Mission du Patrimoine ethnologique
Contents
1. il suscite sa propre disparition comme m diateur en lui permettant de r cup rer sa comp tence de la mettre en uvre un moment donn La paternit et les difficult s de son exercice ne reposent pas sur autre chose accepter et permettre une d prise de la relation didactique Le fantasme de ma trise de la transmission de modelage parfait et contr l de l enfant ou de l apprenti doit tre toujours d u sous peine de conduire ducateur et duqu dans une relation pathologique Le r dacteur metteur ne sait rien coup s r des effets du processus de transmission tous les tests d optimisation des techniques de communication ne suffiront pas pr dire avec certitude un transfert de patrimoine d un acteur vers l autre sous une forme donn e Il s agit en effet toujours de traduction et donc de trahison La transmission n op re qu ce prix d une r interpr tation compl te d une reformulation dans une autre langue Et ne se surprend on pas parler en lisant son mode d emploi reformuler le texte que l on vient de lire sa mani re discuter avec ses proches pour v rifier une in terpr tation Nombreux sont ceux qui r crivent aussi des consignes r sum es sur des feuillets disposition permanente il faut toujours r inventer le mode d emploi soi m me pour pouvoir inventer son usage de l appareil en question Si le r dacteur metteur feint d ignorer tout ce processus i2. LE MODE D EMPLOI 117 plusieurs tats ou postures de l utilisateur sont g r s simultan ment Ainsi par le biais du CA sont vis s derri re l utilisateur le specta teur l abonn le consommateur d images le p re de famille le mani pulateur etc Pour illustrer ce point nous allons nous int resser la mani re dont les missions payantes sont prises en compte dans la conception du CA comme cela a t dit dans l introduction les r seaux de vid o communications devaient permettre l installation de nouveaux march s audiovisuels en particulier il a t pr vu d s le d part l existence de plusieurs cat gories de programme des programmes accessibles tout abonn ou au contraire aux abonn s ayant souscrit un abonnement optionnel des programmes r serv s certaines cat gories d abonn s m decins par exemple enfin des programmes payants soit au for fait soit la dur e Ces deux derni res formes ont pour particularit de cr er une dette de l usager ici client vis vis des exploitants D o le probl me de la reconnaissance de cette dette et en vue de r soudre ce probl me l id e des concepteurs de n autoriser la r ception des programmes par l usa ger que sur demande effective de celui ci ce qui quivaut poser la n cessit d une forme de contrat entre l exploitant et l usager Cela va conduire 1 doter la face avant du CA d un nouveau v
3. c est dire qui s organise partir des objectifs suppos s des utilisateurs dans cette optique il va rencontrer une premi re difficult de simple compr hen sion de l utilit des diff rentes cl s pr vues Pour obtenir les claircis sements jug s n cessaires il s adresse au constructeur dans sa r ponse celui ci liste six configurations possibles mais surtout fait appara tre un nouvel acteur Types d acc s offerts ceci d pend de la SLEC Soci t locale d exploitation du c ble le syst me permet toutes les combinaisons missions acc s libre et gratuit diffus es sur un canal pr vu par l abonnement Canaux payants l abonnement genre Canal missions payantes la dur e ou au forfait Canaux conditionnels acc s r serv avec ou sans cl d acc s missions acc s payants avec ou sans cl d acc s combinaison des deux derniers crit res LE MODE D EMPLOI 119 L intervention d un m diateur l exploitant du c ble qui va faire un certain nombre de choix commerciaux et de choix de programmation est donc indispensable pour donner un contenu la relation entre le CA et son utilisateur Or les concepteurs savoir l administration et les industriels s ils ont bien imagin les r seaux de vid o communications comme l agencement et l interaction entre des dispositifs techniques et des acteurs sociaux n ont fait porter leurs efforts que
4. D o finalement un ensemble de proc dures d acc s qui devient relativement complexe puisqu il faut ajouter la cl d acc s payant la cl de verrouillage et la ou les cl s d acc s r serv Se borner l utilisa tion d un registre technique pour d crire l ensemble de ces proc dures ne permettrait pas de rendre compte de la complexit et de la diversit des relations qu elles permettent de nouer en d autres termes toute action sur Ou avec un dispositif technique est ins parable de ce que l on aurait tendance classer dans le contexte et qui pourtant est seul capable de lui conf rer sa signification Ce qui nous am ne notre dernier exemple qui concerne la mani re dont ces proc dures d acc s aux services vont tre trait es par le mode d emploi Le mode d emploi et le processus de conception Pour des raisons que nous ne pouvons aborder ici l administration a d cid que le mode d emploi du CA serait r dig par un groupe sp ci fique form de personnes n ayant pas pour la plupart particip la phase de conception du dispositif cette organisation a eu pour cons quence de rouvrir la question de l utilisateur qui pour les concepteurs tait r gl e depuis longtemps En effet somm de se mettre la place des futurs utilisateurs du r seau le groupe mode d emploi va es sayer dans un premier temps d adopter une pr sentation du mode d emploi qui soit command e par une logique d usage
