Humanités globales--mode d` emploi [colloque « Les
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1. Si l histoire r cente t moigne d une certaine indiff rence l gard de cet h ritage collectif les Humanit s offrent la possibilit de saisir ce qui est commun l exp rience humaine Sur le mod le de la litt rature compar e j envisage des Humanit s communes La litt rature compar e s tait fix pour but de transcender les particularit s d une exp rience et d une langue nationales afin de toucher l essence de l expression litt raire Nous devons difier un socle commun d Humanit s partir de toutes les disciplines acad miques sous leur forme actuelle en s appuyant sur ce qui unit ces activit s humaines quasiment universelles comme de faire les images de faire de la musique de sp culer sur les choses qui d passent le monde quotidien des objets et des v nements ou encore comme le fait de se souvenir du pass et de raconter des histoires J imagine un p le d Humanit s communes s inspirant du mod le r publicain fran ais de souverainet dans lequel tout ce qui est sp cifique reste dans les d partements traditionnels et ce qui est propri t de tous fait l objet d un d bat de grande ampleur d bat nourri par des l ments partag s issus de diverses disciplines plut t que par la transversalit ou l interdisciplinarit En fait c est de cette fa on que nombre de chercheurs travaillent depuis longtemps Autrement dit au del des contraintes de leur formation conventionnelle ils ont pos des quest2. contribue approfondir le regard port sur les racines sur le c ur des Humanit s Cela a tout voir avec ce que c est qu tre humain et avec la fa on dont nous interagissons travers les mots et les id es les images fixes et mobiles les gestes et les sons On pourrait stimuler les travaux r alis s dans le cadre des Humanit s communes en mettant au programme des ouvrages et des questions qui int resseraient les tudiants de 1 cycle universitaire on ferait appel des personnes qui enseigneraient en dehors de leur sp cialit ou sous sp cialit au sens strict pour se colleter des mat riaux propres leur domaine et d autres domaines et enfin on cr erait un enseignement en quipe Lorsque les chercheurs des diff rentes disciplines se trouveront confront s une palette d ouvrages des probl mes un moment historique une personne ou un v nement donn lorsqu ils devront se frotter aux mat riaux d une mani re particuli re chacun en fonction de sa discipline d origine et surtout lorsque pour pouvoir enseigner ils se verront oblig s de d finir ce qui les rapproche et de donner une coh rence leurs perspectives individuelles alors il y a de bonnes chances pour qu on obtienne des r sultats satisfaisants Les disciplines se situent souvent des stades d volution diff rents et elles ne peuvent progresser qu en empruntant les unes aux autres L enseignement en quipes sur le mod le d
3. coute un morceau de musique mais l v nement physiologique est muet Pour lui donner un sens l exp rimentateur ne peut faire l conomie de l interpr tation qui passe par les comp tences du linguiste de l historien de l art ou du th oricien de la musique Il en est de m me pour le c t dur des Humanit s le cliom tricien peut compiler les chiffres indiquant le nombre de calories absorb es le taux d alphab tisation le nombre de livres publi s le niveau de strontium dans la denture des populations migrantes les quantit s de pi ces de monnaie enfouies dans le sol la spectrom trie de textiles anciens l analyse de fragments de pierre par activation de neutrons le chercheur en sciences sociales peut faire des tableaux d analyse des scrutins selon la race ou le sexe sur de longues dur es il peut cr er des exp riences politiques et postuler des modes de d cision rationnels il peut analyser les march s l aide d algorithmes et de mod les informatiques Il n en reste pas moins que tous deux le scientifique comme le chercheur en sciences sociales ne pas mentionner le juriste s appuient sur l art minemment humaniste qu est l interpr tation afin de donner du sens aux donn es les plus fiables L interpr tation est une activit qui relie entre elles les diff rentes disciplines qui composent les Humanit s et qui sert de ferment aux sciences et aux sciences sociales de sorte que jaillisse le sens de leurs sujets
4. d tudes respectifs Le type d interpr tation auquel sont form s les tudiants en sciences humaines _ qui vise cerner une question signifiante tablir des distinctions cruciales au niveau de l expression tirer des conclusions importantes et les valuer sur le plan humain communiquer les proc dures et les r sultats de la recherche _ ceci est la condition pr alable la fabrication de sens quel que soit le domaine et ce sens est un moteur pour l action il lui imprime une 12 forme Voil pourquoi il est temps d envisager les Humanit s non comme un compl ment indispensable des tudes qui rapporteraient plus et plus directement non comme un plaisir vol mais comme une discipline appliqu e et pratique un moyen d acqu rir les outils essentiels la compr hension du monde dans lequel nous vivons et nous voluons 13
