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Alternativ versjon 2/11

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1. la recherche du Graal La fin de l histoire c est que cet homme James Sherwood fut la victime d une des plus c l bres escroqueries de tous les temps ibid p 114 Nous sommes alors en droit de nous demander est ce par hasard que le fils de sa ni ce Percival Bartlebooth a ce nom qui se r f re la l gende Et est ce par hasard que Bartlebooth a comme objectif de peindre 500 ports notons qu un port a la m me forme qu une coupe Le port peut en quelque sorte symboliser le point de d part pour l homme Les villes se sont organis es au bord de la mer l o les marchandises sont import es et export es Un port nous offre la possibilit de rester ou de partir Il est un lieu d action un lieu d interaction entre des personnes diff rentes Autrement dit le port signifie la vie le lieu o la vie na t Nous pouvons aussi nous demander ce que Bartlebooth cherche travers le dernier principe du projet qu aucune trace ne rester de ses aquarelles l exception du papier blanc Veut t il retourner l originel Cherche t il l origine des choses une signification qu on attribue parfois au Graal et de la m me fa on que le port peut symboliser l origine de tout Aussi le nom Bartlebooth est tout fait remarquable La premi re partie du nom Bartle fait r f rence au protagoniste du livre Bartleby the scrivener roman crit en 1853 par Herman 28 Melville Le narrat
2. uvre par exemple dans le chapitre VII Chambres de bonne 2 Morellet o le tableau est mentionn explicitement pour la premi re fois D abord le chapitre parle de Morellet ensuite dans le dernier paragraphe nous pouvons lire propos du tableau Sur le tableau la chambre est comme elle est aujourd hui Trois ouvriers sont en train de sortir de la pi ce Ils ont d j commenc les travaux n cessaires la r unification des deux logements VME p 48 17 Est ce que c est dans le tableau que les ouvriers sortent Ou est ce que c est dans le roman qu ils sortent dans le temps r el Bernard Magn indique dans un article du livre Perecollages qu il y a une focalisation forte sur Val ne mais le plus souvent on parle de lui la troisi me personne Voici un exemple Val ne avait videmment un crayon dans sa poche ibid p 215 D autres fois le peintre vient interrompre le r cit il raconte au lecteur ses propres souvenirs ou pens es sous la forme du pronom personnel il Par exemple il y avait bien s r des gens dont il ne savait presque rien qu il n tait m me pas s r d avoir vraiment identifi s ibid p 89 Dans Le Magazine litt raire qui date d octobre 1978 Perec r sume ainsi son livre Le livre est l histoire du combat de Bartlebooth avec Winckler son fr re jumeau celui qui fait les puzzles et qui a trouv le moyen de fa
3. ensemble du livre Alors un sentiment de frustration ou de tromperie peut facilement appara tre chez le lecteur le narrateur a leurr son public en lui faisant croire que le tableau tait presque achev alors que c est seulement apr s avoir termin le livre que le lecteur s aper oit du vide et du blanc qui couvrent le tableau Si le lecteur croyait que La vie 81 mode d emploi raconterait l histoire du tableau que Val ne projetait de faire il s est donc tromp Perec crit entre autres pour remplir le vide qu ont laiss ses parents il nous l a dit dans W ou le souvenir d enfance Dans ce livre autobiographique il raconte tr s vaguement son enfance il corrige souvent ses souvenirs et probablement il leurre le lecteur et l Dans ses autres uvres nous venons de le voir il trompe le lecteur entre autres par des fausses bibliographies et des faux noms Et partir de la quatri me de couverture de La vie mode d emploi il nous promet m me que l action du livre est consacr e au tableau de Val ne ce qui se montre tre partiellement faux Est ce que c est possible que Perec emploie le faux comme un instrument de vengeance comme le font ses personnages S il a besoin de se venger sur quelque chose ce serait cause de l absence de ses parents et tout ce que la guerre a caus Mais il est impossible de se venger sur un v nement historique de la m me fa on qu il est impossible
4. laquelle le narrateur revient tout au long du livre C est I Histoire de l homme qui peignit des aquarelles et en fit faire des puzzles avec son personnage principal Percival Bartlebooth Cette histoire a un impact sur d autres personnes et d autres histoires par exemple sur l Histoire du faiseur du puzzle avec le protagoniste Gaspard Winckler et sur I Histoire du peintre qui peignit l immeuble dans laquelle Serge Val ne est la figure centrale Nous allons dans ce qui suit donner une pr sentation de ces personnages qui semblent tre sup rieurs aux autres personnages et qui d apr s nous en quelque sorte dominent La vie mode d emploi 2 1 Percival Bartlebooth L un des protagonistes de La vie mode d emploi est le milliardaire Percival Bartlebooth Sans lui il n y aurait pas de projet de puzzle et nous ne trouverions pas cette ambiance de tension qui marque le livre ou plus pr cis ment l immeuble entier D origine anglaise Bartlebooth est venu s installer Paris pour des raisons inconnues Il fut l h ritier d une fortune norme qui lui permettait de mener une vie dissip e sans jamais rencontrer de probl mes financiers A vingt ans il se posa alors la question que faire Rien de particulier ne l int ressa et son seul d sir tait de saisir de d crire d puiser non la totalit du monde projet que son seul nonc suffit ruiner mais un fragment constit
5. une mani re plus g n rale pouvons nous dire que le livre entre autres travers le personnage de Bartlebooth montre que personne ne peut viter de laisser une trace Et que c est partir des traces que notre existence se manifeste Nous avons vu que l art constitue un aspect important dans La vie mode d emploi ainsi que dans plusieurs autres uvres perecquiennes Un des principes de l art est justement le d sir de laisser des traces mais Bartlebooth de son c t tente de contredire cet aspect principal de l art et il choue Premi rement parce que Beyssandre devient finalement en possession d une aquarelle deuxi mement parce que la plupart des r sidents dans l immeuble connaissent son projet Bartlebooth laisse alors involontairement bien des traces Cela constitue t 1l un des objectifs possibles du livre Que toute personne laisse des traces volontairement ou non et que c est partir de ces traces que nous nous souvenons des autres M me les parents de Perec ont laiss des traces sous forme de souvenirs d enfance chez Perec De la m me mani re que Bartlebooth avait tout planifi pour que rien ne reste de ses aquarelles puzzles et que les principes assurent que rien d impr vu n arrive au projet rien m me pas la mort n emp che que des traces restent 93 CONCLUSION La vie mode d emploi fut le dernier grand roman que Perec publia avant sa mort en 1982 Deux nouvelles Le voyage d hive
6. uvres de Georges Perec Esp ces d espaces ditions Galil e Paris 1974 W ou le souvenir d enfance ditions Deno l 1975 Je me souviens Hachette P O L 1978 La vie mode d emploi Librairie Arth me Fayard 2010 Hachette Litt ratures 1978 pour la premi re dition Penser Classer Hachette Textes du XXe si cle Paris 1985 Un cabinet d amateur Histoire d un tableau ditions du Seuil La Librairie du XXe si cle Paris 1994 ditions Balland 1979 pour la premi re dition uvres consacr es l uvre de Perec Bellos David Georges Perec Une vie dans les mots ditions du Seuil pour la version fran aise Paris 1994 dition originale Georges Perec A life in words Harvill HarperCollins Publishers Londres 1993 Burgelin Claude Georges Perec Les Contemporains Seuil Paris 1988 Burgelin Claude Les parties de dominos chez monsieur Lef vre Perec avec Freud Perec contre Freud ditions Circ 1996 Dangy Scaillierez Isabelle L nigme criminelle dans les romans de Georges Perec Honor Champion diteur Paris 2002 Lejeune Philippe La m moire et l oblique Georges Perec autobiographe P O L diteur 1991 98 Magn Bernard Perecollages 1981 1988 Presses Universitaires du Mirail Toulouse 1989 Magn Bernard Georges Perec ditions Nathan HER Paris 1999 Armand Colin 2005 pour la pr sente impression Montfrans Manet van Georges Perec La Cont
7. Elle avait comme clients des collectionneurs particuliers des marchands de curiosit s des porcelainiers d sireux de r diter des services prestigieux Retour d gypte ou Malmaison des bijoutiers qui lui demandaient de repr senter sur le fond d un pendentif destin recevoir une unique m che de cheveux ibid p 297 Ces deux artisans sont alors tr s dou s chacun dans sa cat gorie Cependant vu de pr s c est comme s ils vivaient dans une maison de poup es Dans leur appartement rien n est vrai ou vivant Tous les objets qu ils ont cr s sont des imitations et du copiage Rien de mauvais en cela mais ils ne sont jamais entr s dans la profondeur des choses tout se passait la surface Justement parce que Marguerite travaillait avec des objets minuscules elle avait peut tre du mal obtenir une perspective d ensemble voir les grandes lignes et ceci r sulte peut tre en une superficialit Ces deux descriptions illustrent bien en quoi son travail consista Marguerite peignit dans deux cercles de trois centim tres de diam tre deux portraits ibid p 300 ou bien Dans un cadre long de quatre centim tres et large de trois elle faisait entrer un paysage tout entier avec un ciel bleu p le parsem de petits nuages blancs ibid p 297 Les Winckler ne sont pas non plus tr s sensibles la qualit des uvres Le tableau pr f r de Gaspard Winckler montre leur go t
8. avons vu dans la partie parlant de Bartlebooth certains critiques ont indiqu que Bartlebooth peut se comprendre comme une figure d analyste Burgelin dans son livre Les parties de dominos chez Monsieur Lef vre tudie la vengeance de Winckler dans un aspect psychanalytique Winckler apporte des pi ces Bartlebooth qui son tour a comme t che de les reconstituer en une image Les choses se passent de la m me mani re dans une s ance d analyse c est l analyste de reconstituer les bribes et les fragments de l analysant en une image compl te Comme dans la relation entre Winckler et Bartlebooth la relation entre l analyste et l analysant est bas e sur un contrat Le contrat a comme but d exclure tout recours au hasard le m me objectif qui se manifeste dans le second principe directeur du projet de Bartlebooth Aussi le jeu m me du puzzle a des r f rences claires la psychanalyse les deux s organisent autour de la recherche ind finiment relanc e de retrouvailles d un objet perdu d une image ultime d une figure disparue Burgelin 1996 p 25 Tout art laisse une trace quelconque L art exprime entre autres les pens es le style l attitude de l homme A cause du dernier principe du projet Bartlebooth efface toute trace de l uvre d art y compris le puzzle Autrement dit il efface toute trace de Winckler en tant qu artiste Rien ne reste ni de ses aquarelles n1 des puzzl
9. choue Il est un personnage hant par son id e fixe et cela a en fait caus sa mort Au lieu de pouvoir jongler avec les pi ces de puzzles que Winckler lui avait pr par es au lieu d essayer de voir autrement Bartlebooth semble tre obs d par une m thode fixe qui marchait autrefois mais qui ne marche plus Il s est enferm dans un mod le duquel il n est pas capable de sortir Son attitude n a rien de ludique en soi alors son projet est presque vou l chec d s le d but Bartlebooth contredit en quelque sorte un des principes principaux de l art lorsqu il cherche effacer toute trace de ses puzzle aquarelles Nous avons d j cit Burgelin qui a indiqu que Bartlebooth effectue une sorte de vengeance muette l gard de l art L art ne perdure t il pas comme concept qu on laisse des traces des empreintes Si Bartlebooth en tant qu habitant de l immeuble repr sente une pi ce de puzzle il ne peut pas se priver d une liaison avec les autres habitants surtout pas quand son projet en tant qu uvre d art implique qu il en laisse des traces Nous avons donc vu que les jeux sont d une grande importance pour Perec ce qui s est manifest entre autre dans La vie mode d emploi Le jeu du puzzle y est pr sent en tant qu intrique principale mais aussi dans ce que nous devrons utiliser les principes du puzzle pour mieux comprendre le roman En liant des histoires et des personn
10. des timbres pour le fils de Madame Claveau des tiquettes d h tel pour Winckler et des cartes postales pour Val ne ibid p 83 et le lecteur rencontre R mi un gar on de douze ans en train de classer sa collection de buvards publicitaires Le but d une collection est de r unir des objets selon une cat gorie sp cifique c est alors une sorte de jeu que l on joue avec soi m me Cependant le jeu le plus important du livre est celui du puzzle 5 3 Le jeu du puzzle dans La vie mode d emploi L histoire de Bartlebooth et le fait que sa vie soit construite autour de 500 puzzles constitue l intrigue principale de l uvre plusieurs personnages sont impliqu s dans son projet il y a une vengeance qui tourne autour des puzzles et le fait que le 439 puzzle de Bartlebooth est inachevable reste une des nigmes du roman Le jeu du puzzle est riche en m taphores et cela est probablement une des raisons pour lesquelles ce jeu est d une telle importance dans le texte En anglais le mot puzzle signifie nigme un mot qui r sume bien l objectif de ce jeu Le puzzle est justement une tentative de r soudre une nigme Isol es les pi ces de puzzle ne signifient rien Elles sont seules et elles sont seulement des fragments d une image plus grande Chaque pi ce est unique dans sa forme sa d coupe sa couleur etc Mais si elle n est pas li e une autre pi ce elle n a aucune fonction Une fois que
11. est alors au lecteur de jouer avec le narrateur pour trouver cette information cach e La structure des chapitres de La vie mode d emploi est bas e sur le jeu d chec Nous l avons d j mentionn dans le premier chapitre Cette structuration est encore un exemple du jeu que Perec joue avec le lecteur on se serait attendu trouver cent chapitres dans le livre mais il y en a seulement 99 Perec nous explique pourquoi il a supprim un chapitre Il y a un chapitre qui a t supprim cause de la fille qui mord dans son petit beurre Plus profond ment il faut que ce chapitre disparaisse pour casser la sym trie pour introduire dans le syst me une erreur parce que quand on tablit un syst me de contraintes 1l faut qu il y ait du jeu comme on dit que a grince un peu il ne faut pas que a soit compl tement coh rent il faut un clinamen c est dans la th orie des atomes d Epicure Le monde fonctionne parce que au d part il y a un d s quilibre Litt ratures 1983 p 70 Pour de nombreux personnages dans La vie mode d emploi le ludique est un aspect capital dans leurs vies Outre des artistes et des artisans l immeuble est rempli entre autres de jongleurs d aventuriers de joueurs qui s amusent avec les chiffres et les lettres IIs montrent tous une passion presque extr me pour leur occupation une occupation qui quelquefois peut se caract riser comme un jeu Il y a par exemple Winckler qu
12. est diff rent Le vengeur ou la vengeresse n obtiennent pas n cessairement ce sentiment de soulagement apr s que la vengeance s est effectu e H l ne Brodin par exemple ne vit aucun soulagement apr s la vengeance apr s avoir tu les trois hommes qui ont assassin son mari elle reste angoiss e dans sa chambre ayant peur que la police la trouve Ce n est pas non plus un sentiment de haine qui provoque l acte de vengeance des habitants du 11 rue Simon Crubellier mais quelque chose d autre qui ne se laisse pas d finir Peut tre les personnages ont ils plus tendance se venger d une situation qui leur est insupportable plut t que d une personne Winckler par exemple ne vivra pas assez longtemps pour voir l aboutissement de sa vengeance il meurt deux ans avant Bartlebooth Par cons quent il n aura pas le plaisir de voir Bartlebooth humili et ce n est peut tre pas une haine envers ce milliardaire en tant que personne ayant caus la vengeance mais plut t la situation que ce dernier provoqu e Dans l introduction nous posons la question suivante quelle est la relation entre la vengeance et le faux Puisque ce sont les deux th mes que nous avons trait s nous voulions 95 aussi v rifier s il y avait une coh rence entre eux Une r ponse possible que nous avons trouv e partir des exemples des uvres de Perec notamment La vie mode d emploi et Un cabinet d amateur est que le faux c
13. il est important de dire quelques mots concernant la forme du roman ainsi que le r le du narrateur Nous avons d j vu que l aspect temporel varie le pr sent se confond avec le pass et c est seulement la fin du livre que le lecteur s aper oit que l histoire de l immeuble prend place une date pr cise La notion du temps est aussi li e au r le du narrateur Car une question que plusieurs lecteurs se sont pos e est qui est le narrateur de La vie mode d emploi La raison pour laquelle on h site est le projet du peintre Serge Val ne un personnage que nous pr senterons plus en d tail dans le chapitre suivant Val ne a comme projet de peindre un immeuble parisien il y aurait dans chaque pi ce les gens qui y avaient v cu et les gens qui y vivaient encore et tous les d tails de leur vie leurs chats leurs bouillottes leur histoire Quatri me de couverture de VME Ce projet est r v l pour le lecteur d j partir de la quatri me de couverture du roman La question naturelle se poser est de savoir si le contenu dans le roman La vie mode d emploi se trouve d j dans le tableau de Val ne Si c est le cas le peintre fonctionne t il comme un narrateur puisque c est lui qui a tout peint Autrement dit est ce que le narr dans La vie mode d emploi constitue la vie d j peinte du tableau et non pas la vie r elle du roman On se r f re au tableau de Val ne tout au long de l
14. l immeuble dont il est question dans La vie mode d emploi Le fils a n mile h rita de l immeuble entier alors qu H l ne la seule fille re ut les tableaux qui avaient d cor l immeuble Elle les vendit et en tira une somme exorbitante avec laquelle elle s expatria aux Etats Unis avec son 51 mari Antoine Brodin Les deux taient des danseurs professionnels et aux tats Unis ils menaient une vie de joueurs professionnels Malheureusement Antoine fut assassin par trois hommes parce qu un jour il avait refus de les faire entrer dans une salle de jeux Les trois hommes les deux fr res redout s Ashby et le nain vicieux et cruel Nick Pertusano annonc rent tout de suite qu ils allaient se venger Deux jours plus tard Antoine fut donc assassin Sa femme H l ne d cida de se venger de ces voyous Elle avait en effet d pos une plainte aupr s du gouverneur car le sh rif local avait refus d arr ter les trois assassins de son mari Comme r ponse elle re ut alors un message ne lui laissant pas d autre issue que de se venger De sang froid elle les tua l un apr s l autre Ses m thodes ne laiss rent rien au hasard Jeremiah Ashby fut tu par suite de l explosion d une bombe elle pr cipita le nain dans une marmite g ante o mijotait un norme rago t de mouton ibid p 483 et elle tua Ruben par un coup de pistolet Apr s avoir accompli sa vengeance Brodin se rend
15. mes entre n de ses parents notamment celui de sa m re ni de ses origines Cela a d marquer Perec profond ment puisque les th mes entre autres du faussaire de la disparition et des enfants orphelins marquent et encadrent non seulement W mais l ensemble des uvres perecquiennes Van Montfrans dans son livre Georges Perec la 68 contrainte du r el indique que Perec en adoptant un nom francis et une culture qui n est pas celle de sa famille s est en quelque sorte familiaris avec le faussaire et le plagiaire Je n ai pas de souvenirs d enfance ainsi s ouvre le chapitre II dans W ou le souvenir d enfance W p 17 Le je qui par ailleurs est Perec lui m me se contredit lui m me en disant cela justement parce que le reste du livre va parler de ses souvenirs d enfance Dans le m me paragraphe il essaie d expliquer son nonc son histoire ne se laisse pas comparer celle avec un grand H l histoire qui a fil la p riode contemporaine la seconde guerre mondiale Par cons quent il cherche effacer ses premiers souvenirs en disant qu ils n existent pas car cette absence d histoire m a longtemps rassur ibid De cette mani re nous pouvons peut tre dire que Perec se comporte d une mani re fausse vis vis de lui m me Il n a pas t fid le envers lui m me et ses souvenirs En situant son histoire ou son enfance proprement parler sous celle plus imp
16. ne son chauffeur et sa bonne H l ne en outre ceux et celles qu il a rencontr s pendant ses voyages et qui l ont aid avec l ach vement du dernier principe du projet De cette mani re nous pouvons peut tre dire que Bartlebooth fait de l autre un partenaire de jeu et que l existence des autres assure en quelque sorte l accomplissement de son projet exactement comme l existence d une pi ce de puzzle est la raison d tre d une autre pi ce La dissolution des aquarelles et le v u qu aucune trace ne reste ni des puzzles ni des aquarelles est un principe important pour Bartlebooth Ce principe se montre impossible de suivre entre autres cause du critique d art Beyssandre qui se procure la 438 aquarelle M me si Bartlebooth avait tout fait pour qu aucune aquarelle ne reste il ne pouvait pas emp cher qu une aquarelle tombe entre les mains de Beyssandre C est dire que m me les trois principes du projet qui devaient assurer que 50 ans de la vie de Bartlebooth soient men s selon un plan exact ne garantissaient pas l limination du hasard du projet Nous avons donc l impression que Bartlebooth aimerait que non seulement son projet vite tout recours au hasard mais qu aussi sa vie soit men e de telle mani re que rien ne se passerait sans qu il en soit au courant N anmoins cela semble tre impossible car la vie m me est pour une grande partie fond e sur quelques hasards 92 D
17. on d environ 17 ans attira l int r t de plusieurs personnes consid rables et selon l histoire un lord anglais l aurait adopt en 1833 Peu peu l enfance de Gaspard Hauser fut r v l e il avait t lev dans une sorte de cage sombre de laquelle il n tait quasiment jamais sorti Par cons quent il n avait jamais eu de contact avec le monde ext rieur d o d riva sa fa on bizarre de parler et de se comporter Plus loin l histoire indique que Hauser est mort suite des blessures au flanc gauche On ne sait pas trop si ce fut lui m me ou quelqu un d autre qui lui infligea ces blessures Surnomm l orphelin de l Europe la figure de Gaspard Hauser fit sensation et constitua une source d inspiration pour de nombreux artistes et po tes par exemple pour Verlaine qui donc a crit le po me Gaspard Hauser chante Nous pouvons aussi mentionner qu en 1974 un film traitant du destin de Gaspard Hauser fut r alis L nigme de Kaspar Hauser On sait que ce film r alis par l allemand Werner Herzog a beaucoup impressionn Perec ce qui 32 renforce peut tre la th orie que Gaspard Winckler est un personnage inspir par Gaspard Hauser Tout comme Gaspard Hauser Gaspard Winckler est orphelin et il ne sait rien de sa famille Dans le manuscrit in dit Le Condottiere Gaspard Winckler est un gar on qui vient de Belleville Paris II commence par travailler comme charpentier mais ab
18. ont du succ s artistique sont ceux et celles qui imitent l art travers le copiage le faussaire le trompe l il etc Les vrais artistes chouent par exemple Val ne puisqu il n a 69 quasiment pas commenc son grand tableau Les aquarelles de Bartlebooth et par cons quent ses aspirations artistiques ne d passent jamais le stade scolaire De Gaspard Winckler nous pouvons peut tre dire qu il a du succ s en tant qu artisan mais non en tant qu artiste puisqu il h site cr er une originalit dans ses objets 3 2 2 1 Gaspard Winckler Comme nous l avons vu dans la partie 2 2 Gaspard Winckler est un artisan excellent il est le fabricateur de puzzles de Bartlebooth le seul qui r pondait toutes les attentes de I Anglais Il est tr s adroit de ses mains et il est parfaitement capable de cr er toutes sortes d objets Le lecteur a l impression que Winckler en plus d tre un artisan a des aspirations artistiques c est dire qu il cherche cr er une certaine expression dans ce qu il fabrique Winckler peut de plusieurs fa ons correspondre l artiste l artisan selon la notion qu on trouve dans l Antiquit ou le Moyen ge Il est un artiste au sens qu il cr e ou r alise des objets de base mais les motifs il les emprunte aux autres De cette mani re il peut tre difficile de classifier Winckler dans la cat gorie artistique sans soulever d objections Tout ce q
19. r Val ne Ces phrases ou fragments si l on veut correspondent exactement aux histoires mentionn es par le narrateur dans les pi ces annexes de La vie mode d emploi Deuxi mement qui appartiennent les 179 personnages S agit il des personnages fictifs qui se trouvent seulement dans l imagination de Val ne ou est ce que ce sont des personnages r els qui lui donnent de l inspiration c est dire des personnages qui apparaissent dans La vie mode d emploi et qui habitent dans l immeuble Est ce que c est peut tre le narrateur qui laisse le peintre emprunter ses personnages Ces questions sont encore plus pertinentes si nous avons en t te la derni re phrase du livre cit e plus haut La toile tait pratiquement vierge ibid p 578 En lisant cela le lecteur devient facilement perturb Nous venons de finir le roman nous avons lu toutes les histoires avec d int r t puis d un coup une pens e frappante appara t l action du roman se passe t elle seulement dans l imagination de Val ne Val ne est il la fois le narrateur du roman et la fois le peintre du tableau La vie mode d emploi constitue t il l image incompl te du tableau de Val ne Justement parce que Val ne emploie le pronom personnel ses au lieu de les en parlant des figures du tableau nous pouvons nous poser de nombreuses questions auxquelles nous p p 11 n aurons jamais u
20. Francs Enfin Ingeborg arriva convaincre son mari qu il fallait qu il tue le philippin et qu ils s enfuient Alors en 1954 Blunt trangla le philippin avec une paire de bretelles Cependant juste avant de sortir de la maison Blunt regarda par la fen tre l il aper ut les deux hommes que Sven Ericsson avait embauch s et qui surveillaient l immeuble Il eut peur et s imagina que le philippin les avait fait surveiller depuis longtemps Ayant un pistolet dans sa main et tant f ch contre sa femme qu il reprochait de ne pas avoir remarqu la pr sence des deux hommes il la tua par accident Blunt Stanley fut alors arr t et condamn la prison vie Cependant la rumeur se r pandit qu il tait en possession de pouvoirs surnaturels Par cons quent la vie en prison ne se r v lerait pas si difficile et Blunt Stanley serait selon l histoire l un des dix plus riches prisonniers condamn s perp tuit du monde 3 1 3 H l ne Brodin Les histoires de vengeance dans La vie mode d emploi impliquent toutes sortes de personnes et montrent que la vengeance concerne et frappe n importe qui M me les personnages les plus fr les et les plus cultiv s ont peut tre de sang froid planifi une vengeance horrible Un exemple est H l ne Brodin une vieille dame qui semble ne jamais pouvoir faire de mal personne H l ne Gratiolet fut une des quatre h riti res de Juste Gratiolet qui avait achet
21. Robert En suivant un mode d emploi pas pas le r sultat d finitif r ussit Autrement dit il y a une bonne et une mauvaise mani re de faire les choses mais en suivant le mode d emploi le succ s est garanti La vie mode d emploi raconte de nombreux personnages leurs histoires et leurs vies en g n ral Bref le roman contient des exemples de diff rentes mani res de mener une vie pr sent s par le narrateur C est dire que le lecteur n y trouve aucune exhortation au bien ou au mal et le narrateur ne promet aucune solution fixe la vie Finalement c est au lecteur de d cider ce qu il pense du comportement des diff rents personnages et de se faire son propre jugement Autrement dit 1l s agit alors des diff rents modes d employer la vie et non pas d un seul mode d emploi de la vie Pour tre plus exact nous pouvons dire que La vie mode d emploi repr sente un extrait d un immeuble standard Paris ou en France en g n ral et le roman montre comment les vies y sont men es Cette petite remarque concernant le titre nous m ne la question des diff rents th mes que figurent dans La vie mode d emploi Le titre est tr s ambitieux indiquant probablement qu il 45 d crit de diff rentes mani res de mener une vie La vie constitue alors videmment le th me central du roman mais vu que le texte contient une centaine d histoires il est clair qu norm ment de sous cat gories d
