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"Le téléphone mobile aujourd`hui : usages, représentations

1. Maintenant que je touche un peu l ordinateur a me semble plus facile de me d brouiller avec le t l phone parce que c est un peu le m me style de fonctionnement surtout les nouveaux t l phones qui ont beaucoup de possibilit s Le probl me c est cette histoire de cliquer sur un truc et que a r ponde ce que tu veux en fait L ordinateur m a fait comprendre pas mal de choses Ce qu elle met en rapport dans cette description entre ces deux objets ce n est pas une structuration ou un mode d architecture pr cis mais un geste qui lui permet d entrer en contact et en n gociation avec la machine cliquer sur un truc et que a r ponde ce que tu veux Ce geste est au fondement de ses exp riences personnelles de n gociation Qu est ce qu on apprend au juste lorsqu on apprend se servir de son mobile II semble bien que la plupart des termes techniques employ s dans les notices d utilisation des mobiles naviguer surfer r activer envoyer r cup rer des mails bloquer le num ro afficher transf rer supprimer r pondre enregistrer saisir masquent l interaction la plus couramment utilis e avec le t l phone le geste d APPUYER On apprend appuyer et on apprend surtout comprendre les implications que ce geste entra ne La difficult vient du fait que ce geste toujours le m me prend des valeurs et des significations diff
2. payant peut lui conf rer une plus value symbolique Quand l on se place du c t de la parole payante au sens figur comme on dit d un effort qui va porter ses fruits la communication t l phonique mobile se pr sente donc comme une sc ne sociale qui n a gu re d quivalent si ce n est la cure psychanalytique autre sc ne o l on paye pour parler et la parole a plus de prix parce qu elle co te 2 7 Enfin les messages ou la question des contenus Pour finir il ne faudrait pas n gliger la mani re dont les outils sont lus en fonction de leur capacit supporter et conformer des contenus La question de l information proprement dite joue autant que les formes de liens et l efficacit de la communication dans l arbitrage entre les diff rents outils Erwan l exprime particuli rement bien lorsqu il rige en principe de ne jamais passer de ce qu il appelle un outil sup rieur un outil inf rieur c est dire un outil qui produit des pertes d informations De ce point de vue le mail semble plus pr cis que les autres formes crites m me s il demande souvent tre confirm de vive voix comme nous l avons d j soulign Les adeptes les plus fervents de MSN ou des conversations par SMS se plaignent en revanche souvent de la d perdition des malentendus voire des embrouilles g n r s par ces modes de communication Ce fut l une des d couvertes de notre
3. J en voulais un qui fasse clapet parce que des fois dans la poche a se d bloquait Ce nouveau t l phone il lui a fallu un peu de temps pour le ma triser totalement pour savoir changer les fonds d cran comme bon lui semblait savoir mettre telle photo avec telle typographie plut t que telle autre Elle n a pas lu la notice car elle pr f re bidouiller Ses amis font comme elle et ils s en sortent bien sauf une qui n est pas dou e m explique t elle en riant C est pas gentil de dire a mais c est vrai Elle est toujours perdue elle demande toujours une copine comment on fait ceci ou cela Je crois qu en fait a ne l int resse pas Le portable ce n est pas un objet avec lequel les ados qu elle conna t friment On n est pas l pour le montrer tout le monde m explique t elle II y a bien ce gar on qui passe le plus clair de son temps pendu au bout du fil et qui a honte quand il se retrouve avec un vieux mod le parce que son t l phone est en r paration Mais elle II s agit de la rue du Gros Horloge Rouen 133 n est pas certaine qu il s agisse l de frime et se demande surtout ce qu il lui reste raconter apr s tout ce temps De toute mani re c est une exception tous ses amis en font un usage mod r et extr mement contr l car ils ont peu pr s le m me forfait qu elle qui leur permet d appeler une heure et d envoyer une cinquantaine de
4. avec le portable Nombreux sont ceux aujourd hui qui pr f rent ouvertement joindre les gens sur leur portable pour viter de les d ranger Ainsi Martine 50 ans explique t elle Quand je veux dire quelque chose mon amie Elisabeth mais que je ne veux pas la d ranger parce que je sais que le soir elle aime bien rester tranquille je l appelle sur son mobile comme a elle coute le message quand elle veut En contactant l autre sur son mobile on n appelle pas on se signale le choix d entrer ou non dans l change reste entre les mains du destinataire Pierrette 65 ans n h site pas appeler son fils sur son mobile en pleine journ e s il est en r union ou s il n a pas le temps il ne d crochera pas mais verra toujours que je l ai appel Le portable s impose d sormais comme un objet de discr tion et de respect du temps de l autre De ce point de vue les SMS semblent tre au mobile ce que le mobile est au fixe un outil du tact qui red finit les mani res de toucher l autre Cette souplesse conf re du coup des valeurs de civilit au t l phone mobile C est entre ses mains que sont plac es les conditions et la responsabilit de l change Les cons quences suppos es d un contact sont d ailleurs bien moins rigides que ce qu en prouvaient les gens en 2005 lorsqu ils voquaient le fil la patte qu tait pour eux le mobile Nos observations et nos entret
5. la moindre occasion C est d ailleurs un objet qu on aime g n ralement regarder et montrer qu on pose devant soi avec plaisir et dont on v rifie compulsivement la pr sence en permanence Pris dans une dynamique d incorporation et d excorporation il en est du mobile comme d une paire de chaussures il faut d abord les faire et s y faire avant de pouvoir les oublier mais elles peuvent se rappeler douloureusement nous n importe quel moment Cette affinit particuli re du mobile avec le corps de son possesseur permet de comprendre une partie des difficult s li es la transmission des savoirs Nous faisons en effet fonctionner nos mobiles au moyen de modes de m morisation incarn s et 129 spatialis s bien plus qu en lisant ce qui se trouve sur l cran et a fortiori sur les touches Ce qui d route c est que de l ext rieur le m me geste fr n tique du pouce correspond une multitude de fonctionnalit s diff rentes correspondant au syst me d assignation du sens par le t l phone Une volution majeure affecte en outre la relation que nous entretenons finalement avec notre t l phone portable En 2005 le mobile apparaissait particuli rement investi comme un objet hyperpersonnel voire intime A la fois lieu d archivage et bo te secret il se pr sentait comme une boite noire individuelle S il reste en 2007 pour beaucoup le lieu du secret et du retrait notre enqu te sur
6. 50 conditionnelle Une attention port e aux r cits d chec aux ratages et aux difficult s d apprentissage nous permet d envisager l usage du mobile comme une n gociation au cours de laquelle il se trouve quasiment rig en partenaire Trouvant sa place de mani re privil gi e dans la sph re corporelle de son propri taire le mobile se trouve en r alit pris dans une dynamique d incorporation et d excorporation il passe du statut de proth se s inscrivant dans la continuit du corps celui d objet ext rieur qui ventuellement oppose de la r sistance Ces nouvelles dimensions n taient sans doute pas absentes de notre relation l objet en 2005 mais nous n avions pas exactement envisag le mobile sous langle de ce qu il pouvait nous faire En revanche il est un changement qui m rite d tre soulign avec force d hyper individuel voire intime le mobile est devenu pour certains et notamment les jeunes un objet qui ne rel ve plus du tout d une logique du secret ou de bo te noire individuelle mais bien un lieu d exposition quasi mus ale Le partage audiovisuel est en effet devenu tr s important dans les nouvelles pratiques mobiles et montre qu il organise des jeux qui se jouent plusieurs C est d sormais sur cette dimension collective des usages du mobile longtemps consid r comme un objet d usage singulier que nous allons nous pencher 51 Partie Il Partages t l
7. dans ces lieux de vill giature chargeur compris Or on est amen faire un constat frappant le mobile est absent ou presque de tous les lieux o on le voit d ordinaire expos les tables de restaurants de caf et fait tr s rarement partie de l attirail ordinaire du vacancier skieur qui se compose ici de lunettes cr me solaire cigarettes journaux livres cam scope Cette raret de l usage est particuli rement manifeste dans un village h telier comme le Club Med qui reproduit pour ses 900 clients et 150 membres du personnel dans un territoire clos situ l cart du village officiel de Serre Chevalier des lieux types de la sociabilit urbaine plusieurs restaurants un bar terrasse o l on peut bronzer en prenant un verre des espaces marchands des couloirs aussi larges que des rues aux allures de passages parisiens des terrains de jeux pour tous les ges un night club Or on n expose pas son portable et on n en fait pas usage ou tr s rarement dans ce petit monde Comment expliquer cette raret des usages chez une population qui comme nous avons pu le v rifier lors d entretiens compte bien videmment de nombreux utilisateurs fervents Commen ons par vacuer une r ponse possible s il ne fait pas l objet d une r gulation affich e comme la cigarette l usage du mobile ne semble pas non plus concern par les r gles de savoir vivre que l on rappelle vol
