Être libre avec Sartre
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1. L existentialisme est un humanisme p 27 28 Prisonniers de notre nature Si le concept d humanit suppose une pr d termination universelle par del les lieux et les poques que toute vie humaine n est que la variation originale d un seul et m me mod le il existe toutefois au sein de cette humanit comme un genre comporte plusieurs esp ces des cat gories g n rales 6 TRE LIBRE AVEC SARTRE unies par des sp cificit s communes Prenons l exemple de la femme Pour le d terministe la femme par sa nature propre poss de une intelligence et une affectivit singuli res des tendances qui lui seraient r serv es Toute femme aurait ainsi l instinct maternel inn serait passionn e de cuisine et toute femme serait naturellement incapable de faire un cr neau Il existerait par cons quent une essence f minine un cadre structurel qui limite le potentiel f minin Auteure du Deuxi me Sexe l existentialiste Simone de Beauvoir amie et confidente ind fectible de Sartre ne voit dans tout cela qu une construction imaginaire une strat gie sociale de domination et de discrimination un moyen habile de produire des m res des pouses soumises ou des m nag res Nous y reviendrons Mais les femmes ne sont pas les seules victimes de l essen tialisme Sur le m me mode peuvent ainsi s laborer la figure du Noir naturellement dou pour le sport de l Arabe forc ment voleur ou du Juif2. objet observateur et observ Car autrui ne peut tre con u comme un tre inanim un arbre ou une chaise Par sa conscience il contemple le monde et peut faire de nous ce que nous pouvons faire de lui savoir un tre objet c est dire un tre r duit certaines qualit s Si autrui objet se d finit en liaison avec le monde comme l objet qui voit ce que je vois ma liaison fondamentale avec autrui sujet doit pouvoir se ramener ma possibilit permanente d tre vu par autrui C est dans et par la r v lation de mon tre objet pour autrui que je dois pouvoir saisir la pr sence de son tre sujet ibid Un objet est par d finition quelque chose de bien d ter min Nous pouvons comprendre par cons quent que notre tre objet appelle une vision d terministe et sans appel de la part des autres Si nous avons par exemple un look d cal une attitude provocatrice une fa on de nous exprimer bien particuli re nous pouvons facilement tre enferm s dans un sch ma simplificateur et grossier 16 TRE LIBRE AVEC SARTRE Livr s au regard des autres nous sommes chosifi s Mais tre observ est coutumier habituel nous ne pouvons rien y changer m me si cela peut tre douloureux Si nous sommes immigr s et que nous pratiquons difficilement le fran ais certains pourraient s arr ter cet tat de fait et en conclure que nous sommes frustes et peu duqu s m me si nous
3. in luctablement radin tous irr m diablement fid les leurs travers leurs vices et au danger qu ils repr sentent Rien n y fait ils ne peuvent chapper leur nature affirment les racistes moins que cette nature comme le sugg re Sartre propos des Juifs ne soit que l invention opportune de ceux qui l invoquent Si l glise du Moyen ge a tol r les juifs alors qu elle pouvait les assimiler de force ou les faire massacrer c est qu ils remplissaient une fonction conomique de premi re n cessit maudits ils exer aient un m tier maudit mais indispensable ne pouvant poss der les terres ni servir dans l arm e ils pratiquaient le commerce de l argent qu un chr tien ne pouvait aborder sans se souiller Ainsi la mal diction originelle s est redoubl e bient t d une mal diction conomique et c est surtout cette derni re qui a persist On repro che aujourd hui aux juifs d exercer des m tiers improductifs sans qu on se rende compte que leur apparente autonomie au sein de la nation vient de ce qu on les a d abord cantonn s dans ces m tiers en leur interdisant tous les autres Ainsi n est il pas exag r de dire que ce sont les chr tiens qui ont cr le juif en provoquant un arr t Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 7 brusque de son assimilation et en le pourvoyant malgr lui d une fonction o il a depuis excell C est l antis mite qui f
4. tions chirurgien cardiaque dans notre pays d origine Nous subissons alors la pression des jugements faciles excluant la richesse et la complexit de notre personne sous une apparente simplicit Ainsi d une mani re g n rale les attitudes l apparence physique l appartenance ethnique ou sociale sont la proie des regards des discours sans concession injustes et r ducteurs Il en faut peu pour tirer des g n ralit s abusives sur autrui qu il s agisse des anonymes ou des proches famille et amis Le r flexe est toujours le m me il consiste enfermer l autre dans une d finition le peureux incorrigible le soumis patent ou l idiot de la famille Acca par s comme chosifi s nous sommes ramen s certaines caract ristiques intangibles Apr s r flexion nous dit Sartre l exp rience n en demeure pas moins fondamentale Elle permet de cerner le m canisme des rapports interindividuels de comprendre la m sestime de soi le mal tre les conduites d vitement qui naissent d une d termination subie Elle permet de r v ler les relations diffi ciles et parfois douloureuses que nous entretenons avec nous m mes Car le probl me est que nous pouvons finir par int grer l image que nous renvoient les autres pi g s par un entourage jamais court d arguments d terministes tout est fini les qualit s les dons ou les d fauts sont r partis il s agit maintenant de nous accommoder d u
5. Nos valeurs voluent donc en fonction de notre ducation de l histoire de notre soci t et du lieu g ographique o nous vivons Cela ne nous emp che pourtant pas de les brandir comme des certitudes indiscutables pour s parer l anormal du normal pour op rer des diff rences et des hi rarchies Juger l autre l accepter ou l exclure c est toujours traduire l esprit d une soci t originale la particularit exclusive d une poque Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 25 Nous sommes certes libres de vivre comme nous le souhai tons mais si nous choisissons de vivre en dehors de la norme majoritaire nous risquons de rencontrer nombre de difficult s sur notre chemin Nous pouvons ici penser par exemple aux gens du voyage qui ont occup l actualit tout r cem ment D nomination sous laquelle ont d ailleurs t amalga m es toutes sortes de communaut s diff rentes fran aises ou non Le d bat fut passionn et l on voit comment ce mode de vie singulier a pu provoquer le rejet de m me qu un discours d exclusion de la part des institutions Le conflit entre consciences o se joue la libert de chacun est donc sous tendu par les conflits conomiques sociaux ethniques religieux etc inh rents toute collectivit Le d terminisme sous toutes ses formes que l on parle de l inn de l acquis d une repr sentation philosophique ou religieuse d
