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L`Impossible Monsieur Bébé - Festival International du Court

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1. Cahiers du cin ma n 23 mai 1953 Henri Langlois Hawks homme moderne Cahiers du cin ma n 139 janvier 1963 Jean Louis Comolli H H ou l ironique Cahiers du cin ma n 160 novembre 1964 Michel Ciment Hawks et l crit Positif n 195 196 juillet ao t 1977 G rard Legrand Petit discours de la m thode de H H Positif n 195 196 juillet ao t 1977 Alain Masson Organiser le sensible Positif n 195 196 juillet ao t 1977 Jean Claude Biette Trois morts Cahiers du cin ma n 285 f vrier 1978 Jo l Magny H H cin aste am ricain Cin ma 78 n 230 f vrier 1978 Cin matographe n 36 dossier Howard Hawks mars 1978 Le cin ma de Sitographie Cl ment Gramini s Oph lie Wiel et Oscar Dubo LImpr visible M Hawks Critikat http www critikat com panorama retrospective howard hawks html Antoine Royer l Impossible Monsieur B b DVD classik http www dvdclassik com critique l impossible monsieur bebe hawks Conf rence film e de Jean Douchet sur LImpossible Monsieur B b DVD classik http wvww dvdclassik com critique l impossible monsieur bebe hawks Margaret Perry Katharine Hepburn and Cary Grant Go Leopard Hunting in Connecticut The Great Katharine Hepburn Blogspot http thegreatkh blogspot fr 2013 02 bringing up baby 1938 or katharine html Tim Dirks Movie Review Filmsite http
2. Cary Grant Le studio le fait tourner intensivement jusqu sept films par an pour rentabiliser son contrat Il appara t aux c t s de la scandaleuse Mae West dans deux gros succ s She Done Him Wrong et I m no Angel et gagne en popularit Courant 1935 apr s son premier divorce il rencontre George Cukor et joue sous sa direction Ch rie je me sens rajeunir de Howard Hawks 1952 20th Century Fox Coll CDC dans un film qui va tout changer Sylvia Scarlett Au d part simple faire valoir de sa partenaire Katharine Hepburn il endosse le r le d un escroc h bleur qui fait d coller sa carri re Tout le personnage model par Cary Grant tient dans ce geste de refus d une image de playboy sans relief Avec sa grande silhouette d contract e son sourire resplendissant son l ger accent britannique et ses costumes impeccables il repr sente un id al d l gance celle des salons de la haute soci t et des cocktails mondains Pourtant il ne cesse de contrecarrer cette image trop lisse par sa pr dilection pour un genre comique qui le place toujours dans des situations humiliantes laissant libre cours sa stup fiante lasticit verbale et son sens pr cis du burlesque Roulements d yeux froncements de sourcils mines ahuries raidis sements et d ploiements de ses grands membres font partie de son arsenal comique Toute la dr lerie de Cary Grant vient de cette tension entre une ext riorit attrayante
3. quipe se d place au Bel Air Country Club pour tourner la sc ne du terrain de golf Enfin le plus gros du tournage se poursuit plusieurs mois au sein du Ranch Arthur dans la vall e de San Francisco pour toute la partie du r cit qui se d roule dans la maison de campagne de la tante Elizabeth Il s ach ve le 6 janvier 1938 avec la sc ne sous les fen tres de M Peabody Le budget de d part tabli 767 676 dollars par un obsessionnel des chiffres semble t il pour 51 jours de tournage s est finalement tendu plus d un million de dollars et 91 jours de tournage Le d passement est d aux m thodes du cin aste Hawks ne suit pas scrupuleusement le sc nario mais se r serve une grande part d improvisation au moment du tournage non seule ment dans la conduite des dialogues le num ro de Hepburn en Swinging Door Susie mais aussi dans une multitude de d tails physiques et d accessoires comme les lunettes bris es de David ou le talon cass de Susan de gestes comme la position de David en Penseur de Rodin qu il trouve avec ses acteurs en r p tant leurs sc nes Hawks encourageait Grant et Hepburn lancer dans le feu de l action toutes les blagues qui leur passeraient par la t te et poussait les seconds r les vers des num ros expressifs les incitant utiliser leurs propres onomato p es et tics de langage qu aucun sc nariste n aurait pu inventer Dans une note de service de l assistant r alisateur
4. HOWARD HAWKS MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes II ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www transmettrelecinema com sultar Omer O Q 9 w 1e Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Mathieu Macheret Iconographie Carolina Lucibello R vision Cyril B ghin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2014 Cahiers du cin ma 18 20 rue Claude Tillier 75012 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est septembre 2014 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur En quatri me vitesse Gen se Tout va bien Acteurs Un gars une fille D coupage narratif R cit Le choix de l id al Mise en sc ne Prendre la tangente Genre La screwball comedy Parall les La m nagerie hollywoodienn
5. Le tournage d abord fix au ler septembre 1937 prend du retard Un auteur auxiliaire Robert McGowan engag pour ajouter des gags au sc nario final s tait inspir d une sc ne de la bande dessin e Professor Dinglehoofer and His Dog pour l id e de la clavicule intercostale cet os de dinosaure enterr par un chien dans le jardin Il fallait donc trouver un arrangement avec l diteur qui ne donne son accord que le 21 septembre soit deux jours seulement avant le d but effectif du tournage Plus ennuyeux la distribution n est toujours pas achev e la mi septembre On ne sait pas qui donnera la r plique Katharine Hepburn la R K O craignant les tarifs prohibitifs d une grande star masculine C est ce moment le 14 septembre que Cary Grant signe un contrat avec le studio il vient justement de livrer dans Cette sacr e v rit 1937 de Leo McCarey ami intime de Howard Hawks une performance comique qui met tout le monde d accord Hawks emprunte galement au film de McCarey le chien Skippy celui de la c l bre sc ne du duo au piano avec Cary Grant Tournage du film Turner Coll CDC mais faute d avoir d nich une panth re habitu e aux projecteurs on doit se rabattre sur le l opard Nissa qui compte une bonne douzaines de s ries B exo tiques son actif Le tournage d marre le 23 septembre en studio avec les sc nes dans l appar tement de Susan Puis d but octobre l
6. l gante de l acteur en portant syst matiquement atteinte sa masculinit par la gaucherie cartoonesque L Impossible Monsieur B b ou le travestissement Allez coucher ailleurs 1949 Les deux derni res d cennies sont marqu es par sa collaboration avec un John Wayne dont il Howard Hawks et John Wayne sur le tournage de Hatari 1962 AN F le Hawks dirige Rock Hudson et Paula Prentiss dans Le Sport favori de l homme 1964 Universal Coll CDC assoit la stature d homme d honneur traversant avec d termination et profes sionnalisme les preuves humaines Dans les cinq films qu ils ont tourn s ensemble dont quatre regardant vers le couchant du Vieil Ouest La Rivi re rouge 1948 Rio Bravo 1959 El Dorado 1967 Rio Lobo 1970 les deux hommes ont racont quelque chose de leur vieillissement tout en d fiant les mutations du Hollywood des ann es 1950 par la limpidit d un classicisme souverain et sans ge cela il convient encore d ajouter le diptyque nocturne et romantique consacr au couple Humphrey Bogart Lauren Bacall avec Le Port de l angoisse 1944 et Le Grand Sommeil 1946 Le dernier saut La reconnaissance lui vient sur le tard de la part d une industrie hollywoo dienne qui le respecte comme l un de ses plus solides directeurs d acteurs et le fait tourner jusqu son d clin mais aussi de celle d une jeune critique fran aise issue des Cahiers du cin ma qui d
7. la fois dr le incongru mena ant et ind cidable De m me tout apprivois qu il soit il impose ce cin ma de studio habituellement tr s contr l une masse documentaire et musculaire surprenante et insaisissable qui fr le non sans frisson les acteurs et se prom ne dans des d cors h t rog nes o il semble s tre gar le l opard Nissa avait d ailleurs plut t l habitude d appara tre dans des s ries B de jungle et d aventures Ce fauve dans le placard c est bien entendu l image claire d un m canisme psychanalytique bien connu th oris par Sigmund Freud le retour du refoul par lequel des pens es inavouables repouss es par le sujet dans l inconscient finissent par se projeter dans le r el transfigur es sous une forme symbolique qui en provoque le d raillement On peut remarquer les r actions tr s diff rentes que le l opard cause chez les deux h ros Susan ne le craint aucunement et semble au contraire tr s bien s accommoder de lui bien que l animal entretienne son hyst rie chez David en revanche la pr sence de B b suscite un mouvement burlesque de panique et d appr hension Si l une tient son d sir en laisse presque domesti qu elle ne peut encore acc der sa consommation ce qui imagine t on occasionne son bouillonne ment int rieur tandis que l autre cherche tout prix enterrer ses pulsions comme le requiert le consensus social ambian
8. contre son gr sous le regard ahuri de Peabody 4 Au restaurant 00 09 01 00 20 49 David arrive en frac au restaurant pour d ner avec Peabody mais glisse sur une olive que Susan a laiss tomber Celle ci s assoit la table d un psy chologue le Dr Lehman qui la conforte dans son amour pour le scientifique Un change de sacs main cr e un imbroglio auquel David se retrouve m l Il cherche fuir mais Susan le rattrape et d chire sa veste Lui son tour marche sur sa robe et en arrache tout un pan Tous deux sortent de la pi ce sous les rires de l assembl e Chez elle Susan apprend David qu elle conna t personnellement Peabody et le conduit jusqu la propri t de avo cat Pour le r veiller elle jette une poign e de gra viers sur sa fen tre puis une grosse pierre qui l as somme Les deux complices s enfuient en courant 5 L arriv e de B b 00 20 50 00 28 26 Le lendemain alors que David r gle les derniers pr paratifs du mariage un coursier lui livre sa clavicule Un coup de fil inattendu de Susan l alarme elle vient de recevoir de son fr re Mark en voyage au Br sil un l opard nomm B b et fait semblant d tre attaqu e par le fauve David se pr cipite Quand il arrive Susan va bien Elle lui montre l animal apais par le standard de jazz I Cant Give You Anything But Love Elle doit l amener chez sa tante dans le Connecticut David a d autres chats
9. ensemble Comme ces coupes sont pratiqu es dans le mouvement elles ne portent pas atteinte la continuit mais tout en modifiant la position des personnages en redoublant certains gestes elles font sentir un accroc une pr cipitation qui acc l rent encore la vitesse du film Hawks d graisse l action jusqu los pour touffer dans l uf le moindre temps mort tonnant trait de modernit que Jean Luc Godard mettra en application vingt deux ans plus tard dans bout de souffle Dans le cadre du cin ma contemporain on a vu bon nombre de films lors de sc nes d action pratiquer le surd coupage pileptique ou les secousses du cadre exp dients artificiels qui n expriment pas la vitesse mais la miment grossi rement Dans L Impossible Monsieur B b la vitesse tourdissante qui nous emporte n est pas un trompe l il mais une vidence rehauss e par la pr cision d une mise en sc ne qui se d ploie discr tement pour faire jaillir le temps hors de lui m me Filmer l individu Le couple occupe t il v ritablement la place centrale dans L Impossible Monsieur B b On remarquera partir du d coupage narratif du film que Susan assume le r le moteur de action mais que le personnage avec lequel nous percevons les v ne ments et traversons les situations bien malgr lui est en fait David v ritable ancrage du spectateur dans la fiction Il sera d s lors possible de remarquer que le comiq
10. gression l tat infantile puis animal Mais cet hommage au burlesque est accompagn d une conscience toute nouvelle du cin ma pour son histoire qui se manifeste surtout dans l avant derni re sc ne dans la prison On y voit Katharine Hepburn imiter une fille gangsters en r f rence aux films policiers produits dans la premi re moiti de la d cennie par un studio comme la Warner Bros parmi lesquels L Ennemi public de William A Wellman en 1931 Hawks ayant lui m me r alis la m me poque Scarface avec le charis matique acteur Paul Muni Le film prend alors une tournure parodique et r flexive jouant avec la culture cin matographique du spectateur de l poque qui identifie imm diatement le type de personnage auquel l actrice fait r f rence Derri re les barreaux le pal ontologue ahuri sanctionne cette nouvelle conscience en l chant au policier Elle a vu tout a dans un film 3 1 En prison David livre ironiquement les noms de ses complices Mickey the mouse and Donald the duck 2 Il est aussi possible de souligner la ressemblance physique entre David et la star du muet Harold Lloyd 3 Shes making all this up out of motion pictures 13 14 S QUENCE Un r ve au clair de lune Au dernier tiers du film se situe une sc ne stup fiante 01 04 44 01 08 40 qui avant le feu d artifice final marque un changement de r gime d terminant mais concentre par sa constructi
11. majoritairement perdus ne restent plus que Sa majest la femme 1926 et Une fille dans chaque port 1928 Dans ce dernier d crit par Hawks comme une histoire damour entre deux hommes transparaissent d j les motifs de la camaraderie masculine et de la triangulation amoureuse qu on croisera par la suite dans toute son uvre Constance et vari t L arriv e du son synchrone permet Hawks de creuser et d affirmer son propre style Dans ses films des ann es 1930 la parole se d ploie avec une vivacit et une spontan it qui se d marquent du ton compass et conventionnel des pre miers films parlants Si leurs p tillants dialogues donnent souvent l impression de conversations b tons rompus c est que Hawks choisit ses acteurs selon Howard Hawks et Kirk Douglas sur le tournage de La Captive aux yeux clairs 1952 RKO Coll CDC Paramount Coll CDC leur capacit improviser et leur en laisse l occasion sur le plateau Sur Scarface 1930 v ritable matrice du film de gangsters Hawks fait la rencontre de deux partenaires d terminants pour la suite de sa carri re l homme d affaires et producteur Howard Hugues avec lequel il se f chera gravement sur Le Banni 1941 et le sc nariste Ben Hecht blagueur et alcoolique notoire avec lequel il travaillera pendant pr s de vingt ans Avec Apr s nous le d luge 1933 et Le Chemin de la gloire 1936 tous deux adapt s du roman Chacun son tour de Wi