8. port e de main port e d oreille Son portable ne fait pas figure de Tamagoshi comme disent certains non le sien est bien vivant cest son petit ami Son petit ami le vrai dort lui aussi mais sous d autres toits des kilom tres de l Pour conjurer cet loignement le recours syst matique la conversation t l phonique s est impos En digne repr sentant du jeune amoureux transi Julien a chaleureusement attribu un num ro illimit son interlocutrice pr f r e Par cons quent le portable trait d union entre deux tranches de vie loign es ne cesse de sonner du lever au coucher Il appelle elle le bipe il la rappelle puis la rappelle encore Pour tout pour rien surtout pour rien disent leurs proches sans comprendre que pour eux le portable c est tout C est notre fa on d tre ensemble Le soir devant la t l vision lorsque nous commentons ensemble le m me programme c est un peu comme si nous tions c te c te dans le m me canap Il ne se passe parfois que quelques minutes entre deux appels un oubli une pr cision ajouter motivant un rappel urgent De temps autre leurs occupations respectives viennent r guler cette obsession d tre ensemble malgr la distance Si le rythme s emballe c est qu il est chez lui et qu il s ennuie nous explique Lucie Quand c est plus calme alors c est qu il est occup ou qu il est avec des amis Quand on approfondi
9. tablissements scolaires Des activit s font galement l objet de juridictions pr cises comme la conduite automobile ou encore la chasse ainsi que nous l ont fait d couvrir quelques passionn s lors de notre enqu te en Creuse Guillaume 35 ans nous a par exemple expliqu A la chasse c est interdit C est dans le r glement tu le signes quand tu obtiens ton permis De toutes fa ons a ne fait pas trop partie de l esprit De se servir des mobiles pour rep rer les proies Le mobile fait bien l objet d une p nalisation croissante comme en t moigne la r cente loi sur la pr vention de la d linquance vot e en avril 2007 et contenant un amendement sp cial concernant le happy slapping Ph nom ne vraisemblablement apparu Londres en 2004 le happy slappy peut tre d fini comme suit L expression happy slapping renvoie aux s mantiques de la photographie de la sociabilit et de la cruaut adolescente il semble que ce soit une variation sur le happy snaping qui r f rait au d but du vingti me si cle au fait de prendre des photos et de conclure des rendez vous Happy slaping voque galement l adjectif slapping d finit dans le dictionnaire Chambers comme l expression d une joie insolente ou impertinente G n ralement un happy slap suppose une attaque contre un tranger par un groupe d adolescents L incident est film avec un t l phone quip d une cam ra Ens
10. un courtier D s le d but de l entretien elle nous le dit tout net je suis la gestionnaire de la famille pour le t l phone r le qui consiste pour elle conseiller les uns et les autres de ses enfants et des enfants de son compagnon g s de 17 24 ans dans le choix du forfait prendre sa charge les forfaits des 4 enfants qui ne sont pas les plus jeunes qui pr f rent rembourser tous les mois leur m re plut t que s emb ter payer une facture tous les mois un op rateur comme le souligne Julie 20 ans 57 Ce r le produit son sym trique celui de l administr consentant Ainsi Virginie 26 ans qui est mari e depuis 6 mois continue t elle de faire administrer son forfait par sa m re Elle ne m emm ne pas son linge mais c est tout comme parce qu elle a toujours son abonnement mon nom et elle me rembourse tous les mois Et c est pratiquement la moiti de son salaire qui y passe mais a la soulage de pouvoir en parler avec moi au moment de payer Je suis son Jimminy Criquet Un autre bin me appara t associant les experts aux novices Marine 19 ans souligne par exemple C est toujours mon fr re qu on demande dans la famille quand on veut changer de t l phone ou de formule contractuelle c est lui qui collectionne les brochures ou qui conna t tous les sites comparatifs sur Internet Elle demande galement son fr re de l acc
11. une fa on ou d une autre soit dans un acte de communication soit dans un acte d enregistrement de r aliser cette pens e de la convertir en acte De nombreux t moignages vont dans ce sens comme celui de Marie qui explique Dans le m tro j cris des sms m me si je ne peux pas les envoyer a m vite d oublier Antoine un chercheur de 30 ans nous indique par ailleurs je m cris des sms moi m me quand j ai une id e et que j ai trouv la bonne formule Plusieurs musiciens nous ont galement racont combien le mobile leur tait utile pour enregistrer rapidement une id e de composition c est rapide et tu te moques du son mais au moins tu gardes l id e Ces usages d enregistrement et d inscription ont pour ces personnes une valeur d actualisation sup rieure celle d une inscription griffonn e sur ce bout de papier que l on trouvera toujours dans son sac 4 Un op rateur de fronti res symboliques les rites mobiles L action ritualis e est une autre forme d action laquelle le mobile dispose tout particuli rement Le mobile donne lieu en effet des actions sens multiple et qui peuvent tre dot es d une valeur d acte ritualis au sens o celui qui le r alise est alors hyperconscient de la port e symbolique de son acte Les entretiens montrent qu en ex cutant quelques gestes simples autour de leur portable les utilisateurs accomplissent parfois sc
12. Ces ph nom nes ont t finement d crits par des th oriciens qui ont jug pr f rable d aborder la question de la fiction en terme d exp rience v cue plut t qu en terme de genre ou de type de discours La fiction dans cette perspective pragmatique est abord e comme une mani re de se repr senter le monde et d interagir avec lui Ainsi ces th oriciens 5 The challenge of absent presence de K J GERGEN in Perpetual Contact Mobile communication Private talk Public Perfomance edited by James E Katz and Mark Aakhus Cambrige University Press 2002 7 Citons J M SCHAEFFER Pourquoi la fiction Paris Seuil 1999 et F FLAHAUT R cits de fiction et repr sentations partag es L homme N 175 176 Paris Seuil Juillet D cembre 2005 119 anthropologues ou litt raires s int ressent ils d avantage la question quand est ce de la fiction qu celle qui consiste se demander qu est ce qui est de la fiction et qu est ce qui n en est pas s alignant en la mati re sur le d placement propos par le philosophe Nelson Goodman 6 L usage du mobile une exp rience fictionnelle 6 1 Un certain rapport au temps Puisque les fronti res sont ouvertes faisons jouer l analogie en rappelant tout d abord qu il se passe quelque chose de l ordre de la fiction dans la fa on dans on prouve le temps au t l phone ce temps n est pas d abord un temps fragment un temp
13. Deux modalit s d entretien des liens interpersonnels dans le contexte du d ploiement des dispositifs de communication mobiles R seaux Vol 20 N 112 113 2002 16 Enfin pour clore cette liste non exhaustive des usages ressemblants il faut bien s r voquer ces t l phones mobiles qui condition qu on les tienne devant soi l horizontale ressemblent s y m prendre des appareils photographiques Mais ce cas nous permet pr cis ment de pointer un des d placements subtils de territoire dans les pratiques qui emp che de parler de concurrence ou de remplacement Une observation attentive indique que les pratiques de photo mobiles ne se confondent pas vraiment avec les pratiques pr existantes mais que de nouvelles photographies font leur apparition et se g n ralisent 1 2 aux usages compl mentaires de l encha nement la saturation des activit s Les outils semblent donc en r alit tr s compl mentaires et s articulent selon une pluralit de configurations qui n impliquent pas vraiment de remplacement de substitution et encore moins de disparition Les r cits d usage tout comme les carnets de contacts montrent que les utilisateurs passent facilement d un appareil ou d une fonction l autre Sur MSN il est par exemple courant d engager une conversation t l phonique lorsque la discussion crite se prolonge ou bien que le d bit n est pas assez rapide pour l un ou l autre des pro
