob r gi par une logique cumulative et analytique le dispositif d assemblage des cartes permet de ci
155. onc sous la tension d une double figure celle du savoir encyclop dique total qui contraste avec les trous dans la connaissance de son propre pass et celle de figuration de la m moire par les curiosit s scientifiques Ce n est d ailleurs pas un hasard si Aumaury Conson dans La Disparition devenu amn sique suite un accident re oit un atlas comme cadeau alors qu il est en train de tout r apprendre C est dans la partie V qu Arthur Wilburg Savorgan raconte son histoire Amaury Conson qui s av re tre son fr re lui expliquant comment il a retrouv progressivement sa trace et reconstitu son histoire Savorgnan raconte son fr re comment celui ci dut r apprendre la parole et le savoir en g n ral J appris qu un camion t ayant fait choir alors qu au loin du sanatorium tu fuyais tu t alanguis dans un oubli total si profond qu on n arriva jamais savoir ton nom ni d o tu arrivais Mais tu paraissais adroit moins idiot qu on avait cru d abord Tu rappris discourir Plus tard tu fus plut t fort au calcul Un pion du gymnasium local t offrit un atlas puis obtint l accord du paysan pour qu on pouss t au maximum ton instruction Voici donc un personnage qui a perdu la m moire un oubli total qui on offre un atlas figure du savoir total encyclop dique objet qui symboliquement englobe le monde et fournit son contemplateur l impression d en
156. ont il peut montrer l emplacement qu il peut nommer mais auquel il ne peut acc der Cette enfance dont il est question dans W ou le souvenir d enfance est consid r e plusieurs reprises comme un lieu au d but du quatri me chapitre par exemple 13 A noter que le personnage Cinoc dans La Vie mode d emploi dont le travail consistait faire de la place dans le dictionnaire pour les nouveaux mots avait ray de la carte des dizaines d les Perec Georges La Vie mode d emploi Paris Hachette 1978 p 347 4 Lentement j oubliai les incertaines p rip ties de ce voyage Il y a ans Venise dans une gargote de la Giudecca j ai vu entrer un homme que j ai cru reconna tre Il ne pouvait pas y avoir de survivant pp 13 14 A treize ans j inventai racontai et dessinai une histoire Plus tard je l oubliai Il y a sept ans un soir Venise je me souvins tout coup que cette histoire s appelait W pp 17 18 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit 15 Thid p 18 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Je ne sais o se sont bris s les fils qui me rattachent mon enfance Comme tout le monde ou presque j ai eu un p re et une m re un pot un lit cage un hochet et plus tard une bicyclette que para t il je n enfourchais jamais sans pousser des hurlements de terreur la seule id e qu on allait vouloir relev
157. orme le plan en un atlas qui par sa multiplicit de cartes rend compte de fa on plus exacte de ce que Georges Perec propose avec ce livre La Vie mode d emploi peut tr s bien tre consid r comme un atlas de la m moire o le lecteur doit passer de lieu en lieu de pi ce en pi ce contenant les traces de l histoire comme dans les moyens mn motechniques de la memoria Ce roman tout comme pourrait on supposer la forme d finitive de L Arbre semble reproduire les m canismes d une m moire au travail y Plut t que d analyser sa m moire et d en extraire des significations qu il mettra par crit Georges Perec propose uniquement une table d anatomie d o le sens ne sera pas explicitement r v l laissant au lecteur dont le r le peut aussi bien tre endoss par 345 346 347 Pic Muriel W G Sebald L image papillon op cit p 106 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 393 Didi Huberman Georges L Image survivante op cit p 452 95 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec l auteur lui m me le soin de scruter les espaces vides entre les signes trac s par l criture Cette m thode est particuli rement bien tablie dans le livre W ou le souvenir d enfance En effet Georges Perec cherche nous montrer que quelque chose se passe dans la fragile intersection des deux textes qui constituent l autobiographie En fait c est dans
158. oup ma serpette est perdue qui est habituellement d clin e l ensemble des voyelles mais dont la citation dans La Disparition passe du a au i puis au o en vitant le e la comptine am stram gram est clairement employ e dans ce cas pour mettre en vidence le manque par les l g res modifications qui y sont apport es le remplacement des ef par des ou L insertion de ces chansons bien connues op re chez le lecteur un m canisme qui le fera relier ces micro textes leur r f rent les curiosit s qu il remarque l utilisation du ou au lieu du et par exemple pointeront ainsi l viction du e De plus leur typographie diff rente qui les fait ressortir du texte comme des l ments trangers celui ci accentue la mise en visibilit de la contrainte L introduction de textes litt raires est d autant plus int ressante puisque ceux ci produisent un effet r flexif dans le roman En effet plusieurs textes qui ressortent v ritablement de la typographie g n rale du livre sont lus par les personnages qui renvoient d s lors au lecteur sa propre image son activit m me La plupart des cas provient de la plume d Anton Voyl le personnage tourment par la disparition de la lettre qui dispara t d ailleurs la fin du chapitre 4 entra nant ses amis dans une enqu te C est en fouillant ses affaires pour en savoir plus qu Amaury Conson tombe sur un carton contenant plusieurs manuscrits portan
159. que Elle oblige l observateur promener son regard sur la carte et relier les points elle force au parcours LE TE COM pe a EE CATE CON me lubama FES S f pps ne nr TISTORIQU E ET ROUTI RE XYD NE E pE 58 A PA u na samme lt S D APRES amp iN D EST RS EBS TRAIT S RU pa LC KI metar 2 Re Les Chemins nr Frer et a NeNimis Sie s liuni nes 2A Ca les Cnaux et les lnbhasements d Eaux Themnales et Marie 2 Les Cours Appel Ev eh s el Arehev ch s La uverste des Baleuux Vapeur sui la M diterrauce et etun N DRESS E ER 7 2 L y EAIN y a Rx NET k Figure 5 Fac simil de Pintitul de la carte de la France et des colonies par L Sonnet 300 La volont de m nager au lecteur diff rents chemins dans l uvre est une technique qui tient particuli rement c ur l Oulipo Que l on pense aux Cent mille milliards de po mes ou au Conte votre fa on de Raymond Queneau Un aphorisme peut en cacher un autre de Marcel B nabou ou encore la contrainte du parcours 299 300 301 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 251 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 250 Dans Cent mille milliards de po mes et dans Un Conte votre fa on le lecteur cr e partir des l ments qui lui sont propos s respectivement diff rents vers diff rentes positions et des alternatives aux v nements survenant dans le conte
160. que des pistes qu ils suivent alors afin de les exposer C est ainsi que commence la Pr face de ce second ouvrage Ceci est le second volume de pr sentation des travaux de l OuLiPo Ouvroir de Litt rature Potentielle Il nous a sembl que le moment tait venu de faire le point sur les d veloppements manifestations et innovations survenus pendant cette p riode qui a vu l OuLiPo sortir de l anonymat dans lequel il s tait volontairement confin jusque l et nombre de ses m thodes diffus es avec plus ou moins de pertinence et d efficacit ici ou l journaux et p riodiques revues p dagogiques stages de Lot tue 146 cr ativit etc Huit ans apr s le volume pr liminaire pr sentant les travaux oulipiens ne donnant qu un aper u des explorations de ce monde nouvellement d couvert qu tait la litt rature potentielle l Oulipo propose au public un recueil qui va plus loin avec des propositions qui ont t syst matis es tendues corr l es soumises de multiples 144 Extrait de l mission Radioscopie anim e par Jacques Chancel sur France Inter 1978 disponible sur le coffret CD DVD Georges Perec vol 1 INA 2007 Nous faisons la transcription 145 B nabou Marcel Quarante si cles d Oulipo art cit p 22 146 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit p 13 147 mp Ibidem 47 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec
161. r Es RSR Ste e O 7 n own N Eu 5 re Figure 2 Carte d Iputupi 114 TI s agit d un pastiche d article scientifique qui traite de la double hybridation d une esp ce de papillon sur une petite le des les Salomon Perec Georges Distribution spatio temporelle de Coscinoscera Victoria Coscinoscera tigrata carpenteri Coscinoscera punctata Barton amp Coscinoscera nigrostriata d Iputupi article sign Pogy O Brien et Johann Wolfluss in Cartes et figures de la terre Catalogue de l exposition du Centre Georges Pompidou Paris Centre Georges Pompidou 1980 pp 394 397 article repris dans le recueil fictif Perec Georges Cantatrix Sopranica L et autres crits scientifiques Paris Seuil 1991 Pour une tude du pastiche scientifique cf Magn Bernard La cantatrice et le papillon A propos de deux pastiches d article scientifique chez Georges Perec in Perecollages op cit pp 193 206 15 Perec Georges Distribution spatio temporelle de Coscinoscera Victoria art cit p 395 38 L Atlas de la m moire De m me la carte de l le W d crite au chapitre XII de W ou le souvenir d enfance tient d autant plus ce r le que le r cit qui l englobe appartient tout entier l imaginaire et qu elle participe pleinement la reconstitution arbitraire mais minutieuse d un fantasme enfantin La cartographie de l le W et son exploration ethnol