12. AIR 1 v F k RQA Howard Hawks droite sur le tournage de La Patrouille de aube 1930 Coll Cahiers du cin ma Premiers pas L t 1916 de retour en Californie Hawks profite des vacances pour travailler comme accessoiriste aux studios Famous Players et se faire un peu d argent de poche l ann e suivante ses dipl mes lui permettent d acc der aux postes de d corateur et d assistant r alisateur gr ce auxquels il se lie aux stars Douglas Fairbanks et Mary Pickford Mais sa carri re est interrompue par l entr e en guerre des tats Unis en octobre 1917 il int gre l U S Air Force et prend en charge la formation des pilotes d avion sur le sol am ricain Au d but des ann es 1920 Hawks install Hollywood partage sa maison avec Irving Thalberg futur grand producteur de la Metro Goldwyn Mayer Celui ci le pr sente Joseph Lasky qui lengage pour diriger le d partement sc nario de la Famous Players anc tre de l importante Paramount De 1923 1926 Hawks d niche les bonnes histoires et collabore l criture de nombreux films dont ceux de Victor Fleming ou de Jack Conway En 1926 William Fox invite Hawks tourner ses propres histoires dans l en ceinte de ses florissants studios Un premier The Road to Glory drame la tonalit europ enne inaugure une s rie de huit films dont six muets que Hawks r alisera durant ses trois ann es au sein de la Twentieth Century Fox De ceux ci
13. Ainsi pour se faire entendre David crase le pied de Susan fait mine de l trangler ou saute au plafond devant la tante Elizabeth Ce langage du corps subvient aux avanies de la parole et pr pare la prise de conscience par les personnages de leur profonde et v ritable nature CRITIQUE Lart du double discours Stanley Cavell n en 1926 est un philosophe analytique am ricain professeur d esth tique l universit de Harvard Outre ses travaux sur Wittgenstein Emerson Thoreau et les romantiques il a pr t attention la culture populaire notamment au cin ma auquel il a consacr des ouvrages importants dont La Projection du monde ou Le cin ma nous rend il meilleur Lextrait reproduit s inscrit dans le cadre d une p n trante r flexion sur sept exemples de com dies am ricaines que Cavell per oit dans toute leur nou veaut Ce texte met en avant une caract ristique essentielle du cin ma hollywoodien post rieur l entr e en vigueur du code Hays cf p 12 ses strat gies du contournement de l interdit par l allusion ou le sous entendu que Cavell nomme double speak ou double langage cf p 16 Il devient vite vident que la surface visible du dialogue et de l action dans L Impossible Monsieur B b fonctionne sur une cat gorie de double sens plus ou moins patent et permanent Le signe formel de la pr sence de cette quivoque c est la r p tition habituelle de r pliques ou de mots
14. Edward Donahue on lit ainsi Il est difficile de d terminer le nombre de pages du sc nario car Monsieur Hawks travaille partir de diff rentes versions et de plus chaque sc ne est r crite avant le tour nage Et dans une note du producteur ex cutif Lou Lusty Hawks est bien d cid sous son attitude calme r serv e et polie faire le film sa fa on Un succ s relatif Le premier montage du film est soumis en janvier la Production Code Admi nistration le bureau d autocensure hollywoodien La commission s inqui te sur tout de la robe d chir e de Katharine Hepburn qui il est vrai d voile une partie charnue de son anatomie mais laisse passer deux moments plus tendancieux du film celui o David proclame devenir gay bien que la connotation du terme ne soit pas aussi vidente l poque et celui o Susan sous entend que le chien George peut lever la patte nimporte o Un nouveau montage r duit l ensemble une dur e raisonnable en retirant quelques sc nes p riph riques d di es aux personnages secondaires notamment au couple Gogarty Applegate Les coupes les plus r v latrices s effectuent sur les dialogues romantiques entre Susan et David que les sc naristes avaient crits pour r pondre aux exigences du studio mais que Hawks consid re syst matiquement comme inutiles sa sortie le 18 f vrier L Impossible Monsieur B b ne rencontre qu un succ s mod r
15. Rio Bravo Blu ray Warner Bros 2008 Le Grand Sommeil DVD Warner Bros 2003 La Rivi re rouge Blu ray Wild Side Video 2013 Quelques screwball comedies Frank Capra New York Miami Sony Pictures 2001 Gregory La Cava Mon homme Godfrey Wild Side Video 2012 William A Wellman La Joyeuse Suicid e Antartic 2012 Ernst Lubitsch La Huiti me Femme de Barbe Bleue Bac Films 2014 Frank Capra Vous ne l emporterez pas avec vous Sony Pictures 2009 George Cukor Indiscr tions Warner Bros 2008 Preston Sturges The Lady Eve Bac Films 2007 Bibliographie Biographies et monographies Joseph McBride Hawks par Hawks Ramsay 1987 No l Simsolo Howard Hawks Cahiers du cin ma 2007 Todd McCarthy Hawks Institut Lumi re Actes Sud 1999 Entretiens Jacques Becker Jacques Rivette et Fran ois Truffaut Cahiers du cin ma n 56 f vrier 1956 James R Silke Serge Daney et Jean Louis Noames Cahiers du cin ma n 160 novembre 1964 Jean Louis Comolli Jean Narboni et Bertrand Tavernier Cahiers du cin ma juillet ao t 1967 Scott Breivold Howard Hawks Interviews Univer sity Press of Mississippi 2006 Autour de L Impossible Monsieur B b Stanley Cavell la recherche du bonheur Hollywood et la com die du remariage ditions de l toile Cahiers du cin ma 1993 Gerald Mast Bringing Up Baby Rutgers University Press 1988 Articles divers Jacques Rivette G nie de Howard Hawks
16. d un grand p re et d un oncle occupant une haute position dans l industrie du papier Mais en 1906 la fragilit pulmonaire de la m re pousse la famille aller chercher l autre bout du pays l air sec de la Californie Ils s installent Pasadena non loin d un trou perdu nomm Hollywood o commence alors migrer le petit monde du cin ma Un jeune homme moderne En grandissant le jeune Hawks d vore tous les romans d aventure qui passent sa port e et tout en poursuivant des tudes d architecture d veloppe un vif int r t pour les sciences et techniques de la vitesse du mouvement et de la motorisation notamment l aviation et l automobile En 1914 sa famille len voie l est dans le New Hampshire o il int gre la prestigieuse cole priv e Philips Exeter puis d croche son dipl me d ing nieur quatre ans plus tard l Universit sup rieure de Cornell c t de ces brillantes tudes Hawks se d pense en de multiples activit s sportives et devient un comp titeur acharn pratiquant l quitation comme le tennis Mais sa discipline favorite reste la course automobile dans laquelle il se jette d s l ge de 16 ans avec l insou ciance et la pr cipitation de la jeunesse Hawks pr sente alors le profil du par fait jeune homme moderne agile cultiv et clectique il se passionne aussi pour la po sie et la litt rature qui fonce t te baiss e et gagne sur tous les plans W
17. et ses recettes cumul es aux tats Unis comme l tranger suffisent seulement couvrir le co t total du film Frank S Nugent l impitoyable critique du New York Times le consid re alors comme un film absolument ordinaire et ironise Si vous n tes jamais all au cin ma L Impossible Monsieur B b vous para tra compl tement original Le salaire de Hawks ayant en raison du d passement explos jusqu atteindre le minimum garanti du contrat qui le liait la RKO les deux parties d cident commun ment d y mettre fin le 21 mars 1938 Une question demeure pourquoi Hawks s en est il tir sans autre encombre que les avertissements du studio sur la dur e du montage Comment la R K O a t elle pu tol rer en toute cordialit un tel d passement budg taire Il faut pr ciser que cette soci t de production n tait pas comme les autres sa gestion fantaisiste tait assur e par une quipe de personnages disparates venus de la radio ou du th tre qui n avaient pas forc ment une grande exp rience de l industrie cin matographique Le r sultat paradoxal c est qu une relative libert a souffl pendant toute la d cennie des ann es 1930 sur les productions souvent tr s originales du studio Il semble aussi que ses responsables se soient montr s tr s int ress s par le prestige de Hawks auxquels ils taient r solus laisser les coud es franches dans l optique de redorer le blason de Kat
18. joue son num ro de Swinging Door Susie alors que cette image de pr dateur moque la timidit du scien tifique Dans la derni re sc ne Alice Swallow rompt avec son fianc en le traitant cette fois de papillon chaque fois c est la virginit de David qui est sous entendue par ces analogies employ es a contrario Si ce riche bestiaire tend tout au long de L Impossible Monsieur B b rendre l homme civilis sa part animale il convient de conclure avec le passage improbable o le Major Applegate croyant percevoir au dehors le cri d un oiseau rare se lance table dans l imitation p dantesque du l opard joignant ses doigts en c ur devant sa bouche Le soup on de tension sexuelle qui demeure latent entre lui et la tante Elizabeth se manifeste au moment o ils sortent bras dessus bras dessous dans le jardin quand B b pr s d eux l che soudain un rugissement l offuscation d licieuse de la riche donatrice de toute appa rence vieille fille t moigne de sa honte l id e qu un tel cri d app tit puisse sortir de sa bouche frip e 17 18 sultar One MM GURES Filmer la parole comme une course de voitures Dans son essai intitul Howard Hawks le critique No l Simsolo crit en 1984 au sujet de L Impossible Monsieur B b Un jeu du d calage y provoque un mouvement perp tuel surprenant par ses variations ses acc l rations et ses ralentissements En quelque sorte Ha
19. se d roule avec fluidit dans l incons cience de sa fabrication La forme classique suppose l unit du monde qu elle repr sente et se fonde sur un espace temps coh rent creus de liaisons logiques telles que la continuit des mouvements le raccord la psychologie des per sonnages ses sommets cette criture s est manifest e par son efficacit sa concentration sa puissance d vocation son esth tique ouvrag e le fameux clairage de studio et malgr tout son saisissant r alisme psychologique Hawks un pied hors du th tre Howard Hawks appartient pleinement cette cole classique Il en a pouss l criture un tel stade de limpidit et de pl nitude qu on le reconna t aujour dhui comme l un de ses parangons Il pratique un style sans effet ni aff terie direct nourri d une franchise virile enti rement d vou au cheminement de ses h ros l action qui les meut et au sens des responsabilit s Le classicisme de Hawks est convaincu par l individualisme de ses personnages qui servent de pivot sa mise en sc ne Son style d graiss va toujours l essentiel cette adh sion fondamentale aux causes et aux cons quences qui accompagne lexp rience humaine Le cin aste Jacques Rivette alors jeune critique crivait en mai 1953 dans le n 23 des Cahiers du cin ma L vidence est la marque du g nie de Hawks L Impossible Monsieur B b pr sente dans sa filmo
20. sous tendu par l image d un animal imposant le fameux brontosaure dont le squelette est reconstitu dans une haute salle du Stuyvesant Museum qu on ne voit qu deux reprises dans la premi re et la derni re sc ne mais dont le souci de parach vement sera la motivation principale du h ros David Huxley Cette image tonnante presque monstrueuse s attache ind fectiblement aux personnages Le brontosaure nous appara t tout d abord fig sous forme d un squelette plant sur son socle animal immobile dont les restes ne procurent qu une connaissance incompl te venant du fond des ges Il n existe plus ne bouge plus n a plus rien d offensif ni de sauvage il reste simplement l prendre la poussi re Peu apr s on d couvre le pal ontologue David prostr sur son chafaudage dans la position du penseur de Rodin il est travaill par une id e fixe la mesure du dinosaure qui se trouve ses c t s et dont la reconstitution est le grand oeuvre sur lequel il a pass quatre ans de sa vie Ce travail est imm diatement rattach au personnage d Alice Swallow son assistante qu il doit pouser celle ci collet mont type de la scientifique compl tement asexu e parle de l animal comme de leur b b et promet David une vie d volue leur labeur sans lune de miel et donc totalement d nu e de sexe Le brontosaure agit bien comme un objet transitionnel qui recueille la sexualit annonc e du co
21. tonnerre qui nous fait traver ser un seuil dans la fantaisie Filant en voiture avec le couple le r cit est presque imm diatement aspir vers un autre espace une ample poche de verdure loin de la ville la propri t de la tante Elizabeth dans l tat du Connecticut o se d roule la plus grosse partie du film Ce d tour est essentiel non seulement il carte David toujours plus loin de ses objectifs mais il offre un territoire privil gi sans limites et hors de tout r f rent urbain la folie collective qui va crescendo ainsi qu la destitution du scientifique en tant qu tre digne et civilis puisqu il perd tous ses attri buts dont ses lunettes cras es dans une chute Ce territoire c est celui d un terrain de jeu grandeur nature d un vaste jardin o les personnages ne vont cesser de gambader arm s d un filet papillons de poursuivre des animaux de creuser des trous bref de retourner cet tat d enfance o la fiction trans forme le monde environnant en une aventure int grale Lorsque David arrive sur place il est mis nu par Susan qui lui vole ses v tements et se trouve contraint de rev tir un d guisement premi re pr rogative du jeu mesure que la course poursuite plonge dans la nuit les personnages s en foncent dans la for t perdant de vue la villa et toute trace de civilisation On p n tre alors dans un espace sauvage quasi fantasmatique o la nature res plendit d