14. Paris nous avons m me t t moin d une sc ne au cours de laquelle le personnel soignant a autoris un malade victime d un choc toxique r gler ses affaires par t l phone depuis la salle de repos Il en est de m me au volant o malgr les diff rentes campagnes sur la s curit routi re et la lourdeur des peines certains continuent prendre le risque de se faire pincer Le monde culturel est galement un espace de non droit pour le mobile En effet les cam ras et les appareils photos sont g n ralement interdits dans les mus es les salles de concert ou au cours de repr sentations th trales Or les mobiles qui servent de cam ra et d appareil photo tout interdits qu ils sont ne sont pas confisqu s aussit t le barrage de s curit pass nombre de t l phonistes s en donnent c ur joie Rapport GRIPIC 2005 80 Le cas de l cole est particuli rement int ressant pour comprendre ces formes de transgressions contemporaines et les collaborations enfants adultes sur lesquelles elles reposent Le mobile n a pour l instant pas fait l objet d une r glementation nationale m me si des propositions vont dans ce sens du c t du gouvernement C est pour l instant aux chefs d tablissement de d cider des formes de r gulation et des sanctions qui les accompagnent Dans la plupart des tablissements o nous avons men notre enqu te le mobile faisait l objet d une interdic
15. ailleurs pour tre davantage reli e aux autres quand elle n est pas chez elle mais aussi quand les autres ne sont pas chez eux que Clara s est d cid e franchir le pas et qu elle a pris la d cision de s abonner un forfait mensuel Sous la pression de ses amis qui se plaignaient r guli rement qu elle ne les appelait pas assez souvent elle a accept de faire voluer ses habitudes Elle se disait qu avec un forfait elle serait plus large elle aurait moins besoin de se limiter au strict minimum Quelques mois apr s la r ception de son nouveau t l phone portable qu en est il de ses habitudes A la voir manipuler l objet on comprend qu elle s y est vite familiaris e Du point de vue de sa consommation elle pr tend se sentir plus libre et appeler sans compter les appels ont remplac les SMS mais ils restent brefs Quand je veux discuter j appelle avec mon fixe Le portable c est toujours pour demander ou dire quelque chose de pr cis Mais elle admet qu il est plus pratique de t l phoner que d envoyer un SMS car au moins elle a la r ponse directement Mais apparemment la transition se fait en douceur il est difficile de se d tacher d anciennes habitudes profond ment ancr es dans la gestion de ses communications Ainsi elle n utilise que la moiti de son cr dit temps et appr cie le report de minutes car le temps qui n est pas d pens n est pas g ch Ces prop
16. d couvrir sa passion pour la p che par l interm diaire d un photomontage de petits films et d ic nes tri es sur le volet Laura et Victoria comparent leurs photographies des concerts de Diam s et de B nabar Gaetan se met en sc ne comme un v ritable fan de foot t l chargeant les pubs Nike pour avoir les actions sportives avec en version in dite l hymne de l OM L une des dimensions fondamentales des usages du mobile concernant les images est en effet que tout ce qui s archive sur un t l phone n a de sens que si cela peut tre montr comme l indiquent les propos suivants tir s des interview Moi je fait un peu tourner les vid os apr s je les efface Julien 28 ans Des fois je mets mes photos sur mon ordi mais apr s je les remets sur mon portable dans lordi je ne peux pas les montrer a ne sert rien Mathieu 17 ans De fait les mobiles passent de mains en mains on se penche sur les crans on regarde ensemble pendant que le propri taire fait la visite guid e Lors d entretiens collectifs chaque fois qu un interview m a montr quelque chose les autres ont demand voir aussi S ouvraient alors de grands moments de visionnage collectif Le mobile sert en outre produire de petits concerts publics chacun fait entendre ses go ts musicaux ce qui n est pas sans poser des probl mes de saturation sonore comme nous avons pu le constater dans les caf
17. enqu te de terrain aupr s des jeunes que les adultes imaginent si habiles dans la mobilisation de ce qui est souvent d crit comme un langage sp cifique En r alit outre le temps d apprentissage assez long de la part des adolescents pour se faire ces modes d expression et la grande variabilit des formes la fois sur le plan 21 des tendances qu il est de bon ton de conna tre et sur le plan de la cr ativit individuelle la dimension idiomatique de ce type de langage ne doit en effet pas tre ni e il faut reconna tre qu ils ont souvent du mal se comprendre Ah la la il y en a qui exag rent leurs messages on dirait des r bus Des fois on a l impression de r inventer les hi roglyphes Moi en fait je nose pas le dire mais je ne comprends pas toujours les textos et m me sur MSN Mais bon l on peut redemander Certains nous ont m me demand parfois de d chiffrer leur place pensant qu en tant qu expert du t l phone mobile nous pourrions les aider Les malentendus font partie int grante de la communication et ne doivent pas tre rejet s dans le domaine de l chec ou des parasites Certains m dias offrent des marges de man uvre plus ou moins importantes ou se pr tent plus ou moins bien aux manipulations aux consensus Le SMS de fait par le format court qu il impose n cessite une gestion subtile de l criture quelles qu en soient les modalit s S il se pr te
18. esth tique une figure cr atrice qui permet en effet de comprendre l importance des pratiques suscit es par le mobile Roger Odin souligne d ailleurs que l opposition professionnel amateur est li e l opposition auteur spectateur et tend masquer la red finition contemporaine des postures spectatorielles Il s agit donc de ne pas s parer ce qui serait la production de belles images vis e artistique d un c t de celles beaucoup plus triviales fonctionnelles ou sans pr tention voire compl tement rat es comme le sont en effet une large partie des images mobiles mais de consid rer l ensemble de ces modes de production visuels et audiovisuels sans pour autant nier les sp cificit s de telle ou telle d marche artistique particuli re La richesse du r pertoire offert par les nouveaux usages mobiles extra t l phoniques conduit en effet une continuit d usages photographiques et filmiques qui vont du simple essai la ma trise assum e et instrumentalis e 1 1 Balbutiements et d couverte Il y a tout d abord les usages de d couverte qui consistent exp rimenter les potentialit s du mobile sans autre but de savoir ce qu il fait Dans ce cas la photographie et le film font partie de l ensemble des man uvres pratiques auxquelles s adonnent un grand nombre de ceux qui s int ressent vraiment leur mobile Bertrand 33 ans ouvrier sp cialis nous explique par e
19. je pr parais un expos chez moi avec une amie et Julien n arr tait pas d appeler jai t oblig e d teindre mon t l phone pour que nous puissions travailler tranquilles Pr cisons qu entre eux tout passe par la voix le SMS n existe pas et MSN est une source de conflit On n utilise pas trop MSN car les appels sont gratuits et quand on se parle sur MSN a part en vrille du fait des possibilit s de mauvaises interpr tations On laura compris si la sonnerie du portable de Lucie retentit et il y a de fortes chances qu il s agisse de son ami Mais ce n est pas toujours vrai Lucie ayant bien s r d autres contacts sa vie est ponctu e de sonneries diverses elle a associ ses contacts les plus r guliers des m lodies bien particuli res Ainsi d s que la sonnerie retentit elle sait qui cherche la joindre Le soir apr s vingt heures il y a des chances pour que ce soit Morgane son forfait illimit lui offrant la libert de t l phoner gratuitement en soir e elle s en donne c ur joie Lucie est souvent chez elle ce moment l les potins vont bon train Apr s vingt deux heures Cyrielle pourrait elle aussi s inviter papoter son forfait illimit prenant effet cette heure plus tardive malheureusement pour elle son amie Lucie se couche tr s t t et apr s vingt deux heures elle d teste qu on la d range Elle trouve d ailleurs que le forfait de Cyrielle n est vraiment
20. les raisons premi res se sont transform es sans doute parce que le temps passant a fait tomber l argument s curitaire dans l oubli Le mode de fonctionnement actuel prend le dessus et d passe le fonctionnement originel aujourd hui son t l phone mobile fait partie de sa vie elle l a toujours avec elle 145 Le t l phone portable c est un outil sympathique Et puis c est comme le s che linge partir du moment o on en a un on ne peut plus s en passer Marie Catherine 53 ans m re au foyer vit Quimper en Bretagne Pourtant tr s bavarde et utilisatrice assidue du t l phone fixe Marie Catherine a longtemps t r ticente au t l phone mobile La raison invoqu e tait simple elle n avait absolument pas l utilit d un objet associ la mobilit alors qu elle avait une vie si s dentaire En effet ne travaillant pas elle passe beaucoup de temps chez elle elle consid re qu elle reste donc tr s largement joignable sur son fixe vu la vie que je m ne dit elle ce ne sont pas des engins dont j ai v ritablement besoin De plus ses amies n utilisent pas ce mode de communication et l outil privil gi au sein de son r seau social reste le t l phone fixe Et puis rares taient les situations dans sa vie quotidienne qui avaient un caract re d urgence Pour ces raisons elle tait farouchement oppos e l acquisition d un t l phone portable Il y a encore que