6. e sous jacente est que notre libert se heurte n cessaire ment une autre libert Qu est ce qui limiterait ainsi la n tre Nos institutions peuvent elles nous la garantir Nous b n ficions en droit de la libert de penser est ce pour autant une r alit Pouvoir affirmer tout et n importe quoi sans le moindre recul selon les tendances du moment est ce vrai ment tre libre Ce que nous pensons est il le simple fruit de notre raison ou bien sommes nous sans cesse influenc s par ce qui nous entoure par notre histoire par les m dias Penser librement c est ainsi d abord exercer son esprit critique l endroit d une soci t et de normes qui influencent nos discours nos choix et nos comportements Comprendre les conflits entre consciences cerner le ph nom ne du d ter minisme dont tout le monde peut p tir c est identifier un contexte id ologique d une grande efficacit Si le regard nous dit Sartre peut emprisonner si les jugements peuvent rabaisser ce n est jamais ind pendamment d un type pr tabli de pens es et de conduites qui nous conditionne et contre lequel il nous faut nous battre Une pression institutionnalis e D o viennent nos crit res de jugement nos valeurs et nos principes D abord d une ducation d un milieu qui en vertu de certaines r gles forment la perception de soi et des 24 TRE LIBRE AVEC SARTRE autres S tablissent tr s t t en nous des rep res qui
7. complexe et difficile Combien de probl mes de tourments naissent de leurs comportements et de leurs jugements Que de clich s d images n gatives ils nous renvoient Bref que de sch mas d terministes combattre Car pour Sartre notre rapport aux autres se pr sente avant tout comme un conflit dont nous allons essayer d identifier le fonctionnement et les effets d vastateurs Il en va de la repr sentation que chacun d entre nous peut avoir de lui m me Prisonniers du regard de l autre Partir sur une le d serte Fuir les coll gues la famille les amis Parfois touff s par ceux qui nous entourent nous avons tous eu envie au moins une fois de les envoyer balader Car l autre est souvent la cause de nos frustrations et de nos afflictions et la vie gagnerait en s r nit sans les obligations les contraintes et les souffrances qu il nous inflige Par exemple au travail il peut nous arriver de perdre notre calme notre assurance cause d un coll gue qui ne cesse de nous envoyer des piques en pleine r union Le sang Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 13 nous monte la t te il nous prend m me parfois des envies de meurtre Car outre le fait qu il nous est profond ment d sa gr able de perdre notre calme notre r action peut galement entra ner une r putation d finitive d extr me susceptibilit au sein de notre entreprise La vie quotidienne
8. d limitent le bien du mal le bon du mauvais ou le beau du laid Ainsi nous risquons de nous sentir g n s le jour o notre enfant ayant fait une tr s grosse b tise ou bien ayant manqu se faire craser notre main part toute seule Nous allons sans aucun doute subir des regards d sapprobateurs Nous prenons en effet aujourd hui pour acquis qu il est mal de maltraiter un enfant Mais o commence la maltraitance Comment la d fi nissons nous Il n y a pas si longtemps en effet donner une fess e une gifle voire m me quelques coups de ceinture ne pr tait pas cons quences Cela pouvait m me entrer dans le cadre d un syst me ducatif Nous avons nous m mes peut tre re u une claque tant jeune la suite d une b tise Repro duisons nous le m me sch ma Il y a fort parier que non tant la pression actuelle nous oblige penser que c est n gatif En France le d bat sur la fess e refait ainsi r guli rement surface la France n interdisant pas l galement les punitions physiques Ce qui n est pas le cas en Su de o les institutions interdisent les ch timents corporels de mani re absolue et au Royaume Uni o cette interdiction ne concerne que les coles Ainsi si nous vivions en Su de quand bien m me nous penserions qu une fess e n est pas un acte violent les institu tions nous l interdiraient tout simplement nous ne serions pas libres d agir comme bon nous semble
9. Alors que les chapitres pr c dents lui enseignaient des m thodes des moyens pour mieux vivre il se verra confront dans cette derni re partie la question du but de la finalit de lexis tence qui ne saurait se d terminer sans une vision globale et m taphysique du monde et de la place qu il y occupe Ce livre n est pas seulement un livre lire mais aussi un livre faire Des questions pr cises sur votre vie suivent les th ses pr sent es dans chaque chapitre Ne soyez pas passif mais retroussez vos manches pour interroger votre v cu et y puiser des r ponses honn tes et pertinentes Des exercices concrets vous inciteront mettre en uvre les enseignements du philosophe dans votre vie De la m me fa on efforcez vous de vous les approprier et de trouver des situations opportunes pour les pratiquer avec s rieux tes vous pr t pour le voyage Il risque de se r v ler surprenant parfois aride parfois choquant tes vous pr t vous sentir d stabilis projet dans une nouvelle mani re de penser et donc de vivre Ce voyage travers les id es d un philosophe du XX si cle vous transportera aussi au plus profond de vous m me Alors laissez vous guider au fil des pages au fil des questions et des id es pour d couvrir comment la pens e de Sartre peut changer votre vie I LES SYMPT MES ET LE DIAGNOSTIC Le carcan du d terminisme Une libert encha n e La majorit est fix e e
10. Fr d ric Allouche tre libre avec Sartre Collection Vivre en philosophie dirig e par Balthasar Thomass Groupe Eyrolles 2012 ISBN 978 2 212 55220 1 EYROLLES a Groupe Eyrolles Sommaire MODE D EMPLOI Les sympt mes et le diagnostic Le carcan du d terminisme Une libert encha n e Les autres cet enfer n La pression normative de la soci t s n IL Les cl s pour comprendre La conscience libre puissance cr atrice L homme n est pas une chose il pense Notre situation n est qu un possible parmi d autres L impasse de la mauvaise foi 12 23 34 44 55 VI TRE LIBRE AVEC SARTRE MI Les moyens d agir Agir pour exister librement Une vie simplement pens e est une non vie Se d finir et se red finir sans Cesse sssr Go ter la joie de authenticit 0 IV Une vision du sens de l existence Un ath isme dynamique Nous sommes d laiss s et alors cccceccccrrrrern Elop de l angoisse 2222tsssrierisetie sise iereetis S engager avec autrui dans un projet humaniste L MENTS D UNE VIE o o GUIDE DE LECTURE ntiethlettetetetebeternnnnsssatersi eee Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles Mode d emploi Ce livre est un livre de philosophie pas comme les autres La philosophie a toujours eu pour ambition d am liorer nos vies en nous faisant comprendre ce que nous sommes Mais la plupart des Liv