5. d autres temps et d autres lieux que son mission Seuls les services apr s vente peuvent fournir des chos de ce message et de sa r ception Ils sont d ailleurs souvent les plus concern s par la r alisation des notices Pour transmettre de la technique doit on la dire Nous voquions la formation ou la d monstration qui repr sentent des situations tr s diff rentes de celle cr e par la lecture d un mode d emploi non seulement en raison de la possibilit qu elles offrent de retours imm diats mais aussi parce que leur mode de transmission permet de jouer sur d autres vecteurs de communication Lorsque LE MODE D EMPLOI 129 l apprenti fait apr s son patron ou fait avec lui la place de la m diation linguistique n est pas aussi pr gnante que dans le cas d un mode d emploi ou d un manuel scolaire Mais man uvrer devant quelqu un ou man uvrer ensemble ce n est pas n cessairement dire c est orga niser la succession des op rations et des t ches qui les constituent de mani re particuli re toujours localis e ce qui donnera ces tours de main si difficiles verbaliser et donc automatiser Dire la technique c est passer d une structuration technique du monde une structuration linguistique deux m diations qui ne sont jamais quivalentes Passer de la man uvre observ e ou prouv e au mode d emploi c est passer de la chronologie des op rations la chro nologie pro
6. emploi un suppos savoir Cet change de contributions est la base de toutes les relations de m tier une soci t n est pas seulement un espace de classement elle op re aussi selon un principe de d l gation le boulanger fait mon pain pour moi il met en uvre ma place une capacit technique que je suis ainsi dispens d exercer Dans le rapport didactique il ne s agit pas seulement de d l gation mais aussi de mise entre parenth ses pro visoire de ses capacit s sociales Ce processus que J Gagnepain 1982 a d sign par le concept de curatelle se retrouve aussi bien dans la situation du malade dans celle de l tudiant apprenti ou dans celle du prisonnier ces positions sociales se caract risent non seule ment par une d l gation mais par une perte provisoire de capacit s so ciales Cet change ne repose pas tant sur une in galit que sur une in clusion de l un dans l univers de l autre Pour crire un mode d em ploi il faut supposer le lecteur muet c est dire n tant plus la source de sa parole ou inactif pendant au moins ce temps il faut m me dans certains styles didactiques s employer le faire taire et l emp cher d agir 122 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER Pourtant le r dacteur metteur du mode d emploi suppos savoir faire ne peut pas non plus esp rer maintenir le destinataire dans cette position de non personne il faut au contraire qu
7. et normatives
8. mise sur l apprentissage le mode d emploi se d finit en particulier par le fait qu il suppose un temps d utilisation qui soit distinct du temps d utili sation du dispositif lui m me enfin et nous insisterons davantage sur ce dernier point la mobilisation au moyen d une inscription dans le dispositif de savoir faire et de comp tences chez l utilisateur savoir faire et comp tences que l on peut inf rer de sa familiarit avec d autres dispositifs tech niques Par exemple dans le cas du CA s est pos e la question de sa voir de quelle mani re s effectuerait la s lection par l utilisateur de la cha ne de t l vision qu il souhaite regarder la s quence finalement re tenue comporte la composition du num ro de la cha ne demand e suivie de l appui sur une touche baptis e envoi qui permet de valider la s lection Nous trouvons trace dans ce choix des circonstances particu li res qui ont vu la naissance des r seaux 1G puisque la solution mise en uvre se r f re tr s directement au mod le Minitel qui lui m me est peut tre rapprocher de ce qui a t d velopp dans le domaine in formatique en choisissant la touche envoi les concepteurs installent par la m me occasion un utilisateur dot d un certain nombre de comp tences acquises au contact de dispositifs sp cifiques Notons qu il aurait t possible et r trospectivement c est une solution voqu e p
9. sur le premier de ces deux ensembles aucune n gociation aucune discussion avec des repr sentants de ces acteurs ni m me une simple tude du march ne sont venues influer sur le cours de la conception comme si l on s attendait ce qu au moment pr vu les acteurs n cessaires la r alisation des r seaux c bl s viennent docilement se mettre la place qui leur a t assign e En l absence de ces m diateurs qui pourraient faire la jonction entre des buts vis s par les usagers et des possibilit s techniques pour le moment vides de signification les r dacteurs du mode d emploi vont en tre r duits adopter des principes d organisation des contenus qui redoublent simplement les d coupages techniques op r s par le CA Ainsi la partie Acc der aux missions se pr sente t elle de la mani re suivante Acc der aux MISSIONS une premi re partie sans titre consacr e l allumage du CA et du t l viseur sans utilisation de cl S lection d une mission acc s libre ou changement de cha ne s lection d une mission acc s payant avec utilisation de cl enregistrement de la cl de verrouillage d verrouillage ou d acc s une mission payante introduction d une cl d verrouillage du coffret vid ocom verrouillage du coffret vid ocom S lection d une mission acc s payant S lection d une mission acc s r serv La cl sim
10. INE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER l exposition Ces registres ne sont pas corrects ou incorrects perfor mants ou inefficaces ils mettent en sc ne un certain rapport didactique ils fixent un cadre au sein duquel le r dacteur place l utilisateur la ma chine et lui m me Le contrat ainsi fix tablit la comp tence technique de l utilisateur les contextes suppos s de sa vie quotidienne le par cours qu il doit suivre les demandes qu il est suppos avoir les initia tives qu il peut prendre celles qu il doit prendre et celles qu on lui in terdit de prendre les acteurs qui il peut faire appel etc Ce contrat reste unilat ral et la n gociation en est diff r e jusqu au moment de la lecture o l on voit l utilisateur r inventer son mode d emploi R duire les r alit s de l utilisateur Assurer la transmission c est aussi anticiper la trahison probable de ces positions le refus par l utilisateur de les tenir la n gociation qui se r active en contradiction avec un mod le didactique de suspension de sa capacit sociale La conception du mode d emploi doit alors construire une v ritable repr sentation de l utilisateur final au del du profil di dactique adopt Il sera n cessaire de faire varier l utilisateur selon dif f rents types d tats au m me titre que l on parle la fois d tat civil et d tats d un syst me technique Il faudra prendre en compte et faire un pari sur 1 une div