21. me type d argument l argument de l emprise Le pouvoir de la fiction est tel qu il serait susceptible de faire perdre ses rep res au spectateur surtout pour les jeunes Quant au t l phone mobile il nous imposerait un ordre qui serait chez Jaur guiberry celui de la connectivit permanente surtout pour les pauvres M BENASAYAG A DEL REY Plus jamais seul le ph nom ne du portable Paris Bayard 2006 3 G AGAMBEN Th orie des dispositifs Po sie n 115 Paris Belin 2006 Plus jamais seul op cit 125 chez Benasayag et Del Rey celui du pi ge ontologique de l hyperchoix o tout est possible surtout pour les f tards ou chez Agamben celui du dispositif tout puissant et d subjectivant surtout pour les ltaliens A cela on peut r pondre la fa on de J M Schaeffer que l immersion prend toujours la forme d une interp n tration des niveaux d exp rience et qu elle est constitutivement r gul e par des m canismes de contr le de l illusion avec le t l phone mobile nous restons ou mieux nous nous mettons dans un tat de suspension volontaire de l attention port e au monde environnant pour d tourner la c l bre formule du po te anglais Coleridge Mais une autre objection que l on peut opposer ces arguments tient aux particularit s de lacte de communication mobile les utilisateurs sont clairement conscients de la n cessaire r f rence au co
22. phoniques les dynamiques collectives d usage d un objet individuel En 2005 le mobile outil personnel par excellence faisait plut t l objet d usages individuels La joignabilit directe des personnes attirait d ailleurs une large partie des attentions notamment de la part des chercheurs qui voquaient le mobile sous langle d un contact permanent Repr sentant dans bon nombre de discours la d liquescence du lien social et de nouvelles formes d incivilit mena ant le vivre ensemble contemporain le mobile tait associ un discours sociologique dominant sur l atomisation d une soci t de plus en plus individualiste Nous avions d j montr comme les gens s arrangeaient avec leur joignabilit en d ployant une multitude de strat gies singuli res Nous avions galement mis au jour un cart important entre l importance de l incivilit dans les discours et la r alit beaucoup plus harmonieuse des pratiques En 2007 il semble qu un pas ait t franchi aux modes de faire individuels se superposent de v ritables usages collectifs voire collaboratifs notamment autour du partage des forfaits et des pr pay s En outre des r gles de savoir vivre mobile se stabilisent et des formes de convenances mergent remettant en question certains des mythes autour de la t l phonie mobile Il s agit donc ici d explorer ces nouvelles sociabilit s mobiles et d envisager sous un jour diff rent
23. pondre un SMS L exemplarit semble donc un ressort essentiel de la r gulation des usages du t l phone mobile C est m me l une des recettes indiqu es par la journaliste Isabelle Artus aux lectrices de Avantage Au moment de passer table on sort ostensiblement son t l phone en expliquant qu on va l teindre pour ne pas tre d rang Subtilissime fa on de l inviter en faire autant Si on attend un appel on pr vient en s excusant par avance et on pose discr tement son portable sur mode vibreur c t de soi mais jamais sur la table Si l efficacit de la man uvre n est pas prouv e au point de pouvoir tre v ritablement rig e en nouvelle r gle de courtoisie contrairement ce que propose l article il convient de faire une part belle ces formes de jurisprudence par l action permettant d atteindre des seuils d usage satisfaisants pour ceux qui participent la situation 3 Le mobile un bon moyen de parler de la civilit contemporaine Si les crispations autour des incivilit s li es au t l phone mobile semble d finitivement s tre apais es dans les situations ordinaires de la vie quotidienne et si le mobile peut m me servir dessiner les contours de nouvelles formes de courtoisie Isabelle Artus Osez la courtoisie Avantage juin 2007 76 il ne faut pas n gliger la persistance de formes de nuisances li es au non respect de l au
24. pouce dans nos petits mouvements journaliers sont les indices de changements en profondeur auquel notre corps s est progressivement adapt L agilit manuelle se trouve ainsi accrue par l usage quotidien du mobile Le r le d terminant du mobile ne se situe toutefois pas seulement du c t des gestes fonctionnels ou techniques qui correspondent un usage vident du t l phone comme appuyer sur des touches le porter l oreille rabattre le clapet faire pivoter l cran Une multitude de gestes inutiles se sont ajout s ceux instrumentaux qui permettent de faire fonctionner la machine Il s agit de ces gestes innombrables et ne servant apparemment rien comme le fait de garder son mobile la main de le caresser du pouce de le faire tourner du bout des doigts comme un stylo La relation gestuelle au mobile d passe tr s largement le cadre purement technique et mobilise 88 des mani res de faire tr s personnelles Ainsi Michelle 57 ans manipule t elle son t l phone avec soin et une certaine douceur d j rep rable dans sa fa on de toucher d autres objets de valeur comme ses bijoux sa montre ou le cuir de son sac main Guillaume 28 ans quant lui traite son mobile comme il s occupe de la plupart des objets qui l environnent c est dire avec une certaine n gligence il le fait tomber le jette sur son lit le pose brusquement sur les tables Il ne l a pas souvent la main il s en t
25. s inscrit dans cette matrice esth tique qui lui pr existe et le d passe largement Cela peut sans doute expliquer le succ s relatif des images de happy slapping qui comme le montre notre enqu te aupr s des jeunes circulent actuellement assez librement de mobile en mobile parall lement des images d actualit tout aussi violentes comme celles d Abou Gra b ou encore celle de l ex cution en directe de Saddam Hussein Les jeunes en particulier se passent parfois ces images en boucle et s en inspirent pour r aliser leurs propres mises en sc nes sur un mode imitatif Sylvain 15 ans nous explique apr s nous avoir fait voir sur son mobile la vid o de l agression de la professeure de Porcheville qui a fait couler beaucoup d encre dans la presse Une fois il y une copine qui a fait un super coup Elle a fait semblant de se prendre une baffe et s est fait filmer en tombant par terre c tait bidon mais trop r ussi je ne sais pas comment elle a fait Gilberto 14 ans nous raconte quant lui Je connais des gens qui s amusent faire comme s ils avaient eu un accident au bord de la route Ils filment les r actions des gens qui s arr tent et comptent les voitures qui ne s arr tent pas C est un jeu cest tout mais bon a pourrait mal tourner cette histoire Il y a bien une matrice esth tique et donc une continuit sur un certain plan pratique entre les mises en sc ne banales celles d imitatio
26. taient inaccessibles il y a seulement un an Je suis contente je me suis tellement sentie nulle tout le temps que je suis contente de faire tout a A cette ma trise elle voit deux explications La premi re c est qu elle a commenc suivre depuis le d but de l ann e scolaire des cours d informatique Maintenant que je touche un peu l ordinateur a me semble plus facile de me d brouiller avec le t l phone parce que c est un peu le m me style de fonctionnement L histoire de cliquer est identique La seconde c est qu en changeant d op rateur on lui a conseill un nouveau t l phone qui lui semble tr s simple bien adapt son usage beaucoup moins confus dans l affichage Ce t l phone est plus facile m explique t elle Elle appr cie particuli rement les ic nes qui lui permettent simplement de se rep rer dans les menus de navigation Il lui semble clair d sormais c est que le t l phone parle un langage auquel elle a du s adapter le t l phone te donne des informations Tu vois je prends les ic nes et je choisis les ic nes que je veux Quitter s lectionner c est tout a le langage L autre t l phone tait plus compliqu C tait un autre langage Celui ci par contre est beaucoup plus simple car si je fais exactement ce qui est crit a marche je r ussis Dans l autre ce je prends les qui est crit ne correspondait pas ce qu il fallait faire
27. trompettiste de 25 ans Moi j avais besoin d un appareil photo et comme c est cher je suis me suis organis pour avoir un super portable comme a je peux enfin faire ce qui m int resse Je peux m me filmer des morceaux de concerts et des r p titions bon ce n est pas toujours terrible mais c est quand m me pratique Ce que je fais souvent c est photographier les partitions ensuite je les transmets par bluetooth et tout le groupe peut les avoir Julien s est invent un usage fonctionnel et son mobile est entr dans l organisation de son travail de groupe Il appr cie de pouvoir faire circuler des informations et se sert v ritablement de son mobile comme d un scanner D autres usages du m me type se d veloppent comme dans la sc ne suivante observ e pendant les soldes d hiver dans un magasin de mode f minine 96 Une jeune fille s extasie avec une amie devant une veste Tu crois que je devrais l acheter Elle est bien c est utile une veste comme a pour tous les jours Ouais en plus je n en ai pas Mais bon si je ne demande pas ma m re elle va me tuer Jai une id e je vais envoyer une photo ma s ur comme a elle va lui montrer et je saurai ce qu elle en pense Les deux jeunes filles se sont ensuite appliqu es photographier la veste le plus discr tement possible Puis elles l ont gard e dans les mains et ont continu tourner dans le magasin en attendant la r pons
