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la peur, petit chasseur

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1. es volumes des pi ces puis projeter pper des photos panoramiques des sur ces volumes La pi ce existe alors ement et la cam ra peut se d placer l int rieur C est galement ainsi que l on par vient projeter des images de personnages disparus sur les parois Enfin la ville nouvelle se constitue de photos assembl es dans un espace virtuel en trois 33 dimensions pour que la cam ra progresse dans un d cor en formation Le traitement est tou tefois diff rent plus graphique un peu comme si on filmait une table d architecte en acc l r sur laquelle appara traient des r seaux de lignes de structures des b ti ments des routes etc Certaines images ont t tourn es dans la zone appel e Diagonal M ar qui se trouve la sortie nord est de la ville au bord de la mer C est actuellement le projet urbanistique le plus important En quelques ann es la ville doit y avoir construit plusieurs centaines d hec tares de logements h tels r seaux de trans port centres commerciaux zones de loisirs TECHNIQUES HYBRIDES Le proc d d animation est ici essentiellement bas sur l utilisation de masques qui d cou vrent les images photographiques Des l ments film s sont galement int gr s l en semble les machines de construction les ouvriers du b timent etc Les technologies nouvelles li es l utilisation de l ordinateur traitement num rique assemblage et anima
2. la s r nit que comme l annonce de nouveaux cycles possibles Mais surtout le r alisateur dans le cadre de son entreprise po tique tente de rendre ins parables la forme et le fond Le choix du cin ma d animation pour voquer la ville est ici tr s signifiant Un certain nombre de points communs et de recoupements sont en effet remarquables Tout d abord il faut rappeler que le cin ma d animation se d finit par la m tamorphose Il s agit la fois d un trait 36 esth tique fort les images anim es proposent norm ment d effets de m tamorphoses en jouant sur la d formation des lignes des cou leurs des contours et des textures et d un l ment fondamental du dispositif le cin ma d animation n enregistre pas des unit s spatio temporelles comme le fait le cin ma en prise de vues r elles il se constitue image par image en photographiant successivement des dessins ou des objets dans des positions l g rement diff rentes Il s agit toujours de trans former progressivement une image en une autre pour donner l impression de mouve ment Il n est pas besoin de rappeler que le processus de mutation ou de m tamorphose est au c ur d Obras Ensuite il faut dire com bien le cin ma d animation est un cin ma hybride qui multiplie les emprunts de nom breuses pratiques artistiques dessin sculpture peinture modelage etc Cette hybridation du cin ma avec d autres arts passe par la dive
3. tant souvent une brutalit ou une imm diatet physique le travelling fon ant contre un mur celui qui suit la moto cette hybridation lyrique restera la marque forte du style de Pialat MITEXTE TRANSVERSAL Le second temps Longtemps j ai habit la banlieue M on premier souvenir est un souvenir de banlieue Aux confins de ma m moire un train de ban lieue passe comme dans un film La m moire et les films se rem plissent d objets qu on ne pourra jamais plus appr hender Les phrases d ouverture du commentaire de L amour existe sont pro grammatiques elles annoncent le sujet et le ton l obsession et l humeur La formule associant la m moire et les films s offre par la monotonie de la voix la grisaille des images puis un peu plus tard la lenteur de la musique dans une imm diate m lancolie Cette m moire l n est donc pas vive et heureuse troublante et prolif rante comme celle qu invente la m me poque l uvre d Alain Resnais Dans la premi re partie du film les plans parcou rent des objets des lieux des paysages quasi d serts formant une sorte de sc ne d sol e du souvenir La dur e des plans est presque syst matiquement celle n cessaire un mouvement de descrip tion panoramiques et travellings tiennent les plans de l int rieur les tendent comme des lastiques deviennent leurs seules raisons dynamiques Le sujet des plans est autant ce qu ils mon trent que le mouvem
4. tion 3D rencontrent ici des techniques plus classiques peinture photographie film ani mation traditionnelle Parall lement ce travail d animation nous avons gard pour la musique le m me concept que pour la r alisation des images recompo ser un univers partir de fragments de la r a lit Des prises de son ont t effectu es Barcelone afin de restituer l ambiance sonore de la ville bruits des machines cris des ouvriers bribes de conversations etc puis assembl es et trait es comme de la musique avec les sonorit s classiques d instruments m lodiques et rythmiques ANALYSE DE SEQUENCE Images attractions et sensations fortes Film virtuel sur la destruction d une ville Obras avoue une r elle fascination pour les images d an antissement et de d sagr ga tion d une cit existante mais fantasm e et subjectiv e Sans jouer la logique du genre le film partage avec le cin ma catastrophe un m me regard ambigu teint d une curio sit enfantine qui h site entre l effroi et l merveillement Non content d offrir des images impressionnantes et spectaculaires de destruction et de d solation Obras met en sc ne la spectacularisation du regard m me Le court m trage anim insiste en effet sur sa propre mise en spectacle et sur le pouvoir d attraction de ses images la fois r alistes bas es sur de vraies captures d images de la ville et oniriques leur mise distance par le tr
5. un quartier high tech Pour un temps seulement car le film comme mis en boucle par l apparition d une aimable forme f minine promet de nouvelles mutations 32 Obras Hendrick D usolilier N en 1974 Hendrick Dusollier apr s une licence en histoire suit les cours de l cole nationale sup rieure des arts d coratifs de Paris ENSAD Un voyage Erasmus Barcelone le sensibilise la transformation de la grande ville et lui donne l id e du film Obras Il y travaille par ailleurs sur une campagne publicitaire internationale vantant les m rites d un whisky De retour Paris il cr e et r alise de nombreux jingles et habillages visuels pour des missions t l vis es principalement pour les canaux de France T l vision Il pr pare actuel lement un nouveau film qui devrait encore se tenir la lisi re du cin ma et du graphisme anim Fiche technique Production Autour de Minuit Producteur Nicolas Schmerkin Sc nario image Hendrick Dusollier Son Jean Fran ois Vigui Animation Nobrain Interpr tation Eva Garcia France 2004 12 minutes 35 mm 1 1 85 Couleurs PROPOS DU REALISATEUR Barcelone fragments du r el DES TABLEAUX ANIM S Pour Obras tous les plans ont t r alis s partir de prises de vue r elles int gr es dans un espace 3D De mani re g n rale le traite ment n est pas r aliste La plupart du temps c est de la fausse 3D plut t que
6. Le bidon bleu tait la vraie niche du chien qui tait le vrai chien de la mai son Pour Laurent le d cor est une sorte de d clencheur essentiel une plate forme partir de laquelle il peut d ployer son id e visuelle du film C est un paradoxe important s il recherche une tr s grande pr cision dans l image contr le chaque d tail du cadre au millim tre pr s il refuse toutefois de construire Il a le go t du plan fixe un peu pic tural mais veut aussi faire une captation un enregistrement brut de quelque chose qui se passe r ellement Il essaye de produire un v nement une rupture Il est l au bord du chemin attendant que l v nement la vio lence le meurtre arrive Il cherche une sorte de captation anxiog ne Le tournage a dur deux jours pour dix sept prises une toute les heures peu pr s Entre chaque prise il y avait un gros travail de ges tion des d tails de l interpr tation et du d cor La mani re dont la cha ne tait enroul e au d part par exemple tait un point important Non que Laurent e t une image pr cise de ce que devait tre le film mais parce qu il devait s approcher d une signification Il t ton nait donc la recherche du meilleur rythme de la meilleure composition l int rieur d une trame qui ne variait pas celle de ses quelque vingt lignes de sc nario VERS UN FILM HYBRIDE Sur le tournage on a travaill avec un disposi tif
7. anmoins cette esth tique archa que les acquis modernes Tournage en ext rieur profondeur de champs couleurs et sons d font les allures th trales et artificielles du tableau primitif la qualit de a photographie comme celle des bruits concourent une grande impression de r alit et la continuit temporelle plus que soumise a dur e d une action est per ue comme un facteur de ce r alisme on est ainsi d embl e plus proche de Pialat que de M li s La belle id e du film est de condenser l opposition entre r alisme et esth tique du tableau dans un troisi me terme l invisibilit de l homme a monstruosit des bruits qu il produit la soli tude et la mis re de l enfant ou la pr sence de animal fr re et de la v g tation d sordonn e font r f rence des situations de contes mais sans jamais c der au merveilleux La maison de ogre l orphelin errant le Petit Poucet sem blent ainsi convoqu s dans leurs expressions es plus brutes les plus proches de l exp rience r elle comme si les Fr res Grimm avaient t r crits par Zola Le son du train embl matise ce travail Bruit concret connu de tous c est par son volume la fa on dont comme l homme son origine est pr sente l oreille mais absente l il et dont il vient la fois masquer les bruits de lutte et s y substituer pour m me paradoxale ment les amplifier qu il r ussit concentrer toute la peur En
8. de l enfant et bouclage final de la s quence l enfant repre nant sa position de d part Le principe premier du film est donc de substituer un effet spatial et temporel une visibilit plut t que de montrer ce qui effraie faire ressentir l effet de la peur sur la perception g n rale de l espace r duit mais comme trou par de multiples hors champs et du temps continu et cyclique travers par des chocs sans r solutions On peut en distinguer trois cons quences La Gravure de Gustave Dor pour Le Petit Poucet 1861 fixit du cadre et la continuit temporelle d abord renvoient des formes minimales voire archa ques du cin ma La simplicit des proc d s leur puret technique par rap port la sophistication de mouvement ou de montage de la plupart des productions actuelles donnent au film une valeur de mani feste il s agit ici d affirmer la puissance de la mise en sc ne comme choix pr cis d un axe de prise de vue par rapport l organisation de positions circulations apparitions et dispari olsse tions On retrouve un art proche des d buts du cin ma voir Piste 1 et de ce que l on appelle les tableaux l espace film frontalement tr s compos r serve des trous des chap p es par o les personnages passent et repas sent le plan unique sans coupe ni insert dure le temps n cessaire l ensemble de l ac tion Le film d Achard ajoute n
9. l extr me limite de la ville il est le lieu de l interroga tion sur l avenir Cette s quence introduit la sc ne des destructions du ponton on plonge litt ralement dans la fr n sie urbaine de notre poque 10 Mise en abyme du dispositif cin matogra phique Obras insiste sur notre capacit la sur perception sensorielle il y a beaucoup entendre et voir et sur notre condition de spectateur immobilis nous sommes les pri sonniers de la cam ra Il ne faut donc pas s y tromper loin de tout projet documen taire ce n est pas la destruction que donne voir Obras mais bien le spectacle de la destruction Deux natures d images sera int ressant de comparer Obras avec L Amour existe les deux films r agissant de fa on oppos e un m me sujet d inqui tude la transformation de notre environnement urbain Cette comparaison permettra notamment de r fl chir sur les diff rences de nature entre les images enregistr es et les images trait es ou cr es par ordinateur Le regard de Pialat transpara t dans chacun de ses plans dans Obras on ne sait pas qui ou quoi regarde car il ne s agit plus de porter un regard sur le monde mais de donner forme une vision Alors que Pialat fait un tat des lieux de la soci t de son temps en se confrontant la r alit et en d non ant les faux semblants qui nous la masquent Dusollier s loigne de la r alit pour recr er une Barcelone virtuelle et d tach e du
10. n rale des films Mise en sc ne d un traumatisme La Peur petit chas seur d une fantaisie temporelle Le Droit Chemin des liens du souvenir et de l utopie L Amour existe Obras ou du gag comme r gle rythmique de la vie French Kiss c est toujours partir du plan que s ouvre une temporalit englobante branlant aussi le spectateur La Peur petit chasseur par Cyril B ghin U ne vieille b tisse un jardin de boue et de mauvaises herbes un cel blanc derri re un rideau d arbres dans ce d cor de banlieue oubli e un enfant est l d s uvr prostr pr s d un chien et de sa niche Une femme sort avec une bassine pour tendre du linge sur le fil qui traverse le jardin L enfant l aide Mais un son venant de la maison r le ou appel d un homme la fait vite rentrer Quelque part tr s pr s de la mai son un train passe dans le fracas assourdissant on distingue les bruits d une lutte cris et coups violents L enfant d abord sans r action retourne se prostrer pr s de la niche une fois que le train s est loign La femme ressort r cup re sa bassi ne h site un instant devant l enfant et rentre sans un mot sans un geste Seul le chien s approche finalement de lui Laurent Achard Laurent Achard cin aste discret peu bavard sur son travail construit lentement une uvre la coh rence surprenante Depuis son premier court m trage Qu en savent les morts 1991 jusqu son derni
11. res Lumi re Arriv e d un train la Ciotat La Sortie de l usine Lumi re Lyon Le D barquement du Congr s de Photographie Lyon o encore La Place des cordeliers Lyon sont des films qui prennent pour d cor des b timents citadins mais aussi pour sujet l agi tation de la foule urbaine Par la suite le cata logue des Lumi re regorgera de vues consa cr es aux parades et aux monuments urbains Sans oublier le fameux D molition d un mur qui partage peut tre d j avec Obras une cer taine fascination pour la destruction architec turale Cependant si le cin ma est n dans la rue il va vite grandir en studio Il est d s lors n ces saire pour une partie importante de la pro duction de cin ma de fiction de recr er artifi ciellement la ville ses b timents et ses monu ments Ce passage au simulacre va rapidement exciter l imaginaire de la destruction et per mettre des narrations o la cit est soumise d innombrables catastrophes Le cin ma l aide de trucages divers depuis la fabrication de maquettes jusqu aux derniers travaux num riques va offrir au long de son histoire de spectaculaires sc nes de d vastation Il croise ainsi le chemin du cin ma d animation auquel il va emprunter ses techniques et ses images En effet depuis les dessins anim s de Winsor McCay o les fantasmes modernistes de gigantisme impliquent la destruction de la ville dans The Pet en 1921 un petit animal ne cesse
12. rieur d une gravure de la capitale Par ce pro c d qui poussait aux derni res extr mit s le d cor g n ral du film un Montmartre de carton p te Minnelli pr sentait Paris comme une ville se confondant avec son propre fan tasme une grande carte postale Kate et JP quittent le pont 13 La jeune fille claudique la tra ne toujours comme un pan tin se plaint de ne pas tre secourue et se rac croche un lieu commun antifran ais Ingrat on vous a sauv s en 45 JP l aide se d chausser M ais le pied de Kate ne peut longtemps rester nu c est dire non v tu d un clich c est d abord une citation impromptue sur ses orteils le Love de La Nuit du chasseur que Mitchum arborait sur ses doigts loi comique de l inversion 14 puis le dessin d un escar pin ou plut t d une pantoufle de verre qui se superpose au pied 15 fig dans une posture de salon d essayage Il s agit bien ici pour Kate d essayer fugacement un nouveau st r otype celui de Cendrillon en l occur rence Il n y a plus qu trouver le prince charmant Vitesses French Kiss frappe d abord par un choix formel surprenant filmer la vitesse de 21 images par seconde au lieu des 24 ou 25 habituelles cf Entretien Cette caract ristique ayant pour effet d acc l rer le rythme du film permettra de se pencher sur un l ment essentiel du proc d cin matographique un film est une s rie d ima
13. s inscrit dans une industrie de l attraction ces rides sont aussi populaires dans les parcs d attractions o ils sont renforc s par un dispositif forain d animation physique des si ges de la salle de projection Dans cette s quence le mouvement d appareil se fait plus entra nant et coercitif seule importe ici la spectacularit du projet visuel La suite de la s quence prolonge cette impression puisque la cam ra d ambule dans les pi ces comme le visiteur d une attraction lorsque son chariot le prom ne un rythme non modifiable de salles en salles mais en rupture avec celui du reste du film le changement de vitesse entre le mouve ment de plong e et celui de la visite m me ralenti insiste sur un temps en suspension La cam ra volue comme dans une autre temporalit un pass r volu dont elle arpenterait les couloirs de mani re contem plative coinc e entre deux dimensions L histoire est mise en tableaux en spectacle Le second aspect r v lant l importance du spectaculaire dans Obras tient pr cis ment dans la nature de ce qui est montr Chaque mur devient un cran de projection sur lequel d filent des images du pass r sur gentes tir es de documentaires sur la guerre civile notamment de films d auteur Luis Bunuel ou Pedro Almodovar ou du tournage effectu par Dusollier dans le quartier promis la restructuration Ces images fragiles pr c dent la s quence de destruction la
14. Kiss en le tournant 21 images IMAGES RAPPORT ES CITATIONS ET DOCUMENTAIRE Les r f rences la Nouvelle Vague dans mes films rel vent de l inconscient Dans L Heure de pointe je ne cherchais vraiment pas faire un pastiche ce que beaucoup ont cru Quand on le tournait l quipe pensait plut t que a allait ressembler du M ocky Godard est bien s r important pour moi mais je pr f re ses films les plus r cents Si j ai une r f rence consciente c est plut t Blake Edwards French Kiss semble fait de bric et de broc j aime bien le c t d braill faire semblant de ne pas faire attention On croit souvent qu il y a beaucoup d improvisation alors que c est en fait tr s crit Le m lange entre fiction et images documentaires rel ve du m me parti pris toujours casser le rythme m langer les diff rents r gimes d image et aussi ancrer un film a priori fantaisiste dans une poque et une r alit Les prises de vue du d fil du 8 mai ont t r alis es trois mois apr s le tour nage tout comme la s quence du pont et des cartes postales J avais un probl me de rythme au montage j avais besoin d une sorte de parenth se J en ai parl avec mon produc teur et on est finalement all au d fil avec les deux acteurs C est un d tour une digression la fois documentaire et irr elle ANALYSE Un d fi aux clich s Centrifugeuse gags French Kiss affiche sa strat gie de la
15. autorisations pour filmer sur la voie publique dans les gares sur les chantiers Le producteur juge aussi le premier commentaire crit par Pialat trop r volution naire gauchiste et lui demande de le r crire ce que le r alisateur fait avec parcimonie Une fois le film achev un probl me de distri 19 bution se pose quel genre appartient cet trange court m trage Est ce un documen taire sociologique comme la m me poque La crise du logement de Jean Dewever ou une chronique autobiogra phique Braunberger a pourtant l habitude des films atypiques la m me poque il produit Le Chant du styr ne d Alain Resnais M oi un noir de Jean Rouch les premiers courts m trages de Godard et des documentaires de Fran ois Reichenbach cin aste maintenant oubli dont la libert de tournage et de montage impressionnait alors beaucoup Pialat Malgr ces exp riences le producteur veut d abord r gler le probl me du genre du film en imaginant simplement comme en t moignent de nombreux courriers adress s au CNC et Pialat alors que l uvre est achev e depuis plusieurs mois mais n a toujours pas connu de sortie d en changer le titre le film s appellera dor navant Banlieues de Paris Cette substitution de titre n a finalement pas lieu et le film sort en premi re partie de Vivre sa vie de Jean Luc Godard le fr re ennemi de Pialat en septembre 1962 presque trois ans apr s l
16. avons cherch ce que le spectateur s interroge au plus t t sur ce qu il voit pour qu il ne re oive pas passive ment les images et les sons qu il pense que quelque chose n est pas sa place ANALYSE Au fond du t Voil comment tout a commenc Rien n attire plus la m fiance que ce type de pr ambule prononc par un parfait inconnu Le retour sur le pass la mise en avant de la sub jectivit le ton de la confession tout annonce le r cit de l innocent injustement accus ou du coupable implorant le pardon On comprend effectivement d s les premiers plans le lit les murs la fen tre travers e de lourds barreaux mais aussi peut tre la fum e de cigarette l envers et dont la direction contredit le mouvement de cam ra que cette voix est celle d un condamn Le surgissement du titre du film fait alors imm diatement sen tir l ironie de son ton puisque en principe le droit chemin n est pas celui qui m ne en pri son Le film d bute donc dans la claustra tion une cellule de centre p nitencier qui prend la forme insoutenable d un fond de puit homme est au trou celui dans lequel on croupit entre quatre murs priv de pr sent et d avenir avec tout juste le pass forc ment imparfait pour seul compagnon Le trou devient alors aussi celui de la m moire Il faut travailler le souvenir le d plier et l analyser pour comprendre les causes du malheur pr sent le parcourir en tous sens