11. Mission du Patrimoine ethnologique Collection Ethnologie de la France CAHIER 6 Sous la direction de Denis Chevallier SAVOIR FAIRE ET POUVOIR TRANSMETTRE Transmission et apprentissage des savoir faire et des techniques ditions de la Maison des sciences de l homme Paris Madeleine Akrich Dominique Boullier Le mode d emploi gen se forme et usage Nous nous appuyons ici sur une recherche qui avait pour th me La re pr sentation des utilisateurs dans la conception des objets techniques et la gen se des modes d emploi Nous ne traiterons ni des probl mes relatifs aux m tiers et la transmission des savoir faire ni de l appren tissage au sens professionnel du terme Nous nous int resserons des objets grand public qui s adressent en principe un utilisateur d pourvu de comp tences techniques particuli res dans un certain nombre de cas le concepteur va m me tout mettre en uvre de mani re minimiser l apprentissage n cessaire l utilisation de son dispositif Ceci pos l existence de liens entre transmission de savoir faire techniques et modes d emploi para t vraisemblable dans la mesure o entre autres fonctions le mode d emploi est suppos indiquer l utilisateur d un objet technique ce qui est requis de lui c est dire son programme d action du moins s il souhaite arriver faire faire l objet ce en vue de quoi il a t con u En d autres termes le mode d emploi po
12. ar les concepteurs de s appuyer sur un tout autre 1 Sur ces probl mes d inscription dans les dispositifs techniques d un certain nombre de caract ristiques de ce qu on suppose tre l environnement de l utilisateur et sur la mani re dont ces inscriptions sont susceptibles de contraindre l utilisation du dispositif on peut voir Aknch 1987 et Latour 1988 116 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER mod le celui de la t l commande de t l vision qui dans la tr s grande majorit des cas ne n cessite aucune man uvre autre que la composition du num ro de cha ne l utilisateur esquiss par ce choix technique aurait eu une silhouette diff rente de celui qui a t finalement dessin De ce premier exemple nous voudrions retenir essentiellement ceci un certain nombre de choix techniques reposent sur la mobilisa tion d l ments provenant d autres dispositifs mobilisation laquelle est d volue la charge de rendre explicite sans en passer par la verba lisation le programme d action attendu de l utilisateur en d autres termes le probl me de la transmission des savoir faire incorpor s dans les individus et donc de leur verbalisation se trouve ici r solu ou plus exactement contourn par les choix techniques effectu s par les concepteurs Les difficult s d une description technique des techniques Dans un second temps nous allons nous int resser la mani re dont on peut d crire les relations
13. ce qui est transmis exactement la LE MODE D EMPLOI 121 place attribu e aux diff rentes g n rations dans cet change voil deux questions parmi d autres qui concernent aussi tout rapport didactique et que P Legendre 1985 a fort bien mis en vidence Paternit mode d emploi Le mode d emploi aussi banal soit il effectue une prise en charge de l autre de celui qui est suppos ne pas savoir Mais cette prise en Charge vise sa propre disparition le savoir faire doit tre incorpor par celui auquel le mode d emploi s adresse Pour un temps comme dans le rapport de paternit qui permet de prendre en charge l enfant le statut de personne est suspendu pour l utilisateur il est suppos rela tivement et provisoirement frapp d incapacit par le seul fait d tre en position de non savoir S il disposait d j de ce savoir faire il serait inutile de lui fournir un mode d emploi qui pr tende le lui enseigner C est d ailleurs ce qu on observe dans l utilisation des modes d emploi puisqu un certain nombre d utilisateurs se dispensent de toute notice et consid rent qu ils poss dent d j les connaissances suffisantes pour passer directement l utilisation de l appareil A la diff rence de la paternit qui inscrit d embl e des positions de parent et d enfant il faut ici un acte volontaire pour demander une certaine prise en charge plus ou moins importante pour d l guer au mode d
14. de tout rapport de g n rations Des strat gies didactiques d attribution des places Nous avons distingu trois strat gies didactiques travers l observation empirique des modes d emploi Dans chaque cas l metteur attribue des places l utilisateur la machine et lui m me le mode d emploi est en quelque sorte le script Akrich 1987 1 de ce placement r ci proque qui se marque avant tout dans les modes d nonciation choix d un sujet usage de la passivation de la n gation formes verbales Akrich amp Boullier 1989 La machine op re Deux niveaux doivent tre distingu s Dans le premier cas la machine op re comme effet d une interven 124 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER tion de l utilisateur ou d une instruction du concepteur Dans l expos s encha nent ainsi Appuyer sur le bouton M A puis Les voyants marche et pr t s allument cette derni re phrase met en sc ne la ma chine agissante en r ponse Mais l encha nement des s quences d ac tion est tel que l on peut parfois se demander qui r pond qui Dans le deuxi me cas la machine op re effectivement sans que soit fait mention d un utilisateur quelconque Nous prendrons chaque fois le m me exemple pour montrer les variations possibles Ici nous rencontrons l expression Le coffret est sous tension avec la va nante possible Le coffret doit tre sous tension Cette pr sentati