28. Dans la plupart des cas la reconnaissance des ressemblances de fonctionnement permet une transposabilit pratique sur le mode de toute fa on c est toujours pareil Cependant Georgette qui n a jamais utilis d ordinateur de sa vie et dont la d couverte du mobile plus de 80 ans n a pas t sans poser de probl mes avoue ne pas comprendre ce qui se passe sur l cran qu elle observe pourtant avec attention Je ne comprends pas J ai une petite enveloppe en haut a doit quand m me vouloir dire qu il y a un message non Et bien je fais ce qu il faut pour l couter 1 2 3 a va tout seul Et la dame me dit que je nai pas de nouveaux messages Non mais c est des menteurs Une des difficult s de d chiffrages des signes port s par les crans et les touches du mobile tient au m lange des niveaux de motivation des signes Certains semblent plus naturels que d autres comme le petit t l phone vert qui s interpr te facilement comme un signe positif d ouverture par opposition au rouge qui correspond une fermeture dans la plupart des cas La petite enveloppe de Georgette correspond bel et bien un message qu elle donne lire par une ic ne qui fonctionne par m tonymie et qui s oppose au petit rouleau indiquant sur la plupart des mobiles les messages vocaux et r activant un imaginaire pourtant obsol te de la bande audio D autres signes sont beaucoup plus arbitraires et
29. Je croyais que c tait des menteurs raconte t elle en riant Voulant rester dynamique Georgette s est int ress e son portable comme elle s int resse ses nouveaux appareils d lectrom nager pas question de n y rien comprendre du tout Si elle tait plus jeune elle aurait essay Internet comme ma voisine elle a m me r serv des h tels pour les vacances moi j ai bien vu en faisant ma d claration d imp ts avec ma fille que c tait trop compliqu pour mon ge Mais bon je suis fi re de savoir d j faire quelques petites choses Mon mari ne peut pas en dire autant par exemple Georgette s est en effet progressivement pr par e une utilisation plus que minimale Depuis peu si les SMS lui posent encore probl me et si elle avoue continuer faire des essais pour claircir ce myst re elle est fi re de pouvoir enfin entrer toute seule des num ros dans son r pertoire J en ai d j pas mal Cet t en Savoie j aurai le temps de bien m en occuper de mettre tout a au propre comme a je n aurai plus besoin de transporter mon calepin Elle n a en r alit pas beaucoup de num ros de portable en dehors de sa famille proche Aucun des amis de sa g n ration n en poss de un Elle n appelle d ailleurs que sa s ur Simone de son portable jai une heure avec mon forfait il faut bien que je le d pense un peu Et puis je sais que de portable portable c est
30. L un des grands paradoxes de l usage amateur en ce qui concerne l image c est la conjugaison d une qu te de performance technique qui rejoint les promesses publicitaires et le d ni du d calage dans la r alit La connaissance de Mathieu tait galement tr s fi re d avoir un t l phone avec tant de millions de pixels mais il ne voulait pas admettre qu en r alit ses photos taient de tr s mauvaise qualit Analysons le cas de Laura une adolescente de 14 ans qui a v ritablement tann ses parents pour avoir un mobile avec un bon appareil photo avant son anniversaire parce qu elle allait au concert de B nabar dont elle est une grande fan Ses d marches ont r ussi et elle a pu se rendre tout quip e au fameux concert Apr s nous avoir vant les m rites de son appareil photographique mobile elle nous montre ses 5 Ce titre reprend celui d un livre d analyse de tableaux de Daniel Arrasse On n y voit rien Descriptions Paris Gallimard 2003 99 images sur lesquelles on distingue une vague silhouette sur une sc ne satur e de lumi re Attendez je vais vous montrer plus de d tails Elle commence alors zoomer faisant arriver plein cadre le visage d un hypoth tique B nabar de plus en plus flou En r alit le d ni de la pi tre qualit de l image s efface au profit du bonheur d avoir pu la faire et de pouvoir partir de l raconter le concert l acte photographiqu
31. Perpetual Contact Mobile communication Private talk Public Perfomance edited by James E Katz and Mark Aakhus Cambrige University Press 2002 FERRARIS M T es o Ontologie du t l phone mobile Paris Albin Michel 2006 FLAHAUT F R cits de fiction et repr sentations partag es L homme N 175 176 Paris Seuil Juillet D cembre 2005 GOFFMAN E La mise en sc ne de la vie quotidienne vol 1 et vol 2 Paris Minuit 1973 ITO M OKABE D MATSUDA M Personal Portable Pedestrian Mobile Phones in Japanese Life Massachusetts Institute of Technology The MIT Press 2005 KATZ J E AAKHUS M Perpetual contact Mobile Communications Private talk Public Performance Cambridge Cambridge University Press 2002 KEBLANER D L art du peu essai Paris Gallimard 1983 LAPLANCHE J et PONTALIS J B Principe de plaisir Vocabulaire de la psychanalyse Paris PUF 1967 LICOPPE C Sociabilit et technologies de communication Deux modalit s d entretien des liens interpersonnels dans le contexte du d ploiement des dispositifs de communication mobiles R seaux Vol 20 N 112 113 2002 JAUREGUIBERRY F Les branch s du portables Paris PUF 2003 MARTIN C Repr sentation sociales du t l phone portable chez les jeunes adolescents et leur famille Quelles l gitimations des usages Th se de Doctorat en Sciences de l Information et de la Communication sous la direction de Jacques Walter
32. Quant Lucie elle bipe son copain qui la rappelle dans l instant avec son propre portable car elle fait partie des contacts qu il peut appeler de mani re illimit e Dans la m me logique d optimisation elle bipe sa s ur qui la rappelle sur son fixe avec sa box de mani re illimit e L mergence des formules illimit es r organise profond ment les logiques de choix ainsi que la hi rarchisation des outils 25 Mais l importance des questions financi res dans les discours et les d clarations volontaristes sur l optimisation des d penses ne doit pas tromper sur la place r elle que joue l argent dans les usages du t l phone mobile La relation au co t est fondamentalement ambivalente ceux qui valorisent d une mani re ou d une autre la pratique gestionnaire ne doivent pas toujours tre pris aux pieds de la lettre Par ailleurs nombreux sont ceux qui avouent volontiers ne pas savoir et m me ne pas vouloir s occuper de cela et se laisser emporter Les ma tres du jeu c toient ceux qui pr f rent chapper cette contrainte organisationnelle forte Je n ai pas du tout envie d organiser mon temps en fonction du forfait Je sais bien que ce serait mieux mais tant pis Je pr f re payer ma libert d clare C cile 35 ans Plus g n ralement le forfait d limite des sc nes sociales particuli res dont le propre est que la sociabilit y est plac e sous le signe du co t que ce soit des cadres d
33. ai travers un lac avec et bien apr s il tait encore vivant 33 Dans les moments difficiles de l usage semble du coup s instaurer une relation descriptible comme une relation de pouvoir Toute une s mantique du contr le de la surveillance de la ma trise se donne entendre dans les interviews et les conversations Si d un c t nous contr lons notre t l phone nous ma trisons nos communications nous v rifions que le SMS a bien t re u au moyen d accus s de r ception nous g rons les options et les forfaits de l autre l objet peut se montrer particuli rement r calcitrant La vengeance des objets constitue d ailleurs un th me classique de la science fiction ou du film d horreur C est le ressort du sc nario dePhone film sud cor en r alis par Ahn Byeong gi 2002 qui met en sc ne la jeune journaliste Ji Won forc e de changer de num ro de t l phone parce qu elle enqu te sur des scandales p dophiles et est harcel e par un d s quilibr Mais le changement de num ro n emp che pas les coups de fils d rangeants de continuer Pire la voix au bout du fil a elle aussi chang outre les menaces Ji Won entend des hurlements Elle d cide d enqu ter et d couvre que les pr c dents possesseurs du num ro sont tous d c d s de fa on myst rieuse You ve Got a Call One Missed Call de Chakushin Ari 2004 propose un sc nario assez proche de Phone Yumi et Yoko participent