17. celle des multiples actions qui s y inscrivent que ces derni res soient le fait des acteurs principaux des figurants d l ments de d cor ou de la cam ra elle m me Comme cadrage temporel le plan est aussi une mani re de rapprocher loigner renverser d caler une dur e Roland Barthes crivait par exemple que le ralenti est une loupe temporelle M ais de m me qu il est courant de privil gier en termes spatiaux des cadrages qui centrent les sujets le cadrage temporel se contente le plus g n ralement de faire correspondre la dur e du plan celle d une partie d une action recompos e ensuite par le montage dans un souci d conomie descriptive et narrative Les grammaires ordinaires du cin ma apparentent les films de vastes et pr cises m caniques dont chaque plan est un rouage tournant avec d autres pour des effets et suivant des encha nements r gl s en vue d un r sultat qui les d passe C est exactement cette m canique des encha nements et des r glages rythmiques que tr s t t dans l histoire du cin ma le genre burlesque va la fois mettre en sc ne et en crise l image embl matique de ce travail demeurant toujours celle de Charlot bloqu dans les roues dent es des Temps modernes 1936 Dans le burlesque des situations quotidiennes prennent des allures piques par d formation d un l ment de l action person nages disproportionn s aux vitesses mal adapt es maladroits
18. composition du d but Le film ne permet donc pas d observer des encha nements de plans des logiques de raccord mais incite porter une grande attention aux variations de com position aux diff rents hors champs et aux allures des personnages L enfant le chien la femme op rent des parcours simples et pr cis r alisent l int rieur de ce jardin une sorte de chemin de croix cyclique dont il s agit de d ter miner les stations Un long moment de prostration de l enfant et d immobilit du chien permet au d part de d tailler les l ments de la composition 1 constitu e de strates dispos es dans la profon deur et d bordant toutes du cadre vers les hors champs Un maigre rideau d arbres couvre le fond et travers son lacis de branches laisse passer un jour blanc une moiti de maison est continu e par un appen tis gris tre reprenant vaguement la ligne du toit en une sorte de diagonale qui va s craser vers la gauche Devant un fourr malpropre et une l g re pente du terrain font cho cette diagonale On aper oit un puit derri re le fourr Plus en avant un bidon bleu couch ouvre un trou circulaire vers la droite et une zone boueuse du jardin occupant la largeur du cadre Trois piquets pour un fil linge fuient en l g re perspective vers la droite suivant une diagonale inverse de la pr c dente L avant plan est vide les objets d cors et personnages restent grande distance de la cam
19. d enregistrement correspondant l id e que Laurent se faisait alors du projet une cap tation frontale en termes plastiques mais aussi Deux d cors non retenus dans le sens d un grand naturalisme On avait pr vu une restitution tr s th trale avec plusieurs valeurs de plans sonores et des d tails accentu s II y avait presque autant d l ments de prise que de sources ponc tuelles souligner l enfant le chien la femme la maison Il s agissait ensuite en post production de retravailler cette photogra phie sonore pour en tirer une narration r a iste avec quelques inflexions pour articuler ensemble Il existait en plus une sc ne off importante affrontement de l homme et de la femme lui aussi construit comme un moment de capta tion un acteur l int rieur de la maison simu ait une lutte avec l actrice au moment o elle rentrait On enregistrait simultan ment et cela nous donnait les l ments pour retravailler en post production AU montage apr s avoir mis une bonne quin zaine de jours pour choisir la prise Laurent a commenc restructurer le off Il s est rendu compte que son souci de captation naturaliste ne l amenait pas vers le sens recherch et on a commenc d truire chaque l ment de l enregistrement pour ne garder seconde par seconde que ceux qui importaient vraiment au del de la photographie sonore Le son et donc le film sont au final
20. d interrogation qui apparaissent l cran interrogent entre autres la place des Am ricains comme lorsque Kate se demande O vais je devant une enseigne reprenant des noms de villes du monde entier J assume compl tement le fond anarchiste La com die permet plus facilement de faire passer des id es alors que le film dit social pr che un peu pour les convertis et a tendance ressasser les clich s m diatiques Je trouve que de nombreux films de ce genre font semblant de r fl chir Je pr f re faire semblant de ne pas r fl chir CONTRE LES TOURNAGES ASSIS On est toujours debout sur mes tournages Je n aime pas r aliser assis parce que a fait logi quement un film assis On tourne sans combo moniteur je fais confiance au cadreur Comme j ai une formation technique je peux suivre parler d gal gal avec les techniciens Le rythme du tournage est tr s important Cela ne doit jamais retomber C est pour a que je pr f re les quipes l g res moins de dix com diens compris on se d place tr s rapidement on n a pas de grosse machinerie J ai une id e du montage tr s pr cise d s le tournage Beaucoup de r alisateurs tournent sous plusieurs axes par s curit et choisissent au montage M oi c est la plupart du temps un seul axe LE GO T DE L ACC L RATION Le rythme de tournage est aussi important parce que je voulais un film en acc l ration perp tuelle de plus en plus fo
21. de Stalker Andre Tarkovski 1979 Dans ce lieu d sert o des hommes accompagn s par le laconique Stalker viennent encore chercher les solutions leurs vies un animal aux allures inqui tes arrivent pour les accompagner un moment Il ne rassure ni n effraie Il n est le chien du stal ker chasseur en anglais que parce qu il par tage avec lui une mani re d exprimer une inqui tude sans objet visible oreilles dres s es sans autre proie que la peur MITEXTE TRANSVERSAL Limites de la continuit Le premier rapport historique entre les dur es du plan de l action repr sent e et du film est une stricte correspondance Dans le cin ma dit primitif avant l invention du montage les films sont des vues ou des tableaux compos s d un plan unique d en viron une minute montrant g n ralement une action localis e et compl te ou que la c sure du plan force consid rer comme com pl te on y reviendra plus bas Vues et tableaux constituent des premi res formes de ce que l on appellera plus tard le plan s quence repr sentation d une continuit d actions travers la continuit apparente d un plan Il faut pr ciser apparente pour au moins quatre raisons fondant la difficult d appr hension du plan s quence mais aussi sa belle complexit signifiante Au del du cin ma primitif lorsque la dur e des films a augment la co ncidence du film et du plan est devenu
22. de grossir au point de ravager la ville en 1947 Tex Avery reprendra l intrigue pour son King Size Canary le cin ma d animation s est souvent amus et mu de la fragilit des villes et sa libert de cr ation a favoris l illustration de la catastrophe urbaine On pense au Superman de Dave Fleisher s rie anim e pro duite d s 1941 qui fait la part belle aux images catastrophes mais aussi aux innom brables japanimations dont l imaginaire est profond ment marqu par les bombarde ments de Hiroshima et Nagasaki qu il s agisse de films de science fiction comme Akira de Katsuhiro Otomo 1988 Neon Genesis Evangelion de Hidaki Anno 1997 ou Metropolis de Ritaro 2001 ou d uvres plus Dark City 1998 Brazil 1985 37 sensibles qui osent aborder directement la catastrophe atomique le terrifiant Pica Don de Renzo Kinoshita 1978 rapporte avec une force visuelle peu commune le bombarde ment du 6 ao t 1945 Le cin ma en prise de vues r elles ira ainsi r guli rement chercher ses techniques et ses artisans dans le domaine de l animation Des films aussi divers que King Kong de Cooper et Schoedsack avec les ani mations de figurines de Willis O Brien ou Independance Day de Roland Emmerich 1996 avec ses m langes de maquettes et d effets digitaux ou encore The M atrix 1999 des fr res Wachowski la s quence o l on d couvre la d solation de la plan te en matte paintings et l tr
23. de la femme th r e soudain myst rieuse remplace celui de la jeune touriste Un point d interrogation s inscrit l cran interrogeant cette transformation et marquant au del une perplexit g n ralis e quoi se raccrocher si le monde est une valse de clich s se d samor ant les uns apr s les autres La panique saisit ce plan tr s pos une sorte de poster romantique avant m me qu il ne s ach ve la voix de JP sensiblement acc l r e intervient en amorce et coupe court la m di tation idyllique Suit un panoramique zoom 2 o Kate s apparente une marionnette elle suit JP de fa on d gingand e boitillant et poussant des a e m caniques la mani re d un automate d r gl Soudainement arra ch e un st r otype flatteur la baudruche semble se d gonfler D cr tant qu ils n ont plus le temps de visiter Paris JP y substitue un diaporama artisanal pr sentant Kate des cartes postales qu il lui demande d identifier 3 La premi re repr sente Notre Dame r ellement pr sente l ar ri re plan mais occult e par sa propre photo graphie La mise en abyme ne saurait tre plus explicite sur la fa on dont les artefacts se sub stituent ce qu ils sont cens s repr senter Kate s vertue pourtant toujours regarder l horizon si bien qu elle r p te Notre Dame alors que JP est pass une carte du Sacr C ur Agac il lui demande de se concentre
24. du cin ma de fiction la cam ra tait absolument fixe les mouvements tant ventuellement limit s ceux de l appareil sur son axe pano ramiques Le travelling n est devenu une figure de style que plus tardivement dans la deuxi me moiti des ann es 10 pour suivre un personnage se rapprocher d un motif impor tant d crire une sc ne tablir des liens signi fiants entre plusieurs l ments d un d cor Dans les ann es 20 et 30 entre Abel Gance Friedrich M urnau et Dziga Vertov la cam ra se Hiroshima mon amour 1959 23 d cha ne et les travellings non motiv s par le r cit trouvent leurs pleines expressions affec tives et m caniques les transports modernes trains voitures deviennent les m taphores d un cin ma d filant devant les images autant qu il les fait d filer le train de banlieue qui passe r guli rement au fond des plans de L Amour existe est pr cis ment d sign comme le mauvais travelling celui qui se fait seul au loin contre lequel Pialat organise des mouvements perpendiculaires antago nistes et apparemment immotiv s Le cin ma classique hollywoodien combine souvent l ar bitraire et la motivation du mouvement l exemple canonique en est le plan s quence du d but de La Soif du mal d Orson Welles qui tout la fois suit les protagonistes et r guli re ment s en s pare en un long travelling com bin des mouvements de grue parcourant les rues d
25. entre la trou e verticale invisible du puits et le cylindre couch du bidon le d cor est perc dans toutes les directions d ouvertures incertaines par o on peut dispara tre La fen tre et la porte par exemple 4 comme l entr e noire de l appen tis de ciment o l enfant entre et s efface quelques instants 5 Que cette miniature de maison c t de la maison soit le seul lieu dans lequel il p n tre confirme une autre cor respondance symbolique importante la mai son p re l appentis fils deux ruines immobiles plac es l une c t de l autre sans communi cation Une femme sort avec une bassine de linge v nement domestique l enfant revient le chien se rel ve mais c est pour adopter tr s vite des positions fixes un peu l cart le chien retenu par sa cha ne et l enfant comme fig dans l image par un poteau derri re lequel il s est exactement plac 6 Puis 7 ils recom mencent tous deux la correspondance du puits et de la niche comme en 3 avant que l en fant prenne la bassine pour aider la m re sans un mot 8 M ais elle rentre vite lorsqu un r le s chappe de la maison et l enfant reste sur place saisi 9 On entend un train approcher hors champ tandis que montent les bruits d une dispute plus le bruit du train aug mente plus on s attend le voir filer derri re les arbres mais on ne l apercevra pas plus que la lutte La disproportion entre le fracas norme la doub
26. est jamais purement descriptif Comme les plans il est constitu d un montage de plusieurs types de discours ou de r cits Aux changements d angles des prises de vues r pondent des changements de registres dans le texte et des variations de ton et de rythme de la voix du narrateur Au texte lu s ajoutent la musique et de nombreux bruitages sans oublier les silences Les rapports des sons avec les images sont alors passionnants tudier On pourra par exemple se demander si le pr sent du texte voquant souvent des g n ralit s est le m me que celui des images nous montrant des tres et des choses pr cises Ou comment est per ue la pr sence des tres et des choses film s lorsque le texte est au pass On constatera aussi des d calages entre ce qui est dit et ce qui est montr Par exemple le narrateur voque le regard encore pur de l enfance sur l image d un paysage gris et sale On pourra galement s int resser au pouvoir de suggestion des bruitages Par exemple lorsqu on entend l abattage d un arbre sur un plan de for t ou lorsqu un bruit de carriole et la voix d un enfant voquent des r miniscences dans le parc o vont s asseoir Un pass mouvant un pr sent statique L une des premi res phrases du commentaire de L amour existe m rite que l on s y attarde La m moire et les films se remplissent d objets qu on ne pourra plus jamais appr hender Cette phrase voque l un des
27. et plus rares plus insolites et plus surr alis s qui rappellent plus forte ment aussi le miracle oubli de l univers en en r v lant des formes auparavant insoup onn es L Amour existe par Cyril B ghin M tros voitures trains de banlieues Les travailleurs pari siens rentrent chez eux et dans ce grand reflux des corps le film se glisse pour amorcer un reflux de m moire Des lieux d enfance entre coles cin mas et terrains vagues tous pay sages pauvres de l apr s guerre ouvrent une grande m lan colie que ferment bient t des constats contemporains La ban lieue de cette fin des ann es cinquante touffe on n y vit qu en petit sans espoir ni projet entre pavillons tristes et urbanisme concentrationnaire parach vement de la s gr ga tion des classes La vie semble paisible mais il suffit de s avan cer tourner le regard pour d couvrir la pauvret et la violence bidonvilles d linquances Et plus tard mis re de la retraite de l asile Personne ne veut garder la m moire de ces martyrs ordinaires quelques images le feront 18 M aurice P ialat Tuer le p re br ler le chemin derri re soi nier l in fluence ou l h ritage tout en les travaillant de l in t rieur ont t les leitmotivs des films de M aurice Pialat 1925 2003 qui de L Amour existe 1961 jusqu au Gar u 1995 se sont labor s dans des relations contradictoires avec des genres des styles des aut
28. fin une naissance et une mort de l image Elles ajou tent l apparence de la continuit celle de la compl tude et don nent au plan son autonomie triomphante 10 Le Droit Chemin par Dick Tomasovic U jeune homme raconte son histoire sa sortie de prison il pense ne pas pouvoir changer retrouve sa copine toxico mane recommence dealer et renonce la vie de citoyen mod le Pourtant il se rapproche de ses parents et trouve un travail l usine dans lequel il s panouit II arr te la dope reprend des tudes et d couvre une nouvelle confiance en lui C est ce moment qu il apprend que ses parents ne sont pas ses v ritables parents Il rencontre sa vraie m re et s en rap proche tr s rapidement au point de bient t ne plusla quitter Cependant les images que d roule le film laissent appara tre un d calage de plus en plus important entre la bande son et la bande image ric semble confondre le d but et la fin de son histoire 11 M athias Gokalp N en 1973 Mathias Gokalp apr s une ma trise de Lettres Modernes Paris dont le sujet de m moire abordait d j des questions d criture cin matographique se dirige vers une carri re de cin aste en suivant l enseignement de l Insas Bruxelles Il travaille comme premier assistant sur divers courts et moyens m trages ainsi qu en t l vision au journal t l vis de la Radio t l vision belge francophone RTBF Il r alise e
29. forme d un r cit rebours il faut revenir en France C est un film d Alain Resnais Le Chant du Styr ne 1957 qui l instar du Droit chemin propose une stricte remont e dans le temps partir d une commande des usines P chiney il s agit la base d un film d entreprise Resnais ordonne une enqu te po tique sur la mati re plastique trait e par la firme Pour y parvenir d une part il s adjoint les services et la plume de Raymond Queneau qui crit un commentaire insolite et lyrique et d autre part il provoque un renver sement des tapes de fabrication Le film d bute par le produit fini et remonte les diff rents stades de la mati re pour retrouver en un dernier plan celui quasiment abstrait de la gen se du plastique De la sorte Resnais pro duit une d mat rialisation des corps du solide vers le gazeux et ne parvient jamais expli quer pr cis ment la formation du p trole Cette faille du r cit et ce traitement particulier de la temporalit seront au c ur de la plupart des films de Resnais dont on sait qu il est venu au cin ma par le montage et qu il est hant par la question du temps Hiroshima mon amour 1959 l Ann e derni re Marienbad 1961 Muriel ou le temps d un retour 1963 etc Ses uvres sont des mod les de construction o l agencement et la reconstitu tion finale des l ments passent par leur cla tement temporel Les ruptures formelles et logiques l ordre disparate
30. images du jour qui tombe ne disent pas autre chose Si cette ville se meurt alors Obras est effectivement son embaumement sa tha natopraxie nulle conscience politique ici juste une s rie de figurations po tiques Dusollier commence par personnaliser la ville Il lui attache une musique et une lumi re douces une atmosph re charmante et des traits sensuels c est toute la premi re partie consacr e aux derniers jours avec les diff rentes silhouettes qui profitent de la douceur d un soir d t la d licatesse d un personnage f minin les rondeurs aimables d un manne quin de couture etc La rupture est alors bru tale la destruction bruyante et la lumi re blanche agressive m nent aux pires images de d solation humain est remplac par des machines qui semblent grignoter les immeubles de l int rieur comme un cancer La ville avoue un c t organique rong par la maladie C est visiblement la partie int ressant le plus le r alisateur qui y multiplie de specta culaires effets plastiques images qui se tor dent ou se froissent se couvrent de cendres et de poussi res se souillent et se tachent L encre clabousse salit gagne tous les espaces et finit par redessiner une autre ville Le troisi me temps du film donne avec ses lignes droites et sa lumi re clinique l id e d une convalescence forc e La fin retrouve le climat agr able des premi res images moins comme une promesse de retour
31. la suite la m lancolie fait place une perception plus politique du temps la m moire mouvante s oppose alors un temps inhumain o le futur a d j un pass et le pr sent un ternel go t d attente un temps amn sique menac par la r p tition des m mes offenses l enfance malheureuse des m mes horreurs celles de la guerre que dans le pass On peut alors penser W ou le souvenir d enfance de Georges Perec qui alterne des souvenirs intimes inscrits dans une p riode pr cise de l histoire la Seconde Guerre mondiale l aussi avec un r cit tr s distant voquant une violence sociale intemporelle Comme Pialat Perec alterne entre une subjectivit fleur de peau et une apparente froideur pour voquer les barbaries de leur si cle 21 ANALYSE Faits et gestes Documentaire la premi re personne du sin gulier portrait d enfance tiss dans un tat des lieux social de la France de la fin des ann es cinquante g ographie imaginaire d une ban lieue grise sans fin ni centre L Amour existe est un objet non identifiable fuyant comme ses travellings et fuguant comme une m lodie aux th mes inextricablement m l s Du docu mentaire il emprunte la fois un dispositif esth tique le commentaire off et un go t pour la concision des images et des informa tions les faits sociologiques sont dat s ou chiffr s d montr s par les vues de paysages urbains ou d int rieurs Pourtant les
32. ou trop adroits exacerbation ou d flation des encha nements dans l espace avec par exemple la figure de la course poursuite et dans le temps avec par exemple le running gag ou gag r p tition D flation parce que comme vu dans la partie Piste 1 avec l exemple du slow burn illustr par Buster Keaton ou Blake Edwards le gag peut aussi se baser sur un ralentissement outran cier de l action des temps de r action des personnages ou de la mise en place d un dispositif comique Dans tous les cas une par tie de l effet du gag tient dans son rapport la dur e du plan et la possibilit apr s lui de continuer l action donc de faire un rac cord Tr s lent ou tr s rapide le gag constitue souvent le seul sujet du plan ou forme en son sein une pointe un climax une fois effectu achev il forme une unit simultan ment close le gag a t reconnu il a produit son effet et ouverte quelque chose d autre arrive il permet au r cit de continuer Dans French Kiss le running gag de l interrupteur qui fonctionne par impulsion gags sonore s teignant ou s allumant au moindre claquement de mains ou de porte est une excellente illustration et m taphore de cette double nature temporelle du gag Pr par es par le r cit on a com pris le fonctionnement de l interrupteur dans une premi re sc ne les r apparitions de cette petite machine sont toujours tr s rapides et une foi
33. paradoxes du cin ma en retenant l apparence des tres et des choses il confirme leur absence ce sujet voir le texte d Andr Bazin Ontologie de l image photographique in Qu est ce que le cin ma Elle annonce aussi la m lancolie dont est emprunt ce film voquant un pass regrett des morts des paysages d truits par la guerre la transformation de notre environnement la fuite en avant d une soci t o l enfance est maltrait e et la vieillesse ignor e On remarquera que le d filement du temps est tr s vite associ au passage d un train qui passe comme dans un film Chaque mouvement de cam ra voque ainsi un mouvement temporel autant que spatial comme le temps la cam ra passe sur les choses pour aussit t les abandonner Ce n est donc pas un hasard si la premi re phrase du commentaire Longtemps j ai habit la banlieue voque celle de la recherche du temps perdu Longtemps je me suis couch de bonne heure Il est int ressant de noter que chez Proust on emprunte aussi beaucoup de v hicules comme au d but du second chapitre de Du c t de chez Swann o la ville de Combray est d abord d crite travers ce que peut en percevoir un voyageur arrivant par le train Le mouvement du train voque l aussi celui de la m moire du narrateur Mais la comparaison avec Proust concerne essentiellement la partie consacr e l enfance ainsi qu une fraction de celle consacr e la vieillesse Par