5. loi de la nature Que nul m me le plus petit des cr atures Ou des formes de vie les plus vilaines et b tes Des puls inadapt s ou nuisibles nul ne peut subsister S par du bien l esprit et la pulsion du bien Une vie et une me indissociables De tous les modes d tre dans le monde Le vieux mendiant du Cumberland voqu par Wordsworth est une m taphore fondamentale ce que le po te Anglo Am ricain T S Eliot appelle un objective correlative non seulement de la condition humaine mais aussi des grandes uvres de la tradition humaine Comme le mendiant les oeuvres qui ont une longue vie ceux qui transcendent un lieu et une poque et qui continuent mouvoir auditeurs spectateurs et lecteurs travers les ges ces oeuvres repr sentent les forces centrip tes autour desquelles gravite une communaut humaine et travers lesquelles celle ci reconna t ce qui est le plus manifestement humain Nous lisons toujours Hom re Les Analectes de Confucius le Panchatantra L En ide Le Collier de la Colombe le Heike Monogatari La Com die Divine Le R ve dans le Pavillon rouge Faust Pride and Prejudice Orgueil et Pr jug s le Pr lude Moby Dick Leaves of Grass Feuilles d herbe Guerre et Paix To the Lighthouse La Promenade au Phare non seulement pour les informations que contiennent ces ouvrages sur la Gr ce antique ou sur la Chine sur l Italie m di vale sur la civilisation indienne ou arabe s
6. rapport est attenu entre ce que nous aimons ou d sirons et les qualit s intrins ques de l objet lui m me que tout d pend de ce que nous percevons tre l amour ou le d sir de l Autre plus l Autre semble d sirer quelque chose ou quelqu un plus cette chose ou cette personne devient d sirable ph nom ne connu depuis Ren Girard sous le nom de d sir mim tique Tout triangle amoureux fonctionne sur le principe du d sir mim tique il en est de m me pour tout groupe social qui g n re des sentiments d appartenance et d exclusion et veille aspirations ou r pulsions Les ventes aux ench res et les march s financiers ont galement pour ressort le d sir mim tique puisque les valeurs grimpent ou chutent selon les sommes 10 qu on imagine que les acheteurs potentiels sont pr ts d bourser un moment futur pour des actions des biens ou toute autre chose Le d sir mim tique est la base du marketing de l industrie publicitaire qui est n e dans les ann es o crivait Proust L crivain n tait pas sans ignorer que rares sont les personnes qui chappent ce postulat psychologique qui indique ce que nous savons tous d s que nous commen ons vouloir quelque chose trop ardemment nos perceptions se brouillent nous suspendons notre jugement Toutefois partir du moment o l on comprend le m canisme du d sir humain si on le reconna t et surtout si on emploie la raison pour ne pas se laisser gris
7. Humanit s globales mode d emploi colloque Les humanit s pour quoi faire Enjeux et propositions Universit Toulouse II Le Mirail 27 mai 2010 D aucuns disent que les Humanit s sont menac es et il y a du vrai dans cette affirmation La perte d un canon constitu d uvres classiques reconnues de tous la disparition d un programme de base en Humanit s dans les grandes universit s la d pr ciation des Humanit s au profit de ce qui semble tre la v rit sup rieure des sciences sociales biologiques et physiques la lenteur et l immensit du champ des Humanit s face la rapidit s ductrice et au potentiel sans bavure des nouvelles technologies tout ceci laisse penser que les Humanit s sont en quelque sorte moins r elles moins tangibles ou utiles que d autres mani res d tre d agir ou de cr er dans le monde Mais ce n est rien c t du refus des humanistes d finir et d fendre ce qu ils accomplissent lorsqu ils enseignent lisent et crivent sur la litt rature l histoire la philosophie la religion et les arts Il fut une poque bien s r o il n tait nul besoin de d fendre les Humanit s disons l poque entre l Age des Lumi res du XVIIIe si cle et la p riode apr s la seconde guerre mondiale Mais nous vivons l rosion progressive de la foi des Lumi res en l utilit de la connaissance ou en la connaissance pour elle m me Dans l Allemagne et la France d avant guerre personn
