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Aider les pauvres, histoire politique et associative

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1. gt la vie des eS fr Aider les pauvres histoire politique et associative Arnaud TRENTA Comment l assistance publique s est elle constitu e en France Une tude approfondie qui traverse les XIX et XX si cles montre l articulation du social et du sanitaire du local et du national dans les politiques assistancielles Recens Axelle Brodiez Dolino Combattre la pauvret Vuln rabilit s sociales et sanitaires de 1880 nos jours Paris CNRS Editions 2013 328 p 25 Dans son nouvel ouvrage intitul Combattre la pauvret Axelle Brodiez Dolino poursuit son analyse des institutions et des organisations vou es secourir les plus d munis Apr s avoir tudi des associations humanitaires comme le Secours populaire et le mouvement Emma s l auteure entreprend un projet plus vaste en retra ant l histoire contemporaine de l assistance sociale partir du cas de la ville de Lyon L approche par le local constitue une originalit de ce travail elle permet en effet de compl ter les analyses centr es sur les grandes lois nationales en s attachant aux r alit s concr tes de la mise en uvre des politiques assistancielles L articulation du local et du national s av re galement pertinente pour comprendre le processus de construction de l assistance publique qui d roge fortement l image d un tat jacobin La plong e dans les archives municipales de Lyon nous enseigne que l assistan
2. par deux logiques diff rentes le droit l assistance et le devoir de charit Les conflits mondiaux et la reconfiguration des vuln rabilit s sociales et sanitaires La premi re Guerre mondiale et les pr occupations politiques concernant les soldats modifient les donn es du probl me et renforcent la dimension sanitaire de l assistance Le processus de sanitarisation du social se manifeste notamment par la m dicalisation des h pitaux qui accueillent les bless s et par les dispositifs hygi nistes prot geant les soldats des fl aux sociaux que sont la tuberculose et la syphilis L ensemble des mesures sanitaires profite galement aux populations civiles qui p tissent des cons quences humanitaires d sastreuses du conflit L intrication du social et du sanitaire acquiert une plus grande importance durant l entre deux guerres p riode de l apog e de l hygi nisme social Ainsi les politiques natalistes et familialistes continuent de se d velopper apr s la Grande guerre La lutte contre la tuberculose et la syphilis se poursuit galement dans les ann es 1920 1930 au travers d une approche pr ventive et asilaire Enfin la protection de l enfance et de l adolescence devient un des principaux domaines de l assistance notamment au niveau local o se forme un dense r seau organisationnel m lant les associations et les services municipaux L entre deux guerres voit alors merger les premi res pro
3. pit de la prosp rit conomique et de la g n ralisation de la solidarit sociale la perspective d une r solution de la question sociale fait long feu D abord parce que les p nuries persistent durant les ann es d apr s guerre qui tra nent longtemps les s quelles du conflit Ensuite parce que les diff rents acteurs de l assistance restent fortement mobilis s notamment concernant la pauvret des personnes g es et la crise du logement En coh rence avec la th se d velopp e par l auteure ces deux th matiques phares de la p riode la vieillesse et l habitat se trouvent au croisement des vuln rabilit s sociales et sanitaires Durant les Trente Glorieuses le probl me des conditions de sur vie des personnes g es fait l objet d un v ritable consensus social Au niveau national apr s la prolif ration de diverses pensions la loi de 1956 garantit un certain niveau de revenu et instaure le minimum vieillesse que per oivent alors 90 des plus de 65 ans Au niveau local le bureau d aide sociale n de la fusion des bureaux de bienfaisance et d assistance rige en priorit l aide aux personnes g es notamment celles n ayant pas cotis la retraite Pour pallier aux probl mes de nourriture et de logement le bureau d aide sociale distribue des secours en argent et en nature finance des restaurants sociaux et d veloppe le placement dans des logements sociaux Les subventions aux associati