15. drone le rapport est inscrit dans la langue Il existe toujours une certaine verbalisation des op rations les plus simples et les techniques qui paraissent les plus videntes tous ont en fait t verbalis es maintes et maintes fois dans l enfance ex assieds toi correctement on tient sa cuiller comme a etc D LA 130 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER repr sentation logique sera une aide pour la man uvre elle m me Le mod le de description des principes l mentaires du syst me est logi quement organis ce qui est d autant plus ais qu il s agit de produits informatiques dont la conception a d j ramen toutes les op rations des quivalents logiques des algorithmes couper sur son traitement de texte ne se diff rencie de coller que par quelques 0 1 diff rents et non par la pr sence de la colle des ciseaux etc 3 l accent peut tre mis sur la chrono logie c est dire lorsqu il s agit de repr sentation langagi re sur le r cit Il est alors possible de jouer de toutes les ressources du r cit pour aider suppose t on la r alisation de la man uvre Des histoires sont racont es des exemples en situation sont fournis le lecteur est impliqu en permanence les en tr es de la notice partent des questions de l utilisateur et de ses usages suppos s et non plus des fonctions ou des dispositifs Ces penchants didactiques observ s dans la r daction des modes d empl
16. ent d un dialogue usager r seau De la formations de l utilisateur Dans un premier temps nous souhaiterions mettre en relief la diversit des strat gies possibles qui permettent de rendre explicite l usager son programme d action l apprentissage envisag comme l acquisition compl te d une nouvelle comp tence n est qu une de ces strat gies en LE MODE D EMPLOI 115 ce qui concerne les objets destin s au grand public elle est m me sou vent mineure Dans le cas du projet CA un certain nombre de ces strat gies se trouvent d clin es l explicitation totale incorpor e dans le dispositif technique au moyen d une barrette de visualisation qui permet d indiquer l utilisa teur la conduite tenir chaque tape de son interaction avec le CA en vue d obtenir le r sultat souhait Notons que cela suppose d une part l inexistence chez l utilisateur d une capacit d apprentissage puisqu chaque interaction les prescriptions d utilisation se trouvent r non c es et d autre part que soit r solu le probl me de la verbalisation c est dire de la traduction sur le mode du langage des proc dures techniques et gestuelles mettre en uvre l utilisation du mode d emploi qui rel ve encore d une strat gie d explicitation cette fois ci excorpor e par rapport au dispositif tech nique strat gie qui se distingue de la pr c dente par le fait qu elle
17. entre un objet et son utilisateur en insistant sur le point suivant ces relations ne peuvent pas tre uniquement d crites sur le registre de la manipulation Cela est particuli rement sen sible dans le cas d un certain nombre de technologies modernes pour lesquelles le lien entre le geste et le r sultat escompt est assez faible ce qui est d l allongement de la cha ne des interm diaires auxquels est d l gu e la r alisation du programme d action ainsi par exemple entre l appui touche effectu par le t l spectateur en vue de s lection ner une chaine et l affichage effectif de la cha ne consid r e sur son cran de t l vision divers l ments lectrons photons dispositifs m caniques dispositifs lectroniques etc vont tre mobilis s En g n ralisant le point qui a t fait plus haut l on peut dire que l objet technique installe une certaine r partition des comp tences entre divers l ments ou acteurs commencer par lui m me et son utilisa teur mais aussi avec les d panneurs les installateurs les gestion naires ou d autres dispositifs techniques t l viseur cha ne hifi r seau lectrique et que ce faisant il d finit un sc nario d interaction entre ces diff rents l ments Or les relations nou es entre eux peuvent tre de nature assez diverse conomique sociale juridique technique etc en d autres termes cela signifie qu au travers d un m me objet
18. ersit sociale d usage Des contextes multiples sont possibles des environnements diff rents rendent les usages tr s loi gn s les uns des autres Les notices ne peuvent les ignorer et pourtant la plupart se refusent entrer trop explicitement dans ces contextes pour viter de particulariser trop leur dispositif Lorsqu une notice le fait elle doit alors raconter de v ritables histoires pour mettre en sc ne un usage et elle doit le faire pour de nombreux usages ce qui conduit des d veloppements tr s longs Le choix sera plus souvent fait d un pseudo contexte limit un environnement technique indispensable Mais comment d s lors favoriser la d marche de traduction Il faut faire enti rement confiance la capacit de r interpr tation de l utilisateur 2 une diversit socio linguistique Pour viter le jargon technique de nombreux r dacteurs de notices s inspirent de la langue suppos e famili re dans un univers donn Le probl me est identique au 3 C est le th me central du travail de recherche que nous avons men pour le CCETT en collaboration avec Madeleine Akrich V ronique Le Goaziou et Marc Legrand 1990 LE MODE D EMPLOI 127 pr c dent cette diff rence pr s que l on peut restreindre l univers suppos partag une gamme d objets techniques d apparences simi laires plus traditionnellement utilis s On favorise ainsi un transfert de savoir faire en s inscrivant dans la li