22. Signification du nom Percival Bartlebooth Le nom de Percival Bartlebooth Perec l a choisi soigneusement Premi rement il faut peut tre noter la ressemblance des lettres entre le pr nom Percival et Perec Deuxi mement Perceval fut selon la l gende un des chevaliers de la table ronde dans la l gende du roi Arthur C est aussi Percival qui part pour la qu te du Saint Graal un objet qui depuis la l gende a t entour de beaucoup de myst re Selon d anciennes l gendes chr tiennes le Graal est la coupe ou le vase utilis par J sus et ses ap tres lors de la C ne et c est la m me coupe qui plus tard fut utilis e pour recueillir le sang qui s coula du Christ lors de la crucifixion Les m mes l gendes racontent qu afin de trouver l objet le plus saint au monde il faut s exposer aux plus dures preuves et combattre les ennemis les plus puissants Si apr s avoir pass ces rudes preuves on arrive trouver le Graal on obtient de la sagesse du bonheur et des pouvoirs magiques Perceval y arriva selon la l gende Le grand oncle de Bartlebooth James Sherwood tait constamment la recherche des unica Un unicum dans le jargon des libraires des chineurs et des marchands de curiosit s est comme son nom le laisse deviner un objet dont il n existe qu un exemplaire VME p 115 Sherwood croyait qu il avait d couvert la trace du Saint Graal alors tout son temps fut d s lors consacr
23. Winckler comme son partenaire et peut tre m me comme son ami En d pit de la diff rence d ge entre eux Winckler tant dix ans plus jeune que Bartlebooth ce dernier semble avoir du respect pour Winckler probablement parce qu il est le seul r pondre aux attentes exactes de Bartlebooth Il a des attentions envers Winckler lui envoie par exemple plusieurs bouteilles de vins et d alcools du monde entier bien que ce dernier ne boive que rarement Nous avons aussi raison de croire que Bartlebooth a ordonn Smautf d aider Winckler deux fois par jour Smautf monte l escalier pour donner manger Winckler plus de s occuper de son linge Et apr s la mort de Winckler ce fut Bartlebooth qui chargea un notaire de retrouver ses h ritiers ventuels Nous trouvons que ces exemples contredisent peut tre ce que plusieurs chercheurs ont tendance penser savoir que Bartlebooth comme un homme froid et hostile Burgelin le d crit par exemple par les mots suivants Perec a tout fait pour que le lecteur voie en Bartlebooth un personnage m diocre et plus qu antipathique indiff rent pour ne pas dire nihiliste froidement monstrueux assassin de la m moire renvoyant l inanit l art et les artistes iconoclaste au sens strict du mot amoureux de la mort et du n ant Burgelin 1996 p 26 C est vrai que Bartlebooth la fin du roman ressemble ce personnage l Mais d apr s notre impression
24. apprit Winckler tout ce qu il savait faire et c tait donc gr ce lui que Winckler tait devenu un artisan si dou Cependant leur relation prit une fin tragique quand on trouva Gouttman mort de froid sur la route Ne sachant pas quoi faire Winckler s tait engage dans l arm e C est probablement cela qui le sauva de l oisivet vingt deux ans Winckler commen a travailler pour Bartlebooth Il est mari avec Marguerite qui est probablement la seule personne qui le conna t fond A l exception des ann es avec Monsieur Gouttman Winckler a toujours t seul et responsable de ses propres actions Bartlebooth est donc l une des premi res personnes avec qui il doit maintenir une relation professionnelle Plus important peut tre comme d j remarqu leur relation est formalis e l aide d un contrat C est dire que Winckler est forc par sa signature de ne pas quitter la coop ration avec Bartlebooth avant que le contrat ne le permette Et comme nous le savons ce contrat durera vingt ans Se peut il que cette d pendance quelqu un d autre indispose Winckler de telle mani re qu il cherche se venger Nous avons devant nous un jeune homme tr s ind pendant qui a v cu une enfance dure sans avoir de famille autour de lui Cet homme se trouve tout d un coup li 61 un homme riche go ste n ayant qu un objet dans sa vie son projet absurde de puzzle La grande di
25. camps de concentration Le texte se termine par un article tir du livre L univers concentrationnaire traitant justement des camps de concentration Ce dernier chapitre n est pas crit en italique ce qui indique que le chapitre parle du vrai Le lecteur comprend alors que les deux histoires se sont rejointes en une seule histoire vraie la partie autobiographique et l histoire fictive sont devenues la m me histoire L alternance entre les deux histoires semble presque inutile au d part et peut facilement rendre perplexe le lecteur Mais la fin du livre l histoire de l le W tant fictive au d part correspond la description r aliste d un camp de concentration C est donc comme si le narrateur avait voulu remettre en question la diff rence entre l histoire vraie et l histoire fausse laquelle des histoires est elle vraie Nous ne cherchons pas ici donner une analyse de W ou le souvenir d enfance c est en premier lieu le roman La vie mode d emploi qui nous int resse dans ce travail Cependant les th mes du faux et de l identit semblent encadrer ce roman Puisqu il s agit d une autobiographie nous pouvons peut tre tirer la conclusion qu aussi la vie m me de Perec a t encadr e de faux Justement parce qu il a eu une enfance marqu e par les non dits sa vie a t bas e sur le faux pour ainsi dire Il ne sait rien du destin Cela a d marquer Perec profond ment puisque les th
26. chapitre nous avons aussi abord l autre th me fondamental de La vie mode d emploi celui de la vengeance A partir des exemples nous avons vu comment de diff rents personnages ont effectu de diff rents actes de vengeance et comment la vengeance pour certains entre autres pour Sven Ericsson et pour Gaspard Winckler est devenue un v ritable projet vie Pour ce qui concerne le th me du faux nous avons vu que plusieurs uvres perecquiennes traitent ce th me et que plusieurs personnages semblent tre tir s par de diff rents l ments du faux Ce petit r sum nous am ne la question suivante y a t il une relation entre la vengeance et le faux Puisque nous avons choisi de parler de ces deux th mes ce sera int ressant de savoir s il y a une relation entre les th mes et ventuellement laquelle Nous continuerons donc de traiter les deux th mes dans le chapitre qui suit 77 Chapitre 4 Questions centrales 4 1 Y a t il une relation entre le faux et la vengeance La nouvelle Un cabinet d amateur pourrait se comprendre comme le dernier chapitre de La vie mode d emploi car un des points de d part pour le texte tait le d sir de retravailler une derni re fois les th mes de La vie mode d emploi Van Montfrans 1998 105 Nombreuses sont les allusions faites ce texte un certain James Sherwood le grand oncle de Bartlebooth dans La vie mode d emploi figure sur la liste des propri taires d une uvre
27. d interpr tations Le lecteur peut facilement partir du titre tre tent de croire que le texte va pr senter un exemple de mode d emploi de la vie Autrement dit nous pouvons penser qu en lisant le roman nous aurons le mode d emploi exact de comment une vie devrait tre men e Cela est cependant une simplification du roman et nous trouvons que c est aussi une fausse interpr tation du titre Pour mieux expliquer nous pouvons s parer le titre en deux tranches La vie et mode d emploi Ce faisant nous voyons qu il n y a aucun article d fini qui pr c de mode d emploi alors il ne s agit pas du tout d un mode d emploi quelconque ni de la vie ni de quelque chose d autre En fait il est difficile de trouver la bonne signification du titre en g n ral car en analysant les mots de la mani re dont ils sont agenc s le titre ne veut rien dire Pourtant dans certaines traductions du roman le titre a une signification plus claire Dans la version anglaise le titre est traduit par Life a user s manual Nous pouvons donc peut tre nous demander si la traduction est tout fait bonne ou non justement parce que le titre contient une phrase correcte ce qui n est pas le cas dans la version originale du livre Un mode d emploi garantit en quelque sort qu il y a une solution fixe ce qu on cherche faire Notice expliquant la mani re de se servir d un objet est la d finition du mot selon Le Petit
28. de faire du mal quelqu un et qu elle est une m taphore de la haine La vengeance peut tre le d sir de faire du mal la fois physiquement la fois psychiquement La vengeance n est pas en tout cas une action avec des bonnes intentions Le faux de son c t repose aussi du d sir d agir mal envers quelqu un Derri re l op ration de falsification des uvres initi e par Hermann Raffke se trouve le d sir de se venger Il a lui m me t victime de tromperie et pour prendre se revanche il tend un pi ge au monde de l art L l ment moteur des falsifications est donc la vengeance 78 Dans La vie mode d emploi Winckler se venge sur Bartlebooth l aide des puzzles qui peuvent se comprendre comme de fausses images Le puzzle constitue son moyen de vengeance Le puzzle est un jeu et le jeu de son c t repose t il sur un sorte de tromperie Nous en parlerons plus dans le chapitre cinq H l ne Brodin retourne en France apr s avoir veng son mari Elle existe mais nous avons des difficult s voir qu elle m ne une vie v ritable Le temps se passe sans qu elle ne fasse rien Pouvons nous dire que sa vie est fausse Lorsqu on ne fait rien peut on dire qu on vit vraiment Dr Dinteville victime de plagiat laisse ses patients sentir sa frustration Mais en poursuivant son m tier en traitant ses patients avec efficacit est ce qu il se venge secr tement du le professeur LeBran Chastel Ce profes
29. e envers son p re reposait sur des repr sentations fausses et imaginaires invent es par sa m re En fait Cyrille aimait profond ment sa femme Blanche il l avait toujours trait e avec respect et il s tait comport avec gentillesse envers elle Mais c est Blanche qui refusait cet amour Blanche tait une danseuse dou e A dix neuf ans avec son partenaire de danse elle eut la chance de danser louverture d un grand festival que donnait un comte italien Or un peu plus tard elle 79 d couvrit qu elle tait enceinte ce qui emp chait la repr sentation de danse moins qu elle ne se fasse avorter Le p re de l enfant ne voulait pas entendre parler de cette possibilit mais Blanche quant elle tait s re de ce qu elle voulait Blanche chercha alors aide et conseil chez Cyrille Altamont un ami d enfance Il l aida la conduisit dans une clinique o l avortement eut lieu sans complications Un an et demi plus tard ils se mari rent et huit ans apr s naissait leur fille V ronique La lettre que trouva sa fille tait une derni re tentative de la part de Cyrille de s expliquer Depuis l avortement en 1951 Blanche entretenait une haine envers son mari Il crit D sormais tu as b ti ta vie sur la haine et sur l illusion ressass e de ton bonheur sacrifi Toute ta vie tu me puniras pour t avoir aid e faire ce que tu voulais faire et que tu aurais fait de toute fa on m me sans mon
30. entre sa 10 et sa 25 ann e et ayant la forme suivante Je me souviens que Reda Caire est pass en attraction au cin ma de la porte de Saint Cloud Je me souviens des parties de barbu aux Petits Dalles etc Je me souviens p 13 15 Cette m me ann e para t aussi son chef d uvre La Vie mode d emploi un roman qui a t couronn par le prix M dicis Perec avait toujours r v d crire un gros texte et La Vie mode d emploi t moigne de sa capacit le faire L accueil du livre fut enthousiaste mais c est seulement partir des ann es 80 et surtout apr s sa mort que Perec a connu une v ritable gloire litt raire et que ses uvres ont t reconnues par le public 1 4 OULIPO En 1967 Perec est devenu membre de l OULIPO L Ouvroir de litt rature potentielle Ceci est un groupe international fond par Raymond Queneau et Fran ois Le Lionnais en 1960 Parmi les membres du groupe on trouve entre autres des math maticiens et des crivains et ensemble ils ont comme but d inventer de nouvelles formes po tiques ou romanesques Un auteur Oulipien est un rat qui construit lui m me le labyrinthe dont il se propose de sortir selon le site Internet du groupe www oulipo net Le fait d crire un roman de contrainte force l auteur utiliser son intellect et ses facult s d invention La contrainte devient donc un rem de contre la st rilit et le blocage L critu
31. longtemps ibid p 152 dit Val ne dans une des rares conversations entre ces deux hommes Ils ne se parlaient presque pas m me s ils avaient le m me ge Bartlebooth ne montrait aucun int r t envers Val ne et Val ne de son c t avait du mal trouver un sujet int ressant pour mener une conversation Alors chaque jour deux heures les deux hommes se retrouvaient dans la limousine noire et blanche de Bartlebooth pour se rendre un lieu avec un motif satisfaisant C t c t que a soit dans la for t de Fontainebleau Versailles Saint Germain ou Senlis Bartlebooth et Val ne peignaient des aquarelles en silence Au bout de dix ans Bartlebooth peignait les aquarelles de fa on satisfaisante mais d une facture toujours un peu scolaire ibid p 403 Bartlebooth avec Smautf sa suite effectua les vingt ans de voyage de mani re efficace A chaque port il avait deux semaines sa disponibilit le voyage compris Les 500 ports diff rents taient tous choisis au hasard en feuilletant des atlas des livres de g ographie ou des guides touristiques Bartlebooth d cidait o aller A chaque port les routines tait les m mes les deux premier jours il se promenait au bord de la mer et parlait avec les locaux pourvu qu ils parlent une des cinq langues qu il connaissait Ensuite il choisissait un motif plaisant et commen ait peindre Il peignait tr s vite et il ne recommengait jama
32. mode d emploi ont des traits semblables Perec Gaspard Winckler et le tueur de mots Cinoc ont les m mes origines et Bartlebooth tant une sorte de double de Winckler ressemble n cessairement lui aussi Perec Les nombreux collectionneurs qui habitent l immeuble renvoient s rement la fascination de Perec pour les collections Dans le livre Penser classer il crit par exemple Comme tout le monde je suppose je suis pris parfois de fr n sie de rangement l abondance des choses ranger la quasi impossibilit de les distribuer selon des crit res satisfaisants font que je n en viens jamais bout que je m arr te des rangements provisoires et flous peine plus efficaces que l anarchie initiale Penser classer p 163 164 Ce que Perec a v cu pendant son enfance a marqu sa vie enti re ainsi que son criture C est travers ses textes probablement qu il a pu travailler son enfance Nous avons d j insist dessus mais les sentiments de manque de vide de disparition etc qui ont entour son enfance reviennent comme des th mes centraux dans ses uvres Par cons quent nous pouvons peut tre constater qu un des objectifs de La vie mode d emploi ainsi que dans ses autres textes est de raconter et d crire les sentiments de son enfance En se servant des mots afin d essayer de remplir un vide Perec cr e des histoires 91 Pour essayer d tre plus sp cifique pour
33. pas Massy Il se mit hair ces foules hurlantes qui l ignorait et adorait stupidement ce h ros du jour qui ne devait ses victoires qu son exp rience lui sa volont sa technique son abn gation ibid p 421 Alors l id e d une vengeance est n e Massy force Margay prendre de plus en plus de risques il lui demande de plus en plus d efforts et aucune victoire ou aucun record ne semble tre suffisant pour l ancien h ros Jusqu ce jour o tout va mal Margay roulait avec une vitesse d environ cent kilom tres l heure lorsque d un coup il perdit l quilibre et tomba sur plus de cinquante m tres Par bonheur il ne mourut pas mais il devint compl tement d figur Massy se sentit coupable et il rendit visite Margay chaque jour pendant six mois l h pital En plus il recueillit Margay chez lui sa sortie de l h pital et accepta que Margay pouse sa s ur Josette pour d charger sa conscience Une nouvelle poque tragique commen a pour ces trois personnes et aucun d entre eux ne se sentit heureux Josette cause de ce monstre d figur qu tait en effet son mari Margay cause du malheur qu il causait chez sa femme et Massy qui justement tait la cause de ce mariage tragique con u par compassion pour Margay Margay subit les cons quences et s enfuit au Am rique du Sud Pour la premi re fois depuis l accident la chance lui sourit Son attitude et
34. point brumeuses qu on aper oit peine les motifs originaux et le peintre a remport un franc succ s Ces tableaux firent penser un peintre new yorkais Huffing qui avait exp riment de la m me fa on Peut tre n est pas un hasard si leurs noms ressemblent Apr s avoir termin la p riode brouillard Hutting s est mis faire des portraits Depuis longtemps il r vait d en faire et ses admirateurs l encourag rent ils souhaitaient tous avoir un portrait d eux m mes Toutefois comme nous pouvons peut tre nous l imaginer Hutting eut des probl mes trouver sa propre voix Par exemple les uvres appartenant la p riode brumeuse avaient toutes eu d autres uvres comme source d inspiration Et si un acheteur voulait qu on lui fasse un portrait Hutting n avait donc aucune source autre que son visage Le fait de devenir un portraitiste reconnu pour un peintre qui avait l habitude de s appuyer sur d autres peintres causa alors quelques difficult s Pour faire face ce probl me Hutting utilisa une m thode qu il avait apprise par un mendiant mul tre Il s agissait de choisir les couleurs d un portrait partir d une s quence inamovible de onze teintes et de trois chiffres cl s fournis le premier par la date et l heure de la naissance du tableau naissance voulant dire premi re s ance de pose le second par la phase de la lune au moment de la conception du
35. qu il couvre plusieurs poques pays situations etc Nous nous limiterons alors dans un premier temps pr senter l habitant typique de l immeuble Pour lucider les th mes que nous allons traiter nous avons choisi de nous servir des personnages comme exemples et nous esp rons qu la fin de ce travail le lecteur aura une image plus compl te de l immeuble et l intrigue de La Vie mode d emploi que celle qui est donn e au d but Penser classer est un recueil de textes publi s par Perec dans divers journaux et revues entre 1976 et 1982 Dans ce recueil nous trouvons des textes qui traitent toute sorte de questions par exemple De quelques emplois du verbe habiter Douze regards obliques ou bien le texte Consid rations sur les lunettes travers ces textes Perec essaie donc de classer son monde dans un certain ordre 12 Avant de pr senter le livre et les trois personnages principaux nous dirons quelques mots sur la forme et nous poserons quelques questions concernant le narrateur Enfin nous analyserons les th mes centraux de La Vie mode d emploi la vengeance et le faux La question centrale est y a t il une coh rence entre ces th mes ventuellement laquelle Pour terminer la question de la fausset nous avons choisi de parler des jeux un aspect assez important pour Perec Nous tentons de consid rer les jeux comme faisant partie du faux et de cette mani re il convient d
36. que la pi ce dans la main de Bartlebooth a la forme d un W Comment Winckler a t il r ussi 87 r aliser un puzzle dont la solution est introuvable Cela reste une nigme pour toujours et pour tout lecteur comment cela est t 1l possible Que veulent dire les pi ces de X et de W Nous ne pouvons pas dire exactement ce que ces deux lettres signifient pour Perec sujet sur lequel on peut sp culer linfini N anmoins voici quelques vagues propositions Un X signifie souvent l inconnu le vide la chose manquante Magn crit ce propos pour d finir les rapports de son uvre la litt rature Georges Perec recourt volontiers l image de la pi ce manquante du vide remplir Rien d tonnant d s lors qu l impossible ach vement du 439 puzzle corresponde sur l ensemble du roman une tr s massive isotopie du manque ibid p 44 Le X est aussi une lettre qui est constitu e de deux V En jonglant un peu un X peut alors devenir la lettre W W de son c t est une lettre importante propos des uvres perecquiennes W figure dans le titre du livre W ou le souvenir d enfance il y une le qui s appelle W dans le m me livre le nom du personnage central Winckler commence par un W et enfin la lettre W constitue l intrigue principale dans le 439 puzzle de Bartlebooth Dans W ou le souvenir d enfance Perec voque un souvenir de la lettre X Mon souvenir n e
37. qui fut plus tard vendue aux ench res Le principe de la mise en abyme est aussi central dans les deux uvres Le peintre Serge Val ne cr des images en abyme dans son tableau et le tableau Un cabinet d amateur contient aussi plusieurs images en abyme La nouvelle contient norm ment de titres d uvres de r f rences de noms etc S agit il de noms vrais ou faux Dans La vie mode d emploi le lecteur rencontre le m me probl me Suite au chapitre IX Chambres de bonne 3 le narrateur donne une bibliographie au lecteur pour qu il puisse trouver plus d information Tous les livres mentionn s sont faux Burgelin d signe ces informations par les mots bien choisis th tre du s rieux Burgelin 1988 215 Un cabinet d amateur contient aussi plusieurs r f rences aux tableaux aux artistes etc Mais toutes ces informations sont fausses le narrateur nous le dit la fin Le th me du faux est alors un th me central dans Un cabinet d amateur et La vie mode d emploi de la m me mani re que le th me de la vengeance est central Cela nous am ne une question fondamentale propos de notre travail existe t il une relation entre la vengeance et le faux Dans La vie mode d emploi et dans d autres uvres que nous avons voqu es les th mes de la vengeance et du faux sont r currents Pouvons nous dire que ces th mes sont li s l un l autre Nous pouvons peut tre dire que la vengeance est un d sir
38. qui veut l aider le comprendre l int grer lui faire avoir une attitude 29 raisonnable ibid p 64 Ceci vaut aussi pour l histoire de Bartlebooth qui comme Bartleby est indiff rent tout Dans La vie mode d emploi Bartlebooth est connu pour sa richesse mais non pas pour sa gentillesse Sa richesse aurait pu faire de lui un homme insupportable pr tentieux bavard et vantard Au contraire Bartlebooth nous donne l impression d tre un homme discret solitaire et indiff rent presque tout Toutefois nous avons raison de croire qu il n a pas toujours t cet homme silencieux constamment sous pression de nombreuses pr occupations Bartlebooth a probablement toujours t un homme aux id es originales ou absurdes m mes Son projet et les trois principes sur lesquels le projet est bas montrent que nous avons faire un homme qui ne laisse jamais rien au hasard Le lecteur ne sait pas par exemple si l Anglais a d j eu une relation amoureuse mais ceci est peu probable vu qu une telle relation reposerait pour une grande partie sur le hasard et sur des facteurs incertains Il est aussi clair que cet homme r v le une passion et en fait un besoin pour ce qui est mesurable dans le temps et l espace Il est tout fait d pendant d un syst me pour r gler sa vie alors il s en est cr un Mais derri re ces syst mes et le besoin intense de fonctionner travers un emploi d
39. sa laideur inspiraient piti et confiance tous ceux et celles qu il rencontrait De cette mani re et l aide de sa m moire tonnante il fit fortune comme receleur Avec l argent que ses occupations lui rapport rent il se fit op rer Le r sultat fut formidable Devenue beau et riche Margay rentra en France dans l immeuble du 11 rue Simon Crubellier Paris pour retrouver la femme qui il avait toujours pens Massy de son c t quitta Paris quelques semaines plus tard 3 1 5 Bartlebooth et Winckler Une des histoires centrales du texte l histoire de Bartlebooth et son projet de puzzles est aussi une histoire de vengeance D s le d but du roman le narrateur du livre indique ce qui va fonctionner comme le fil conducteur dans le roman notamment la relation entre Gaspard Winckler et Percival Bartlebooth La derni re phrase du premier chapitre le constate justement Gaspard Winckler est mort mais la longue vengeance qu il a si patiemment si minutieusement ourdie n a pas encore fini de s assouvir ibid p 24 Le chapitre LXXX 53 Bartlebooth 3 rappelle encore une fois au lecteur le drame qui est entrain se d rouler le programme que l Anglais s tait fix succomba sous l attaque r solue de Beyssandre et sous celle beaucoup plus secr te et subtile de Gaspard Winckler ibid p 461 Peu est crit en ce qui concerne la vengeance de Winckler Envers qui la vengeanc
40. sans identit d cide o le r cit commencera elle parle du futur Bient t le vieux appartement deviendra un coquet logement VME p 24 elle guide le lecteur travers les appartements Maintenant nous sommes dans la pi ce que Gaspard Winckler appelait le salon ibid p 25 et elle commente des passages On a tout lieu de supposer que le contrat qu il Gaspard Winckler avait sign avec le milliardaire contenait une clause explicite ibid p 54 18 Pour conclure nous pouvons donc dire que le narrateur reste anonyme mais il est omnipr sent et raconte et commente des passages o il trouve que cela est n cessaire Pour ce qui concerne le peintre nous soutenons Goulet qui crit que Val ne est ce il qui chappe toute localisation particuli re qui transcende sa condition de personnage et qui constitue un second point de vue compl mentaire ou autonome qui fait de lui une instance autorail privil gi e Goulet 1984 p 203 Nous n allons pas donner une analyse formelle de La vie mode d emploi mais il peut tre int ressant de noter qu il n y a presque aucun dialogue dans ce vaste roman C est par ailleurs un trait caract ristique pour l ensemble des uvres perecquiennes dans W ou le souvenir d enfance dans Les Choses ou dans La vie mode d emploi n apparaissent des dialogues qu exceptionnellement Cela cr e peut tre un milieu fig ce qui ren
41. server co te que co te une ou plusieurs de ces uvres et il d fiait cet Anglais obstin de l en emp cher ibid p 508 Bartlebooth comprit enfin la gravit de la situation Bartlebooth connaissait assez ne serait ce que pour les avoir exp riment s sur lui m me les ravages que la passion peut exercer sur les individus les plus sens s pour savoir que le critique ne parlait certainement pas la l g re ibid Depuis longtemps pour achever la phase ultime du projet Bartlebooth avait demand aux contacts locaux r sidant dans le lieu d origine des aquarelles de d truire les aquarelles Il n avait pas le temps de le faire lui m me alors il choisit de faire confiance aux autres Pourtant depuis que Beyssandre l avait contact il n osait plus continuer de cette mani re il avait peur que les aquarelles tombent entre de mauvaises mains Apr s beaucoup d h sitation il demanda Rorschash de l aider Nul ne sait comment il Bartlebooth parvint obtenir son concours mais en tout cas c est par l interm diaire du producteur qu il put confier des op rateurs de t l vision qui partaient en tournage dans l oc an Indien la mer Rouge ou le golfe Persique le soin de d truire ses aquarelles selon le protocole habituel et de filmer cette destruction ibid p 509 Cependant la suite d un inexplicable accident de voiture dans lequel quatre hommes furent tu s Bartlebooth d cida en
42. un r le d artiste et 1l 73 arrive leurrer son public son succ s le prouve justement Son comportement est peut tre faux mais personne ne s en est rendu compte Pendant quelque temps il y avait un russe qui assistait aux Mardis Son originalit fut appr ci e par les spectateurs et il apporta une certaine nouveaut aux r unions car au d but il y eut quelques difficult s par rapport au style et les rencontres furent parfois l g rement ennuyeuses Vladislav invita le public participer la peinture d une grande toile et la fin de la soir e chacun se s para avec la conviction d avoir contribu enfanter un chef d uvre ibid p 562 En d pit de la nouveaut pour ne pas mentionner l attention du Tout Paris qu il apporta aux Mardis le succ s du russe fut de courte dur e et il fut alors remplac par le jeune gar on Cette histoire est peut tre significative pour le comportement des gens dans l immeuble l gard de Vart Vladislav semble tre un vrai peintre il a m me eu une p riode de gloire la fin des ann es trente Il vient participer aux mardis avec ardeur et originalit mais c est comme s il tait un peu trop original Peu peu les autres se d sint ressent de ce russe original Peut tre ont ils peur de Vladislav et de ce qu il repr sente Il ne suit pas les conventions un comportement qui pour ceux biens tablis dans la soci t
43. 3 p 137 La derni re s quence du nom Booth se r f re au texte A O Barnabooth son journal intime crit par Valery Larbaud en 1908 Contrairement Bartleby Barnabooth est un milliardaire et il profite de la vie Nous le suivons dans ses nombreux voyages dans ses villes favorites il est un v ritable homme du monde Il n est pas radin mais il n aime pas non plus que les auvres viennent lui demander de l argent ni tre associ uniquement sa fortune 9 Ces deux personnages diff rents se sont donc unis en le personnage de Bartlebooth Burgelin le dit ainsi Bartlebooth moiti l homme qui ne d sire rien sinon faire gr ve moiti l homme aux d sirs erratiques et mal fix s Burgelin 1988 p 188 En quelque sorte nous pouvons aussi dire que Bartleby repr sente Perec comme crivain Il copie les phrases des autres comme Perec le fait plusieurs reprises Nous allons le voir dans le chapitre trois Aussi le personnage de Gaspard Winckler peut se r incarner dans la figure de Bartleby puisqu il copie des uvres des autres Pour Perec le personnage de Bartleby est tout entier contenu dans ce sentiment de trouble l tranget l loignement l irr m diable l inachevable le vide etc Litt ratures 1983 p 63 Dans une lettre in dite parue dans la m me revue Perec continue Bartleby n est pas l histoire de Bartleby mais l histoire de celui qui le voit vivre