162. r auteur de la carte 718 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 459 71 Jbidem 220 Que l on pourrait traduire approximativement Collection de 93 cartes sur lesquelles sont repr sent s les ph nom nes principaux de la nature inorganique et organique d apr s leur diffusion g ographique et leur distribution L Atlas est disponible pour la consultation sur le site de la Biblioth que de l Universit de Harvard http hul harvard edu 721 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 575 62 L Atlas du savoir Il s agit l d un v ritable ouvrage port e encyclop dique et qui est pr sent comme tel dans La Vie mode d emploi plac dans une biblioth que Cependant ces trois atlas tout comme ceux que Cinoc le tueur de mots consulte pour constituer son grand dictionnaire des mots oubli s et qui repr sentent l Italie comme un bariolage de petits royaumes comportent galement une dimension qui va au del des pr tentions savantes ou historiques En effet l obsolescence de ces ouvrages en fait des curiosit s voire des absurdit s des aberrations des cartes imaginaires qui sont cependant les plus m me de figurer la m moire Ces atlas ont t tablis selon des pratiques scientifiques pr sent p rim es qui font de ces objets des atlas imaginaires aux yeux de l observateur de notre poque L atlas dans l uvre de Georges Perec est d
163. r se divertir les membres de l association se questionnent sur ce qu ils peuvent attendre de leurs travaux qui se concentraient alors principalement sur une Histoire des litt ratures exp rimentales Progressivement la d finition de l Oulipo s est form e affin e Nous appelons litt rature potentielle la recherche de formes de structures nouvelles et qui pourront tre utilis es par les crivains de la fa on qui leur plaira OuLiPiens rats qui ont construire le labyrinthe dont ils se proposent de sortir Il s agit donc d une association qui se propose de chercher des m thodes des contraintes des structures afin de stimuler l imagination cr atrice Partant de l id e qu une uvre litt raire est construite partir d une s rie de contraintes vocabulaire grammaire r gles du genre versification etc l Oulipo se propose de rechercher de nouvelles formes contraintes structures qui pourront ensuite tre employ es librement par les auteurs sur lesquelles ils pourront s appuyer pour aviver leur imagination Deux domaines d activit s se distinguent alors rapidement dans les travaux de l Association l anoulipisme consiste en la recherche de contraintes existant dans les uvres pass es le synthoulipisme quant lui invente de nouvelles contraintes par exemple partir des structures abstraites des math matiques 14 Ainsi l Oulipo se propose d explorer l
164. r certains personnages qui comme le post scriptum d crivant l ambition qui guida la main du scrivain clairent la construction m me du roman qui les met en sc ne Si cette mise en visibilit de la contrainte par le contenu m me de l histoire narr e dirige la lecture vers son rep rage Georges Perec a employ plusieurs autres moyens pour divulguer le principe g n rateur du texte Dans La Disparition bien plus qu elle ne sert explorer le roman comme le permettait l index de La Vie mode d emploi la table des chapitres en fin de roman rend visible la contrainte du livre en pr sentant les six parties dont le titre de la partie II est remplac par un espace blanc et les vingt six chapitres dont le cinqui me a tout simplement disparu remplac par une page blanche dans le texte La table des mati res a donc une fonction visible tr s importante pour repr senter l absence du e g n ratrice du texte Outre cet usage particulier des paratextes index table des mati res etc qui tiennent g n ralement une fonction importante dans l uvre de Georges Perec le livre de La Disparition est parsem d l ments h t rog nes de textes typographie divergente qui viennent court circuiter la lin arit du r cit qu il s agisse de publicit s extraites d un journal de fragments de textes litt raires ou documentaires ou encore des paroles de chansons retranscrites En g n ral
165. r d imitation in uvres I Paris Gallimard 2000 pp 359 363 traduction par Maurice de Gandillac Rainer Rochlitz et Pierre Rusch dition originale Frankfurt am Main Suhrkamp Verlag 1972 1989 1933 p 359 265 Thid p 363 74 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit Lire un texte est identique la lecture c leste lire c est lier les l ments saillants c est relier les mots cl s pour reconna tre une figure pour atteindre le sens Dans le pr ambule de La Vie mode d emploi Georges Perec explique que tout l art du puzzle avec lequel un certain art du roman selon Perec peut tre mis en analogie r side dans la conscience de la pr existence de l ensemble sur la pi ce l analyse de la seule pi ce est insuffisante car c est dans ses mises en relation avec les autres qu elle prend son sens seule compte la possibilit de relier cette pi ce d autres pi ces et en ce sens il y a quelque chose de commun entre l art du puzzle et l art du go seules les pi ces rassembl es prendront un caract re lisible prendront un sens FT La lisibilit de ces l ments comme les toiles ou les pierres du go sur le go ban n est effective que dans les relations qu ils entretiennent les uns par rapport aux autres dans leurs configurations C est dans les liaisons trac es entre les points saillants comme dans les espaces cr s entre ces signes que prend form
166. raintes ont comme point commun qu elles impliquent une lecture en constellation Le parcours tout d abord consiste en la d composition d un texte ou d un ensemble de textes en l ments partir desquels il sera alors possible de constituer un nouveau texte en les utilisant dans un ordre d fini par une loi math matique pr cise et repr sentable graphiquement par un r seau de fl ches ou un graphe orient De cette mani re le lecteur a le choix de son propre cheminement en reliant les l ments comme il l entend son exemple type est Cent mille milliards de po mes de Raymond Queneau mais on y trouve aussi le parcours du cavalier sur l chiquier que nous avons vu pr c demment En ce qui concerne la quenine il s agit d un po me n strophes faites de n vers Les mots terminant les vers de la premi re strophe sont repris dans les suivantes mais suivant un ordre diff rent qui est d termin par une permutation particuli re Dans la construction de son roman La Vie mode d emploi Georges Perec a utilis une contrainte semblable quoique l g rement adapt e la pseudo quenine d ordre 10 une quenine d ordre 10 tant impossible car le mot la position 7 reste continuellement cette place Selon les dires de Bernard Magn la pseudo quenine int resse la r partition des citations et des allusions litt raires et 284 S Dre P D Yvan Fr d ric L extase du vide de Un homm
167. raphie de la seconde dont le doute l incertitude est le point 348 349 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit quatri me de couverture Nous reprenons ici le sch ma propos par Helga Rabenstein dans D composition Composition le double mouvement de W ou le souvenir d enfance in Kuon Peter d Oulipo Po tiques Actes du colloque de Salzburg avril 1997 T bingen Gunter Narr Verlag 1999 pp 31 40 390 Thid p 33 I Jbidem 37 Il me semble que 108 141 154 174 186 194 il me semble me rappeler 110 il n est pas impossible 111 je crois me souvenir 130 j ai un vague souvenir 132 je pense maintenant 145 je crois 145 153 154 156 174 186 194 194 196 205 213 c est peut tre cet hiver l 184 je ne me rappelle pas si exactement 154 et 173 je ne sais pas 130 132 183 184 185 etc 233 Rabenstein Helga D composition Composition art cit p 34 Les abr viations sont F fiction premi re partie autobiographie premi re partie F3 fiction deuxi me partie A autobiographie deuxi me partie 96 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit commun et la tension vide plein entre l autobiographie de la premi re partie et la fiction de la deuxi me dont le lien est entretenu par la recherche et la pr sentation m thodiques scientifiq
168. ravail autobiographique qu il a effectu pour crire W ou le souvenir d enfance et qui s organisait autour d un souvenir unique qui tait profond ment occult profond ment enfoui et d une certaine mani re ni Ce souvenir qui doit rester tout le temps enfoui ne peut tre abord que par le contournement il y a un Thid p 26 cf supra p 30 Jbidem al Perec Georges Le travail de la m moire art cit p 83 31 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec besoin de faire le tour de quelque chose pour le situer De fait la d marche de cartographie d criture de la m moire prend la forme d un portulan les mots esquissent les c tes des continents vierges le lieu occult enfoui ne peut tre accessible pour l explorateur aussi la seule alternative qui lui reste est d en tracer les contours De m me le scrivain de La Disparition qui s interdit l usage de la lettre e doit constamment contourner le tabou en rayant tout un dictionnaire comportant cette lettre mais ce faisant il met en exergue dans les blancs dans les sinuosit s que forme son criture en vitant les mots proscrits cette disparition elle m me de cette fa on se trace la silhouette de la lettre interdite comme les terres repr sent es sur le portulan A de nombreuses reprises La Disparition a t mise en relation avec W ou le souvenir