34. ans parlant de son chef par la question quel est le meilleur moyen de le joindre et quelle heure pour pouvoir changer 2 3 L effet de pr sence L autre n est pas r duit loin s en faut son quipement technique ou ses comp tences ou son temps de disponibilit En r alit l une des dimensions qui influe fortement sur le choix de l objet pour l atteindre ou au contraire pour l esquiver c est l effet de pr sence associ chaque outil Si l appel t l phonique lorsqu il aboutit et permet de parler son interlocuteur produit un effet de pr sence consid r e comme plus pleine les messages crits semblent au contraire incarner une pr sence plus vanescente plus fluctuante ou moins fiable Tous opposent en effet la pl nitude de l appel lincompl tude du SMS du MMS et de MSN Le mail a une position interm diaire s apparentant l change pistolaire non d nu toutefois de possibilit d ambiguit et de malentendu mais impliquant davantage le corps des interlocuteurs et enjoignant plus fermement la r ponse Nous avons en outre d j soulign combien MSN tait consid r par la plupart de ceux qui s en servent comme un mode de communication peu engageant Lucie souligne par exemple Moi a m nerve MSN les gens sont l mais bon en passant et ils s en vont sans pr venir 21 La polydestination de ce mode de communication joue galement un r le dans cette
35. avec les petits spectacles improvis s par les enfants que le mobile reconverti en appareil photo permet de saisir sur le vif Plut t que des doubles emplois ce sont plut t des ph nom nes de rejet qui sont voqu s par les utilisateurs comme on parle d une greffe qui n aurait pas pris Arnaud Lagard re impose la convergence son groupe Le Monde 15 septembre 2006 11 la radio ou la musique pour moi a n a pas pris a fait doublon avec mon Ipod Si les pratiques des objets communicants et multi m dias semblent donc r solument divergentes l id e de la convergence peut toutefois avoir valeur de mythe C est le cas le plus souvent chez les plus jeunes des utilisateurs interrog s qui peuvent appr cier l id e d un concentr de technologies Ainsi David un jeune infirmier de 26 ans pr f rerait avoir un seul outil qui fait tout Chez les plus g s l id e est souvent tenace que si un appareil fait tout il ne sait pas tout faire tr s bien Ainsi Armando un gardien de nuit de 55 ans nous explique t il que la qualit est dans la sp cialisation tandis que beaucoup comme Pierre un homme retrait de 72 ans consid rent qu un outil ne doit servir qu faire une seule chose un t l phone pour t l phoner un appareil photo pour photographier un fax pour faxer On trouve foison de tels nonc s moralistes au sens dix septi miste de fabrication de belle
36. bon pour l instant je nai qu une carte m moire pour deux alors je ne peux pas encore utiliser les deux en m me temps 28 Sophie quant elle avoue pr ter une grande attention la coh rence formelle et non seulement fonctionnelle de ses objets de technologie Je pr f re mon Ipod videmment pour la musique mais en fait j ai pris un portale LG chocolate blanc parce que je trouve qu il lui ressemble Le mobile ne saurait donc tre r duit un ensemble d outils de communication mobilis s dans la perspective d une optimisation ou d une meilleure efficacit de l change lll Ce que l objet fait au sujet les revers de la ma trise En 2005 nous avions envisag l objet t l phone mobile partir de trois approches qui permettaient de rendre compte de diff rentes dimensions la premi re consistait analyser ce que l objet signifiait II s agissait d une approche s miotique qui avait permis de mettre en vidence la polys mie du portable la fois dans les modes de pr sentation de soi du sujet et dans les repr sentations cin matographiques litt raires et publicitaires La seconde approche plus sociologique consistait interroger le pouvoir de distinction de l objet Cela nous avait conduit montrer comment le portable institu en objet singulier par l individu permettait en retour de le singulariser en constituant une v ritable signature de soi Une approche ethnographiq
37. change social o parler est gratuit ou consid r comme tel les heures d illimit ou bien au contraire dans des espaces de parole o parler ou changer par sms ou par mms co te cher En analysant la mani re dont se vit la sociabilit via le t l phone mobile on s aper oit en effet que le prix est bien autre chose qu une r f rence ext rieure laquelle l utilisateur confronterait les valeurs fonctionnelles de l outil pour appeler a me co te tant entre telle et telle heure ou appeler c est gratuit de telle telle heure Le prix intervient dans la valeur que l on pr te l change dans la r partition symbolique des r les des acteurs de l change et dans la d termination spatio temporelle de l change autant d effets qui sont familiers de tous Je n appelle pas maintenant parce que a va me co ter trop cher Je n appelle pas telle personne avec mon mobile parce qu elle est bavarde C est le moment d appeler parce qu on est en illimit Mais ce qui se con oit moins facilement est que le co t peut intervenir comme Valeur ajout e le co t est un l ment qui donne du prix comme on dit l change ou sans parler d change l usage de son mobile C est le portable plaisir que l on s offre apr s une journ e trop difficile comme je me paye un taxi parce que vraiment j en peux plus explique Jean Fran ois 33 ans La d pense alors n es
38. concernant le mobile sont pourtant les rares qui peuvent avoir un effet sur des l ves qualifi s d insanctionnables par des professeurs qui exercent dans des tablissements difficiles Une jeune professeur de Fran ais t moigne Le pire c est si on peut leur confisquer L ils se tiennent carreau Ou alors a d clenche des r actions brutales C est vraiment quelque chose d important pour eux leur mobile Dans la pratique d apr s les professeurs et les l ves que nous avons interrog s quasiment personne n teint son t l phone en cours On n entend peu de sonneries mais les l ves passent beaucoup de temps s envoyer des messages changer des fichiers par bluetooth prendre plus ou moins discr tement des photos profitant des moindres br ches dans l autorit des enseignants Nous avons rencontr des l ves des professeurs des surveillants et eu des contacts avec des chefs d tablissement Paris en banlieue et en Creuse 81 Les transgressions des r gles prennent alors un caract re de tr s grande banalit des transgressions qui sont loin d tre le seul fait des cancres ou encore de d linquants potentiels comme en t moigne Sophie professeur d anglais Ils le font tous Ce n est pas un probl me pour eux En fait il ne consid rent m me pas a comme un forme sup rieure d impolitesse Tout d pend des situations videmment Nos discussions avec les
39. de son portable et envisage m me d en changer un jour si je pouvais je prendrais un mod le avec un couvercle a me plairait bien 139 Si je fais exactement ce qui est crit a marche je r ussis Mich le 59 ans sans emploi vit Mareil sur Mauldre 78 Cela fait une dizaine d ann es qu elle utilise un t l phone portable Le premier tait install dans la voiture de son mari Ils avaient pris la d cision de s en quiper la suite d un week end de cueillette de champignons dans l Est de la France C tait en 1993 On tait bloqu sur le p riph rique et on ne pouvait pas joindre notre fils On est rentr beaucoup plus tard que ce qu on lui avait dit Quelques ann es apr s elle a eu son premier t l phone personnel un nokia et depuis elle en change assez r guli rement Le dernier date de 2007 Elle a demand son nouvel op rateur quel t l phone choisir puisque malgr toutes les ann es pass es avec cet objet elle ne se trouvait pas tr s habile Mes copines sont plus dou es que moi m explique t elle Mais depuis cette ann e c est diff rent Mich le ma trise enfin comme elle dit Je t l phone j envoie des SMS j envoie des petites photos comment on appelle a Des MMS Je consulte la boite vocale je mets mon r veil si jai besoin de me r veiller je fais des photos quand j ai besoin et je les envoie Une liste d op ration vari es qui lui
40. demande en pratique ce que signifie filmer avec un t l phone si ce n est au fond filmer avec l oreille I commente donc ses d ambulations dans les R FOURNIER CHRISTOL Coup de fil rasoir 2005 Il propose un autre film sur le mobile cam ra en pleine discussion avec d autres cam ra plus anciennes qui lui refusent le droit de faire galement des films Cam ra war 2005 E BULLOT La parole lectrique 2005 E BULLOT Note sur La parole lectrique http Awww festivalpocketfilms fr article php3 id_article 158 5 FLEISCHER Chinese Tracks 2006 109 petites rues du quartier dans lequel il se perd peu peu comme il se ferait relocaliser ou t l guider par quelqu un dans un usage classique du mobile Ce faisant il filme en continu le t l phone port l oreille jusqu ce qu il finisse au bout d une demi heure de performance en direct par se trouver devant la porte en question qu il d crit alors que l image montre le mur que verrait l oreille si elle pouvait voir Gallienni a finalement remport le premier prix du festival de 2005 avec D croche Un film tr s court qui montre un individu une casquette viss e sur la t te qui raconte comme dans une interview masqu e caract ristique des mises en sc ne t l visuelles de type Zone Interdite comment lui et ses amis sont devenus Akro au MSN et SMS La bouillie de pixels habituelles et renforc e par le floutage du visage la voix retravaill e par