44. 84 p 32 Par cons quent la vengeance est m taphore d une haine et d un d sir de tuer jamais dits et elle vient colmater une souffrance jamais nonc e ibid p 42 Si nous comme Burgelin consid rons Winckler comme une figure repr sentant Perec nous comprenons peut tre mieux la raison pour laquelle Winckler se venge de Bartlebooth 3 2 Le faux La peinture ou l aspect de l art en g n ral semble jouer un r le particulier dans les uvres de Perec Le Condottiere roman in dit de Perec est ponyme d une uvre d Antonello de Messine La vie mode d emploi fait allusion un tableau et Un cabinet d amateur la 65 derni re nouvelle crite par Perec a comme personnage principal un homme qui consacre une partie de sa fortune l achat de tableaux c l bres L omnipr sence des peintures dans les livres d rive peut tre du d sir de Perec lui m me J ai longtemps voulu tre peintre dit il en 1972 Van Montfrans 1999 p 260 Avant de continuer nous devons souligner la diff rence entre un artiste et un artisan Selon Le Petit Robert un artiste est une personne qui se voue l expression du beau une personne qui pratique les beaux arts Un artiste est un cr ateur d une uvre d art ou d une uvre plastique Dans cette cat gorie nous trouvons entre autre le peintre et le dessinateur Un artisan de son c t est une personne qui exerce un m tier manuel pour son pro
45. Fert Milon Une fois qu il s y trouve Winckler apprend que son p re est mort et que sa m re habite en Egypte la recherche de sa s ur Gaspard Winckler se rend Paris Il ne l a malheureusement pas trouv e m me s il connaissait le nom de son mari et le lieu o celui ci travaillait Apr s l avoir recherch e soigneusement en vain Winckler finit par se faire engager dans l arm e Dix huit mois plus tard son engagement militaire se termine Winckler se rend alors Marseille o 1l ne conna t personne par ailleurs Cependant assis dans un caf il rencontre la femme qui va devenir son pouse Peu apr s ce rendez vous ils se marient et d cident de commencer une vie ensemble Paris Ils emm nagent alors 11 rue Simon Crubellier et les deux commencent travailler Winckler commence travailler chez un marchand de jouets C est sa femme Marguerite qui d couvre l annonce que Bartlebooth avait publi dans une revue de jeu et c est alors gr ce elle que Winckler quitte le commerce et se fait embaucher par Bartlebooth 2 2 2 1 Winckler l artisan Bartlebooth tait la recherche d une personne qui pouvait transformer ses aquarelles en puzzles Ayant t presque lev chez Monsieur Gouttman Winckler est tr s adroit de ses mains et il peut transformer quoi que ce soit en des objets fantastiques et son travail consiste alors transformer les aquarelles faites par Bartlebooth en puzzles Les habi
46. Perec qui portent des masques pour emp cher que leurs identit s soient d couvertes des aspects de l identit de Perec se cachent probablement derri re ses personnages De cette mani re Perec semble sugg rer que la v rit est difficile percevoir et qu elle peut m me nous chapper N anmoins Perec s y approche en cr ant des multiples personnages et en leur attribuant des r les Nous avons commenc ce travail en pr sentant La vie mode d emploi comme un texte fragment et sans un fil conducteur C est vrai puisque le sous titre du texte est Romans ce qui montre qu il peut tre difficile de ressembler tous les personnages et toutes les histoires sous le m me th me N anmoins travers les deux th mes fondamentaux que nous avons analys s nous avons d couvert que particuli rment la vengeance et le faux sont d une grande importance pour de nombreux personnages De cette mani re bien que La vie mode d emploi contienne une centaine d histoires tr s diff rentes nous pouvons dire que quand il est lu dans une perspective th matique La vie mode d emploi n appara t pas si fragment que nous avons cru au d but 96 Pour terminer nous voulons dire qu il y a plusieurs aspects de La vie mode d emploi et de Perec que le cadre de ce travail ne nous a pas permis de traiter Nous aurions par exemple aim parler de la solitude comme th me la notion de temps et d espace et nous aurions pu mentionner p
47. QUELQUES TH MES FONDAMENTAUX DE LA VIE MODE D EMPLOI DE GEORGES PEREC M moire de master Irene Brekke Nielsen Num ro d tudiant 202198 D partement des langues et litt ratures trang res Universit de Bergen Novembre 2011 R SUM EN NORV GIEN Dette arbeidet tar for seg romanen La vie mode d emploi av Georges Perec p norsk Livet bruksanvisning Oppgaven har en tematisk tiln rming til Perecs tekst og konsentrerer seg s rlig om to sentrale temaer som g r igjen gjennom hele teksten hevn og forfalskneri I oppgaven er det blitt lagt mindre vekt p innflytelsen fra gruppen Oulipo en litter r gruppe med interesse for sjonglere med ord og bokstaver for p den m ten skape nye litter re former Denne gruppens innflytelse p Perec har ofte preget analyser av hans tekster men er ikke en n dvendig forutsetning for ha glede av forfatterskapet til Perec Hensikten i dette arbeidet er formidle noe av Perecs fortellerkunst samt hans evne til skape de mest fascinerende og absurde historier ved bruk av humor og fantasi Hevn og forfalskneri er sentrale temaer ikke bare i Livet bruksanvisning men ogs i en rekke andre b ker av Perec Oppgaven reiser sp rsm l om disse temaene kanskje gjenspeiler noe sentralt i Perecs liv Gjennom skrive hevner Perec seg kanskje p det forferdelige som skjedde med foreldrene under 2 verdenskrig Videre sp rres det om hva grunnen kan v re til at Livet bruksa
48. ages l un l autre en 89 nous posant les m mes questions que le fabricateur du puzzle voire le narrateur s est pos nous arrivons peut tre comprendre La vie mode d emploi plus profond ment 90 Chapitre 6 Quel est Pobjectif de La vie mode d emploi Pour arrondir la partie principale du m moire nous voulons nous poser la question suivante quel est l objectif de La vie mode d emploi Parfois la morale ou l objectif d un roman est vident parfois comme c est le cas avec La vie mode d emploi l objectif n est pas si vident trouver Ce livre est un livre volumineux o nous trouvons plusieurs centaines d histoires et de personnages En plus du fait que chaque histoire contient une intrigue et un th me diff rent les histoires sont parfois la limite de l absurde et de l invraisemblance En consid rant toutes les fausses informations du faux que nous trouvons dans le livre nous avons l impression que le narrateur se moque un peu des conventions de ce qui est bien et de ce qui est mauvais et nous pouvons avoir l impression qu il se moque de la litt rature conventionnelle en g n ral Par cons quent il est difficile de trouver un objectif vraisemblable ce livre colossal et il est probablement impossible d en trouver seulement un Dans toutes les uvres perecquiennes l aspect autobiographique est pr sent Nous avons par exemple vu que plusieurs personnages dans La vie
49. aide Toute ta vie tu me joueras la com die du remords de la femme pure hant e dans ses r ves par l homme qu elle a accul au suicide comme tu te joueras toi m me la belle histoire mod le de la femme douloureuse l pouse abandonn e Mais tu ne m as donn cette enfant que pour pouvoir me reprocher davantage d avoir contribu tuer l autre et tu l as lev e dans la haine de moi en m interdisant de la voir de lui parler de l aimer ibid p 523 524 Dans cette histoire nous voyons que Madame Altamont se venge sur son mari l aide d un faux comportement Son apparence envers lui est tout fait bas e sur le faux Elle cr e des mensonges pour que sa fille grandisse en ha ssant son p re et c est gr ce la lettre que V ronique d couvre la v rit A partir de ces exemples pouvons nous supposer qu il existe une relation entre le faux et la vengeance dans les uvres de Perec et surtout dans La vie mode d emploi Si nous consid rons les exemples du fabricateur de puzzle Winckler Hermann Raffke et Madame Altamont nous voyons trois personnages perecquiens qui se vengent en utilisant une variante quelconque du faux comme instrument Winckler se venge l aide des puzzles des fausses images Raffke se venge en r alisant des fausses collections d art faites par un faux peintre un peintre qui de son c t devient c l bre partiellement gr ce un faux journaliste Lester Nowa
50. andonne ce m tier pour devenir un pickpocket Son p re est mort en 1940 et sa m re a disparu avec un officier en Allemagne en 1945 Dans sa biographie sur Perec Bellos d crit ce qui est le r ve de Gaspard de devenir le plus grand criminel que la terre ait jamais port le roi des faussaires le prince des escrocs I Ars ne Lupin du vingti me si cle Bellos 1994 p 217 Voil l intrigue du texte il r ve de cr er un vrai Condottiere d Antonello de Messine c est dire qu il veut r aliser un tableau tout fait original qui est la fois l uvre d Antonello de Messine et de la sienne Durant sept mois Winckler pr pare le tableau mais 1l constate qu il y a quelque chose d essentiel qui manque le Condottiere de Winckler n a pas de vie Au moment o il se rend compte qu il n est pas un vrai peintre et qu il ne sera jamais rien d autre qu un faussaire Winckler se venge de son commanditaire en l assassinant 2 2 1 Gaspard Winckler dans W ou le souvenir d enfance Gaspard Winckler est aussi un personnage central dans l autobiographie W ou le souvenir d enfance de 1975 L Gaspard Winckler appara t comme deux figures diff rentes Le premier et le vrai Gaspard Winckler est un enfant de huit ans sourd muet et tr s mal incorpor dans la vie quotidienne Il passait la plupart de ses journ es accroupi dans un coin de sa chambre n gligeant les fastueux jouets que sa m re
51. ant m me s il n y a plus personne pour lui contester sa victoire 1l est condamn diff rentes sortes de morts r elles ou figur es Dangy Scaillierez 2002 p 165 166 H l ne Brodin et Sven Ericsson personnages que nous tudierons de plus pr s dans les parties suivantes en constituent des exemples A propos de la vengeance chez Perec et dans La vie mode d emploi Dangy Scaillierez crit que comme toute entreprise long terme la strat gie de vengeance constitue une tentative pour ma triser le temps et pour donner sens un monde obscur ibid Si nous pouvons dire qu il y a une histoire principale dans le roman c est l histoire de la vengeance entre Bartlebooth et Winckler Elle est donc la raison principale pour laquelle nous avons choisi de focaliser sur ce th me Avant d aborder l histoire de vengeance de Winckler et de Bartlebooth nous allons donner quelques exemples d autres histoires qui ont comme 47 th me central la vengeance entre autre pour montrer que les histoires de vengeance sont toutes diff rentes L histoire de la famille Beaumont une histoire tragique avec des meurtres des suicides en est un exemple qui montre les cons quences possibles d une vengeance 3 1 1 Beaumont Fernand de Beaumont est un arch ologue qui se suicide pour des raisons inconnues en 1935 Il a laiss une veuve Madame de Beaumont V ra Orlova tant son nom de jeune fille et une petite fill
52. apr s elle gagna Hong Kong avec l argent requis Apr s avoir pay le philippin Blunt et Ingeborg se retrouv rent seuls avec quelques dollars seulement Pour gagner de l argent ils se sont mis cr er et pr senter un spectacle avec plusieurs num ros d attractions Ingeborg pr tendait tre une voyante et entrait dans des transes tandis que Blunt de son c t obtenait du succ s sur la sc ne seulement s il ne faisait rien ou s il ne disait rien Au fur et mesure la demande du public leur sp cialisation fut de faire appara tre M phistoph l s 50 Ce num ro remporta un grand succ s et rapporta des sommes exorbitantes qui leur permirent de rentrer en France Malheureusement le philippin ne les avait pas oubli et il exigea de s installer avec eux dans l appartement Paris L il prit les commandes c tait lui qui n gociait avec les candidats qui souhaitaient voir le diable et c tait lui qui gardait tout l argent Blunt Stanley ne se montrait jamais et Ingeborg ne sortait de l appartement qu en cas d un num ro Sa surveillance tait constante et lorsqu il sortait faire des achats il obligeait l ex officier et sa femme se d shabiller et enfermait cl leurs v tements n entendant pas laisser s chapper cette v ritable poule aux ufs d or ibid p 377 Ingeborg fit appara tre le diable plus de 82 fois pour des prix qui atteignaient jusqu trente mille
53. ar hasard et le vrai Gaspard Winckler est en fait un gar on de huit ans dont nous ne savons pas s il est encore vivant ou mort un moment donn un certain Otto Apfelstahl demande au faux Winckler d aller trouver le vrai Winckler Les derni res traces de ce jeune gar on remontent une place pr s de la Terre de feu Comme 67 d j indiqu dans la partie 2 2 1 l auteur laisse son lecteur plut t confus est ce que Gaspard Winckler va chercher le jeune gar on ou non La troisi me histoire se trouve dans la deuxi me partie Le lecteur croit peut tre que l histoire des Winckler continuera mais on n entend plus parler des Gaspard Winckler ni du vrai ni du faux La deuxi me histoire fictive se poursuit quand m me en racontant et en d crivant les conditions de vie dans une le qui s appelle W Elle se trouve probablement pr s de la Terre de feu l le o se trouvaient les derni res traces du bateau bord duquel tait le vrai Gaspard Winckler Au d part l histoire de l le est tout fait fictive et le narrateur a vraiment r ussi cr er un univers tout fait original Le lecteur a l impression que la vie sur cette le est heureuse et sans soucis et que les nombreuses r gles qui sont appliqu s sur l le assurent une certaine harmonie Cependant au fur et mesure nous d couvrons que l histoire de l le W devient une histoire vraie qui en fait renvoie aux
54. au pass mais dans le dernier chapitre on en parle alors au pr sent Dans six petits paragraphes tous commen ant de la m me mani re C est le vingt trois juin mille neuf cent soixante quinze et il n est pas loin de huit heures du soir ibid p 576 le lecteur trouve un r sum pour ainsi dire de ce qui se passe avec les diff rents personnages Plus pr cis ment le narrateur utilise six mani res diff rentes de dire qu il est pr s de huit heures Voici quelques exemples pour illustrer ce point C est le vingt trois juin mille neuf cent soixante quinze et il est pr s de huit heures du soir Mademoiselle Crespi dort dans le salon du Docteur Dinteville deux clients attendent encore la concierge dans la loge remplace un des fusibles qui commandent les lumi res du vestibule un inspecteur du gaz et un ouvrier v rifient installation du chauffage central VME p 577 16 Il y a une certaine tension dans les six paragraphes et dans le dernier des six paragraphes le lecteur apprend que Bartlebooth vient de mourir Le roman est de cette mani re la fois un roman d un moment la fois un roman qui ne prend pas le temps en consid ration Les histoires parcourent des d cennies et des pays mais elles ont toutes le grand immeuble parisien comme point de d part un soir d t en 1975 1 2 La forme le s narrateur s Avant d aborder les personnages principaux et les histoires centrales
55. aussi Une fois de plus je fus comme un enfant qui joue cache cache et qui ne sait pas ce qu il craint ou d sire le plus rester cach tre d couvert W p 18 Pour essayer de donner une r ponse la question pos e pour commencer nous sommes tent s de dire qu il existe un rapport entre la vengeance et le faux Dans les trois exemples tir s du 82 texte mentionn s ci dessus le faux y compris toute forme de tromperie sert comme un instrument ou un moyen d ex cuter une vengeance Les puzzles sont le moyen principal de la vengeance de Winckler M Altamont a un faux comportement pour se venger sur son mari et Raffke se sert de faux noms de faux artistes de faux critiques d art de faux tableaux etc pour se venger sur sa collection d art qui s est montr e d tre fausse De la m me fa on Perec utilise le faux pour se venger probablement pour que la v rit ne soit pas trop apparente 83 Chapitre 5 Les jeux 5 1 Le faux et le jeu Le faux ou la tromperie portent souvent des masques diff rents Chez Perec nous l avons vu le trompe l il le plagiat le copiage l illusion le faussaire etc sont autant d expressions du faux Le faux se permet de r diger la v rit selon son intention souvent jusqu tel point que le public le lecteur dans le cas pr sent devient perturb et d rang Lorsqu il devient difficile de distinguer entre le vrai et le faux le fa
56. bauche alors Winckler comme un fabricant de puzzle et leur relation s est formalis e l aide d un contrat Winckler devient la fois partenaire la fois adversaire de Bartlebooth en supposant que le puzzle soit un jeu deux Pourtant pour les deux vieillards solitaires leur relation prend une tournure un peu diff rente de celle initialement pr vue dans le sens que le contrat les rend plus d pendants l un de l autre qu ils auraient peut tre pens Ce contrat impos par Bartlebooth stipule le mode de livraison des puzzles ainsi que d autres principes pertinents 54 pour la collaboration entre les deux Il joue un r le essentiel pour comprendre leur relation Un contrat formalise le contact entre deux parties et il indique ce qui est permis et ce que l on ne peut pas faire Il a comme objectif de s curiser les deux parties et de cr er une ambiance de confiance entre les personnes impliqu es Nous comprenons alors que Bartlebooth et Winckler sont forc s de maintenir le contact entre eux qu ils le veuillent ou non Et si nous croyons que le contact entre ces deux hommes est lacunaire et superficiel nous nous trompons car c est le contrat qui d cide de tout et exclut tout hasard premi re vue le lecteur n aper oit ou ne per oit peut tre pas de quelle mani re les deux protagonistes sont li s et c est pourquoi nous insistons sur l importance du contrat sign Bartlebooth reconna t
57. ce qui concerne La vie mode d emploi nous voulons aussi mentionner l importance que Perec attribue aux puzzles Les m taphores de ce jeu sont peut tre un autre objectif possible du roman l immeuble entier ainsi que les personnes qui y habitent peuvent peut tre se comprendre comme des m taphores d un puzzle Nous pouvons par exemple nous imaginer que chaque personnage et ou chaque appartement constituent une pi ce de puzzle et que l immeuble entier figure comme l image compl te d un puzzle achev le narrateur insiste sur le fait qu une pi ce de puzzle prend son sens seulement partir du moment o elle est li e une autre De la m me fa on que les pi ces fonctionnent en relation avec d autres nous pouvons peut tre dire que les personnages du livre ou les personnes en g n ral trouvent un sens leur existence partir du moment o ils sont li s aux autres C est en relation avec les autres que notre existence se manifeste M me si l immeuble est le domicile de nombreux solitaires ils sont de temps en temps forc s de prendre contact avec autrui notamment cause des projets qu ils effectuent Un exemple est Bartlebooth Il souhaite que le moins de gens possible soit au courant de son projet mais en v rit nous pouvons au moins mentionner dix personnes qui sont directement impliqu es dans son projet Smautf Winckler Madame Hourcade Rorscash Morellet Beyssandre V ronique Altamont Val
58. ce sont les puzzles et les d fis par rapport aux puzzles qui l ont rendu tel Son existence s est fig e autour d un projet absurde le rendant indiff rent et hostile Nous trouvons n anmoins qu il est important de souligner que l indiff rence n a pas n cessairement une connotation n gative Il s agit plut t d une neutralit envers le monde rien n est ni bonne ni mauvais N anmoins s il y en a un qui se comporte mal envers l autre nous sommes plut t tent s de mentionner Winckler travers le texte il donne l impression d tre compl tement 55 indiff rent au projet du milliardaire Il n a pos des questions ni sur l objectif du projet ni sur sa r alisation Une fois seulement Serge Val ne a entendu Winckler prononcer le nom de Bartlebooth ce qui indique peut tre qu il n a pas un penchant pour I Anglais C est aussi Winckler qui se venge de Bartlebooth et non l inverse En d pit de leur diff rence d ge ces deux hommes ont plusieurs traits en commun Par rapport l origine de Bartlebooth et de Winckler nous ne savons pas grande chose Les deux vivent seuls dans leurs appartements leurs existences semblent tre assez moroses Celle de Winckler plus que celle de Bartlebooth peut tre surtout apr s la mort de sa femme Pendant les derni res ann es de leurs vies ils cessent de sortir et pr f rent rester chez eux Winckler ne fait rien Bartlebooth s occupe des pu
59. copies l infini L uvre fut expos e pour la premi re et la derni re fois Pittsburg dans le cadre d une exposition Elle attira une foule nombreuse surtout apr s l apparition d une notice anonyme qui favorisa le tableau au d triment des autres uvres artistiques Les spectateurs s amusaient comparer les images originales aux reproductions de plus en plus petites et les plus z l s calculaient m me les proportions entre l original et la copie Les organisateurs se virent enfin forc s de laisser entrer des groupes de vingt cinq personnes la fois afin d viter le chaos N anmoins cela n emp cha pas qu un visiteur exasp r jeta une bouteille contenant du poison contre le tableau et le d chira Quelque temps apr s l incident un certain Lester Nowak analysa le tableau commen ant son article par les mots suivants 75 Toute uvre est le miroir d une autre un nombre consid rable de tableaux sinon tous ne prennent leur signification v ritable qu en fonction d uvres ant rieures qui y sont soit simplement reproduites int gralement ou partiellement soit d une mani re beaucoup plus allusive encrypt es Un cabinet d amateur p 24 Peu apr s l apparition de l article Hermann Raffke est mort Mais sa collection tait devenue fameuse entre autre gr ce Nowak et d autres qui continueraient de favoriser la collection d art de Raffke A la suite du d c s il y
60. dans son texte Notes sur ce que je cherche que presque aucun de mes livres n chappe tout fait un certain marquage autobiographique par exemple en ins rant dans un chapitre en cours une allusion un v nement survenu dans la journ e presque aucun non plus ne se fait sans que j aie recours telle ou telle contrainte ou structure oulipienne Penser classer p 115 L aspect autobiographique et l appartenance oulipienne sont alors les deux fils conducteurs structurant la plupart des tudes consacr es Perec et ce sont des aspects importants pour l crivain lui m me Cependant on a parfois tendance attribuer ces formes techniques une si forte influence que le contenu des uvres et du texte viennent en second lieu N anmoins notre impression est que cet aspect oulipien n est pas n cessairement d terminant pour la compr hension g n rale de ses uvres 1 6 Parcours du travail Afin de comprendre Georges Perec en tant qu crivain il est pertinent de conna tre certains l ments de sa vie et particuli rement son enfance C est donc pourquoi nous avons consacr autant de place Perec la description de ses uvres et au groupe d Oulipo dans introduction Le premier chapitre commencera avec une pr sentation de La Vie mode d emploi C est un roman qu il est difficile de r sumer bri vement premi rement cause du nombre de personnes et d histoires deuxi mement parce
61. dans un texte Par cons quent il peut sembler difficile d aborder ce roman car on a tendance croire qu il faut tre une sorte de sp cialiste ou de th oricien pour l tudier et pour le comprendre Nous tentons de contester cela car Perec lui m me n tait pas un sp cialiste il avait par exemple interrompu ses tudes d histoire et compar d autres crivains Perec n tait pas un intellectuel Il pr f rait par exemple les romans policiers aux classiques et sa mani re d crire peut se caract riser comme plus simple que celle de beaucoup d autres grands auteurs fran ais 1 3 Pr sentation de Perec Georges Perec est n Paris en 1936 de parents juifs d origine polonaise Pendant les premi res ann es de sa vie Perec fut entour d une vaste famille Ses parents ses grands parents des oncles et des tantes vivaient tous proximit de lui Il fut donc lev dans un environnement juif o la langue parl e alternait entre le fran ais le polonais et le yiddish La seconde guerre mondiale eut une grande influence sur sa famille son p re fut mortellement bless en 1940 alors que Perec avait seulement quatre ans Un an plus tard en 1941 sa m re l exp dia au village de Villard de Lans par un train de la Croix Rouge pour lui sauver la vie Ce moment la gare fut la derni re fois que Perec vit sa m re Elle disparut et fut probablement d port e Auschwitz A six ans Perec
62. de se venger sur des personnes mortes Alors comme d j mentionn c est peut tre l aide de l criture que Perec se venge Et en instaurant des l ments du faux dans ses textes qui par ailleurs souvent sont li s sa propre enfance pouvons nous dire que le faux lui emp che de parler de la v rit Car la limite de la r alit et de l imaginaire n est pas toujours vidente Quelques fois il est plus facile de se cacher derri re le faux et l imaginaire que d aborder la v rit Pour Perec il est vraisemblable qu il est difficile de parler de ce qui est arriv de l absence de ses parents et les cons quences que la guerre a eu sur lui partir de ses textes il essaie de raconter de la v rit et de travailler comment il a v cu ce qui est arriv e En m me temps il a probablement besoin de se distinguer un peu de l histoire parce que son histoire est si vuln rable et si difficile d accepter En ins rant de faux l ments dans ses textes Perec arrive t il peut tre tablir une distance entre ce qu il crit et ce qu il a v cu A partir de l information fausse dans ses textes il joue avec le lecteur Il peut se cacher derri re le ludique et le faux lorsque la v rit devient trop proche ou forte ou lorsqu il est trop difficile de penser aux souvenirs On a tous une tendance rire lorsque la v rit s approche dans ces moments l on peut se cacher derri re le faux Perec le dit lui
63. e Elizabeth Elle fut lev e par sa grand m re car V ra Orlova tant une cantatrice c l bre avait peu de temps pour s occuper de sa fille Elizabeth de sa part a fui la France d s qu elle en eut la possibilit et s est rendue en Angleterre pour travailler comme jeune fille au pair L elle travaillait pour un diplomate su dois Sven Ericsson Avec sa femme Ewa il avait un fils de cinq ans dont Elizabeth s occupait Un soir en juin 1953 Sven Ericsson assista la grande r ception que donnait le couple royal et Ewa Ericsson se reposa dans sa chambre Probablement sans faire expr s Elizabeth laissa le gar on se noyer pendant qu il prenait son bain Elle a tout de suite compris ce qui s tait pass et les cons quences fatales que cela allait entra ner Ewa s est suicid e le soir m me en apercevant le cadavre de son fils Sven Ericsson n est revenu que quarante huit heures plus tard ce qui donnait Elizabeth un certain temps d avance pour se cacher Comme si cet pisode n tait pas assez tragique il devient au fur et mesure presque plus incompr hensible et path tique que tragique Suite aux d c s d Ewa et de son fils le diplomate su dois d cide de consacrer tout son temps et tous ses moyens retrouver la jeune fille au pair Sous aucun pr texte il ne laisserait Elizabeth chapper l incident quoi que cela lui en co te Je jurai alors de consacrer ma vie ma fortune et mon intellig
64. e 23 juin 1975 presque huit heures du soir le trou noir de la seule pi ce non encore pos e dessine la silhouette presque parfaite d un X Mais la pi ce que le mort tient entre ses doigts a la forme depuis longtemps pr visible dans son ironie m me d un W ibid p 578 Le puzzle dont il s agit constitue seulement le 439 puzzle et Bartlebooth n aurait jamais r ussi le terminer puisque la pi ce restante n avait pas la m me forme que le trou noir Le narrateur pose la question de savoir si Bartlebooth aurait pu mener son projet terme en excluant les petits d calages temporels du programme Autrement dit si Bartlebooth avait pu se permettre d assouplir le r glement strict du projet il n aurait peut tre pas chou Rien de cela ne l aurait aid selon le narrateur L chec global revenait Bartlebooth lui m me qui ne parvint pas mener terme sa tentative en respectant les r gles qu il s tait donn es ibid p 462 Le narrateur implique t il ici que c est dans le troisi me principe directeur du projet que se trouve une des raisons pour lesquelles le projet fait faillite Comme nous Pavons vu dans le premier chapitre Bartlebooth a d r organiser la destruction rituelle des aquarelles cause du critique d art Beyssandre Au lieu de les d truire dans le lieu o les aquarelles furent peintes elles seront jet es dans un incin rateur 60 3 1 5 3 Pourquoi W
65. e Winckler ou de Bartlebooth est le ma tre de l autre celui qui d ploie tant d obstination renouvel e et de talent pour pi ger Bartlebooth ou celui qui impose le contrat et voue au n ant le travail et la subtilit de Winckler quinzaine apr s quinzaine ibid 1 Nous ne sommes pas tout fait d accord avec ce que Burgelin crit ici et quand il crit qu en m me temps se met en place un tonnant rituel sado masochiste c est un redoutable dialectique du ma tre et de l esclave qui se noue entre Gaspard Winckler le fabricateur de puzzles et celui qui devient son partenaire solitaire Burgelin 1988 189 Mais pour qu une telle signification soit juste il faudrait que Bartlebooth soir plus pr sent dans le texte Actuellement selon notre impression le narrateur le pr sente comme une figure qui pr f re rester seul chez lui qui n a pas besoin ni envie de se lier avec d autres 56 Leur relation est donc d crite comme semblable celle entre un ma tre et une esclave mais on ne sait pas qui de Winckler ou de Bartlebooth est le ma tre de l autre Ensuite Burgelin poursuit en crivant que Ce n est que lorsqu il est absorb par la ruse de Winckler que Bartlebooth s prouve passionn ment vivant de m me verra t on Winckler sombrer dans la d pression et la mort quand il cessera de construire ses pi ges pour Bartlebooth ibid p 23 D apr s ce que nous venons de voir nous