11. L tre qui en vertu de sa nature propre doit tendre vers la sagesse incarner l humanit dans son aret c est dire dans son excel lence sa perfection Un mod le est donc fix et doit orienter toute existence individuelle Ce questionnement autour d une nature de l homme trouvera une autre variante des si cles plus tard l poque des Lumi res L homme est il bon ou mauvais par nature Ou bien tiraill comme l affirme Kant entre sa qu te du bonheur et les lois morales implacables de sa raison Si les repr sentations de l humanit sont ainsi multiples la fa on de penser reste malgr tout la m me nous voluerions sur fond d l ments qui nous pr existent que nous n avons pas choisis et qui nous fa onnent Lorsque nous concevons un Dieu cr ateur ce Dieu est assimil la plupart du temps un artisan sup rieur et quelle que soit la doc trine que nous consid rions qu il s agisse d une doctrine comme celle de Descartes ou de la doctrine de Leibniz nous admettons tou jours que la volont suit plus ou moins l entendement ou tout au moins l accompagne et que Dieu lorsqu il cr e sait pr cis ment ce qu il cr e Ainsi le concept d homme dans l esprit de Dieu est assi milable au concept de coupe papier dans l esprit de l industriel et Dieu produit l homme suivant des techniques et une conception exactement comme l artisan fabrique un coupe papier suivant une d finition et une technique
12. a pens e et des m urs du moment relay s par ceux qu elle accapare en fa onnant leurs jugements et leurs attitudes De sorte que tout le monde peut tre l agent ou la victime d une normali sation g n rale massive et liberticide TRE LIBRE AVEC SARTRE Questions vitales Impossible de nous penser sans les autres ils sont un miroir de nous m mes Cette relation de d pendance est elle pour vous une vidence ou une surprise Cela suscite t il chez vous plu t t un r confort ou une forme d inqui tude d angoisse Etes vous r ceptif aux v nements qui vous entourent sensible aux petites sc nes du quotidien Avez vous une me de contemplatif ou avez vous du mal vous d faire de vous m me autocentr sur votre comportement vos attitudes Parvenez vous relativiser le regard des autres tes vous capable d y pr ter une attention d tach e ou vous rend il plus fragile et vuln rable quoi attribuez vous une telle susceptibilit Avez vous l impression d tre partie pre nante d un conflit in vitable dont l enjeu est une certaine perception de soi un souci de reconnaissance une volont de se distinguer aussi bien morale profes sionnelle que sociale Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles La pression normative de la soci t Ladage bien connu lorsqu on voque la libert au sein de la soci t est qu elle s arr te l o commence celle des autres L id
13. ainsi affaire de perception Nous le voyons nous l observons nous l tudions parfois tranquillement assis une terrasse de caf Ce faisant selon Sartre nous le r duisons un statut d objet Au milieu du monde je peux dire homme lisant comme je dirais pierre froide pluie fine Tout cela donc ne nous fait nulle ment quitter le terrain o autrui est objet L Etre et le N ant p 302 Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 15 Mais bien videmment nous savons que les autres font de m me avec nous Autrui est ainsi notre alter ego un autre moi m me Un autre parce que nous sommes tous diff rents par notre pass notre histoire nos go ts nos envies Aussi proches soient ils deux hommes m me jumeaux ont naturellement une existence unique puisque toute vie est sp cifique chafaud partir d exp riences et de relations familiales sociales ou professionnelles notre v cu est particu lier chacun d entre nous vit et per oit le monde sa fa on De m me nous vivons et ressentons les v nements heureux ou malheureux toujours notre mani re selon notre sensibilit propre construite avec le temps Mais nous devons aussi admettre qu autrui est un autre moi m me c est dire qu il nous ressemble qu il pense et se repr sente quantit de choses Notre point commun Le fait d tre la fois sujet et
14. ait le juif R flexions sur la question juive p 74 75 Universel ou g n ral le discours essentialiste peut aussi porter sur l individu dans sa singularit Il est alors question de temp rament et de caract re Ainsi nous ne serions pas tonn s si notre comptable que nous voquions plus haut s il sautait le pas et venait exprimer tout haut son d sir de devenir sauveteur en mer se heurtait une r flexion du type Toi Sauveteur en mer Tu avais d j peur dans ton bain quand tu tais petit Difficile alors de pers v rer lui seul notre temp rament nous condamnerait une voie toute trac e peureux nous sommes n s peureux nous resterons c est inn Dans Saint Genet Com dien et martyr Sartre analyse ainsi le cas de Jean Genet crivain iconoclaste et provocateur de g nie qui apr s son premier vol l ge de 10 ans fut tr s t t d fini comme un voyou par sa famille de tutelle Cet inn isme est d ailleurs relay de nos jours par la g n tique ou du moins ce qu il est possible d en faire l instru ment de discours et de pratiques de stigmatisation d exclusion Souvenons nous du d bat public d il y a quelques ann es autour d un pseudo g ne de l hyperactivit de la d linquance de l incivilit Prisonniers de notre enfance Lorsqu on nous dit que notre nature est pr d finie d s nos premi res ann es cela renvoie aussi l id e que nous serio
15. ante c t des normes morales intellectuelles ou politiques difficile d voquer l oppression actuelle de l apparence sans faire un rapide d tour par le diktat du corps et ses dommages collat raux Trois prescriptions cat goriques sant minceur et jeunesse Omnipr sents les canons de la beaut standard s imposent dans les magazines les pubs ou les films s incar nent dans les ic nes dans les demi d esses ou les demi dieux d une perfection id ale Indissociables d un marketing arti cul autour de la cosm tique et de la chirurgie esth tique ces normes s accompagnent d un hygi nisme li au culte du sport et du bien tre de la fr quentation des spa ou des cures de remise en forme Au c ur des relations sociales notre corps est l objet de toutes les attentions nous le surveillons sans rel che parfois jusqu l obsession Rien de pire ainsi que de tomber dans certaines cat gories qui sonnent comme des sentences des condamnations rien de pire que d tre l objet de d signations que le langage lui m me vite coups d euph mismes tre envelopp ou faire partie des seniors Et quelle trag die lorsque nous vivons tout cela comme une double peine ne pas tre dans la norme et culpa biliser l id e d en tre en partie responsable Avons nous vraiment fait notre possible Comment en sommes nous arriv s l au regard des moyens maintenant mis notre disposition Con