8. aut il faire Il faut ni plus ni moins que dans le cadre d une universit mondiale et diverse les Humanit s reviennent leurs projets initiaux leurs forces originelles et originales et leur dessein premier tout en s ouvrant pour embrasser la culture et l histoire de ceux qui font maintenant partie de la communaut universitaire largie Il faut qu elles d finissent et d fendent les atouts et les id aux qui les pla aient autrefois au centre du cursus universitaire et qui sont toujours valides malgr la fragmentation qui s est produite dans la deuxi me partie du si cle dernier Qu est ce que les Humanit s ont offrir Elles doivent initier ce que la fin de l Antiquit et le Moyen Age d nommaient les arts du langage c est dire la grammaire la rh torique et la logique essentiels la compr hension de textes elles doivent initier l art du raisonnement qui permet d tablir des distinctions et de formuler des id es avec concision et elles doivent initier aux divers modes d expression n cessaires l articulation et la communication d id es nouvelles dans quelque domaine que ce soit Le langage n est pas un m dium transparent travers lequel la pens e circule sans entrave C est l essence de la pens e et la condition sine qua non pour que les id es bonnes ou mauvaises se transforment en actions Qui plus est les Humanit s proposent une vision de ce qui est commun l esp ce humaine
9. e partie de l engouement intellectuel jadis r serv aux Humanit s Etant donn que les premi res biologie g n tique et informatique sont des domaines en rapide expansion et que les secondes Humanit s sciences humaines sont par d finition ancr es dans l histoire les tudes humanistes apparaissent largement comme un choix entre le pass et le futur M me si le nouveau domaine florissant des tudes cin matographiques de la communication et des m dias aborde un pass plus r cent et s interroge sur l avenir la plupart des technologies contemporaines ordinateur t l phone portable courrier lectronique et SMS ont mis mal les Humanit s Ce qu on consid rait autrefois comme des connaissances est maintenant de l information ce qui les distingue c est la sagesse et le jugement moral que suppose la connaissance par opposition l imm diatet qui caract rise l information Mais la diff rence tient aussi la vitesse Pour beaucoup d tudiants une visite la biblioth que prend trop de temps alors que l information est accessible sur un ordinateur portable ou sur un assistant num rique personnel PDA La lecture elle m me para t r barbative lorsqu on peut trouver ce dont on a besoin dans des bribes de conversations orales ou sur Internet ou dans les r sum s de Wikipedia Ce sont quelques unes des multiples raisons pour lesquelles les Humanit s ont perdu de leur attrait ces derni res ann es Et elles
10. e n avait expliquer le pourquoi d une ducation au Gymnasium ou au lyc e ducation qui comprenait l tude des classiques de la litt rature de l histoire et de la philosophie en grec ou en latin et personne jusqu en 1968 environ n avait justifier l int r t de ce genre d tudes en fran ais ou en anglais Les tudes humanistes faisant partie int grante de la formation et de l ambition en ce bas monde Qu est ce qui a chang O s en est all e la croyance en la valeur intrins que des Humanit s Tout d abord que ce soit clair en maints endroits rien n a chang Le travail dans les Humanit s s est poursuivi comme l accoutum e bien que l id e m me de constance de pers v rance ait sap leur dynamisme dans un monde qui accorde de plus en plus de valeur la nouveaut Les tudiants ont continu s inscrire en sciences humaines comme ils l ont toujours fait mais en plus petits nombres Divers modes de compr hension tels que l tude approfondie de la po sie l histoire d une forme musicale ou d une tradition artistique se portent bien partout dans le monde o on tudie les sciences humaines La mondialisation de l conomie explique en grande partie la d pr ciation des tudes humanistes dans un monde o tudiants et parents se conduisent d sormais en consommateurs sur le march des tudes En outre la naissance de la biologie mol culaire de la g n tique et de l informatique a d plac un
11. er cela traduit un d but d ind pendance dans un monde truff de pi ges indignes et d investissements imprudents Proust qui cause de son asthme passa dix huit ans au lit dans une chambre tapiss e de li ge qui dormait le jour et crivait la nuit est le plus esth te des crivains Ceci tant l enseignement qu il faut tirer de A la Recherche du Temps perdu en partie inspir par ce diable d nergie qu tait Fr d ric Nietzsche est l un des principes les plus importants et les plus efficaces qui soient pour apprendre tre au monde Il op re quels que soient le sexe ou l orientation sexuelle l affiliation religieuse la situation conomique ou l origine ethnique La le on proustienne l instar de nombre de celles qui se d gagent des grandes uvres litt raires historiques ou philosophiques des arts visuels et m me de la musique bien que le langage destin comprendre les enseignements transmis par la musique ne soit pas encore d velopp cette le on peut s appliquer universellement et directement la t che la plus humble ou la recherche d une voie conduisant vers ce que les gens du Moyen Age nommaient le summum bonum le bien supr me Les humanistes sont sp cialistes d une activit dont d pendent les autres disciplines dont nous m mes d pendons quotidiennement consciemment ou non pour tout ce que nous faisons c est dire produire du sens et de la valeur Bien que toutes les disc