66. e ce th me sont trait s Nous aurions alors pu parler par exemple de la solitude comme th me puisque le r sident typique de l immeuble est solitaire plut t vieux souvent malade et alit L on Marcia Madame Moreau Rorschash Mademoiselle Crespi et Olivier Gratiolet constituent tous des exemples Sinon il y a des nombreux collectionneurs qui habitent l immeuble Collectionnent ils pour remplacer quelque chose par exemple un vide Toutefois nous avons choisi de focaliser sur deux sous cat gories de ce th me vaste notamment la vengeance et le faux 3 1 La vengeance La vengeance constitue en quelque sorte une th matique surprenant dans la litt rature moderne Elle repose sur une r action primitive chez l homme il s agit de prot ger nos sentiments ou nos instincts pour ainsi dire Comme nous allons le voir la vengeance en tant que th me litt raire tait plus la mode dans la litt rature ancienne Que ce th me soit d une telle importance pour un crivain moderne et r fl chi comme Perec l tait est alors int ressant Peut tre son int r t pour la vengeance vient de l int r t pour les romans policiers Dans ce genre litt raire l intrigue principale tourne souvent autour de la vengeance Pour de nombreux habitants de l immeuble la vengeance est d une grande importance soit ils ont agi par vengeance soit ils en ont t victimes L histoire centrale du livre tourne aussi auto
67. e certaine dur e de temps Chaque s ance est une r p tition et une continuation de la pr c dente Bartlebooth semble viter tout contact possible avec autrui sa vie se d roule dans sa chambre et autour de son projet De cette mani re nous pouvons dire qu il existe hors du monde et hors du temps exactement comme chez un analyste l analyste trace en d sins rant l espace et le temps de leurs rep res un lieu qui est formule topologique d un hors monde et d un hors temps ibid p 144 De la m me mani re que l analyste cherche faire fonctionner le temps et l espace dans un certain syst me le projet de Bartlebooth cherche faire fonctionner le temps et l espace comme des coordonn es abstraites VME p 153 L objectif de l analyste est de rencontrer l autre de l couter de repr senter un tre neutre et objectif et en premier lieu d viter d avoir des pr jug s Devant les puzzles Bartlebooth rencontre ce d fi Le probl me principal tait de rester neutre objectif et surtout disponible c est dire sans pr jug s ibid p 399 Il se force de proc der avec discipline et m thode de ne pas se pr cipiter sur les pi ces ibid Ensuite apr s avoir cout le client l analyste va essayer de reconstituer les fragments il situera chaque nonc 31 dans un certain ordre pour que l image devienne compl te Le jeu de puzzle traite l
68. e de remplacer le vide Dans La Vie mode d emploi Vassouvissement de la vengeance semble tre difficile accepter Les personnages h sitent souvent mettre fin au projet existentiel qu elle est devenue Sven Ericsson en est un bon exemple plusieurs reprises il eut la chance d effectuer sa vengeance qui fut d assassiner Elizabeth Breidel N anmoins il h site car en la tuant il met fin la fois la vie de la fille la fois sa propre raison d tre H l ne Brodin de son c t est peut tre all e trop loin dans son acte de vengeance Apr s tre rentr e en France elle n ose plus mener une vie normale parce qu elle a constamment peur que son acte horrible soit d couvert Elle est devenue fr le et angoiss e Autrement dit sa vengeance a eu des cons quences impr vues pour elle m me loin de son objectif initial Ceci est aussi le cas pour Massy La vengeance contre Margay peut en quelque sorte se caract riser comme infructueuse parce qu elle a finalement apport du bonheur et de l amour Margay et Josette tandis que le sentiment de culpabilit n a jamais quitt Massy lui m me Pour ce qui concerne la vengeance de Winckler c est diff rent La haine qui est le moteur de vengeance n est pas exprim e Peut tre Burgelin a t il raison lorsqu il crit que Perec n a jamais v cu la mort mais la disparition Ainsi le chagrin n a pas pu se fixer et s ext rioriser Burgelin 19
69. e est elle dirig e Et pourquoi Comment la vengeance s effectue t elle Quelles en sont les cons quences M me la fin du roman ces questions ne sont pas tout fait lucid es l objectif de la vengeance reste vague Avant d tudier plus profond ment cette histoire de vengeance nous dirons quelques mots sur la relation entre Winckler et Bartlebooth n cessaire pour comprendre l histoire de la vengeance 3 1 5 1 La relation Bartlebooth Winckler Comme nous l avons vu travers la pr sentation des protagonistes les habitants du 11 rue Simon Crubellier pr f rent apparemment rester seuls dans leurs chambres au lieu de fr quenter leurs voisins Les personnages entrent le plus souvent en contact avec autrui cause des projets qu ils effectuent non par volont On pourrait dire que la relation avec autrui d passe rarement le stade professionnel La relation entre les deux protagonistes Bartlebooth et Winckler a aussi d but de cette mani re professionnellement Bartlebooth a fait embaucher Winckler comme fabricant de puzzles Leur rencontre remonte 1932 l ann e o Bartlebooth cherchait une personne ayant une connaissance des puzzles et qui pouvait transformer ses aquarelles en puzzles Marguerite Winckler trouva l annonce de Bartlebooth dans une revue de jeu et la montra Winckler Celui ci fabriquait alors un puzzle qui en fait satisfaisait toutes les attentes chez Bartlebooth Bartlebooth em
70. e information trompeuse VME p 19 Ensuite il est important de souligner que le jeu du puzzle n est pas un jeu solitaire mais un jeu deux chaque geste que fait le poseur de puzzle le faiseur de puzzle l a fait avant lui chaque pi ce qu il prend et reprend qu il examine qu il caresse chaque combinaison qu il essaye et essaye encore chaque t tonnement chaque intuition chaque espoir chaque d couragement ont t d cid s calcul s tudi s par l autre ibid p 20 57 En pratique cela veut dire que Winckler conna t en avance les r actions les questions et les probl mes que Bartlebooth rencontrera lorsqu il essayera de faire un puzzle C est alors autour de la forme et de la d coupe des pi ces de puzzles que la vengeance va s effectuer Winckler percevait videmment les 500 puzzles comme faisant partie d un puzzle norme Chaque aquarelle constituait une pi ce d un ensemble une pi ce qui de son c t contenait 750 pi ces De cette mani re il est vident que chacune des aquarelles demandait une m thode unique une formule diff rente du puzzle pr c dent Bartlebooth essayait d attaquer chaque puzzle sans avoir de pr jug s de rester neutre objectif et disponible en toutes circonstances Il ne fallait pas qu il cherche parmi les pi ces des l ments sp cifiques qui pouvaient constituer un souvenir et il ne devait pas se pr cipiter sur la signification d une s
71. e l Artiste majuscule Il privil gie la contrainte le registre modeste de l artisan auquel il accorde le pouvoir de produire et de produire par manipulation Dangy Scaillierez 2002 p 53 L art est donc important pour Perec mais encore plus frappant dans les uvres de Perec est l int r t pour le copiage et le faussaire en relation avec l art Entre autres dans W ou le souvenir d enfance La vie mode d emploi et Un cabinet d amateur les th mes du faussaire de la tromperie du faux sont bien importants et dans cette partie nous allons tudier comment Nous en parlerons plus de cette nouvelle la fin du chapitre 66 le faux appara t dans les trois livres sur mentionn s A ce propos il convient de donner une d finition du faux trouv e dans l ouvrage Larousse de la peinture Le faux est une uvre ex cut e ou commercialis e dans une intention frauduleuse pr cise Il peut tre soit une copie pure et simple de l uvre d un peintre ex cut e dans l intention de la faire passer pour authentique soit une uvre originale imitant la mani re de l artiste qui elle est faussement attribu e Van Montfrans 1999 p 275 D j l un des premiers textes de Perec Le Condottiere traite le th me de la falsification Le protagoniste r ve de recr er le Condottiere tableau fait par le peintre italien Antonello de Messine Le personnage principal Gaspard Winckler ach ve son uvre mais le r s
72. e terminer l analyse de deux th mes centraux en traitant les jeux A la fin nous posons la question suivante quel est l objectif du roman L objectif varie en fonction de la mani re qu on emploie en tudiant Perec alors il n y a pas une seule r ponse cette question Nous ne nous attardons par cons quent pas sur cette question pour viter que notre interpr tation soit comprise comme la seule possible Ensuite vient la conclusion qui termine le sujet de m moire M me si la pr sentation du livre et des protagonistes peut tre appartient plus l introduction nous avons choisi de les situer dans le premier chapitre par souci de clart Le roman tant fragment il peut tre difficile de s apercevoir des coh rences dans le texte y a t il vraiment un fil rouge dans le roman Si l uvre que nous analysons n a pas une structure fixe il est alors presque impossible que notre texte ait une structure fixe Tout ce qui concerne le roman se trouve donc dans les chapitres du texte pour que le lecteur se souvienne plus facilement des points dont nous avons d j parl M me si nous pr sentions les trois protagonistes dans le premier chapitre nous revenons ces personnages tout au long de cette partie 13 Chapitre 1 La vie mode d emploi 1 1 Pr sentation de La vie mode d emploi La vie mode d emploi est souvent consid r e comme le chef d uvre de Perec Le roman est constitu de 99 chapitre
73. e un tableau d un immeuble parisien s est peut tre inspir de son rapport au temps le d sir de peindre le temps pour ainsi dire Le lecteur comprend facilement que l immeuble du 11 rue Simon Crubellier l immeuble dont il est question dans La vie mode d emploi constitue le mod le du projet Les personnes qui figurent dans le tableau sont les habitants de ce m me immeuble Le tableau serait grand et Val ne s accorderait une place minuscule au milieu comme le faisaient les peintres de la Renaissance non pas une place centrale non pas une place privil gi e et significative une intersection choisie mais une place apparemment inoffensive comme si cela avait t fait comme a en passant un peu par hasard parce que l id e en serait venue sans savoir pourquoi quelque chose comme une marque dont le commanditaire du tableau aurait tout juste tol r que le peintre sign t son uvre ibid p 279 Son tableau commencerait par le cadre et l architecture de l immeuble la cage de l ascenseur les escaliers la loge de la concierge etc Son tableau serait des images en abyme le peintre serait en train de peindre le peintre et ainsi de suite jusqu l infini Le peintre dans le tableau serait entour de personnages et tout autour la longue cohorte de ses personnages avec leur histoire leur pass leurs l gendes ibid Quel est l objectif du projet de Val ne Ayant
74. ec a 3 D 2 VU W ou le souvenir d enfance d sormais abr g en W connu un grand succ s ce qui s est manifest avec la r ception du Prix Renaudot la m me ann e Ce prix consid rable encourageait Perec continuer le travail d crivain N anmoins ses activit s d crivain ne lui rapportaient pas suffisamment d argent alors de 1961 1978 il travailla comme documentaliste au Centre national de la recherche scientifique CNRS tout en continuant d crire presque chaque jour Le succ s de La vie mode d emploi lui permit finalement de devenir un crivain temps plein Pendant les dix ans de 1965 1975 la plupart des uvres perecquiennes sont crites sous une contrainte quelconque justement cause de son adh sion au groupe Oulipo en 1967 C est peut tre pourquoi Perec a longtemps t consid r comme un crivain un peu marginal W ou le souvenir d enfance 1975 fut le second roman qui lui donna un certain succ s Ce livre autobiographique apporta quelque chose de nouveau au genre car la partie autobiographique alterne avec une histoire de fiction La partie autobiographique avait d j t publi e cinq ans auparavant sous forme de feuilleton dans le magazine litt raire La Quinzaine litt raire sans que Perec ait beaucoup attir l attention des lecteurs Je me souviens 1978 fait aussi partie de son poque autobiographique Ce texte est un rassemblement des souvenirs quotidiens collectionn s
75. ehors de son appartement 37 2 2 2 2 Marguerite Winckler Nous ne pouvons pas parler de Gaspard Winckler sans mentionner sa femme Marguerite Parmi les trois personnages centraux Winckler est la seule personne qui est mari e Tout comme son mari nous ne savons rien de l origine d elle Gaspard et Marguerite se sont rencontr s dans un caf Marseille en 1939 Lui tant arriv la veille apr s avoir fini son engagement militaire elle venant juste de rentrer en France mais nous ne savons pas d o Quelques jours apr s seulement ils se sont mari s et ils s installent un peu plus tard Paris Lorsque Gaspard cet homme solitaire et myst rieux rencontre Marguerite le lecteur en prouve presque du soulagement Marguerite lui paye son caf et ses tartines beurr es et accepte de le suivre Paris Nous avons presque l impression qu elle se sacrifiait pour lui Le lecteur n a que des sentiments chaleureux envers cette femme et comme le lecteur aussi le peintre Val ne se sentit attir par cette femme douce et rieuse qui posait sur le monde un regard si limpide ibid p 300 Nous avons aussi l impression qu elle est tr s g n reuse Par exemple lorsque Val ne avoue qu il l aime au lieu de le r primander en quelque mani re elle lui donne un ineffable sourire ibid p 301 En lisant la description de Val ne propos de Marguerite nous devenons contents pour Gaspard qu il ait trouv ce
76. einrich K rz Puis au moment o le lecteur pense que toutes les nigmes dans la nouvelle sont r solues la nouvelle se termine sur ces mots surprenants Des v rifications entreprises avec diligence ne tard rent pas d montrer qu en effet la plupart des tableaux de la collection Raffke taient faux comme sont faux la plupart des d tails de ce r cit fictif con u pour le seul plaisir et le seul frisson du faire semblant ibid p 85 Le lecteur se sent presque tromp surtout parce que la nouvelle contient autant d informations cr dibles entre autres des dates des chiffres et des noms qui ensemble rendent la nouvelle tr s vraisemblable Mais d un coup le narrateur r veille le lecteur et ce dernier comprend qu il a t leurr et incit entrer dans un faux univers 76 Les exemples ci dessus montrent que plusieurs figures perecquiennes apparemment sont attir es par le faux Pour en donner un autre exemple chaque fois que le lecteur rencontre Gaspard Winckler il est en relation avec le faux Dans Le Condotti re Gaspard Winckler est un faussaire qui choue lorsqu il essaie de fabriquer un nouveau Condotti re d Antonello de Messine dans W Gaspard Winckler est un faussaire par rapport son nom et finalement dans La vie mode d emploi Winckler est la fois un artisan artiste qui se contente de copier des motifs et un cr ateur de puzzles qui donne toujours une image fausse Dans ce
77. elle ne l est aujourd hui Les trag dies grecques traitent dans une grande mesure la vengeance comme th me central Nous pouvons par exemple mentionner l histoire de M d e son mari Jason l avait r pudi e pour une autre femme et pour se venger elle gorgea ses deux enfants et empoisonna la nouvelle pouse de Jason Les sagas islandaises traitent galement de vengeance o la vendetta est constitu e comme une obligation pour maintenir l honneur de la famille L Ancien Testament d fend de son c t la mentalit d il pour il dent pour dent La vengeance sert en quelque sort r tablir la balance entre deux partis La vengeance s effectue de plusieurs mani res mais peut tre pouvons nous dire que l objectif principal est d emp cher que l offenseur r it re ses actions et fasse du mal dans l avenir En introduisant La vie mode d emploi nous avons dit que plusieurs personnages ont effectu ou sont en train d effectuer des projets Les histoires de vengeance contenues dans le texte on ceci en commun qu elles deviennent une sorte de projet un projet qui occupe quasiment tous les aspects de la vie des personnages impliqu es Une vengeance suppose que le vengeur ait une bonne m moire le pass restant apparemment inoubliable Selon Isabelle Dangy Scaillierez auteur du livre Perec et l nigme criminelle c est la mort qui a le dernier mot dans une vengeance M me si le vengeur s en tire viv
78. ence me venger VME p 183 Le su dois ne l avait vue qu une seule fois et puisque Elizabeth avait travaill sous pseudonyme il lui fallut presque un an pour d couvrir l identit de la fille qu il allait tuer Mais cela ne le d courageait pas tant diplomate Ericsson avait les moyens et les excuses pour mener des enqu tes l une plus absurde que l autre Il chargea plusieurs agences de d tectives priv s de retrouver la fille peu importe que a soit en France ou ailleurs Ayant enfin relev l identit de la fille il lui fallut encore trois ans pour retrouver sa trace et pendant ce temps il organisait plusieurs exp ditions arch ologiques plus fictives les unes que les autres ibid p 186 48 Six ans se pass rent avant que qu il ne puisse assouvir sa vengeance et entre temps Sven Ericsson v cut une vie plus malheureuse que jamais la fin de l ann e mille neuf cent cinquante six je pi tinais toujours et j avais d pens plus de trois quarts de ma fortune j avais vendu tous mes titres toutes mes terres toutes mes propri t s Il me restait ma collection de tableaux et les bijoux de ma femme Je commen ai les disperser l un apr s l autre pour continuer payer les arm es d enqu teurs que j avais lanc es aux trousses de votre fille ibid A plusieurs reprises Sven Ericsson arriva retrouver la trace d Elizabeth mais chaque fois il h sitait
79. er veut apprendre Bartlebooth voir autrement De cette 88 m me mani re Perec cherche peut tre faire lire le lecteur d une autre mani re Le lecteur ne doit pas se polariser sur un seul d tail ou sur un seul personnage En ayant l esprit ouvert le lecteur serait peut tre plus dispos pour ce qui est racont et pour sortir du labyrinthe Au risque de dire une banalit nous pouvons peut tre dire que d une mani re plus g n rale la vie est un puzzle en soi Chaque personne est en possession de certaines pi ces avec lesquelles elle peut jouer et c est nous m mes de relier ces pi ces en une image compl te si possible Le plus souvent il n est peut tre pas possible de se servir de toutes les pi ces et l image laquelle nous aspirons aura par cons quent quelques trous a et l N anmoins il est bien possible d apercevoir la vue d ensemble de voir quoi elle ressemble Il faut voir autrement dans les situations o cela est n cessaire Perec insiste sur le fait que le jeu du puzzle consiste apprendre voir autrement Bartlebooth devait voir autrement ce que fallacieusement l autre lui donnait voir VME p 400 Cela implique peut tre qu on ne devrait pas suivre une m thode fixe sans aussi tout le temps consid rer d autres possibilit s On ne devrait pas se forcer suivre un syst me identique chaque fois C est peut tre ici que Bartlebooth
80. erec est un crivain tr s fascinant simple lire et qu il aurait m rit d avoir un public plus large qu il n a aujourd hui Une lecture oulipienne n arrive peut tre pas capter les m mes aspects qu une lecture th matique car ce sont deux types d approches diff rents Justement parce que nous avons l impression qu une lecture oulipienne pr domine dans la majorit des tudes consacr es Perec nous avons choisi d aborder Perec diff remment travers une lecture th matique Dans ce travail nous avons donc essay de mettre jour des aspects nouveaux partir d une tude des personnages des histoires et des th mes pour donner une image plus compl te de l crivain Perec Nous avons vu que beaucoup d histoires dans La vie mode d emploi sont en m me temps tristes et amusantes et elles sont la limite de l absurde Elles d crivent diff rents projets que les habitants de l immeuble ont effectu s au cours de leur vie M me si ces id es peuvent sembler absurdes pour le lecteur ils ne le sont pas pour les personnes qui les effectuent Au 94 contraire ces devoirs impos s par les personnages eux m mes semblent assurer la raison de leur existence Perec laisse ses personnages se r aliser travers leurs id es fixes qui les occupe Btartlebooth est un exemple son programme de puzzle semble tre absurde pour autrui mais son projet constitue en quelque sorte sa ra
81. eront en un manuscrit de trois cent pages Ses recherches l amen rent un peu partout en Europe et occup rent tout son temps Le professeur re ut une copie lorsque le manuscrit fut fini Dinteville s attendit des r actions favorables mais le professeur discr dita malheureusement son travail l appareil critique t moignait de l immaturit du jeune chercheur ibid p 559 Or dans les ann es suivantes le professeur LeBran Chastel publia le manuscrit que Dinteville lui avait envoy Dans une seul note le professeur remerciait le docteur Bernard Dinteville d avoir bien voulu lui communiquer cet ouvrage de son anc tre ibid p 560 Victime de plagiat Dr Dinteville dut continuer comme m decin et quand il ne travaillait pas il r vait de faire associer son nom une recette de cuisine 3 2 3 Un cabinet d amateur Nous ne pouvons pas parler de faux sans mentionner la derni re nouvelle crite par Perec Un cabinet d amateur Dans ce texte le faux est un th me omnipr sent Cette nouvelle fragment e raconte l histoire d Hermann Raffke un collectionneur d art Dans sa collection on trouve l uvre dite c l bre Un cabinet d amateur peinte par Heinrich K rz C est une uvre dans laquelle plus de cent tableaux sont rassembl s Ce sont tous reproductions l g rement modifi es par rapport l uvre originale Et ces reproductions sont elles aussi l objet d une mise en abyme
82. es de Winckler Burgelin pose alors la question de savoir si Bartlebooth ex cute une sorte de vengeance muette l gard de l art supposant que l art laisse des traces quelconques Alors peut tre Winckler cherche t il se venger de Bartlebooth Une raison possible de la vengeance de Winckler est que Bartlebooth m connait ses travaux Il impose ses r gles et ses lois Winckler et a maintenu sadiquement Winckler dans une d pendance presque interminable il faut qu il Winckler meure pour qu elle s arr te ibid p 40 Le contrat joue encore un r le central Winckler est le fabricant des puzzles mais sa cr ativit artistique ne rencontre aucun cho chez Bartlebooth Nous savons que Bartlebooth ne terminera jamais les puzzles et que le dernier principe ne fonctionne pas comme pr vu Il reste des traces des uvres de Bartlebooth et de Winckler L art gagne la vengeance de Winckler triomphe de Bartlebooth Apparemment c est quand m me la vengeance avec ce qu elle suppose de haine d offense ressentie sans doute m me d honneur bafou qui triomphe Gaspard 63 Winckler l humili l exploit celui dont la cr ativit et les talents sont m connus et m semploy s se venge de ce d brouilleur de puzzles et d nigmes glac distant tyrannique silencieux rigide et surtout m prisant et arrogant ibid 3 1 6 Perec et la vengeance Georges Perec perdi
83. es m mes d fis l objectif est de reconstituer les l ments en une image enti re Ce n est par ailleurs peut tre pas par hasard que Perec se rapporte la Gestalt th orie dans le pr ambule de La vie mode d emploi pour expliquer l art du puzzle tant un courant en psychologie qui concerne les th ories de la forme selon le Petit Robert la connaissance du tout et de ses lois de l ensemble et de sa structure ne saurait tre d duite de la connaissance s par e des parties qui le composent ibid p 17 2 2 Gaspard Winckler Un autre personnage central dans La vie mode d emploi une figure qui d ailleurs est centrale dans plusieurs uvres de Perec est Gaspard Winckler Depuis 1960 Perec avait une id e d un texte qu il allait intituler Gaspard mais ce texte n a jamais t dit ni men bien la place de ce livre il existe un manuscrit intitul Le Condottiere dans lequel un certain Gaspard Winckler figure comme personnage principal Selon la biographie de David Bellos Georges Perec une vie dans les mots le personnage de Gaspard Winckler fait r f rence au po me Gaspard Hauser chante de Verlaine Ce po me son tour se r f re l histoire myst rieuse de Kaspar Hauser francis en Gaspard Celui ci tait un jeune Allemand qui soudain apparut Nuremberg Allemagne en 1828 Il ne parlait gu re et gesticulait les mots d une fa on plut t incompr hensible Ce gar
84. est ce que fait l avocat de Madame de Beaumont Il soup onne que la femme de m nage cache une information importante et apr s qu il avait parl le myst re est r solu La m re d Elizabeth avait charg un avocat de d chiffrer l nigme parce que la police n tait pas capable de mener bien l enqu te sur le meurtre de sa fille De la m me fa on que Sven Ericsson est devenu presque obs d par sa vengeance l avocat Salini n eut pas de repos avant que l nigme soit r solue Dans cet exemple nous voyons que la vengeance est devenue un projet en soi Sven Ericsson met six ans de sa vie ainsi que sa fortune enti re se venger d Elizabeth Et lorsqu enfin Elizabeth se trouve sa port e c est comme s il avait peur de mettre un terme son projet de 49 vengeance Car en tuant Elizabeth il met aussi fin au projet existentiel que la vengeance est devenue Il n aurait rien faire puisque sa fortune ses terres son int grit pour ainsi dire ont disparu Par cons quent il sait qu il doit se suicider apr s l assassinat d Elizabeth parce que sa disparition laissera un vide qu il ne pourra jamais combler L histoire de cette vengeance a des cons quences pour plusieurs personnes les deux filles d Elizabeth grandissent sans jamais conna tre leurs parents Sven Ericsson a d tuer la fois Elisabeth et la fois son mari Fran ois Breidel La m re d Elizabeth Madame de Beaumo
85. eule pi ce Il devait laisser c t la passion et le r ve et proc der avec patience et une rigueur cart sienne 1bid p 398 Bartlebooth essayait toujours de proc der selon un certain ordre diviser les probl mes pour mieux les r soudre les aborder dans l ordre liminer les combinaisons improbables ibid D j ici il a commis une faute car un puzzle ne peut pas tre r solu l aide d analyse et de classement Au contraire il faut essayer de voir autrement ce que fallacieusement l autre lui donnait voir ibid p 400 principe principal pour Winckler en ce qui concerne les puzzles Pour un homme dont la vie s est d roul e comme un projet pr destin nous pouvons nous imaginer que cette mani re de penser pose certains d fis Les exp riences qu il avait accumul es au cours des ann es de voyage ne lui serviraient rien Un peu d imagination au contraire l aurait peut tre aid Bartlebooth peut sans doute tre caract ris comme un homme qui est peu flexible et qui manque d esprit innovateur Aborder 500 puzzles chaque fois d une nouvelle mani re lui pose assur ment des probl mes En plus il ne peut pas se permettre d abandonner le travail car il y a toujours une nouvelle bo te noire qui l attend Deux fois par mois un nouveau puzzle arrive c est dire qu il a deux semaines sa disposition avant l arriv e d un autre Le plus souvent ces deux se
86. eur dans les cent cases de la m me fa on qu un cavalier du jeu d checs se d place c est dire un d placement de deux cases verticalement suivi d un d placement d une case horizontalement ou inversement Ces d placements d terminent le nombre et l ordre des chapitres La Vie mode d emploi raconte alors les histoires des personnes qui ont ce grand immeuble comme domicile A partir d un appartement dans l immeuble le lecteur sera pr sent la personne qui y habite actuellement ou qui y habitait autrefois Les histoires racont es des personnages m nent le lecteur d autres lieux d autres pays d autres poques m me Une Esp ces d espaces est un petit livre publi en 1974 livre dans lequel Perec traite les questions concernant l espace Le probl me n est pas d inventer l espace mais de l interroger ou plus simplement encore de le lire Le quatri me de la couverture d esp ces d espaces 14 histoire prend place par exemple au XIXe si cle tandis qu une autre histoire peut se d rouler sur plusieurs continents Les habitants viennent de toutes couches sociales vieux ou jeunes hommes et femmes riches ou pauvres travailleurs ou ch meurs bref ensemble ils repr sentent un chantillon de n importe quelle soci t ou ville Leur seul point en commun est l adresse 11 rue Simon Crubellier Chaque histoire racont e peut se caract riser com