169. rculer de l une l autre d un point global un point pr cis d une r gion particuli re un autre fragment de l ensemble repr sent Cette prose le principe de la pi ce de th tre L Augmentation in Perec Georges Th tre I Paris Hachette 1981 qui puise les diff rents chemins d un organigramme d crivant les tapes et alternatives dans le processus d une demande d augmentation de salaire 24 Perec Georges Je ne veux pas en finir avec la litt rature art cit p 222 Perec Georges Un livre pour jouer avec propos recueillis par Jacqueline Piatier Le Monde 29 septembre 1978 in Georges Entretiens et Conf rences vol I op cit p 218 20 Eco Umberto Vertige de la liste Paris Flammarion 2009 traduction par Myriem Bouzaher dition originale Milano Bompiani 2009 7 Jacob Christian L Empire des cartes op cit p 97 sq Thid p 97 56 L Atlas du savoir pluralit modifie la relation que l on entretient avec la carte particuli re par sa rencontre avec d autres celle ci prend un sens nouveau Pour expliciter cette forme diff rente de ma trise du monde plus intellectuelle et encyclop dique que procure l atlas par opposition la mappemonde ou au globe terrestre Christian Jacob compare la carte murale pingl e dans un appartement ou dans un lieu public l atlas les cartes mises en livre qui prend place dan
170. re se rassemble elle me fut donn e un jour avec surprise avec merveillement avec violence comme un souvenir restitu dans son ensemble comme un geste une chaleur retrouv e Ce jour l l analyste entendit ce que j avais lui dire ce que pendant quatre ans il avait cout sans l entendre pour cette simple raison que je ne lui disais pas que je ne me le disais pas Pendant quatre ans de mai 1971 juin 1975 Georges Perec fait une analyse dont il rend compte de mani re oblique dans un texte publi dans Cause commune en 1977 Les lieux d une ruse Dans ce texte l auteur tente de revenir sur ce qui eut lieu au fil de ces quatre ann es de retrouve r dans l criture par l criture la trace de ce qui s tait dit Georges Perec effectue un retour sur cette analyse ce retour sur le chemin parcouru sur cette recherche Les deux derniers paragraphes de ce texte cit s ci dessus exposent une recherche de la m moire d une fa on qui s apparente l exploration de lieux Cette criture carapace et ces souvenirs tout faits se profilent comme des murailles qui enclosent et dissimulent le lieu contenant donnant acc s sa voix et son histoire Tout doit s roder s effondrer pour qu il puisse explorer v ritablement ce lieu souterrain sur lequel pourra se reformer son histoire Ainsi l analyse permettra d puiser ces murs
171. re la Synth se c est dire ouvrir de nouvelles voies inconnues de leurs pr d cesseurs L Oulipo s approprie ces nouveaux territoires en litt rature potentielle les nomme puis les exploite les exp rimente Ainsi Marcel B nabou dans un article paru dans le Magasine litt raire en mai 2001 explique que la division du travail au sein de l Oulipo entre invention individuelle et effervescence collective a permis aux Oulipiens de cultiver dans le vaste domaine du langage la quasi totalit des 129 Oulipo Abr g de litt rature potentielle Paris Mille et une Nuits 2002 p 7 130 Ibid p 28 BI Jbidem 132 Tbid p 17 133 Jbidem 43 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec champs potentiels Les contr es du Verbe potentiel autrefois territoires sauvages sont explor es domestiqu es puis exploit es par les membres de l Ouvroir invitant ensuite les auteurs emprunter les contraintes d couvertes planter et r colter leurs propres cultures sur ces terrains qu ils ont d frich s pour eux De ces lieux explor s l Oulipo va pr senter pour son second ouvrage collectif publi en 1981 un v ritable recueil de cartes repr sentation de ces nouvelles contr es l Atlas de litt rature potentielle Si pour sa premi re publication grande chelle l Oulipo choisit le titre La Litt rature potentielle sugg rant un propos qui va t
172. retient quelques analogies avec les consid rations que porte Georges Perec sur l espace au d but de son livre il n y a pas un espace un bel espace un bel espace alentour un bel espace tout autour de nous il y a plein de petits bouts d espace Bref les espaces se sont multipli s morcel s et diversifi s Ce propos sur l espace pourrait tr s bien convenir une consid ration sur la m moire En effet la m moire n est plus consid r e au XX si cle comme un espace continu chronologique lin aire et complet et cela Georges Perec le montre bien dans la plupart de ses textes principalement dans W ou le souvenir d enfance mais comme un espace fait de trous d absences Ces petits bouts d espace sont l espace ce que ces chambres sont la m moire L espace de la m moire est morcel tout comme pour l espace on sent confus ment des fissures des hiatus des points de friction La m moire peut donc tre per ue comme un lieu un espace constitu de plus petits lieux clos des chambres des cases etc de plus petits espaces qui ne forment cependant pas 22 Perec Georges Lettre Maurice Nadeau in Je suis n op cit p 61 3 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 47 7 Thid p 46 7 Ibid pp 14 15 26 Ibid Pri re d ins rer 13 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec un espace continu mai
173. rges Perec vol l INA 2007 contenant R cits d Ellis Island 1978 1980 en collaboration avec Robert Bober Les Lieux d une fugue 1978 3 entretiens avec Georges Perec 1965 1967 et 1979 Entretien dans Radioscopie sur France Inter 1978 Cinquante choses que j aimerais faire avant de mourir dans Mi fugue mi raisin sur France Culture 1981 104 Bibliographie Ouvrages de l Oulipo Oulipo La Litt rature potentielle Cr ations Re cr ations R cr ations Paris Gallimard Folio essais 1973 Bens Jacques OuLiPo 1960 1963 Paris Christian Bourgois Editeur 1980 Oulipo Atlas de litt rature potentielle Paris Gallimard Folio essais 1988 1981 Oulipo La Biblioth que oulipienne vol 1 Paris Seghers 1990 B nabou Marcel Quarante si cles d Oulipo in Magasine litt raire n 398 L Oulipo la litt rature comme jeu Paris mai 2001 pp 20 26 Oulipo Abr g de litt rature potentielle Paris Mille et une Nuits 2002 uvres litt raires cit es Borges Jorge Luis La Biblioth que de Babel in Fictions Paris Gallimard pp 71 81 1957 et 1965 traduction par Paul Verdevoye Nestor Ibarra et Roger Caillois dition originale Buenos Aires Emece Editores S A 1956 et 1960 Borges Jorge luis L Aleph Paris Gallimard 1967 traduction par Roger Caillois et Ren L F Durand dition originale Buenos Aires Emece Editores S A 1962 Calvino Italo Le Ch
174. ropri t un achat consid r comme superficiel Ces deux chapitres que nous venons d voquer sont les principaux raconter l histoire de la famille au complet si l on peut dire les autres apparitions des diff rents Gratiolet rel vent plut t de leur histoire individuelle 333 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 331 34 Jbid p 108 91 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Juste 1839 1917 pouse Marie Berloux 1852 1888 RER SRE mile Louis G rard Olivier Ferdinand H l ne 1870 1934 t1875 1877 1934 1877 1914 1880 1932 1888 1947 pouse pouse pouse pouse Jeanne Marie Germaine Antoine Moulin Laurent Jourdain Brodin 1864 1930 1880 1947 1885 1941 1895 1935 ms Fran ois Louis Henri Mare 1900 1948 1898 1943 1904 1938 1907 1944 pouse pouse Marthe France Lehameau Lidron 1911 1948 1895 1940 l Olivier 1920 pouse Arlette Criolat 1937 1965 Isabelle 1962 Figure 6 Arbre g n alogique des Gratiolet L introduction de l arbre g n alogique et du renvoi qui s y rapporte n est pas uniquement anecdotique elle est bien plus qu un exemple de la mise en visibilit appliqu e par Georges Perec dans son uvre il s agit d une figure r sultant de l inventaire des membres d une famille les repr sentant en les situant tous les uns par rapport aux autres selon les relations de parent qu ils entretiennent Sur le tableau A du
175. rouvent autour d une table dans un ch teau et commencent le r cit de leurs aventures mais ne parvenant pas parler ils emploient un jeu de tarot pour faire lire aux autres leur histoire Les personnages entrecroisent alors les cartes utilis es par un premier conteur avec celles qui raconteront leur histoire et ainsi de suite jusqu puisement des cartes 204 Calvino Italo Le Ch teau des destins crois s Paris Seuil 1976 traduction par Jean Thibaudeau et Italo Calvino dition originale Torino Einaudi 1973 p 53 305 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 17 306 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit p 90 307 Jbidem 85 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec signification et il est fascin par la vision d un rond pas tout fait clos finissant par un trait horizontal on aurait dit un grand G vu dans un miroir et de la Main trois doigts d un Sardon ricanant La lettre disparue appara t constamment dans le texte tout comme le motif de son absence explicit par le retour constant tout au long du roman du groupe de six dont il manque un membre les voyelles et de celui des vingt six comptant un absent l alphabet notons parmi d autres l exemple de la collection des vingt six in folio qui sont en fait vingt cinq car celui qui porte le num ro CINQ a disparu Il convient galement de noter les propos tenus pa