22. un clat merveilleux Les personnages sont seuls au monde pris dans la toile de leurs pulsions rendus un tat de nature Si le rythme ne faiblit pas Hawks profite de cette l g re inflexion pour laisser affleurer les sentiments par l crin fusionnel que la nuit forme autour d eux Le d doublement de la r alit et de sa part fantasmatique pulsionnelle et obsessionnelle se manifeste physiquement par l arriv e d un second l opard chapp du cirque qui s me une confusion totale David et Susan se retrouvent en prison pour une derni re partie conclusive qui paie son tribut aux codes du th tre r unissant tous les personnages sur une m me sc ne Avec le temps Il est int ressant pour rendre compte de la conduite du r cit de se pencher en classe sur la temporalit du film Quelle est la dur e de l action Elle se d roule sur trois jours et deux nuits soit une p riode plut t courte par rapport aux p rip ties mises en sc ne La premi re journ e commence avec la sc ne au Mus um et s ach ve en pleine nuit Un fondu au noir fait passer d un ext rieur nuit un int rieur jour marquant une ellipse qu on mesure aux propos de David en pleine conversation t l phonique le mariage est imminent et nous ne sommes qu au lendemain des v nements pr c dents La seconde journ e contient la plus importante partie du film s ten dant jusqu au c ur de la nuit avec la sc ne de l
23. une normalit mise mal De l homme l animal Plus g n ralement les personnages son pris entre deux r gimes de parole bien distincts celui de la soci t et celui de la nature Le premier est un code en roue libre p tri d ambages et de convenances creuses qui contraint les individus une marche forc e Ses repr sentants sont successivement un avocat impo sant qu il faut caresser dans le sens du poil mais refuse de parler affaires un psychanalyste qui surinter pr te le moindre signe et n en manifeste pas moins de s rieux troubles du comportement son visage est secou de tics et un policier totalement d pourvu de pouvoir d ductif qui se perd en digressions et semble chaque fois avoir d couvert l eau chaude Chacun sa mani re est d tenteur d un pouvoir de coercition sociale et exprime une forme d chec de la langue un cueil contre lequel celle ci vient buter Mais de l autre c t se situe la limite extr me du langage l o le sens n a plus cours et s efface au profit de la seule sonorit le cri animal ce rugissement lib rateur qui petit petit parasite le discours s y infiltre comme lorsque le Major Applegate se met imiter le l opard table ou que les jappements de George brouillent les retrouvailles de Susan et de la tante Elizabeth Entre les deux existe pourtant un dernier type de langage auquel on a recours quand toute communication est coup e celui du corps
24. Les Chasses du comte Zaroff en passant par le fantastique de Jacques Tourneur produit par Val Lewton La F line Vaudou Le coup de ma tre de la R K O sera pourtant l accueil d Orson Welles qui y tourne en 1941 un pre mier film hors norme qui bouleversera le cin ma mondial Citizen Kane Le rachat de la compagnie en 1948 par le richissime aviateur Howard Hugues marquera le d but de son d clin en d pit de films noirs nerveux et essen tiels La Griffe du pass Feux crois s Desperate qui font depuis la renom m e du genre D COUPAGE NARRATIF 1 G n rique 00 00 00 00 01 13 2 Au Mus um 00 01 14 00 04 03 Le professeur David Huxley apporte la derni re touche l assemblage d un squelette de bronto saure Demain il re oit l ultime pi ce du puzzle une clavicule intercostale et se marie avec son assistante la froide et z l e Alice Swallow Mais avant cela il doit encore jouer au golf avec Alexander Peabody l avocat d une riche donatrice qui pourrait l aider financer ses travaux 3 La partie de golf 00 04 04 00 09 00 Sur le green David aborde le sujet de la donation mais au moment de jouer il tombe sur Susan Vance une jeune femme au caract re fantasque qui s est accapar sa balle Il la laisse terminer son coup et partir Mais son caddy boy le pr vient elle s est aussi appropri sa voiture qu elle cabosse all grement David la rattrape et se fait embarquer
25. a prison elle s interrompt avec l vanouissement de David Cette fois c est un simple fondu qui nous am ne une courte sc ne de conclusion Difficile de d cider si celle ci se d roule le lendemain ou plus tard Quoi qu il en soit on remar quera que cette temporalit ramass e ne s oppose pas la structure s rielle du r cit L action du couple s organise un niveau enfantin en une s rie de jeux bien distincts jets de pierres Jacques a dit cache cache d gui sements chasse au tr sor Le r cit nous entra ne dans un rythme quoti dien dont il n lude pas le caract re r p titif il fonde son approche des personnages sur le temps pass avec eux et les preuves qu ils traversent Cette tendance feuilletonnante triomphera chez Hawks avec des films contemporains des d buts de la t l vision comme Rio Bravo ou Hatari qui pr figurent ce que deviendront par la suite les s ries t l vis es et m me en quelque sorte le soap opera 10 VISE EN SCENE Prendre la tangente Rien ne semble a priori plus oppos que le rythme tr pidant des p rip ties qui occupent L Impossible Monsieur B b et le retrait olympien de la mise en sc ne de Howard Hawks Or bien s y pencher on se rend compte que celle ci aussi purement classique soit elle n est autre que le moteur qui impulse la narra tion sa v locit son lan gr ce un d coupage brillant v ritable m
26. achine de guerre qui quand il le faut n h site pas chevaucher les r gles de transpa rence et de continuit propres au spectacle hollywoodien L criture classique la construction d un monde Si le classicisme en art correspond la formation d une langue pure r pondant l id al de beaut antique par la mesure l quilibre et la proportion alors il faut faire remonter le classicisme du cin ma hollywoodien son artisan originel David Wark Griffith 1875 1948 qui a invent ses r gles de base rapport du g n ral au d tail par le jeu des chelles usage motionnel du gros plan raccord de direction montage parall le soit essence d un mouvement unitaire qui permit de dissimuler la discontinuit du proc d cin matographique et de cr er d s le milieu des ann es 1910 un grand spectacle compr hensible par tous Le classicisme hollywoodien d signe donc d abord une p riode historique du cin ma am ricain qui commence par cet ge des pionniers prend son essor avec le d veloppement industriel de la production atteint un pic de splendeur et de perfection la fin de la p riode muette L Aurore de Friedrich W Murnau La Foule de King Vidor et r gne en ma tre jusqu aux ann es 1950 Mais le classicisme c est aussi une vision du monde qui perdure au del de son temps historique Celle ci se d finit par sa qu te d une transparence maximale dans l organisation des plans afin que le film
27. ars pour tourner un lot de six films Le premier projet que la firme lui confie est celui d un film d aventures intitul Gunga Din sur lequel le cin aste avant m me d int grer la soci t avait d j effectu quelques travaux de pr paration Mais le mois suivant le studio essuie de la part de la M G M un cuisant refus de pr ter trois de ses acteurs sous contrat Clark Gable Spencer Tracy et Franchot Tone trop chers partir de l le projet est repouss et c est George Stevens qui deux ans plus tard en r cup re la r alisation peu pr s au m me moment le 10 avril 1937 Hagar Wilde une jeune crivaine encore inconnue publie dans le magazine Colliers une nouvelle intitul e Bringing Up Baby au sujet d une panth re apprivois e qui se perd dans la campagne du Connecticut ce stade l histoire n est encore qu un simple croquis mais d j assez cocasse du film venir Hawks tombe sur ce r cit qui avait atterri sur les bureaux de la R K O et d cide de rebondir avec lui Son choix arrange bien les dirigeants du studio qui ne savaient plus quoi faire d une Katharine Hepburn en fin de contrat dont ils n avaient pas vraiment r ussi populariser l image d actrice guind e et th trale Le studio acquiert les droits de la nouvelle en juin et dans la foul e invite Hagar Wilde Hollywood pour crire son adaptation avec Dudley Nichols sc nariste aguerri de dix ans son a n qui avait
28. bjec tions de ses partenaires Celle de David Huxley Cary Grant plus saccad e et p remptoire est tout en mouvements daller et retour surgissements et interjections interrompue r guli rement par des temps de latence o le personnage se rend compte avec une mine ahurie d un accroc dans le tissu du sens elle se reprend pour corriger les saillies illogiques de sa partenaire et t moigne d un bouillonnement int rieur Au contact d une r alit d lirante la rationalit de ce dernier se prend souvent les pieds dans le tapis de l explication comme lorsqu il d crit Alice Swallow par t l phone son rendez vous manqu avec Peabody Oui j ai vu M Peabody mais je mai pas pu le voir le gag jouant alors sur limpr cision du terme voir qui recouvre tout autant le simple contact oculaire que la rencontre La fameuse s quence o la tante Elizabeth le surprend en n glig f minin dans son salon r v le quant elle l enfon cement dans l absurde la logique s effondrant sur elle m me sous le coup de l nervement Parce je suis soudainement devenu gay cf p 15 et 17 ce moment Susan tricote de son c t un discours continu mais p tri d incoh rences comme une toile d araign e o se prend son partenaire semant la fa on d un artificier de savoureuses impertinences l image cette autre sc ne o David tombe sur le l opard dans sa salle de bains Susan il faut que vous quittiez
29. ce que dit Hepburn en ouvrant la bo te et regardant dedans Ce mest qu un vieil os Il est clair que George est d accord avec elle Le jeu entre le litt ral et lall go rique d termine tout le cours de ce r cit et nous fournit des indications de lectures contradictoires durant notre exp rience du film 2 Les personnages eux m mes sont compl tements inconscients de l ambiguit de ce qu ils veulent dire C est une source bien connue d effet comique Mais cela vaut aussi pour l inverse En particulier l effet est ici contraire aux dialogues quivoques de Shakespeare o les personnages ont pleinement conscience de l autre sens de leurs paroles La similarit entre nos personnages et des personnages com parables chez Shakespeare c est que les femmes dans ses pi ces sont toujours des vierges et les hommes des rustres C est dire des figures qui ne sont pas encore incorpor es au monde social normal celui de la loi des convenances et du mariage celui des limites concordantes de ce que nous appelons la maturit et l ge adulte On peut donc poser ainsi le probl me critique inh rent l approche ou la description de ces person nages Si nous ne remarquons pas l envers de leurs paroles et de leurs actes nous ne les comprendrons jamais nous ne comprendrons jamais pourquoi l un est catatonique et l autre hyst rique Mais si nous remarquons trop l autre face de leurs paroles et de leurs acte
30. cet appartement Mais David c est impossible J ai un bail Une m canique rutilante Si lon croit le fameux adage de Henri Bergson selon lequel le rire serait du m canique plaqu sur du vivant alors L Impossible Monsieur B b o la parole semble entra n e une cadence qui la d passe et en broie le sens r pond plut t bien cette d finition de nombreuses reprises la parole s engouffre dans des cycles de r p tition obsessionnels qui rappellent le travail d une machinerie Plusieurs s quences sont rythm es par le retour p riodique d une r plique qui ainsi r it r e devient de plus en plus dr le lors de la partie de golf puis de la sc ne au restaurant avec l avocat le pal ontologue ne cesse de lui lancer des Je suis vous dans une minute M Peabody alors m me qu il est entra n toujours plus loin par l action dissipatrice de Susan Cette derni re tout au long du film r p te comme un mantra son partenaire Tout va bien se passer David alors qu au contraire elle lentra ne dans une spirale infernale une logique du pire qui le fait d choir de sa position sociale jusqu au rang d animal puisqu il ira jusqu poursuivre le chien George quatre pattes pour d terrer son os de brontosaure Il s agit chaque fois de compenser par un discours de politesse et de consensus social la distance de plus en plus prononc e qui s parent les v nements d
31. cipent sous forme de petites sayn tes fig es des passages cl s du film venir Leurs t tes rondes sont pos es sur un assemblage de lignes blanches figurant le reste du corps Ils sont caract ris s par des attributs reconnaissables une robe pour Susan un chapeau claque pour David des moustaches crocs et griffes pour B b Leur aspect rudi mentaire qui rappelle le graphisme des premiers films d animation des pionniers mile Cohl ou James Stuart Blackton donne l impression qu ils pourraient s animer d une seconde l autre comme dans un cartoon Que sugg re cette r f rence Tout d abord que les personnages du film seront d crits sur le m me plan que des toons Il ne faut donc pas attendre d eux la psychologie complexe ou l inscription sociale des films r alistes mais plut t un croquis de personnage une r duction quelques l ments dont l exag ration est le seul programme Il s agit bien de caricature mais reconnue express ment comme telle et correspondant avant tout la vitesse d ex cution du r cit les personnages sont de purs vecteurs des nergies simples qui nous transportent d une situation la suivante sans perdre le temps des pr senta tions l usage de la caricature s av re judicieux en ce qu elle pose la soci t comme un cirque loufoque et ridiculise les cat gories rigides dont le h ros va progressivement se lib rer Mais la r f rence au cartoon annonce galement l instabilit d