87. eur de ce texte raconte comment sa vie au travail a chang apr s qu il a engag un certain monsieur nomm Bartleby Le narrateur est un homme d affaires situ en plein c ur de Wall Street qui engage Bartleby pour recopier des textes et des documents d affaires Au d but Bartleby appara t comme un homme tranquille fid le son devoir et efficace Bref le narrateur croit qu il a trouv l homme parfait pour ce travail de recopiage Cependant au fur et mesure que le temps passe Bartleby refuse de travailler I would prefer not to r pond il aux questions qu on lui adresse Le narrateur se trouve enfin forc de quitter la fois son bureau et la fois Bartleby mais ce dernier ne montre aucun signe de vouloir quitter le bureau Bartleby s est en fait install dans son bureau il y vit et il y dort Une fois de plus le narrateur se trouve forc d agir et sur sa demande la police vient et am ne Bartleby en prison L il continue de vivoter sans manger bouger ou agir chaque nonc dirig vers lui il r pond de la m me mani re I would prefer not to ou en fran ais Je ne pr f rerais pas Apr s sa mort l ancien employeur partage une rumeur qu il a entendue avec le lecteur Bartleby aurait travaill dans le d partement de Service de Lettres au rebut Ce sont des lettres qui ne trouvent jamais leur destinataire Messages de vie ces lettres coururent vers la mort Melville 185
88. eut deux ventes Raffke organis s par ses h ritiers le neveu Humbert Raffke tant en t te Les ventes attir rent les plus fameux collectionneurs de la c te est accompagn s de leurs conseillers et la plupart des directeurs des grands mus es am ricains ibid p 71 Les tableaux vendus atteignirent donc des sommes exorbitantes Quelques ann es plus tard les acheteurs des tableaux re urent une lettre sign e d Humbert Raffke Dans la lettre il les informa que tous les tableaux taient faux et qu il en tait l auteur Humbert Raffke l ve l cole des Beaux arts Boston avait montr la collection d art de son oncle et p re adoptif un de ses professeurs Sa conclusion fut d courageante toutes les uvres dans la collection taient fausses Hermann qui avait consacr norm ment de temps et d argent agrandir sa collection d cida de se venger A l aide entre autre de Humbert Raffke et de Lester Nowak il avait mis sur pied l op ration qui devait lui permettre des ann es plus tard et m me apr s sa mort de mystifier son tour les collectionneurs les experts et les marchands de tableaux ibid Le peintre Heinrich K rz n existait donc pas l origine d Un Cabinet d amateur tait Humbert Raffke La r ussite de cette op ration repose probablement entre autres sur la capacit entourer les uvres d une ambiance de myst re et de cr er des secrets autour du peintre H
89. ff rence entre ces deux hommes est claire l un plus riche qu on ne peut se l imaginer l autre sans ducation et si pauvre et qu il doit se contenter d un travail quelconque Vu de pr s ce n est peut tre pas si anormal que Winckler se sente humili la pens e de devoir travailler pour un tel homme autrement dit qu il est tout fait d pendant d un tel homme Il est aussi possible que tous les d c s autour de Winckler se soient manifest s en lui comme de la haine Peut tre une vengeance peut elle l aider remplir le vide qu il sent apr s la perte de tous ceux et celles qu il a connus et perdus Ainsi lorsqu il rencontre Bartlebooth un homme auquel l argent ne pose aucun probl me se peut il que cet homme l irrite tellement qu il d cide de le punir Winckler a eu une vie remplie des liens coup s et cela doit n cessairement avoir de l impact sur une personne Il n a jamais vu son enfant grandir ni vu sa femme ou ses parents vieillir Il n a pas non plus pu trouver sa s ur et son mari Sa vie para t elle tre une vie incompl te ou inachev e C est comme si rien n avait t comme Winckler l a imagin e La vengeance fonctionne peut tre comme un remplacement d un vide comme un projet qu il va pouvoir suivre et finir jusqu au bout Une autre raison possible pour laquelle Winckler cherche se venger de Bartlebooth se trouve peut tre dans le troisi me principe d
90. fin de renoncer ses destructions rituelles A partir de maintenant avril 1975 les aquarelles furent remises dans la bo te noire de Madame Hourcade et jet es dans un incin rateur N anmoins comme nous le savons Bartlebooth ne terminera jamais le 23 puzzle qu il commencerait cette semaine donc cette d cision fut la fois tardive et inutile ibid p 511 Il y a tout lieu de croire que Beyssandre tait l homme derri re ce crime Personne n eut plus jamais de nouvelles de Beyssandre Outre des figures mentionn es ci dessus il y a surtout deux personnes auxquelles Bartlebooth devient particuli rement li le fabricateur de puzzle Gaspard Winckler et celui qui lui apprend l art de l aquarelle Serge Val ne Une fois en janvier 1925 Bartlebooth est venu voir Val ne Il lui demanda s il pourrait lui apprendre l art de l aquarelle une le on quotidienne pendant dix ans Pour Val ne qui avait du mal joindre les deux bouts cela mettrait fin ses probl mes financiers et il accepta Le peintre habitait d j 11 rue Simon Crubellier et pour ne pas perdre de temps en allant aux cours Bartlebooth s acheta un appartement dans le m me immeuble Bartlebooth tait un homme sans aucun talent artistique et Val ne fit de son mieux pour lui apprendre la technique et le corriger afin d veiller un talent ventuel votre place la plupart de mes l ves se seraient d courag s depuis
91. force notre impression de l immeuble dont il est question dans La vie mode d emploi comme un peu raide peut tre Val ne fit la m me observation propos du tableau qui allait pr senter l immeuble L id e m me de ce tableau qu il projetait de faire lui faisait l effet d un mausol e grotesque VME p 164 Les dialogues aident normalement donner l impression d une vitalit dans un texte Donc quand il n y en a pas il est peut tre plus difficile pour le lecteur de s imaginer le texte comme vivant Un trait caract ristique de La vie mode d emploi est justement un manque de vitalit renforc peut tre par l absence des dialogues Nous parlerons plus de Val ne dans le chapitre 2 Remarquons seulement que Perec s est servi d un pseudonyme une seule fois en 1959 notamment sous le nom de Serge Val ne 19 Chapitre 2 Les protagonistes Dans La vie mode d emploi norm ment de personnages apparaissent ma connaissance il y a entre 1500 et 2000 noms diff rents mentionn s Certains ne sont mentionn s qu une fois d autres apparaissent r guli rement tout au long du livre Justement cause du sous titre Romans il est clair qu il est difficile de dire qu il y a un ou plusieurs personnages principaux car il n y a pas une histoire qui est plus importante qu une autre Toutefois nous pouvons peut tre dire qu il y a une histoire qui domine le livre une histoire
92. heva comme pr vu le dernier puzzle L artisan ne cessa cependant pas de travailler apr s avoir accompli cette t che Il continuait de fabriquer avec la plus grande pr cision des petits objets inutiles des petits jouets en bois des cubes pour les enfants et puis des bagues appel es anneaux du Diable par les Turcs VME p 52 Ces bagues taient en effet aussi une sorte de puzzle et parmi les plus difficiles qui soient selon Winckler ibid Les bagues de Winckler taient cependant diff rentes de celles produites par les Turcs L admirable dans les bagues de Winckler tait que les anneaux une fois entrelac s m nageaient sans rien perdre de leur stricte r gularit un minuscule espace circulaire dans lequel venait s ench sser la pierre semi pr cieuse qui une fois sertie serr e de deux minuscules coups de pince fermait pour toujours les anneaux C est seulement pour moi dit il un jour Val ne qu ils sont diaboliques Bartlebooth lui m me n y trouverait pas redire ibid Nous nous r f rons Burgelin pour essayer d expliquer cet nonc Celui qui pi gent diaboliquement les anneaux du Diable c est celui l m me qui les confectionne et ce traquenard m me le plus comp tent des analystes de puzzles peut ne pas le voir Burgelin 1996 35 Autrement dit m me Bartlebooth ne serait pas capable de les ouvrir Burgelin crit aussi qu il faut peut tre no
93. i chaque jour descend au caf de Monsieur Riri pour jouer une partie de jacquet avec Morellet Il y a Smautf qui apr s avoir rencontr un math maticien au d but de ses voyages a eu un go t pour les quatre op rations arithm tiques Il a commenc par le calcul mental et il tait capable d extraire des racines carr es ou cubiques de nombres de neuf chiffres avec une relative rapidit VME p 84 Ensuite il s est adonn aux factorielles Son probl me actuel c est qu il ne trouve pas de papier au format suffisant pour crire les chiffres Nous le trouvons toujours en train d crire 85 des chiffres un peu partout sur des dos d enveloppes des marges de carnets de papiers de bouchers Un autre exemple est le tueur de mots Cinoc un obs d de mots et qui les tue pour faire place aux nouveaux mots dans les dictionnaires 1l limine tous les mots qui ne sont plus utilis s ou qui ont perdu leurs sens Et si nous ajoutons les collectionneurs aux joueurs la liste de joueurs dans l immeuble se prolonge encore Cinoc est aussi un collectionneur de mots parce qu il veut conserver et rassembler les mots qu il a tu s dans le dictionnaire pour sauver des mots simples qui continuaient encore lui parler ibid p 349 L antiquaire Madame Marcia est par exemple en possession d une collection de montres Smautf de son c t est revenu de ses voyages avec trois collections
94. i est arriv au vrai Gaspard Winckler ni si le faux Winckler effectue jamais en fait la mission 2 2 2 Gaspard Winckler dans La Vie mode d emploi Nous retrouvons le personnage de Gaspard Winckler aussi dans l uvre majeure de Perec La vie mode d emploi Encore une fois l apparition de cet homme est un peu myst rieuse En L h tel o le rendez vous eut lieu se situait dans Nurembergstrasse Remarquons alors la ressemblance entre la ville Nuremberg o Gaspard Hauser apparut et le nom de la rue de l h tel indiqu par Otto Apfelstahl 34 fait tout au long du roman il y a une sorte d nigme qui entoure son personnage Le lecteur n arrive pratiquement jamais ni le saisir ni le comprendre Au moment o le roman d bute le 23 juin 1975 Winckler est mort il y a environ deux ans Pourtant ce d c s ne l emp che pas de continuer avoir un impact sur la vie de Bartlebooth et ainsi indirectement sur ceux qui sont impliqu s dans le projet de I Anglais M me s il fait naturellement partie des protagonistes du texte nous n arrivons pas le conna tre car tr s peu est dit par rapport son enfance et ses origines la ressemblance des autres personnages de Gaspard Winckler Gaspard Winckler dans La vie mode d emploi est orphelin Un certain Monsieur Gouttman avait pris soin de Winckler apr s la disparition de ses parents Apr s sa mort Winckler se rend dans sa ville natale La
95. inckler se venge t il Gaspard Winckler organise une vengeance qui dure et dure et qui ne se termine pas sa mort Il est probable que la planification de la vengeance commence au moment o il est embauch comme faiseur de puzzle par Bartlebooth et c est alors Bartlebooth qui devient la victime de la vengeance longue et minutieuse de Winckler Mais pourquoi Winckler s est il veng sur Bartlebooth A partir du texte il n est pas vident que Bartlebooth devienne la victime de la vengeance de Winckler Comme voqu dans la partie pr c dente partir du livre il n y a aucun indice que Bartlebooth a mal agi envers Winckler bien au contraire Alors la raison pour laquelle la vengeance de Winckler se dirige envers Bartlebooth se trouve peut tre dans la mentalit des deux personnes dans ce qui a faire avec la psychologie Pourtant c est un champ qui va en dehors de notre objectif ici et en dehors de nos capacit s Nous allons donc seulement vaguement essayer d esquisser quelques hypoth ses et propositions pour expliquer la vengeance dans ce qui suit Winckler eut une enfance sombre et dure premi rement cause de ses parents qu il a perdus tr s jeune son p re est mort pendant la Grande guerre et sa m re a fui au Caire D s l ge de douze ans un certain Monsieur Gouttman l a pris comme apprenti Ce monsieur fabriquait des articles de pi t notamment des croix des m dailles et des chapelets Il
96. ire totalement dispara tre de l aquarelle reconstitu e les traces de d coupure Et tout cela racont par un troisi me personnage le narrateur qui est cens peindre la maison Magn 1989 p 66 Dans un autre entretien Perec apr s avoir mentionn Val ne comme le vieux peintre qui donne l histoire de la maison ajoute Il y a enfin ce quatri me personnage qui n appara t jamais le narrateur ibid p 67 Perec se contredit alors lui m me en disant cela Mais m me si Perec ne semblait pas tre tout fait s r de d identit du narrateur il est vraisemblable que Val ne ne remplit pas compl tement ce r le Dans l pilogue du roman le lecteur apprend que le tableau du peintre n a gu re t commenc Rien n est peint et nous devons alors tirer la conclusion qu il n y a aucun rapport entre ce qui est narr dans La vie mode d emploi et le projet du tableau de Val ne Le narrateur du texte appara t travers d une voix qui s exprime sous le pronom personnel nous Il est n anmoins impossible d identifier ce nous Magn dans son article affirme que ce pronom personnel peut se comprendre de plusieurs mani res nous pronom fortement polys mique pouvant quivaloir tant t je tant t je tu tant t je il ibid p 65 Le narrateur est l objet d une d stabilisation et cause donc une h sitation chez le lecteur Cette voix
97. is Environ un jour tait donc consacr au travail de l aquarelle Le restant de son s jour Bartlebooth 24 rendait visite au consul d Angleterre s il y en avait un ou une autre notabilit locale Puis il tait temps de quitter le port et d en trouver un autre Les ann es de voyage furent termin es en 1955 et Bartlebooth rentra alors dans son appartement Paris La premi re bo te noire contenant des pi ces de puzzle l attendait suivie d une autre bo te identique quinze jours plus tard Au d but Bartlebooth aima beaucoup le travail de puzzle De reconstituer les pi ces en une aquarelle qu il avait peint vingt ans auparavant lui plaisait Les puzzles n taient pas trop difficiles et il avait du temps libre pour s amuser Pourtant les deux derni res ann es de sa vie il ne sortit quasiment pas de chez lui C taient les puzzles qui demandaient presque toute son attention ils taient devenus de plus en plus difficiles au cours des ann es Il avait interdit qu on le d range mais au moindre signe de vie Smautf et la bonne H l ne se tenaient pr ts pour lui rendre service Toutefois la plupart du temps Bartlebooth restait enchain sa table ibid p 404 et essayait de reconstituer les puzzles sous la lumi re intense d un scialytique lampe qu on utilise dans les salles d op ration Les puzzles n taient plus que les pions biscornus d un jeu sans fin dont il avait fini
98. ison d tre Winckler a aussi t impliqu dans le programme de puzzle mais partir du travail de Bartlebooth Winckler a d velopp sa propre mission notamment la vengeance envers Bartlebooth La vengeance devient l occupation principale de Winckler pendant plus de vingt ans Et Winckler n est pas la seule figure perecquienne pour qui la vengeance est devenue une vocation vie Dans ce travail nous avons mentionn plusieurs personnages dans La vie mode d emploi et nous avons aussi parl d Un cabinet d amateur nouvelle dans laquelle le personnage principal organise une vengeance en y impliquant plusieurs personnes entre autres son fils Dans ces deux textes la vengeance est un projet qui devient une occupation l mentaire pour les personnages La vengeance devient obsession qui doit se r aliser co te que co te La vengeance n est peut tre pas le th me principal du livre mais c est un des deux th mes sur lequel nous avons choisi de focaliser Autrement dit la vengeance et le faux constituent notre point de d part pour une lecture th matique de La vie mode d emploi Nous avons montr que la vengeance se r alise d une mani re particuli re chez Perec en comparaison avec la r alisation de ce th me dans la litt rature classique normalement le vengeur ou la vengeresse termine la vengeance avec satisfaction Le sentiment de haine est primordial pour qu il y ait une vengeance en premier lieu Chez Perec c
99. it en France Son neveu la laissa habiter dans un petit appartement dans l immeuble h rit par son p re Elle passa les douze ans restant de sa vie en ayant peur que la police la trouve et l arr te mais jamais la Justice am ricaine n osa imaginer que cette petite femme fr le avait pu tuer de sang froid trois voyous pour lesquels elle trouva sans peine des assassins bien plus plausibles ibid p 486 3 1 4 Massay et Margy Une autre histoire remarquable de vengeance est l histoire du bourrelier de sa s ur et de son beau fr re Le bourrelier Albert Massy d couvrit l ge de seize ans qu il tait un cyclise exceptionnel capable de ma triser tous les aspects qui du cyclisme Il tait la fois un bon grimpeur rapide en sprint ainsi qu excellent au train et l attaque Bref Massy avait toutes les possibilit s de devenir un champion mondial si seulement il n avait pas cass sa fourche lors d une chute la suite d un virage d rap Il fut aussi victime de plusieurs circonstances d favorables par exemple lorsque sa performance et son record ne furent pas homologu s Il subit les cons quences et renon a au cyclisme professionnel N anmoins il n tait pas capable d abandonner du cyclisme et il devint entra neur ou pacemaker pour un jeun gar on 52 En d pit du succ s de Lino Margay Massy ne supportait pas les acclamations que le public adressait au jeun gar on et non
100. k Et l aide des mensonges bas s sur le faux Madame Altamont se venge sur son mari Le cin aste Rorschash qui figure dans La vie mode d emploi aimerait bien se venger sur un homme qui s appelle Schlendrian Mais lorsqu il le recherche il apprend que Schlendrian n a jamais exist Il y avait un g n ral Schlendrian pendant la guerre de 1870 mais celui ci est mort depuis longtemps et il n a pas laiss de descendants Alors Rorschash ne r ussit pas se venger justement parce que le faux l emp che d agir Pour ce qui concerne Perec est 80 ce qu il se venge Si oui y a t il un rapport entre sa vengeance et le fait qu il s int resse au faux dans ses uvres Nous tudierons ces questions dans ce qui suit 4 2 Perec et le faux Perec en tant que narrateur se sert aussi du faux dans ses uvres Dans le post scriptum de La vie mode d emploi il crit Ce livre comprend des citations parfois l g rement modifi es de Ren Belletto Hans Bellmer etc Il copie entre autre des crivains des dictionnaires des catalogues etc sans les citer M me l index de La vie mode d emploi contient de faux l ments Parfois il y appara t des noms qui n existent pas dans le texte parfois les pages auxquelles les noms font r f rence sont fausses elles aussi Chaque chapitre est suivi d un nombre par exemple Beaumont 1 et Beaumont 3 Mais o se trouve le chapitre Beaumont 2 Ceci pour dire
101. l ne vient interrompre le r cit de cette mani re ainsi que pour dispara tre et r appara tre un peu plus tard C est comme si le narrateur prenait en consid ration le fait que Val ne est le r sident le plus vieux de l immeuble et c est comme si le narrateur avouait que celui ci conna t certains aspects mieux que le narrateur lui m me Il laisse donc Val ne guider le lecteur autour de l immeuble et l aide de ses pens es et de son tableau le lecteur comprend peut tre un peu plus ce qui se cache dans l immeuble 2 3 1 Le tableau En parlant du tableau de Val ne le narrateur crit que le peintre serait entour de ses personnages et tout autour la longue cohorte de ses personnages ibid p 279 Cette 42 phrase pose plusieurs questions premi rement qui sont ces personnages Pour illustrer ses personnages se succ dent 179 phrases qui font r f rence aux 179 personnages Les personnages dont il est question correspondent exactement aux personnages figurant dans l immeuble de La vie mode d emploi Prenons par exemple la phrase num ro six Le faiseur de puzzles s acharnant dans ses parties de jacquet phrase qui videmment se r f re Winckler le num ro 24 qui parle de Bartlebooth Le jeune milliardaire tudiant l aquarelle en knickerbockers ou bien la phrase ultime Le vieux peintre faisant tenir toute la maison dans sa toile tant bien s
102. les pi ces de puzzles sont li es les unes aux autres elles prennent un sens et le poseur de puzzle commencerait avoir une id e de l image finale L nigme est en train d tre r solue 86 La vie mode d emploi peut se comprendre comme un puzzle g ant diff rents gards Perec a justement d clar que son roman s tait construit selon le principe du puzzle La vie mode d emploi est partie de l id e d un puzzle Le puzzle a donn naissance un homme qui fabriquait des puzzles Et le livre entier s est constitu comme une maison dont les pi ces s agenceraient comme celles d un puzzle Magn 1989 p 34 Chaque appartement constitue une pi ce et l immeuble en tant qu ensemble constitue en quelque sorte l image originale du puzzle Aussi les nombreux personnages peuvent se comprendre comme des pi ces uniques Afin de comprendre le roman si cela est possible le lecteur doit se comporter comme un poseur de puzzle il faut relier un personnage un autre pour qu une histoire puisse trouver son propre sens Un exemple est l histoire de Blunt Stanley et Ingeborg Skrifter nous ne comprendrions pas la fin de leur histoire sans conna tre l histoire de la vengeance de Sven Ericsson C est indirectement par sa faute que Blunt Stanley tue sa femme parce qu en apercevant les deux hommes embauch s par Ericsson en train de surveiller l immeuble Stanley a eu si peur qu il a tir sur
103. lus de personnages Par cons quent ce sujet de m moire peut probablement se comprendre comme un point de d part pour une tude th matique DE La vie mode d emploi et des uvres perecquiennes en g n ral Il serait fortement int ressant de d velopper ces aspects et d tudier l aspect de la vengeance et du faux dans d autres uvres du m me auteur pour voir s il y a une coh rence entre les th mes et la vie personnelle de Perec Entre temps nous voulons souligner qu en tudiant Perec le plus important est de lire ses textes d une mani re personnelle c est dire de nous occuper des l ments que nous m mes trouvons int ressants Nous devons nous laisser fasciner par son imagination fantastique et par ses histoires remarquables amusantes et absurdes Mais d un autre c t il faut aussi se souvenir de la gravit des circonstances qui l ont pouss crire Et finalement en lisant Perec nous pouvons aussi nous rappeler des mots de Pierre Jourde qui dans son blog r sume la fonction de la litt rature de cette mani re A quoi elle la litt rature sert A rien on l a vue En tous cas rien d imm diatement rentable Pourtant elle a fait en partie ce que nous sommes devenus Elle donne intimement acc s l autre largit le champ de la connaissance et la profondeur de l exp rience a ne se p se pas a ne se monnaye pas mais c est essentiel www pierrejourde fr 97 Bibliographie
104. m ment de temps les fignoler et les parfaire mais le miroir m me refusa de changer son apparition et n avait rien de vivant en soi Tout simplement le miroir tait d go tant et donnait un sentiment de malveillance les autres habitants dans l immeuble n aimaient pas ses miroirs En d pit de ce travail de perfection Winckler n arrivait pas faire du miroir autre chose qu un regard m tallique un il froid grand ouvert charg d ironie et de malveillance ibid Ce regard m tallique et froid reflete t il le regard m me de Gaspard Winckler Gaspard Winckler n est 1l pas un homme froid ironique causant une situation de malaise partout o il va Le personnage homonyme dans Le Condottiere avait comme but de cr er un nouveau Condottiere d Antonello de Messine Apr s sept mois il d couvre qu il y avait peut tre une certaine ressemblance entre les deux versions mais que la sienne manquait de vie et d ardeur C est peut tre la m me d couverte que Winckler dans La vie mode d emploi fait par rapport au travail des miroirs Il fait de son mieux pour rendre ses uvres vivantes mais c est comme s il ne r ussissait jamais le faire Les miroirs de sorci re furent parmi ses derniers travaux Quatre ans avant sa mort Winckler finissait toute activit et graduellement il cessait aussi de sortir de chez lui et au cours de la derni re ann e il ne mettait pas les pieds en d
105. maines suffisent pour achever un puzzle le puzzle se compl tait dans les d lais pr vus s acheminant vers cette in luctable fin ou tous les probl mes ayant t r solus il ne restait qu une aquarelle honn te d une facture toujours un peu scolaire repr sentant un port de mer mesure qu il l avait assouvi dans la frustration ou l enthousiasme son d sir s tait teint ne lui laissant d autre issue que d ouvrir une nouvelle bo te noire ibid p 405 58 Le projet de Bartlebooth commen ait comme un projet de plaisir pour faire passer le temps Pourtant nous avons l impression que le projet est devenu un v ritable devoir ne lui laissant aucun temps pour se reposer entre deux puzzles Il ne peut pas se permettre de se donner cong cause de son emploi du temps strict Par cons quent le milliardaire devient totalement obs d par les puzzles parfois 1l reste plus de quarante heures devant le m me puzzle avant qu il arrive faire un pas en avant Les puzzles l occupent tant qu il peut oublier de dormir ou de manger Il ne s agit pratiquement plus d un projet de plaisir au contraire c est comme si le puzzle tait devenu le ma tre de son existence et que Bartlebooth faisait de son mieux pour lui ob ir Il n avait ni faim ni soif ni chaud ni froid il pouvait rester sans dormir plus de quarante heures sans rien faire d autre que prendre une une les pi ces non enc
106. me un roman avec ses personnages principaux et ses histoires centrales d o le sous titre Romans Le fil rouge du texte est par cons quent difficile percevoir y en a t 1l vraiment un Les histoires varient en fonction du temps du th me de l objectif etc Apparemment il n existe aucun trait en commun entre les personnages Frappantes cependant sont la solitude et l existence un peu morose des r sidents Un bon nombre d entre eux sont des vieillards des solitaires des malades et alit s Et comme Perec ils n ont presque jamais de famille et le lecteur a l impression que tout lien avec le pass est coup Pourtant cela ne semble pas avoir un impact sur les habitants L habitant typique de l immeuble a un projet effectuer ou il a termin son projet et n a plus rien faire Les habitants sont souvent presque obs d s par leurs projets leurs id es ou par leurs recherches L immeuble est rempli de nombreux artistes artisans collectionneurs chercheurs joueurs professeurs etc Pouvons nous soup onner que les personnages par ces activit s cherchent remplacer quelque chose ou compenser le pass Ils ne donnent pas l impression d avoir peur de se lancer dans des voyages extr mes peur de faire faillite ou d chouer Pour donner quelques exemples il y a par exemple le trap ziste qui pour se perfectionner reste sur son trap ze jour et nuit dans le train on faisait
107. mettre fin la chasse La vengeance tait devenue un projet dont il avait presque oubli la raison initiale plus il me devenait facile d assouvir ma vengeance plus j y r pugnai ibid p 189 Elizabeth Breidel de son c t lui envoyait une lettre en 1958 o elle crivit qu elle s tait rendue compte depuis longtemps d j qu elle tait sous surveillance partir de l ma vie est devenue un long cauchemar ibid p 190 Dans la m me lettre elle lui donne son adresse actuelle et dans une seconde lettre elle le supplie de venir la tuer c est maintenant ou jamais Elle avait mis au monde deux filles et elle sentait alors que le bon moment tait venu Deux jours plus tard la vengeance d Ericsson s assouvit En la tuant j ai compris que la mort la d livrait comme apr s demain elle me d livrera moi m me 1bid p 192 Et encore deux jours plus tard Sven Ericsson se suicide dans la villa o a t tu sa femme et son fils Le restant de sa fortune il l a donn aux enfants d Elizabeth Breidel Sven Ericsson avait tout expliqu dans une lettre Cette lettre serait envoy e Madame de Beaumont six ans apr s son suicide moins que quelqu un vienne parler d Elizabeth de Beaumont l ancienne femme de m nage des su dois Ericsson lui avait ordonn de garder la lettre et de ne la mentionner personne sauf donc si quelqu un en parle explicitement C
108. ne r ponse exacte Burgelin le dit ainsi Val ne s est born proposer un cadre une architecture Il n a rien peint le peintre a disparu dans l crivain Le peintre narrateur fait faux bond la peinture pour faire aussi faux bond la litt rature dont il d sagr ge certaines proc dures Burgelin 1988 p 202 Ici il importe de souligner que les 179 phrases peuvent se lire comme un po me un po me compos de soixante vers de soixante signes chacun moins la derni re strophe En mettant ensemble la derni re lettre du premier vers de chaque strophe le mot me se r v le au 10 veg Fi orid x 5 Nous avons d j mentionn trois de ces histoires qui par ailleurs parlent des m mes personnages au d but du chapitre 1 11 Zn 4 p 3 Nous avons d j discut la question du narrateur dans le premier chapitre et comme conclusion nous avons dit qu il para t vraisemblable que Val ne ne fonctionne pas comme un narrateur 43 lecteur Pour donner un exemple la derni re lettre du dernier mot dans les trois premier vers constituent ensemble le mot me Covadonga Amsterdam tage Burgelin indique qu une me c est donc aussi une pi ce cach e ou un vide un trou Le tableau de Val ne est justement constitu de vide et de blanc Ses personnages sont ils donc l image de l autoportrait de l me de Perec se demande Burgelin C est bien dans la confronta