16. avec les autres est ainsi faite d une multitude de conflits qui nous heurtent et nous d rangent C est l pour Sartre un mal n cessaire Autrui est le m diateur indispensable entre moi et moi m me L tre et le N ant p 265 266 En effet car comment aurions nous pu prouver notre susceptibilit sans ce coll gue Comment juger de nos progr s sur ce point sans lui Aussi p nible et puisant que cela puisse tre nous ne pouvons nous abstraire d autrui Nous ne pouvons m me penser sans confrontation avec lui Car pour avoir conscience de nous m mes nous avons besoin d autres consciences qui nous r fl chissant comme des miroirs nous permettent de nous saisir de nous identifier et ainsi d entretenir un rapport avec nous m mes en nous obli geant nous poser des questions pourquoi r agissons nous aussi fort Que pouvons nous faire pour que cela change Pour saisir et revendiquer sa diff rence le tout jeune enfant fait front contre son entourage travers un non syst matique oppos toute proposition au grand dam des parents d stabilis s par une telle attitude parce qu ils se sentent ni s en permanence C est en r alit pour l enfant le moyen de s affirmer dans sa singularit D une mani re g n rale notre conscience a ainsi d s le d part pour condition ce qui n est pas elle Son closion rel ve d un rapport d une mise distance des autres consciences Ce n e
17. chaque livre de cette collection divis en quatre grandes parties suivra une progression similaire I Les sympt mes et le diagnostic Nous d terminerons d abord le probl me r soudre de quoi souffrons nous et qu est ce qui d termine la condition humaine Comment comprendre avec pr cision nos errances et nos illusions Bien rep rer nos probl mes est d j un premier pas vers leur solution Il Les cl s pour comprendre Qu est ce que la philosophie apporte de nouveau pour clairer cette compr hension En quoi devons nous radicale ment changer notre mani re de voir pour prendre en main notre vie Ici le lecteur sera introduit aux th ses les plus novatrices du philosophe qui l aideront porter sur lui m me un regard neuf Il Les moyens d agir Comment cette nouvelle conception de l homme change t elle notre mani re d agir et de vivre Comment appliquer au quotidien notre nouvelle philosophie Comment notre pens e transforme t elle notre action qui elle m me trans forme ce que nous sommes Le lecteur trouvera ici des recettes appliquer au quotidien Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles MODE D EMPLOI IX IV Une vision du sens de l existence Nous pr senterons enfin les th ses plus m taphysiques plus sp culatives du philosophe Si le lecteur a maintenant appris mieux g rer sa vie au quotidien il lui reste d cou vrir un sens plus global pour encadrer son exp rience
18. e qu il s agisse de payer nos imp ts nous sommes m me alors gratif s d un d lai suppl mentaire de d clarer la cr ation d une entreprise d enregistrer les choix universitaires de nos lyc ens etc D s lors ne pas poss der Internet c est tre tout simplement anormal Toujours plus nombreux et diversifi s les produits significatifs se renouvellent aujourd hui une vitesse incroyable selon les modes et les tendances Ils sont devenus les marqueurs de nos niveaux de vie au sein d une hi rar chie sociale d finie Ils r v lent la logique de notre monde les lois implacables d une soci t consum riste d finissant l tre partir de l Avoir Comment ignorer que l appartenance ou l exclusion l chelle d un groupe ou de la soci t se consti tuent partir des choses des cat gories et des genres qu elles d signent Plus que jamais vecteur de sens l apparence est au centre de la valorisation personnelle ou de la m sestime de soi Dans un ordre social tabli elle est au c ur d une guerre ouverte aux pr jug s qui fait des ravages R sultat Des tensions entre personnes des oppositions entre groupes de la violence de la frustration et un mal tre dont t moignent la consommation accrue d anxiolytiques le recours grandissant aux psychoth rapies en tout genre Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 27 Une esth tique du corps toute puiss
19. e l homme y tient une place importante en ce qu il s inscrit dans un discours g n ral cens f d rer autour du m me en stig matisant lautre Dis moi ce que tu poss des je te dirai qui tu es En son temps dans les ann es 1950 Roland Barthes fit de certains objets les r v lateurs d une poque et de sa mentalit Son livre Myrhologies devait nous permettre de mieux comprendre une conscience collective articul e autour de personnalit s de ph nom nes ou de produits embl matiques tels le Guide bleu ou la nouvelle Citro n Qu en est il actuellement Nul doute que le mouvement s est amplifi jusqu atteindre un rythme insens Il n y a pas si longtemps le 4x4 massif et incontournable nous pla ait au sens propre comme au sens figur au dessus des autres il tait le symbole de notre r ussite de notre pouvoir il nous donnait 26 TRE LIBRE AVEC SARTRE l image d un tre en mesure d carter tous les obstacles de sa route pour s imposer Si nous sommes aujourd hui les heureux possesseurs d un iPhone nous incarnons la modernit nous sommes au courant de tout tout moment nous pouvons tout faire parce que nous avons une application pour tout bref nous sommes un tre complet L exemple d Internet est encore plus loquent Internet n est plus une question de choix c est une obligation Nous sommes ainsi de plus en plus pouss s effectuer nos d marches administratives en lign
20. ets inaccessibles Croyant qu il n y a pas d autre choix que de s accepter tels que nous sommes nous sommes en perp tuel d calage avec nous m mes Nous avons l impression qu il y a toujours une s paration un manque in luctable un foss infranchissable entre ce que nous sommes et nos aspirations nous condam nant ainsi une insatisfaction perp tuelle parce que nous pensons que cr er notre propre existence aller de l avant b tir des projets s panouir et tre en harmonie avec nous m mes sera tout simplement impossible Nous avons entraper u comment en une petite phrase nous pouvions nous retrouver enferm s dans l image que les autres nous renvoient Autrui joue en effet un r le crucial dans le rapport que nous entretenons avec nous m mes Sartre nous invite pr sent nous pencher sur les modalit s partir desquelles se forme notre relation aux autres Nous verrons ainsi en quoi l analyse minutieuse d une telle relation permet de mieux comprendre notre acceptation du renoncement l vidence d une libert en sommeil et la banalit d une vie chosifi e 10 TRE LIBRE AVEC SARTRE Questions vitales l Vous sentez vous libre Ou bien prison nier de quelque chose qui restreint d embl e vos d sirs ou vos espoirs Interrogez vous sur les raisons de ces emp chements de ces limites et sur la valeur d un tel discours Y a t il pour vous des points communs entre les hommes Voy