32. e S quence Un r ve au clair de lune Motif Animalit s Figures Filmer la parole comme une course de voitures Critique L art du double discours T moignage Le rire une question de rythme consulter 10 12 13 14 16 17 19 20 FICHE TECENIQUE L Impossible Monsieur B b Bringing Up Baby A Ke air FITLGERALD Turner tats Unis 1938 R alisation Sc nario Image Montage Son Direction musicale Chanson Direction artistique Production Producteurs Distribution France Dur e Format Tournage Sortie Etats Unis Sortie France Interpr tation David Huxley Susan Vance Major Applegate Tante Elizabeth Alexander Peabody Alice Swallow Gogarty Slocum Dr Fritz Lehman Mme Gogarty George le chien B b le l opard Howard Hawks Dudley Nichols et Hagar Wilde d apr s une nouvelle ponyme de Hagar Wilde Russell Metty George Hlively John L Cass Roy Webb Can t Give You Anything But Love de Jimmy McHugh et Dorothy Fields Van Nest Poilglase et Perry Ferguson R K O Pictures Howard Hawks et Cliff Reid Th tre du Temple 2003 1 h 42 1 37 Noir et blanc sept 1937 janv 1938 18 f vrier 1938 18 mars 1938 Cary Grant Katharine Hepburn Charlie Ruggles May Robson George Irving Virginia Walker Barry Fitzgerald Walter Catlett Fri
33. e d bats amoureux 27 Cette intimit les interpelle au point qu ils chuchotent choisissant de rester discrets La forme de la clairi re comme un petit amphith tre sorti du flanc de la nature sugg re une mise en abyme soudain le r cit s inter rompt et transforme ses personnages en spectateurs de ce dr le de num ro qui les repr sente sous une forme symbolique Le dispositif du champ contrechamp qui structure la fin du passage 32 33 installe une s paration nette entre les deux espaces qui renforce son caract re sp culaire Nos h ros se retrouvent ainsi face un miroir d formant une sorte d hallucination vraie dont l image d voile distance ce qu ils pourraient faire ensemble l amour bien videmment Plut t que passer par des palabres Hawks d crit le d sir amoureux par cette saisissante image allusive qui nous informe que quelque chose change chez ses personnages Preuve que cette image appartient bien au domaine du fantasme David et Susan ne pourront pas pour l heure poser le pied dans ce lieu idyllique o un instant a r gn l tat de nature ils s enfoncent en des eaux profondes et cette douche froide les reconduit illico au principe de r alit 34 1 Il s agit ici du mythique et v n neux poison ivy que la traduction transforme opportun ment en ortie Masculin f minin terrain glissant La s quence ci contre montre quel point le film illustre le ballottage des principes mascu
34. e son personnage d lirant et embl matique de l cureuil fou Screwball Squirrel 1944 GENRE La screwball comedy Introuvable de W S Van Dyke 1934 MGM Coll Cahiers du cin ma New York Miami de Frank Capra 1934 Columbia Coll CDC LImpossible Monsieur B b offre l un des exemples les plus c l bres en tout cas parfaitement canonique de ce que fut la screwball comedy dite aussi com die loufoque sous genre de la com die hollywoodienne qui prit son essor avec la mise en application dans les studios de l autocensure du code Hays qui r gna pendant pr s de dix ans 1934 1943 sur les crans am ricains Au d part le terme screwball vient de l univers du sport anglo saxon notamment des sports de balle comme le base ball Il d signe une technique particuli re de feinte qui par torsion produit un effet trompeur dans la trajectoire d une balle Dans les ann es 1920 1930 le mot se r pand comme une tra n e de poudre par l interm diaire du journalisme sportif Cette origine de l expression annonce les caract ristiques cruciales des screwball comedies savoir leur vitesse inhabi tuelle et l excentricit des comportements qu elles mettent en sc ne Mais dans la riche polys mie de to screw qu on traduit g n ralement par vis ser la langue anglaise loge une connotation famili re le verbe a le sens de baiser qui renvoie l acte sexuel Cela justement nous r
35. enseigne la fois sur le sous texte et l horizon secret des screwball comedies qui ne racontent fina lement rien d autre que l ternelle formation d un couple l union d un homme et d une femme La screwball intervient au moment o le code Hays entre en vigueur faisant peser des imp ratifs moraux sur la production am ricaine et o les licencieuses sex comedies mettant en sc ne des actrices sulfureuses comme Mae West ou Jean Harlow ne sont plus l ordre du jour Leur nergie sexuelle est comme dissimul e dans la screwball par le spectaculaire exercice physique et verbal d un couple agit par on ne sait quelle vapeur comme si le refoulement du sexe provoquait une incontr lable secousse nerveuse On fait remonter le style screwball l ann e 1934 avec les sorties de New York Miami de Frank Capra Train de luxe de Howard Hawks et L Introuvable de Woody S Van Dyke ce moment de son histoire la com die am ricaine produit un formidable effort de renouvellement Sans abandonner l inspiration litt raire et th trale il s agit de se moquer des sempiternelles romances qui ont marqu Cette sacr e v rit de Leo McCarey 1937 Columbia Coll CDC sultar comm Train de luxe de Howard Hawks 1934 Columbia Coll CDC Mon homme Godfrey de Gregory La Cava 1936 Columbia Coll CDC la p riode de transition du muet au parlant de les traiter cette fois sur un mode plus nergique
36. et moderne Les studios cherchent d passer le mod le des com dies sophistiqu es d inspiration europ enne dont la d bauche de luxe ne correspond plus ces temps de crise conomique Pour toucher une plus large audience on se recentre sur des sujets et des personnages typiquement am ricains la com die s ouvre un humour plus visuel plus en phase avec les go ts des classes moyennes Ce qui distingue la screwball du reste des com dies c est que dans un cadre aussi th tral elle se soit montr e perm able l influence du cartoon ses libres asso ciations et sa verve parodique En effet le genre nous installe souvent dans un univers social ritualis que l intervention d un l ment perturbateur un personnage diff rent loufoque d ment va secouer Cette perturbation c est pr cis ment ce qui fait le corps de la screwball ces moments o surgissent des l ments disparates qui provoquent un accroc dans la r alit C est dans L Impossible Monsieur B b l irruption d un l opard dans la bonne soci t du Connecticut Mais ce peut tre aussi une culbute un d guisement toute forme d incongruit qui pr sente du point de vue norm des choses l apparence de la folie l ments de discontinuit d incoh rence ils accompagnent souvent un change de r les de fonctions ou de costumes entre le masculin et le f minin cf p 15 et pr figurent une red finition des r les sociau
37. eurs lignes de regards se perdent l un se tenant debout et l autre quatre pattes lorsqu ils se retrouvent de part et d autre du talus celles ci ne se croisent plus que par le biais d une contre plong e Ce d calage des corps traduit le d s quilibre d un rapport affectif qui est en train d voluer et de s ajuster Susan et David comme deux instruments si diff rents tentent inconsciemment de s harmoniser mais n atteignent jamais la m me tonalit La sc ne d crit galement une alternance de la domination au sein du couple Jusqu alors Susan menait la danse comme en t moigne le d but du passage en plan large 1 la jeune femme ouvre la marche en chantant et invite l homme qui la suit limiter Le jappement de George provoque un resserrement du cadre qui nous rapproche des personnages 2 et dans le plan suivant 3 David prend la t te des op rations Je passe le premier Il passe devant Susan et leur rapport s inverse Tout coup c est elle qui re oit les coups et qui subit sous le passage de David les plantes fouettent le visage de l h ri ti re dont la robe finit par tre accroch e par une liane de sumac grimpant 4 8 Secou e griff e et irri t e elle doit se plier pour suivre l homme Le pouvoir a chang de mains David d ailleurs en profite et jouit de sa position Il lui lance des piques qui font mouche en voquant sa fianc e ce qui arrache Susan un trait de ja
38. exander Leach de son vrai nom est n le 18 janvier 1904 en Angleterre Bristol port brumeux au sud ouest de Londres dans une famille sans le sou Il vit une enfance difficile entre un p re repasseur et une m re d pressive intern e en h pital psychiatrique lorsqu il a neuf ans Expuls de l cole pour avoir espionn dans les toilettes des filles il rentre comme aide lectricien au Bristol Hippodrome un th tre de sa ville quatorze ans il s vade du foyer rejoint la troupe d acrobates de Bob Pender et se forge une panoplie d effets comiques Lors d une tourn e aux tats Unis il choisit de rester New York et de faire carri re sur place Apr s trois ans de travaux ingrats comme chassier dans les f tes foraines il encha nera de 1927 1931 de nombreuses op rettes et com dies musicales Broadway sans jamais vraiment rencontrer le succ s l t 1929 il est convoqu la Paramount pour passer un essai mais on lui r pond Vous avez un cou trop pais et les jambes arqu es Vous ne pourrez jamais faire carri re En 1932 Archie Leach joue un marin am ricain dans Singapore Sue un court m trage tourn dans les studios Paramount de New York Enchant par l exp rience il part s installer Hollywood et passe un bout d essai pour le r alisateur Marion Gering Engag pour 450 dollars la semaine il adopte le patro nyme de son dernier personnage de th tre et se transforme d finitivement en
39. f minin et ajoute l explosion de dialogues tincelants 00 38 30 Pourquoi tes vous habill de cette fa on Parce je suis soudainement devenu gay un concert de jappements r guliers et aigus qui para sitent la conversation et la bande sonore cr ant une v ritable fr n sie Sa fonction est pr cis ment celle de l irritation de la d mangeaison il d robe los de David et l enterre quelque part dans le jardin et ce faisant provoque la course ahurie des deux adultes vers leur propre d sir Plus tard les h ros surpren dront en pleine nuit le fox terrier en train de batifoler dans une clairi re avec le l opard cf p 14 et seront mis face au spectacle de ce qu ils devraient faire les animaux leur montrant comment s prendre et s battre George personnifi comiquement par son nom entretient les personnages sur la voie du d sir les tient en activit et agit comme un excipient Dans ce qui reste peut tre comme la sc ne la plus d sopilante du film celle du d ner George excite l obsession de David pour son os d rob le pal onto logue ne quitte pas le roquet du regard se l ve de table inopin ment cuill re et serviette la main pour le suivre dans ses rondes sans queue ni t te sans pr ter la moindre attention la conversation que tente tant bien que mal d animer le Major Applegate Pour compl ter la m nagerie mentionnons encore le loup auquel Susan compare David lorsqu elle
40. fauve agressif l aide d une chaise la fa on de fameux num ros de cirque l interpr tation d licieusement excessive des acteurs qui par leurs mimiques et leurs attitudes pouss es rappellent le jeu des clowns rattache encore le film cet univers Enfin il faut mentionner que les nombreuses culbutes glissades chutes roulades marches quatre pattes de Cary Grant font appel l exceptionnel talent d acrobate gr ce auquel il avait d but dans le m tier Pr sence du cin ma Cet art la crois e du cirque et du cin ma est videmment une r miniscence du burlesque qui fit les grandes heures de la com die muette am ricaine Rappelons que Howard Hawks a commenc en tour nant des films muets et est rest durant toute sa carri re un grand admirateur de Charlie Chaplin Par sa rigueur d nu e de pathos et son sens d une m canique comique implacable il est peut tre plus proche d un Buster Keaton Le M cano de la General La Croisi re du Navigator Le Cam raman l autre grand nom du cin ma burlesque2 Dans L Impossible Monsieur B b le burlesque intervient comme une perturbation de l ordre social qui fait choir David d un degr dans la stature de respectabilit qu il voudrait imposer aux autres Cest ainsi qu il glisse sur une olive masque la nudit de Susan pour les clients d un restaurant d ambule en robe ou court quatre pattes derri re un chien La chute au sol est aussi une r
41. fouetter mais B b se prend d affection pour lui et ne veut plus le l cher 6 En voiture 00 28 27 00 33 45 David se retrouve en voiture avec Susan et B b Sur la route ils percutent une camionnette de galli nac s dont B b fait son repas Ils s arr tent en ville pour acheter des kilos de viande Un policier l agent Slocum constate que Susan est gar e devant une bouche incendie Pour lui chapper elle se faufile avec B b dans une autre voiture celle du Dr Lehman et file avec David 7 D pression nerveuse 00 33 46 00 41 35 Apr s avoir enferm B b David prend une douche Pour le retenir Susan envoie tous ses v tements au pressing David se retrouve nu comme un ver endosse un peignoir froufrous et part la recherche d habits de rechange quand la tante Elizabeth accompagn e de George un fox terrier jappeur rentre et le surprend Susan fait passer David pour un ami en d pression nerveuse Pendant que David part se changer dans la chambre de Mark le roquet s empare de la pr cieuse clavicule d pos e sur le lit 8 Des petits trous 00 41 36 00 48 47 David apprend de Susan que la tante Elizabeth est la donatrice Il supplie la ni ce de ne pas r v ler son vrai nom Au moment de partir il s aper oit que son os a disparu George a d l enterrer quelque part Ils suivent le chien d un coin l autre du jardin et creusent a et l Quand la tante s affole de ces d vastati
42. graphie un cas particulier La com die dans les ann es 1930 d pend encore tr s fortement des structures th trales C est pourquoi dans bon nombre de sc nes on trouve la disposi tion centrale des personnages selon le point de vue des spectateurs d une pi ce Ces plans qui contiennent la sc ne sont ensuite d coup s par des s ries de champs contrechamps qui nous plongent dans les changes en cours On pourrait trouver cette grammaire sommaire si Hawks s en tenait l et ne lui opposait un art ph nom nal du d coupage qui la fait exploser de toutes parts La figure du champ contrechamp ne se contente pas de suivre les r pliques du dialogue elle cr e aussi une v ritable dynamique compressant la parole au maximum la renvoyant du c t de chaque partenaire comme une balle de tennis lors d un change muscl jusqu se d multiplier en divers axes lorsque le nombre des personnages augmente ainsi lors de la sc ne du repas avec la tante Elizabeth et le Major Applegate Les coupes nergiques accom pagn es par de discrets changements d chelle font monter la parole jusqu provoquer d tonnants carambolages de sens De m me Hawks ne cesse de fuir le confinement th tral en multipliant les d cors sur un terrain de golf dans la rue lorsque David quitte l appartement de Susan sur la route avec l pisode du camion de volailles dans la for t L appel d air abat les cloisons et conf re un ex