41. dessine des sortes de r seaux de diffusion la fois al atoire et anonyme comme nous l explique Sofian 16 ans en nous d crivant la provenance des images qu il collectionne sur son mobile Ben en fait il y en a je sais bien qui me les a envoy e parce que leur num ro tait affich Mais celle l par exemple je ne sais pas c tait masqu C est souvent comme a ces images c est comme les pornos on peut toujours faire style on ne sait pas comment elles sont arriv es l Le mobile permet donc des formes de circulation entre anonymes La facilit avec laquelle les adolescents s changent ou font circuler leurs num ros et les num ros des autres conduit par ailleurs un certain nombre d appels inconnus qui ne sont pas forc ment des connus masqu s ainsi que nous le raconte Cl mentine Moi je ne r pond plus aux appels masqu s parce que a m arrive que ce soit vraiment des gens que je ne connais pas C est des copines qui donnent mon num ro je naime pas a De toute fa on si c est important les gens ils me laissent un message comme vous et comme a quand vous avez rappel je vous ai r pondu Une part d al atoire et d anonymat s est bel et bien gliss e dans les usages mobiles 2 3 Des communaut s d int r t ou le mailing mobile Il s agit videmment ici d une utilisation faible du terme de communaut du point de vue de l anthropologie Le terme qualifie ici des groupes
42. dormir La connaissance de l quipement de l autre est n cessaire l usage de certaines fonctionnalit s du mobile comme les MMS ou la visiophonie La plupart des 20 utilisateurs n ont d ailleurs que quelques partenaires pour ce type d changes comme le rappelle Emmanuel Moi en fait je n ai que deux amis avec qui c est possible Donc on s amuse un peu on se fait des blagues Ca ne peut pas jouer un r le plus important pour l instant mais bon c est d j pas mal La consid ration de l quipement de l autre dans les logiques d arbitrage configure une forme de panoplie plus tendue puisqu elle ne se r duit pas la boite outils du seul utilisateur D une certaine mani re les objets de l autre sont en jeu aussi bien que nos propres objets et forment pour chacun de nous une panoplie augment e Outre son quipement ce sont aussi les comp tences de l autre que nous cherchons saisir pour mieux l atteindre sait il ou non lire les sms est une question que l on se pose encore souvent avant m me que ne s initie ce mode d change Il s agit aussi pour mieux toucher notre destinataire de savoir estimer le temps dont il dispose ainsi que la teneur du temps qu il passe proximit des outils de communication Cette nouvelle exigence produit une forme de savoir inquiet sur l tat du destinataire qui s exprime pour Pierrette 73 ans parlant de sa fille comme pour Pierre 36
43. e au mobile commence faire bouger les choses dans le domaine du film de famille elle est surtout incontournable dans les pratiques cin matographiques entre amis et fait intervenir de mani re privil gi e des r f rents m diatiques de divers horizons Le plus vident est sans doute lunivers publicitaire Il inspire beaucoup les adolescents et plus g n ralement les jeunes qui pratiquent avec humour le d tournement publicitaire Marie et son amie G raldine respectivement 15 et 16 ans se sont par exemple amus refaire diff rentes publicit s de shampoing pendant que Pierre et Julien du m me ge rejouent les actions sportives au centre des publicit s pour Nike ou Adidas Les uns et les autres reprennent en chantant les diff rents slogans en transformant les paroles et en mimant les gestes Les d cors font l objet de moins d investissement simple ext rieur pour les gar ons qui exploitent une parcelle de pelouse ou int rieur salle de bain pour les filles qui de toute fa on se prennent en assez gros plan 5 2 Le mod le du journalisme t l vis L appel un journalisme citoyen ou amateur se fait galement de mani re formelle les sujets qui s adonnent ces pratiques voqu es plus haut reprennent des mani res de faire particuli rement reconnaissables plans longs commentaires en voix off qui 5 R ODIN Les films de familles de merveilleux documents Approche s mio pr
44. elle est devenue adepte de ce moyen de communication avouant que c tait pratique pour dire des trucs ponctuels qui ne n cessitent pas une conversation Elle appr cie aussi la discr tion du texto qui ne d range pas les gens qui leur laisse la libert de g rer la communication M me si Marie Catherine dit qu elle na pas la dext rit de ses enfants elle appr cie cette nouvelle possibilit de joindre sans t l phoner Ses enfants s amusent de la fa on dont elle utilise le SMS pour transmettre une information simple Marie Catherine est oblig e d utiliser cinq SMS parfaitement r dig s formules de politesse la cl Manifestement l adaptation du message au support prendra davantage de temps Aujourd hui Marie Catherine est une convertie elle ne regrette rien l objet lui convient il est m me parfait facile d utilisation la taille est id ale et je le trouve esth tique Elle reconna t que l usage cr e le besoin et que tant qu elle n avait pas essay c tait comme le s che linge cela appartenait la cat gorie des outils superflus En r alit une fois qu on y a go t on ne peut plus s en passer 148 Ma s ur elle sait pas se servir de son portable Nicole et Mich le 69 et 72 ans retrait es vivent Paris Nicole et Mich le sont s urs Elles occupent le m me appartement y re oivent de temps en temps leurs enfants et leurs petits enfa
45. es mais bien r invent chaque usage comme un objet plein une machine crire des SMS un appareil photo une messagerie vocale C est un objet dot d une capacit de m tamorphose Articul aux autres objets avec lesquels il fait syst me le mobile semble aujourd hui faire partie d une panoplie augment e d objets communicants comprenant les objets des autres propos desquels tout un chacun d veloppe une expertise assez surprenante connaissance du mat riel mais galement des diff rents styles d usage ou des formes de disponibilit La recherche d effets sur l autre semble aujourd hui plus importante qu une qu te d optimisation des performances et des compl mentarit s des diff rents outils Il devient d s lors possible d voquer une nouvelle forme de rh torique communicationnelle 128 comprenant les diff rentes techniques et outils multim dias que mobilise une personne selon la mani re dont elle pense pouvoir toucher l autre Si l optimisation n est plus le seul ressort de l arbitrage qui se joue entre les diff rents outils internes au mobile mais galement l int rieur de ces panoplies augment es la posture de ma trise que nous avions d crite en 2005 ne nous semble plus la seule pertinente Non pas que les gens soient moins habiles ou moins conscients de l paisseur communicationnelle des situations qu avant mais plut t parce que nous avons accord un
46. faire appeler a va tout seul Georgette Bal 84 ans retrait e vit Saint Fons dans le Rh ne Le portable cela faisait longtemps que sa fille unique voulait qu elle en ait un Il faut dire que malgr leur ge ils se d placent encore beaucoup son mari et elle Ils se rendent souvent ensemble en Savoie par la route et Georgette descend r guli rement seule en ville par le car Elle a pourtant recul le plus longtemps possible c dant finalement pour avoir la paix Je n aimais pas ce petit poste Il ne me faisait pas envie Je n en voyais pas l int r t Aujourd hui pourtant je l emporte partout avec moi Je suis bien contente de savoir que s il y un probl me mon mari peut me joindre et moi m me je peux appeler tout le monde Georgette a un portable depuis plus de trois ans Elle le sort de son sac avec plaisir et le manipule avec pr caution Sa fille avait rep r pour elle un mod le pratique volumineux avec de grosses touches mais Georgette lorsqu elle s est d cid e s est fait accompagner par l un de ses petits fils Elle a choisi un petit appareil tout mignon avec les touches qui s clairent comme a on les voit bien Elle ne voulait pas d un gros coucou puisque c tait pour le transporter avec soi En plus souligne t elle il n est pas mal pour tre si petit II a beaucoup de fonctions Elle l a toujours avec elle soigneusement rang da
47. fiction cin matographiques et qui reposent sur un double mouvement de r action et de blocage de la r action mais non ce n est qu un film des index point s vers un objet que l interlocuteur ne pourra voir des gesticulations destin es celui qui n est pas en face de soi qui semblent relever de ph nom nes de leurres perceptifs comme ces cris que l on lance au h ros du film ou ces moments o l on se tient plus fort au fauteuil parce qu l cran la chute est proche Pour mieux saisir encore l entrem lement des niveaux perceptifs il est tr s instructif d interroger des utilisateurs de mobile sur leurs souvenirs de conversations t l phoniques ils parlent avec pr cision des lieux du moment de ce qui s est pass autour d eux mais avouent parfois avoir perdu la m moire du contenu de la conversation et de l interlocuteur On pourrait en d duire un peu facilement que c est bien l le signe que ces changes sont vides de sens qu on ne se dit rien au t l phone Mais viderait on aussi ais ment de son contenu un roman parce qu on n a gard le souvenir que d un plaisir ou d un ennui de lecture et d une terrasse de caf o l on entam le deuxi me chapitre ou de lami qui cet apr s midi l avait interrompu notre lecture Si les circonstances de la lecture peuvent rester plus pr sentes l esprit que le texte lu c est que dans la lecture pour reprendre une formule de Gion