21. ez vous l esp ce humaine comme l expression d un sch ma universel Peut on imaginer une volont immanente ou transcendante derri re la nature humaine La croyance religieuse mise part puisqu elle rel ve de la foi pensez vous qu il est possible de prouver quoi que ce soit en la mati re Les philosophes les scientifi ques ou les psychologues ont ils des rai sonnements imparables nous proposer Pensez vous que votre caract re rel ve du d terminisme que vous ne pouvez rien contre certains aspects de votre Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME personnalit Lesquels et pourquoi Essayez de trouver des raisons en ayant l esprit la repr sentation personnelle de vous m me qu elles conditionnent Nous sommes tous en proie la r signa tion un moment ou un autre Chez vous est elle passag re ou durable Intervient elle avant l action ou apr s avoir essay Avez vous trouv ou cher chez vous des moyens de lutter Les autres cet enfer La damnation de l enfer ses supplices et ses souffrances ne sont pas au ciel mais bien sur terre comme le sugg re Sartre dans la c l bre formule de Huis clos L enfer cest les autres Mais disons le tout net nous ne sommes rien sans les autres troitement li s impossible d chapper leur pr sence qui comme nous allons le voir est constitutive de ce que nous sommes Reste que vivre avec eux est
22. formit et ali nation Tout comme nos professeurs pouvaient attendre de nous du travail et des bonnes notes tout comme nos parents atten daient que nous soyons bien lev s aimables avec autrui la soci t ne peut se dispenser de codes g n raux et normatifs respecter Elle accorde ainsi aujourd hui une place essentielle 28 TRE LIBRE AVEC SARTRE l h donisme aux plaisirs la jouissance sous toutes ses formes Nous devons fuir la souffrance ou la cacher en gardant pour nous nos doutes nos angoisses et notre mal tre Nous sommes abreuv s d informations d ordres qui nous donnent la marche suivre pour que nous soyons bien heureux dans le meilleur des mondes triez vos d chets mangez cinq fruits et l gumes par jour bio ne fumez pas ne buvez pas Si nous voulions nous conformer l int gralit des normes dict es par la soci t il y aurait de quoi devenir fou Au fond pour Sartre ce sont toujours les institutions au premier rang desquelles l cole l ducation qui nous assi gnent notre nature et notre fonction notre r le bien d fini Ce sont les conventions qui mod lent les discours et les conduites qui font obstacle notre libert en g n rant des automatismes de pens e et d action Elles astreignent une repr sentation de nous m mes et des autres en chassant le plus possible l ventualit du changement et de la nouveaut S int ressant au cadre professionnel notre phil
23. hances de nous en d barrasser et de nous lib rer Prisonniers de mod les religieux ou philosophiques Si nous sommes monoth istes nous avons tendance penser que Dieu a cr l homme dou de pens e et de volont et que notre int r t pour le bien est en permanence contrari par le mal la tentation le p ch Ainsi si nous avons menti ou man uvr pour r colter les lauriers d un travail que nous n avons pas fait nous sommes taraud s par notre mauvaise conscience parce que nous avons mal agi l oppos des r gles morales pourtant clairement d finies dans les Livres sacr s Car c est crit et nous participons un jeu dont nous n avons pas choisi les r gles et dont les cons quences sont majeures l enfer ou le paradis 1 Les paginations indiqu es renvoient aux ditions qui suivent Sont parus Paris Gallimard collection Folio Huis clos Les Mouches 1973 La Naus e 1988 Situations 1993 L existentialisme est un humanisme 2002 Les Mains sales 2003 R flexions sur la question juive 2009 La P respectueuse 2010 Sont parus Paris Gallimard collection Tel L tre et le N ant 1988 Saint Genet com dien et martyr 2010 Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 5 De telles conceptions ne sont pas proprement religieuses on les retrouve dans toute une tradition philosophique Qu est ce que l homme pour les philosophes grecs
24. ladroits nous pensons que ce travers fait partie int grante de nous que nous ne pouvons rien y faire cest comme a Notre entourage lui m me nous d finit v 4 ce travers D cid ment qu est ce qu il est maladroit et habitu s aux moqueries il nous semble impossible de nous imaginer autrement Si nous sommes peureux il nous semble plus vident d envisager le m tier de comptable plut t que celui de sauveteur en mer m me si nous pensons qu il n y a pas plus beau m tier que de venir en aide aux autres Nous m mes pourrions dresser la liste de nos amis en les r duisant un caract re unetelle est dr le untel est toujours incapable de prendre une d cision on ne peut pas compter sur lui etc Nous subissons ainsi une perspective d terministe selon laquelle nous sommes tous identiques car munis de caract ris tiques qui ne d pendent pas de nous mais d une causalit ant rieure notre existence D s lors notre libert se retrouve encha n e et nous nous sentons prisonniers nous condamnant certaines limites insurmontables Quel que soit le sort malheureux qui nous afflige nous en cherchons les causes dans ce qui ne d pend pas de nous nous sommes comme cela c est la vie nous n y pouvons rien Difficile dans ces conditions de ne pas tomber dans l abat tement et la r signation Tout se passe comme si nous avions d abord t pens s r fl chis avant d tre produits la fa
25. n France 18 ans Nous sommes alors consid r s comme libres et responsables de nos faits et gestes et somm s de r pondre de toute infraction faite la loi L homme qui y d roge m rite ainsi d tre puni puisque l on pr suppose qu il tait capable de se comporter autrement au moment de son action qu il a consciemment choisi entre le bien et le mal C est dire que la soci t prend pour acquise la r alit de notre libre arbitre Pourtant lors d un sondage r alis en mars 2010 55 des Fran ais interrog s s estimaient de moins en moins libres Notre ressenti est donc quelque peu en d calage avec toute d claration institu tionnelle et ce libre arbitre dont nous serions d positaires en tant qu adultes nous le vivons au contraire comme un leurre Un implacable d terminisme Car en dehors de la soci t dans notre vie personnelle n avons nous pas parfois l impression d tre prisonniers par exemple de notre milieu social ou de notre famille dont il serait impossible de s extraire N avons nous jamais eu le sentiment d tre pr d finis par notre nature ou par notre enfance Comme si tout tait jou d avance sans possibilit d y changer quoi que ce soit 1 Libert galit fraternit o en sommes nous aujourd hui son dage TNS Sofres Logica 25 et 26 mars 2010 Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 3 Ainsi si nous sommes ma