43. grav e dans les canons de l Am rique et une dr le d bullition int rieure qui fait choir son standing et les acquis raffin s de la civilisation Les principaux axes de sa carri re se r partissent entre trois grands cin astes qui ont largement contribu fa onner son image Avec George Cukor qui l a r v l Grant endosse des r les de menteurs adeptes du travestissement Sylvia Scarlett ou autres dandys d sabus s Indiscr tions avec Hepburn en 1940 auxquels leur physique imp n trable sert de masque social Chez Howard Hawks pour lequel il tourna cinq films et quatre com dies Grant sorte d enfant dans un corps d adulte poussera encore plus loin la division du physique et de l tre L Impossible Monsieur B b Ch rie je me sens rajeunir Enfin dans les quatre films qu il tournera avec Alfred Hitchcock son jeu pousera merveille les m andres du r cit policier La Main au collet 1955 son apparence devenant alors pure surface sur laquelle glissent et se confon dent les identit s Les Encha n s 1946 Soup ons 1941 Derri re cette beaut trop parfaite sans cesse contredite et nuanc e par le jeu de l acteur se cache vi demment un trouble d ordre sexuel Cary Grant est un s ducteur l envers il subit son pouvoir d attrac tion plus qu il n en profite On le voit souvent dans la situation de repousser des femmes entreprenantes r sister jusqu au dernier plan avant de consentir
44. harine Hepburn Dans les ann es 1940 preuve de cette bonne entente Hawks revien dra tourner trois films pour la firme d sormais rachet e par son ami Howard Hughes avec lequel pourtant il ne tardera pas se brouiller La bonne humeur des ann es 1930 se sera insensiblement vapor e La maison R K O et le monde Le travail sur le film de Hawks et sur la libert cr ative qu il illustre peut per mettre apr s une mise au point sur le fonctionnement des grands studios am ricains o le r alisateur fait plus souvent figure de technicien que d au teur de saisir la singularit de la petite derni re des Big Five ces cinq soci t s de production qui furent le symbole de Hollywood On d couvrira ainsi que la Radio Keith Orpheum Pictures n e la fin des ann es 1920 ne disposait ni des moyens ni de la force de frap pe de ses grandes s urs M G M Twentieth Century Fox Paramount et Warner Bros mais que sous l impul sion d un producteur de g nie David O Selznick le studio accordait une libert quasi compl te aux respon sables des unit s de production qui pouvaient imprimer un style et une vision coh rente de nombreux films essentiellement des s ries B efficaces et inventives On dressera ainsi la liste des films mythiques de la R K O des com dies musicales avec le couple Ginger Rogers Fred Astaire Top Hat aux fables baroques de Merian C Cooper et Ernest B Schoedsack King Kong
45. l amour Dans chacune de ses culbutes c est toute la masculinit du h ros am ricain qui s croule Il y a chez lui une r ticence presque enfantine face au sexe voire une d sillusion face l institution du couple r cup ration sociale qui le poursuit jusqu La Mort aux trousses o le personnage de Thornhill vivant encore chez sa m re Grant a alors 55 ans accomplit mille d tours avant de ramener enfin une femme dans sa couche Certains ont vu l l expression Les Quatre Filles du docteur March de George Cukor 1933 RKO Coll CDC d une certaine misogynie mais il n est pas interdit de faire r sonner ces choix de carri re avec la bisexua lit suppos e de Cary Grant qui au del de ses quatre mariages officiels v cut pendant douze ans avec l acteur Randolph Scott et parvint en ayant toujours contest ces rumeurs traduire l cran cette division de l tre entre public et priv laquelle assujettissait le star system am ricain Katharine Hepburn Madame porte la culotte N e en 1907 Hartford dans l tat du Connecticut Katharine Hepburn issue d une famille de la haute bourgeoisie marche sur les planches d s sa plus tendre enfance en apparaissant dans les spectacles poli tiques mont s par sa m re une militante f ministe De caract re emport elle abandonne ses tudes sur un coup de t te 19 ans pour int grer une petite troupe de th tre de Baltimore Ses premiers
46. la situation Leur course les conduit derri re les barreaux sous la houlette d un sh rif totalement incomp tent pensant avoir mis la main sur un dangereux gang de malfai teurs Miss Swallow et Peabody viennent r tablir les identit s quand le fauve fait irruption David le repousse h ro quement dans une cellule puis s vanouit dans les bras de Susan sous les yeux de sa fianc e Le lendemain celle ci rompt avec lui le laissant seul face son brontosaure Mais Susan arrive sur le champ et se jette sur David pour lui arracher un baiser provo quant au passage l croulement de l immense squelette Le Sport fa vori de l homme 1964 Universal Coll CDC R ALISATEUR En quatri me vitesse Howard Winchester Hawks lun des plus grands cin astes am ricains na t le 30 mai 1896 Goshen dans l Indiana petite ville du nord est des tats Unis Il est l a n d une fratrie dont les deux s urs d c deront t t mais dont les fr res nourriront comme lui une carri re cin matographique Kenneth deviendra r alisateur mais p rira 31 ans d un accident d avion alors qu il tournait les sc nes a riennes de son troisi me long m trage tandis que William le cadet produira de nombreux films dont Les Implacables The Tall Men 1955 de Raoul Walsh et La Derni re Caravane The Last Wagon 1956 de Delmer Daves Ses parents Helen et Frank s installent Neenah dans le d cor humide du Wisconsin aupr s
47. le mauvais fauve Un coup de feu retentissant les am ne vers le Major Applegate qui tient le l o pard en joue Susan l avertit qu il tire sur un ani mal apprivois et repart avec David sur les traces du chien Le pal ontologue sugg re Susan de rentrer et la fait fondre en sanglots comment se quitter apr s cette si franche partie de rire Ils finissent par retrouver George et l un des l opards sur le toit d une maisonnette Ils entonnent le standard de jazz tue t te et r veillent le propri taire le Dr Lehman Celui ci prend Susan pour une folle et enferme chez lui David pendant ce temps est pris pour un voyeur par l agent Slocum qui passait dans les parages 11 En prison 01 21 14 01 37 37 David et Susan se retrouvent derri re les bar reaux tentant de justifier leur histoire invraisem blable Gogerty les rejoint pour s tre fait pincer au volant de la voiture vol e du Dr Lehman La tante Elizabeth et le Major Applegate d barquent mais eux aussi se font arr ter par l agent convain cu qu il a mis la main sur un gang de malfaiteurs Susan joue le jeu et se fait passer pour une fille gangsters En plein interrogatoire elle profite d un moment d inattention pour s vader par la fen tre L arriv e de Peabody et d Alice Swallow permet de r tablir l identit des prisonniers Les employ s du cirque viennent signaler la perte de leur b te suivis de pr s par B b et George Susan revien
48. le terrain de golf sa rencontre inopin e avec Susan l attire sur un autre chemin par un travelling lat ral qui le d tourne de sa partie De m me au restaurant c est encore par un travel ling lat ral que David et Susan coll s l un l autre se montrent aux yeux d un Peabody effar Il en va de m me lors de la sc ne dans la rue o Susan suit David en voiture pour emmener au Connecticut Ainsi le film avance par carts successifs en brisant sa ligne de conduite et m nage ses apoth oses comiques en organisant la bifurcation subite d un personnage principal qui pensait voluer sur une ligne droite Ces carts figurent bien entendu l atti rance inconsciente qui retient David dans les parages de sa Miss Catastrophe On aper oit travers ce parcours de lignes bris es quel point la mise en sc ne de Howard Hawks ne saurait se r duire une s r nit insensible une distance confortable par rapport aux p rip ties racont es Bien au contraire plus on l approche plus on la trouve s che et nerveuse seuls ses atours stables lui donnent cet air imperturbable bien y regarder on d couvre par exemple que cette continuit est trou e de jump cuts ces sautes entre deux plans qui contredisent le fignolage de raccords parfaits Le plus souvent ceux ci interviennent au cours des d placements des personnages et les abr gent l o le trajet enti rement montr aurait pu alourdir le rythme de l
49. lin et f minin La com die am ricaine classique des ann es 1930 a repr sent l galit des sexes parfois avec d dain pour se moquer d une inversion momenta n e des r les mais souvent avec une vraie vis e progressiste pour bouscu ler avec humour l ordre tabli S il est difficile de consid rer Hawks qui s est toujours pr valu des valeurs conser vatrices de l Am rique comme un pro gressiste il n en demeure pas moins que le cin aste construit avec la collaboration g niale de Katharine Hepburn un personnage f minin fort qui en tant que moteur de l action est le v ritable d cisionnaire du film On demandera la classe de rep rer dans le film quel point les rapports homme femme loin d tre abolis subsistent mais se trouvent intervertis dans des corps oppos s Ainsi on remarquera les costumes des person nages lors de la sc ne c l bre o David d clare tre soudainement deve nu gay 00 38 30 Il est alors v tu d un n glig de femme tandis que Susan pose son chapeau claque sur sa t te avant quelques minutes plus tard de s habiller en pantalon Quel ques s quences auparavant c est elle qui conduisait la voiture et en volait une autre alors que David n en tait que le passager Cette situation n est pas exclusive au couple David Susan mais se retrouve dans presque tous les duos du film David Miss Swallow Applegate Elizabeth Gogarty et sa femme O q
50. lliam Faulkner Hawks entame une longue relation de travail et d amiti avec le romancier qui comme lui aime boire piloter et raconter des histoires C est cette poque que le cin aste prend l habitude de s clipser discr tement des plateaux lorsque le producteur y pose le pied pour conserver la mainmise sur ses films La carri re de Hawks se partage ensuite entre de nombreux studios et de nom breux genres auxquels il se pr te avec une apparente versatilit Son uvre t moigne pourtant d une constance d approche ainsi que d une efficacit et d une pr cision tonnantes accomplissant l exploit de d poser au moins un chef d uvre en chaque genre Il ny aurait presque qu grener ici les mul tiples jalons d une filmographie sans appel du r cit d aventure Seuls les anges ont des ailes 1939 au film de guerre Sergent York 1941 la screwball comedy cf p 4 Ch rie je me sens rajeunir 1952 la com die musicale Les hommes pr f rent les blondes 1953 au p plum La Terre des pharaons 1955 au western La Captive aux yeux clairs 1952 au film sportif Ligne rouge 7000 1965 On distingue cependant deux cycles dans cette carri re prolixe caract ris s par son association deux immenses acteurs hollywoodiens Avec Cary Grant Hawks a tourn quatre screwball comedies peut tre son genre de pr dilection d lirantes et endiabl es o il s est amus retourner comme une cr pe l image
51. lousie 15 16 C est le sumac qui s carte sur son passage Pourtant la chute de David inverse une nouvelle fois la situation la contre plong e sur Susan marque la reconqu te 18 Les r les s changent entre le dominant et le domin mais le nivellement progressif par culbutes successives vise r tablir un quilibre entre des deux personnages 19 21 Susan et David face leur destin Le plan pivot de la sc ne intervient apr s la chute de Susan et appara t comme son couronnement Venant de planter son filet sur la t te de David Susan est prise d un fou rire 22 Hawks laisse durer ce moment stup fiant de v rit C est cette magie que nous m ne la s quence le film si intense semble alors vider ses soupapes et dans cette expiration atteindre son envers En cet instant qui trahit une libert supr me la trame t nue des p rip ties est mise en sourdine au profit d un simple rire joie communicative d un personnage dont le naturel se confond avec celui de l actrice ce moment l les h ros sont assis c te c te ramen s une position d galit qui se fonde sur un ridicule commun plus ou moins assum C est alors qu intervient la r v lation ultime George le cabot et B b le l opard sont l face au couple de l autre c t d un gu dans une petite clairi re o ils batifolent et roulent dans l herbe 26 David et Susan les observent ahuris comme s ils surprenaient une sc n
52. nie Nature intempestive Hepburn n est pas une h ro ne plor e et passive mais bien le moteur de l action elle affirme une volont ma tresse et s empare des r nes du r cit Son visage triangulaire stri de lignes franches son corps sec et dynamique ne se pr tent pas au glamour langoureux des actrices hollywoo diennes mais imposent une androgynie troublante et sophistiqu e C est Cukor qui laura le mieux La Femme de l ann e de George Stevens 1942 MGM Coll CDC Indiscr tions de George Cukor 1940 MGM Coll CDC comprise et dirig e en lui confiant le r le de Jo dans Les Quatre Filles du docteur March en 1933 et surtout celui de Sylvia Scarlett l occasion duquel elle se travestit en homme porte cheveux courts pantalons et cravate Dans L Impossible Monsieur B b Cest encore elle qui m ne le bal affabule et crapahute tra nant son partenaire Cary Grant dans un v ritable jeu d enfant Son air farceur et sa tendance la d rision qui semblent toujours la placer un peu au dessus de l action font d elle une merveilleuse actrice de com die Mais Sylvia Scarlett ne marchera pas et malgr un premier Oscar remport pour Morning Glory de Lowell Sherman en 1933 ses checs dans la seconde moiti de la d cennie comme le Mary Stuart de John Ford en 1936 la repoussent sur les planches C est l qu elle se reconstitue une notori t avec une pi ce de Philip Barry The Philadelphia Stor