176. ructuration de la m moire autour de lieux r els claircit la silva ce magma de souvenirs et la rend plus lisible cette entreprise d exploration qui r organise par la m me occasion les mat riaux mn siques rel ve pr cis ment de la repr sentation future du lieu de sa cartographie Le projet des Lieux se r v le d s lors particuli rement marqu par certains aspects de la memoria classer les unit s distinctes dans une case l un des douze lieux et chaque ann e tenter de reconstituer ce lieu rappeler les souvenirs qui y reposent Ce passage de la recherche du home d enfants voque galement la furieuse pr occupation de s approprier ces lieux Dans le dernier chapitre d Esp ces d espaces Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit pp 173 174 6 Carruthers Mary Le Livre de la M moire op cit p 17 Ibid p 18 24 L Atlas de la m moire L espace suite et fin Georges Perec voque l absence de lieux stables tels que son pays natal ou la maison o il serait n De tels lieux n existent pas ces lieux stables et c est parce qu ils n existent pas que l espace devient question cesse d tre vidence cesse d tre incorpor cesse d tre appropri L espace est un doute il me faut sans cesse le marquer le d signer il hg A a n PRE A a 64 n est jamais moi il ne m est jamais donn il faut que j en fasse la conqu te
177. s racont au chapitre X de W ou le souvenir d enfance le texte est l image qui r sulte de cet entrelacement de bandes diff rentes il n est donc pas constitu en une dimension mais en deux voire en trois si l on consid re le passage des bandes dessous comme une troisi me dimension et c est ainsi que nous devons le lire De ce fait la lecture d un texte comporte diff rents tages de la lecture comme l avance Georges Perec plus loin dans le m me article et elle s loigne de la perception de la ligne pour adopter la dimension de la surface voire celle du volume l il parcourant l ensemble et le d tail le tissu dans son entier et les entrelacements qui le composent l image la sc ne qui y est repr sent e et ses subtilit s Cette perception du texte comme objet comportant au moins deux dimensions rapproche celui ci de l image de la carte De ces parcours incessants des yeux sur la page et de ces arr ts sur certains d tails la mani re d un oiseau picorant le sol Georges Perec tire ce qu il nomme le point de d part d une th orie du texte lire c est d abord extraire d un texte des l ments signifiants des miettes de sens quelque chose comme des mots cl s que l on rep re que l on compare que l on 249 250 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 80 Perec Georges Lire esquisse socio physiologique art ci
178. s signes conventionnels sur les bords Nord Sud etc He had bought a large map representing the sea Without the least vestige of land And the crew were much pleased when they found it to be A map they could all understand he s bought us the best A perfect and absolute blank Carroll Lewis La Chasse au Snark dition bilingue Gallimard 2010 1876 pp 28 31 38 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 10 30 L Atlas de la m moire Comme se forme la repr sentation d un espace au trac de ses contours ou celui d un simple cadre au trac des lettres se construit un espace particulier du texte un espace litt raire qui cherche repr senter les souvenirs d enfance L espace textuel s tablit progressivement au fur et mesure qu il repr sente la m moire partir des donn es collect es dans un premier temps L criture devient par cons quent miroir de l espace m moriel comme l espace de la carte devient miroir de l espace r el qu il repr sente D crire l espace c est la fois tenter de le projeter de projeter sa r alit sur un support de papier et cr er un espace sp cifique l espace litt raire pour le recevoir Dans les propos de Georges Perec l criture et la cartographie entretiennent des liens particuliers D crire l espace le nommer le tracer c est bien ce que l une comme l autre ont pour objectifs
179. s comptent certains d calages sont s par s par quelques trous quelques cases vides Cette conception de la m moire comme un lieu morcel de plus petits espaces clos est galement visible dans un autre projet inabouti de Georges Perec qu il voque galement dans Esp ces d espaces il s agit des Lieux Ce travail consiste en la double description de douze lieux parisiens ou bien dans lesquels il avait v cu ou bien auxquels le rattachaient des souvenirs particuliers L une de ces descriptions se fait sur place et s effectue de la mani re la plus neutre possible s int ressant aux lieux eux m mes aux b timents aux affiches aux gens rencontr s aux d tails qui attirent son regard Pour l autre il s Jefforce alors de d crire le lieu de m moire et d voquer son propos tous les souvenirs qui lui viennent soit des v nements qui s y sont d roul s soit des gens qu il y a rencontr s Une fois r dig s ces textes sont enferm s dans une enveloppe scell e la cire accompagn s parfois de photographies de traces diverses comme des tickets de m tro de caf des prospectus des billets de cin ma Cette double description est planifi e sur douze ans avec l imp ratif r solu par la contrainte algorithmique du bicarr latin orthogonal d ordre 12 de ne jamais d crire le m me mois les m mes couples de lieux Pour ce qui est de la repr sentation de la m moir
180. s la biblioth que alors que la premi re s inscrit dans un environnement quotidien dans un contexte presque d coratif sur laquelle il se surprend r vasser ou qui trop vidente trop routini re passe inaper ue le second est un objet que l on consulte qui ne devient visible que si l on manifeste l intention de le regarder En ce sens l atlas suppose un rapport au corps diff rent implique une posture et des gestes particuliers il faut identifier l atlas dans la biblioth que le prendre s installer g n ralement une table dans un fauteuil pour le consulter le feuilleter Bref il faut se mettre dans des conditions de consultation qui diff rent en grande partie de celles d une carte unique mais qui par contre s identifient plus particuli rement celles d une encyclop die ou d un dictionnaire De m me l atlas est g n ralement trop volumineux pour tre transport il ne peut tre directement utilis dans la vie pratique au cours d un voyage ou de la visite d une ville par exemple il s oppose de ce fait au guide de voyage plus pratique plus restreint d un format de poche ou la carte qu on d plie lorsqu il faut identifier le sentier suivre L atlas est donc essentiellement un ouvrage de biblioth que un ouvrage encyclop dique puisqu il rassemble capitalise un savoir total sur un domaine particulier et qu il demeure dans un univers de livres L analy
181. s y fixer et la fois de retirer de cette visite de nouvelles r miniscences De ce fait W ou le souvenir d enfance devient le r cit d une tentative d ancrage de ces vestiges d existence aussi bien qu une tentative de recherche de traces L exploration de la m moire passe par la n cessit de situer les bribes d existence de les fixer un lieu par la confrontation sa r alit actuelle il y a un travail de reconnaissance du lieu afin d y accrocher les souvenirs de les ent riner comme de tenter d en retirer un d tail un morceau de vie en plus En parlant du home d enfants o il se rendit en quittant Villard 58 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 152 Le rapprochement entre le projet de Bartlebooth et Lieux a d ailleurs d j t explicit notamment dans La M moire et l Oblique de Philippe Lejeune op cit Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 98 23 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec de Lans pour Lans en Vercors Georges Perec voque sa difficult reconna tre le b timent o il avait v cu Je ne me souviens ni de son nom ni de son aspect et quand je suis revenu Lans c est en vain que j ai essay de l identifier ou bien n prouvant nulle part un sentiment de familiarit ou bien au contraire d cidant que c tait celui l propos de n importe quel chalet et m effor ant d extirper d un d tail de s
182. se des diff rents emplois du terme atlas dans l uvre de Georges Perec va nous permettre d approfondir ces l ments Pour commencer on trouve une occurrence du personnage mythologique Atlas dans La Vie mode d emploi La description de la salle de bains des Rorschash chapitre LXXXVI se termine par quelques objets d art et curiosit s trois flacons pour sels de bains parfums et laits de toilette reproduisant grossi rement moul es trois statuettes peut tre antiques un tout jeune Atlas portant sur son paule un globe en r duction un Pan ithyphallique une Syrinx effarouch e Zu x sur 203 d j moiti roseau 1 Ibidem 200 Jbidem 201 Jbidem 72 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 491 203 Ibidem 57 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Cet objet d tourn de son int r t culturel par sa m tamorphose en flacon montre le personnage d Atlas comme une figure de l encyclop die de la ma trise du monde La pr sence de Pan ici est int ressante car comme son nom l indique le pr fixe pan en grec signifie tout il est consid r comme un dieu de la totalit de la Nature toute enti re Atlas figure de l encyclop die a donn son nom la premi re vert bre cervicale chez l homme selon l id e que le Titan faisait reposer le monde qu il portait sur cet os mais galement par l analogie entre la t te lieu de la