26. n emp che un fonctionnaire dit paresseux d en dire autant des pauvres ou des ch meurs En d finitive chacun de nous se prononce partir de repr sentations souvent sch matiques et s inscrit terme dans des rapports de force fluctuants positifs ou non plus ou moins avantageux selon les moments et les situations Sartre caract rise ainsi les tensions permanentes entre consciences Tout ce qui vaut pour moi vaut pour autrui Pendant que je tente de me lib rer de l emprise d autrui autrui tente de se lib rer de la mienne pendant que je cherche asservir autrui autrui cherche m asservir Il ne s agit nullement ici de relations unilat rales avec un objet en soi mais de rapports r ciproques et mouvants Le conflit est le sens originel de l tre pour autrui L tre et le N ant p 413 Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 21 Du conflit peut na tre la stigmatisation oppressante d un homme d une femme ou d un groupe d individus Le pr sent comme le pass ne manquent pas d illustrations en la mati re Les clich s s abattent aujourd hui en nombre sur les immigr s les jeunes de banlieue les musulmans etc Les amalgames abondent les confusions dominent on m lange le culturel le social et le religieux pour marginaliser pour exclure une frange de la population dans des secteurs aussi essentiels que l emploi ou le logement Un tel conflit se nourrit de l
27. n r le d une image sans r mission possible L enfer est bien sur terre parmi nos semblables Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 17 Dans Huis clos Sartre met en sc ne trois personnages Garcin In s et Estelle enferm s leur mort dans une pi ce Chacun d eux prend alors conscience de ce qu il est travers les discours violents des deux autres Prisonniers d une image que la mort transforme en fatalit ils se d battent en vain pour chapper eux m mes D fini comme l che par les deux femmes qui l entourent Garcin montre ce que l enfer signifie Le bronze II le caresse Eh bien voici le moment Le bronze est l je le contemple et je comprends que je suis en enfer Je vous dis que tout tait pr vu Ils avaient pr vu que je me tiendrais devant cette chemin e pressant ma main sur ce bronze avec tous ces regards sur moi Tous ces regards qui me mangent I se retourne brusquement Ha Vous n tes que deux Je vous croyais beau coup plus nombreuses II rit Alors c est a l enfer Je n aurais jamais cru Vous vous rappelez le soufre le b cher le gril Ah Quelle plaisanterie Pas besoin de gril l enfer c est les Autres Huis clos p 92 L exp rience de la honte Regarder c est un peu s oublier Sans l abolir totalement la perception met l ego distance pour se concentrer sur l ext rieur D sint ress e la vision scru
28. ns prisonniers de notre pass Si notre jeunesse a t difficile si nous avons grandi dans un milieu pauvre cela viendrait n ces sairement rendre compte de notre personnalit de nos d sirs et des choix de vie que nous faisons Notre enfance serait ainsi 8 TRE LIBRE AVEC SARTRE d terminante et ind passable Si nous avons l impression d chouer dans tout ce que nous entreprenons d avoir un parcours de vie en zigzag cela renvoie peut tre au sentiment tr s ancr d avoir t mal aim par nos parents par rapport un fr re qui lui a tout r ussi que ce soient ses tudes sa vie professionnelle et personnelle quoi bon essayer de redresser la barre le fils pr f r brillera toujours plus que nous L acquis se substitue ainsi l inn pour justifier quantit d abandons et de renoncements Enferm s dans cette souffrance nous sommes nombreux nous tourner alors vers notre inconscient d positaire des trau matismes du pass pour expliquer notre pens e et notre conduite Nous chargeons alors notre th rapeute de nous d li vrer des obstacles qui encombrent notre existence nous sommes persuad s qu en dehors de lui point de salut point de lib ration sans une exploration longue et m thodique du pass Pour Sartre la psychanalyse freudienne est d terministe et interdit toute perspective libre et spontan e d volution personnelle Car si l unique imp ratif est de se tourner vers l enfance ver
29. on d un objet con u dans ses attributs sa ou ses fonctions par celui qui le fabrique Comme si nous r pondions une d fini tion une essence qui scelle notre existence Lorsqu on consid re un objet fabriqu comme par exemple un livre ou un coupe papier cet objet a t fabriqu par un artisan qui s est inspir d un concept il s est r f r au concept de coupe papier et galement une technique de production pr alable qui fait partie du concept et qui est au fond une recette Ainsi le coupe papier est la fois un objet qui se produit d une certaine mani re et qui TRE LIBRE AVEC SARTRE d autre part a une utilit d finie et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe papier sans savoir quoi l objet va servir Nous dirons donc que pour le coupe papier l essence c est dire l ensemble des recettes et des qualit s qui permettent de le produire et de le d finir pr c de l existence L existentialisme est un humanisme p 26 27 Adh rer une vision d terministe de l existence c est ainsi se sentir condamn la fatalit en raison de son sexe de ses origines ou de son enfance Mais une telle vision repose t elle sur une v rit ou sur une illusion Une chose est s re s inter roger sur la pression ext rieure que nous subissons identifier les causes qui nous ali nent mettre en vidence les diff rentes formes de d terminisme c est nous offrir des c
30. osophe dans L tre et le N ant examine le cas d un gar on de caf Il en conclut que sous peine d tre licenci il se doit de se conformer parfaitement ce que les gens attendent de lui savoir ne pas simplement servir mais sans rel che incarner pleinement l arch type du gar on de caf courir presque entre les tables en tenant son plateau en l air avec dext rit tre empress plein de sollicitude l gard du client etc Il doit se conformer son r le social tre ce qu on attend de lui Voil bien des pr cautions pour emprisonner l homme dans ce qu il est Comme si nous vivions dans la crainte perp tuelle qu il n y chappe qu il ne d borde et n lude tout coup sa condition L tre et le N ant p 96 Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 29 D calage et exclusion Un conformisme ali nant est en place Si nous le refusons et que nous nous retrouvons volontairement ou non la marge nous risquons fort de nous retrouver exclus Au travail nous ne pouvons pas par exemple d cider seuls d effectuer une t che autre que celle pour laquelle nous avons t embauch s De m me parmi nos proches si nous sortons du r le qui nous a t attribu d s notre enfance nous risquons de nous heurter une incompr hension totale voire un rejet Ainsi identifier et imposer des modes de vie et de pens e d noncer ce qui s en distingue se pr