109. nous reviendrons sur la signification des lettres dans le chapitre cinq 25 2 1 1 Mani res de comprendre Bartlebooth Le fait que Bartlebooth soit d origine anglaise a s rement une certaine importance pour pouvoir le comprendre Cela renforce l image d un homme qui appartient la bourgeoisie une figure de l establishment toujours correct poli arrogant mais aussi raffin Claude Burgelin dans le livre Les Parties de dominos chez Monsieur Lef vre crit qu il n est pas indiff rent que Perec ait fait de lui Bartlebooth un Anglo am ricain Les figures de l establishment les images de l gitimit bourgeoise style W A S P parfait m lange de courtoisie de raffinement et d arrogance sont pour lui l objet d une fascination d une jalousie et d une haine extr mes comme le prouvent de deux mani res diff rentes Les Choses et W o les fondateurs de l le olympico sadique sont des Anglo saxons Burgelin 1996 p 14 Le professeur fran ais Fr d ric Yvan fait aussi une remarque propos de l origine de Bartlebooth dans son article Figure s de l analyste chez Perec L anglo saxon ou l anglo am ricain est une figure majeure de l ethno imaginaire de Perec Cette figure associe le raffinement et la courtoisie la richesse mais c est aussi une figure travaill e par la puissance et la violence Yvan 2005 p 147 Ses v tements renforcent l image d un homme ais Il por
110. ns la liaison entre le faux et le jeu Le risque de tricher est toujours pr sent au jeu De cette mani re nous pouvons peut tre dire que le jeu se constitue comme une m taphore du faux ou plus pr cis ment de la tromperie Lorsque les joueurs se voient forc s de tricher afin de gagner le jeu n est plus l l ment amusant qu il tait au d but Au contraire le jeu est devenu une occupation s rieuse et l aspect ludique a disparu Cela s est probablement pass avec Bartlebooth nous allons le voir dans ce qui suit 84 5 2 Perec et les jeux Pour Perec le jeu tait important ce qui s est manifest entre autres par son entr e dans le groupe Oulipo La litt rature contrainte est une litt rature ludique qui implique qu on joue avec la litt rature qu on jongle avec les mots et qu on accepte le d fi de penser autrement crire est un jeu qui se joue deux Perec aurait il dit Magn 1999 p 13 Rappelons que le puzzle est aussi un jeu qui se joue deux selon le pr ambule de La vie mode d emploi Joueur de jeux Perec fut aussi un fabricateur de jeux il proposait aux lecteurs de divers journaux des mots carr s des cryptogrammes des anagrammes des r bus des questions etc Ces jeux sont videmment pr sents dans les uvres perecquiennes aussi Le plus souvent l information autobiographique est bien cach e dans ses textes sous la forme de cryptogramme d anagramme ou d encryptage etc C
111. nt engage son avocat pour que celui ci reprenne l enqu te que la police n tait pas capable de r soudre L avocat de son c t consacre tout son temps essayer de r soudre les meurtres l enqu te devient en quelque sorte son projet 3 1 2 Blunt Stanley et Ingeborg Skrifter L histoire de vengeance a aussi des cons quences fatales pour le couple am ricain qui r sidait dans l un des appartements de l immeuble que Sven Ericsson fit surveiller Dans un appartement de l immeuble parisien v cut dans les ann es cinquante un couple am ricain et un philippin nigmatique Leurs vies se crois rent en 1948 alors que Blunt Stanley tait un officier dans l arm e am ricaine Un soir il rencontra la danoise Ingeborg Skrifter et 1l y eut un coup de foudre entre eux Malheureusement Stanley dut partir pour la Cor e peu apr s leur rencontre Il d serta quelque temps apr s car il se rendit compte qu il n tait pas capable de vivre loin d Ingeborg Avec un guide le philippin il d cida d abandonner sa patrouille et les abandonner une mort certaine tandis que les deux hommes s enfuirent pr s de Chine A partir de l Blunt Stanley fut la merci du philippin Ce dernier lui demanda six mille dollars pour qu il ne raconte personne ce que l officier avait fait avec sa patrouille Stanley r ussit entrer en contact avec Ingeborg et lui expliqua la situation Elle vendit tous ses biens et peu de temps
112. nvisning i s stor grad handler om forfalskneri i form av temaer som falskhet eller rett og slett i form av falsk informasjon gitt i teksten for eksempel i indeksen og 1 kapitlene Et mulig svar er at den grusomme historien til Perec vanskelig lar seg fortelle uten noen form for moderasjon Dette arbeidet pner for muligheten til at Perec opplevde m tte beskytte seg mot tekstene sine Gjennom skrive om temaer som preget barndommen hans kunne sannheten kanskje komme litt for n r Derfor lar Perec det falske opptre som et slags modererende og dermed beskyttende element i tekstene Kanskje vil han ogs si at sannheten uansett unnslipper oss og at penbar l gnaktighet er rligere enn gi inntrykk av at man kan si noe helt sant Livet bruksanvisning kan oppfattes som en fragmentert tekst med flere hundre historier og personer Det kan v re vanskelig f ye p noen gjennomg ende r d tr d i teksten i og med at historiene som fortelles blant annet spenner over flere epoker og kontinenter Oppgaven konkluderer allikevel med at det er en tematisk sammenheng og at Livet bruksanvisning fungerer som et utsnitt av en gjennomsnittlig byg rd i Paris Eksemplene som er brukt i oppgaven for belyse temaene kan p den m ten fungere som et utsnitt av befolkningen i akkurat denne franske byg rden Til norsk ved Truls Winther Gyldendal 1996 Ny versjon 2011 REMERCIEMENTS Je tiens tout d abord remercier Truls Winther m
113. oman y a t il une coh rence th matique 1 2 M thodologie En analysant un roman il y a plusieurs approches possibles et il n y a pas une m thode qui d tr ne toute autre Cependant pour ce qui concerne Georges Perec nous allons le voir nous avons l impression que l aspect existentiel de ses uvres est souvent n glig au d triment d autres aspects comme par exemple l appartenance au groupe Oulipo ou l approche autobiographique Les nombreux jeux c est dire des anagrammes des r bus des cryptogrammes etc que Perec introduit dans ses textes sont des objets de fascination pour des critiques De cette mani re la technique qu utilise Perec reste alors souvent primordiale pour les chercheurs et ils se laissent fasciner par ce c t ludique dans ses romans en se pr cipitant peut tre plus sur l organisation du texte que sur ce que le texte peut communiquer un lecteur ordinaire Le texte lui m me c est aussi son organisation Pierre Jourde l crivain professeur d universit et critique litt raire s est interrog sur la ed question de l utilit de la litt rature Il crit dans son blog que la litt rature a au moins fonction de t moignage L histoire reconstitue a posteriori la vie des hommes du pass Elle est leur m moire Le savoir litt raire ne nous demeure pas ext rieur Il atteint l ensemble de notre espace mental et de notre individualit Il no
114. on directeur de m moire pour ses conseils pour ses encouragements et pour nos conversations Ensemble nous avons beaucoup r fl chi sur les textes de Perec et sans lui ce travail aurait t impossible Merci aussi Margery Vibe Skagen qui m a aid e pendant les derni res semaines du travail Merci Fanny Verrax qui a bien voulu relire mon m moire Finalement un grand merci ma famille et mes amis surtout Berit Fjermestad avec qui j ai beaucoup discut et qui m encourage toujours Irene Brekke Nielsen Bergen novembre 2011 TABLES DES MATI RES R sum en norv gien Remerciements INTRODUCTION 1 1 Introduction g n rale 1 2 M thodologie 1 3 Pr sentation de Perec 1 4 OULIPO 1 5 Mani res de lire Perec 1 6 Parcours du travail Chapitre 1 La vie mode d emploi 1 1 Pr sentation de La vie mode d emploi 1 2 La forme le s narrateur s Chapitre 2 Les protagonistes 2 1 Percival Bartlebooth 2 1 1 Mani res de comprendre Bartlebooth 2 1 2 Signification du nom 2 1 3 Bartlebooth comme figure d analyste 2 2 Gaspard Winckler 2 2 1 Gaspard Winckler dans W ou le souvenir d enfance 2 2 2 Gaspard Winckler dans La vie mode d emploi 2 2 2 1 Winckler l artisan 2 2 2 2 Marguerite Winckler 2 2 3 Perec et Gaspard Winckler Gaspard Hauser 2 3 Serge Val ne 2 3 1 Le tableau Chapitre 3 Th mes centraux 3 1 La vengeance 3 1 1 Beaumont 3 1 2 Blunt Stanley et Ingeborg Skrifter 3 1 3 H l ne Brodin 3 1 4 Mas
115. ons rien de son ancienne identit Ce faux Gaspard Winckler re oit un jour une lettre d un certain Otto Apfelstahl qui insiste pour obtenir un rendez vous Ni lui ni le lecteur ne connaissent ce monsieur Apr s avoir pris le temps de la r flexion Winckler se rend l h tel indiqu dans la lettre crit par Apfelstahl ne sachant pas quelle est la raison du rendez vous Ils se rencontrent puis Apfelstahl confronte Winckler l histoire du gar on qui apparemment porte le vrai nom de Gaspard Winckler Vous tes vous d j demand ce qu il tait advenu de l individu qui vous a donn votre nom ibid p 33 Apfelstahl lui demande Le lecteur apprend comment le faux Winckler a eu l identit d un autre tout fait par hasard Ainsi Apfelstahl l encourage ou plut t le force aller essayer de retrouver le vrai Gaspard Winckler Cinq personnes sur six bord ont t retrouv es mortes par les gardes c tes suite au naufrage mais il n y avait aucune trace du gar on Puisque le faux Gaspard Winckler porte la m me identit que cet enfant Apfelstahl trouve que c est tout fait naturel que ce soit lui qui le parte sa recherche Winckler se pose la question si Apfelstahl croyait qu il allait avoir plus de chance que les gardes c tes ma s c tait une question laquelle d sormais je pouvais seul r pondre ibid p 87 Et nous ne saurons jamais ce qu
116. onstitue en quelque sorte un moyen pour que la vengeance se laisse effectuer Sans que le faux soit pr sent aucune vengeance n aurait lieu Nombreux sont les chercheurs qui ont affirm que la vie m me de Perec se trouvait encrypt e dans ses livres et nous avons choisi de consid rer cela comme un fait Alors dans une perspective plus g n rale pouvons nous dire que Perec a voulu se venger de son destin entre autres de la perte de ses parents L criture constitue sa vengeance et en ins rant des l ments du faux a et l nous pouvons supposer que le faux constitue un moyen pour assouvir sa vengeance L index de La vie mode d emploi est parfois faux ainsi que l information biographique que le narrateur donne la suite de certains chapitres Nous pouvons sp culer et dire que le faux emp che que la v rit soit totalement d couverte et puisque la vengeance de Perec traite de th mes tr s vuln rables peut tre lui est il n cessaire de se cacher derri re des l ments du faux Les jeux aussi contiennent des l ments du faux Plusieurs personnages ont des traits qui font penser Perec et de cette mani re nous pouvons dire que Perec en cr ant des personnages exerce une sorte de jeu de r le Nous avons mentionn le peintre Hutting qui par ses v tements et son comportement artistiques porte un masque pour faire semblant d tre un vrai artiste De la m me mani re que certains personnages de
117. ore rassembl es les regarder les retourner et les reposer sans m me essayer de les placer comme si n importe quelle tentative devait tre inexorablement vou e l chec ibid p 404 405 Le but de Winckler de susciter chez Bartlebooth un d sarroi chaque fois renouvel ibid p 402 a tout fait t une r ussite Au cours des derni res ann es de la vie de Bartlebooth les puzzles deviennent de plus en plus difficiles r soudre Les pi ces se ressemblent et Bartlebooth essaie de son mieux de se souvenir de la nuance des paysages qu il a peint il y a si longtemps Les pi ges tendus par Winckler sont con us de telle fa on que par exemple lorsque Bartlebooth croit avoir trouv la silhouette d un oiseau cette pi ce se montre plus tard n tre qu une autre variante du paysage gris Cela doit tre extr mement exasp rant et nervant surtout quand le but du projet n est autre que d en commencer un nouveau Winckler meurt en 1972 alors qu il reste encore trois ans avant que le projet de puzzle puisse se terminer selon l emploi du temps que Bartlebooth s est fix Winckler a termin la transformation des puzzles il y a vingt ans comme pr vu par le contrat Son d c s n a cependant aucune influence sur sa vengeance Pour Bartlebooth alors le d c s de Winckler est presque fatal Il ne peut pas lui demander de l aide en plus Bartlebooth a enlev toute trace des aquarelles p
118. orsqu il est en train de peindre fait probablement plus penser un homme plein de clich s qu un peintre Il porte un pantalon d indienne des chaussettes de grosse laine blanche un foulard de fin batiste autour du cou et une dizaine de bracelets multicolores au poignet gauche ibid p 336 Hutting remplit bien l image d un artiste st r otype sans que cela veuille dire qu il en soit un Nombreuses sont aussi les descriptions des choses curieuses qu il garde dans son appartement Ces bibelots et gadgets arbitraires voquent ils peut tre plus l id e d un collectionneur que d un peintre La description du habillement d Hutting lorsqu il est en train de peindre fait probablement plus penser un homme plein de clich s qu un peintre Il porte un pantalon d indienne des chaussettes de grosse laine blanche un foulard de fin batiste autour du cou et une dizaine de bracelets multicolores au poignet gauche ibid p 336 Hutting remplit bien l image d un artiste st r otype sans que cela veuille dire qu il en soit un Nombreux sont aussi les descriptions des choses curieuses qu il garde dans son appartement Ces bibelots et gadgets arbitraires voquent ils peut tre plus l id e d un collectionneur que d un peintre Nous avons l impression que Hutting est un repr sentant du snobisme r gnant dans les diff rents milieux artistiques Il porte des v tements bizarres pour jouer
119. ortante de l Histoire avec un grand H il attenue ses propres souvenirs Cet effacement de son enfance peut probablement tre consid r comme un faux comportement envers lui m me C est comme s il voulait se cr er une illusion de son existence L alternance entre le faux et le vrai Gaspard Winckler souligne aussi la pr sence du faux dans le livre 3 2 2 Le faux dans La vie mode d emploi Dans La Vie mode d emploi nous notons que l aspect de l art est r v lateur L immeuble est le domicile de nombreux artistes et d artisans et l art est un aspect important entre autres pour les trois personnages centraux l un tant peintre le second un excellent artisan le troisi me l apprenant l art de l aquarelle en autodidacte pendant dix ans Nombreuses sont aussi les allusions faites diff rentes peintures par exemple dans l appartement de Bartlebooth Plusieurs tableaux sont accroch s sur les murs c est une Descente de Croix du Groziano sombre et s v re gauche une marine de F H Mans L Arriv e des bateaux de p che sur une petite plage hollandaise sur le mur du fond au dessus du grand canap une tude sur carton pour L Enfant bleu Blue Boy de Thomas Gainsborough VME p 496 Comme mentionn dans l introduction le narrateur s est inspir d un tableau pour crire La vie mode d emploi The art of living de Saul Steinberg Cependant les seuls personnages qui
120. ou ses proches lui offraient quotidiennement refusant presque toujours de se nourrir W p 40 Pour cette raison sa m re Caecilia Winckler cantatrice mondialement connue d cide de l amener bord d un yacht qui ferait un tour du monde Remarquons aussi que la m re de Perec s appelait Cyrla francis en C cile Elle esp re qu une telle exp dition aiderait son fils recommencer parler et entendre et que de nouveaux horizons lui ouvriront l esprit Malheureusement le bateau sombre cause d une tornade pr s de la Terre du Feu Cinq personnes sur six bord du bateau ont t retrouv es mortes Nous parlerons plus de ce texte dans le chapitre 3 partie 3 2 1 33 Le h ros de la partie fictive de l autobiographie porte aussi le nom de Gaspard Winckler Nous ne savons pas grand chose de lui et seule la lettre majuscule des noms propres pouvant indiquer une information exacte appara t Par exemple Je suis n le 25 juin 19 vers quatre heures R petit hameau de trois feux non loin de A ibid p 15 Son p re est mort la suite d une blessure lorsque Winckler avait six ans l ge de seize ans il quitta sa ville natale et rejoignit l arm e pour effectuer son service militaire apr s avoir exerc quelques m tiers divers Apr s quinze mois il d serta gagna l Allemagne et c est l alors qu il acquit sa nouvelle identit Gaspard Winckler Nous ne sav
121. our qu il ne soit pas tent de les regarder pour y trouver du secours Le projet de Bartlebooth devient de plus en plus impossible r aliser notamment cause du fait que les puzzles sont de plus en plus complexes et que Bartlebooth devient progressivement aveugle partir de 1972 Le sentiment d chec personnel de Bartlebooth se montre 59 explicitement dans le chapitre XXVII Le peintre Serge Val ne rencontre Bartlebooth dans l escalier pour la derni re fois ses veux taient devenus presque blancs c est cela qui avait le plus frapp Val ne ce regard qui n tait pas arriv rencontrer le sien Il y avait dans ce regard qui l vitait quelque chose de beaucoup plus violent que le vide quelque chose qui n tait pas seulement de l orgueil ou de la haine mais presque de la panique quelque chose comme un espoir insens comme un appel au secours comme un signal de d tresse ibid p 162 Cette rencontre br ve a donc lieu en 1972 l ann e m me o Bartlebooth est en train de devenir aveugle Apr s cet pisode Bartlebooth n est observ qu exceptionnellement il ne sort presque plus jamais de son appartement Est il pris de panique l id e de ne pas arriver finir tous les 500 puzzles Vient il au bout de comprendre qu il ne conna tra jamais la fin de son projet Dans le dernier chapitre du roman la vengeance s ach ve finalement Bartlebooth vient de mourir l
122. par oublier les r gles ne sachant m me plus contre qui il jouait quelle tait la mise quel tait l enjeu petits bouts de bois dont les d coupes capricieuses devenaient objets de cauchemars seules mati res d un ressassement solitaire et bougon composantes inertes ineptes et sans piti d une qu te sans objet ibid p 163 Le lecteur a t averti depuis longtemps du d veloppement du projet Le plaisir et l amusement sont remplac s par les sentiments du d sespoir et de l obligation Bartlebooth est devenu un homme qui ne sort jamais de sa chambre et qui est totalement obs d par les puzzles Lorsqu il commence le 439 puzzle il a d j t forc de renoncer un de ses principes directeurs celui qui assurait qu aucune trace ne resterait de son projet Il avait seize mois de retard et sa vue tait constamment en baisse Le 23 juin 1975 vers huit heures du soir Bartlebooth est mort en tenant en main la derni re pi ce du 439 puzzle Paradoxalement il n aurait jamais pu terminer ce puzzle car le trou noir de la seule pi ce non encore pos e dessine la silhouette presque parfaite d un X Mais la pi ce que le mort tient entre ses doigts a la forme depuis longtemps pr visible dans son ironie m me d un W ibid p 578 La signification de l X et du W est nigmatique et a t l objet de plusieurs recherches et sp culations Nous ne t cherons pas de donner une r ponse exacte mais
123. peut sembler assez provocant 3 2 2 3 Dr Dinteville A partir des exemples mentionn s ci dessus nous sommes tent s de constater que l artiste l artisan dans les uvres de Perec est souvent li au faux Si nous ajoutons les chercheurs les joueurs les com diens et les illusionnistes qui habitent l immeuble la cat gorie de l artiste l artisan nous voyons que le faux se montre partout dans l immeuble sous diff rents visages Il y a les habitants qui sont des faussaires il y a ceux et celles qui font appara tre le faux par exemple Ingeborg Skrifter qui fait appara tre le Diable 82 fois sans que personne ne se rende compte qu il s agit d un faussaire ensuite il y a les habitants qui sont des victimes du faux Un exemple en est le Dr Dinteville qui a t victime de plagiat Il tait le m decin du quartier mais cause de son manque de chaleur il n tait pas tr s aim par ses clients Cela avait probablement faire avec ce qui lui tait arriv Dinteville n avait aucune ambition autre que de devenir un bon m decin Mais lorsqu il d couvrit un texte crit de ses anc tres concernant 74 les reins cela r veilla en lui une vocation cach e de chercheur ibid p 556 Le m decin voulut faire plus de recherche et proposa son projet au professeur LeBran Chastel qui l encouragea dans son travail Au total Dinteville consacra pr s de quatre ans ses recherches qui r sult
124. plut t m diocre ce n tait pas une peinture mais une photographie retouch e d coup e dans La Petite Illustration ou dans La Semaine th trale Elle repr sentait la sc ne 1 de l acte II des Ambitions perdues m lodrame sombre d un imitateur m diocre d Henry Bernstein nomm Paulin Alfort ibid p 296 Gaspard Winckler en tant que fabricant de puzzles peut il se comprendre comme un ex cuteur du faux Car un puzzle achev est une copie d une image mais elle peut aussi se consid rer comme une fausse image 3 2 2 2 Franz Hutting Un autre personnage qui se porte vers le faux est Franz Hutting Il est un des nombreux peintres qui habitent l immeuble mais un des rares artistes qui ont connu un v ritable succ s Nous ne savons rien de ses origines Il habite seul et il n a aucune relation familiale Il a fait fortune gr ce sa p riode brouillard moins que ce ne soit gr ce de bons placements financiers En tout cas il a eu de l aide de conseillers financiers et il a consacr six ans une querelle avec l administration des contributions concernant une question d imp ts Dans cette p riode il a g n ralement copi des tableaux tr s connus tels que La Joconde La le on 71 d anatomie et L Ang lus Cependant il a ajout une touche personnelle ces tableaux en les faisant plus brumeux que les originaux Les reproductions sont par cons quent devenues tel
125. pour ainsi dire puis apr s seize dix huit mois ils apparaissent nouveau dans un monde inconnu Il ne va pas de soi qu il y a un rapport entre tous ces diff rents personnages de Gaspard Winckler mais c est tr s probable que les Winckler ont la m me source d origine et qu ils se sont fond s sur la m me id e En rassemblant toute l information que nous poss dons par rapport aux Winckler dans l ensemble des uvres perecquiennes nous obtenons peut tre une image un peu plus compl te du Gaspard Winckler qui figure dans La vie mode d emploi Nous pouvons nous demander pourquoi Perec a apparemment t si attir par l histoire de Kaspar Hauser qui s est manifest en Gaspard Winckler dans ses uvres En tudiant le personnage de plus pr s nous nous rendons compte que Gaspard Winckler ressemble un peu Perec lui m me L enfance de Perec a t marqu e par la perte impr vue de ses parents Ce vide qu une telle perte doit laisser ainsi que l incertitude personne n en parlait se sont peut tre manifest s chez Perec comme un besoin de s identifier avec quelqu un Peut tre le personnage de Gaspard Winckler ou de Gaspard Hauser fonctionne t il comme une sorte de copie ou d id al pour Perec Voici un jeune gar on orphelin qui tout d un coup appara t dans une ville ne sachant gu re parler ou crire Le monde lui semble trange tout le monde le regarde mais lui m me ne comprend
126. pouvons tirer la conclusion suivante que Bartlebooth et Winckler sont profond ment li s l un l autre et que leur relation est unique dans le sens que les relations entre les habitants dans l immeuble sont assez rares 3 1 5 2 Le puzzle comme moyen de vengeance Deux ans s coulent entre le moment o Winckler et Bartlebooth formalisent leur collaboration l aide du contrat crit par Bartlebooth et le commencement de la transformation de l aquarelle en puzzle Bartlebooth et Smautf ont besoin d un certain temps pour planifier leur voyage et entre temps Winckler projette probablement son plan de vengeance La premi re aquarelle qu il re oit arrive dans les derniers jours de 1934 puis elles se succ d rent sans interruption pendant vingt ans soit deux aquarelles par mois en g n ral Il est clair que le puzzle constitue le moyen principal de la vengeance Il faut d abord conna tre et comprendre l art du puzzle pour savoir les d fis qui se cachent dans les puzzles Dans le pr ambule de La vie mode d emploi Perec crit L art du puzzle commence avec les puzzles de bois d coup s la main lorsque celui qui les fabrique entreprend de se poser toutes les questions que le joueur devra r soudre lorsque au lieu de laisser le hasard brouiller les pistes il entend lui substituer la ruse la pi ge l illusion tous les l ments figurant sur l image reconstruire serviront de d part un
127. pre compte aid e souvent de sa famille de compagnons apprentis etc Un artisan d art est quelqu un qui fait des objets ou plus pr cis ment des bibelots d art Dans I Antiquit et le Moyen ge on ne distinguait pas entre l artiste et l artisan de la m me mani re qu on le fait aujourd hui La diff rence remonte la Renaissance lorsque l artisan fabriquait des productions en s rie et devait laisser l expression artistique venir en second L artiste de son c t fut d fini presque comme un g nie Plusieurs chercheurs ont indiqu que Perec est l un des premiers auteurs qui favorise l artiste l artisan de I Antiquit et du Moyen ge L artiste pour lui peut se comprendre comme un artisan qui exprime sa cr ativit dans ce qu il r alise Gaspard Winckler en est un exemple Dangy Scaillierez indique que l artisan rivalise avec et d tr ne m me le r le de l artiste dans les uvres de Perec Pour conceptualiser la diff rence entre l artiste et l artisan elle crit que les productions en s rie l humilit la minutie d un travail outill appartiennent au registre de l artisanat tandis que la conception dominante de l uvre d art fait appara tre de plus grandes ambitions au regard de la Beaut et v hicule en outre le pr suppos du chef d uvre unique et irremplagable Perec c est clair n a pas beaucoup d int r t ni de sympathie pour cette vision us e d
128. puzzles sont mises quand celles ci sont termin es Vu qu elle a travaill dans une fabrique de cartonnages Bartlebooth est venu la voir pour commander les cinq cent bo tes n cessaires peu avant son d part en 1934 Les bo tes devaient toutes tre identiques noires ruban gris Le cin aste Rorschash entend parler du projet de Bartlebooth au d but des ann es soixante dix Sa carri re la t l vision n a jamais t une grande r ussite mais en entendant parler du projet il a l id e d une mission gigantesque reconstituer le projet entier de Bartlebooth L Anglais refusa bien s r une telle id e et aucune cha ne de t l vision n accepta son projet Mais justement cause de l id e de Rorschash le projet de Bartlebooth eut des cons quences impr vues et Bartlebooth se vit donc forc de renoncer la derni re s quence du troisi me principe directeur du projet Charles Albert Beyssandre est un critique d art embauch par une soci t d investissement h telier nomm e Marvel Houses International L objectif des h tels appartenant cette cha ne serait de comporter tout ce qu une client le riche exigeante et paresseuse pourrait avoir envie de voir ou de faire sans sortir ibid p 498 Au total 1 de son budget global devrait tre consacr l achat d uvres d art contemporaines Mais pour d fendre leur politique de prestige et de luxe Beyssandre proposa de ras
129. qu il avait comme objectif de ne jamais crire deux livres semblables Cependant selon Magn Perec aurait dit que j encrypte dans mes textes et je le crois bien dans tous des l ments autobiographiques Magn 1999 21 Alors m me si W ou le souvenir d enfance se caract rise comme une autobiographie et que La vie mode d emploi est un roman les deux ont des traits autobiographiques et se ressemblent par rapport aux th mes Puisque la vie personnelle de Perec se manifeste aussi fortement dans ses uvres plusieurs critiques l tudient en prenant compte de cet aspect autobiographique David Bellos en est un des repr sentants principaux Sa biographie Georges Perec une vie dans les mots sert comme un outil central pour conna tre et pour comprendre Perec Son livre volumineux couvre tous les aspects de la vie de Perec et entre bien dans les d tails pour ce qui concerne 10 la fois la vie personnelle et la vie d crivain Il indique qu il y a une certaine ressemblance entre les personnages de Perec et l crivain lui m me Un exemple est le personnage dans W ou le souvenir d enfance Celia Crespi et l enfant qu elle met au monde Bellos indique qu elle peut se comprendre comme la m re de Perec et que l enfant est Perec lui m me La m re de Perec s appelait justement Cyrla francis en C cile Le professeur de litt rature et l ancien ami de Perec Claude Burgelin est un autre nom cent