4. politiques assistancielles se sont construites sur le seul socle politiquement acceptable une articulation des vuln rabilit s sociales et sanitaires p 16 Brodiez Dolino Axelle Emma s et l abb Pierre Paris Presses de Sciences Po 2009 Brodiez Dolino Axelle Le Secours populaire fran ais 1945 2000 du communisme l humanitaire Paris Presses de Sciences Po 2006 Cette id e sert de fil conducteur l ensemble de l ouvrage qui est structur en trois parties correspondant trois p riodes 1880 1914 1914 1945 1945 1975 De mani re chronologique le lecteur suit l volution de l assistance sociale Lyon au travers des principaux dispositifs publics et de quelques cas associatifs La premi re partie chapitres 1 3 expose la constitution de l assistance avec l entr e en sc ne successive des acteurs associatifs municipaux et tatiques La deuxi me partie chapitres 4 7 souligne les cons quences des guerres mondiales sur les politiques d assistance et sur les formes de vuln rabilit La troisi me partie chapitres 8 10 illustre le maintien d une importante politique d assistance apr s guerre malgr le d veloppement de la protection sociale et la prosp rit conomique des Trente glorieuses De la philanthropie associative aux lois r publicaines Avant l av nement de la pens e solidariste et l arriv e au pouvoir des r publicains l assistance sociale repose essen
5. ce s est constitu e par strates successives d abord partir d initiatives priv es g n ralement religieuses puis par l action des municipalit s et enfin au travers de l intervention de l tat En mobilisant le concept de mixed economy of welfare d velopp dans les pays anglo saxons depuis les ann es 1980 l auteure int gre dans l analyse cette diversit d acteurs priv s et publics afin d envisager l assistance comme un cheveau complexe et multiforme fait de niveaux et de hi rarchies de conflits de coop rations et de compl mentarit s p 13 Au c ur de cette complexit un principe semble toutefois tre partag par l ensemble des acteurs tout au long de la p riode tudi e les personnes consid r es comme dignes d tre aid es rel vent de probl matiques la fois sociales et sanitaires Cette intrication du social et du sanitaire qui se manifeste tant dans les politiques assistancielles que dans les conditions de vie des personnes les plus d munies est appr hend e partir de la notion de vuln rabilit Au sein du vaste monde de la pauvret les vieillards les enfants les femmes en couches les infirmes les incurables les mal lotis les SDF et autres populations doublement vuln rables forment en effet les cat gories cibl es prioritairement par les associations les services municipaux et les grandes lois nationales Ainsi la th se d fendue par l auteure est que les
6. de la stigmatisation des assist s accompagne nombre d analyses des politiques sociales depuis les crits classiques de Georg Simmel sur les pauvres jusqu l tude actuelle des nouvelles formes de pauvret et des dispositifs d insertion notamment Il est d s lors difficile de partager avec l auteure la perspective d un progr s social et politique en r f rence l histoire de l assistance p 295 partir du moment o le point de vue critique des politiques assistancielles n est pas abord Deuxi mement si le concept de mixed economy of welfare et l approche par le local permettent une complexification du monde de l assistance les trop rares analyses des interactions entre les diverses organisations publiques et priv es laissent le lecteur sur sa faim D autant que l auteure reprend en conclusion la notion de champ d finie par Pierre Bourdieu pour voquer la concurrence et la confrontation entre les diff rents acteurs de l assistance Au cours de la d monstration on ne voit pourtant qu de rares occasions les conflits entre les pouvoirs publics locaux et nationaux entre les associations et les pouvoirs publics entre les associations elles m mes voire entre les assist s et les travailleurs sociaux et associatifs Les caract ristiques des acteurs de l assistance ne sont pas non plus relev es en tant que telle alors que l on per oit souvent dans le texte que les associations et les instit
7. fessions du travail social les infirmi res visiteuses et les assistantes de service social Outre la dominance de la pens e hygi niste l assistance durant l entre deux guerres est galement marqu e par les fluctuations conomiques La prosp rit des ann es 1920 s accompagne en effet d une massification de l assistance l gale et d une diversification de l assistance facultative La crise des ann es 1930 recentre au contraire les dispositifs locaux d assistance sur les fondamentaux comme l aide aux vieillards et aux ch meurs non indemnis s Dans ce contexte de crise conomique les associations connaissent un v ritable regain qui se manifeste par une croissance des effectifs b n voles et des activit s envers les priv s de ressources Pourtant en proie de multiples difficult s sociales et sanitaires les immigr s restent toutefois en dehors des dispositifs d assistance et forment un sous prol tariat La seconde Guerre mondiale entra ne une d sorganisation institutionnelle et plonge les populations vuln rables dans de nouvelles difficult s Les p nuries alimentaires ont des effets d multipli s sur les r sidents des institutions ferm es asiles h pitaux qui connaissent une surmortalit et sur les indigents urbains qui vivent en permanence avec la faim et la fatigue Face cette situation la municipalit lyonnaise intervient dans de nombreux domaines de l action sociale comme la lutte c