34. passer la m re enceinte peinent faire oublier que le personnage quitte une r clusion pour un inter nement une d tention pour une claustration un non lieu pour un autre ANALYSE DE SEQUENCE L amour la machine Il y a au moins deux histoires d amour et une fable dans Le Droit Chemin et comme toutes les histoires d amour elles finissent mal sinon elles ne finiraient pas La premi re est celle que nous raconte la bande image condition de la prendre rebours Elle est l histoire que le narrateur refoule et modi fie le socle du songe optimiste qu il entreprend en prison Il suffit pour la lire de prendre le film revers et lier les diff rentes sc nes met tant en pr sence le narrateur et Golda Il travaille dans une usine de textile elle aussi Elle le regarde pendant qu il travaille Puis il la regarde leurs regards se croisent avec un l ger sourire embarrass Une histoire d amour d bute 1 Face face dans les rayons des v tements confectionn s ils discutent il la fait rire elle l embrasse 2 Ils travaillent c te c te mais l usine ferme II est le dernier quit ter l usine 3 Ils se voient le soir dansent dans la rue et paraissent heureux et amoureux 4 Apr s avoir pass la nuit ensemble il la regarde au petit matin alors qu elle dort Il observe son bras et remarque qu elle se pique 5 Nouvelle treinte du couple au bord du lit Il est pris dans ses bras 6 Il
35. qu elles impliquent et l alternance permanente et structurelle entre r el et imaginaire aboutissent un montage coh rent mais dont le sens reste ouvert voire insaisissable Le Droit Chemin prenant contre pied la dramaturgie habituelle et reli sant le r el l aune de l imaginaire participe sa mani re au travail de grande d construction du r cit classique de ces films MITEXTE TRANSVERSAL Le d lire d une machine L action du montage peut tre r duite au seul choix d un d but et d une fin pour un plan choix qui en ouvrant et arr tant le temps de ce qui est vu arr te aussi la signification de l image Dans le plan s quence de La Peur petit chasseur le simple effet de com pl tude produit par la cl ture l arr t du plan unique est redoubl par la mise en sc ne d une sorte de boucle temporelle l en fant reprenant la fin sa position initiale Tout en offrant ainsi des marqueurs clairs de d but et de fin le film les confond et la sc ne peut imaginairement recommencer Le plan est donc bien complet et autonome m me si on peut y ressentir des effets de mon tage internes des failles et des diff rences rythmiques cf Texte transversal pr c dent les sentiments d unit et de d extr me tension produits par la fixit du cadre et l apparence de continuit temporelle sont confirm s Ce petit morceau de temps int gral tourne sur lui m me ind finiment Le Droit Ch
36. r cite Les ch teaux de l enfance s loignent Les adultes reviennent dans la cour de l cole comme la r cr ation Puis des trains les emportent la cam ra passe d une vue loin taine des moulins de Pantin les ch teaux jusqu des trains l arr t sur des rails partant l infini en un panoramique qui semble un trait horizontal barrant s chement le cours 22 normal du temps On ne comprend pas pour quoi les adultes reviennent dans la cour de r cr ation sinon pour voquer une pulsion nostalgique semblable celle du film on ne sait pas si les trains dont il est question emm nent vers le travail ou sont d autres trains de fra che m moire ceux de la guerre c t des machines immobiles les seuls mouvements viennent des voitures passant sur une route parall le comme dans une autre dimension du temps et de la cam ra qui relie tous les l ments Lorsqu il s agit de lieux ou d informations sta tistiques une m me logique du raccourci et de la concr tion invente des rapports o s expri ment une brutale m lancolie les si ges du cin ma d enfance raccordent avec les bennes d une drague en action ou une critique sociale cynique la juxtaposition du nombre de microbes dans un m tre cube d air et du nombre de frappes d une dactylo Les moulins de Pantin existent d abord dans un plan fron tal puis par un magnifique raccord sont comme diffract s en mille clats du sou
37. surench re Antonin Peretjatko le dit lui m me cf Entretien l essentiel ne r side pas dans l efficacit ou la subtilit de chaque plaisanterie mais dans la rafale de leur succession M anifestement allergique au vide le film encha ne les p tarades quitte ce qu elles ne soient pas toutes parfaitement des sin es ou abouties et pourvu que beaucoup de registres comiques soient repr sent s du na f l grillard du langagier au grotesque Cette fi vre influe sur la texture m me du film qui n h site pas volontairement d brailler son filmage par le recours des jump cuts et des mouvements de cam ra souvent des panoramiques en apparence pr cipit s et cavaliers Ce dilettantisme formel bien pr m dit se manifeste aussi dans une photogra phie sans appr t et un refus quasi militant de la transition narrative ou visuelle au profit de coupes franches et rugueuses French Kiss s apparente une pochade composite un col lage soulignant ses jointures de mani re d au tant plus frappante que les deux films pr c dents de Peretjatko L Heure de pointe et Changement de trottoir pr sentaient des plans beaucoup plus compos s et une stylisa tion visuelle tr s homog ne grain l gant du noir et blanc dans le premier palette de cou leurs acidul es dans le second Au del du seul go t pour la farce cette pr cipitation peut aussi tre con ue comme le sympt me d une d sorientation
38. temps avant de s en rendre compte notre esprit glisse sans cesse sur ce probl me et nous force inventer notre propre film Cela faisait un certain temps que je cherchais une id e pour employer un d calage entre la bande son et l image qui soit producteur de sens Enfin l envie du film vient aussi d un sen timent tr s fort qu on peut tous conna tre un moment de notre vie l envie de revenir en arri re de litt ralement faire marche arri re sur certains v nements Malheureusement cette mani re de revenir en arri re est de la r gression et quelque part une force assez morbide RECULER R GRESSER Dans le cas du personnage du Droit Chemin deux raisons peuvent expliquer ce mode de pens e la drogue et la perte le deuil Pouvoir revenir en arri re c est avant tout la possibilit de faire revivre les morts ceux qui sont partis M ais cette aspiration que nous avons tous est effectivement r gressive Ne pas vouloir faire son deuil est paradoxalement agr able une forme de soulagement dans le d ni mais c est aussi profond ment r gressif De ce point de vue la sc ne du couple ric Golda est impor tante parce que c est le premier moment o l on peut se rendre compte que revenir en marche arri re perturbe les choses Le specta teur se pose des questions puisque tout porte croire qu elle est morte mais finalement elle est en vie C est un peu le mythe d Orph e retournant aux enfers et retrouvan
39. tre Lorsque les proies du chasseur sont des sentiments ou plus pr cis ment des tats affectifs son chien ne ram ne pas des corps sinon le sien voil une r signation dans sa marche une stup faction dans son arr t une tristesse dans sa gueule Voil des affects sau vages captur s dans la simplicit obtuse des allures et des positions Au centre du cadre au c ur de l espace du drame le chien re oit et absorbe sans bruit tout ce qui arrive et offre ainsi une version ultime mais aussi nonchalante des immobili t s de l enfant C est que fid le aux affects il n en est pas le simple miroir toute la mise en sc ne s alimente des diff rences du chien l enfant comme de l gers effets de retard ou de manque dans le jeu des redoublements Alors qu on le croyait au diapason de la tristesse l animal soudain se gratte ou va se coucher Sa nonchalance est sa capacit d oubli Le chien se tient strictement dans le moment de l v nement il accompagne les mouvements de son ma tre sans les prolonger indiquant un autre temps psychologique possible Leur diff rence r side dans ces disparitions des signes affectifs qui viennent souligner combien l en fant est lui t tanis jamais Si le chien est le compagnon compassionnel de l enfant ce der nier ne sera jamais aussi libre que le chien par rapport la dictature des affects Le film laisse alors doucement comprendre que la douleur inconsciente d
40. un fondement essentiel du comique La figure du grand enfant asexu est classique dans le cin ma burlesque D o une ambigu t de ses h ros une obsc nit secr te qui amuse en m me temps qu elle rebute confus ment les autres protagonistes l inqui tant Harpo des Marx Brothers la limite du maniaque Jacques Tati le rapport lunaire de M Hulot avec les jeunes filles Peter Sellers sa bluette distendue dans The Party de Blake Edwards Il est naturel que la r gression inversion du sens naturel prescrit par la biens ance appa raisse comique au del des attendus chariva ris et carnavals ou du seul registre grotesque elle implique bien le comique en tant que tel jusque dans ses manifestations les plus cul L Li The Party 1968 turelles Le comique de langage par exemple n y chappe pas notamment via le jeu de mot dont French Kiss ne fait pas l conomie qui consiste prendre le lan gage au pied de la lettre en oubliant la r alit des choses bien connue dr lerie des confu sions langagi res chez l enfant Dans French Kiss la r gression n est pas seule ment un moteur comique Elle est aussi id o logique les commentaires politiques ne peu vent d passer le stade du ricanement et sur tout esth tique sollicitant clich s et imagerie kitsch le film dessine le d sarroi d tres aban donn s des id es et des formes toutes faites et s en contentant puisqu ils ne par
41. une gageure esth tique deux exemples canoniques en illustrent les limites Certains films d Andy Warhol comme Empire 1964 ou Eat 1963 sont des plans fixes dont la dur e varie de 8 heures pour le premier montrant l Empire State Building en plan fixe et temps r el 45 minutes pour le deuxi me montrant de la m me mani re un d jeuner complet du po te John Giorno Le c l bre film d Alfred Hitchcock La Corde The Rope 1948 d roule un r cit policier dans le huis clos d un appartement l aussi sans montage mais avec beaucoup de mouvements de cam ra Dans les deux cas la continuit est feinte techniquement chez Warhol mais de mani re r duite parce que la quantit de pellicule maxi mum contenue par une bobine force des raccords toutes les 11 minutes Techniquement et narrativement chez Hitchcock et de mani re forte parce qu en plus de la contrainte li e la dur e de la bobine for ant des trucages pour masquer le moment du rac cord l histoire n est pas racont e en temps r el mais soumise de discr tes ellipses On peut mieux comprendre partir de ces exemples l id e d un caract re apparent de la continuit du plan s quence Elle a souvent t comment e dans des textes de th oriciens ou de cin aste qui constituent autant d indispensables introductions aux probl matiques du temps cin matographique raison pour laquelle nous allons en citer quelques uns 1 Le s
42. 4 LYCEENS 2005 2006 AU EN R GION CENTRE TEAT PEIEE n d el A Ft ne i it LES 45 a r M Qu m 1h EL Eu MITETERETOITE EE TDPI HI TS now e l o Les r dacteurs Cyril B ghin r dacteur en chef r dacteur du texte transversal et des textes sur La Peur petit chasseur et L Amour existe doctorant l UFR Cin ma et audiovisuel de l universit de Paris III et r dacteur dans diverses revues Cahiers du cin ma Balthazar Cinergon Marcos Uzal r dacteur p dagogique titulaire d un DEA en Etudes Cin matographiques et audiovisuelles co directeur de la collection C t films pour les ditions Yellow now Il contribue r guli rement aux revues Trafic et Vertigo et anime de nombreuses s ances destination du jeune public Dick Tomasovic r dacteur des textes sur Le Droit Chemin et Obras doc teur en philosophie et lettres auteur de nombreux articles notamment sur le cin ma d animation et de pi ces de th tres Egalement r alisateur de vid o clips Herv Aubron r dacteur du texte sur French Kiss journaliste et critique de cin ma il collabore diverses publications parmi lesquelles Lib ration le magazine Epok ou la revue Vertigo Il pr pare actuellement l Ecole des hautes tudes en sciences sociales une th se consacr e la notion de Kitsch au cin ma Mode d emploi Ce livret est d coup en deux grands niveaux Le premier cor
43. Court c est encore un plan condition qu il puisse venir avant ou apr s un long Seul compte l encha nement Qu est ce qui d finit en propre le cin ma Dans ces quelques notes amoureuses extraites de L Exercice a t profitable Monsieur P O L 1993 Serge Daney tranche une r ponse Appartient au cin ma ce dont je ne peux faire nulle part ailleurs l exp rience vive et renouvel e et qui n cessite ma pr sence de spectateur pour exister l exp rience du temps tel qu il est contenu et model par les plans et leur montage Ni la projection d j mise en uvre tr s t t par les lanternes magiques ni la simple illusion du mouvement d une image d j invent e par les kin toscopes au XIXe si cle mais le plan en tant qu image ins parable d une cer taine dur e qu il faut prouver enti rement pour jouir ensuite des encha nements de ces dur es et de leurs rapports Le cin ma a invent une image doublement cadr e le plan D limit e dans l espace cette image offre des vues mobiles la mani re d une fen tre d un tableau ou d un diagramme volutifs dont le contenu et la composition changent suivant les mouve ments de ce qui est repr sent ou du cadre lui m me D limit e dans le temps elle appara t et dispara t le plus souvent une fois mais rarement seule suivie et pr c d e d autres images dont les encha nements r gl s constituent un film Ce cadrage temporel de l image
44. TIT CHASSEUR La Nuit du chasseur Charles Laughton 1955 DVD MGM L Argent Robert Bresson 1983 DVD MK2 Stalker Andrei Tarkovsky 1979 DVD M K2 r f ADAV 44725 Pour voir les films des fr res Lumi re www institut lumi re org films de la premi re s ance du cin mato graphe le 28 d cembre 1896 Le cin ma une histoire de plans premi re s rie VHS Les Enfants du cin ma 2 rue de Turenne 75004 Paris 01 40 29 09 99 Louis Lumi re Eric Rohmer 1968 DVD CNDP r f ADAV 12923 Petit petit le cin ma DVD CNDP vid o p dagogique autour du court m trage comprenant de nombreux films Lumi re LE DROIT CHEMIN L Homme la cam ra Buster Keaton 1929 DVD CNDP r f ADAV 51780 Memento Christopher Nolan 2000 DVD Fox Path Le Testament d Orph e Jean Cocteau 1960 DVD Universal Le Jour se l ve Marcel Carn 1939 DVD Universal A I Steven Spielberg 2001 DVD Warner Hiroshima mon amour Alain Resnais 1959 DVD Arte Vid o r f ADAV 52589 La Fl che du temps Martin Amis roman Bourgois indisponible voir en biblioth que Guerre du temps et autres nouvelles Alejo Carpentier nouvelles Gallimard L AMOUR EXISTE Les peintures de Pialat sont r unies dans le catalogue de l exposition Pialat peintre disponible sur www institut lumi re com Les films de Pialat sont r unis dans deux coffrets DVD Gaumont com prenant nota
45. ain puisque tout reprend sa place initiale Th ophile Gautier propos du tableau de Flandrin Triste douloureux r veur qui ne veut se laisser distraire par rien chevrier ayant perdu son troupeau ou naufrag seul sur une le d serte que fait donc que veut exprimer ce jeune homme C est ce que nous n avons pu deviner Mais le sujet importe si peu en Art Une pose nouvelle une belle ligne conduite d un bout du corps l autre une flexion du torse un arrangement de main un tour de t te suffisent et sont en peinture les v ritables id es Quant aux mains qui plongent dans le vide et attirent le regard elles sont comme deux s urs dont l une plus vigoureuse prot ge l autre abandonn e douce lumineuse ANALYSE La naissance de l ang Ils supportent et ils r sistent c est ainsi qu une vieille femme voque le courage des enfants malheureux en g n ral et de deux orphelins poursuivis par un meurtrier en parti culier dans l avant dernier plan de La Nuit du chasseur de Charles Laughton 1955 Mais dans cet autre malheur d enfance d crit par le court m trage de Laurent Achard qui est chasseur Est ce la peur t tanisant l enfant travers les cris et les violences d un homme qu on ne voit pas ogre ou p re Et on se sou vient que chez Laughton le personnage de Robert Mitchum faux p re et vrai meurtrier enferm dans la maison pousse aussi un r le terrible paraissant maner des murs O
46. alat nous fait traverser ces paysages en allant de l enfance la vieillesse Gokalp va rebours pour mieux figurer la marginalit et l isolement de son personnage Cela donne parfois lieu une certaine ironie notamment propos du monde du travail comme le sugg re l employ e de l A N PE la forme contre nature du film correspond galement la logique du curriculum vitae et on remarquera combien l inversion des gestes rend le travail l usine absurde Comme L Amour existe ce film confronte l intime au social On notera que dans les plans o le protagoniste est en t te t te avec sa petite amie l inversion temporelle semble ne plus avoir cours Deux plans du film pourront tre compar s pour analyser cette opposition entre le social et l intime celui o le protagoniste est debout sur un pont au dessus d une circulation reculons et celui o il danse avec son amie Dans le premier il est seul et immobile contre courant d un monde froid et m canique dans le second il est accompagn dans un mouvement tendre et harmonieux 15 A l Dans A I de Steven Spielberg 2001 comme dans Le Droit Chemin un enfant abandonn il s agit d un enfant artificiel ayant une apparence parfaitement humaine parvient retrouver sa m re par del le temps Bien qu ils soient formellement tr s diff rents ces deux films sont hant s par une m me obsession dipienne et reprennent des l ments fr quents dans les contes pou
47. ange Dark City 1998 d Alex Proyas les effets de morphing sont appliqu s aux b timents la ville y est en permanente m tamorphose t moignent de ces hybridations Loin du film catastrophe Obras est pourtant fascin par l mergence et la d sagr gation urbaine N dans les rues les fragments du r el qui le composent il a grandi en studio pour se voir appliquer divers traitements visuels qui renforcent sa po tique de la destruction Plus certainement la r f rence d Obras et de ses mouvements irrationnels de son artificia lit affich e de son tat de crise d une moder nit urbaine d vorante est probablement quelque part entre la ville aberrante que Tati avait fait construire pour Playtime 1967 et celle extravagante de Gilliam dans son Brazil 1985 voir la s quence onirique de la ville qui pousse On sait combien ces derniers cin astes sont sensibles la plastique de l image une forme de graphisme visuel en mouvement Obras sa mani re prolonge ce type d approche Pierre H bert cin aste d ani mation qu b cois a souvent d clar que l ani mation et la ville entretenaient des rapports troits Le cin aste d animation parce qu il est imbriqu dans l image par image parce qu il travaille partir d un rythme machinique industriel urbain est totalement circonscrit par la ville prisonnier d une fiction urbaine Plus encore que dans le cas de la prise de vues r elles l animateur vit in
48. avail d animation gra phique les installant dans un rapport de proximit ou de familiarit tout en les inscri vant dans un univers parall le et artificiel La sc ne la plus embl matique de cette mise en spectacle de la ruine ainsi que du regard du spectateur se d roule peu pr s au milieu du film Il s agit de ce moment o la cam ra entreprend de parcourir les soubas sements des immeubles et d couvre dans le m andre des lieux abandonn s des images projet es sur les murs Deux aspects sont ce moment remarquables le t l gui dage hypnotique du regard du spectateur et la mise en abyme du dispositif cin mato graphique Obras est constitu d un seul faux mouve ment d appareil Apr s avoir lentement vo lu au milieu des bulldozers et survol les derniers b timents en place 1 la cam ra acc l re son mouvement bascule soudaine ment et plonge travers une s rie de bar reaux descendant rapidement entre les structures d acier s parant les tages des b timents 2 Le mouvement vertigineux pi ge le regard en le saturant Reposant sur le principe de cam ra subjective mise en rapide mouvement il plonge le spectateur en plein c ur de l action en lui faisant vivre des sensations visuelles fortes Le mod le de ce type de mouvement se trouve dans le c l bre pisode IV de Star Wars 1977 lors de l attaque finale de l toile noire Depuis il est devenu tr s commun Hollywood et
49. battre en un geste de violence muette quiva lent la fin de la premi re partie La derni re d bute par la description des transports au petit matin puis montre des retrait s d s u vr s avant une r f rence la Commune de 1870 et un ultime geste de violence statufi e Ces indications sont donn es la fois par la voix off et des images qui ne sont jamais du domaine de la citation ou de l archive tout comme le narrateur maille son discours de souvenirs d enfance les strates temporelles du paysage de la banlieue sont directement mises nu Pialat filme du Paris des ann es cin quante une sorte d uchronie un non temps suspendu entre les va et vient d une m moire individuelle Longtemps j ai habit la ban lieue la torpeur d test e de la petite bour geoisie Vies dont le futur a d j un pass et le pr sent un ternel go t d attente et la volont de dresser un monument aux marges de l histoire officielle contre l oubli ordinaire de la pauvret des banlieues Il ne doit rien rester qui perp tue la mis re Le film est magnifique lorsqu il r ussit entrecroiser l en semble de ces dimensions avec peu d effets et dans un minimum de dur e pour cr er de soudaines concr tions temporelles abstraites des moments o les diff rentes poques se nouent ou se succ dent tr s rapidement entre le commentaire et l image Ainsi la fin de la premi re partie tandis que la voix off