12. es horizons sur notre propre monde et sur ceux qui en sont loign s Les livres les objets et repr sentations visuels la musique et les nouvelles formes d expression issues des technologies nouvelles engendrent tous une distanciation une distance par rapport soi qui peut l gitimer une action thique Toujours est il que les Humanit s communes fournissent le terrain et les conditions qui permettent de comprendre et de mesurer nos intentions nos centres d int r t nos passions et nos engagements Jamais n en a t on eu autant besoin qu aujourd hui alors qu a t discr dit e la confiance en la rationalit qui a domin les sciences sociales suivant en cela le mod le conomique L irrationalit des march s aliment e par l avidit que d noncent la litt rature et la morale depuis les Grecs anciens n est pas parvenue s adapter aux choix immoraux de ceux qui s ils avaient lu Hom re Dante Dickens ou Balzac ou si Locke Rousseau Hobbes John Stuart Mill leur taient familiers ou encore s ils connaissaient Gibbon Marx ou de Tocqueville auraient pu tout simplement se rendre compte des cons quences de leurs actes ou du moins de leurs chances d y r ussir Bien s r il n est pas certain que les plus cupides auraient pris le temps de lire de grandes uvres litt raires philosophiques ou historiques mais c est une autre affaire Car ils auraient pu apprendre des philosophes les devoirs que nous avons envers les autres o
13. font partie d un courant plus vaste que personne ne peut contenir surtout pas les humanistes qui constatent les hauts et les bas des arts travers l histoire occidentale au Ve si cle avant J C essor de la cit Etat en Gr ce repli dans la Rome des IV et Ve si cles lors des invasions du Nord br ve r surgence la fin du VIIIe la cour des Carolingiens d clin jusqu au r veil du XIIe ensuite ascension r guli re de la Renaissance du XVIe l Age des Lumi res pour aboutir au d veloppement des disciplines humanistes dans les universit s du milieu la fin du XIXe si cle Le mot universit d riv du latin universitas qui signifie totalit ensemble monde entier univers d signait jadis le lieu et le vecteur du transfert d une culture et d un savoir communs partir desquels se b tissait la connaissance humaniste elle m me reposant sur l exp rience humaine collective qui impr gnait les ouvrages classiques d un canon partag par tout le monde Bien que pendant longtemps les femmes ainsi que de nombreux groupes ethniques et religieux en furent exclus ceux qui y figuraient taient cens s appartenir une communaut unique Depuis la deuxi me guerre mondiale cette communaut s tend juste titre mais cela n a pas engendr pour autant de ralliement autour d un objectif commun en harmonie avec une d mographie universitaire de plus en plus diverse voire mondiale Que f
14. gne les Sonnets et les pi ces de Shakespeare Don Quichotte de Cervant s Paradis perdu de Milton Le Capital de Karl Marx Ulysse Ulysses de James Joyce Mais toutes les grandes uvres p rennes pr sentent une vision singuli re de la condition humaine _ de nos passions et de nos vices de l objet de nos d sirs et des strat gies pour les assouvir de nos illusions et de nos authentiques intuitions de nos motions les plus abjectes comme de nos plus nobles id aux Parce qu elles refl tent les lois l mentaires de l exp rience et du comportement humain ces uvres sont le terroir d o surgissent les connaissances pratiques nous permettant de comprendre et d affronter le monde Je ne donnerai qu un seul exemple mais la port e de celui ci est telle que l appr hender pleinement revient apprendre tout de la fa on dont nous nous comportons dans les relations amoureuses dans les rapports sociaux dans le monde professionnel et la sph re publique Le grand roman de Marcel Proust A la Recherche du Temps perdu est l histoire d un homme qui est soumis aux tentations du monde _ savoir l amour l argent la vie sociale et les honneurs _ avant de se retirer pour faire le r cit de son trajet et de son salut gr ce l art Les crivains du d but du XXe si cle sont encore s duits par ce r cit de conversion dans la tradition des Confessions de St Augustin r dig es au Ve si cle L une des le ons tirer de ce cheminement est que le