19. gn e socio linguistique d un type de produits Les transpositions les plus connues sont celles de l univers du bureau dans celui de l interface utilisateur du Macintosh bureau poubelle etc ou encore l usage par exemple du terme chrono dans une carte de communication T l tex par transfert depuis l univers habituel des secr taires 3 une diversit de temps d utilisation Le mode d emploi inter vient divers moments dans les relations homme machine l initiation le perfectionnement l aide m moire le d pannage sont au tant d usages diff rents du mode d emploi qui doivent prendre en compte des tats d utilisateurs diff rents L tat de ses connaissances n est pas le m me chaque moment C est pourquoi le mode d emploi devient souvent modulaire r sum des routines explications de base perfectionnements ou usages particuliers un livret pour d panner ou pour les recettes r aliser dans son four peuvent faire l objet de plu sieurs produits crits Lorsque l on garde une seule notice il appara t difficile de changer de style didactique l exception du d pannage Dans ce cas il faut en effet jouer sur un paradoxe tr s apparent dans les notices le d pannage est le moment o l on fait appel directement une certaine comp tence technique de l utilisateurt Mais en m me temps c est le moment o l on suppose que tout doit tre repris z ro depuis le branc
20. hement lectrique de l appareil ce qui est d ailleurs une panne fr quente comme si l utilisateur n avait rien compris des consignes pr c dentes Akrich amp Boullier 1990 4 une diversit de situations initiales Toutes les descriptions de man uvres doivent prendre en compte les actions r alis es par les utili sateurs avant cette tape II faut inscrire cette nouvelle consigne dans l encha nement en supposant un tat ou plusieurs tats initiaux pour cette man uvre pr cise Les situations o l utilisateur s interrompt re prend le cours de l action etc ne peuvent tre trait es syst matique ment aussi le plus souvent un encha nement standard et tout fait abstrait est pr sent L utilisateur devra s y tenir strictement s il ne veut pas se trouver d sorient L observation des usages montre alors que certains utilisateurs reprennent chaque man uvre z ro jusqu rallu 4 Dans le cas contraire on lui donne imm diatement l ordre de ne plus intervenir et de t l phoner au d panneur 128 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER mer l appareil s ils n ont pas r ussi la mener jusqu au bout car ils ne peuvent d terminer o se trouve l erreur d orientation Les combinaisons entre toutes ces situations sont infinies le pari didactique du mode d emploi devra consister s lectionner chaque tape une certaine diversit parmi tous ces tats de fa on par exemp
21. hoix techniques et la mani re dont ceux ci ont t effectu s Ceci tant le mode d emploi qui constitue l un des vecteurs pos sibles de l apprentissage ne peut tre ramen simplement l histoire qui le pr c de la mise en langue qui l accompagne n cessairement in troduit de nouveaux degr s de libert par rapport au seul objet tech nique et partant de l de nouvelles possibilit s de d calage entre d un c t la relation tablie entre le concepteur constructeur et l utilisateur travers la m diation du dispositif technique et de l autre celle qui s installe entre le r dacteur du mode d emploi et son lecteur destina taire Dans la suite de notre expos nous allons nous int resser plus sp cifiquement la mani re dont cette derni re relation s instaure en essayant de cerner les divers l ments qui influent sur les choix lin guistiques et langagiers propres au mode d emploi et de caract riser les diff rents partis pris didactiques possibles Le pari didactique du mode d emploi La transmission est en question lorsque l on tudie le mode d emploi elle peut tre rapproch e avec f condit de travaux sur le rapport de g n ration s Boullier 1986 1987a b c il n est pas inutile de se rap peler ce qui institue le montage socio juridique des g n rations pour comprendre ce qui est en jeu dans la transmission didactique L h ri tage transmettre mais sait on
22. ivent se faire d un ph nom ne et les quations qu ils construisent avec le ph 7 Les travaux de l quipe de J F Richard sont tout fait remarquables dans ce domaine Cf Richard 1983 1989 LE MODE D EMPLOI 131 nom ne lui m me quand bien m me ils ne disposent d autres outils pour y acc der que leurs comp tences logiques donc langagi res D crire la transmission des techniques c est toujours risquer de la ra mener la description des m diations que l on a pour la d crire sa voir le langage Les exemples abondent pourtant de ces comp tences techniques ir r ductibles aux comp tences logiques ou langagi res des acteurs Mon voisin qui construit son tracteur avec ses divers syst mes hydrau liques sans plan en main mais quasiment sans t tonnement partir de divers mat riaux de r cup ration qu il va r cup rer d lib r ment pour les objectifs qu il s est donn s est un technicien de premier ordre il est pourtant incapable d crire un ch que ne lit jamais et ne prononce m me que quelques phrases dans sa journ e Ce faire qui ne sait pas qui ne dit pas serait bien difficile transmettre s il fallait le verbaliser Quelles sont alors les m thodes mettre en uvre pour que ces comp tences ne se perdent pas et surtout pour qu elles ne soient pas consid r es comme inexistantes socialement partir du moment o elles ne peuvent se dire La r ponse cette que