183. si bien que dans celui du catalogue la technique de l num ration revient comme un point d terminant comme un terme cl qui est d ailleurs particuli rement pr sent dans l criture de Georges Perec En effet dans la plupart de ses entretiens lorsqu on lui demande de s expliquer sur la pratique de l num ration dans son uvre Georges Perec r pond tout d abord qu il s agit pour lui d un plaisir enfantin qu il prouvait d j la lecture de Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers notamment ou celle de Fran ois Rabelais L num ration rel ve d un plaisir d accumuler de recueillir et de nommer des l ments un un c est un plaisir de saturer la page en puisant un domaine particulier une r alit Cette pratique renvoie l objet du portulan que nous avons abord dans notre premi re partie l espace de la page ou de la carte est envahi par l criture l espace est satur par les noms de ports de caps de criques etc Dans Esp ces d espaces poursuivant son propos sur la page o l espace commence par le simple trac de signes Georges Perec passe du portulan une carte mod le du Petit Larousse illustr qui repr sentait une soixantaine de termes 15 Par exemple dans Perec Georges Entretiens et Conf rences vol I op cit p 218 190 Cf supra pp 31 32 16l Thid p 26 50 L Atlas du savoir g ographiques voi
184. sparu sans laisser de traces c est la fois l enfance de Georges Perec dont la r alit est cern e gr ce l exploration des quelques traces qu elle a laiss es il s agit galement des personnes disparues sans laisser de traces de sa m re par exemple dont l existence n est av r e que par un ou deux documents Cette th matique de l enqu te se retrouve dans La Vie mode d emploi avec notamment le personnage de l adolescente V ronique Altamont qui la recherche de son identit entreprend un travail de M moires pour servir l Histoire de ma propre Enfance par V ronique Marceline Gilberte Gardel Altamont pour lequel elle collecte les traces de la vie de ses parents Toute cette recherche a pour objectif de reconstituer une histoire et de la stocker dans un livre un album Apr s avoir explor les lieux pris des notes recueilli des traces il faut les rassembler et penser la projection de la r alit sur le papier 3 La cartographie de la m moire Explorer prendre des notes r colter des traces des donn es des informations toutes ces entreprises se rejoignent dans ce dernier point constituer ou reconstituer une r alit et la projeter sur le papier la reporter Nous avons montr comment l exploration la recherche et la r colte de traces permettaient d aborder la m moire en tant que lieu difficilement accessible et participaient en rendre compte L exploration du lieu m
185. sprit d aventure ou la poursuite d une quelconque chim re auraient jet s au milieu de cette poussi re d les qui longe la pointe disloqu e du continent sud am ricain n auraient qu une chance mis rable d aborder W Suit une description du climat et du paysage de l le Par cons quent la r daction cartographique des deux r cits et leur montage dans un m me ouvrage font de W ou le souvenir d enfance un atlas de la m moire en ce sens que la m moire a t explor e comme un lieu que des donn es ont t collect es et que sa repr sentation par le biais de l criture en a constitu diverses cartes assembl es sous la forme de l atlas De plus l accumulation des cartes la rencontre des deux r cits offre au lecteur divers angles de vue permettant une consultation plus compl te de la r alit projet e dans l atlas ce qu une carte ne montre pas l autre peut par une autre approche par une autre chelle le montrer Les projets autobiographiques inaboutis de Georges Perec Lieux o j ai dormi et Lieux permettent galement d interroger la cartographie de la m moire s ils ne fournissent que des pistes pour saisir le ph nom ne en raison de leur caract re non d finitif l nonciation seule de ces projets notamment dans Esp ces d espaces et Lettre Maurice Nadeau permet n anmoins de formuler quelques hypoth ses vraisemblables qui introduisent d int ressantes conclusions sur l
186. sse socio physiologique art cit p 110 13 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec cl s et les relier en passant de l un l autre il s agit bien l d une lecture cartographique du texte Ce travail de rep rage d l ments visibles et les traits trac s par l il pour les relier pour passer des uns aux autres renvoient immanquablement la constellation Le texte prend l aspect d un ciel nocturne o brillent simultan ment une quantit innombrable d toiles et dont celui qui les observe rel ve et relie par son imagination les plus lumineuses tra ant de ce fait des figures qui font sens Ainsi il faut lire et relire les diff rents tages de la lecture pour relier les mots cl s scintillants du texte et il faut relier pour parvenir lire cet espace deux dimensions pour atteindre sa signification L anagramme que donne Bernard Magn dans son article Perec lecteur de Roussel Relire donc c est relier prend ici tout son sens C est en reliant ces l ments signifiants du texte que l on parvient en extraire son sens la mani re de l homme des origines dont la perception tait con ue par Walter Benjamin selon les propos rapport s par Gershom Scholem comme une lecture dans les configurations de la surface plane sous forme de laquelle l homme des origines voyait le monde environnant et en
187. t pour rendre compte de l exploration d une le ou d un continent perdu de l exp dition m morielle qui parcourt le chemin ramenant ce lieu qu est la m moire oubli e il faut retourner sur les lieux pour les explorer Ce second sens attribu la m taphore du chemin parcouru est renforc par l emploi du terme cheminement le cheminement de mon histoire et l histoire de mon cheminement Sous ses airs d vidence ce mot offre des nuances qui clairent chacune son tour l entreprise de l auteur Tout d abord comme un sentier chemine dans la for t la d marche de Georges Perec a inscrit son trac dans le r seau cr par les deux textes D une progression lente et r guli re son histoire s est rassembl e au fil du parcours C est le cheminement de Perec Georges Les lieux d une ruse art cit p 68 50 Thid p 71 l Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit p 18 20 L Atlas de la m moire l histoire l histoire d une entreprise de rem moration et l histoire du rassemblement des souvenirs Ensuite tel un promeneur Georges Perec suit le chemin trac de son histoire qui le m ne au lieu de sa m moire lentement r guli rement en observant les paysages travers lesquels il chemine Enfin en bon explorateur celui qui part la recherche de sa m moire perdue effectue un cheminement qui dans le vocabulaire topographique est
188. t Un jour vint pourtant o Lirda partit pour toujours Nous aurions d la bannir jamais mais voil nous l aimions Nous aimions tant son parfum son air rayon nant son blouson son pantalon brun trop long nous aimions tout Mais voil tout finit trois ans plus tard Linda mourut nous l avons appris par hasard un soir au cours d un lunch Puis l on passait la philo Kant analysant l intuition a priori dou ta un instant du Cogito sachant qu il occul tait la situation dont un Divin phantas mant Un aurait pu nantir un Moi agran di Ainsi dit il Spinoza aurait donc ac compli la mutation abolisant son nom pour d obscurs sons P Judaisant Baruch Pansastu Natura la suturant a Stt rant offusquant tout trou d un Siv accom plissant un souhait d Infini Alors Kant platonisant par anticipation mais tort mit Spinoza dans la filiation d un Surmoi assassin toujours Car fort loin avant Platon parricidant tout archa sant avait vu qu aucun participant n avait fin s ori ginant dans VUn L Arc primitif ainsi trouva sa triangu lation accomplissant son trait jusqu au bout sinusoidal dardant son pic pointu au front du philosophant qui mourut d avoir un instant cru au Cogito sans Un Kurosh o l on a albe ab c o pour tout a x xax ax sont a hrs y sont monos alors on a G S HxK si G HUK s H si K sont invariants si H K n ont qu un individu commun
189. t de moi gauche la fen tre en face fait surgir instantan ment et p le m le un flot de d tails dont la vivacit me laisse pantois Le voyage dans ces lieux restreints de la m moire r v le des traces des vestiges d un pass r volu qui sont cependant inscrits dans ces espaces clos que l explorateur observe collecte comme un ethnologue comme un arch ologue ou un historien Ces diff rentes chambres dispers es dans l espace parpill es dans la m moire rec lent toutes des l ments qui permettront de reconstituer une histoire Aussi comme pour chaque explorateur ethnologue ou historien ce ne sont pas les chambres dans lesquelles il a pass le plus de temps les terres les plus explor es les v nements les plus connus qui lui r v leront le plus de choses Mais c est videmment des souvenirs resurgis de ces chambres ph m res les chambres o je n ai pass que quelques jours ou quelques heures que j attends les plus grandes r v lations Dans les cas des Lieux et de Je me souviens le proc d de rem moration est relativement semblable Georges Perec va se concentrer sur certains lieux restreints qui rappelleront des souvenirs des traces du pass Dans Lieux il limite son exploration douze lieux auxquels il est rattach tandis que dans Je me souviens il ne s int resse qu aux l ments du quotidien l infra ordinaire qu il extrait de la m moire p