50. bruit du train d borde sur un lent travelling travers la porte d un cabanon nous r v lant un jeune enfant qui pleure seul 10 C est le train qui semble nous porter jusqu lui et marquer avec le silence presque complet une rupture nette on se souvient alors des autres travellings avant du film qui expriment tous une sorte de subjectivit sans sujet emprunte de rage ou de m lancolie Apr s avoir consacr plusieurs plans l imagerie le film ouvre un temps long la mis re r elle vues de bidonville retour d une inscription publicitaire parodique mais dans un tout autre sens que pr c demment 11 autres vues d int rieurs mis rables avec parfois quelques hommes 14 Une couverture de magazine en transparence sur une fen tre 12 ou des affiches publicitaires servant de tapisserie 13 renvoient aux premiers raccords ces lieux sont le v ritable envers du monde et ces gens sont enferm s invisibles derri re les images de la soci t marchande Ce lieu de ruine s croule sur lui m me se d sagr ge dans l indiff rence 15 et le com mentaire reprend comme apr s avoir retenu son souffle Ils existent trois kilom tres des Champs Elys es Le film ne se contente pas de montrer ce que l on ne savait pas voir il r v le surtout le scandaleux voisinage des contraires dans l espace et en fait la mati re d une col re dans les images Rapports sons images Le commentaire de L Amour existe n
51. cin matographique d termine la fois un travail sur sa dur e interne et sur le souvenir qu en conserve le spectateur d o la r f rence de Daney la musique qui peut rappeler de c l bres m ditations de Saint Augustin sur la mani re dont la perception des sons et par exemple des paroles claire celle du temps Chaque syllabe longue a une dur e double de chaque br ve M ais Qu est ce donc que je mesure O est la br ve qui est ma mesure O est la longue que je mesure Toutes les deux ont retenti elles se sont envol es elles ont pass elles ne sont plus Ce n est donc pas elles que je mesure puisqu elles ne sont plus mais quelque chose qui demeure grav dans ma m moire C est en toi mon esprit que je mesure le temps Les S Confessions livre 11 chap 27 Ne garder que le souvenir des plans selon la formule de Daney c est conserver le souvenir d in tensit s et de rapports temporels t moigner comme Saint Augustin d une exp rience directe du temps ne pouvant se dire que sur un mode indirect Que ces intensit s et rapports soient li s un r cit une action un geste n est important qu proportion de cette inscription pr cise dans une dur e qui fait partie d eux et que le spectateur doit traverser a n est donc pas le mouvement qui d termine fondamentalement le g nie cin matographique mais la relation entre un temps v cu devant des images fluentes e
52. citaire d une op ration immobili re 6 La logique des raccords pr c dents s inverse non plus de l image lis s e aux corps brutaux mais du chantier chao tique l ic ne utopique Tandis que le com mentaire multiplie les attaques acerbes la bande image semble faire sienne l imagerie entre multiples inserts sur des annonces d avantages pour les acqu reurs d apparte ments 7 et parodie de publicit en deux plans d un champ contre champ 8 La m lodie de Georges Delerue que l on entendait jusqu ici laisse place une fade musique d ambiance M ais le retour de l insert Voiture gratuite 7 sert de pivot pour un nouveau basculement vers le paysage d sol d un bord de voie ferro viaire 9 en d signant la fois la voiture vue en fond de plan en 8 et les voitures des trains La musique diminue pour ne plus laisser entendre que le bruit des rails Le plan 9 fait statistiques les vieillards 20 une magnifique synth se de la logique de la s quence le changement d angle y op re non plus par un raccord mais l int rieur du cadre par la division verticale de la composition entre le train passant en haut et la machine immobi lis e en bas De biais cette derni re appara t bien sous un angle diff rent de l autre train comme si le plan tait le r sultat d une diffrac tion sur un m me objet la mani re du reflet des moulins de Pantin au d but du film Le commentaire s est tu Le
53. de La Peur petit chasseur mais il est en r alit constitu d une multitude de sous unit s visuelles au niveau tech nique de sa fabrication comme au niveau esth tique de sa vision par le spectateur qui en font simultan ment l expression la plus pouss e d une fragmentation de l image M langeant pass pr sent et futur utopique passant sans inter ruption des hauteurs aux soubassements de la ville d images de cin ma projet es dans une cave virtuelle des vues r elles le film inscrit toutes les m tamorphoses et toutes les temporalit s histo riques dans un m me mouvement et sous une m me musique pro duisant une sorte de coh sion forc e de ces v nements visuels dans une seule dur e Il s agit de transmettre le sentiment d une unit spatiale et historique du grand corps urbain tout en conser vant l impression d un grouillement gigantesque d une infinie divi sion interne des v nements silhouettes multiples des fen tres herm tiquement s par es les unes des autres mais dans un m me plan qui voyage entre elles rentre ressort On comprend rapide ment que sous l apparence de continuit il s agit en fait essentiel lement de substituer au montage deux principaux effets le cadre dans le cadre fen tres crans qui ins re une image dans l image et une temporalit dans une autre et les modulations de vitesse du grand travelling ininterrompu dont les acc l rations soudaines valent comme des t
54. de gageure revient pour Gombrowicz mimer cette immaturit non simplement l voquer donc l enfermer dans une forme masque d une pseudo maturit De telles r f rences apparaissent un peu cra santes pour French Kiss Plus adapt es son chelle appara t un sous genre comique am ricain que l on pourrait pr cis ment r sumer des com dies r gressives la tentation de la chor graphie ou de la pantomime du bur lesque ces films pr f rent un grotesque sou vent disgracieux insistant beaucoup sur l im b cilit plus que la na vet de leurs protago nistes en cela lointains h ritiers du roman La Conjuration des imb ciles de l Am ricain John Kennedy Toole et sur la mati re poisseuse dans laquelle ils se d battent grosse de frus trations et de d r glements corporels John Waters volontiers scatologique et obs d par la vulgarit am ricaine en fut un repr sentant dans les ann es 70 Ce cin ma d abord underground aujourd hui trouv sa place dans le circuit commercial classique citons les fr res Coen dans leur veine de The Big Lebowski les fr res Bobby et Peter Farrelly M ary tout prix ou la s rie d animation t l vis e South Park MITEXTE TRANSVERSAL Claquements de On a compris avec les trois films pr c dents que la mani re la plus simple d appr hender analytiquement le temps d un plan est d observer pr cis ment le rapport entre sa dur e et
55. de sys t matiquement mod liser en trois dimensions les immeubles nous avons plac des photos dans un espace virtuel Pour comprendre ce type de travail on peut le comparer un d cor de th tre o plusieurs plans donnent l im pression de profondeur Il ne s agit jamais de donner l illusion de la r alit en ajoutant des l ments ou des modifications un paysage et en travaillant une 3D r aliste les images sont des sortes de collages et l espace est compl tement recr partir de morceaux de r alit Nous sommes dans une interpr tation plas tique de la r alit La cam ra progresse dans une succession de tableaux anim s Le travail d animation et les techniques varient en fonction des parties du film Ainsi le d but est r alis partir de prises de vues r elles fil m es Barcelone Le premier plan film la verticale est non truqu Ensuite au fur et mesure de l avanc e dans le film les images deviennent de plus en plus abstraites Les fen tres de l immeuble sont film es une par une depuis l immeuble d en face et assem bl es ensuite dans After Effects un logiciel de traitement d images pour reproduire l impres sion d une promenade de notre regard sur un v ritable immeuble Puis la cam ra se d place dans un espace virtuel en 3D o sont assem bl s plusieurs l ments photos d immeubles s quences film es les habitants du quartier les passants les ouvriers et des
56. e nous ouvrir les yeux par la seule force de son point de vue Et au cin ma le terme point de vue est entendre au sens propre la place choisie par celui qui voit filme et montre On se demandera alors si parler de neutralit ou d objectivit a encore un sens Tout plan de cin ma tout choix de cadrage implique t il par cons quent un positionnement thique ou politique m lange de registres autobiographie 2 Le montage produit une continuit spatiale troublante confondant par l identit des pos tures deux sc nes loign es un simple chan gement d angle un passage de l autre c t et on glisse du riche au sordide des modernes ann es soixante une pauvret intemporelle Le commentaire marque ce basculement en juxtaposant deux phrases aux sens oppos s Enfants sages comme les images que les ducateurs d sirent Jeux troubles dans des caves d mesur es L effet devient encore plus brutal avec les deux plans suivants des enfants montent de dos sur un toboggan sur fond d immeuble neuf 3 et glissent de face sur une pente de terre 4 Au plus haut point de leur trajectoire le raccord a op r une bas cule sociale et une sorte de d voilement du mensonge des apparences passage de l autre c t des images que les ducateurs d sirent vers les corps r els Puis un panoramique sur de vieux pavillons s ach ve sur un immeuble en construction 5 raccordant avec l image publi
57. e d solante Il lui fallait donc aussi construire une ambiance de d cor qui soit comme une sorte de brouillard lunaire un d sert Le bruit du train n a pas t enregistr par l quipe de tournage On en a cout de tous les genres avec toutes les r sonances jusqu ce que je comprenne que l objet importait peu il n existait pas C tait la qualit de ce magma de mati re qu il fallait cerner de l air de l eau du feu C tait du m tal Il voulait le son d une p e arrivant de tr s loin de l ori gine des temps avec un feulement terrifiant une sorte de temp te de m tal d ferlant sur la maison et repartant apr s avoir commis le crime la violence On a alors invent ce train partir d un son de TGV et de sons synth tiques de m tal frott plus quelques sir nes et rythmes d autorails pour redonner un peu de r alisme l en semble C est un exemple typique de r ussite d une m thode exp rimentale L id e de Laurent tait trop impr cise au d part mais on l a pleinement d couverte par approximations et hybridations successives Tout le film s est fait ainsi ANALYSE DE S QUENCE Le jardin trou La s quence se confond ici avec le film entier plan fixe continu de 7 minutes pr sentant un r cit minimal qui s il peut se diviser en plu sieurs moments d ploie une m me tension dramatique et s offre comme une unit bou cl e sur elle m me par la reprise finale de la
58. e la voix soit en tant qu image r sistant vaillam ment au r gime de lecture qu on lui impose soit en tant que nouvelle br che narrative pos sible elle le quitte car elle ne le croit plus par exemple 2 Elle ne l attend plus la sortie du travail Ils travaillent toujours sur la m me cha ne mais leurs regards ne se croisent que furtivement La s paration s est faite calme ment ils ne se connaissaient pas vraiment en dehors de leur plan d fonce Une histoire d amour s teint 1 Cette fois les ellipses sont inh rentes la bande son le narrateur cristallisant diverses tapes du couple en une seule image ou se tai sant lors de moments strat giques qui ne connaissent donc jamais de lecture impos e Le plus bel exemple est sans doute la sc ne de la danse Le plan est muet et aucun l ment visuel n impose une direction aux images ce qui permet de les lire indiff remment l en droit ou l envers Autre geste fort le narra teur raconte la s paration du couple sur les images de sa rencontre Dans cette relecture somme toute assez cruelle se dit l quivalence des d buts et des fins des liaisons amoureuses Le connu redevient l inconnu le familier l tranger L amour comme le textile de l usine que l on fait et d fait passe ici la machine pour tre recycl dans un sens ou un autre Par ailleurs le film est travaill par une troi si me histoire d amour qui rel ve d un r gime
59. e la danse du couple dans la nuit ralenti muet et suspendu tonne et fascine Le film appara t alors hant par la perte du bonheur et fait de l amour perdu son plus beau motif Plans invers s l exemple de Jean Cocteau Pour figurer l inversion du temps Mathias Gokalp inverse de nombreuses reprises le sens de d filement du film Ce trucage est le plus ancien de l histoire du cin ma puisque les fr res Lumi re s amusaient d j projeter l envers leur D molition d un mur 1896 afin que le b timent se reconstruise miraculeusement Ils d montraient ainsi la capacit de leur invention ressusciter des instants morts comme disait Jean Cocteau Parmi tous les cin astes qui ont utilis ce trucage Cocteau est justement celui qui l a fait le plus syst matiquement On en trouvera des exemples dans tous ses films et surtout Le Testament d Orph e 1959 dans lequel il expose clairement sa conception du cin ma un moyen de voyager dans le temps de cr er un espace temps o vie et mort peuvent s inverser Ce film est une suite de retours dans le temps et de r surrections souvent r alis s gr ce ce trucage On pourra en tudier de nombreux exemples la bulle de savon se formant autour d un nuage de fum e la fleur dont on recolle les p tales l homme plongeant en dehors de l eau etc On remarquera que Cocteau utilise galement ce trucage pour rendre plus tranges les mouvements des acteurs Inversions tem
60. e lancement de sa production Il ren contre imm diatement un grand succ s cri tique Fran ois Truffaut soutient le film et par ticipe quelques ann es plus tard la produc tion de L Enfance nue ANALYSE DE SEQUENCE Un simple changement d angle Dans une note d intention pr alable au film Pialat a ins r entre deux descriptions cette phrase d finitive Des plans d ensemble de la banlieue Elle sert tout La banlieue de L Amour existe est un espace composite un monstre de montage qui comme on l a vu plus haut rassemble ou m me confond l indi viduel et le collectif le proche et le lointain le statistique et le path tique Elle sert tout les possibles s y c toient et s y pressent en s ignorant comme les corps serr s dans le m tro du d but du film et il suffit d un simple changement d angle comme le for mule la derni re phrase du commentaire pour changer radicalement d poque de classe ou d affect Ancien d cor des films fran ais de M li s Carn elle devient ici un territoire du cin ma moderne min trou par la possi bilit constante d une saute d un faux rac cord qui nous emm ne loin mais toujours dans la banlieue Un moment du film condense particuli rement ce travail II ne s agit pas d une s quence au sens habituel du terme o l on segmente un ensemble par l unit d une action ou d une temporalit suivant une logique proche du d coupag
61. e ne pas tre un animal des affects saisit aussi l enfant et constitue peut tre l essence de sa peur il ne sera plus jamais susceptible d oubli et le film objet de m moire en est la premi re preuve Peu d uvre de cin ma ont fait un usage aussi central et constant d une figure animale en g n ral et d un chien en particulier Il est sur tout rare qu elle soit utilis e avec un tel respect de son alt rit et des risques d impr vus ou d improvisation entra n s par le plan long rar faction des actions absence de gros plans qui viendraient grossi rement tablir une qui valence entre expressions humaines et expres sions animales On peut voquer quelques exemples du plus actif au moins actif L une des plus beaux Dress pour tuer de Samuel Fuller White Dog 1982 montre un chien victime de la d raison humaine condi tionn par des Blancs racistes pour assassiner des Noirs le chien devient fou malgr les efforts d un dresseur Noir pour le d faire de sa haine et il faut l abattre On est pour deux rai sons au moins l exact oppos de l utilisation de l animal dans La Peur le chien de White Dog est totalement chasseur et ainsi pr texte de multiples sc nes d action d une part et s il n existe aussi que comme vecteur d tats affec tifs pris dans leur plus grande brutalit c est d autre part hors de toute possibilit d oubli Le passage de l homme en lui a boulevers
62. e par sc ne Fid le la mani re du film de produire des sautes temporelles et affectives on consid re ici un ensemble qui s articule autour d une grande fracture et para t alors constitu de deux parties Il s agit d y observer la coh rence formelle de la frac ture d taill e et d multipli e par les micro ruptures qui l entourent les changements d angle interviennent toutes les chelles Nous sommes dans la deuxi me partie du film d abord consacr e aux habitations de ban lieue Les ombres de deux enfants film es depuis le revers d une paroi translucide dans une cole 1 raccordent avec deux autres jouant contre le mur d une cave d immeuble Points de vue Alors que beaucoup de documentaires et la plupart des reportages t l vis s revendiquent la neutralit Maurice Pialat assume sa subjectivit et sa col re en enracinant son film dans les blessures de son enfance partir de son exp rience il s attache surtout aux drames individuels et d nonce la n gation de l individu dans un environnement o tout semble programm d avance Formellement cette subjectivit et cette volont d chapper toute programmation se traduit par un pamphlet reconstitutions et des d calages de points de vue Le montage final o un simple changement d angle suffit faire implorer la main de gloire de l Arc de Triomphe permet de comprendre comment le cin aste plut t que de traquer le spectaculaire cherch
63. eance ou les plus sentimentaux 5X2 de Fran ois Ozon en 2004 qui raconte cinq moments de la vie d un couple de la s para tion jusqu la rencontre et Eternal Sunshine of a Spotless Mind de Michel Gondry en 2004 au sch ma plus perturb puisque quelque chose y r siste en permanence contre un effa cement de m moire programm suite une rupture amoureuse Ainsi avec son histoire rebours ses bus qui reviennent au m me point ses camions de propret en marche arri re avec cette id e que la seule mani re d avancer est de reculer dans l histoire Le Droit Chemin rejoint ce groupe de films formellement inven tifs Le Jour se l ve 1939 Le Chant du styr ne 1957 16 Cependant il faut remarquer qu il s inscrit aussi dans une tradition du r cit fataliste qui remonte au moins au r alisme po tique en France ou au film noir hollywoodien Dans ces genres tr s particuliers la conclusion de l his toire est souvent annonc e dans les premiers plans du film suivis par un ou plusieurs flash back remontant le fil biographique du person nage pour saisir la force du destin qui devait le pousser l irr parable Le Jour se l ve de Marcel Carn 1939 en est l arch type De nombreux films noirs hollywoodiens repose ront galement sur des r cits fatalistes et d sa bus s cont s par la voix off du personnage principal et affirmant la subjectivit du narra teur Toutefois pour retrouver la
64. emin cr e aussi de multiples effets d autonomisation des plans mais hors du syst me radical du plan s quence et de la correspondance de la dur e du film avec la dur e d un plan unique Il s agit encore n anmoins d un travail formel aux fondements tr s simples modulant plusieurs fois les rapports entre la tempo ralit propre de l image et le temps de ce qui est repr sent On constate ainsi d s le d but du film que certains plans sont mon t s l envers une fum e retourne vers une cigarette des voi tures roulent en marche arri re des policiers rangent du linge dans une armoire Ces inversions ne sont jamais seules quelque chose dans le plan vient les contrarier ou poser un doute sur leur nature temporelle La fum e de cigarette suit bien un mouvement r gressif mais le cadre s l ve vers un vasistas comme si elle s chappait naturellement vers l ext rieur le personnage principal appara t droit et fixe devant les voitures qui reculent comme s il n tait pas atteint par l inversion les gestes des policiers sont lents et pos s on pourrait effectivement avoir l impression qu ils ne sont pas en train de d faire l armoire mais de la ranger Le prin cipe g n ral du r cit du Droit Chemin est ainsi actif dans le d tail de ses plans le d roulement invers de la fl che du temps tant constamment rattrap par d autres effets r tablissant une impres sion de r alisme Se produit alors ce que l on appe
65. ent la m canique des corps et observer comment ils agissent le myst re des affects On constatera finalement que l enfant est r duit au silence et l immobilit des choses comme si la n gation de son appel affectait aussi ses gestes ainsi que le mouvement du film qui s ach ve sur une image presque fixe Une pose la Flandrin La pose de l enfant en d but et fin de plan rappelle celle de l adolescent du fameux tableau d Hyppolite Flandrin Etude d homme nu vers 1836 ci dessous Dans le tableau ce repliement du corps sur soi traduit la solitude et l isolement du jeune homme accentu s par sa nudit et le vide que l on devine sous ses pieds Cette uvre a inspir beaucoup de peintres et de photographes il en existe de nombreuses variations jusqu une r cente affiche pour une association de lutte contre la violence scolaire Dans La Peur petit chasseur Laurent Achard inscrit la pose du jeune homme de Flandrin dans un r cit un d cor et un mouvement Cette posture montre bien comment l enfant se replie dans sa tristesse et sa solitude en cherchant s exclure d un monde dont il subit la violence on notera que le repliement final s accompagne m me d un geste de rejet du chien C est comme s il d sirait se fondre dans le d cor ou devenir invisible ce qui ajoute de la distance avec les spectateurs et renforce leur sentiment d impuissance Ces poses sont comme les parenth ses entre lesquelles l action se d ploie en v