53. notamment travaill avec John Ford sur Judge Priest 1934 Le Mouchard 1935 et Steamboat Round The Bend 1935 Katharine Hepburn et Howard Hawks pendant le tournage de LImpossible Monsieur B b Turner Coll Cahiers du cin ma Certaines productions naissent sous d excellents auspices c est le cas de celle ci baptis e d s le berceau par la tendre histoire damour qui clot entre Wilde et Nichols et les am nera r diger ensemble pour Fred Astaire et Ginger Rogers le d licieux Amanda 1938 de Mark Sandrich Une grande part de leur relation amoureuse se refl te dans celle qu ils inventent pour leurs personnages L criture suit son cours dans une joie communicative et les diff rentes versions du sc nario se succ dent maill es de notes espi gles qui respirent le bonheur Soulignant tel accroc dans la continuit le duo crit Le bruit hors champ que vous entendez est celui de deux sc naristes malades de ne pas savoir ce que David et Susan ont fait depuis la tomb e du jour Et pour conclure On imagine qu il devrait l embrasser il ne l a pas fait depuis 10 000 pieds de pellicule donc il embrasse et nous FONDONS AU NOIR D s le d part Hawks et ses sc naristes sont tomb s d accord sur une m me vision du film compris comme un hommage au cin ma burlesque Il y eut m me dans les premi res versions du sc nario une sc ne de combat avec tartes la cr me Le temps qu il faut
54. oin de cet os C est l os de David et donc bien avant le quatuor sur les mots M Bone nom qui affirme que Grant est la personnification m me du sujet en question la fin de la s quence dans le restaurant on ne pourra ignorer non plus le concept et la r alit du derri re Ni los ni le derri re ne nous feront tiquer lors d une premi re vision du film dans la premi re r plique de Grant en regardant fixement un os qu il tient la main il dit Je crois que celui ci va dans la queue Son assistante Miss Swallow le reprend ou lui rappelle Vous avez d j essay a hier Devons nous dans cette perspective nous laisser arr ter par l change de r pliques entre Grant et Hepburn lanc par Grant au moment o ils d couvrent que B b s est chapp Gardez votre t te Ma quoi Votre t te Je l ai ma t te c est mon l opard que j ai perdu Et jusqu quel point peut on exploiter la r plique de Hepburn lorsqu elle dit sinc rement inqui te Grant qui essaie de la couvrir par derri re au restaurant Eh Fixation ou pas Allez vous arr ter de faire a avec votre chapeau Que croit elle qu il est en train de faire et avec quoi croit elle qu il devrait le faire S il est ind niable que ces v nements nous invitent eux m mes les lire comme une all gorie sexuelle tout aussi ind niable est la simple v rit de
55. on spatiale la rela tion qui unit le couple de h ros La s quence commence apr s le d ner lorsque David et Susan partis la recherche du l opard vad d valent une petite pente en pleine for t en chantant leur chanson De l autre c t du miroir La sc ne surprend tout d abord par son esth tique Lors des trois premiers plans les personnages arpen tent un espace que nous d couvrons avec eux un petit sous bois au sol caboss sem de roches et de broussailles 1 3 La temporalit nocturne de la sc ne permet de recourir une lumi re tr s contrast e et des contre jours qui figurant la clart r fl chie de la lune baignent l ensemble de noirs profonds Le caract re artificiel de la nature reconstitu e en studio ajoute l tranget g n rale et se distingue des s quences pr c dentes en lumi re naturelle Tout se passe comme si les personnages avaient franchi un cap et se retrouvaient dans une autre dimension du temps La nature semble fig e dans une pr sence signifiante et vibrante rev tue de la robe du r ve et de l inconscient saupoudr e d une substance fantas matique comme le laisse supposer l clairage lunaire La suite marque un resserrement de l espace les personnages doivent franchir des buissons dont l pais seur envahit le plan et oblit re la g n ralit de l espace 4 16 La forme flottante et ondul e des plantes rappelant l l ment aquatique accentue un peu plu
56. ondre aux go ts vari s des publics Quelques extraits de films arch typaux de Hawks cf p 3 seront utilis s pour retrouver en classe les genres majeurs On verra comment Scarface dont Brian De Palma fit un remake baroque en 1983 sculpte le moule tragique violent et grotesque du film de gangsters Le Grand Sommeil appara t comme le film noir ultime tant la complexit de son intrigue plonge le d tective Philip Marlowe dans la duplicit de l me humaine La Rivi re rouge grave dans le marbre les motifs primitifs du wes tern le troupeau la fronti re la loi et la foi Les hommes pr f rent les blondes est le baroud d honneur de la com die musicale colorant ses traits ternels d un cynisme rafra chissant et offrant l ic ne Marilyn l une de ses plus belles interpr tations Le cas de L Impossible Monsieur B b exemple canonique de la screwball comedy fera l objet d une analyse qui aidera d finir ce genre moins bien connu Les l ves seront en particulier ame n s relever les s quences de chute de travestissement de d lire verbal ainsi que les moments voquant l ap parition d l ments ou de personnages intrusifs Ils seront aussi invit s retrou ver les s quences o le comportement des personnages para t irrationnel On pourra visionner titre de compl ment et pour faire un parall le avec le cartoon cf p 13 les courts m trages de Tex Avery mettant en sc n
57. ons Susan lui avoue son d sir d pouser David qu elle fait pas ser pour un chasseur laffublant du nom ridicule de Bone Os 9 D ner quatre 00 48 48 01 04 43 David pr vient sa fianc e qu il est retenu pour la soir e Susan et lui apr s avoir nourri B b d nent avec la tante Elizabeth et son invit le s millant Major Applegate qui t che d entretenir la conver sation Mais David n y pr te aucune attention et ne s int resse qu au fox terrier Au m me moment le jardinier Gogarty lib re B b par inadvertance Pour pater la galerie Applegate imite le cri du l opard et trouve un cho surprenant dans les rugissements au loin de B b Le jardinier de son c t d couvre le fauve et d barque effray dans le salon Susan et David courent sa recherche tan dis qu Elizabeth et Applegate sortent prendre l air dans le jardin Au d tour d un buisson ils tombent nez nez avec B b et d talent 10 Dans la for t 01 04 44 01 21 13 David et Susan surprennent B b et George bati folant dans une clairi re Ils s engagent sur le gu qui les en s pare mais plongent dans une eau profonde Ils se s chent autour d un feu de bois improvis Au loin r sonne une musique de cirque L bas au m me moment on parle d eu thanasier un l opard dangereux qui doit tre transport jusqu Bridgeport Sur la route Susan et David croisent la camionnette du cirque et lib rent
58. orte Alors ils y arrivent La vieille cole du cin ma les a fa onn s ne pas mordre sur les r pliques des autres pendant les prises Or j exige qu ils le fassent Vous adoptez souvent un point de vue comique m me dans les situations tragiques Par exemple Al Capone Scarface ce n est pas vraiment une histoire dr le mais vous avez r ussi en faire une Eh bien pr f rez vous regarder quelque chose de tr s s rieux ou plut t en rire En fait les vraies drames sont assez proches des com dies Le meilleur drame du monde peut s av rer assez dr le Un homme qui perd son froc devant un millier de personnes il souffre le martyre mais il est tr s dr le Jai eu un tr s bon professeur pour a Chaplin Probablement le meilleur comique qui ait jamais exist Tout ce qu il faisait tait tragique et il tirait ses trouvailles comiques de la trag die Je travaille beaucoup sur cet aspect l Jaime quand la violence est si rapide qu on se demande Mon Dieu cela s est il vraiment pass Et c est tellement plus facile de faire de la com die si l on n essaie pas d tre dr le Jai une th orie qui veut que si l on force la dr lerie avec un titre marrant et beaucoup de sc nes cocasses c est comme si l on disait au public Allez y riez Cest du suicide Ils vont prendre le film rebrousse poil Donc j essaye d attirer leur attention avec une sc ne dramatique et ensuite je trouve le bon endroit pou
59. parfois en r action la perplexit du personnage qui s adresse la r plique comme si le personnage ne pouvait l avoir correc tement entendue parfois aussi comme une sorte de tic de langage comme si un personnage n avait pas entendu convenablement ses propres paroles ou s il n avait pas dit ce qu il avait voulu dire Si je caract rise cette pr sence du double langage Cest pour deux raisons 1 Tout en admettant qu il est indispensable de discuter explicitement le caract re obsessionnel des allu sions sexuelles dans le film si l on veut dire quel en est mon avis le sujet je ne tiens pas trop tre tr s explicite sur ce point Il y a des raisons cette r ticence qui ont voir avec ce qui mon sens constitue le sens m me de cette ambiance sexuelle Ce qui fait en partie la force de cette uvre c est que nous ne saurons jamais jusqu quel point pousser ses allusions Il y a un moment par exemple o le concept et la r alit de los que l on se dispute menaceront bien s r de s imposer Cette menace surgira bien avant le long r citatif et duo sur ce sujet qui commence avec la d couverte tonitruante que fait Grant de la bo te vide avec les r pliques O est ma clavicule inter costale Votre quoi Ma clavicule intercostale Mon os Il est rare il est pr cieux et qui se poursuit avec la supplique de Hepburn adress e au chien George George David et Susan ont bes
60. pas Broadway entre 1928 et 1931 sont sillonn s d checs successifs et clabouss s d une pluie de mauvaises critiques Peu importe elle part tenter sa chance Hollywood et d croche miraculeusement en 1932 le premier r le d une production R K O H ritage o elle renvoie la r plique John Barrymore un t nor de l poque Dirig e par George Cukor qui deviendra par la suite son ami intime et metteur en sc ne de pr dilection sa prestation convainc le studio de faire d elle une t te d affiche Elle se retrouve alors propuls e au sommet de productions pas toujours pl biscit es par le public mais o elle d veloppe une interpr tation in dite incroyablement en avance sur son temps La Katharine Hepburn des ann es 1930 figure de jeune fille ind pendante et ambitieuse est avant tout une vitesse une locomotive lanc e toute allure Vitesse d locution tout d abord qui prend tout le monde de court d bitant ses dialogues avec lasticit et intelligence la cadence d une mitraillette Sa pens e galope rebondit avec fulgurance d une id e l autre chevauche ou coupe les r pliques de ses partenaires sans laisser de temps mort Vitesse du corps galement qui investit l espace circule d un bord l autre du cadre dans une agitation perp tuelle Hepburn impulse tous ses films un tempo bou riffant qui rencontre l acc l ration de la vie et les rythmes musicaux tr pidants de la d cen
61. r d clen cher le rire La sc ne r currente dans vos com dies de Grant qui s habille en femme comme lorsqu il porte la nuisette dans L Impossible Monsieur B b tait ce pour humilier le personnage au dernier degr La fille jouait le r le de quelqu un sans le moindre souci dans la vie et tout ce qu elle faisait mettait l autre de plus en plus dans le p trin Il marchait sur sa robe bousillait une partie de golf elle avait un l opard elle le clouait au sol purement et simplement C tait une suite logique de l habiller en nuisette On a tout fait pour l humilier le casser et laisser la fille planer au dessus de la situation d une fa on qui me faisait rire Je trouve a dr le d avoir une femme qui domine l homme est d autant plus dr le et ridicule Katie Rosalind Russel dans La Dame du vendredi et Ann Sheridan dans Allez coucher ailleurs avaient leur part de com die mais elles jouaient de mani re plus orthodoxe et laissaient faire Cary Joseph McBride Hawks on Hawks 1982 Ramsay 1987 CONSULTER Filmographie Parmi les films de Hawks disponibles Scarface DVD Universal Pictures 2008 LImpossible Monsieur B b DVD ditions Montparnasse 2004 La Dame du vendredi DVD RDM dition 2012 La Captive aux yeux clairs DVD ditions Montparnasse 2007 Ch rie je me sens rajeunir DVD Twentieth Century Fox 2002 Les hommes pr f rent les blondes DVD Fox Path Europa 2002
62. r un d sir indicible sur la voie de l mancipation Cern s par une troupe d animaux gogue nards deux l opards un chien et un squelette de brontosaure ceux ci apprendront faire confiance leur instinct R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro Sc nario r alisation et production de l Universit Paris Panth on Sorbonne Il est galement d l gu g n ral du festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Mathieu Macheret dipl m de l E N S Louis Lumi re crit sur le cin ma depuis 2008 Il colla bore aux Cahiers du cin ma et la revue Trafic et monte des programmes pour la cha ne de t l vi sion TCM Cin ma Il a particip des ouvrages collectifs sur les cin astes Otto Preminger et Guy Gilles Il anime des cin clubs et pr sente des conf rences partout en France En 2014 il a rejoint le comit de s lection du festival Entrevues de Belfort et pr pare un essai sur John Carpenter Avec le soutien du Conseil r gional F Libert galit Fraternit UE aaa CNTD S
63. re et l autre la t l vision Ses apparitions au cin ma se font plus rares et moins convaincantes Son vieux complice George Cukor lui rendra une derni re fois justice en ressuscitant la p tulance de ses jeunes ann es dans deux t l films en 1975 et en 1979 On a peine croire encore aujourd hui que cette l gende du cin ma hollywoodien s est teinte si pr s de nous dans son sommeil le 29 juin 2003 dans son Connecticut natal 1 Charlotte Chandler I Know Where I m Going Katharine Hepburn a Personal Biography Simon amp Schuster 2010 GENESE Tout va bien Everythings gonna be alright Tout va bien se passer souffle Susan Katharine Hepburn David Cary Grant au moment o une suite de m saventures s abat sur lui sans rel che trangement il semble que cette phrase c l bre ait r sonn comme une devise dans la fabrication de L Impossible Monsieur B b qui demeure encore aujourd hui un exemple de production harmonieuse et paisible presque idyllique en tout cas contraire la mythologie des grands conflits holly woodiens entre artistes et producteurs comme ceux qui par exemple opposeront violemment Orson Welles la R K O sur La Splendeur des Amberson en 1942 Un sc nario quatre mains Tout commence le 8 mars 1937 quand apr s six mois de n gociations achar n es Howard Hawks signe avec la R K O un contrat de 130 000 dollars par an avec un minimum garanti de 260 000 doll