23. l ments Il ne se d nature pas parce qu il n a ja mais t naturel c est dire originel Cette difficult est toujours rencontr e dans la conception des modes d emploi car le constructeur et ses ing nieurs ne peuvent que se consid rer comme les auteurs de leur produit ils ne peuvent s emp cher de vouloir y apposer leur marque de prolonger dans la langue qu ils utilisent les traditions et les particularismes de leur mi lieu Il ne saurait en effet tre question de confondre les positions de tout m langer et de consid rer que la langue technique savante n a pas d int r t Elle est m me indispensable pour pouvoir s en d marquer clairement quand on s adresse aux utilisateurs L imp ratif de correc tion technique qui prendrait comme talon soit un mod le cognitif uni versel soit un mod le particulier celui des techniciens est chaque fois trahi si l metteur r dacteur du mode d emploi veut pr tendre se faire comprendre Il est toujours difficile de consid rer que le destina taire ou l apprenti ne sont pas des terrains vierges mais que leurs fa ons de faire ou de parler sont aussi op rantes ou d signent tout aussi bien les objets et les man uvres dans le contexte qui est le leur Passer d un rapport de p re o l on prend l autre dans son univers un rapport de pair Gagnepain 1982 c est tout le pari didactique du mode d emploi et c est aussi celui
24. l ne peut que manquer son but en voulant paradoxalement trop bien l atteindre par un guidage absolu et permanent o l utilisateur resterait inactif S il ne sait donc pas ce qu il transmet et ce qui survivra de cette trans mission c est qu il ignore aussi d o il l a re u Dans cette cha ne de la transmission didactique comme dans les rapports de g n rations il n existe pas de point de d part pas d origine on porte toujours le nom d un autre et ce que l on sait on le tient toujours d un autre Mais dans les deux cas il faudra en venir porter ce nom comme le sien et pos s der ce savoir comme le sien Cette inscription dans une lign e de savoir faire est importante souligner pour mesurer la transformation permanente des savoirs la plus radicale des innovations est encore elle m me inscrite dans l histoire et faite avec des l ments de savoirs pr existants ne serait ce que la langue pour la parler sans pour autant ignorer la n cessit du n ologisme pour qu il y ait histoire Assurer les conditions de la transmission c est assurer les condi LE MODE D EMPLOI 123 tions d une d prise du rapport de transmission Pour cela il faut ad mettre que l on n est ni la source ni le d positaire unique d un savoir mais que ce savoir traverse les g n rations les enfants comme les ap prentis et qu il se r g n re au fur et mesure par filtration et par ap ports de nouveaux
25. le couvrir statistiquement les situations les plus probables Mais on court alors le risque de proposer des consignes moyennes qui agr gent trop de contextes et en deviennent trop g n rales Autre strat gie s appuyer sur l nonc d un usage de base l mentaire quitte ce qu il soit vite d pass en proposant des lectures diff rentes selon les temps d utilisation Autre strat gie encore proposer un mod le abstrait du fonctionnement du syst me qui permette l utilisateur de s adapter lui m me des situations diverses et de retrouver la coh rence technique du dispositif sans avoir apprendre une man uvre une fonction Dans tous les cas le concepteur de notice doit proc der une r duction de ces multiples tats de l usager selon un mode statistique de base ou abstrait Il faut parvenir produire un suppos utilisateur uni versel travers cette r duction dans la mesure o chaque situation ne peut tre trait e de fa on particuli re Les chances de perdre sont encore assez fortes et la strat gie di dactique demeure un pari la n gociation avec un suppos utilisateur est d autant plus difficile r aliser que cet utilisateur se fait rarement en tendre L absence de retour rend le pari plus incertain et diff rencie nettement le mode d emploi d une situation de formation ou de d monstration Nous sommes ici en diff r la lecture du message mode d emploi se fait dans
26. le coffret sous tension Comment puis je mettre le coffret sous tension Comme pour la position pr c dente le m diateur qu est le r dacteur du mode d emploi semble s effacer dans un cas au profit de la machine dans l autre au profit de l utilisateur C est plus pr cis ment les marques du rapport didactique qui s effacent dans la langue L option Je fais ceci r alise l extr me la pr sentation par LE MODE D EMPLOI 125 objectifs le r dacteur se met enti rement la place de l utilisateur Il lui faut d s lors imaginer enti rement le contexte d usage ce qui reste un exercice de d centrement particuli rement p rilleux quand les utilisa teurs sont un grand public encore mal cern ce qui est diff rent dans le cas d outils professionnels tr s sp cialis s Le r dacteur guide Le sch ma le plus couramment utilis consiste pour le r dacteur as sumer cette position de guide et en adopter les marqueurs linguis tiques Mais il peut se donner une plus ou moins grande pr sence et adopter l encore une strat gie didactique diff rente a Le concepteur reste abstrait Formule Mise sous tension du coffret ou encore Mettre le coffret sous tension Dans cette pr sen tation elle m me la dimension savante ou technique du r dacteur se manifeste dans cette formulation tr s fr quente analogue celle d une notice pour techniciens b Le concepteur accompagne le lecte
27. oi sont en fait ceux que l on retrouve dans toute didactique des techniques L enseignant le formateur tendra n cessairement vers une de ces formes du pari Malheureusement aucune d elles ne peut tre consid r e comme plus valide que les autres de quel point de vue le mesurer D autant moins qu elles ont en commun de tourner autour d un point opaque la man uvre elle m me ce faire qui ne se r duit pas au savoir faire qui est d j un savoir donc une repr sentation langagi re Lorsqu il faut expliquer dans une notice tirer en pous sant et qu l exp rience l op ration consiste soulever en ap puyant et ce exactement dans le m me temps il appara t alors que la mise en forme langagi re manque n cessairement ce qui fait l preuve de la man uvre Aussi pr cise ou correcte soit elle la man uvre r siste sa mise en langue et doit r sister pour nous obliger la penser comme telle Il faut alors essayer d analyser sa sp cificit et de concevoir des modes de transmission qui y soient adapt s Or pour ce faire il faut aussit t en parler C est l le pi ge du langage et des m tiers didactiques croire ce que lon dit c est dire croire que la transmission du faire qui n cessite sans doute sa part d expression langagi re peut y tre r duite Les scientifiques le savent bien qui doivent constamment prendre garde ne pas confondre la repr sentation qu ils do