66. ent m me de la description son d roulement spatial et temporel induisant une sorte de pr sence fant me bau chant des actions les mouvements qu il n ach ve jamais ou qui ne m nent aucun r sultat chaque fin de plan le temps semble se suspendre avec l arr t du mouvement ou la sortie d une silhouette comme si les images taient des cellules contenant des nergies mortes sit t que n es de courtes bouff es de souvenir s crasant tour de r le comme des vagues Un plan embl matique de ce double effet d inach vement et de suspension est celui du cheval au galop alors que le commentaire nous annonce que quinze ans ce n est rien de d passer v lo un trotteur l entra nement un travelling suit le trotteur mimant donc le regard de l enfant mais ne le d passe pas restant fix sur son sujet et dans la cadence de son mouvement L attente produite par le commentaire n est pas remplie et le plan s ach ve donc avec le sentiment d une irr solution d autant plus grande que le mouvement interne cr ait lui une certaine euphorie vitesse glissement qui ne conduisent nulle part comme d autres travellings s crasent contre des murs C est que le souvenir n est pas seul que la m lancolie s articule des col res contemporaines que le temps d un plan encha ne sur le temps d un autre ou sur celui du commentaire de la musique La suspension d action qui produit l impression forte de suspension temp
67. enti rement hybrides Laurent a enlev des l ments en a rajout d univers compl tement diff rents en a gard certains des moments tr s pr cis dont il a eu besoin pour construire l abstrac tion de l ensemble les absences les silences On a donc fait du bruitage au sens habituel hyperr aliste Il s agissait de marquer les d pla cements des personnages et du chien avec le bon poids la bonne couleur On a refait presque tous les pas ce qui est classique dans le cin ma classique mais tr s inattendu pour un film comme celui l Les pas du chien taient tr s importants il voulait absolument que l animal soit parfois comme suspendu dans le vide Et pour qu il soit fantomatique certains moments il fallait qu il soit bien concret d autres etc Le son des marches en carrelage le rythme des deux pas que la femme devait y faire par exemple taient aussi fondamentaux LE TRAIN FANT ME I n y a jamais eu de train c t de cette mai son L id e en tait d abord tr s hypoth tique a aurait pu tre Un avion En post produc tion Laurent a compris qu il en avait absolu ment besoin pour de nombreuses raisons Le train densifie l affrontement Il donne la connotation d un ancien lieu de travail il s agit peut tre de la maison d un garde barri re Il donne l impression d un loignement cette maison est dans un lieu recul Tous les sons lointains rajout s en renvoient une imag
68. er La Peur petit chasseur 2004 en pas sant par deux autres courts Dimanche ou les fan t mes en 1994 Une odeur de g ranium en 1997 et un long Plus qu hier moins que demain 1998 c est un m me retour de figures maternelles soli taires de violences souterraines dans leurs rap ports avec les hommes d enfants uniques qui s ennuient et ont peur de quelque chose de longs dimanches Une nature grise domine ces sc nes d enfance pour les ouvrir une sorte de m ta physique ordinaire vastes ciels rivi res et for ts finissent par engloutir les douleurs la mani re du cimeti re de Qu en savent les morts Chez Achard tous les jardins semblent trou s de tombes attendant qu on y d pose des souf frances intimes que les films ressuscitent Fiche technique Production Daiei Motion Picture Les Films Hatari Sc nario Laurent Achard Image Laurent Desmet Son Philippe Grivel Montage Martial Salomon Interpr tation Mireille Roussel M artin Buisson France 2004 9 minutes 35 mm 1 1 66 couleurs ENTRETIEN AVEC PHILIPPE GRIVEL Une captation anxiog ne Philippe Grivel a travaill la production de La Peur petit chasseur au sein des Films Hatari et en a r alis la bande sonore Il t moigne ici de quelques moments impor tants de la fabrication du film LA RECHERCHE DU D TAIL Le choix du d cor a pris beaucoup de temps Rien n a t construit la maison l appentis le puits tout tait l
69. essaie de me projeter la place de l autre pour essayer de savoir si nos parcours auraient t les m mes si j tais n dans son milieu avec ses parents les m mes chances ou handicaps J essaie avec mes films d explorer cette limite lorsque nous devons cesser d expliquer et de comprendre les comportements pour laisser l individu son libre arbitre EN MARCHE ARRI RE J aime bien qu il y ait un peu d humour et de distance lorsqu on aborde des sujets graves J ai crit la voix off en ayant en t te la fois des s quences significatives pour le person nage et son rapport au temps et des images qui fassent mentir le son C tait un processus d ensemble m me si pour certaines sc nes des images plus illustratives me sont venues apr s coup Au niveau de l inversion de la bande son nous avons fait quelques essais au montage et le r sultat tait rarement concluant il tait tr s difficile de distinguer un son en marche avant d un son en marche arri re En revanche il y a quelques instru ments dans la partition musicale qui ont t employ s en sens inverse la r verb ration s entend avant l attaque de la note et cela contribue donner une atmosph re d tran get Pour le reste nous avons pr f r employer le ralentissement plut t que la marche arri re parce que c est une d forma tion du son beaucoup plus perceptible et tout de suite interpr t e comme une mise dis tance avec le r el Nous
70. eurs ou des m thodes consacr s M taphorisant ce double travail de d n gation et d hommage l univers narratif de Pialat est tiss de confusions identitaires Police 1985 d amours haines Nous ne vieillirons pas ensemble 1972 d inconstances et de violences affectives nos amours 1982 Loulou 1980 de d sespoirs spiri tuels Sous le soleil de Satan 1987 Van Gogh 1991 tout un grand masochisme o les per sonnages comme leur auteur l vent des monu ments passionn s ce qu ils pr tendent d tester Entre Renoir Bresson et Eustache l uvre de Pialat occupe une place interm diaire marqu e par une violence naturaliste constante mais aussi une forte stylisation du cadre et du montage Fiche technique Production Les Films de la Pl iade Producteur Pierre Braunberger Commentaire Maurice Pialat Image Gilbert Sarthe Montage Kenout Peltier Musique Georges Delerue Voix Jean Loup Reynold France 1961 19 minutes 35 mm 1 1 66 Noir et blanc LA GENESE DU FILM L amour insiste NAISSANCE D UN CIN ASTE Je vous supplie de secouer votre noncha lance Vous avez beaucoup de talent Prenez en conscience mais aussi rendez vous compte qu il est important qu un film se fasse rapide ment Dans une lettre qu il adresse le 8 d cembre 1960 Maurice Pialat Pierre Braunberger fondateur des Films de la Pl iade producteur depuis plus d un quart de si cle de tout ce que le cin ma fran ais c
71. fabuleux cette fois L enfant qui sommeille en le narrateur se d voile d s le d but de la s quence lorsqu il se transforme en Prince Charmant pour venir tirer d un long sommeil la princesse endormie par le poison Il aura fran chi de multiples obstacles pour arriver volet porte couloir obscur laissent enfin place une chambre virginale d un blanc clatant Elle se r veille effectivement sourit h site entre le rire et la quinte de toux qui suit un long et profond sommeil Il entre dans son lit et finit de lui redonner vie comme en attestent les plans sui vants montrant une jeune fille active Cette s quence de retrouvailles est aussi le reflet invers de la s quence d abandon de l enfant par la m re tout comme dans sa lecture revers cette sc ne de la mort de Golda conna t une r ponse dans la s quence de retrouvailles avec la m re Plus complexe qu il n y para t le film n est pas qu un astucieux jeu sur la chro nologie invers e des v nements il est aussi un objet repliable dont les formes se r pondent en vis vis Comme dans de nombreux contes l effet de miroir y joue un r le structurant Enfin dans ces histoires d amour contrari es on ne peut passer sous silence le fantasme romantique et morbide du narrateur r vant partir du cadavre blanc de sa douce et des stig mates de la mort sa fixation sur sa peau meur trie par les injections une relation renaissante Une fois de plus le plan d
72. fications que phy sique La sc ne au pied de la Tour Eiffel d marre la mani re bur lesque classique un personnage en fait chuter un autre le temps de l image est celui d une action une cascade et apr s une courte suite de plans se termine par le comique non sense du plan montrant les passeports au chocolat image tr s rapide qui ne fait qu illustrer le lapsus verbal augmentant son absurdit par une sorte de passage la r alit sans suite ni raison Comme dans la sc ne sur le pont o le dessin d une chaussure se surimprime sur le pied de Kate apr s qu on a vu la jeune fille boi ter douloureusement le film encha ne et semble alors mettre en quivalence un temps d action corporelle et celui d une simple reconnaissance de motifs une lecture de signes 31 par Dick Tomasovic L lumi re du cr puscule tire les ombres des promeneurs au sol La cam ra glisse sur des fa ades d immeubles puis p n tre dans un appartement par une fen tre s immis ant comme dans une br che pour d voiler l intimit d une grande ville Barcelone C est le d but d un long mouvement d appareil qui voque po tiquement la vie chahut e de la m tropole au cours des derni res d cennies D molitions et disparitions mais aussi reconstructions et renaissances la ville semble perp tuel lement en transformation Au foisonnement sensuel des quar tiers populaires du d but se substituent les lignes pur es d
73. ges fixes enregistr es une vitesse r guli re laquelle doit tre conforme la vitesse de projection Avant l apparition des cam ras moteur les op rateurs faisaient d filer la pellicule devant l obturateur en tournant une manivelle et ce geste manuel cr ait parfois des irr gularit s de vitesses Pour les aider trouver le bon rythme et conserver une certaine r gularit on leur conseillait de fredonner la chanson La Sambre et Meuse C est justement cette musique que l on entend pendant les g n riques de d but et fin de French Kiss comme un clin d il au cin ma des origines Cette acc l ration rappelle galement le rythme de certains films burlesques ceux de Chaplin ou Keaton par exemple Ces films taient pour la plupart tourn s en 16 ou 18 images par seconde et ce que l on croit tre un effet comique est donc en partie d un d calage entre la vitesse d enregistrement de l poque et la vitesse de projection actuelle 24 images par seconde au cin ma 25 la t l vision C est ce d calage que reproduit volontairement Antonin Peretjatko dans French Kiss Au del de ces questions techniques importantes on pourra tudier comment la vitesse joue souvent un r le essentiel dans la com die Chez Buster Keaton Charlie Chaplin ou Harold Lloyd l encha nement tr s rapide des gags correspond la fuite constante des personnages aux courses poursuites qu ils provoquent et leur utilisation de nombreux moyens de loc
74. gestes correspondant directement ces faits sont minimaux ce monde est presque d sert les personnages sont rares lointains et muets C est qu un seul s y cristallise dans toute sa complexit mais par d faut le narrateur invi sible dont la pr sence est exprim e par d autres faits et d autres gestes qui insufflent aux premiers des suppl ments d me inatten dus en perturbant les chronologies en faus sant les topologies et en venant hanter d une d viation ou d une association lyriques quelques mouvements et raccords Le film se divise en trois grandes parties l in t rieur desquelles se m langent trois types d indications temporelles le rythme de la jour n e les ges de la vie l histoire r cente du pays La premi re partie s ouvre sur le retour du travail m tro et trains de banlieue foule accabl e de fatigue puis voque des sou venirs de la petite enfance et de mani re tr s allusive le contexte de la Seconde Guerre avant de s achever sur un rapide travelling qui en une sorte de pulsion suicidaire se pr cipite contre un mur Fondu au noir La deuxi me entreprend une sorte de critique am re de la vie quotidienne dans les pavillons de banlieue et se concentre sur le pr sent historique l ge adulte entre la toute puissance de la petite bourgeoisie culture en toc dans construc tions en toc et la mis re voisine des bidon villes des adolescents sont en train de se
75. gional d ducation et de formation l image Directeur de la publication Serge Caillet Coordination Simon Gilardi Maquette Dominique Bastien Conception multim dia Julien S n las L APCVL remercie sdfv Publication septembre 2005 Atelier de Production Centre Val de Loire 24 rue Renan 37110 Ch teau Renault t l 02 47 56 08 08 fax 02 47 56 07 77 site www apcvl com Lyc ens au cin ma en r gion Centre est coordonn par l Atelier de Production Centre Val de Loire r a lis avec le soutien du Centre National de la Cin matographie de la R gion Centre de la DRAC Centre et du Rectorat de l Acad mie Orl ans Tours et le concours des salles de cin ma participant l op ra tion Ce programme est diffus en collaboration avec l Agence du court m trage Sources iconographiques dfvdwsfvdwsf Les droits de reproduction des illustrations sont r serv s pour les auteurs ou ayants droit dont nous n avons pas trouv les coordonn es malgr nos recherches et dans les cas ventuels o des mentions n auraient pas t sp cifi es E INTRODUCTION Le plan et le tem Sera t il possible de dire un jour du cin ma je ne garde que le souvenir des plans Du cin ma rien ne m a import que les plans Le reste qui existe existait sans moi peut continuer sans moi et moi sans lui Le plan contrairement l image mais comme la musique ne se reproduit pas ne se cite pas sa dur e fait partie de lui
76. inte du Droit Chemin Dans les deux films on voit donc bien comment une id e formelle tr s simple sur la tempora lit du plan permet d tablir un rapport direct entre la psychologie du personnage le traumatisme de l enfant dans La Peur la folie du personnage emprisonn intern dans Le Droit Chemin et le tra vail du spectateur transferts de tensions d obsessions Le droit chemin rappelle aussi de mani re plus g n rale que le rapport entre le temps r el et le temps du plan n est pas univoque La plasticit de la mati re temporelle revendiqu e par Andre Tarkovski cf Texte transversal pr c dent partir d un travail sur les diff rences de rythmes internes aux plans s quences a des expressions plus imm diates celles qui passent par une manipula tion directe de la pellicule Inversions ralentis acc l r s sont les trois grandes op rations par lesquelles le plan de cin ma se lib re de la cadence naturelle des horloges et montre ce qu aucun il humain n avait encore jamais vu C est comme l crivait le cin aste et po te J ean Epstein le d lire d une machine cf Esprit de Cin ma d eheber 1955 qui branle la pens e des spectateurs La dilatation la contraction et l inversion du cours des ph nom nes dans la dimension vectorielle du temps dont seul le cin ma permet une figuration visuelle en valeur du temps fournissent des aspects du monde encore plus originaux
77. ion de la derni re chance parodie de film d espion nage bas e sur des images de vacances et un long Hector et Pator qui reprendra le registre et une bonne part des com diens de French Kiss Fiche technique Production Chaya Films Producteur Serge Catoire Sc nario Antonin Peretjatko Image Simon Roca Son Laure Allari Interpr tation Vincent Vicompte Marie Lorna Vaconsin Thomas Schmitt France 2004 fiction 18 minutes 35 mm 1 1 85 Couleurs ENTRETIEN AVEC ANTONIN PERETJATKO Faire semblant de ne pas r f LA COM DIE ET LE POLITIQUE La com die n tait pas la base ma vocation absolue Je savais seulement que montrer l in t riorit ou la psychologie des personnages ne m int ressait pas Je me suis aper u que les quelques gags de mon premier film L Heure de pointe marchaient plut t bien en projec tion J ai ador cette jubilation Du coup j ai laiss aller mon penchant comique d autant que je trouve qu il y a peu de com dies d au teur dans les courts m trages Changement de trottoir mon deuxi me film tait encore assez l gant French Kiss est volontairement plus hirsute j essaie de diversifier les styles comiques de la blague enfantine l humour potache la limite du lourd C est une sorte d exp rience Je ne cherche pas sp cialement en revanche le second degr J ai vraiment con u French Kiss comme une com die politique notamment sur les Am ricains Les points
78. l dans un temps imaginaire 34 3D Dans l entretien page 33 Hendrick Dusollier utilise souvent un terme qui n cessite une explication 3D c est dire 3 dimensions Le film vu sur un cran de cin ma ou de t l vision reste en 2 dimensions et il serait plus juste de parler d illusion de 3D certains moments les photographies utilis es par le r alisateur en 2 dimensions ont simplement t dispos es diff rents niveaux d un espace en 3 dimensions de fa on cr er une perspective comme les pans d un d cor de th tre d autres moments en particulier pour les int rieurs les photographies ont t trait es par des logiciels informatiques qui leur ont ajout des lignes ombres reflets nuances de lumi re et couleurs afin de donner du volume aux objets et de la profondeur aux espaces Ces techniques modernes rejoignent des techniques anciennes utilis es en peinture pour les trompe l il ou les tableaux hyperr alistes L informatique ajoute la possibilit d animer ces formes et se d placer dans ces espaces Ainsi on peut voir Obras comme une parfaite d monstration des possibilit s offertes par les nouvelles technologies de l image donner du relief des images planes jusqu cr er de toute pi ce un espace imaginaire mettre en mouvement cet espace puis s y promener 35 qe ag mii Fant mes de la guerre Les premi res images projet es sur les murs dans la s que
79. le invisibilit de la machine et du couple et la parfaite immobilit de l en fant op re le renversement voqu dans la partie Analyse p 8 Le hors champ affirme son influence t tanisante sur le champ la fixit du point de vue et du cadre les mul tiples arr ts la lourdeur des postures sont les effets de ce que l on ne voit pas et dont l en fant est le seul interpr te possible le seul pouvoir pleinement imaginer ce qui arrive der ri re Entre l animal les herbes sauvages et les b tisses il est dehors mais prisonnier d un v nement ou d un tre dont tout porte les traces d l t res dehors mais clo tr par ses affects qui font de multiples trous inqui tants dans le d cor Aucune sortie il revient s adosser la niche le chien s approche 10 tandis que la m re ressort finit d accrocher le linge et h site un instant devant lui 11 avant de rentrer nouveau Cette ultime fixit la distance main tenue entre la femme et l enfant parach ve le d sespoir La douleur ne sera jamais r solue 12 Un film primitif Par la simplicit de son dispositif La Peur petit chasseur rappelle les films r alis s par les fr res Lumi re et leurs op rateurs entre 1895 et 1905 Ils ont en commun la fixit du cadre due chez les Lumi re la lourdeur des appareils et le souci de circonscrire une action dans une dur e limit e la dur e d une bobine Lumi re tait de 50 secondes environ en
80. lle vulgairement un t te queue les d buts sont aussi les fins les plans comme l histoire dans son entier donnent l impression paradoxale de se d rouler simultan ment en avant et en arri re comme si on super posait dans une m me image une figure et son reflet invers Parce que le proc d n est pas utilis de mani re syst matique 17 mais que le montage semble alterner plans mont s l envers et plans respectant le flux temporel r aliste une forte autonomisa tion des images se produit Le montage et le r cit off assurent l en cha nement g n ral du film tout en laissant la place une sorte d ind pendance forc e des trous temporels l o la grande roue du temps se grippe et grince l endroit des plans En ne sys t matisant pas l inversion et en galisant les encha nement narra tifs le cin aste travaille donc les plans comme ses objets fonda mentaux petits blocs de temps p tris sur eux m mes qui sont autant d nigmes closes ressass es dans la t te du narrateur et que le spectateur peut lui aussi se r p ter int rieurement pour mieux les comprendre On est ainsi entre la boucle obsessionnelle de La Peur petit chasseur et une logique proche du gag cf Texte transversal sur French Kiss p 31 o la dur e du plan est d abord d pendante de la dur e n cessaire la seule reconnais sance d un effet c est sans doute d un point de vue critique la limite vite atte
81. m trage APCVL 2003 Lorenzo Recio Rafa l Lewandowski Philippe Dauty Faire un film L Infante l ne et l architecte de Lorenzo Recio d Sc ren 2004 DISTRIBUTEURS VID O ADAV 41 rue des Envierges 75020 Paris 01 43 49 10 02 www adav asso c com CNDP Editions Librairie de l ducation 13 rue du Four 75270 Paris cedex 01 46 34 54 80 INTERNET Sur le court m trage www le court com portail du court m trage bases de donn es WWW cine courts com Agence du court m trage Www agencecm com www clermont filmfest com site de La Jet e centre de documentation Education l image www bifi fr BIFI biblioth que du film www ca nancy metz fr cinemav Edit par le minist re de l ducation nationale educnet Le quai des images propose des donn es sur l ensei gnement du cin ma et de l audiovisuel l ducation artistique et citoyenne www cndp fr tice ressources Ressources p dagogiques sur l usage des technologies de l information et de la communication en classe www crac asso fr Base de donn es sur les dispositifs nationaux en direc tion des jeunes publics initi s par le minist re de la culturelle et de la com munication wWwyw lyceensaucinema org Site national destination des publics inscrits au dispositif Lyc ens au cin ma proposant une mise en ligne des docu ments p dagogiques dossier ma tre fiche l ve pour l ensemble des titres du catalogue Lyc ens au cin ma http crdp ac orlean