31. ous Est ce une source de tranquillit ou au contraire une cause d ennui de frustration de tourments Jouez vous votre r le social dans l apai sement ou dans la contrainte N avez vous jamais eu envie de remettre en cause les conventions de vous affir mer comme un autre de changer de vie Pourquoi n avoir jamais franchi le pas Par peur de surprendre de briser la repr sentation que la soci t et les autres ont de vous Groupe Eyrolles
32. que nous savons que nous ne le sommes pas ils nous chosifient Dans le cas de la honte c est diff rent car nous nous recon naissons dans le regard d autrui Nous avons honte parce que tout comme lui nous nous sommes vus en train de faire un geste vulgaire nous nous sommes nous m mes trait s comme un objet Nous devenons ainsi nos propres yeux ce que nous sommes pour autrui ma chute originelle c est l existence de l autre et la honte est comme la fiert l appr hension de moi m me comme nature encore que cette nature m me m chappe et soit inconnaissable comme telle Ce n est pas proprement que je me sente perdre ma libert pour devenir une chose mais elle est l bas hors de ma libert v cue comme un attribut donn de cet tre que je suis pour l autre Je saisis le regard de l autre au sein m me de mon acte comme solidification et ali nation de mes propres possibilit s ibid p 309 Ainsi autrui bien qu il ne nous connaisse que du dehors bouleverse notre monde et nous r v le nous m mes en nous amenant violemment nous traiter en tant qu objet De nos actes il fait une nature D s lors pour nous d fendre nous allons faire de m me avec lui Menaces et conflits entre consciences Nous voil pouss s nous identifier ce que les autres font de nous avec une marge de man uvre 4 priori r duite Nous attendons des autres qu ils fassent preuve de mesure avant de no
33. res de philosophie se sont surtout int ress s la question de la v rit et se sont puis s d gager des fonde ments th oriques sans s int resser aux applications pratiques Nous au contraire allons nous int resser ce que nous pouvons tirer d une grande philosophie pour changer notre vie le menu d tail de notre quotidien comme le regard que nous portons sur notre existence et le sens que nous lui donnons Cependant on ne peut pas infl chir sa pratique sans r viser sa th orie Le bonheur et l panouissement se m ritent et ne vont pas sans un effort de r flexion Nous chercherons viter la complaisance et les recettes faciles de certains manuels de d veloppement personnel Une nouvelle mani re d agir et de vivre implique toujours aussi une nouvelle mani re de penser et de se concevoir Nous d couvrirons ainsi le plaisir parfois vertigineux de la pens e qui en tant que tel d j change notre vie C est pourquoi nous inviterons le lecteur r fl chir des concepts avant de lui proposer de s interroger sur lui m me VIII TRE LIBRE AVEC SARTRE Il nous faut d abord cerner nos probl mes puis les interpr ter l aide de nouvelles th ories pour enfin pouvoir y rem dier par des actions concr tes Ce n est qu apr s avoir d j chang notre mani re de penser de sentir et d agir que nous pourrons nous interroger sur le cadre plus large de notre vie et sur son sens C est pourquoi
34. s ces premi res ann es n cessairement coupables comme les circonstances et l entourage de l poque comment ne pas tomber dans le pi ge du ressentiment ou m me de la vengeance vis vis de ceux qui nous ont duqu s Englu s dans des r glements de comptes comment pouvons nous changer de mani re autonome Le poison de la r signation Si rien ne pourra jamais nous changer parce que nous sommes pr c d s d finis selon une essence bref si l essentiel chappe notre volont comment alors ne pas se sentir cras s et ne pas renoncer d autres perspectives de vie Le fatalisme tue notre d sir freine notre ambition paralyse notre cr ati vit Nous restons dans le cercle restreint de certaines possibi Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 9 lit s sans grand espoir de pouvoir les d passer La vie r v e est r serv e d autres aux heureux lus d une nature privil gi e d une enfance favorable et porteuse Nous devons nous accepter dans le renoncement et la privation vivre avec notre frustration notre envie Le beau m tier la compagne id ale et les enfants parfaits sont r serv s notre fr re l instabilit professionnelle et l ternel c libat sont notre croix Reste le refuge de l imaginaire Vivre les choses par procuration au cin ma ou dans les livres appara tra comme une solution satisfaisante Le r ve n est il pas pr f rable des proj
35. se la mode existentialiste de l apr s guerre de sortir sa philoso phie de l abstraction sp culative pour la mettre la disposi tion de chacun Car la philosophie peut s inscrire dans un projet individuel et collectif pour transformer la vie partir de la conscience pleine et enti re d une libert retrouv e ce que nous allons pr sent chercher comprendre Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 31 EMI Questions vitales l Vous tes vous d j interrog sur l ori gine ou les fondements de vos crit res de jugement Selon vous quelle place l ducation y tient elle Peut on la disso cier d un milieu d une poque et de son id ologie politique conomique ou culturelle Prendre conscience du d terminisme vous permet il de prendre du recul par rapport votre fa on de penser tes vous davantage en mesure de reconsid rer des r actions n gatives des attitudes d exclusion que vous avez subies o que vous avez fait subir aux autres Y a t il selon vous une sp cificit des pres sions exerc es sur chacun d entre nous par la soci t de consommation Essayez d analyser la fa on dont une soci t nor mative riv e l apparence physique aux canons de la beaut et aux imp ratifs de la mode fa onne les consciences et les relations interindividuelles TRE LIBRE AVEC SARTRE 4 Vous sentez vous conforme ce que l on attend de v