190. t p 112 1 Thid p 111 72 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit retrouve C est en v rifiant qu ils sont l que l on sait qu on est dans le texte qu on l identifie qu on l authentifie ces mots cl s peuvent tre des mots mais peuvent aussi tre des sonorit s des rimes des modes de mise en page des tournures de phrase des particularit s typographiques voire des s quences narratives enti res Ainsi ces successions de saccades et de fixations ont pour objectif de relever certains points du texte de rep rer des l ments saillants Picorer un texte comme un oiseau c est tablir des points de rep res mettre en vidence des d tails afin de reconna tre L il embrasse la fois la totalit et le d tail afin de se rep rer dans l espace textuel et c est par la reconnaissance de forme en ayant au pr alable identifi une coh rence syntaxique une organisation narrative et ce que l on appelle un style que l on parvient passer de cette succession lin aire de lettres d espaces 255 La lecture et de signes de ponctuation qu est d abord un texte ce que sera son sens d un texte se situe donc au del de la lin arit qu on lui assigne g n ralement et devient une lecture deux dimensions identique celle de l image et de la carte Dans cette perspective le texte devient image d c
191. t p 57 81 Jbid p 54 53 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec cr er partir de la liste Or la conservation de cette forme premi re a pour effet de neutraliser la phrase l expression il y a une mise distance volontaire de l motionnel Cette num ration que Georges Perec voudrait faire exhaustive doit tre regard e en lien avec ce quoi elle vient s opposer le manque le vide Recenser tout ce que l on voit actuellement se confronte ce que l on ne peut pas voir observer ces traces tenter de les lire les nommer une une objectivement dire ce qui est l toute cette d marche met en contraste une absence l encercle lui offre une silhouette Ce n est qu partir de cette num ration d objets ou de faits objectifs que l on peut essayer d imaginer ce qui est absent le reste on peut seulement essayer de l imaginer le d duire de ce qui reste de ce qui a t conserv de ce qui a t pr serv de la destruction et de l oubli partir de ces listes Georges Perec essaie de se repr senter ce qui fut et qui est absent C est ce m me proc d qui est adopt dans le processus de rem moration d criture de W ou le souvenir d enfance La recherche de la totalit vient contrebalancer un vide une absence un manque Comme le note Jean Luc Joly le multiple l exhaustif et le total ne vont jamais ici sans leur revers l
192. t cette le il se rend indirectement sur les lieux de la cl ture de l absence des trois points de suspension autour desquels se structurent les deux parties de W ou le souvenir d enfance Il interroge ce lieu pour lui faire prendre la place d un lieu absent de sa m moire pour remplir les fissures les hiatus et peut tre m me pour ancrer dans cet espace des morceaux de son existence car Ellis Island est galement le lieu des changements de noms o des fonctionnaires harass s baptisaient des Am ricains la pelle qui voque irr sistiblement les recherches de Georges Perec sur son propre nom et ses variantes car l une des particularit s de mon nom a longtemps t d tre unique dans ma famille personne d autre ne s appelait Perec La recherche des traces voqu es notamment dans la citation d Ellis Island est un l ment particuli rement int ressant dans la perspective de l exploration de la m moire Pour r diger son autobiographie Georges Perec explore non seulement ses souvenirs mais il travaille galement partir de traces et de t moignages comme ses dessins de W diverses photographies de lui et de sa famille la d claration de sa naissance la mairie etc qui vont l aider cerner ce lieu absent Cette autobiographie de l enfance s est faite partir de descriptions de photos de photographies qui servaient de relais de moyens d
193. t cit p 54 4 Perec Georges La Vie mode d emploi op cit p 393 94 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit expos comme dans une anatomie de la m moire ensuite c est au lecteur qu il s agisse d un quidam ou de Georges Perec lui m me d en extraire les significations en lisant liant les morceaux tal s sur la table CARTE PARTICVLLIER DE LAMER MEDITERRANEE FAICTE FAR MOY FRAN OIS OLLIVE A MARSEILLE EN LANNEE 1664 Figure 7 Fac simil de l intitul du portulan par F Ollive Ce projet de livre en arbre ressemble pour beaucoup La Vie mode d emploi dans ce que Georges Perec nous laisse deviner partir de sa description On y retrouve la volont de faire lire une m moire clat e celle de l immeuble et de ses habitants que l on peut parcourir gr ce l index notamment Le plan de l immeuble semblable la figure de l arbre se lit dans deux dimensions temporelles distinctes l instant du 23 juin 1975 quelques minutes avant huit heures qui nous pr sente simultan ment les cent pi ces visibles derri re la fa ade et qui est le point de d part de la seconde dimension Au del du caract re synchronique du plan de l immeuble se pr sente une perspective diachronique qui approfondit et complexifie l image du plan La donn e temporelle qui s ajoute aux dimensions spatiales de la carte de l immeuble introduit une profondeur qui transf
194. t l obscur point Alpha miroir du Grand Tout offrant foison l Infini du Cosmos point primordial d o surgirait soudain un panorama total trou abyssal au rayon nul champ inconnu dont il tra ait l inou littoral dont il suivait l insinuant contour tourbillon hauts murs prison paroi qu il parcourait sans jamais la franchir Il s acharna huit jours durant croupissant s abrutissant languissant sur l oblong tapis laissant sans fin courir son imagination l aff t s appliquant voir puis nommant sa vision l habillant construisant b tissant tout autour la chair d un roman planton morfondu divaguant poursuivant l illusion d un instant divin o tout s ouvrirait o 3 2 tout s offrirait 82 Cette allusion l Aleph dans La Disparition montre tout d abord le caract re fuyant de la lettre manquante qui divulgu e arr terait tout le roman Cependant cette chose qui chappe constamment Anton Voyl demeure inaccessible et le personnage ne parvient qu l esquisser Pour mieux comprendre la place de la lettre disparue dans l Aleph il faut mettre en relation ce texte avec un passage d Esp ces d espaces o Georges Perec crit L aleph ce lieu borg sien o le monde entier est simultan ment visible est il autre chose qu un alphabet Si l alphabet est semblable l Aleph 78 Borges Jorge Luis L Aleph Paris Gallimard 1967
195. t sur diverses disciplines intellectuelles Ainsi lisant mot mot Amaury put il parcourir l instructif curriculum studiorum d Anton Le lecteur suit alors la lecture m me du personnage le texte reproduit en italique avec un 319 d calage d un peu plus d un centim tre sur la droite par rapport la marge habituelle Ainsi suivant ces documents qui ne sont rien d autre qu une r criture lipogrammatique 316 Thid p 280 317 Cf Ibid p 198 318 Thid p 60 319 Cf Annexe 3 p 112 87 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec le lecteur passe du fran ais la philo puis aux Maths l anglais aux us 2 primitifs aux animaux aux conflits sociaux et enfin aux patois sarrois Plus tard dans le roman le lecteur pourra lire avec les personnages une partie du journal d Anton Voyl o celui ci a r dig un r sum lipogrammatique de Moby Dick d Herman Melville ou encore des madrigaux archi connus transcrits mot mot i sans aucun marginalia par la main d Anton Ces po mes Bris Marin par Mallarmus Booz assoupi d Hugo Victor Trois chansons du fils adoptif du Commandant Aupick Vocalisations d Arthur Rimbaud ne sont bien entendu pas l A par hasard et comme le dit Amaury Conson nous n avons pas grand choix si Anton a cru bon d accomplir la transcription il nous f
196. te dans lequel apparaissent ces atlas Tout d abord l ouvrage de Martin Waldseem ller est introduit dans le chapitre LXXX Bartlebooth 3 par le Professeur Zapfenschuppe de l Universit de Strasbourg qui exprime lors d un congr s de l Union internationale des Sciences historiques une communication portant sur le d bat de l attribution du nom Am rique au nouveau continent Ce professeur avait d couvert dans les archives de l Ev ch de Saint Di cet atlas de Hylacomylus le Cosmographiae introductio cum quibusdam geometrias ac astronomiae principiis ad eam rem necessariis insuper quatuor Americii Vespucii navigationes datant de 1507 et ce document fournissait la preuve que du vivant d Am ric Vespuce l usage de nommer le continent d couvert par Christophe Colomb du nom d Am rique tait tabli et que par cons quent Am ric Vespuce tait de ceux qui s taient attribu le m rite des d couvertes de Christophe Colomb Cette communication du Professeur Zapfenschuppe relat e dans le chapitre LXXX montre la caract ristique particuli rement savante que comporte l atlas Capitalisant du moins dans ses desseins tout un savoir g ographique de l poque laquelle il est dit l atlas contient galement un savoir historique il constitue une trace des connaissances de l poque qui l a produit et devient utile aux historiens pour le d bat scientifique De cette mani re c est en explora