8. l e la grande d pression qui contraint une multitude de travailleurs au d s uvrement modifie la repr sentation sociale du bon pauvre et du mauvais pauvre Ainsi le ch meur en tant que victime de la conjoncture conomique devient digne d tre assist condition toutefois d exprimer un sentiment de honte l gard de sa situation et une volont farouche d en sortir Le droit l assistance est v ritablement consacr par les lois de 1893 assistance m dicale gratuite de 1905 assistance aux vieillards infirmes et incurables de 1910 retraites ouvri res et paysannes et de 1913 assistance aux femmes en couche et aux familles nombreuses Au tournant du si cle l assistance devient donc un service public L auteure souligne n anmoins que l ambition politique des r publicains n est pas de fournir une r ponse globale au paup risme Les diff rents dispositifs d assistance visent secourir les individus dans des situations particuli res o se m lent des vuln rabilit s sociales et sanitaires Les r actions des associations sont contrast es face au d veloppement des dispositifs publics d assistance Au niveau de la hi rarchie eccl siastique la tendance semble tre au compromis puisque dans le domaine des uvres contrairement celui de l ducation il n y a pas d affrontement central avec l Etat celui ci tant conscient du r le irrempla able jou par des ass
9. ociations connaisseuses du terrain fortes de moyens humains et financiers s culaires p 100 Au niveau des associations religieuses locales l auteure distingue trois grands mod les d attitudes face l intervention publique Premi rement le refus d adaptation la nouvelle configuration conduit certains acteurs vers le catholicisme intransigeant qui relie troitement l aide aux pauvres la foi chr tienne et la pratique religieuse Deuxi mement la tentative d adaptation des associations en se positionnant dans les failles de l assistance publique se traduit par une activit de plus en plus r duite et destin es uniquement aux personnes ne b n ficiant d aucune aide sociale Troisi mement la pleine adaptation des associations passe par leur inscription dans le cadre des politiques assistancielles ce qui fait voluer le r le du b n vole vers celui de l assistant social Parmi ces trois mod les d attitudes seul le troisi me s accompagne d une hausse des membres b n voles et des personnes secourues l aube du XX si cle une diversit d acteurs a donc pos les fondations de l assistance moderne Les dispositifs tatiques les services municipaux et les uvres associatives coexistent pour secourir les individus en situation de vuln rabilit s sociales et sanitaires Malgr une tendance certaine la modernisation et s cularisation de l assistance celle ci reste encore mue
10. ons constituent aussi une part importante du budget des institutions publiques locales Nombre d associations se sp cialisent alors dans l aide aux personnes g es mais les associations g n ralistes investissent galement la question des vieux pauvres qui repr sentent d inadmissibles laiss s pour compte de la prosp rit La crise du logement symbolis par l appel de l abb Pierre lors de l hiver 1954 occupe une part importante de l assistance jusque dans les ann es 1970 L auteur distingue trois grandes cat gories de populations vuln rables qui font l objet d un traitement diff renci Les sans domicile fixe incarnent encore la figure repoussante du mauvais pauvre et re oivent peu d aides des organisations publiques et associatives Les travailleurs immigr s essentiellement alg riens Lyon qui peuplent les taudis et les bidonvilles sont orient s vers des centres et des foyers d h bergement Les familles ouvri res enfin qui se cachent dans l habitat insalubre retiennent l attention des associations et des pouvoirs publics dont l action conjointe permet la construction de logements d cents et un accompagnement social En concluant sur la p riode actuelle l auteure voque le retour de l urgence sociale qui se traduit d abord par des subventions massives aux associations caritatives puis par la loi de 1988 sur le RMI dont elle souligne l aspect essentiellement social qui b