130. que le syst me perecquien ne fonctionne pas toujours correctement et que le lecteur doit toujours tre en alerte Perec arrive leurrer le lecteur tout au long de l histoire de La vie mode d emploi Sur la couverture de La vie mode d emploi Perec a indiqu l action ou l intrigue du livre C est dans les derniers mois de sa vie que le peintre Serge Val ne con ut l id e d un tableau qui rassemblerait toute son exp rience tout ce que sa m moire avait enregistr toutes les sensations qui l avaient parcouru toutes ses r veries ses passions ses haines viendraient s y inscrire somme d l ments minuscules dont le total serait sa vie Il repr senterait l immeuble parisien dans lequel il vivait depuis plus de cinquante cinq ans La fa ade en serait enlev e et l on verrait en coupe toutes les pi ces du devant la cage de l ascenseur les escaliers les portes pali res Et comme dans ces maisons de poup es dans lesquelles tout est reproduit en miniature les carpettes les gravures les horloges les bassinoires il y aurait dans chaque pi ce les gens qui y avaient v cu et les gens qui y vivaient encore et tous les d tails de leur vie leurs chats leurs bouillottes leur histoire G P quatri me de couverture Apr s avoir termin La vie mode d emploi le lecteur sait que Val ne n arrive pas terminer son grand tableau et que l histoire du tableau et de son peintre ne constitue qu une petite partie de l
131. qui composait les po mes mais sa m re Elle de son c t les avait recopi s et for ait son fils les apprendre par c ur Le gar on fut par cons quent remplac par d autres talents un ouvrier mystique une vedette de strip tease un marchand de cravates ibid p 563 Au fur et mesure d autres happenings artistiques remplac rent les Mardis de Hutting et lui m me ne fut gu re triste de ce changement Les mardis l avaient ennuy et finalement ils ne lui avaient rien apport de nouveau Il n est cependant pas tonnant que les Mardis soient ennuyeux et n apportent rien de nouveau tous les artistes pr sents effectu rent d une mani re ou d une autre du faux Nous voyons alors que Hutting a comme beaucoup d autres artisans dans l immeuble des probl mes en ce qui concerne la cr ation d uvres originales Son inspiration il la trouve dans des uvres d j faites et il n ose pas trouver ses propres m thodes ou id es Il arrive quand m me vivre gr ce son art et il a plusieurs ateliers situ s un peu partout dans le monde L atelier Paris est grand mais reste vide Il pr f re travailler dans sa loggia qui est impeccablement rang e n offrant absolument pas le d sordre habituel des ateliers de peintres ibid p 335 Si Hutting peut tre caract ris comme un v ritable peintre reste donc discuter La description de l habillement d Hutting l
132. r L approche th matique nous permet justement d aborder La vie mode d emploi en tenant compte de la dimension existentielle et peut tre universelle de l uvre Dans ce travail nous nous int ressons tout d abord aux th mes que nous y trouvons notamment ceux de la vengeance et du faux A partir des habitants de l immeuble nous essaierons de montrer comment par exemple la vengeance a un impact diff rent selon les personnages et comment la vengeance devient en fait un projet vie pour les habitants de l immeuble Le faux est un autre th me important dans le livre ainsi que dans l ensemble de l uvre de Perec Ces th mes ont ils un lien avec la vie personnelle de Perec Et ventuellement de quelle mani re Finalement y a t il une relation entre ces deux th mes Certains diraient peut tre que nous reconstituons les pi ces du puzzle d une autre mani re que d autres chercheurs nous ne sommes par exemple pas toujours tout fait d accord avec certains critiques Cela a probablement faire avec l objectif de notre lecture notamment de lire La Vie mode d emploi comme un roman qui engage sans trop r fl chir sur les nigmes possibles qui s y trouvent et sans prendre en consid ration l influence du groupe l Oulipo Le fait que l uvre soit organis e autour d un puzzle attire beaucoup d int r t surtout de la part de ceux et celles qui cherchent trouver des effets sp ciaux
133. r s r guliers esquisse d un plan en coupe d un immeuble qu aucune figure d sormais ne viendrait habiter ibid p 578 Peut tre Val ne ne s est pas rendu compte qu un tableau ne peut saisir que de courts instants du temps et non pas une vie enti re Cela est peut tre la raison pour laquelle il n ach ve jamais son tableau il se rend compte qu il ne peut pas y reconstituer l histoire enti re de l immeuble L id e du grand tableau semble alors provoquer une tristesse chez lui le fait qu il va peupler le tableau avec des figures appartenant au pass lui fait peur Car ce qui est d j arriv aux autres va bient t lui arriver lui Autrement dit le tableau semble en quelque sorte susciter une peur de la mort chez Val ne En tant que personnage Val ne est un peu myst rieux Il est le seule personnage que le lecteur arrive conna tre un peu car ses pens es sont d crites Comme d j mentionn dans le chapitre 1 Val ne vient interrompre le r cit et donne l impression d tre un personnage omnipr sent Ces exemples l illustrent bien Il se souvenait de Marguerite ibid p 87 Il tait le plus ancien habitant de l immeuble Les escaliers pour lui c tait chaque tage un souvenir ibid p 90 Ensuite appara t la voix neutre du narrateur et Val ne n est qu un personnage entre les autres du texte Tout au long de l uvre Va
134. r server un compartiment tout entier o il pouvait chercher vivre un peu comme sur son trap ze et se coucher dans le filet VME p 71 Un jour il refuse de descendre et se suicide Il y a aussi l histoire de Marcel Appenzzell qui voulait tudier la vie d une tribu Sumatra un tel point que sa vie se confondit avec celle de la tribu Appenzzell s obstina les poursuivre m me si la tribu refusa tout geste ou approche aimable Quand on le trouva presque six ans plus tard il pesait vingt neuf kilos et tait seulement v tu d une esp ce de pantalon fait d innombrables petits bouts tissus cousus ensemble ibid p 142 Nous avons l impression que l ge moyen des habitants est plut t lev car peu d enfants y habitent ou sont mentionn s L ambiance qui marque l immeuble n est pas tout fait bonne Le roman La Vie mode d emploi d sormais abr g en VME 15 sans qu il soit facile de mettre le doigt sur une raison possible Comme illustration nous pouvons mentionner le jeune couple R ol qui peu apr s leur installation dans l immeuble annonc rent leur mariage La concierge Madame Noch re faisait une qu te dans l immeuble pour leur offrir un cadeau mais elle re ut seulement 41 francs Cela montre peut tre l indiff rence des personnages vis vis de ses voisins ou du monde ext rieur Un aspect trange de ce roman est la notion du temps Le narrateur h site un pe
135. r et Un cabinet d amateur furent bien publi s en 1981 mais La vie mode d emploi est le premier et le dernier grand roman de Perec livre pour lequel il a obtenu un v ritable succ s Apr s sa mort plusieurs textes ont t publi s et Perec en tant qu crivain n a jamais eu plus de reconnaissance qu aujourd hui en France et ailleurs La version norv gienne du livre vient par exemple d tre imprim e en une deuxi me dition et le roman posthume L art et la mani re d aborder son chef de service pour lui demander une augmentation Vient d tre traduit en norv gien et fut publi en septembre 2011 En d pit d une certaine renaissance r cente Perec reste un crivain un peu marginal Cela a probablement faire avec sa fascination pour les jeux l adh sion au groupe Oulipo en 1967 et le plaisir qu il avait d encrypter certaines informations dans ses textes C est surtout pour cela qu il est connu et nous sommes tent s de penser que le public s est laiss fasciner plut t par sa capacit d crire par exemple des livres sans certaines lettres que du contenu et de la th matique de ses textes Pour un lecteur qui ne conna t que les uvres La disparition et Les revenentes Perec n appara t peut tre pas comme un crivain qu il aurait envie de lire pour faire passer le temps ou pour le plaisir N anmoins apr s avoir tudi l uvre de Perec et surtout La vie mode d emploi nous trouvons que P
136. rainte du r el ditions Rodopi B V Faux titre Amsterdam Atlanta GA 1999 Yvan Fr d ric Figure s de l analyste chez Perec in Savoirs et clinique 2005 1 no 6 Num ros sp ciaux de revue et Cahiers Georges Perec Litt ratures no 7 Georges Perec Service des Publications de l Universit de Toulouse Le Mirail Toulouse 1983 Burgelin Claude Perec et la cruaut et Goulet Alain La vie mode d emploi archives en jeu in Les Cahiers Georges Perec 1 Colloque de Cerisy Juillet 1984 sous la direction de Bernard Magn ditions P O L 1985 D autres uvres Melville Herman Bartleby le scribe une histoire de Wall Street ditions Allia Paris 2003 dition originale Bartleby the scrivener A history of Wall Street 1853 Sites web cit s www oulipo net page consult e le 1 octobre 2011 http www pierrejourde fr EntretiensetArticles blog html page consult e le 9 novembre 2011 99
137. ral pour la compr hension de Perec Avec son livre Georges Perec il tente d analyser les livres les plus centraux en tenant compte de la biographie de Perec Ici il indique par exemple que le personnage Gaspard Winckler qui figure entre autre dans W ou le souvenir d enfance et dans La Vie mode d emploi ainsi que dans le manuscrit in dit Le Condotti re refl te en fait Georges Perec lui m me Bellos et Burgelin essaient dans ses livres de trouver des liens et des rapports entre ce que Perec crit et sa vie personnelle Philippe Lejeune avec son livre La m moire et l oblique se rapproche aussi de Perec d une mani re autobiographique Dans ce livre trois uvres perecquiennes sont tudi es de pr s W ou le souvenir d enfance Lieux et Je me souviens pour montrer le lien important entre Perec et l autobiographie D autres chercheurs ont choisi d analyser quelques figures perecquiennes dans un cadre psychanalytique Georges Perec avait consult un analyste trois reprises pendant sa vie et par cons quent certains critiques ont essay de trouver des figures qui repr sentent Georges Perec devant un analyste Maurice Corcos avec le livre Penser la m lancolie et Fr d ric Yvan qui a crit l article Figure s de l analyste chez Perec sont deux des repr sentants de l approche psychanalytique Le livre Les parties de dominos chez monsieur Lef vre de Burgelin traite aussi l aspect psychologique de Perec et constitue pe
138. re se pratique travers le jeu et c est l auteur lui m me qui se donne les r gles Il s agit de jongler avec les lettres les mots les structures etc Pour Perec qui avait toujours voulu crire mais qui avait certaines difficult s par rapport aux th mes et la forme ce groupe l a beaucoup aid en ce qui concerne le d veloppement d un style litt raire Il y a surtout deux structures oulipiennes qui semblent avoir fascin e Perec le palindrome et le lipogramme Le palindrome est un mot une phrase ou un texte qui peut se lire dans un sens ou un autre Roma amor en est un exemple Perec aurait r alis le plus long palindrome de la langue fran aise avec plus de cinq mille lettres selon le chercheur Bernard Magn Le lipogramme de son c t consiste supprimer une ou plusieurs lettres dans un texte Perec est surtout connu pour le roman lipogrammatique La Disparition paru en 1969 Ce texte est crit sans la voyelle e Les Revenentes 1972 est un autre roman lipogrammatique o seule la voyelle e est autoris e Son chef d uvre La vie mode d emploi peut aussi se caract riser comme un livre de contrainte ce que nous allons voir dans la deuxi me partie 1 5 Mani res de lire Perec Perec est un crivain complexe un crivain qui se laisse difficilement situer dans un genre litt raire quelconque Il a lui m me dit qu il cultivait plusieurs champs sociologique autobiographique ludique et romanesque et
139. rien Peut tre Perec a eu ce sentiment aussi que tout le monde savait quelque chose de lui mais qu ils n en parlaient pas qu ils le regardaient seulement Le cercle de la famille m entoure compl tement crit Perec propos de son premier souvenir d enfance W p 26 De cette mani re Perec sera peut tre trait comme un tranger parmi les autres sans que ceux ci s en rendent compte Perec s tait aussi engag dans le service militaire comme parachutiste la ressemblance de Gaspard Winckler Et si Perec ne fabriquait pas n cessairement de petits jouets il r alisa divers formes de jeux pour des journaux et des revues Claude Burgelin est parmi les nombreux critiques qui ont comment la ressemblance entre Georges Perec et Gaspard Winckler Dans son livre sur Perec il crit justement que Gaspard Winckler Georges Perec la lecture de W para t l imposer rien de neuf ici Burgelin 1996 p 14 39 2 3 Serge Val ne Serge Val ne personnage d j mentionn dans le premier chapitre fait aussi partie des personnages centraux du roman Il est le plus ancien habitant de l immeuble pendant 55 ans il a v cu dans le m me appartement Le lecteur a donc l impression qu il a une influence sur tout ce qui se passe dans l immeuble C est lui qui en quelque sorte a une vue d ensemble sur l immeuble Val ne est venu s installer Paris un jour en octobre 1919 Il avait 19 ans et arrivai
140. rs par autre chose Les souvenirs sont seulement des m taphores de traces de quelque chose qui existait autrefois Alors si nous analysons la vengeance de Winckler dans un cadre psychanalytique o Bartlebooth repr sente l analyste et Winckler repr sente Perec c est Winckler et Perec qui gagnent respectivement sur Bartlebooth et l analyste Burgelin se demande Faut il conclure du triomphe final de ce W que le match entre l artiste et l analyse se solderait par la victoire de l artiste Et faire de la vengeance de l art sur l analyse une sorte de but e du livre Burgelin 1996 p 41 Ce sont Perec et Winckler qui inventent des nouvelles expressions travers de l art et de l criture qui de son c t sont des moyens d exprimer le sentiment de manque et de vide L o l analyste et Bartlebooth ne font rien de particuli re l artiste arrive travailler ses souvenirs et cr er des nouvelles formes Plus pr cis ment l analyste coute passivement et 64 fonctionne peut tre comme une sorte de d p t de souvenirs de la m me mani re que Bartlebooth est assis et ne r sout pas les puzzles au temps pr vu Les repr sentants de l artiste Perec en parlant de ses souvenirs et Winckler en transformant les aquarelles en puzzles essaient au moins de remplacer les trous par quelque chose La vengeance peut elle donc se comprendre comme une revanche sur l impuissance entre autres de l analyst
141. s ils auraient d sauver un ou plusieurs objets auxquels Winckler tenait particuli rement Ils en parl rent entre eux et ils se dirent qu apr s tout il valait peut tre mieux qu ils n y soient pas all s que la seule personne qui aurait d le faire tait Bartlebooth mais que ni Val ne ni Smautf ni Morellet ne se seraient permis de le lui faire remarquer ibid p 51 21 Cette phrase montre alors combien les habitants respectent et v n rent Bartlebooth N anmoins plusieurs personnes deviennent au fur et mesure impliqu es dans le projet de Bartlebooth volontairement ou non Il tait aussi important pour lui que la personne qui l aiderait dans ses recherches habit t dans l immeuble m me ou le plus pr s possible ibid p 44 Il y a par exemple son valet Smautf ma tre d h tel tant son titre pr f r qui a consacr plus de cinquante ans de sa vie au service de Bartlebooth A l ge de quatre vingt ans il refuse encore de prendre sa retraite C est Smautf qui a pr par tous les voyages en organisant les visas et les papiers n cessaires pour que les voyages puissent tre effectu s Il est rest fid le c t de Bartlebooth pendant les vingt ans de voyage tenant en main un grand parapluie pour prot ger son ma tre et son aquarelle de la pluie du soleil ou du vent Madame Hourcade est celle qui s occupe de la fabrication des bo tes noires dans lesquelles les pi ces de
142. s en plus d un pr ambule d un pilogue et des pi ces annexes qui comprennent un index des rep res chronologiques un rappel de quelques histoires centrales et finalement un post scriptum Le point de d part du texte est un grand immeuble parisien Perec s est imagin l immeuble comme une maison de poup e une maison sans fa ade J imagine un immeuble parisien dont la fa ade a t enlev e de telle sorte que du rez de chauss e aux mansardes toutes les pi ces qui se trouvent en fa ade soient instantan ment et simultan ment visibles Le roman dont le titre est La vie mode d emploi se borne si j ose employer ce verbe pour un projet dont le d veloppement final aura quelque chose comme quatre cent pages d crire les pi ces ainsi d voil es et les activit s qui s y d roulent Esp ces d espaces p 57 L organisation du texte lui avait demand beaucoup de temps et d j en 1972 il pr senta les premi res traces de son projet lors d une s ance de l Oulipo L il voqua entre autres le fait que le roman s tait inspir du tableau de Saul Steinberg The Art of living et que la figure de base du livre est une grille de 10 x 10 Au total ces 100 cases repr senteraient chacune un appartement un lieu ou tout simplement un espace quelconque de l immeuble Ces cases ou pi ces font l objet d un chapitre du roman Pour encore compliquer les choses Perec fera voyager le lect
143. s aussi dire qu il a un esprit m lancolique Plusieurs fois il exprime une peur du pass ainsi que de l avenir il a peur de ce qui peut arriver aux habitants de l immeuble et l immeuble m me C est pratiquement avec angoisse qu il s imagine qu un jour surtout c est la maison enti re qui dispara tra c est la rue et le quartier entiers qui mourront ibid p 165 Le lecteur le trouve souvent dans les escaliers o il r ve du pass d anciens habitants d odeurs et du bruit Dans les escaliers passent les ombres furtives de tous ceux qui furent l un jour Les escaliers pour lui c tait chaque tage un souvenir une motion quelque chose de surann et d impalpable quelque chose qui palpitait quelque part la flamme vacillante de sa m moire ibid p 90 40 De cette mani re nous pouvons dire que Val ne se montre comme l un des personnages les plus humains de l immeuble puisque le temps a une aussi forte influence sur lui A la diff rence des autres habitants il se permet de r fl chir sur ses voisins sur l avenir et sur le pass Un exemple est sa r action au d c s de Bartlebooth Cela faisait pr s d un mois qu il n avait pratiquement plus quitt sa chambre La mort de son ancien l ve et la disparition de Smautf qui avait quitt l immeuble le lendemain m me l avait terriblement affect ibid p 579 Son projet peindr
144. sa femme avec un pistolet et elle est morte La liaison est un autre aspect important des puzzles Dans La vie mode d emploi le lecteur est invit lier un personnage un autre trouver des ressemblances entre les diff rents personnages et entre Perec lui m me et les personnages Le lecteur peut m me avoir avantage lier les diff rentes uvres de Perec l une l autre de cette fa on il aurait peut tre une compr hension plus profonde de l uvre Nous avons d j vu que Winckler ressemble Perec Bartlebooth aussi et Cinoc le tueur des mots a presque trop de traits en commun avec Perec pour que ce soit un hasard Magn insiste l dessus Par ses origines polonaises par les m tamorphoses de son patronyme la transformation de Peretz en Perec dans W ce personnage est videmment une mani re de double de Perec ibid p 41 Normalement un puzzle est achevable Puisque le fabricateur de puzzle s est d j pos les m mes questions que le poseur de puzzle se posera plus tard il a d j rencontr les m mes probl mes que l autre rencontrera apr s lui Et si le fabricateur peut terminer le puzzle le poseur de puzzle devrait lui aussi tre capable de trouver la bonne solution Pour Bartlebooth c est diff rent Le 439 puzzle de Bartlebooth reste inachevable La pi ce qu il tient dans sa main ne correspond pas la forme de la pi ce manquante Le trou a la forme d un X alors
145. se qui n tait pas seulement de l orgueil ou de la haine mais presque de la panique quelque chose comme un espoir insens comme un appel au secours comme un signal de d tresse ibid p 162 De l autre c t Bartlebooth s imagine des fois tre un voyant Cela arrive quand il parvient une sorte d tat second ibid p 404 lors du travail avec des puzzles Dans cet tat son esprit s ouvre tout il est disponible tout et il arrive voir autrement C est dire qu il peut tout percevoir tout comprendre Cet tait de transe est cependant rare le plus souvent c est un homme au regard indiff rent aux yeux vides et blancs qui ne fait que penser un sac de sable une masse inerte ibid En 1972 Bartlebooth devient compl tement aveugle Il ne voit plus rien mais il refuse d abandonner son devoir Il est alors aid par la jeune fille V ronique Altamont presque chaque jour elle vient passer une ou deux heures avec Bartlebooth pour l aider placer les pi ces de puzzles Elle m me est une amatrice de puzzles et s int resse aux aquarelles Nous devons nous demander pourquoi Bartlebooth n abandonne pas son projet surtout lorsqu il devient aveugle Pouvons nous supposer que c est le fait qu il entre des fois dans un tat second qui le pousse continuer Que l aspiration entrer dans une stase constitue une sorte d l ment moteur de son projet 27 2 1 2
146. sembler seulement un petit nombre d uvres majeures pas un mus e pas un ramassis pas davantage un chromo au dessus de chaque lit mais une poign e de chefs d uvre jalousement conserv s en un endroit unique que 22 les amateurs du monde entier r veraient de contempler au moins une fois dans leur vie ibid p 504 Alors tant la recherche de ces uvres rarissimes le projet de Bartlebooth vint aux oreilles de Beyssandre Il lut une interview de Rorschash qui de son c t se r f rait Bartlebooth R mi Rorschash dites nous quels sont aujourd hui vos projets On m a racont l histoire d un homme qui a fait le tour du monde pour peindre des tableaux et qui ensuite les a d truits scientifiquement Je crois que j ai assez envie d en faire un film ibid p 507 Tout de suite Beyssandre d cida que la collection d art de Marvel Houses International devrait tre constitu e des uvres de l homme dont on parle dans l interview Beyssandre commen a s int resser au projet de Bartlebooth pas cause de la qualit des aquarelles mais plut t cause de son originalit Pendant trois mois Beyssandre essaya de se mettre en contact avec Bartlebooth sans succ s Ensuite il vint voir Smautf pour d clarer la guerre Bartlebooth si l art pour Bartlebooth consistait d truire les uvres qu il avait con ues l art pour lui Beyssandre consisterait pr
147. seur pouvait bel et bien l emp cher de devenir un chercheur reconnu mais il ne pouvait pas emp cher qu il exerce son m tier consciencieusement Dinteville lui m me n est peut tre pas tout fait tranger au plagiat non plus puisqu il cherche constamment associer son nom une recette de cuisine Nous voudrions aussi mentionner une autre histoire pour souligner la relation ventuelle entre le faux et la vengeance V ronique Altamont est la fille qui dans les derniers mois de la vie de Bartlebooth remonte les escaliers pour l aider avec les pi ces de puzzle A l ge de seize ans elle est en train de ramasser les souvenirs de son enfance qui plus tard donneront un livre autobiographique Elle les garde dans un dossier ayant le titre suivant M moires pour servir l Histoire de ma propre Enfance par V ronique Marceline Gilberte Gardel Altamont ibid p 513 A cet gard V ronique menait des recherches sur le pass de ses parents elle voulait surtout savoir qui tait cet homme toujours absent qui se disait son p re et qu elle haissait si fort que pendant des ann es elle raya syst matiquement sur sa carte d identit scolaire et sur tous ses cahiers le nom d Altamont pour le remplacer avec celui de sa m re ibid p 516 Cependant V ronique trouva un jour une lettre crite par Cyrille son p re sa m re Blanche Et c est l qu elle comprit que la haine qu elle avait port
148. st pas souvenir de la sc ne mais souvenir du mot seul souvenir de cette lettre devenue mot de ce substantif unique dans la langue n avoir qu une lettre unique signe contradictoire de l ablation et de la multiplication de la mise en ordre axe des X et de l inconnu math matique point de d part enfin d une g om trie fantasmatique dont le V d doubl constitue la figure de base et dont les enchev trements multiples tracent les symboles majeures de l histoire de mon enfance W p 109 110 Bellos montre aussi dans la biographie sur Perec que la lettre W peut se comprendre comme un M retourn La lettre M pour m re une personne importante pour tout enfant mais absente pour Perec Et si W signifie l enfance de Perec ce sont peut tre les souvenirs qui gagnent au d triment de l inconnu La vie mode d emploi en tant que puzzle ne se laisse pas r soudre non plus Le tableau de Val ne est par exemple une petite nigme qui ne se r sout pas et qu est ce qui arrive aux r sidents de l immeuble la fin du roman Perec choisit de laisser le lecteur dans le vide sans donner aucune r ponse ce qui leur arrive Perec invite donc le lecteur de La vie mode d emploi jouer avec lui ou contre lui Quelle est la coh rence entre tel et tel personnage De quelle uvre la citation est elle tir e qui est ce que Perec se r f re en disant ceci ou cela A travers les puzzles Winckl
149. sy et Margy 3 1 5 Bartlebooth et Winckler 3 1 5 1 La relation entre Bartlebooth et Winckler 3 1 5 2 Le puzzle comme moyen de vengeance 3 1 5 3 Pourquoi Winckler se venge t il 3 1 5 4 La vengeance dans un aspect psychanalytique 3 1 6 Perec et la vengeance 3 2 Le faux 3 2 1 Le faux dans W ou le souvenir d enfance 3 2 2 Le faux dans La vie mode d emploi 20 26 28 31 32 33 34 35 38 38 40 42 46 48 50 51 52 53 54 57 61 63 64 65 67 69 3 2 2 1 Gaspard Winckler 3 2 2 2 Franz Hutting 3 2 2 3 Dr Dinteville 3 2 3 Un cabinet d amateur Chapitre 4 Questions centrales 4 1 Y a t il une relation entre la vengeance et le faux 4 2 Perec et le faux Chapitre 5 Les jeux 5 1 Le faux et les jeux 5 2 Perec et les jeux 5 3 Les jeux dans La vie mode d emploi Chapitre 6 Quel est Pobjectif de La vie mode d emploi CONCLUSION Bibliographie 70 71 74 75 78 81 INTRODUCTION 1 1 Introduction g n rale Ce m moire t che d lucider quelques th mes fondamentaux dans le roman La vie mode d emploi de l crivain fran ais Georges Perec Ce chef d uvre de Perec est un livre grandiose de 700 pages environ avec des centaines de personnages et d histoires Il peut appara tre comme un livre fragment Toutefois nous voulons essayer de montrer qu il y a certains th mes principaux autour desquels les personnages se regroupent Quels sont ces th mes A travers la multitude de r cits qui constituent ce r
150. t Paris pour s inscrire aux Beaux Arts Il n allait pas rester longtemps Paris seulement le temps n cessaire pour devenir c l bre et mari Apr s avoir atteint ces buts il retournerait tampes sa ville natale Cependant depuis 1919 il est rest Paris dans le m me immeuble se rendant compte qu il est devenu trop attach sa chambre et ses biens pour les quitter Comme est le cas pour la plupart des habitants de l immeuble Val ne ne montre pas beaucoup d int r t vis vis du monde ext rieur Un exemple remonte la seconde guerre mondiale des quatre qui vivent encore aujourd hui dans l immeuble et qui taient alors en ge de prendre parti un seul s engagea activement dans la R sistance les deux autres Mademoiselle Crespi et Val ne furent plut t indiff rents VME p 269 Val ne donne alors impression d tre un homme tout fait ordinaire un peintre plut t m diocre mais jovial et bien aim par tout le monde Dix ans apr s son installation il fait la connaissance de Bartlebooth et accepte de l initier l art de l aquarelle Puis quelques ann es plus tard il rencontre Winckler mais il ne lui pr te v ritablement d attention qu partir des ann es soixante se rendant enfin compte qu il n tait pas un buffet comme les autres ibid p 50 Une autre caract ristique du peintre est son penchant pour la nostalgie et peut tre nous pouvon
151. t ses deux parents durant la seconde guerre mondiale A t il eu un besoin de se venger sur quelqu un Le fait de perdre ses parents ou ses proches en g n ral r v le souvent un besoin ou un souhait de se venger sur quelque chose ou d agir d une mani re ou d une autre L criture a peut tre t la vengeance de Perec ou mieux l criture a peut tre remplac le besoin d une vengeance M me si ses parents sont morts m me s il s est senti seul il a voulu montrer aux autres qu il tait vivant Comme d j mentionn dans l introduction Perec crit dans W ou le souvenir d enfance P criture est le souvenir de leur les parents mort et l affirmation de ma vie W p 64 Comme nous l avons vu travers diff rents personnages la vengeance peut devenir un projet temps plein et elle sert remplir un vide Perec a cherch durant sa vie enti re remplir le vide qu ont laiss ses parents L criture l aidait et de cette mani re il n avait peut tre pas besoin d effectuer une vengeance explicite Burgelin implique que Perec travers l criture se vengeait sur ses exp riences d analyse parce qu elles n ont pas pu l aider elles n ont pas remplac le vide qui tourmentait Perec Dans la psychanalyse tout d pend de l analysant et de ce qu il raconte volontairement Mais m me si Perec raconta ses souvenirs l analyste ne l a pas aid remplacer ses souveni