28. on d une succession d tats permet de faire abstraction de l utilisateur et rejoint d s lors la pr sentation de la notice technique par fonctions Les marqueurs linguistiques de cette position sont assez facilement rep rables le dispositif assure permet g re introduisant l explication de sa fonction Mais d autres variantes du m me mod le didactique ont pu tre ob serv es qui atteignent au m me effacement de l utilisateur en le prenant cette fois t moin de cette dispense d agir que lui permet la machine Ainsi un mode d emploi de cireuse de 1961 propose des nonc s de ce type La cireuse se met en marche automatiquement en abaissant le moteur s arr te quand le manche est plac la verticale les brosses se fixent par simple pression L action de l utilisateur est toujours pr sente mais On constate que sa mise en sc ne est linguistiquement in vers e par rapport la machine gr ce la forme pronominale r fl chie ce choix est d lib r pour mettre en vidence la facilit L utilisateur est dispens d agir la machine s agit et on valorise ce loisir sur le mode publicitaire au point d annuler rh toriquement le travail de l utilisateur qui reste pourtant indispensable L utilisateur ma trise Cette strat gie didactique s oppose directement la pr c dente ici l utilisateur est le h ros de l histoire tel point qu il parle lui m me Je mets
29. oyant dit voyant payant qui a pour fonction d informer l usager du statut tarifaire des programmes 2 mettre en place une proc dure d acceptation du contrat consti tu e d un double appui sur la touche envoi man uvre qui quivaut formellement une signature Se trouve ainsi d fini un sujet juridique r pondant de l exploitant en ce qui concerne sp cifiquement les mis sions payantes Mais de la r solution de ce point na t un nouveau probl me la position juridique est d j occup e par un actant le signataire du contrat d abonnement or la proc dure adopt e ne garantit pas que ce dernier se superpose celui d fini par le double appui sur envoi En vertu des r gles qui pr valent dans l ordre juridico l gal la disjonction pos sible entre ces deux sujets est susceptible de cr er quelques difficul t s dont la contestation par les abonn s de leurs factures Pour garantir 2 Du point de vue du mod le des cit s mis en place par Boltanski et Th venot on se trouve ici typiquement dans un cas d objet qui doit g rer en permanence le compromis entre des situations qui rel vent de principes diff rents Boltanski amp Th venot 1987 Pour une analyse de cas similaires voir Akrich 1989 118 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER l existence d un r pondant les concepteurs implantent un nouveau dis positif la cl d acc s payant fournie tout usager qui en fait la de mande
30. ple dispositif technique joue ici le r le de s parateur des diff rentes parties avant m me de savoir r aliser les man uvres les plus simples le lecteur du mode d emploi doit avoir connaissance de l existence et de la fonction des cl s situation qui devient presque surr aliste lorsque l on sait que la fonction cl n a pas t implant e dans la plupart des r seaux effectivement construits 120 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER Nous constatons ici que la forme prise par le mode d emploi est en partie le r sultat des choix qui ont t op r s lors de la conception plus encore elle fait figure d indicateur de la mani re dont ces choix ont t faits et marque l tat d inach vement du r seau socio technique charg du d veloppement des r seaux c bl s l abstraction et la d contextuali sation qui caract risent la pr sentation faite par le mode d emploi sont d abord l uvre dans le processus de conception conduit de bout en bout par un groupe ferm sur lui m me Dans cette premi re partie nous avons surtout voulu montrer 1 comment le savoir faire pouvait emprunter des voies de transmission diverses et en particulier pouvait ne pas avoir tre transmis Condition qu il puisse tre suppos incorpor chez l utilisateur et avoir t int gr dans la conception du dispositif et 2 comment le contenu et la forme d apprentissage pouvaient tre directement reli s aux c
31. pre au r cit Ces passages sont autant de traductions qui produisent de l inad quation comme toute mise en langage et du mal entendu comme dans toute communication Le point opaque de la man uvre La r daction des modes d emploi subit souvent l un des trois biais sui vants r v lateurs de cette difficile mise en forme linguistique de la technique 1 accent est mis sur la rechno logie Il semble possible d viter la difficult de la mise en langue en jouant l exactitude technique en s appuyant sur une pr sentation par fonctions ou m me par dispositifs Les probl mes pos s par le r cit de l action sont ainsi repouss s par une abstraction pr sent e du point de vue du constructeur Pour un poste t l phonique nous rencontrons comme intitul s de chapitres num rotation coute amplifi e si l on part des fonctionnalit s ou clavier haut parleur si l on part des dispositifs Ce point de d part permet d viter de poser la question quel usage et quelle langue de l usager en r alisant un calque strict de la terminologie des techniciens qui n est pourtant pas univoque C est la structure tech nique de l appareil du point de vue du constructeur qui calque parfois directement le cahier des charges qui est ainsi nonc e 2 accent est mis sur la logique Cette orientation cognitiviste cherche aider la repr sentation du syst me en faisant le pari que cette Padre pa