197. te et trop fuyante pour tre ainsi capitalis e dans un ouvrage ce qui ne peut aboutir qu des tentatives d inventaire ou des restrictions dans les champs puiser On peut relever nouveau que la totalit appara t constamment avec son double n gatif le manque Par cons quent l essai de totalisation de tous les mots de la langue fran aise est restreinte un dictionnaire sans la lettre e qui sera ensuite explor de long en large en t chant de tout recenser et aboutira La Disparition Le monde se trouve ainsi r duit et de ce fait plus facile totaliser De m me l nonciation du projet de Bartlebooth voque cette n cessit de restreindre Imaginons un homme dont la fortune n aurait d gale que l indiff rence ce que la fortune permet g n ralement et dont le d sir serait beaucoup plus orgueilleusement de saisir de d crire d puiser non la totalit du monde projet que son seul nonc suffit ruiner mais un fragment constitu de celui ci face l inextricable incoh rence du monde il s agira alors d accomplir jusqu au bout un programme restreint sans doute mais entier intact irr ductible De cette fa on Bartlebooth resserre son projet autour de cinq cents ports peindre puis reconstituer sous forme de puzzles Le voyage du milliardaire relie alors cinq cents points sur la carte du monde qui constitueront le fragment totaliser l instar du
198. terres nouvelles sur lesquelles les Oulipiens pourront crire un nom Or potentiellement le Verbe est infini c est un espace en constante expansion aussi le travail oulipien est il vou se poursuivre perp tuellement en explorations et en cartographies En cons quence de cette cartographie de la litt rature la biblioth que peut tre consid r e comme un atlas o se c toient des cartes g n rales aussi bien que pr cises focalis es sur certains auteurs ou certaines explorations Georges Perec par les diverses explorations que constitue l ensemble de son uvre prend place dans cet atlas Il percevait volontiers la litt rature comme un puzzle dont les pi ces seraient les uvres de chaque auteur et dont les trous les espaces vides autour desquels s assembleraient ces pi ces seraient destin s accueillir les livres que Georges Perec crivait lui m me 11 Cette conception est r p t e par Georges Perec dans plusieurs entretiens notamment dans Pouvoirs et limites du romancier fran ais contemporain Conf rence prononc e le 5 mai 1967 l Universit de Warwick in Perec Georges Entretiens et Conf rences 1965 1978 vol I d critique tablie par D 45 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Dans son entretien avec Jacques Chancel dans l mission Radioscopie sur France Inter en 1978 Georges Perec explique ainsi cette conception de la litt rature comme puzzle
199. tiale ou sociale Le fait de relier ces trois figures en les pr sentant ensemble sur un m me tableau am ne en quelque sorte penser l arbre g n alogique comme une carte familiale o les membres de la famille sont situ s les uns par rapport aux autres selon une structure particuli re Cette structure arborescente quoique relativement chronologique premi re vue puisqu elle pr sente la famille du plus ancien plac g n ralement tout en haut aux plus jeunes qui apparaissent sur les derni res ramifications suppose un mode de lecture sp cifique qui se rapproche de l image ou de la carte Etant donn que l arbre multiplie habituellement les branches de g n ration en g n ration une lecture lin aire de cette structure devient complexe laborieuse voire impossible une lecture de haut en bas et de droite gauche comme on lirait commun ment un texte brouille l information l mentaire de l engendrement a b c Aussi un mouvement constant de l ensemble un l ment pr cis est il obligatoire pour d terminer ce dernier et ses relations parents grands parents enfants oncles tantes cousins etc Dans les projets qu il pr sente Maurice Nadeau dans une lettre datant du 7 juillet 1969 Georges Perec parle d un livre qui lui tient c ur L ARBRE Histoire d Esther et de sa famille C est la description la plus pr cise possible de l arbre g n alogique de mes familles paternelle mat
200. traduction par Roger Caillois et Ren L F Durand dition originale Buenos Aires Emece Editores S A 1962 p 203 27 Thid p 207 280 Thid p 209 281 Cf Eco Umberto Vertige de la liste op cit p 7 282 Perec Georges La Disparition op cit p 20 283 Perec Georges Esp ces d espaces op cit p 26 79 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec c est bel et bien parce que les vingt six lettres supposent une quantit astronomique de mots de phrases de textes possibles en diverses langues une v ritable Biblioth que de Babel De m me que l Aleph de Borges se profile comme le lieu des lieux l alphabet devient le lieu des mots du langage o tout texte crit est potentiellement visible Ainsi la recherche de la lettre e dans l obscur point Alpha s claire t elle et l inaccessibilit de la disparue comme source d une grande quantit de mots illustre l incapacit de l crivain narrer la totalit que nous avions vue pour l Aleph de Borges Dans l Atlas de litt rature potentielle une partie de la section Travaux et recherches s intitule Constellations elle contient trois contraintes diff rentes le parcours la quenine et la morale l mentaire cette derni re sera laiss e de c t car elle ne prend pas particuli rement d int r t pour notre propos nous renvoyons l Atlas pour de plus amples informations Ces cont
201. tre part obligent le lecteur tablir des liens entre les livres et cr er du sens De ce fait l intertextualit fait bel et bien partie int grante de cette fa on de lire en constellation que pr conise Georges Perec dans son article Lire esquisse socio physiologique 327 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit p 30 Article paru initialement dans Arc n 28 sous le titre Litt rature potentielle et repris dans Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit pp 22 33 32 Oulipo Atlas de litt rature potentielle op cit p 30 330 yp Ibidem I Ibidem RE Cf Riffaterre Michael La trace de l intertexte in La Pens e octobre 1980 pp 4 18 90 L Atlas de l criture entre lisibilit et visibilit 3 L atlas de la m moire lire la m moire Au chapitre LVIII Gratiolet 1 de La Vie mode d emploi la description de la pi ce est suivie de la narration d une partie de l histoire des Gratiolet propri taires de l immeuble Arrivant l histoire d Olivier dernier descendant de la famille avec sa fille le fil continu du texte est rompu par un l ment visible particulier Lorsque en 1948 Marthe et Fran ois p rirent dans l incendie du cin ma Rueil Palace Olivier resta le dernier survivant des Gratiolet UN ARBRE GENEALOGIQUE DE LA FAMILLE GRATIOLET SE TROUVE PAGE 110 Olivier prit tr s au s rieux ses fonctions de propri tair
202. trement La relecture de Vingt ans apr s d Alexandre Dumas constitue pour Georges Perec un v ritable travail de reconnaissance v rifier que les d tails assimil s soient encore leur place les retrouver dans les lieux o ils doivent reposer parcourir la biblioth que m moire du monde pour imaginer son histoire pour relier ses propres souvenirs pour reconstituer sa propre m moire La lecture lire les traces du pass lire les fragments clat s de sa m moire est au centre de la recherche m morielle mais elle introduit galement la question du d chiffrement du monde de la r alit Dans un article qu il publie dans Esprit en janvier 1976 Lire esquisse socio physiologique Georges Perec tente d aborder l acte de lire en tant que tel en laissant de c t ce qui le pr c de l criture l dition etc et ce qu il produit la transmission du message au del du texte saisi c est la saisie du message ce qui se passe quand on lit qui l int resse La mani re de lire qu il pr sente dans cet article examinant l vidence de cet acte qui implique cependant certaines postures l activit de muscles sp cifiques etc claire certains aspects de l uvre de Georges Perec L activit des yeux est er PUS particuli rement digne d int r t Les yeux ne lisent ni les lettres les unes apr s les autres ni les mots les uns apr s les autres ni les lignes les
203. u l Arc de triomphe Elle pensa peut tre des tas de choses sans doute pas aux toilettes ou aux bals mais peut tre au climat doux la tranquillit au bonheur On dut lui dire qu il n y aurait plus de massacres et plus de ghettos et de l argent pour tout le monde Dans l imaginaire de Georges Perec le d part est d abord r v par sa m re que ce soit partir d un atlas ou d une image qui sont d ailleurs mis sur le m me niveau L atlas devient ici le support d une r verie sa m re se projette dans un autre lieu elle suit sur la carte les chemins qu il faudra parcourir elle observe la repr sentation de la ville elle lit son avenir sur les cartes de l atlas c est ainsi du moins que Georges Perec se repr sente cet pisode Les atlas que nous allons d crire pr sent sont tous anciens et comportent donc une dimension historique puisqu ils ont fig l tat du monde une date pr cise et sont pour trois d entre eux des atlas r els identifiables Dans La Vie mode d emploi sont cit s l atlas cordiforme de Martin Waldseem ller dit Hylacomylus cartographe allemand de 71 Perec Georges W ou le souvenir d enfance op cit pp 203 204 25 Thid pp 51 52 60 L Atlas du savoir la Renaissance celui de Reiner Otten d Amsterdam au XVIII si cle et le Grand Atlas de Berghaus Physikalischer Atlas XIX si cle Int ressons nous pr sent au contex