152. tableau conception se r f rant la circonstance qui avait d clench le tableau par exemple un coup de t l phone proposant la commande et le troisi me par le prix demand ibid p 338 Pourtant m me si la recette devait assurer une certaine originalit ses tableaux Hutting n obtint pas vraiment le succ s d sir Mais il ne se d couragea pas et il eut toujours de nouveaux projets en t te Les uvres comportaient toutes une m thode quelconque des chiffres des couleurs bref ses uvres se sont sch matis es selon une loi sp cifique qu il avait cr e ce propos nous pouvons remarquer que Perec probablement a voulu faire r f rence au groupe Oulipo avec les m thodes et les chiffres et les sch mas Hutting n tait pas non plus l origine de l id e des Mardis de Hutting r unions qui eurent lieu chaque mardi dans son appartement dans les ann es cinquante cinq soixante L se r unissaient des artistes en tous genres afin de voir si un tel rassemblement d artisans r sulterait en une nouvelle inspiration Parmi les nombreux contributeurs 1l y avait un gar on d environ douze ans Son r le tait d improviser des po sies m taphysiques Ces po mes aux titres remarquables par exemple valuation de la situation D nombrement des choses et des tres perdus en cours de route ravirent le public Malheureusement on d couvrit que ce 72 n tait pas le gar on
153. tait donc orphelin Adopt par sa tante paternelle apr s la guerre il se retrouva de nouveau Paris mais cette fois la famille tait constitu e de quatre personnes seulement Personne ne parlait jamais de ce qui tait arriv avec ses parents ils furent entour s de myst re pour ainsi dire Son enfance fut relativement heureuse mais l absence des parents lui laissa un vide irrempla able Malgr la forte influence juive Perec fut baptis dans l glise catholique lors de sa premi re ann e scolaire Villard de Lans Dans son autobiographie W ou le souvenir d enfance il raconte qu il r vait de devenir un enfant de ch ur mais le fait qu il tait un juif l en emp cha Alors d s la prime enfance il y avait chez Perec et dans son environnement une confusion concernant son identit tait il fran ais tait il juif ou catholique Cela s est manifest dans ses livres la question de l identit est souvent abord e et l auteur laisse souvent une impression de vide de neutralit au lecteur Je sais que ce que je dis est blanc est neutre est signe une fois pour toutes d un an antissement une fois pour toutes W 63 sa mort pr coce en 1982 Perec laissa une grande production litt raire derri re soi Tr s jeune il exprimait le v u d crire mais c est seulement en 1965 que son premier roman Les Choses Une histoire des ann es soixante fut publi Avec ce r cit sociologique Per
154. tait son habituel pantalon de flanelle grise une veste carreaux et une de ces chemises en fil d Ecosse qu il affectionnait tellement VME p 162 et pendant ses vingt cinq ans de voyage son valet Smautf s arrangeait toujours pour maintenir un certain confort Aussi son appartement t moigne t il d une richesse norme Bartlebooth est assis devant la table dans le fauteuil de son grand oncle Sherwood un fauteuil Napol on III basculant et tournant en acajou et cuir de vin ibid p 575 et son lit aux montants de cuivre recouvert d une indienne fleurs flanqu de deux tables de nuit Empire ibid p 461 M me si son appartement est grand il est meubl de fa on parcimonieuse C est une pi ce presque vide ibid p 148 telle est la description de l antichambre chez Bartlebooth Les murs sont peints en blanc ibid et son bureau est un espace strict et neutre ibid Un appartement ou une maison refl te g n ralement les personnes qui y habitent l aide des meubles on se cr e une image du style que les habitants ont ou qu ils veulent montrer qu ils ont Bartlebooth maintient aussi un certain style chez lui les quelques meubles dans les chambres presque vides t moignent de la richesse et d un style bourgeois L impression d un certain ordre vient alors automatiquement et s ajoute l image de Bartlebooth comme un homme toujours correct et un pe
155. tants de l immeuble lui compl mentaient sur ses uvres et sur sa capacit artistique Avec ses mains Winckler fabriquait des objets des bagues des bahuts des dentelles etc tout plus fantastiques les uns les autres Il distribuait volontiers les objets aux voisins de l immeuble et 35 m me ceux qu il ne connaissait pratiquement pas Mais que faisait il avec tous ces petits jouets Il ne semblait avoir aucun int r t les vendre ou faire fortune Comme nous le verrons dans la partie suivante la femme de Winckler meurt en couches Peut tre cela est une des raisons pour lesquelles Winckler fabrique autant de jouets pour se souvenir de Penfant qu il n eut jamais Tous les quinze jours entre 1935 et 1955 Winckler re ut une aquarelle de Bartlebooth Les aquarelles taient envoy es des ports partout dans le monde et le travail de Winckler tait toujours le m me le premier jour Winckler regardait l aquarelle sans la toucher Le deuxi me jour il collait l aquarelle sur un support avec une colle sp ciale de couleur bleue et intercalait entre le papier d aquarelle et le bois une mince feuille de papier blanc pour que la s paration de l aquarelle et du contreplaqu soit plus facile Les trois quatre jours suivants il tudiait l aquarelle la loupe pour apercevoir tous les d tails La semaine d apr s le v ritable travail commen ait c est dire le d coupage du puzzle En 1955 Winckler ac
156. te trois reprises en 1949 l ge de treize ans seulement en 1956 57 et ensuite de 1971 1975 la s ance la plus longue Par cons quent il est tr s probable que la figure d un analyste se retrouve dans les uvres de Perec et les critiques Fr d ric Yvan et Claude Burgelin indiquent que l exp rience d un analyste chez Perec s est manifest e entre autres dans la figure de Bartlebooth En tudiant son nom Yvan montre qu une variante anglaise du mot Bartle peut tre to barter To barter away d signe l action de liquider au sens de bazarder Yvan 2005 p 142 Booth peut se traduire en cabin alors isoloir Et si nous omettons une voyelle booth devient both l adjectif anglais pour l un et l autre Bartlebooth formule donc le lieu particulier d une lutte qui se joue deux l un avec l autre l un contre l autre lieu de l isolement et lieu isol ibid Aussi l appartement de Bartlebooth peut tre compar un cabinet d analyste neutre vide les meubles bien rang s Son projet de puzzle s ach ve selon une chelle de temps fixe dix ans vingt ans puis vingt ans Tous les quinze jours entre 1935 et 1955 Bartlebooth peint un nouveau port et tous les quinze jours les derni res vingt ann es Bartlebooth reconstitue les puzzles que Winckler lui a pr par s Chez un analyste les s ances s ach vent aussi selon un
157. ter qu il y a cent bagues de la m me fa on qu il est cent cases de l immeuble chaque chapitre serait lui seul un anneau du Diable ibid La derni re uvre de Winckler fut ce qu il appelait des miroirs de sorci res 36 Il fignolait chaque cadre pendant des jours et des jours les d coupant les ajourant sans cesse jusqu ce qu ils deviennent d impalpables dentelles de bois au centre desquelles le petit miroir poli semblait un regard m tallique un il froid grand ouvert charg d ironie et de malveillance Le contraste entre cette aur ole irr elle travaill e comme un vitrail flamboyant et l clat gris et strict du miroir cr ait une impression de malaise comme si cet encadrement disproportionn en quantit comme en qualit n avait t l que pour souligner cette vertu mal fique de la convexit qui semblait vouloir concentrer en un seul point tout l espace disponible VME p 53 Un miroir refl te l image qu on donne au monde qui nous entoure Cette image est fixe et immuable Nous ne pouvons rien changer ce qui est refl t m me si nous ne l aimons pas justement parce que le miroir est en possession d une v rit pour ainsi dire Il faut tout fait accepter l image que ce miroir refl te Les miroirs de sorci res que Winckler fabriquent sont entour s par des cadres qui deviennent au fur et mesure aussi ravissants que des dentelles Il employait nor
158. tion et le conflit entre la toile blanche de Val ne et la pl nitude comblante de cette longue cohorte de personnages d objets et d histoires rassembl es autour du peintre en train de se peindre sa place apparemment inoffensive qu il faut chercher l autoportrait de I me de Georges Perec Burgelin 1996 p 60 Nous n entrons pas dans les d tails de l me ici mais il peut n anmoins tre int ressant de prendre ces pens es en consid ration Les trois personnages que nous venons de pr senter sont tout fait diff rents et nous avons l impression qu ils ne se fr quentent pas trop souvent Cela caract rise d ailleurs tous les personnages dans La vie mode d emploi Malgr le fait qu ils vivent proximit de leurs voisins ils ne montrent pas un grand int r t vis vis d eux N anmoins le projet de Bartlebooth force les trois protagonistes se fr quenter et maintenir un certain ce qui peut tre va r sulter en des relations plus profondes qu on aurait pens premi re vue Cela nous am ne la partie principale du m moire les th mes fondamentaux Dans cette partie nous tudierons plus profond ment la relation entre les deux protagonistes Gaspard Winckler et Bartlebooth car une des histoires principales du livre concerne justement leur relation et la vengeance de Winckler sur Bartlebooth 44 Chapitre 3 Th mes centraux Le titre du roman peut faire l objet de beaucoup
159. tte femme belle et magnifique Malheureusement elle meurt trop t t en couches Ce d c s laisse videmment un espace vide difficile remplir pour l homme veuf D sormais l existence de Winckler ne se tourne qu autour des puzzles et de ses travaux de nombreux objets Il n glige l entretien de son appartement en particulier la chambre de Marguerite Plus tard il cessera m me de prendre soin de lui m me il cesse toute activit et arr te m me de sortir de son appartement C est alors comme s il commen ait devenir totalement indiff rent La chambre de Marguerite est aujourd hui une pi ce grise de poussi re et de tristesse une pi ce vide et sale avec un papier terni par la porte ouverte sur le cabinet de toilette d labr on d couvre un lavabo macul de tartre et de rouille sur le rebord br ch duquel une bouteille entam e de Pschitt orange ach ve depuis deux ans de verdir ibid 2 2 3 Perec et Kaspar Hauser Gaspard Winckler Nous avons vu qu il y a une certaine ressemblance entre les Gaspard Winckler chez Perec Prenons par exemple Gaspard Winckler dans La vie mode d emploi et le faux Gaspard Winckler dans W ou le souvenir d enfance les deux ont perdu leurs parents pendant 38 l enfance leur p re l ge d environ six ans Ensuite ils ont exerc plusieurs m tiers mais en d pit de cela ils n ont aucune exp rience professionnelle Le service militaire les sauve
160. u de celui ci face l inextricable incoh rence du monde il s agira alors d accomplir jusqu au bout un programme restreint sans doute mais entier intact irr ductible VME p 152 7 ra D 2 Dans les pi ces annexes la fin de La vie mode d emploi Perec a consacr quatre pages au Rappel de quelques unes des histoires racont es dans cet ouvrage Les titres des histoires sont tir s de l 20 Une id e vague s accentua contenant trois principes directeurs un d ordre moral le second d ordre logique et le troisi me principe d ordre esth tique Plus pr cis ment il s agissait d un projet qui devrait tre difficile mais non impossible et qui devrait gouverner la vie enti re de Bartlebooth Le principe logique excluait tout recours au hasard et ferait fonctionner le temps et l espace comme des coordonn es abstraites o viendraient s inscrire avec une r currence in luctable des v nements identiques se produisant inexorablement dans leur lieu dans leur temps ibid p 153 Le troisi me principe tait circulaire parti de rien Bartlebooth reviendrait au rien travers des transformations pr cises d objets finis ibid Selon Bartlebooth le jeu de puzzle couvrait tous ces principes et son projet fut alors de faire des puzzles bas s sur des images cr es par lui m me Son programme fut le suivant de 1925 1935 Bartlebooth s apprendrait l art de l aq
161. u il fait c est de recopier des motifs des dessins et des esquisses d j faits Aucun doute que cela demande un certain talent mais aucun vrai artiste ne cherche recopier un motif Alors m me si Winckler cr e des reproductions plus fantastiques les unes que les autres il ne d passe jamais ses bornes ou ses capacit s artistiques Un v ritable artiste cherche plut t cr er sa propre expression et tre original Cela demande un vrai effort de la part de l artiste il faut qu il ose parler sa propre langue et employer des termes conformes son expression tre un artiste signifie aussi qu on s expose aux critiques il faut courir le risque que le public n aime peut tre pas ce qu on cr e Il s agit aussi d avoir de la fantaisie de s exprimer d une fa on nouvelle et non conventionnelle Une nouvelle expression est cr e d s qu une pens e acquiert une touche personnelle Pour r sumer nous pouvons dire que tout artiste commence par le plagiat puisque c est en imitant qu on acquiert la ma trise des r gles de l art Le d fi repose alors sur la capacit tre original dans ce qu on r alise Comme son mari Marguerite Winckler partage un int r t pour l artisanat et comme lui elle travaille dans le m tier comme miniaturiste Mais elle avait le m me souci que Gaspard elle avait du mal trouver sa propre voie elle pr f rait copier des objets d j existants 70
162. u temps nous trouvons un homme sinc re et amical Longtemps avant que les puzzles aient pris le contr le de Bartlebooth il emmena parfois Val ne Marguerite et Gaspard Winckler pour visiter les ch teaux de la Loire ou pour d autres visites Un fois il invita les m mes personnes bord de son yacht les convia de passer deux mois avec lui Et apr s les ann es de voyages Bartlebooth donna des d ners r put s 1l sortit fr quemment et invita volontiers les personnes dont il avait fait la connaissance au cours de ses voyages Il se prit m me d affection pour une madame Elzbieta Orlowska plusieurs reprises avant que sa passion morbide ne le condamn t jamais une solitude de plus en plus stricte il l invita d ner VME p 326 Cependant d s 1960 ces activit s furent de plus en plus rares Ainsi c est uniquement dans les quinze derni res ann es de sa vie lorsque l activit de reconstitution des aquarelles partir des pi ces de puzzle commence que Bartlebooth devient un homme antipathique et quasiment hostile C est cause des puzzles qu il s enferme dans sa chambre qu il perd le contact avec autrui et qu il perd sa propre raison Au lieu de se d velopper il est devenu une victime de la stagnation 30 2 1 3 Bartlebooth comme figure d analyste Certains critiques ont indiqu que Bartlebooth peut tre compris comme une figure d analyste Perec lui m me a consult un analys
163. u avant de commencer le r cit Oui cela pourrait commencer ainsi ici comme a d une mani re un peu lourde et lente ibid p 21 Puis l histoire sera abord e Oui a commencera ici entre le troisi me et le quatri me tage 11 rue Simon Crubellier Une femme d une quarantaine d ann es est en train de monter l escalier ibid p 22 En fait le texte raconte et d crit tout ce qui se passe dans les diff rents appartements au moment du 23 juin 1975 vers huit heures du soir Souvent les chapitres commencent par une description de l appartement avec les verbes employ s au pr sent Cela marque alors bien le temps actuel Pour citer les mots d Alain Goulet dans son article La vie mode d emploi archives en jeu Contrairement Bartlebooth qui s abstrait de l histoire et nie le temps Perec introduit le temps pour raconter des histoires Le tableau fig s anime chaque cellule produit de l histoire pour raconter la gen se des choses et des personnes et ces constellations d histoires font clater l espace confin Goulet 1984 p 196 Ce n est qu la fin du roman que le lecteur comprend que le texte en fait est un roman d un instant L ultime chapitre du roman constitue le temps r el du texte Le lecteur se trouve pour la premi re fois dans la chambre d un des protagonistes Bartlebooth Tout au long de l uvre nous avons entendu parler de cet homme
164. u projet de I Anglais Ce principe d ordre esth tique indique que le projet se d truirait lui m me au fur et mesure qu il s accomplirait VME p 153 Plus loin le narrateur indique qu il voulait que le projet tout entier se referme sur lui m me sans laisser de traces comme une mer d huile qui se referme sur un homme qui se noie il voulait que rien absolument rien n en subsiste qu il n en sorte rien que le vide la blancheur immacul e du rien la perfection gratuite de l inutile ibid p 462 C est dire que le travail entier de Bartlebooth et aussi celui de Winckler va dispara tre Winckler a mis vingt ans de sa vie faire de puzzles mais selon le plan de Bartlebooth le r sultat ne sera que la disparition de son uvre Nous pouvons bien comprendre que Winckler soit d sabus n obtenant absolument rien de ces vingt ans de travail Nous pouvons de l autre c t nous demander si Bartlebooth n est qu une victime innocente Il fut la port e de Winckler au moment o une haine envers quelqu un s est d velopp e S il y avait eu une autre personne pr sente il est bien possible que celle ci e t t la victime de la vengeance de Winckler Les hypoth ses mentionn es ci dessus se trouvent la limite de la sp culation mais nous trouvons qu il vaut peut tre la peine de les mentionner 62 3 1 5 4 La vengeance selon un aspect psychanalytique Comme nous l
165. u s v re 26 Les adjectifs employ s pour d crire son appartement sont les m mes que ceux qui ont t employ s pour d crire Bartlebooth lui m me ses yeux taient devenus presque blancs ibid p 162 son regard tait vide Pour ne pas mentionner la couleur ou plut t le manque de couleur dans ses aquarelles elles ne sont pour la plupart que des variations de gris Le blanc le gris le vide est ce que ce sont des traits qui caract risent l indiff rence Une autre caract ristique de Bartlebooth concerne sa mani re de dormir Il dort les yeux ouverts C est rare qu on arrive dormir de cette mani re et l on a peine croire que ce soit possible En fermant les yeux les images de nos pens es et de nos fantasmes apparaissent Avec les yeux ouverts nous apercevons plus difficilement ces images int rieures 1l faut que nous nous concentrions sur le monde r el Le fait que Bartlebooth ne ferme quasiment jamais les yeux est il alors un signe de panique ou de peur de quelque chose A t il peur de ce qui se cache en son for int rieur Peut tre y a t il des souvenirs ou des images qu il ne veut pas voir et au lieu de se confronter ces pens es ou souvenirs incommodes il n ose pas fermer les yeux La derni re rencontre entre Bartlebooth et Val ne s ach ve sur les mots suivants Il y avait dans ce regard qui l vitait quelque chose de beaucoup plus violent que le vide quelque cho
166. uarelle De 1935 1955 il peindrait 500 ports du m me format de partout dans le monde Au fur et mesure que les aquarelles s ach veraient elles seraient envoy es un fabricant de puzzles qui d couperait chaque aquarelle en un puzzle de 750 pi ces Ensuite de 1955 1975 bien install dans son appartement Paris Bartlebooth reconstituerait les puzzles en l image originale Chaque aquarelle puzzle finie elle serait soumise un proc d chimique qui permet de la d coller de son support et ensuite transport e au port o elle avait t peinte il y a vingt ans o elle serait plong e dans une solution d tersive d o ne ressortirait qu une feuille de papier Whatman intacte et vierge ibid p 154 De cette mani re Bartlebooth consacrerait cinquante ans de sa vie un projet duquel il ne resterait aucune trace Bartlebooth n est pas un bavard il ne s int resse presque rien et sa vie se d roule enti rement autour de son projet grandiose Aucun doute que Bartlebooth est un personnage bien respect par les autres habitants de l immeuble Cela a peut tre faire avec sa richesse son origine tant anglais et venant de la haute bourgeoisie mais aussi avec son projet nigmatique et myst rieux Un exemple du respect des autres est montr lors du d c s de Winckler Les biens personnels de Winckler furent tous sortis de son appartement et Smautf Morellet et Val ne se sont demand s
167. ultat ne lui pla t pas L uvre originale reste l id al parfait alors que la sienne ne d passe jamais le niveau de copie Winckler se rend compte qu il n est rien d autre qu un faussaire Cette d couverte m ne en effet au crime Winckler se venge de l homme qui a command le faux Condottiere Winckler le tue parce qu il n tait pas capable de cr er le tableau de la fa on souhait e 3 2 1 Le faux dans W ou le souvenir d enfance Dans les textes qui suivent Le Condottiere Perec continue de traiter le th me du faux Dans Iautobiographie W ou le souvenir d enfance il est question du faux l existence m me du protagoniste Gaspard Winckler est questionn e Deux personnages ayant le m me nom apparaissent mais qui d eux est le vrai Gaspard Winckler Le texte est divis en deux parties qui chacune contient deux histoires diff rentes Les histoires racont es alternent entre l enfance de Perec partie autobiographique et une histoire fictive L histoire autobiographique se poursuit tout au long du texte et elle est seulement interrompue et l par des histoires fictives W ou le souvenir d enfance contient alors trois histoires premi rement la partie du livre qui est tir e de la v rit Ensuite vient l histoire fictive de la premi re partie histoire dans laquelle le protagoniste s appelle Gaspard Winckler Le lecteur apprend que ceci n est pas sa vraie identit Il a acquis ce nom p
168. un penchant pour la nostalgie et des soucis concernant le d roulement du temps peut tre cherche t il interrompre le cours du temps pour un instant ou bien sauvegarder ses souvenirs En faisant un tableau Val ne peut conserver tous les souvenirs qu il souhaite garder il peut ranimer le pass et ceux et celles qui sont mort e s ou disparu e s Mais tout comme Bartlebooth et d autres personnages dans immeuble Val ne devient presque obs d par son projet L id e du tableau hante le moindre de ses instants meuble ses r ves et force ses souvenirs L id e de l immeuble lui faisait l effet d un mausol e grotesque dress la m moire de comparses p trifi s dans des postures ultimes comme s il avait voulu la fois pr venir et retarder ces morts lentes ou vives qui d tage en tage semblaient vouloir envahir la maison enti re ibid p 164 41 Le lecteur a bien raison de croire que le tableau est presque achev puisque son id e est aussi bien d velopp e Le texte fait r f rence au tableau plusieurs fois et le lecteur tende par cons quent croire que le tableau est pr s de l ach vement N anmoins dans l pilogue du roman le lecteur apprend que Val ne n a gu re commenc le tableau Dans sa chambre c t de la fen tre se trouve une grande toile de deux m tres La toile tait pratiquement vierge quelques traits au fusain soigneusement trac s la divisaient en car
169. ur du th me Cependant nous avons l impression que les sentiments autour de la vengeance ne reposent pas n cessairement sur de la haine comme c est le cas habituellement dans d autres situations de vengeance Dans La vie mode d emploi elle est un peu diff rente Peut tre nous pouvons dire que les habitants se vengent d une situation au lieu de se venger d une personne Ce n est pas la haine envers une personne qui est l l ment moteur de la vengeance mais la situation que cette personne peut tre a caus une situation qui devient si insupportable qu elle demande une vengeance Un exemple est la vengeance de Winckler nous en parlerons plus en d tails dans la partie 3 1 5 Nous allons voir que Winckler n exprime nulle part dans le texte qu il hait Bartlebooth alors ce n est pas de la haine envers ce dernier qui cause la vengeance envers Bartlebooth La vengeance comme ph nom ne existe depuis toujours et elle se trouve ancr e dans la nature de l homme Elle fait partie de nos instincts pour ainsi dire Quand nous ressentons une 46 offense c est notre dignit qui est perdue et l aide de la vengeance nous cherchons la retrouver La vengeance est donc un sentiment naturel pour l homme un sentiment qui s exprime travers un acte quelconque Elle se trouve exprim e surtout dans la litt rature mais peut tre la vengeance comme th me litt raire tait plus centrale et importante avant qu
170. us engage www pierrejourde fr 2 p p 2 12 Le Tr sor de la Langue Fran aise informatis d finit le mot existentiel comme ce qui concerne l existence en tant que r alit v cue personnellement et concr tement Nous employons alors le terme l aspect existentiel pour d signer ce qui concerne une dimension existentielle laquelle le lecteur peut s identifier Jourde continue en crivant que la litt rature ne se contente pas de nous repr senter elle nous change La litt rature nous donne acc s l autre C est par elle la litt rature que communiquent la singularit et l universalit ibid Aussi bien que de r pondre la question de la fonction de la litt rature ces phrases r sument bien le but du projet de Perec Ses textes fonctionnent comme des t moignages du destin entre autres de ses parents La litt rature est leurs m moires Dans W ou le souvenir d enfance Perec crit justement que J cris parce qu ils les parents ont laiss en moi leur marque ind l bile et que la trace en est l criture W p 64 Puisque Perec a investi une grande partie de lui m me dans ce texte ainsi que dans l ensemble de ses textes il m rite d tre lu d une mani re qui insiste sur l aspect existentiel du roman travers la litt rature Perec a peut tre eu acc s quelque chose de fondamental et existentiel ce qui donne un engagement au lecteu
171. ut tre le livre principal pour comprendre la fonction de la psychanalyse chez Perec A travers La Vie mode d emploi Perec s est lanc je tenterai de le prouver dans un projet d une exceptionnelle hardiesse restituer ce qu est une psych humaine crit Burgelin Burgelin 1996 9 Puisque Perec a consult des analystes Burgelin trouve qu il serait invraisemblable que certains l ments de l analyse ne soient pas encrypt s dans ses textes par exemple dans La Vie mode d emploi Il peut tre int ressant de prendre ces pens es en consid ration lorsqu on cherche comprendre certaines figures perecquiennes c est donc pourquoi nous pr senterons certains de ses points de vue lors de la pr sentation des personnages centraux figurant dans La vie mode d emploi Cependant nous nous bornerons pr senter les points de vues de Burgelin non pas en faire une analyse car cela va en dehors de nos qualifications et en dehors de l objectif de notre travail 11 Nombreux sont aussi ceux et celles qui tudient Perec d un aspect oulipien Le professeur et connaisseur de Perec Bernard Magn en est un nom central Dans son livre Georges Perec il donne une br ve introduction Perec et d veloppe en m me temps les aspects oulipiens les plus importants dans les uvres de Perec Le fait que Perec appartenait au groupe Oulipo l a inspir ins rer certaines structures oulipiennes dans ses uvres Perec dit
172. ux a gagn au d triment du vrai Remarquons ce que Dangy Scaillierez dit ce propos le faux est un double presque parfait de l objet authentique supposer que celui ci existe De la m me fa on dans les r cits perecquiens l objet vrai dont le faux est en principe un fac simil ou une recomposition n est jamais mis en pr sence de son double L authenticit sert de r f rence abstraite th orique mais il n y a entre les mains des personnages videmment aucun Vase v ritable comparer la gargoulette de Nabeul La rar faction du vrai est telle qu Heinrich K rz fabrique m me du faux avec du faux lorsqu il reproduit sur sa toile r capitulative les uvres d art vendues son oncle Dangy Scaillierez 2002 p 209 Le faux attire l int r t chez Perec ce qui est le cas aussi pour les jeux Le jeu constitue un l ment capital dans ses uvres et surtout dans La vie mode d emploi de la m me fa on que le faux et la vengeance aussi sont des th mes importants Le jeu peut se comprendre comme un passe temps amusant On s unit souvent autour d un jeu quelconque dans des f tes ou des occasions o plusieurs personnes sont rassembl es N anmoins le jeu est amusant seulement lorsque les participants suivent le r glement du jeu L objectif de chaque jeu est videmment de gagner mais c est seulement en suivant les r gles qu on gagne honn tement Et c est ici que nous trouvo
173. zzles Tous les deux sont consid r s comme des hommes tranquilles Bartlebooth cause de son flegme britannique VME p 403 et Winckler n ayant apparemment pas besoin de se faire remarquer N anmoins il leur arrive d entrer dans d pouvantables col res Alors parfois au bout de ces heures d inertie morose il arrivait Bartlebooth d entrer coup d pouvantables col res aussi terribles et aussi inexplicables que pouvaient l tre celles de Gaspard Winckler quand il faisait sa partie de jacquet avec Morellet chez Riri ibid p 403 Le contrat entre les deux hommes a une dur e pr vue de vingt ans Pendant vingt ans Winckler transforme les aquarelles de Bartlebooth en puzzles soit 500 aquarelles puzzles au total Bartlebooth en rentrant Paris apr s ses voyages re oit un puzzle soigneusement pr par par Winckler chaque quinze jour Il est alors vident que leur relation se d veloppe et qu ils deviennent d pendant l un de l autre Deux fois par mois pendant vingt ans comment viter qu une relation ne se d veloppe Pour encore nous r f rer Burgelin il crit un peu trop cat gorique peut tre que la raison d tre de Winckler est de tendre des pi ges Bartlebooth Burgelin 1996 p 15 Plus loin dans son texte il continue Une implacable dialectique du ma tre et de l esclave se met tout aussit t en place puisqu on ne sait rapidement plus qui d

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