64. s nous perdons l exp rience que nous avons d eux en tant qu individus nous ne les verrons plus exercer leur conscience Nous n avons ni les conna tre ni les m conna tre ni les objectiver ni les subjectiver Stanley Cavell la recherche du bonheur Hollywood et la com die du remariage 1981 ditions de l Etoile Cahiers du cin ma 1993 1 Le mot bone et son d riv boner signifient en argot anglais une rection 2 Le mot head outre son sens de t te d signe d j chez Shakespeare le pucelage forme abr g e de maidenhead 19 20 T MOIGNAGE Le rire une question de rythme Les propos de Howard Hawks recueillis par le critique Joseph McBride mettent jour le travail du cin aste avec les acteurs Ce qui frappe d abord dans l entretien c est le pragmatisme des r ponses qui ne sembar rassent pas de th ories abstraites mais vont droit au but avec une franchise toute laconique Hawks ne cherche aucunement faire artiste il aborde des aspects concrets d une pratique qu il pr sente sous son jour empirique comme une suite de tentatives arrim es solidement son bon sens et son go t per sonnel Il est int ressant qu il en vienne Marlon Brando pour nous expliquer quelle spontan it il attend d acteurs qui ne doivent pas s embourber dans de multiples prises Brando dans les ann es 1950 fut l un des tenants d une modernit du jeu d ac
65. s la torsion de la r alit Susan et David s y plongent et le montage se fait plus morcel cherchant leurs visages au c ur de cette v g tation galopante qui semble les recouvrir un moment Susan se baisse pour avancer quatre pattes 10 et le motif v g tal appara t alors pour ce qu il est un tunnel traverser qui doit les conduire vers un autre monde vers une petite poche de temps La mise en sc ne nous indique par ce mouvement de resserrement que nos deux h ros passent comme l Alice de Lewis Carroll de l autre c t Le passage est scell par leur d gringolade sur la pente abrupte que dissimulaient les bruy res 17 22 ils ont gliss et nous avec eux au c ur de la nuit o ils vont bient t surprendre leur propre reflet dans le miroir du temps 23 24 Le relais du pouvoir Cette travers e est aussi une chute Toute la sc ne suit un double mouvement saccad non seulement de la droite vers la gauche mais surtout du haut vers le bas par paliers que les personnages d valent succes sivement Il s agit d abord du d nivel du terrain que les personnages d valent puis de l abaissement de Susan dans les buissons le talus sur lequel ils basculent et enfin le cours d eau dans lequel ils s enfoncent David et Susan descendent toujours plus bas et semble t il jusqu au fond d eux m mes Ces diff rents niveaux installent une diff rence de hauteur entre les deux personnages Dans les buissons l
66. s les ann es 1950 vante son g nie selon Jacques Rivette et en fait l tendard de sa politique des auteurs Hawks persistera au fil des entretiens d nier toute intention artistique ou pr tention faire uvre d clarant qu il ne s tait jamais appliqu qu bien raconter les histoires qui lui plaisaient Apr s sa retraite au d but des ann es 1970 il continuera conduire ses bolides sur les circuits californiens et com pl ter sa pl thorique collection d armes feu admir e de toute la profession Il meurt 81 ans le 26 d cembre 1977 dans sa villa de Palm Springs des complications dues une hanche cass e pour avoir tr buch sur l un de ses grands chiens lors d une derni re culbute digne de celles de Cary Grant dans L Impossible Monsieur B b FILMOGRAPHIE S LECTIVE Howard Winchester Hawks 1926 Sa majest la femme Fig Leaves 1928 Une fille dans chaque port A Girl in Every Port 1930 La Patrouille de l aube The Dawn Patrol 1932 Scarface 1933 Apr s nous le d luge Today We Live 1936 Le Chemin de la gloire The Road to Glory 1938 Impossible Monsieur B b Bringing Up Baby 1939 Seuls les anges ont des ailes Only Angels Have Wings 1940 La Dame du vendredi His Girl Friday 1941 Sergent York Sergeant York 1944 Le Port de l angoisse To Have and Have Not 1946 Le Grand Sommeil The Big Sleep 1948 La Rivi re rouge Red River 1949 Allez co
67. sant Si ce n est pas amusant il vaut mieux arr ter Quand les acteurs b gaient le r sultat en p tit mais quand ils jouent naturellement c est mieux Brando s tait fait remarquer comme un grand acteur J ai discut avec lui quand il faisait La Vengeance aux deux visages La Paramount m avait demand si je pouvais faire quelque chose pour l am liorer car ils avaient mis toutes leurs billes dessus Il ma demand Tu as aim Et j ai r pondu Non Il ma dit Tu ne penses pas que je suis un bon acteur je lui ai r pondu Tu prends beaucoup trop de temps pour faire une prise Ensuite il a ralenti au point que je ne puisse plus supporter de le regarder Si on r ussit faire une bonne prise on peut laisser son acteur tra ner et improviser Si ce n est pas une bonne prise plus rapidement on s en d barrasse et mieux ce sera Je travaille 20 au dessus de la vitesse de nimporte quel autre film Quand un acteur fait une prise je lui dis Fais le en retirant 20 secondes et ce sera parfait Et s il ne r ussit pas alors je la coupe au montage et je lui dis de continuer comme il peut Les acteurs sont souvent d boussol s Ils tra nent dans les prises Parfois il faut quelques jours pour r ussir obtenir la prise qu il me faut Les acteurs n aiment pas se couper la parole et mordre sur les r pliques d un autre coll gue Je leur dis Si tu ne lui coupes pas la parole je te mets la p
68. t et son approche il prend ses jambes son cou Plus le film avance et plus l image du l opard prend un tour fantasmatique influant sur la r alit du Connecticut comme pour la transformer en une petite jungle Lors du passage o le jardinier Gogarty port sur la bouteille lib re le fauve par inadvertance ce dernier est per u par lalcoolique comme une hallucination jaillie de la nuit Peu apr s autour de la table alors que le Major Applegate s essaie aux cris d animaux un concert de rugissements retentit au loin et entoure cette petite cellule civilis e d un cho sauvage clat immat riel d une pens e irr pressible Enfin l arriv e dans les parages de la propri t d un second l opard bien plus f roce que B b et perdu par un cirque ambulant agit comme un b gaie ment de la r alit une sorte de br che spatio temporelle s ouvre dans la nuit et contribue au chaos g n ral Le l opard est alors rendu cet lan pulsionnel qui force d tre compress se projette partout dans l espace et transforme la r alit son image Un chien et quelques animaux de plus Au terme de cette recension il ne faut pas oublier George le roquet qui en qualit de chien se tient mi chemin de la nature et du monde civilis il est si l on veut l image de la pulsion domestiqu e Il intervient dans une sc ne hilarante celle o David est surpris par la tante Elizabeth v tu d un n glig
69. t en tra nant le l opard sauvage au commis sariat la vue du fauve tout le monde se r fugie derri re les barreaux David s empare d une chaise pour prot ger Susan et repousser l animal dans une cellule vide Il s vanouit 12 Conclusion 01 37 38 01 42 04 De retour au Mus um Alice Swallow rompt avec David Susan arrive elle a retrouv la clavicule Apeur David grimpe sur l chafaudage La jeune femme monte sur une chelle de l autre c t Le pal ontologue finit par reconna tre que cette journ e fut la plus amusante de sa vie Il lui avoue son amour Dans sa joie elle s lance vers lui et fait s crouler le squelette Voyant que David ne lui en veut pas elle embrasse R CIT Retour la nature premi re vue L Impossible Monsieur B b reconduit le programme de la com die romantique opposition apparente d un homme et d une femme que tout s pare mais qui n est en r alit que la d n gation d une attirance r ci proque et le r v lateur d une galit l originalit du film est pourtant de faire enfler la digression inh rente ce type de r cit jusqu au point o celle ci d borde puis d vore compl tement un squelette narratif r duit une peau de chagrin D o cette impression initiale que le film ne se maintient que par la v locit de ses pisodes Une base classique L Impossible Monsieur B b s ouvre et se conclut au m me endroit par deux sc nes prenan
70. t le film en tenaille et situ es au Mus um d histoire naturelle Le r cit d marre au bord de sa conclusion le h ros David Huxley est deux doigts de l accomplissement sanctionn par un mariage qui a lieu le lende main Or c est justement dans cet troit intervalle que va se d velopper la com die comme un tirement du temps visant repousser l instant fatidique corriger le tir d un mariage semblable une petite mort Les premi res sc nes sont celles d une com die classique qui se d roule dans ses espaces habituels des lieux de bonne soci t Elles partagent son enjeu r current le transfert d argent puisqu il manque David un million de dollars pour acc der au bonheur Cette qu te va tre entrav e par un obstacle une femme qui s attache lui et ruine syst matiquement ses chances D s qu il appara t le personnage de Susan agit comme une v ritable temp te qui maniant l absurde et le quiproquo emporte David dans un flot de paroles Ce d tournement irrationnel distrait le scientifique de son objectif en le d portant de sa trajectoire La nature de Susan est de semer la confusion elle jongle intervertissant places et r les dans le monde social Jusque l le r cit ne se distingue encore du tout venant de la com die que par sa rapidit Un d collement progressif Le sursaut se produit lorsqu un l opard fait irruption chez Susan l animal provoque un accroc dans la r alit un coup de
71. te de sa force virile qu une recherche professionnelle qui pousserait David se presser comme un damn On sentait bien jusque l avec la malicieuse Susan que David se r signait plus au mariage qu il ne le d sirait que demeurait en lui cette petite lueur pulsion ou curiosit qui le menait vers l inconnu l affirmation d une nature sexu e et le plaisir qu il en r sulte la fin du film alors que Susan restitue l os perdu au pal ontologue fra chement abandonn par sa fianc e le brontosaure s effondre tout coup sur lui m me au moment pr cis o il peut enfin tre compl t et reconstitu Il s vanouit donc sous les assauts de la jeune femme venue d crocher un baiser comme une vieille lubie poussi reuse ou un mauvais r ve dispa raissant spontan ment quand le soleil l amour et la joie p n trent glorieusement dans la pi ce et dans le c ur du h ros Un l opard dans le boudoir L image la plus r jouissante du film est peut tre celle du l opard nomm B b sortant tout droit de la salle de bains de l appartement new yorkais de Susan au moment o le timide David y pose le pied C est aussi la plus claire le fauve draine avec lui tout un imaginaire primitif de sauvagerie et de pr dation il est l incarnation la plus directe de la pulsion de l instinct Sa pr sence jure dans lunivers des salons et autres cottages de la haute soci t polic e o il expose la vue de tous son tat de nature
72. teur qui vint secouer le classicisme hollywoodien form par Stella Adler la m thode de Constantin Stanislavski il d fendit un jeu rentr physique et tr s psychologis sanctionn par une diction marmonnante On pourra le comparer au jeu expressif de Cary Grant et Katharine Hepburn Hawks trouve Brando trop lent et pr conise un abandon une inconscience de l acteur caus e par la vitesse Pour emporter la sc ne il faut acc l rer les dialogues jusqu atteindre un rythme sup rieur qui d passe les avanies sc naristiques Ces propos r sonnent avec nombre de sc nes tr pidantes de L Impossible Monsieur B b o la vitesse d locution des personnages transperce une intrigue diaphane On voit bien dans ces propos quel point Hawks se m fiait des conventions th trales mais encore plus des attentes et habitudes des spectateurs et des studios qu il tentait toujours de prendre de vitesse Son classicisme contient dans son essence cristalline tout le germe et tout le principe de la modernit Quand vous tournez une com die prise apr s prise comment maintenez vous une certaine fra cheur Je ne laisse pas les prises s encha ner Si une personne n est pas assez bonne je demande quelqu un d autre de prendre le relais et d faut j abandonne cette prise ou commence quelque chose d autre Je ne reviens pas dessus Je ne pense pas qu il faille s puiser et puiser les acteurs Il faut essayer de faire un film amu
73. traordinaire mouvement de roulement au film Si le th tre est par excellence le lieu des routines sociales tout le mouvement du film consiste s en extraire par l irruption fr quente de la nature animaux lumi re naturelle improvisation des com diens autant d impond rables qui vivifient la mise en sc ne On peut relever ce titre des passages magiques comme le long rire de Katharine Hepburn quand son partenaire se retrouve avec un filet papillons sur la t te ou lorsque s tant cass un talon elle accentue sa claudication et blague I was born on the side of a hill Je suis n e flanc de colline Un art de l cart L Impossible Monsieur B b participe d un renouvellement g n ral de la com die am ricaine qui la fin des ann es 1930 cherche rencontrer les flux modernes qui remuent la vie publique Cette sortie du studio est relay e par une figure de mise en sc ne r currente un mouvement d cart brusque d portement qui attire le h ros hors de sa trajectoire et se traduit plus d une fois par l usage du travelling lat ral La plupart du temps Hawks installe ses sc nes de mani re simple dans des cadres purs et proportionn s mais sans effet de style avant de nous conduire vers un mouvement particuli rement tonnant qui reconfi gure les rapports entre les personnages et la direction du r cit Ainsi lorsque David s enlise tenter d amadouer Peabody sur