204. ue Georges Perec entreprend de se souvenir d explorer ce lieu pour en ramener quelques traces Il fallait que je revienne sur mes pas que je refasse ce chemin parcouru dont j avais bris tous les fils La m thode de rem moration prend les tournures d un v ritable voyage d une exp dition comme Georges Perec nous en fait si souvent le r cit dans La Vie mode d emploi Exploration de la m moire donc et travail de reconnaissance r colte de donn es dans la perspective de cartographier le tout Georges Perec exprime ainsi la d marche qu il suit dans W ou le souvenir d enfance Aujourd hui quatre ans plus tard j entreprends de mettre un terme je veux tout autant dire par l tracer les limites que donner un nom ce lent d chiffrement W ne ressemble pas plus mon fantasme olympique que ce fantasme olympique ne ressemblait mon enfance Mais dans le r seau qu ils tissent comme dans la lecture que j en fais je sais que se trouve inscrit et d crit le chemin que j ai parcouru le cheminement de mon histoire et l histoire de mon cheminement Ce passage nonce de nombreux l ments relevant de l exploration de la m moire En effet tout comme dans Les lieux d une ruse Georges Perec emploie la m taphore du chemin parcouru pour signifier non seulement le topos de la vie repr sent e par une route qui m ne l homme de la naissance la mort mais galement surtou
205. ues des informations De ce fait se trace entre les quatre r cits dispos s s par ment sur ce tableau la forme d un X dont l intersection repr sente le point qui attire comme un aimant le plein et le vide et le plein et le vide s y confondent dans la page blanche avec les points de suspension entre parenth ses C est l conclut Helga Rabenstein que se dit sans tre dit l indicible Le sch ma propos par Helga Rabenstein pr sente un point important dans notre tude les quatre textes sont dispos s comme des images sur une toile tir e sur un ch ssis et de leur rencontre se cr ent des intervalles significatives des intervalles o se r v le ce qui n est jamais tout fait dit dans l un jamais tout fait dit dans l autre Ainsi W ou le souvenir d enfance dans sa structure en deux parties o s alternent chaque fois deux textes pr sente la forme des planches de l atlas warburgien Mnemosyne Chez Aby Warburg la disposition d un ensemble h t rog ne d images provenant d poques diff rentes sur les planches noires du Bilderatlas r v lait une forme qui n tait pas seulement ses yeux un r sum par images mais une pens e par images Pas seulement un aide m moire mais une m moire au travail C est dire la m moire en tant que telle la m moire vivante L atlas d Aby Warburg par la mise plat des photographies sur ces
206. ulipiens pendant ces vingt ann es d existence Ainsi par l anoulipisme et par le synthoulipisme l Ouvroir propose un recueil o sont repr sent es respectivement des cartes r actualis es manant des explorations pass es ainsi que des cartes de territoires fra chement explor s Dans le domaine de l Analyse les cartes des Anciens sont elles m mes explor es par les 134 135 B nabou Marcel Quarante si cles d Oulipo art cit p 22 La Biblioth que oulipienne qui para t partir de l ann e 1974 n est tir e qu 200 exemplaires dont 50 sont r serv s aux membres et ces fascicules ne seront regroup s en volumes qu partir du d but des ann es 1990 S il y eut depuis sa cr ation plusieurs manifestations et articles qui furent d di s l Oulipo les Oulipiens admettent dans la pr face de l Atlas de litt rature potentielle que la p riode suivant la publication de leur premi re anthologie a vu l Oulipo sortir de l anonymat dans lequel il s tait volontairement confin jusque l Oulipo Atlas de litt rature potentielle Paris Gallimard 1988 19811 p 13 56 Oulipo La Litt rature potentielle op cit p 8 44 L Atlas du savoir Oulipiens cette exploration elle seule est infinie 7 au del de la recherche de contraintes et de structures employ es par certains auteurs portant un int r t pour la litt rature potentielle c est toute
207. une quantit de mat riaux qui est involontairement 138 propos le au traitement potentiel Dans le dossier 17 de Pataphysique en 1961 l Oulipo proclamait que l on pourrait attendre un apport consid rable des techniques modernes par exemple en extrayant gr ce des calculatrices le vocabulaire et les structurations syntaxiques des uvres d auteurs comme Corneille et Eug ne Sue offrant ainsi la possibilit d crire de nouvelles uvres en corn lien en suien ou encore 139 en corn lio suien La d monstration se poursuit en ces termes quand ces calculatrices serviront faire appara tre les constantes d un crivain dans toutes sortes de domaines et qu on lui fera tracer ainsi par lui m me la cartographie D 140 de ses virtualit s L Oulipo trace non seulement les explorations pass es mais cherche galement d duire de ces uvres tout un ensemble de cartes des terrains potentiels qui pourront ensuite tre cultiv s pour le bon plaisir des amateurs Ainsi la litt rature dans son ensemble peut tre cartographi e de m me que toutes les potentialit s qu elle contient Sur la carte g n rale de la litt rature l Oulipo repousse constamment les fronti res de l inconnu il tente ternellement d acculer les termes terra incognita sur les plus maigres parcelles du planisph re de faire ressortir du blanc de l inexistant des cartes des
208. ur faire lire 2 L criture de l atlas rendre visible La lecture est un exercice principalement visuel qui s apparente au d chiffrement d un ciel toil ou d une image d une carte en deux dimensions C est ce que nous apprend l article de Georges Perec Lire esquisse socio physiologique Le regard rel ve les l ments saillants et les relie pour en extraire une signification Il doit sans cesse passer de l ensemble aux diff rents signes consid rer simultan ment le texte et ses composants C est ainsi que se fait la lecture d un texte comme la lecture d un lieu d une image ou d une carte c est ainsi que se d chiffre la r alit Nous avons voqu la fin du chapitre pr c dent l ant riorit de la lecture sur l criture et comment celle l allait servir la constitution de celle ci c est ce sujet que nous allons nous int resser pr sent L criture est avant tout lecture lecture de type constellation lecture d une r alit d un lieu on se souvient du questionnement de Georges Perec devant Ellis Island comment lire ces traces et des travaux pratiques qu il propose dans Esp ces d espaces d chiffrer un morceau de ville lecture de listes dans l chafaudage de La Vie mode d emploi mais aussi lecture m morielle identifier un souvenir le relier d autres essayer d en extraire plus de pr cisions comme dans Lieux o j
209. uvenir est presque oubli ou comme une mer recouvrant les tr sors de quelque naufrage que Georges Perec viendrait remonter Cette m taphore est appuy e par l usage du verbe arracher dans la lutte constante que livre Georges Perec contre l oubli En effet la fin d Esp ces d espace nous retrouvons cette m me opposition entre l crivain qui arrache au vide quand Georges Perec d finit l criture a Perec Georges Le travail de la m moire entretien avec Frank Venaille in Monsieur Bloom n 3 mars 1979 pp 72 75 titre original Perec le contraire de l oubli repris dans Je suis n op cit pp 81 82 38 Thid p 88 9 Jbid p 89 17 L Atlas de la m moire dans l uvre de Georges Perec Ecrire essayer m ticuleusement de retenir quelque chose de faire survivre quelque chose arracher quelques bribes pr cises au vide qui se creuse laisser quelque part un sillon une trace une marque ou quelques signes De m me dans le premier chapitre autobiographique de la seconde partie de W ou le souvenir d enfance les souvenirs sont caract ris s comme des morceaux de vie arrach s au vide Les souvenirs sont des traces d un pass que l on ne peut recomposer qu partir d eux mais qui ne suffisent g n ralement pas reconstituer toute l histoire comme lorsque l enfant Winckler dispara t sans laisser de trace lors du naufrage du Sylvandre certai
210. vements du cavalier qui d terminent leur ordre de lecture dessinent trangement une constellation sur le quadrillage des chambres Cette image peut tre cr e partir de deux figures pr sent es dans Quatre figures pour La Vie mode d emploi qui dans l dition de l Atlas de litt rature potentielle o l article est repris se superposent en transparence respectivement aux pages 389 et 391 la figure 2 pr sente les d placements du cavalier dans une s rie de traits sur fond blanc la figure 3 pr sente le quadrillage du bicarr latin orthogonal d ordre 10 qui est aussi celui de l immeuble La superposition de ces deux images que l Atlas de litt rature potentielle nous invite faire forme donc une carte de constellation fig 3 et 4 Cette fa on de relier les diff rentes pi ces de l immeuble pour lire la r alit du b timent sa carte montre que la volont perecquienne de lire autrement s apparente une d marche de lecture des constellations tirer des traits entre les toiles les plus brillantes et ainsi faire appara tre des formes particuli res significatives Lire c est relier les l ments saillants pour que se dessine un sens De cette mani re pour r diger son roman sur l immeuble du 11 rue Simon Crubellier Georges Perec doit lire cet espace cette r alit C est en appliquant une lecture de constellation si l on peut dire que Georges Perec parvient lire et crire une

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