15. ions qui ont une r sonance humaine universelle en puisant aux meilleures sources et en s inspirant des modes de raisonnement les plus judicieux et les plus efficaces dont ils disposent Dans ce champ d tudes intitul Humanit s communes un angle d attaque identique permettrait de se d placer l int rieur d une culture en m lant l tude d ouvrages moins connus et celle d ouvrages canoniques pour attirer les tudes culturelles cultural studies au sein d un programme d Humanit s traditionnel En partant de ce nouveau concept d Humanit s communes on pourrait tudier un probl me un ouvrage ou une personne et se concentrer sur les r currences li es la cr ation humaine et sur les valeurs partag es par les hommes on pourrait traiter de questions transculturelles comme l origine des genres po tiques les formes visuelles ou musicales l est et l ouest ar nord et au sud la recherche des grands tropes de l histoire et du c ur humain on pourrait examiner une question la crois e de plusieurs disciplines comme la relation entre l image et le texte entre la litt rature et le droit entre la repr sentation th trale et les institutions politiques ces sujets tant d j bien implant s dans le champ des Humanit s communes Dans chacun de ces exemples la valeur ajout e que conf re la pr sence simultan e de plusieurs objets de plusieurs cultures et disciplines de plusieurs questions ou d marches
16. iplines universitaires s emploient d couvrir et enseigner de nouvelles connaissances ces derni res mergent souvent sous des formes non assimil es inintelligibles inutilisables ou inapplicables par rapport aux objectifs recherch s et elles doivent t t ou tard tre mises en forme pour pouvoir tre communiqu es Il est possible que ceci ne soit pas valable dans certains secteurs de la m decine o l exp rience pragmatique de l essai et de l erreur peut d boucher sur des r sultats positifs pour des raisons qui ne sont pas videntes Mais dans tous les autres domaines de recherche le genre d interpr tation qui pr side ce que savent et ce que font les 11 humanistes est un l ment essentiel de la transcription dans une forme pr cise concr te et coh rente de ce que nous d couvrons sur les personnes les choses ou l univers que nous tudions et que nous habitons Cette affirmation peut para tre audacieuse mais il est un fait que si en science on observe et on compile des donn es brutes qui permettent d anticiper la fa on dont se comporteront le corps ou l univers la signification et l utilit de ces informations ne peuvent se passer de la compr hension verbale et de l encha nement logique qui sont le fondement de l interpr tation humaniste Le neurologue peut rep rer les points du cerveau o les synapses mettent des d charges lectriques quand un sujet prononce un mot pr cis regarde une peinture ou
17. r les dames du village ne laissant aucune trace sur la route qu il traverse ce mendiant rappelle que la bont habite m me la plus humble des cr atures que nous avons tous un c ur humain et que nous partageons la m me humanit face la nature et la fragilit de la vie Wordsworth pr ne une morale de la tol rance Dans l il de la Nature il a v cu dans l il de la Nature laissez le mourir Cependant il va plus loin et entrevoit dans le vieux mendiant du Cumberland le fil qui relie la communaut humaine But deem not this Man useless Statesmen ye Who are so restless in your wisdom ye Who have a broom still ready in your hands To rid the world of nuisances ye proud Heart swoln while in your pride ye contemplate Your talents power or wisdom deem him not A burthen of the earth Tis Nature s law That none the meanest of created things Or forms created the most vile and brute The dullest or most noxious should exist Divorced from good a spirit and pulse of good A life and soul to every mode of being Inseparably linked v 67 Mais ne jugez pas cet homme inutile O vous les grands Vous Qui tes si avides d une sagesse active vous Un balai la main pr ts d barasser le monde d un tel fl au vous qui tes si fiers Coeur gonfl en train de m diter sur Vos aptitudes votre pouvoir votre suffisance Ne le jugez pas Comme un fardeau que porte la terre C est une
18. u la n cessit qu il y a de r guler de l ext rieur l app tit humain Parmi la kyrielle d illusions et de bonheurs perdus qui maillent la fiction ils auraient pu d couvrir les outils qui nous permettent d appr cier aussi bien nos propres motivations et notre personnalit que celles des autres Chez les historiens ils auraient pu remarquer combien les chances de contrer certains cycles et accidents de l histoire sont minimes Depuis l an 1000 date laquelle les th ologiens imaginaient la fin du monde on estime que l tude de l histoire qui est dans une certaine mesure l une des composantes primordiales des Humanit s a une valeur intrins que Le souvenir du pass est la promesse du futur d clara Abbot Suger le b tisseur de la premi re cath drale gothique l aube de la Renaissance du XIIe si cle D ailleurs on per oit l cho de ces paroles dans le vieux proverbe selon lequel ceux qui ne prennent pas l histoire au s rieux sont condamn s la r p ter Les Humanit s communes s inscrivent dans une thique de solidarit un sentiment que nous sommes tous r unis par la m me condition et qui se retrouve dans la po sie de presque toutes les traditions mais nul n a rendu ceci mieux que Wordsworth dans son mouvant po me The Old Cumberland Beggar Le vieux mendiant du Cumberland Ce vieux mendiant fl tri silencieux assis sur le bord de la route en train de manger les quelques miettes donn es pa