36. sente comme la garantie de l ordre et de la stabilit d une collectivit o chacun est sa place et correspond exactement ce qui est attendu de lui L ordre ne doit pas tre bouscul l argument d terministe s inscrit dans une logique qui pr f re l tre au devenir le statique au dynamique Aux habitudes aux traditions la r p tition des m mes attitudes et des m mes paroles d enra ciner les m mes choses Le gar on de caf n a aucune raison de se repr senter autrement De m me un voyou reste un d lin quant il est vain de tenter quoi que ce soit son gard le syst me carc ral actuel n exprime rien d autre L mancipa tion des femmes a ses limites et compose naturellement avec l in galit des statuts ou des salaires par rapport aux hommes C est un fait les institutions rechignent au changement elles s efforcent de circonscrire et d exclure ce qui peut les bousculer ou les transformer Elles pointent du doigt la singu larit rejettent la diff rence obligent quantit de gens vivre leur r le sous la contrainte leur donnent l impression d tre en d calage de ne pas avoir choisi leur vie Elles les condam nent aussi vivre dans le mal tre la phobie sociale et l isole ment 30 TRE LIBRE AVEC SARTRE Conscient des dangers de la logique d terministe Sartre se donne pour t che au del des oppositions th oriques entre intellectuels ou des engouements superficiels on pen
37. st qu en niant les autres consciences que nous prenons conscience de la n tre Alors que Descartes avec son fameux Cogito ergo sum d duit 14 TRE LIBRE AVEC SARTRE l existence partir de la pens e Je pense donc je suis Sartre lui avance que si Je pense ce n est jamais sans les autres d finissant ainsi la pens e comme une relation Nous d pendons donc des autres pour nous poser en tant que sujets pensants D s lors enlever autrui revient ne pas exister Donc pas d autre choix que de continuer nous confronter lui Si un d tour par le regard de l autre est n cessaire nous nous retrouvons donc dans une relation de d pendance autrui Cette d pendance vis vis du regard de l autre peut tre v cue de mani re douloureuse Ainsi au sein de notre couple les r actions de notre partenaire sa conduite aimante ou son indiff rence nous renseignent sur ce que nous repr sen tons pour lui Cela est particuli rement vrai en p riode de crise Tout coup nous percevons un changement chez notre partenaire Il ne nous embrasse plus au r veil rentre de plus en plus tard nous sourit moins le doute s insinue en nous nous voici aux aguets Nous nous enfermons alors dans une observation incessante qu tant d sesp r ment des signes qui nous permettent de savoir si nous sommes toujours aim s Autrui notre alter ego La premi re relation que nous entretenons avec autrui est
38. te d taille compare se laisse absorber par le donn perceptif Quoi de plus exem plaire cet gard que la contemplation esth tique Face un tableau ou une sculpture nous nous laissons envahir par l univers singulier de l artiste nous mettons entre parenth ses un moi omnipr sent sollicit par le d sir de plaire de charmer ou de r ussir De la m me fa on lorsque nous observons tranquillement les passants depuis notre terrasse de caf nous nous laissons aller nous nous sentons parfaitement paisibles Nous prou vons galement un sentiment jouissif de domination tant ces passants paraissent vuln rables car eux ignorent que nous 18 TRE LIBRE AVEC SARTRE scrutons chacun de leurs gestes En tant qu observateurs nous agissons en effet notre guise en toute libert dans une totale insouciance Mais quel bouleversement lorsque les regards se croisent enfin Quel changement de situation La douce contemplation laisse place la tension d un face face o chacun est renvoy lui m me Jusqu ici lib r s de toute pression ext rieure nous changeons radicalement d tat Si nous sommes pris en flagrant d lit d une action peu avouable pi g s comme un animal pris dans les phares d une voiture sur une route de campagne nous sommes d autant plus objectiv s Car un simple regard a la capacit de brutale ment nous figer de nous tiqueter parfois durable ment De sorte q
39. ue si autrui nous est n cessaire tre pour autrui semble toujours constituer une menace pour notre libert Parce qu elle lui semble significative Sartre d crit en d tail l exp rience de la honte La honte dans sa structure premi re est honte devant quelqu un j ai honte de moi tel que j apparais autrui Et par l apparition m me d autrui je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi m me comme sur un objet car c est comme un objet que j apparais autrui L tre et le N ant p 265 266 Imaginons que nous fassions un geste particuli rement vulgaire dans le dos de quelqu un Lorsque nous faisons cela nous ne nous jugeons pas nous ne faisons qu ex cuter un geste spontan Mais si tout coup l autre se retourne et nous voit nous revenons brusquement la r alit nous prenons cons cience de la vulgarit de notre geste et nous en prouvons de la honte Le regard de l autre nous objective brutalement nous oblige porter un jugement sur nous m mes Pour Sartre la honte n existe ainsi pas en elle m me elle n existe qu travers le regard que l autre porte sur nous Groupe Eyrolles Groupe Eyrolles LE CARCAN DU D TERMINISME 19 Nous avons vu que lorsque nous souffrons du regard des autres c est parce que nous souffrons du d calage entre l image que nous avons de nous m mes et celle que les autres nous renvoient ils peuvent nous d clarer peureux alors
40. us juger mais nous sommes au contraire transform s en moi objet facilement ramen s un trait de caract re ou un statut qui font obstacle notre libre arbitre Nous nous iden 20 TRE LIBRE AVEC SARTRE tifions une tendance ou une fonction qui limitent nos possibilit s de changement Notre volont est d courag e M me si demeure en nous l intuition d une libert toujours vivante le d tour par autrui est in vitable et nous oriente vers une conception bien d finie de nous m mes L image est l nous ne nous appartenons plus vraiment nous prouvons un malaise affirme Sartre Ainsi pour le philosophe notre tre pour autrui nous r v le nous m mes comme individu au c ur d un processus violent et contraignant Mais comme nous l avons vu ce que nous subissons nous pouvons notre tour le faire subir autrui Les autres peuvent ressentir la m me g ne la m me oppression en notre pr sence car nous sommes partie prenante de cette lutte entre cons ciences tre stigmatis s ne nous emp che pas d tre nous m mes un juge implacable aux discours h tifs et limitatifs La victime peut aussi tre le bourreau car il est toujours confor table de se contenter de la premi re impression ou des id es re ues quitte r viser par la suite son jugement avec le temps et les circonstances Il est tentant de juger sur la r putation d une personne ou de tomber dans les st r otypes Ainsi rien
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