82. mati res fil m es peinture encre fum e poussi re kjhgkjhgkihjgojhg UN TOURBILLON DE TRANSFORMATIONS Pour les vues en ext rieur la ville est reconsti tu e en 3D partir de photos d immeubles du quartier de la Ribera Plusieurs groupes d im meubles y taient en chantier On y trouvait toutes les tapes de la disparition des b ti ments anciens immeubles abandonn s aux fen tres mur es immeubles d labr s partiel lement d truits immeubles effondr s r duits l tat de d bris terrains vagues J ai suivi pendant quatre ans la transformation du quar tier en prenant tous les deux mois des photos de chaque tape L objectif n a jamais t de recr er un processus r aliste de destruction mais bien d en proposer une interpr tation plastique cette fin des s quences vid o de mati res en mouvement ont t film es en studio La cam ra plac e au sol filmait une plaque de verre translucide sur laquelle tait projet e et manipul e de la peinture un peu comme dans Le Myst re Picasso de H G Clouzot Ces mati res servent de masques par zones d incrustation pour passer d un tat l autre Ainsi la ville dispara t dans un tourbillon de transformations Pour les vues l int rieur des immeubles nous avons mod lis les lieux et les objets en 3D selon la technique du cam ra map Cela consiste r cr er gr ce au logiciel Studio M ax ma pi ces virtuel
83. mique entre les mouvements de la m lancolie et les clich s de l utopie Entre La Peur petit chasseur Le Droit Chemin et L Amour existe on voit donc se dessiner une ressemblance fondamentale mais aussi une forte ligne de partage Dans les trois films le travail sur la tem poralit du plan renvoie directement un travail de la m moire du protagoniste qu il soit visible comme dans les deux premiers ou invisible comme le narrateur de Pialat Cette m moire d signe une dimension temporelle sup rieure au film mais aussi dangereuse ment proche de son fonctionnement aux confins de ma m moire comme dans un film C est la correspondance stricte que r a lise le film d Achard en inventant dans un plan unique une sc ne traumatique boucl e sur elle m me o celui de Gokalp qui super pose imaginairement par le truc de l inversion les d buts et les fins des plans Chez Pialat le second temps est au contraire une ouverture hors du ressassement obsessionnel et donc de la simple psychologie ou plut t une mani re d articuler le temps psycholo gique au temps social et historique Le temps des plans s ouvre et se divise un simple changement d angle suffit 24 French KISS par Herv Aubron Se h berge la cousine am ricaine de son ami JP Kate en visite Paris La jeune fille para t d s son arriv e entreprenan te mais se bute l inhibition de Seb Rejoignant le jeune homme che
84. mment les courts m trages coffret 2 para tre en sep tembre 2005 La Soif du mal Orson Welles 1958 DVD Universal Hiroshima mon amour voir ci dessus Qu est ce que le cin ma Andr Bazin Edition du Cerf la recherche du temps perdu Marcel Proust W ou le souvenir d enfance Georges Perec roman Gallimard FRENCH KISS M arx Brothers La collection Marx brothers 7 DVD Warner Bob et Peter Farrelly M ary tout prix Deux en un Dumb and Dumber The Party Blake Edwards 1968 DVD MGM Les grands burlesques Chaplin Keaton DVD comprenant des courts m trages des deux ma tres du burlesque bout de souffle Jean Luc Godard 1959 DVD Gaumont Columbia Les Carabiniers Jean Luc Godard 1963 DVD Gaumont Columbia La Conjuration des imb ciles John Kennedy Toole roman 10 18 OBRAS Films Lumi re voir ci dessus Akira Katsuhiro Otomo 1988 DVD Fox Path Metropolis Rintaro 2001 DVD Gaumont Columbia r f ADAV 40660 Dark city Alex Proyas 1998 DVD M etropolitan r f ADAV 38887 Brazil Terry Gilliam 1985 DVD Fox Path De nombreux compl ments p dagogiques sont disponibles sur le site www apcvl com version pdf du dossier enseignant et de la fiche l ve bibliographie d taill e documents de travail sur les films sc nario story board et s quence p dagogique 39 Accompagnement p dagogique LIRE Jean Loup Passek dir Dicti
85. mort se rapprocher de ses parents gr ce la drogue relancer les b n fices d une usine par la seule motivation et l envie de travailler l ing nieuse s quence du red marrage de l usine en une suite de rac cords cuts etc Dans le m me temps ce songe optimiste porte sa propre mal diction Jamais le spectateur ne peut oublier que le tra jet fonctionne rebours qu il est corrompu par une temporalit vici e que la qu te de s curit et de bonheur est en fait une entre prise de r gression La recherche du sentiment de protection maternelle traverse d ailleurs tout le film Il est incarn successivement par son amoureuse Golda il vient son chevet comme celui d une m re souffrante puis alors qu elle est assise au bord du lit s accroche elle dans une figure de mater dolorosa suit enfin son exemple quand elle se drogue l observant avec tendresse pour r p ter ses gestes sa m re d adoption dont il se rapproche apr s qu elle l ait fournit en h ro ne en bonne m re nourrici re puis sa vraie m re fig e dans son regard d enfant la d couverte de la sensualit lorsqu elle applique du vernis sur ses ongles de pieds comme un cho l observation de Golda Au bout du chemin dans une s quence boulever sante le narrateur trouve la fusion compl te et retourne au ventre de sa m re On ne s est plus quitt s dit il alors que les barri res du chemin de fer qui se l vent pour laisser
86. n nourrie de r f rences cin matographiques de blagues potaches et de jeux de mots alternant galement sc nes d appartement film es sur pied et sc nes de rue d un style quasi documentaire Bien s r il faudra relativiser ces comparaisons Peretjatko ne s inspirant que de la part la plus superficielle des films de Godard dont l humour est toujours un contrepoint au sublime 29 AUTOUR DU FILM J oies et tourments de la r gression Duck Soup 1933 D s ses premiers plans French Kiss affiche l as pect r gressif de ses personnages devant des tals de bouquinistes au bord de la Seine deux vieux adolescents qui se goinfrent de cr me glac e et de frites engonc s dans des v tements tirebouchonn s Le tableau volon tairement outr n est pas un simple accessoire sociologique suivant par exemple le motif du trentenaire refusant de vieillir amplement sol licit par les m dias La question de la r gres sion est ici beaucoup moins stable et codifi e plus invasive Toute situation est susceptible de se transformer en jeu avec une perte logique du sens de la mesure comme dans le dispro portionn dispositif du chat et du m gaphone C est bien s r aussi la pudibonderie adoles cente de Seb esquivant aussi bien les avances de Kate que de l inconnue qu il croise sous la tour Eiffel ou encore la pu rilit de Pierre et son excuse risible du puzzle Cette logique r gressive ne fait ici qu hyper trophier
87. nce analys e ci dessus sont des vues de la guerre civile espagnole Elles sugg rent un rapprochement entre l entreprise de d molition reconstruction l uvre dans Obras et la destruction des villes engendr e par la guerre On pr cisera que Barcelone est l une des villes qui a le plus souffert de la guerre civile Pendant et juste apr s la seconde guerre mondiale quelques cin astes ont rendu compte de la vie dans des villes d truites par les bombes C est le cas de Roberto Rossellini avec Allemagne ann e z ro 1947 o les ruines voquent de fa on concr te la mis re mat rielle et morale d un peuple la destruction d un pays et d une culture On se penchera sur l ouverture du film o un long travelling et un panoramique lointain lient les ruines les unes aux autres et rendent compte de l ampleur d un d sastre qui ne peut tre contenu dans un cadre mais qui s tend perte de vue travers son long travelling Hendrick Dusollier d montre galement l impossibilit de circonscrire la destruction d une ville dans un cadre fixe ANALYSE R animer la ville L histoire de ce film est d abord celle d une rencontre entre un jeune tudiant des arts d co qui choisit l Espagne en Erasmus pour retrouver un peu de ses origines familiales oubli es et une ville s duisante et foisonnante aux nombreux visages aux ornements et aux architectures divers et changeants La qu te du pass de Dusollier montre vite se
88. ne un rite r pu blicain et plus largement une imagerie fran aise un clich poussif et poussi reux L apparition de Jacques Chirac 9 ach ve le tableau N chappant pas aux saccades des 21 images par seconde accentu es par un jump cut le pr sident est lui m me pr sent comme une poup e m canique archa sme que sou lignent en voix off les deux personnages ironi sant sur son lection 82 comme en Afrique Un zoom arri re permet d inscrire dans un m me espace le personnel politique quittant la c r monie et les deux acteurs pr sents dans le public 10 Ce proc d cens relier r alit et fiction n est pas sans ironie tant le suppos documentaire est trait comme une fantasma gorie alors que le principe de r alit semble plut t r sider dans les commentaires des deux personnages fictionnels Le d part du pr si dent en voiture 11 envol e aussi subite qu avort e amplifie l irr alit de la s quence Le brusque retour la situation de d part sur le pont 12 peut en effet laisser croire que les deux personnages ne l ont jamais quitt ont d lir les clich s fran ais les plus typ s comme s ils taient pour quelque temps entr s dans la carte postale de l Arc de triomphe Fantasme qui n est pas sans rappeler le final d Un Am ricain Paris de Vincente M innelli French Kiss aurait pu s intituler Une Am ricaine Paris dans lequel Gene Kelly danse l int
89. nsuite plus de 200 missions de L Universit de tous les savoirs Parall lement il signe une demi douzaine de courts m trages dont certains rel vent du docu mentaire ou du cin ma d animation Ses derniers films de fiction sont Mi temps 2001 Le Tarif de Dieu 2002 et Le Droit Chemin 2004 Fiche technique Production Kar Productions Producteur Antoine Rein Sc nario Mathias Gokalp Image Christophe Solesne Son Fr d ric Bures Gildas Mercier Montage Ariane Mellet Musique Flemming Nordkrog Interpr tation Adrienne Pauly Dimitri Storoge Catherine Klein France 2004 13 minutes 35 mm 1 1 66 Noir et blanc PROPOS DU REALISATEUR Source Remonter la L ORIGINE DU PROJET L id e remonte la lecture d une nouvelle d Alejo Carpentier o il d crit la grandeur et la d cadence d une maison de nobles cubains en marche arri re Il le faisait sans essayer de tromper le lecteur on voyait donc dans le texte les bougies grandir le p re tr s malade aller de mieux en mieux etc Il n y avait aucune ambigu t Je trouvais le proc d int ressant car il permettait de r v ler un trouble chez le personnage une mani re de se mentir soi m me Et puis il y a un film que j aime beaucoup Les photos d Alix de Jean Eustache On y voit Alix Roubaud commenter quelques unes de ses photos la cam ra cadre les clich s mais ses commentaires en off ne correspondent pas aux images On met un cer tain
90. omotion pour Keaton voir Le M cano de la G n rale 1927 pour Chaplin Le Cirque 1928 pour Harold Lloyd Monte l dessus 1923 Certaines com dies parlantes se caract risent par la vitesse de leurs dialogues La Dame du vendredi de Howard Hawks 1940 en est l exemple le plus connu D autres comiques jouent au contraire sur la lenteur C est le cas de Laurel et Hardy inventeurs du slow burn que l on peut traduire par combustion lente technique consistant tendre le gag dans la dur e en ralentissant le temps d action et de r action des personnages On trouvera d autres grands exemples de gags slow burn dans The Party de Blake Edwards 1968 avec Peter Sellers 28 LEE Te A Images documentaires Comme M aurice Pialat dans L Amour existe mais de fa on bien diff rente Antonin Peretjatko d montre qu il n y a pas de r elle opposition entre ce que l on appelle le documentaire et la fiction On pourra tudier la mani re ironique avec laquelle il utilise deux reprises des images documentaires D abord avec les plans du d fil du 8 mai qu il int gre dans son r cit et soumet son rythme en les acc l rant et en les hachant par le montage Il utilise ainsi les moyens du cin ma pour accentuer la part de mise en sc ne contenue dans cette c r monie jusqu la ridiculiser cf Analyse de s quence Plus tard un carton nous annonce des Image
91. ompte d im portant Renoir Clair L Herbier Resnais Godard Rivette laisse aller sa col re Lorsqu on lui demandera plus tard pourquoi malgr le Prix Louis Lumi re et le Lion de Saint M arc remport Venise par L Amour existe il n a pas produit les films suivants de Pialat l exception d une participation Janine il expliquera simplement qu il lui tait impossible de travailler avec le r alisateur incompatibilit d humeurs Selon le t moignage de Roger Fleytoux directeur de production de L Amour existe on sait n anmoins que Braunberger aurait aim produire le premier long m trage de l auteur L Enfance nue L Amour existe est la premi re exp rience de Maurice Pialat dans l industrie du cin ma Il a d j r alis plusieurs courts m trages ama teurs avec la cam ra qu il s est achet en 1951 Isabelle aux Dombes le burlesque Dr les de bobines en 1957 et L Ombre fami li re en 1958 Avec son ami Claude Berri il engage une collaboration qui ne donnera qu un seul film le court m trage de fiction Janine r alis juste apr s L Amour existe avec Evelyne Ker alors compagne de Berri et que l on retrouvera 20 ans plus tard dans nos amours film de Pialat dont elle crit le sc na rio et qui voque la famille de son ex mari Ces ann es d amiti sont n anmoins l occa sion pour les deux hommes de r fl chir au cin ma qu ils d sirent dans une volont de proximit imm diate a
92. onnaire du cin ma Larousse coll In Extenso 1995 2 volumes Vincent Pinel Vocabulaire technique du cin ma Nathan 1996 No l Burch La lucarne de l infini Naissance du langage cin matogra phique Paris Nathan coll Fac cin ma 1991 Jacques Aumont Alain Bergala Michel Marie Marc Vernet Esth tique du film Paris Nathan coll Fac cin ma 1983 Michel Chion L audio vision Image et son au cin ma Paris Nathan coll Fac cin ma 1990 Andr Bazin Qu est ce que le cin ma Paris dition Du Cerf 1997 Francis Vanoye Anne Goliot Lete Pr cis d analyse filmique Paris Nathan coll 128 1992 Jo l M agny Le Point de vue Cahiers du cin ma CNDP 2001 Emmanuel Siety Le Plan Cahiers du cin ma CNDP 2001 Laurent Juiller L Analyse de s quences Nathan Cin ma 2002 VID OS P DAGOGIQUES Apprendre lire les images en mouvement avec Les Pinces linge de Jo l Brisse coproduction Sauve qui peut le court m trage CRDP d Auvergne 2000 Nicole B jean Jean Michel Gautier Monte le son que je voie l image INRAP ENESAD 1990 22 min distribution ENESAD Ce document pro pose de faire percevoir aux l ves l utilisation de la musique et des sons dans leur rapport l image Le travail du film point de vue sur trois courts m trages Le Bal du Minotaure de Lorenzo Recio Salam de Souad El Bouhati La Direction d acteur par Jean Renoir de Gis le Braunberger d Agence du court
93. ont explicites Kiss inscrit sur la bo te de maquillage de Kate nom ambigu du chat Pussy affiche pour de la lingerie dans laquelle JP d coupe une culotte bouteille de champagne d bordante et tour Eiffel du final qui pourrait conclure un film rotique des ann es soixante dix Ce parasitage permanent induit un trange anachronisme si son intrigue est clairement ancr e dans les ann es 2000 French Kiss invoque plut t un imaginaire pop des ann es 60 70 insinuant que ses personnages peupl s de st r otypes pass s et us s sont vou s toujours tre en retard sur leur propre poque tout comme dans L Heure de pointe on utili sait des portables mais dans un univers s ap parentant plut t aux ann es 50 27 Prolif rant et se t lescopant les clich s anes th sient rendent illisible le monde On en vient ne plus rien percevoir on ne distingue plus les mots et les choses lapsus concr tis des passeports au chocolat confusion entre l glise de la Madeleine et la madeleine de Proust ou encore iris de la cam ra qui prend le pas la faveur d un jeu de mot sur la r alit des fleurs vendues l tal des tulipes en l oc currence French Kiss invoque de nombreux horizons cin matographiques a priori h t roclites sous genres peu prestigieux comique troupier com dies sexy de bas tage la Max Pecas com die excentrique am ricaine Blake Edwards le chat Pussy
94. orelle et l effet de souvenir ne cr e des vides que pour les rattraper les relancer dans ce qu il faut appeler litt ralement un second temps L Amour existe est ce titre une excellente illus tration des quelques phrases de Serge Daney cit es en introduc tion cf p 3 Seul compte l encha nement qui ne va pas rem plir ou r soudre la suspension mais reprendre et faire passer l nergie le sentiment de l action tronqu e Ainsi d s le d but du commentaire un travelling avant vers une fen tre par laquelle on voit passer un train raccorde trangement avec un travelling arri re dans la m me pi ce avec un m me train passant en fond Les deux plans se butent spatialement l exiguit de l espace et temporel lement la dur e du mouvement mais leur encha nement induit la possibilit d une faille d un saut instantan dans le temps comme si on tait soudain dans le m me lieu mais une heure un jour voire une poque diff rente Le raccord a introduit un second temps exactement comme le film dans son ensemble va tra vailler l articulation de sa premi re partie m lancolique une seconde plus politique et acerbe dirig e vers le pr sent et le futur Ce second temps introduit dans la dur e l quivalent du change ment d angle que le film r clame et cr e dans l espace une dif fraction temporelle r v lant dans le pr sent des plans leur charge de pass par un change dyna
95. our le groupe pop Coldplay The Scientist dans lequel le chanteur du groupe Chris M artin fait un ter rible accident de voiture clip visiblement ins pir par le g n rique du film de Claude Sautet Les Choses de la vie 1970 montrant l envers une violente sortie de route Au cin ma ce type d effets s est r cemment fait remarquer dans le film de Roger Avery Les Lois de l attrac tion en 2002 ou dans Memento de Christopher Nolan en 2000 la sc ne d ouver ture sur le polaro d dans Lost Highway de David Lynch en 1997 l explosion invers e de la maison sur la plage ou encore dans Ring de Nakata en 1998 la marche d moniaque de Sadako Mais la pratique n est pas neuve comme en t moignent notamment les fasci nantes images du film exp rimental sovi tique de Dziga Vertov L Homme la cam ra 1929 cet aspect purement visuel sont venus s ajou ter ces derni res ann es des intrigues dont la sp cificit r side dans l inversion chronolo gique des v nements ou plus g n ralement dans une perturbation du sch ma temporel lin aire On peut citer ici nouveau Memento qui s int resse au sort d un personnage priv de m moire court terme en inversant l ordre chronologique des s quences le violent Irr versible de Gaspar No 2002 dont le titre annonce la perturbation temporelle autant que l aspect irr parable de certains actes le r cit d bute par la fin d une malheureuse histoire de veng
96. pectateur peut tre effectivement tromp technique ment son impression de continuit ne garantit pas une v rit de cette continuit dans la fabrication de l image Tout comme s op pose ce titre les films de Warhol et celui d Hitchcock on peut tr s clairement confronter ici La Peur petit chasseur fond essentielle ment sur un respect technique du temps des actions mises en sc ne Obras de Hendrick Dusollier cf p 32 38 plan s quence composite dont la continuit visuelle est le r sultat d un artifice num rique 2 N anmoins ces distinctions techniques souvent importantes pour d finir une m thode et une morale de mise en sc ne ne d terminent pas l impression fondamentale produite par le plan potentiellement proche du montage Il a souvent t remarqu que par un effet de cadrage ou de rythme interne un plan s quence peut donner le sentiment d tre divis ou de contenir l quivalent d un effet de montage on consultera notamment le livre d Andr Bazin Orson Welles d Cahiers du Cin ma Dans La Peur le moment o l enfant dispara t dans l appentis pr s de la maison pourrait par exemple tre d crit comme une ellipse tempo relle ind termin e l int rieur du plan fixe continu 3 Le plan s quence par sa dur e exceptionnelle d place les attentions mobilise diff remment les intensit s d action ou de pr sence l int rieur du cadre Il laisse alors moins la simple impre
97. plus angois sante l image de ses personnages pantins n ayant aucune prise sur leurs gestes chutes et maladresses et leurs motions l inhibition de Seb le film ne semble appr hender que de mani re panique un monde ne pouvant plus tre d chiffr a fortiori compris comme l attestent les nombreuses r f rences l ac tualit et les commentaires volontiers sarcas tiques qu elles occasionnent dans le dialogue ll y a l une impuissance bien connue les d r glements de l actualit sont d autant plus difficiles saisir que nous sommes surinfor m s donc toujours en proie aux paradoxes et aux contradictions des faits mais surtout des images pr fabriqu es et des st r otypes en croire French Kiss il est impossible d chap per au clich ce que r sume explicitement la s quence des cartes postales cf Analyse de s quence tout comme plus tard Kate se rend avec JP dans un solarium qui d cline travers des posters des tropiques de pacotille Deviendrons nous les touristes de nos propres existences Chaque situation est ici rattrap e par le pr jug lieux communs antiam ricains ou anti fran ais formul s par les personnages Kate r duisant m me Seb un drapeau tricolore qui vient masquer le jeune homme l cran l image d Epinal d su te le vendeur de journal gauchiste comme parachut d une autre poque ou le kitsch mercantile dont les connotations sexuelles s
98. plus marquante du film et t moignent d une possible disparition de la m moire de l Espagne Le film emm ne ainsi son spectateur dans une sorte de mus e vir tuel o sont donn es voir les images frag mentaires d une m moire souterraine l id e d images refoul es enfouies est tr s pr gnante Cette s quence d Obras met ainsi en sc ne deux grands types d images d une part celles d une hantise des lieux par les v ne ments historiques comme les explosions de la guerre 3 juxtapos es celles du chagrin des femmes 4 et d autre part des images plus anecdotiques mais symboliquement fortes de ce qui est en train de muter de dispara tre le vieux salon de coiffure dont le patron s appr te partir en retraite 5 la danseuse de flamenco japonaise signe d une Barcelone qui s internationalise 6 le singe blanc du zoo de Barcelone seul gorille albinos au monde et une des plus c l bres ic nes mutante de la ville r cemment d c d 7 la collection de crucifix du mus e Frederic M ar s qui dans une Espagne r pu t e pieuse mais dont la population ne fr quente presque plus les glises est toujours d sert 8 et enfin le ponton devant la mer 9 Ce rompeolas brise vagues prot ge une partie du port Anciennement lieu de promenade et de p che il est d sormais ferm pour tre remplac par une nouvelle digue qui permettra d accueillir des bateaux plus importants et nombreux