19. u travail dans les sciences est l occasion pour l universit d inciter aux changes entre d partements qui f conderont les travaux universitaires et s int greront naturellement la r flexion intellectuelle Une autre cons quence sera d encourager les sp cialistes viser un public plus large et s adresser au moins partiellement un lectorat plus tendu L espace des Humanit s communes renferme la promesse d une association plus troite entre l universit et la cit Le mot commun r sulte de l adjonction du pr fixe latin com qui signifie ensemble munis qui signifie li ou ayant une obligation ce qui donne qui se doivent mutuellement quelque chose L expression humanit commune renvoie une vision des tudes humanistes fond e sur la formidable capacit des sujets traditionnels tisser des liens entre des disciplines dispers es ainsi qu r aliser l union entre diverses cultures l chelle mondiale Par exemple si l on tudiait les domaines qui se trouvent actuellement compartiment s cause des tudes portant sur les cultures et civilisations coloniales ou post coloniales sur les civilisations indig nes ou encore sur les civilisations du Proche Orient de l Am rique latine ou de l Asie ou qui sont isol s cause du syst me r f rentiel du canon tabli par l Occident si l on consid rait ces domaines en fonction de ce qui les rassemble plut t q
20. ue de ce qui les s pare on pourrait imaginer des Humanit s regroup es autour d une s rie de questions et de formes communes pas forc ment pr sentes de tout temps en tout lieu mais dont la permanence ou la r currence suffiraient former un noyau d cortiquer Quasiment toutes les cultures poss dent des formes musicales qui comprennent des interpr tations instrumentales individuelles ou collectives des l gies des chants et des danses elles incluent aussi des objets visuels comme la repr sentation en deux dimensions la sculpture et l architecture elles ont une litt rature qui renferme un certain type de lyrique pique romanesque et th trale Ce que nous tenons pour sp culation philosophique est un peu probl matique dans la mesure o cela peut d pendre d une vaste et puissante organisation tatique mais la place de la philosophie et les questions qui en d coulent pourraient tre voqu es ailleurs dans le contexte de la religion auquel cas l intersection des deux philosophie et religion deviendrait la question sur laquelle se pencher Il n est pas de culture qui ne dispose de moyen de raconter son pass l oral ou l crit que ce soit travers des l gendes ou des chroniques de l histoire universelle ou des r cits locaux des chartes officielles ou des notes dans un journal intime On ne peut dissocier la notion d humanit commune de ce que signifie tre humain Un p le d Humanit s communes ouvre d
21. ur la soci t japonaise ou celle de la Russie victorienne sur l Angleterre ou l Am rique Nous les lisons pour ce qu ils continuent nous dire sur les questions toujours actuelles que sont la guerre et la paix l amour et le mariage la col re et le pardon l errance et le retour la loyaut et la trahison la nature et la culture le bien et le mal les limites et les effets d un orgueil et d une ambition d mesur s et m me les charmes et les contraintes de la cr ation litt raire Ces uvres ne repr sentent qu une infime partie de la liste de classiques qui forment un canon largi aux Humanit s communes autour duquel s articule la culture m me et qui a t constitu au cours de l histoire par des lecteurs qui ne se rencontrent que dans l espace partag du texte crit Certains ouvrages exceptionnels bien s r ont modifi le monde _ l Ancien et le Nouveau Testament la logique et l thique d Aristote La Cit de Dieu de St Augustin le Coran la Somme de Th ologie Summa Theologica de St Thomas d Aquin les 95 Th ses de Luther le Discours de la M thode de Descartes l Encyclop die de Diderot les Souffrances du jeune Werther de Goethe La Case de l Oncle Tom Uncle Tom s Cabin de Harriet Beecher Stowe D autres ont r ussi saisir et faire clore un langage d finir une culture et une poque les Dialogues de Platon les po mes lyriques des troubadours La Com die Divine de Dante les Essais de Montai
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