74. tz Feld Lena Roberts Skippy Nissa SYNOPSIS Le professeur David Huxley timide pal ontologue est sur le point d achever son grand uvre la reconstitution d un gigan tesque squelette de brontosaure et de se marier avec son assis tante la rigide Alice Swallow Pour mener bien ses travaux il doit faire bonne impression aupr s d Alexander Peabody l avocat d une riche donatrice qui met en jeu une bourse d un million de dollars Sur le terrain de golf o a lieu la rencontre il tombe sur Susan Vance une Miss Catastrophe au caract re fantasque qui vole sa balle et cabosse sa voiture Plus tard au restaurant elle d chire son frac et le ridiculise devant un Peabody berlu Le lendemain alors qu on lui livre le dernier os de son brontosaure David re oit un coup de fil affol de Susan aux prises avec un l opard que son fr re explorateur vient de lui envoyer du Br sil Il d barque pour la sauver os sous le bras mais d couvre un animal apprivois que Susan calme avec un standard de jazz Elle le convainc de conduire l animal chez sa tante Elizabeth la donatrice en question dans la campagne du Connecticut L bas profitant d un moment d inadvertance un fox terrier d nomm George d robe le pr cieux os et part l enterrer on ne sait o Susan et David passent le reste de la journ e et de la nuit battre la campagne pour le retrouver alors qu un second l opard vad du cirque vient compliquer
75. u on regarde la femme m ne la danse et l homme la suit 15 16 VIO TI Animalit s Si l on en croit la nouvelle de Hagar Wilde L Impossible Monsieur B b serait n d une id e saugrenue celle d imaginer un l opard dans le Connecticut et de voir ce qu il en advient Il y a au d part entre ces deux images dont la r union ressemble une sorte de collage dada ste une distance inconciliable La premi re renvoie un monde sauvage une nature pr datrice tandis que la seconde voque la civilisation la bonne soci t hupp e parvenue ce point d aisance o elle s entoure d une nature domestiqu e Mais le l opard n est pas le seul animal que l on croise dans le film de Howard Hawks habit d un bestiaire composite dont les occurrences ne cessent de surprendre dans le cadre d une histoire de couple Pourquoi nos h ros David et Susan sont ils constamment ramen s l animalit Cette distance entre leurs jeux amoureux de personnages urbains relativement ais s et les rugissements venus de la jungle en recouvre une autre celle qui oppose l tre social et les pulsions qui grondent en lui Le motif de l ani malit r p t sous toutes ses formes dans le film l image ou dans les dialogues poss de une dimension d sirante voire allusivement sexuelle cf p 19 dont les significations sont multiples Un brontosaure en rection Tout le r cit de L Impossible Monsieur B b est
76. ucher ailleurs I Was a Male War Bride 1952 La Captive aux yeux clairs The Big Sky 1952 Ch rie je me sens rajeunir Monkey Business 1953 Les hommes pr f rent les blondes Gentlemen Prefer blondes 1955 La Terre des pharaons Land of the Pharaos 1959 Rio Bravo 1962 Hatari 1965 Ligne rouge 7000 Red Line 7000 1966 El Dorado 1970 Rio Lobo AC TEURS Un gars une fille La Mort aux trousses d Alfred Hitchcock 1959 MGM En t te d affiche de L Impossible Monsieur B b on trouve un couple d acteurs embl matiques de l ge d or du cin ma am ricain Comment en effet imaginer celui ci sans Cary Grant En pr s de 34 ans de car ri re et plus de 85 films dont des dizaines de chefs d uvre avec les plus grands r alisateurs de son poque l acteur s est impos comme une figure ce point indissociable de l re classique qu il semble litt ralement incrust dans son A D N Quant Katharine Hepburn elle fut sans doute l actrice la plus originale et la plus moderne laquelle Hollywood ait jamais donn naissance Elle lui fit don d une viva cit extraordinaire et sut jouer d un physique singulier qui bouscula les standards de la f minit l cran R uni quatre reprises entre 1935 et 1940 dont trois fois pour George Cukor le duo t moigne d une complicit que Grant r sumera ainsi Nous tions fous tous les deux Cary Grant le classicisme par excellence Archibald Al
77. ue de Hawks repose sur le d pouillement de l h ro sme et des comp tences mascu lines Chaque intervention de la femme catastrophe appara t avant tout dans la vie du pal ontologue comme un accident et un d rangement David comme beaucoup de h ros hawksiens qui fuient les sentiments cherche faire le vide autour de lui s affirmer par lui m me ce quoi il ne parvient pas et dont nous rions Il sera aussi possible de souligner plus globale ment que les autres h ros masculins de Hawks int grent moins un groupe qu ils ne s y pr tent momentan ment et qu ils mettent leur talent dispo sition d une quipe pour l excellence d une comp tition virile plus que par envie de collaboration On citera Geoffrey Carter le pilote d exception jou galement par Cary Grant dans Seuls les anges ont des ailes John T Chance le sh rif tireur hors pair de Rio Bravo interpr t par John Wayne ou encore Philip Marlowe le d tective cynique et brillant du Grand Sommeil jou par Humphrey Bogart Dans le cin ma de Hawks ces tres autosuf fisants capables de se d p trer de toutes les situations par l exercice d un talent universel apparaissent bel et bien d abord comme des individus il 12 Arch types C est bien le genre qui a structur la production de l industrie cin matogra phique am ricaine qui a tr s t t mis en avant une typologie narrative et iconographique cens e r p
78. un univers o tout est possible L Impossible Monsieur B b pratique un assemblage farfelu et composite d l ments dissemblables humains animaux soci t sauvagerie l o pard musique homme robe qui peut tre compar au bazar fourre tout et anarchique du dessin anim am ricain cf p 12 Sous le chapiteau C est justement l interaction constante entre les acteurs et les animaux souvent non simul e qui surprend ici Les acteurs jouent avec les animaux les touchent les manipulent ce qui amuse mais impressionne en m me temps Sachant que les prises de vue avec animaux sont dans le cadre de la fiction parmi les plus difficiles on peut admirer ici leur dressage et leur parfaite ad quation avec les gestes des humains Il y a l un savoir faire li aux arts du cirque mais aussi ce qu tait encore Hollywood la fin des ann es 1930 un grand r servoir de talents de corps de monstres en tous genre qui tenait de la foire et de la Dee tel RKO RAAP Aueh Snc rA i B Katharine AA CREPBURT H m nagerie Une courte sc ne du film se situe d ailleurs dans un cirque et pr pare l arriv e d un second l opard dans la course des personnages plusieurs reprises Susan et David entendent l orgue de barbarie r sonner au loin qui voque in vitablement ses chapiteaux et attractions Lors de l avant derni re sc ne en prison Cary Grant adopte m me la posture d un dresseur repoussant le
79. uple Alice David une sexualit d charn e l tat fossilis c est dire absolument st rile tourn e vers un pass inatteignable et presque abstrait force d loignement Hawks d signe ici par la caricature une pure intellectualit d gag e du corps de ses fonctions besoins et plaisirs La sc ne joue sur la d mesure de cet animal qui relie les deux personnages comme si tout ce qu ils avaient en commun n tait que cette masse norme ridicule cette b te morte depuis des si cles dont le moins qu on puisse dire est qu elle n a pas taille humaine Signe important ce dinosaure n est pas complet il lui manque un petit os la clavicule intercostale Si ce nom qui sugg re une paule entre les c tes est anatomiquement absurde ce trou dans le squelette d un d sir fossile cet objet qui manque sa place comme l crivait le psychanalyste Jacques Lacan n est autre que le secret de l obsession de David une manie apr s laquelle il va courir pendant tout le reste du film il est en m me temps la trace d une pulsion sexuelle qui r siste par son absence la morbidit mat rialis e par le brontosaure Difficile ce stade de faire l conomie de la connotation expli citement sexuelle que la langue anglaise loge dans le substantif bone os mais aussi rection cf p 19 terme dont Susan affuble David en guise de patronyme ce serait donc autant une qu
80. wks conduit son film comme une voiture de course La formule vocatrice convient particuli rement l usage que le cin aste fait de la parole En effet nous devons remarquer avant toute chose que le film est presque int gralement parl le langage y occupe une place consid rable et semble d border des 100 minutes de dur e totale du film Il n est cependant pas question pour Hawks de se reposer paresseusement sur les dialogues pour soulager sa mise en sc ne L image de la voiture de course dit bien quel point la parole chez lui est une forme part enti re v loce fluide vrombissante prise en main de fa on puissante et pouss e dans ses derniers retranchements valant autant pour ce qu elle transmet que pour sa pure sonorit Sa vitesse obtenue par la pression d un savant d coupage d passe les enjeux narratifs imm diats et fonce l encontre de la logique comme un v hicule incontr lable Heurt e secou e interrompue brouill e elle provoque d incessants carambolages de sens pour sanctionner en d finitive l chec de toute communication verbale entre les personnages De somptueux bolides Bien cal s dans les rets de leur id e fixe lanc s comme des bolides dans une trajectoire rectiligne aucun des personnages n est en mesure d entendre ce que l autre lui dit La langue de Susan Vance Katharine Hepburn souple et lanc e mais irrationnelle file toute allure droit vers l avant en survolant les o
81. www filmsite org brin html contient en anglais le r sum et les dialogues du film Www transmettrelecinema com Plus d informations de liens de dossiers en ligne de vid os p dagogiques d ex traits de films sur le site de r f rence des dispositifs d ducation au cin ma Une tornade L Impossible Monsieur B b l une des screwball comedies les plus c l bres et exemplaires de l ge d or du cin ma hollywoodien est d abord une v ritable tornade qui emporte litt ralement le specta teur Le timide pal ontologue David Huxley Cary Grant tombe un beau jour sur une jeune h riti re fantasque Susan Vance Katharine Hepburn qui s entiche de lui et l entra ne la poursuite d un l opard dans un tourbillon de p rip ties farfelues Si le film r pond au canevas conventionnel de la com die romantique un homme et une femme que tout oppose vont apprendre s aimer il s en distingue par une absence totale de sentimentalisme Le cin aste Howard Hawks qui fut toute sa vie un habitu des circuits de course automobile lui pr f re une m canique de r cit rutilante et impla cable taill e dans une criture classique des plus limpides Celle ci peut parfois donner l impression de rouler sur du vent tant les motifs qui l animent paraissent d sinvoltes Mais un lan superbe non content de d biter une mitraille de gags irr sistibles accompagne les personnages pauvres pantins tiraill s pa
82. x La screwball comedy se situe dans ce rapport graduellement d viant entre la norme et son d bor dement Ainsi elle tient une position interm diaire entre l absurde d capant des Marx Brothers et la th tralit des com dies sophistiqu es entre r alisme et exotisme entre humanit et animalit sur un point de bascule o le monde social menace toujours de chavirer sur lui m me PARALLELES amp La m nagerie hollywoodienne cartoon cirque et burlesque D s le mitan des ann es 1930 la com die hollywoodienne cherche largir son public Les studios veulent remonter aux racines d un rire plus populaire moins fond sur les jeux intellectuels du langage que sur les postures du corps et les accidents visuels Certains films n h siteront plus d s lors puiser une partie de leur inspiration aux origines foraines du cin ma Le burlesque v n rable anc tre rendu caduc par l arriv e du cin ma parlant refait son apparition par petites touches comme pour emporter un rire chevill au corps de ses interpr tes Plus g n ralement la com die des ann es 1930 s attire la connivence du spectateur par une attitude r flexive jouant sur le souvenir de films c l bres ou la parodie des autres genres hollywoodiens Trois coups de crayon Observons le g n rique sur les cartons duquel on retrouve les principaux protagonistes David Susan et le l opard croqu s en dessins humoristiques non cr dit s qui anti
83. y dont elle avait acquis les droits d adaptation au cin ma Excellente op ration puisque l adaptation de George Cukor Indiscr tions avec Grant en 1940 conna tra un grand succ s relan ant la carri re hollywoodienne de l actrice Devenue une grande star elle reprend sa parti tion avec plus de faste et une f minit accrue En 1942 dans La Femme de l ann e de George Stevens elle partage pour la premi re fois l affiche avec Spencer Tracy La rencontre est magique la p tulance explo sive de l actrice se combine parfaitement avec la bonhomie de son partenaire Mari s chacun de leur c t ils entretiennent une liaison la ville et forment l cran un couple splendide appr ci du grand public Croisant Frank Capra en 1948 pour Enjeu f roce satire politique leur sommet est atteint avec Madame porte la culotte en 1949 et Mademoiselle Gagne Tout en 1952 deux brillantes com dies de Cukor abor dant d une fa on d licate le renversement des rapports entre les sexes au sein du couple Dans le courant des ann es 1950 Katharine Hepburn s enferre dans des r les de vieille fille de moins en moins int ressants Sa carri re ronronne ponctuellement secou e par de plus franches r ussites comme sa composition subtile face Humphrey Bogart dans African Queen de John Huston 1951 ou sa partition angoissante dans Soudain l t dernier de Joseph L Mankiewicz en 1959 Hepburn traverse les ann es 1970 avec un pied au th t

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