99. porelles en litt rature On trouve en litt rature des inversions temporelles comparables celle du Droit chemin Dans l entretien ci dessus Gokalp voque une nouvelle d Alejo Carpentier Retour aux sources in Guerre du temps et autres nouvelles l ancien serviteur d une maison en ruine parvient inverser le cours du temps afin que la maison se reconstruise et que son ma tre revive sa vie l envers de la d ch ance aux fastes de sa jeunesse de son lit de mort au ventre de sa m re La nouvelle d crit galement la m tamorphose des objets retournant leur tat premier On pourra galement lire La Fl che du temps de Martin Amis qui reprend ce proc d mais de fa on moins all gorique plus physique en d crivant les transformations du corps rajeunissant de son protagoniste Il s agit galement de traverser l envers une partie du vingti me si cle des ann es 90 la Seconde Guerre mondiale Et malgr l ironie de son auteur ce roman aboutit lui aussi une utopie que les victimes des nazis soient ressuscit es par leurs propres bourreaux Le livre s ach ve galement par un retour la petite enfance avant que la vie du personnage reprenne son sens normal comme s il tait condamn revivre ind finiment l endroit et l envers 14 L intime contre courant du social I est int ressant d insister sur la dimension sociale du Droit Chemin Comme L Amour existe il se situe en banlieue mais alors que Pi
100. pour isoler le moment du basculement ou les points d ac croche des fameuses circonstances att nuantes dont le narrateur dit bien alors que se pressent sous sa voix des images grises d immeubles de banlieue qu elles ne s vapo rent pas durant la p riode d incarc ration qu elles attendent patiemment le retour du d tenu pour lui coller nouveau la peau Mais force de ressasser le pass de le malaxer comme seul outil contre l ennui de le triturer comme l objet d un fantasme il finit par s effilocher et se crever Et dans ces trous s engouffre l imaginaire du d tenu Le narra teur a trouv des br ches dans son histoire et rou s y est laiss aspirer En recomposant son pass il s est cr un avenir Son histoire est comme une bande vid o qu il aurait d roul e inlassablement d avant en arri re et inverse ment qu il aurait us e en multipliant les arr ts sur image les pauses search rewinds et forwards mais aussi les fausses man uvres des records alors qu il n y a rien enregistrer effa ant ainsi sur la bande de ses souvenirs d innombrables images Au cin ma on parle d ellipses de s quences spa tio temporelles consid r es inutiles ou inint ressantes que l on ne montre pas ou g n ra lement pas Ces ellipses permettent de racon ter des histoires complexes tal es sur plu sieurs ann es en seulement quelques minutes M ais dans la vie d Eric ce son
101. pr sent Les photographies et les images vid o que ce dernier utilise ne servent donc pas attester d une r alit ind niable mais sont destin es tre fondues dans un espace virtuel et devenir une forme mall able l infini Le sort de ces images se confond alors avec celui de la ville puisqu elles sont elles aussi prises dans un perp tuel mouvement de destruction reconstruction Dans L Amour existe l espace est impos par la r alit dans Obras il est travaill par l imaginaire du cin aste les travellings de Pialat buttent contre les murs le travelling de Obras les traverse Il en est de m me pour le temps celui de L Amour existe est chelle humaine c est celui d une vie avec ses souvenirs et ses craintes tandis qu Obras acc l re le temps pour nous projeter dans un improbable futur Enfin on peut se demander ce qu il en est de l humanit dans chacun des deux films en comparant par exemple deux plans d une femme sa fen tre Celle de Pialat est un corps oppress par une fen tre trop petite celle de Dusollier est une image derri re une baie vitr e Pialat filme des corps et des individus Dusollier imagine les silhouettes et les ombres d une population qui semble sur le point de dispara tre Le travail plastique de Dusollier engendre donc une d r alisation qui va l encontre des sp cificit s de l enregistrement cin matographique il n y a plus de hasard plus de dur e plus de pr sence mais un monde remode
102. r sit des techniques et des mati res utilis es Dans Obras elle participe pleinement la dis parit des architectures et des mat riaux qui d finit Barcelone Enfin par son dispositif le cin ma d animation simule le mouvement et rend homog ne ce qui est compos de particules h t rog nes Hendrick utilise ici ce potentiel pour construire un film l unit virtuelle gr ce un tr s long faux plan s quence qui permet de lier ce qui ne peut tre simultan et r uni Ainsi m ta morphose de la ville et des images hybridation des architectures et des techniques homog n it impossible de la cit et unit simul e du mouvement d appareil se r pondent et se ren forcent dans Obras dont le titre m me conjugue pleinement ces rapprochements puisque dans la langue espagnole le terme renvoie autant la notion de chantier qu celle d uvre au sens le plus noble AUTOUR DU FILM Villes de r ve villes de cauchemar D s sa naissance le cin ma art industriel s est empar de la ville comme l un de ses objets de composition voire parfois de sujet d tude majeur et pr f r On pourra m me soutenir l instar de certains anthropologues que les destins du cin ma et de la ville sont irr m dia blement li s et que l on pourrait crire une his toire du cin ma qui ne serait que l une des faces de l histoire de l urbanisation et inverse ment Que l on se rappelle les premi res vues des fr
103. r Son jeu de cartes mobilise du coup enti rement l cran en gros plan 4 bou chant toute perspective D o une confusion grandissante sur la r alit des images pr sen t es marqu e par les calembours sur la Madeleine de Proust et l arc en ciel de Triomphe La carte postale de l Arc de triomphe est vite remplac e par une vue r elle de l difice 5 c est le d but de la digression docu mentaire sur le d fil militaire Une conti nuit s tablit entre les deux r gimes d image en apparence loign s d autant que ce plan balaie des blasons sur le fronton du monu ment Ces blasons comm morant des hauts faits pass s semblent alors consid r s comme des cartes postales d un genre particulier Autrement dit le grandiloquent Arc de triomphe tait une carte postale avant la lettre parfaitement adapt cette imagerie Les vues suivantes insistent sur l aspect pas s iste et folklorique de la tradition militaire vieux grad s en uniforme c t d une plaque Place Charles de Gaulle 6 historique ment fig s puis des vues de pr paratifs 7 accompagn s d archa ques cors de chasse de bruitages de fusils qu on charge et de sabots de chevaux L aspect saccad des 21 images par seconde pr sente les soldats comme des jouets anim s ou les fant mes d un autre temps marchant au rythme des films muets 8 lronisant ouvertement sur la forfanterie patriotique French Kiss ram
104. r enfants Le Petit Poucet ou Pinocchio dont A I est une libre adaptation la volont de ne pas grandir la hantise de l abandon la qu te d une m re perdue On comparera surtout leurs fins o dans les deux cas le retour la m re correspond une fuite hors du temps et du monde Dans Le Droit Chemin le protagoniste retrouve l intimit avec sa m re en retournant dans son ventre Dans A l la m re est recr e des si cles apr s sa mort mais ne peut revivre qu une journ e L enfant immortel l accompagne dans cette r surrection et surtout il peut enfin tre ses c t s pendant ses derniers instants Si Le Droit Chemin est construit sur un retour en arri re A I effectue au contraire un grand bond en avant jusqu ce que le temps n ait plus autant de poids et que la mort faute d tre abolie puisse tre r p t e AUTOUR DU FILM Couvrir ses arri res R cemment les jeux narratifs ou purement visuels consistant retourner le flux temporel sur lui m me obliger la machine cin mato graphique faire marche arri re se sont multi pli s tant au cin ma qu la t l vision Les ph nom nes d images invers es des effets back wards comme l on dit parfois sont tr s popu laires dans les domaines de la publicit ou du vid o clip On a pu remarquer entre autres les troublants clips de Spike Jonze Drop pour le collectif hip hop The Pharcyde en 1997 ou tr s r cemment de Jamie Thraves p
105. ra Le centre de la composition est occup par une zone vide qui concentre les influences de plu sieurs l ments triangulation entre la porte de la maison l ouverture de l appentis et le trou invisible du puits O l enfant va t il tomber Mais c est le chien qui attire d abord l atten tion par sa position presque centrale alors que l enfant est d cal vers la gauche adoss la niche comme dans une inversion des attribu tions normales cf Autour du film Un bruit de porte venant du fond l enfant se l ve et va prendre une nouvelle posture l autre bout du cadre 2 en disant ses seules paroles Maman Le son et le regard dirig vers la maison ajoutent un hors champ capital ceux d j induits par les d bordements du d cor la b tisse est creuse r sonne de quelque chose contenu derri re sa porte et ses fen tres aveugles des volets clos en bas un reflet blanc en haut L attente de l enfant est dirig e vers elle comme vers un personnage une carcasse muette Son anorak trop grand tombant des paules reprend l avachissement de la ligne du toit et l chine courb e du chien donne aussi une version de cette trange tor sion g n ralis e quelque chose ici alourdit tout ralentit et fait ployer douloureusement les corps Sans r ponse l enfant va s asseoir au bord du puits et le chien au bord de sa niche 3 pour affirmer de nouveau l troite correspondance entre eux ainsi qu
106. ransitions des temps morts de passage brusques envols ou plong es Dans ses Notes sur le cin matographe Robert Bresson voque un travelling au dessus d une ville J e me souviens d un vieux film Trente secondes sur Tokyo La vie tait suspendue pendant trente secondes admirables les trente secondes du survol de Tokyo par un avion de chasse am ricain pendant la guerre o il ne se pas sait rien En r alit il s y passait tout Cin matographe art avec des images de ne rien repr senter Gallimard Folio p 116 L admiration du cin aste pour cette double suspension spatiale au dessus de la ville et temporelle dans le vide soudain des v nements permet de bien poser le contraste entre le plan s quence de La Peur petit chasseur qui suit le pr cepte bresso nien d une conomie totale de la repr sentation et celui de Obras domin par une visualisation pl thorique Cons quences Chez Bresson encore Films lents o tout le monde galope et gesti cule films rapides o l on bouge peine p 90 Il est difficile de saisir l impression temporelle que procure Obras tant le film semble hybride et ind fini lent dans ses acc l rations vide dans son remplissage Les moments de suspension n y manquent pas par exemple ceux qui permettent de contempler les efflores cences noires manant des immeubles mais troublent toujours parce qu ils concernent encore une m tamorphose tout bouge contin
107. respond au texte principal consacr chacun des films et r dig par un critique de cin ma ou un universitaire Il se partage entre des parties informatives le synopsis du film la pr sentation du r alisateur un entretien et d autres plus strictement analytiques l analyse du film l analyse de s quence une tude abordant d autres uvres Autour du film Le second niveau signal par des zones gris es propose des pistes p da gogiques le plus souvent d duites du texte principal Par ailleurs l ensemble des films fait l objet d une lecture transversale Le plan et le temps Situ e au d but et la fin du livret ainsi qu la fin de chacune des parties consacr es aux films cette lecture peut servir de fil rouge une tude commune des cinq films En derni re page du livret sont donn es les r f rences des uvres cit es les plus significatives Sont galement indiqu s des outils p dagogiques adapt s l tude du court m trage en classe Ce pictogramme indique un lien direct avec la fiche l ve N Ce pictogramme indique la pr sence de compl ments sur le site WWW apcyi com Vous y trouverez notamment le story board et le sc nario de Obras le d coupage et le sc nario du Droit Chemin ainsi que le sc nario et la note d intention de French Kiss Le dossier et la fiche l ve y sont galement dis ponibles au format pdf LIVRET P DAGOGIQUE ENSEIGNANTS Edition APCVL P le r
108. s sion d une continuit lin aire ou l inverse d un montage dans le plan que celle d une modulation rythmique o le son joue aussi un grand r le On voit bien comment cette modulation est l objet m me de La Peur travers le lent ballet des personnages et le passage impressionnant du train sur la bande son Le cin aste Andrei Tarkovski crivait que le plan s quence tait l outil fonda mental pour sculpter le temps le transformer en mati re sen sible et plastique Le rythme du film n est pas d termin par la longueur des morceaux mont s mais par l intensit du temps qui s coule en eux Le temps scell Cahiers du Cin ma 1989 p 111 4 On peut enfin consid rer avec Pier Paolo Pasolini que le plan s quence d signe une sorte d tat absolu du cin ma une image potentiellement infinie sans limites temporelles gale la vie et asignifiante un il neutre La seule op ration faisant du cin ma un art est alors le montage qui effectue sur ce mat riau la m me op ration que la mort accomplit sur la vie lui donner une signi fication cf Consid rations sur le plan s quence in L Exp rience h r tique Payot 1976 p 208 212 Laurent Achard passe quinze jours en salle de montage pour le plan s quence de La Peur parce qu il faut choisir le plan et l entourer de noirs Ces op rations de montage tr s simples sont aussi les plus d cisives elles cr ent un d but et une
109. s le temps d un claquement involontaire dans un morceau de musique l cran devient noir et coupe l action en cours produisant une chute alors seulement pr sente sur la bande son Le gag est dans le plan noir ponctuation rythmique parfaite articulant la suite des actions mais aussi soudaine et inattendue interruption de l image On a vu dans les analyses pr c dentes que French Kiss est domin par une esth tique de l acc l ration du raccourci et du signe auto nome les cartes postales Le film pousse ainsi sa limite la m ca nique du un plan un gag transformant la vie de ses person nages en une course burlesque permanente se passe toujours quelque chose que le spectateur doit reconna tre comme objet comique du plan et c est peu pr s le temps de cette reconnais sance qui d cide du rythme des encha nements comme au cirque le film avance par num ros ne devant laisser aucun temps morts Les incrustations d intertitres ou de dessins constituent eux aussi une bonne m taphore du type de dur e majoritairement instaur par le film celui d une lecture d l ments juxtapos s qui appa raissent et disparaissent clignotent comme les cartes postales feuillet es devant Notre Dame ou le Happy End de la derni re sc ne Cette m taphore peut servir de base une analyse plus fine du burlesque pratiqu par French Kiss qui se r v le autant verbal ou fond sur des jeux de d tournements de signi
110. s documentaires Ce qui suit est pourtant une sc ne jou e dans laquelle deux hommes discutent de leurs affaires devant la Bourse Ce carton ironique sugg re que ce dialogue crit est aussi vrai ou m me plus vrai qu une conversation saisie par hasard C est aussi une fa on d affirmer que com die et caricature peuvent r v ler quelque chose de la r alit Cette dimension est galement sensible dans les constantes allusions l actualit politique qui ancrent le film dans son poque Jean Luc Godard French Kiss s apparente certains des premiers films de Jean Luc Godard Kate rappelle Jean Seberg dans bout de souffle 1959 et l idiotie des deux gar ons voque Les Carabiniers 1963 Comme Godard Peretjatko cr une distanciation en nous rappelant constamment que nous sommes au cin ma par des fermetures l iris des insertions de textes Comme Godard il se soucie peu des transitions Son montage est brusque et parfois hach par des jump cut c est dire des coupes dans un plan continu cf Jacques Chirac au d fil du 8 mai Seb pr parant le boudin Dans bout de souffle Godard fut l un des premiers utiliser cette technique de fa on d lib r e Comme lui Peretjatko pratique la digression et le collage allusions l actualit images documentaires cartes postales etc Le film de Godard dont French Kiss est le plus proche est Une Femme est une femme 1961 com die sur les amours d un trio parisie
111. s limites dans la capitale de la Catalogne qui ne cesse de se modifier enti rement tourn e vers son avenir prise dans une trange course au chan gement Barcelone d truit ses vieux quartiers populaires pour y construire de nouveaux b ti ments sans se soucier de son histoire et de son patrimoine de ses formes baroques de ses lignes sinueuses de ses rues troites et de ses couleurs chaudes La normalisation des grandes m tropoles la contamine irr versible ment Le premier projet du jeune homme est port par son choc devant la brutalit des transfor mations Il con oit un cd rom testament de la ville un objet pour m moire qui d une part pourrait conserver du moins en images les derni res bribes du pass de la cit et d autre part d noncer ces destructions massives et inconscientes Mais en cours de travail Dusollier conna t un deuxi me branlement d ordre esth tique il admet la fascination qu exercent sur lui les images de destruction II fait en quelque sorte une exp rience du sublime et oublie alors sa mission de r veil des consciences pour devenir le t moin de ces moments extraordinaires et rares o les b ti ments deviennent poussi res o le gigantisme du vertical retourne la d solation de l hori zontal deux motifs forts du film Hypnotis par ce d clin des formes Dusollier d cide de r aliser Obras un film qui se donne voir comme une uvre cr pusculaire les pre mi res
112. s se droguent ensemble 7 II la regarde s endormir Elle meurt d une overdose 8 Arr t par la police apr s un deal il se retrouve en prison 9 Le r cit conna t une acc l ration en raison des ellipses qui semblent de plus en plus impor tantes La seconde histoire d amour est celle que raconte le narrateur Elle est port e par la voix off mais s appuie si pr cis ment sur les images qu elle parvient leur imposer sa v rit Arr t par la police apr s un deal il se retrouve en prison 9 sa sortie il va chez Golda pour d couvrir qu elle n est pas morte d une over dose contrairement ce qu on lui avait rap port Elle s est foutue de lui Il entre dans son lit Elle n est pas venue le voir en prison parce qu elle n tait pas au courant 8 Ils recom mencent se droguer 7 Ils s treignent au bord du lit Ses parents n aimaient pas Golda dit il 6 Au petit matin il l observe dormir et fixe son bras meurtri 5 Amoureux ils dansent de bonheur dans les rues 4 II commence travailler l usine et par chance elle trouve une place sur la m me cha ne que lui 3 Malheureusement Golda s int resse moins lui depuis qu il a arr t de se droguer et ne pense qu au boulot Et m me si elle l embrasse leur histoire semble vivre ses derniers instants On notera qu au moment o le narrateur raconte avoir arr t la dope Golda clate de rire fragilisant une fois de plus le discours d
113. s tours fr site du centre r gional de documentation p dagogique adresses des diff rents CDDP de la r gion Centre
114. sa nature profonde il n est plus un animal des affects mais l animal d un seul affect un monstre enrag Dans L argent de Robert Bresson 1983 un Stalker 1979 berger allemand est utilis comme lien entre les lieux successifs d une action un homme assassine une vieille dame coups de hache chez elle pour lui voler son argent Le chien n intervient pas il se fait le t moin affectif du drame Sa longue silhouette apeur e qui file de pi ce en pi ce parcourant la maison en rasant les murs et en poussant quelques g misse ments condense de mani re s che et terrible un effroi que la victime n a pas exprim On n a pas vu le visage de la vieille dame au moment du meurtre ce sont les raccords sur les volu tions rapides de l animal qui tout la fois s y substituent et en offrent une extension cette mort violente et absurde terrifie tout l espace se r pand comme une tra n e gla ante dans l ensemble de la maison le chien devenant alors un v ritable passeur de peur Dans Au hasard Balthazar 1966 Robert Bresson donne le r le principal un ne qui changeant de propri taires assiste diverses passions humaines et s en fait l ultime victime expia toire Il ne s agit plus alors de r pandre un affect dans des lieux plut t de passer travers les affects comme dans un espace le seul o l animal se d place vraiment Un grand chien noir enfin appara t myst rieu sement au c ur de la Zone
115. t Eurydice L amour est ce qui le pousse reconstruire son histoire l envers le d sir de retrouver les gens qu il a perdus Un des effets les plus profonds mon sens de cette remont e dans le temps c est que lorsque le personnage retrouve sa m re biologique elle a l ge de sa copine Golda au moment o il vivait avec elle J ai d ailleurs choisi deux com diennes qui ont une Orph e descendu aux enfers Rubens 1638 LEO ons Extrait du story board 12 l g re ressemblance Lorsqu il observe sa m re dans la chambre d h tel on ne peut s emp cher de penser qu il la voit avec ses yeux d adulte puisque sa voix est rest e la m me celle d un jeune homme de vingt ans et que ce regard est un regard de d sir LE CONTEXTE EN QUESTION Je pense que c est le contexte qui fait les gens mais il ne faut pas chercher un lien de cause effet On est ce qu on est par son ducation la vie qu on traverse mais on ne peut pas essayer de justifier tous nos actes par ce contexte La question qui me pr occupe est avant tout celle de l identit individuelle Les sciences humaines ont r ussi mon sens d finir l in dividu par son conditionnement psycholo gique social et politique Je suis convaincu de l galit des individus entre eux la naissance et que seul le contexte nous distingue ensuite J essaie de pousser cette logique jusqu au bout dans ma mani re d observer les gens J