32. se en pratique un certain nombre de questions qui ont t soulev es de mani re plus th orique au cours des d bats pr c dents parmi lesquelles on peut relever Comment peut on d crire un objet technique de mani re rendre intelligible son mode de fonctionnement et l interaction qu il suppose avec un utilisateur jusqu quel point peut on aller dans l explicitation des op ra tions des gestes techniques quel type de d placement ou de traduction cette mise en mots op re t elle et quel genre de difficult s cela peut il soulever Notre expos sera scind en deux parties dans un premier temps nous retournerons vers l amont c est dire que nous re situerons le mode d emploi dans le processus de conception en essayant de relier sa forme aux choix techniques forme du dispositif et sociaux forme du r seau d acteurs qui est suppos prendre en charge le dis 114 MADELEINE AKRICH DOMINIQUE BOULLIER positif technique achev en second lieu nous nous int resserons da vantage au mode d emploi en tant que tel l envisageant en particulier comme la mise en sc ne d un rapport didactique nous nous interroge rons sur la signification des choix langagiers qui y sont effectu s et qui sont r v lateurs des positions attribu es aux diff rents acteurs et nous verrons comment le mode d emploi est un endroit privil gi pour tu dier le passage des pratiques aux discours Des choix techniq
33. stion repose sans aucun doute la fois dans une avanc e des sciences humaines pour analyser ce qui fait la rationalit technique humaine et dans le sens p dagogique de certains ma tres non tyrannis s par les mod les scolaires dominants Les modes d emploi cristallisent deux enjeux essentiels de la transmission des techniques une strat gie didactique qui doit en permanence se pr parer tre d mentie et une n cessaire formali sation langagi re qui manque le c ur de la comp tence technique Ces deux cueils ne lui sont pas propres le caract re limit de ce terrain d tude permet cependant de diss quer toutes ces contraintes La dimension quotidienne ou ordinaire du mode d emploi permet de rappeler quel point la transmission des techniques ne s effectue pas seulement dans les salles de classe dans les ateliers ou dans les mus es mais au jour le jour dans de multiples r seaux informels d s qu un change se fait autour de la technique Toute strat gie de diffusion des techniques ou de mise en valeur des savoir faire qui prend pour base cet change quotidien se voit d s lors r interrog e la version scolaire ou acad mique de la transmission des techniques doit sans doute apprendre elle aussi de cette activit ordinaire pour qu enfin apparaisse ce qui fait la sp cificit de la comp tence technique qui nous fait hommes au m me titre pas plus mais pas moins que nos comp tences langagi res sociales
34. ues au mode d emploi quelle r partition entre comp tences et apprentissage L exemple sur lequel nous allons nous appuyer dans cette partie est constitu du coffret d abonn des r seaux de vid ocommunications de premi re g n ration dits RVIG Apr s le succ s du Minitel l adminis tration des T l coms a voulu continuer sur sa lanc e en construisant un r seau multim dias qui serait capable terme de supplanter le r seau hertzien et de g rer des services aussi divers que le t l phone la transmission de donn es la t l vision la radio le Minitel etc Un des objectifs du projet mentionn ici car il aura une certaine importance dans la suite de l expos consistait profiter de ce nouveau lien mat riel cr par le r seau avec chaque usager pour red finir le march de l audiovisuel et proposer de nouveaux produits diff renci s tant du point de vue du public vis que de celui des modes de valorisation conomique mis en uvre Le coffret d abonn dit encore CA repr sente l interface pr vue des r seaux c bl s avec les usagers lesquels terme pourront gr ce son interm diaire avoir acc s aux diff rents services propos s par le r seau programmes t l visuels ou hifi banque de donn es Minitel t l phone etc Cette fonction d interface est assur e en particulier par la face avant du CA dot e d un certain nombre de touches et de voyants qui sont cens s permettre l tablissem
35. ur op rateur Formule Mettons sous tension le coffret Etudions la mise sous tension du coffret tous ces exemples ont t rencontr s dans divers modes d emploi ils sont seulement ajust s par nous la m me phrase de base La relation didactique elle m me est mise en sc ne et d ni e en m me temps c Le concepteur dirige l op ration C est le cas le plus fr quem ment rencontr travers la formule Mettez le coffret sous tension ventuellement vous mettez rencontr e plut t dans les recettes de cuisine qui sont aussi des modes d emploi La relation didactique s affiche comme telle dans sa dimension prescriptive et imp rative sans que le lecteur la respecte pour autant d Le concepteur met en garde l utilisateur il interdit certains usages il pr vient les erreurs ventuelles et il adopte la forme rh to rique appropri e celle du commandement Un mode d emploi anglais d une scie sauteuse se compose ainsi uniquement d une litanie alternant les Be sure et les Do not Cette nouvelle version des dix comman dements prend explicitement la position de la prescription qui restait malgr tout pr sente dans les formes de l explication ou de l orientation Ces choix rh toriques se combinent dans un m me mode d emploi mais dans une proportion limit e on construit un rapport social en l inscrivant dans ces styles et le mod le adopt contraint durablement 126 MADELE
Download Pdf Manuals
Related Search