11. ontre le ch mage la distribution alimentaire et la protection de l enfance Le bureau de bienfaisance est galement tr s actif durant la guerre et l occupation revalorisant les allocations sociales et les subventions aux associations Sous le r gime de Vichy les associations sont toutefois troitement contr l es par l Etat suite la refondation du Secours national qui centralise les ressources destin es aux uvres et peut obtenir la dissolution des organisations r calcitrantes Selon l auteure du point de vue de l assistance le r gime de Vichy ne marque toutefois pas une rupture avec les politiques ant rieures La rupture est plus nette partir de 1945 tant au niveau des politiques d assistance que des formes de vuln rabilit Les Trente Glorieuses et les oubli s de la prosp rit De la fin de la seconde Guerre mondiale aux ann es 1970 le monde de l assistance se modifie profond ment Le r le de l tat et des d partements est renforc tandis que se r duit l action sociale des municipalit s Cette p riode voit galement l apparition d une nouvelle g n ration d associations telles Emma s ATD Quart monde les Petits fr res des pauvres le secours catholique ou le secours populaire Avec la cr ation de la S curit sociale en 1945 les politiques d assistance apparaissent aux acteurs de l poque comme archa ques et d gradantes t moignages d un pass r volu Toutefois en d
12. rouille les fronti res entre les pr tendus bons pauvres qui ne peuvent pas travailler et les pr tendus mauvais pauvres qui ne veulent pas travailler L intrication du sanitaire et du social dans les politiques assistancielles r appara t toutefois d s les ann es 1990 avec la mont e des associations humanitaires et l instauration de la Couverture maladie universelle Malgr une autonomisation progressive du social et du sanitaire au cours du XXe si cle l articulation de ces deux dimensions de la pauvret reste donc centrale dans les politiques d assistance Pour l auteure cette double vuln rabilit sociale et sanitaire est d ailleurs consubstantielle la situation de pauvret chaque poque ses difficult s voire ses drames sanitaires auxquels les plus d munis sont plus que tout autre vuln rables p 289 Si la d monstration d ensemble est largement convaincante et apporte indubitablement de nouvelles connaissances aux tudes sur la pauvret et l assistance nous aimerions formuler deux remarques en guise d ouverture au d bat Premi rement Axelle Brodiez Dolino introduit un dialogue avec les analyses socio historiques de Colette Bec sur l assistance en d mocratie mais elle n voque pas tout un pan des tudes sociologiques de la pauvret qui formule une critique l gard de l assistance sociale et de ses effets sur les b n ficiaires La question du contr le social et
13. tiellement sur des associations li es soit la tradition philanthropique des Lumi res soit la tradition caritative du christianisme La ville de Lyon n chappe pas cette situation de quasi monopole des uvres sociales et religieuses dans l aide aux plus d munis On y recense des associations de toute taille menant le plus souvent une action sp cifique envers une seule cat gorie des traditionnels bons pauvres enfants vieillards malades ou infirmes Ces associations apportent des secours domicile tandis que l action publique se concentre dans une assistance hospitali re encore peu m dicalis e et aux capacit s r duites partir des ann es 1880 la situation change avec le r tablissement de l autonomie des villes qui basculent pour beaucoup dans le r publicanisme Dans le contexte de la deuxi me industrialisation et d une forte urbanisation les municipalit s deviennent le premier terrain d exp rimentation d une action publique faisant de l assistance un droit Les structures d accueil sont alors r nov es et d velopp es asiles hospices dispensaires cantines mais c est la transformation de l aide domicile qui marque un v ritable tournant dans l assistance aux pauvres Le bureau de bienfaisance anc tre du CCAS devient l organe para municipal d une intervention la que professionnelle et m dicalis e aupr s des n cessiteux Cette volution de l assistance publique corr
14. utions municipales sont largement investies par des membres de la bourgeoisie Au final cette histoire de l assistance appara t relativement lisse exempte des controverses et des confrontations qui structurent pourtant ce champ Sans doute le fait d axer la recherche sur ce qui est au c ur du consensus Bec Colette L assistance en d mocratie Les politiques assistancielles dans la France des XIXe et XXe si cles Paris Belin 1998 Simmel Georg Les pauvres Paris PUF 1998 1 dition en allemand en 1908 Paugam Serge Duvoux Nicolas La r gulation des pauvres Paris PUF 2013 2 dition concernant les politiques d assistance l articulation du social et du sanitaire favorise une telle perspective De m me la disparition de nombreuses archives publiques et associatives telle que le mentionne l auteure restreint la possibilit de saisir les multiples relations entre les diff rents acteurs locaux et nationaux priv s et publics S il suscitait des vocations ce travail remarquable d Axelle Brodiez Dolino pourrait tre poursuivi par des enqu tes r duites quelques organisations et quelques p riodes qui claireraient certainement les luttes au sein du champ de l assistance Lyon ou ailleurs Publi dans laviedesidees fr le 16 septembre 2015 laviedesidees fr

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