116. t des trous dans sa ligne du temps qu il d cide de combler par fois au d pit du bon sens des images qu il garde en m moire Le sarcasme du film pro vient pr cis ment du d calage entre son r cit recompos et les images qui lui r sistent et en signalent la faille narrative Cette distance de la bande image par rapport la bande son se manifeste de deux mani res d une part le travail sur le d filement des images des plans l envers d autre part le travail du contre point et du paradoxe de plus en plus affirm entre le discours du narrateur et l illustration du cin aste ce qui rend le spectateur perplexe voire schizophr ne faut il croire l image ou le son Gokalp joue ainsi autant sur notre foi dans le vu que sur la puissance de la voix off dont on sait qu elle est omnipotente Il installe le spectateur dans un tat permanent d oscil lation entre les deux voies narratives qui multi plient les lectures d autant que la voix du per sonnage ne recule devant aucune audace pour convertir l image son r cit jusqu mettre parfois ses propres mots dans la bouche des personnages voir la s quence de l ANPE 13 De cette situation de d calage permanent na t une curieuse et perverse ironie d guis e en une s rie d impossibles utopies touchant toutes les sph res du monde social rencon trer des policiers qui vous donnent un peu d argent pour vous aider refaire votre vie faire rena tre Un amour
117. t la trace qui en reste La difficult d appr hension de l image cin matographique tient cette double nature qu il est courant d ignorer pour simplifier la r flexion On va toujours au cin ma pour tuer le temps c est dire non pas l liminer mais lui faire subir des distorsions in dites r tr cissements dilatations chos trous noirs Mais comment concilier l analyse stricte de la gestion du temps l int rieur d un plan et cette impression capitale que le film nous laisse Il est souvent plus simple de s attarder sur le travail temporel du r cit ou du montage en y observant les ellipses les r p titions les flash back et flash forward autant de proc d s offrant comme l crivait Gilles Deleuze une image indirecte du temps Dans la continuit apparente du plan fut il en r alit composite il faut d abord s attarder sur d autres caract ristiques la vitesse de l image le rythme des actions ou apparitions de motifs leurs cor respondances r ciproques et avec la dur e du plan le temps laiss leur perception l influence des rythmes et dur es de la bande son L vocation indispensable de l impression temporelle peut se soutenir de ces premiers l ments pour d ployer une partie des effets du film On va voir comment dans les cinq courts m trages analys s au fil des pages suivantes les d cisions locales sur la dur e des plans sont d cisives pour la compr hension g
118. t que seul le cin ma saurait nous montrer et seconder La question de Pialat est ici programmatique comment trouver un geste de cin ma Est ce que dans l quivalence simpliste entre le geste du peintre et le mouvement de cam ra quelque chose ne passe pas qui serait du domaine de l v nement formel et du style L uvre de Pialat est souvent comment e travers l id e d une grande rigueur de cadrage et d une immobilit des plans M ais s ils privil gient effectivement les mouvements des acteurs sur ceux du cadre ses films sont ponc tu s comme ceux de Bresson ou Dreyer de tra vellings et de panoramiques autonomes et puissamment expressifs L Amour existe est ce titre tr s surprenant la premi re partie est presque enti rement constitu e de mouve ments complexes qui reviennent par intermit tence jusqu la fin sous forme de longs et rapides travellings avant comme pour trans percer la chappe d immobilit de la banlieue et affirmer le d sespoir d une sortie de ce terri toire Le travelling est pr cis ment par son tymolo gie ce qui voyage Les premiers travellings de l histoire du cin ma montraient des d cors qu il s agissait autant de d crire que de longer pour le pur plaisir du mouvement ainsi qu on le rapporte depuis l exp rience inaugurale de Promio un op rateur Lumi re filmant les rives du Grand Canal de Venise partir d un vapo retto N anmoins dans tous les d buts
119. tenant compte des bords du cadre et de la profondeur de champ L analyse du film Attelage d un camion propos e dans Le cin ma une histoire de plans d Alain Bergala est une tr s bonne introduction au rigoureux travail des op rateurs Lumi re On pourra galement voir Louis Lumi re d Eric Rohmer bonus du DVD du Signe du lion qui pr sente un bon chantillon de films Lumi re comment s par Jean Renoir et Henri Langlois Parce qu elle est totalement mise en sc ne une sayn te comique comme Le faux cul de jatte 1896 peut tre particuli rement int ressante analyser On en soulignera l utilisation de l espace et la pr cision du timing De plus on y voit galement un chien dont l implication dans le r cit change en cours de film on croit d abord qu il est l par hasard puis il prend part l action Le hors champ La Peur petit chasseur permet de se pencher sur une notion importante au cin ma le hors champ c est dire ce qui n est pas visible dans le cadre mais peut tre sugg r par les sons les ombres ou la direction du regard des acteurs Ici c est la violence qui est maintenue hors champ pour n tre prise en charge que par la bande son Les sons ajoutent du mouvement et de la profondeur l image c est m me autour d eux que se noue le drame soit parce qu ils en sont la seule manifestation la dispute soit parce qu ils en accompagnent la violence le bruit du train Cette utilisation du hors champ no
120. tens ment le rapport homme machine Obras en fait et en propose l intense exp rience La forme d une ville crivait Baudelaire change plus vite h las que le c ur d un mortel Elle est en cons quence le sujet r v du cin matographe art du fugitif et du transi toire mais aussi de l animatographe comme disent les amoureux du cin ma d animation art de la m tamorphose MITEXTE TRANSVERSAL Fragmentations et modulations On a constat entre La Peur petit chasseur Le Droit Chemin et L Amour existe une question commune quel rapport instaurer entre la m moire du protagoniste narrateur implicite ou expli cite le temps des plans et l exp rience temporelle du specta teur On peut aussi tracer entre ces trois films et French Kiss une sorte d volution formelle vers une r duction toujours plus mar qu e de la dur e du plan comme unit gestuelle rythmique et signifiante Du plan s quence de La peur petit chasseur qui fait correspondre sa dur e celle d une longue suite d actions boucl e sur elle m me aux micro gags hyst ris s de French Kiss on a retrouv chaque fois une volont d isoler ou autonomiser les plans pour mieux souligner leurs effets temporels internes et leurs encha nements Obras vient en fin de parcours confirmer para doxalement ce mouvement th orique ce plan s quence de 12 minutes est fond sur une apparence de continuit qui en ferait un quivalent formel
121. tre th tralit et spatialit r a liste ambiance de conte et vocation compor tementaliste le film saisit ainsi le moment exact pour l enfant comme pour le spectateur o les affects oscillent d un bord l autre du r el et de l imaginaire Son ultime objet invi sible n est alors ni l homme ni le train mais le point de vue fixe qui assigne l enfant sur sa sc ne d effroi et lui grave en m moire ce trau matisme la mani re d un tableau vivant Qui voit cette sc ne Sans doute l enfant lui m me construisant son image pour les angoisses futures les trains toujours emporteront des cris Aussi loign de lui dans l espace nous sommes en r alit son plus profond l o ce sont les souvenirs qui r sis tent AUTOUR DU FILM L animal des affects White Dog 1982 tout chasseur il faut un chien Dans le film de Laurent Achard le vieux berger allemand atta ch sa cha ne queue basse et d marche lente ne ressemble pourtant pas aux clich s de l animal de chasse Il n entra ne aucune action aucun changement de situation il est simple ment fid le l enfant dans toute l ampleur de l id e de fid lit Malgr sa masse impression nante l animal n est pas ici l incarnation d une puissance physique comme capacit d accom plissement de t ches aller plus vite plus loin mais capacit d impr gnation et d expres sion de ce qui affecte son milieu et son jeune ma
122. u avec des fausses fins On croit que c est fini et a red marre C est pour cela que j aime beaucoup les panoramiques rapides qui pr cipitent la Extrait du sc nario L Heure de pointe 2002 26 chir situation La rapidit est importante selon moi en termes comiques on doit encha ner gag sur gag afin que le spectateur s il n accroche pas au premier puisse tout de suite en exp ri menter un autre En contrepartie il faut veiller resserrer au maximum le montage final pour viter les temps morts J essaie toujours de faire le plus court possible French Kiss faisait la base 23 minutes il en a au final cinq de moins Ce go t de la vitesse doit expliquer le fait que j ai toujours tourn en acc l r moins de 25 images par seconde Le calcul est simple si on tourne 18 images le film est acc l r si on projette 18 il est ralenti AU d part cela a t un moyen de contourner ce probl me alors qu on tourne habituellement 25 images par seconde on projette les films 24 Du coup c est un peu plus lent On perd en tonalit de son et en rythme Un film de 10 minutes tourn 25 images fera 11 minutes s il est projet 24 J ai du coup tourn Changement de trottoir 23 images par seconde pour anticiper ce ralentissement On sentait tout de m me l acc l ration dans cer tains plans et l effet m a int ress j ai forc la dose dans French
123. u s agit il de l enfant qui se voudrait vaillant devant la peur comme dans la c l bre comptine Le petit chasseur Il tait un petit homme cheval sur un b ton Il s en allait la chasse la chasse aux hannetons Quand il fut sur la montagne II partit un coup d canon Il en eut si peur tout d m me Qu il tomba sur ses talons Il semble en fait que les r les s changent constamment autour de la virgule du titre la fois d signation La peur est un petit chas seur et interpellation La peur petit chas seur Selon une r gle psychologique impi toyable l enfant chass se doit aussi d tre chasseur l aff t de sa peur et l affrontant sans autre action qu une pure pers v rance dans un courage qui s apparente au martyr Il supporte et il r siste pass e au singulier et prise au pied de la lettre chez Achard la for mule difiante de la vieille dame d signe de terribles effets de mise en sc ne L enfant seul dehors attach son maigre espace comme le chien sa cha ne l coute inqui te d une maison l preuse d o peut sortir le bien comme le mal est soumis corps et me un v nement dont il est pourtant loign et ne voit rien Ce qu il endure ne nous est donn qu travers des insistances formelles fixit totale du cadre continuit temporelle lent va et vient du chien mont e implacable du bruit du train moments d immobilit
124. uellement glisse chappe s entrelace Le mod le de cette temporalit hybride et lastique ne se situe pas non plus du c t de Tarkovski et de sa pens e d un temps inten sif cf Texte transversa p 10 l conomie de l v nement res tant pour lui n cessaire une juste perception des m tamor phoses Obras t moigne en r alit des champs nouveaux ouverts au travail temporel par l image de synth se les d lires d une machine d crits par J ean Epstein cf Texte transversal p 17 acc l rations ralentissements inversions peuvent mainte nant se combiner entre eux et figurer de troublants m langes de dur es Mais l o l unit du plan n est plus garante d une unit temporelle il faut tout de m me trouver d autres moyens de don ner au spectateur un rep re une chelle de temps c est dans Obras toute la fonction du long travelling l id e de recomposer l impression d un mouvement ininterrompu se substituant la continuit technique r elle du plan classique Peu importe que le mouvement soit faux il faut abandonner le jugement critique sui vant lequel le film imiterait la continuit et plut t penser en termes de rythme l impression temporelle minimale qu il procure constitue comme en musique une basse continue soutenant les multiples variations du reste de l image Bienvenue au temps des infinies modulations 38 R f rences Autour des films LA PEUR PE
125. une villes Avec le cin ma dit moderne dont l uvre de Pialat est une part les mouvements autonomes font un grand retour mais ils ne m nent nulle part semblent n avoir ni d but ni fin ne viennent plus cadrer que le vide Dans L Eclipse de Michelangelo Antonioni 1962 de courts tra vellings recadrent des objets sans autre effet apparent que modifier des compositions sous l impulsion d un invisible et incompr hensible d miurge esth te Le travelling devient le Sphinx des mouvements Repr sentant capital de cette modernit Alain Resnais a achev Hiroshima mon amour et entame L Ann e derni re Marienbad au moment o d bute le tournage de L Amour existe Avec ces films et ses pr c dents courts m trages il a r invent le travelling lib r des simples contraintes descriptives comme des tentations du vide moderniste les mouve ments d appareil semblent devenir le sujet principal des plans ce par quoi l image consiste H ritant du ma tre fran ais des travellings M ax Ophuls un art riche des varia tions de vitesses des changements de direc tion et d angle ses mouvements solitaires expriment l exploration de consciences fant matiques et transforment tout d cor en laby rinthe mental les travellings dans Hiroshima semblent autant parcourir une impossible m moire qu une ville r elle C est exactement du m me geste que participent les avanc es interminables de L Amour existe en leur ajou
126. us permet de partager la solitude et l angoisse de l enfant lui m me exclu de la maison et condamn couter sans voir C est aussi un moyen d viter une repr sentation trop frontale de la violence en laissant le spectateur libre de la cr er en partie en y projetant ses propres exp riences On pourra galement s interroger sur l utilisation des bords du cadre Sont ils plut t ouverts ou ferm s Le fait qu aucun l ment visible ne sort du champ et que ce qui le traverse reste lointain et invisible le train donne le sentiment que le cadre isole l enfant du monde situ hors champ Mouvements humains dans un monde immobile L une des fa ons de d composer le plan unique constituant La Peur petit chasseur est d attirer l attention sur les diff rents l ments qui y c xistent humains animaux v g taux pierres objets Une famille s y d chire au milieu d une nature indiff rente les cris et les appels se heurtent au silence des arbres des murs et des choses La place de la cam ra et l absence de montage semblent maintenir tous ces l ments une distance qui n en privil gie aucun Les humains et l animal sont tout de m me au centre du plan et la fixit du cadre met leurs mouvements en relief dans cet espace fig Au del du sens que l on peut lui donner on remarquera que ce film revient ainsi aux premiers enjeux du cin ma enregistrer les mouvements des hommes et des b tes pour voir comment ils se d plac
127. vec la r alisation la diff rence des jeunes r alisateurs de la Nouvelle Vague Pialat n est jamais pass par l activit critique n a jamais crit dans les revues ou publier d ouvrage th orique Il a par contre quelques exp riences de com dien de l assistanat pour le th tre et la t l vision et avant cela durant cinq ann es seul et dans le cadre des Beaux Arts il a peint en pensant en faire son m tier HORS DES GENRES L Amour existe est d abord une balade person nelle Pialat va filmer seul des obsessions les trains les terrains vagues et des lieux de son enfance maison cole ceux qu il a peints dans ses toiles il fait aussi jouer des amis de la famille Mais il a en t te des plans com plexes longs travellings et panoramiques qui n cessitent une v ritable quipe et des com p tences Braunberger lui permet alors de ras sembler quelques excellents techniciens appar tenant son curie l op rateur Gilbert Sarthe qui a travaill avec Ren Clair et Jacques Becker le compositeur Georges Delerue collaborateur r gulier des Films de la Pl iade l acteur Jean Loup Reynold ami de Pialat qui pr te sa voix au commentaire voix que Pialat consid rera ensuite comme trop ampoul e La r alisation du film prend plus de temps que pr vu par Braunberger Pialat n est pas toujours disponible les lieux de tour nage se multiplient une vingtaine de villes de banlieue il faut des
128. venir par une vue en reflet sur un amoncellement de miroirs bris s Les faits ne vont ainsi jamais sans un geste path tique qui la t tanie des habitants de la banlieue bien m taphori s e par l trange maison bus immobile oppose des associations des raccords et des mouvements de cam ra comme autant de mouvements d humeur cris de rage d sespoir o libert Dans un premier projet le titre L Amour existe tait pr cis ment voqu pour une s quence de montage compos e de plans pris l improviste qui n appara t pas dans le film actuel Le Quartier les Copains la Bande le Caf la chaleur des vitrines de cette libre litanie sentimentale il ne reste qu un titre provocant premier geste pour tous les faits venir AUTOUR DU FILM Travellings Au d but de Van Gogh Maurice Pialat a plac une sorte d image exergue dont la singularit formelle contraste avec la s cheresse du reste du film il s agit d un court panoramique sui vant au ralenti un pinceau d posant un pig ment bleu sur une toile le geste du peintre tant comme doubl par la cam ra Le son non di g tique d une vague se brisant sur une rive accompagne cet cho entre les deux mouve ments et tout en contribuant leur confusion amplifie l impression de poids d inertie et de soudain vertige une puissance physique d finitive bien loign e de celle que l on attri bue habituellement un pinceau e
129. viennent pas les penser ou les renouveler B tise contemporaine et somme toute tr s partag e que le film ne surplombe pas mais reprend son compte sur le mode de la surench re ou de la grimace Comment figurer la r gression ou la b tise en vitant le regard st rile du juge clair en acceptant m me d en encourir le p ril Question d importance intimement li e la modernit telle est la th se d un essai L idiotie publi en 2003 par le critique d art Jean Yves Jouannais d Beaux Arts maga zine Selon lui le cr ateur moderne ne doit pas se consid rer comme un initi un tre d exception C est un clown qui doit jouer de sa d sorientation de ses faiblesses de son idiotie et non de sa ma trise ou de son savoir La mythologie solennelle du chef d uvre suppos achev et parfait participe selon Jouannais de la logique m me du lieu com mun qu il est suppos viter L artiste ne devrait d s lors pas regarder de haut les st 30 r otypes mais convenant qu il n a pas leur force de frappe jongler avec eux en courant le risque d appara tre ridicule ou aberrant On pourrait sur ce terrain remonter jusqu aux Fumistes fin de si cle Alfred Jarry ou le dada sme Plus proche de nous l crivain polo nais Witold Gombrowicz 1904 1969 a d ve lopp sa philosophie autour du principe de l Immaturit trait essentiel de l homme y compris vis vis de sa propre culture La gran
130. voquant par ailleurs What s new Pussycat cin ma muet l acc l r l usage de l iris film militant d avant garde les inscriptions l cran M ais aussi la Nouvelle Vague avec singuli rement ric Rohmer marivaudage avec une jeune touriste la lisi re du roman photo et Jean Luc Godard tudiante am ricaine et jeunes gens sur qui on tire dans une rue bout de souffle insouciance de jeux amoureux en trio Une Femme est une femme usage des cartes postales Les Carabiniers L histoire du cin ma n chappe pas ici l touffante inflation des clich s les r f rences de r pertoire force d tre sollicit es par les cin philes deviennent elles m mes des cartes postales se m lant la pacotille de s rie Z Face cette neutralisation la forme du puzzle tel celui que le personnage de Pierre d verse f brilement sur une table est peut tre une issue une image comme fig e plomb e par le clich qui ne doit pas tant tre regard e que reconstitu e Au risque de m langer toutes les pi ces French Kiss recolle les morceaux comme il peut ANALYSE DE SEQUENCE Voyage dans une carte postale Une s quence d veloppe assez nettement la mani re dont les st r otypes parasitent perp tuellement le quotidien l ali nant et l enchan tant tout la fois Le premier plan 1 pr sente Kate de trois quart dos sur un pont accoud e et r veuse ce que souligne la musique Le cli ch
131. z lui le lendemain soir elle d couvre qu elle a perdu son passeport Ils sillonnent Paris pour le retrouver Apr s plusieurs p rip ties Kate se perd dans la ville Errant sa recherche Seb rencontre par hasard un ami qui raconte avoir surpris JP et Kate planifiant une idylle entre elle et Seb On finit par localiser la jeune fille avec le concours inattendu de son chat Un happy end gt r v le que Kate n avait pas perdu son passeport et n est pas am ricaine Elle obtient tout de m me le french kiss qu elle r clame Seb tandis qu un flash radio annonce un coup d tat anarchiste aux tats Unis 25 Antonin Peretjatko N en 1974 Grenoble Antonin Peretjatko int gre l cole Louis Lumi re en 1999 section image Apr s deux documentaires r alis s dans le cadre de sa scolarit il r alise en 2002 une pre mi re fiction L Heure de pointe tourn e sans aide financi re et qu il d veloppe lui m me le film joue de ces conditions artisanales sa texture reproduisant celle d une vieille copie noir et blanc granuleux rayures voilage Racontant sur fond de voix off et de jazz les fac ties et la m lancolie d une bande de copains parisiens il est souvent per u comme un pastiche de la Nouvelle Vague Suit en 2003 Changement de trottoir qui explore en couleurs la m me veine puis en 2004 French Kiss d apparence plus composite Peretjatko pr pare actuellement un moyen m trage l Op rat

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