48. frappant que le t l phone habituellement outil ou proth se devienne une sorte d entrave dont on ne se s pare pas plus manuellement pour faire les courses au supermarch que pour s engouffrer dans le m tro ou se saisir d un monticule de documents et de dossiers avant d aller en r union Cela implique une certaine dext rit et une gymnastique globale in dite organis e autour du passage rapide et sans cesse renouvel du mobile d une main l autre 2 Une personne au t l phone une attitude inoubliable Si les gestes autour du mobile se sont d multipli s de fa on exponentielle contribuant red finir la gestualit contemporaine il faut revenir sur la mani re dont la gestualit proprement t l phonique s est inscrite dans la m moire gestuelle de notre soci t Objet incorporer comme nous l avons montr le mobile peut faire sens par la seule convocation de gestes caract ristiques comme celui de pianoter du pouce en regardant l cran et surtout celui de porter la main au visage Le mobile a tendu la visibilit de cette attitude t l phonique invent e avant lui par les usages du t l phone fixe et qui articule de fa on triangulaire trois organes privil gi s de la 90 communication la bouche les oreilles et la main Ces mouvements tendent recomposer esth tiquement les modes d apparition du visage qu on a d sormais l habitude de voir port e de main et l g rement pench sur une
49. gr ce mon mobile que je supporte les repas de famille le dimanche avec mes grands parents a dure des heures c est l horreur alors j envoie des sms sous la table mes copines pour leur dire Cette dissym trie se traduit de fa on manifeste par le type de pratiques t l phoniques l uvre entre parents et enfants ce sont bien videmment les parents qui appellent tandis que les enfants bipent Cette dissym trie constitutive des rapports parents enfants se ressent par ailleurs dans les repr sentations qu ils donnent de ces rapports Alors que les parents font du mobile un outil de surveillance discr te et de r assurance favorisant la prise d autonomie progressive de leurs enfants les adolescents quant eux n voquent ce contr le exerc par les parents Jamais il n en a t question en entretien contrairement ce que nos lectures nous avaient fait imaginer Corinne Martin qui a consacr sa th se de doctorat aux repr sentations sociales du mobile chez les jeunes adolescents avait en effet mis en vidence l existence d une tension l uvre autour des questions d autonomie Bonnes relations confiance absence les parents semblent se sentir rassur s par les portables et les adolescents le plus souvent tr s pragmatiques jouent le jeu comme le confirme Julien 15 ans qui nous avons d poser explicitement la question On pr vient comme a on est tranquille Ibr
50. jeunes ont bien largement renforc cette impression Le mobile entre bel et bien de mani re privil gi e dans la perturbation des situations scolaires lls permettent aux l ves de red finir les situations des infractions les plus banales aux v ritables d fis lanc s aux professeurs qui ne ma trisent pas leur salle Les nouveaux coups s inscrivent dans la lign e des anciens les l ves de 2007 aiment toujours se lancer des stylos ou des boules de papier En dehors des usages de r ception et d change de SMS qui concernent vraiment tout le monde apparaissent de multiples jeux plus ou moins innocents La liste des anecdotes serait laborieuse Retenons parmi les cas les plus souvent rencontr s l exploitation des incongruit s sonores L un des coups la mode au moment de notre enqu te consistait g ner un camarade en faisant sonner son mobile son insu Les portables circulent beaucoup nous l avons d j soulign il est donc facile de prendre le t l phone de l autre de remettre le son g n ralement coup les l ves ne sont tout de m me pas idiots puis de lui envoyer une sonnerie incongrue par bluetooth Moi je peux le faire plus de 100 m avec mon nouveau mobile donc m me dans une salle de cours o je ne suis pas Une fois m me j ai fait sonner le portable du surveillant sans le faire expr s Heureusement il est sympa Ainsi s exprime Nicolas 15 ans qui n a franchement rien
51. joli ce nouvel outil prend m me des photos et de bonne qualit en plus En ce qui concerne l volution de sa consommation Clara a encore peu de recul l investissement tant tout r cent mais quelques l ments permettent de saisir une tendance Revenons en arri re Il y a encore tr s peu de temps cette infirmi re de 36 ans se satisfaisait pleinement d une formule carte la compl tant largement par d autres moyens de communication une Freebox offrant un acc s illimit Internet et donc MSN ainsi qu au t l phone fixe Par souci d conomie elle a d embl e pris l habitude d utiliser son portable avec parcimonie du moins en conversation elle a int gr combien sa formule lui imposait des mesures de restriction en mati re de gestion des appels Jusque l son portable lui servait principalement tre jointe ses amis tant plus g n reux qu elle en mati re de communication En contrepartie elle a toujours envoy beaucoup de textos mode de communication qu elle a toujours largement privil gi consid rant que les textos ne co taient pas tr s cher contrairement aux appels associ s une d pense plus signifiante Ainsi si vous lui laissiez un message sur son r pondeur de portable la plupart du temps Clara ne vous rappelait pas mais vous envoyait un texto Globalement Clara a toujours tendance n utiliser son portable que pour changer des infos pr cises Pourtant elle es
52. l enregistrement des choses vues prises au sens o l entendait Victor Hugo de saynettes ou de faits qui s offrent au spectateur comme du r el pr t l emploi en quelque sorte comme des sc nes quasiment pr d coup es qu il ne reste plus qu capter La banalisation de cette r action appareill e que l on pourrait qualifier de naturalisation tant elle s apparente une r action corporelle tient au caract re non anticip de cet acte ni la jeune m re du jardin des Tuileries ni la fan d Elton John n taient sorties de chez elles avec leur appareil photo en bandouli re Le mobile joue d autant mieux son r le d engin r action qu il est un engin r actions multiples et qu il devient donc un appareillage d pourvu de finalit pr cise oserons nous dire en faisant cho aux images choisies par certains nos interview s comme notre corps 72 voir Partie I 115 Ces quelques extraits des r cits recueillis sur les jours malheureux o l on oublie son mobile chez soi font tat d une impression de perte de r flexe ou de capacit corporelle qui traduisent bien autre chose que le sentiment d isolement invoqu comme le ressort unique de addiction C est comme s il me manquait un bras je me sens handicap J ai l impression d tre un fant me J ai laiss ma t te la maison Je ne me sens physiquement d munie C est comme si j
53. le vent Le t l phone portable et la structure des relations de personnes l et Il Philosophie n 80 81 Paris Minuit d cembre 2003 et mars 2004 71 En 2007 cette description en terme de porosit des situations de communication nous semble toujours pertinente II semble toutefois qu il soit bien plus accept qu une personne dans l environnement d un t l phoniste intervienne dans la conversation au risque de la perturber Au fait tu peux lui dire que c tait vraiment sympa hier dit par exemple Sophie Benjamin en pleine conversation t l phonique Anne 30 ans ne peut s emp cher de parler celui qui se trouve d j au t l phone De toute fa on j ai remarqu que a ne provoquait pas beaucoup de r action Si les gens veulent vraiment tre tranquille ils n ont qu s loigner plus Curieusement l oralit semble reprendre ses droits renverser l ordre hi rarchique suppos des espaces de communication Nous en voulons pour preuve le fait qu une personne au t l phone pour tre s r de ne pas tre d rang e s isole ostensiblement pour dissuader l autre Les gestes t l phoniques s accompagnent de gestes m tacommunicationnels d excuse par exemple on mime en silence cest tr s important d sol ou d arr t comme ce mouvement qui consiste tendre le bras la main plat en direction de l autre Il ne s agit pas vraiment d une convenance mais p
54. les cin astes amateurs de petits formats Les petits films mobiles ont une densit en terme d action bien plus grande que les films produits au moyen de cam ras vid os et qu il tait parfois fort ennuyeux de regarder En quelques secondes ou quelques minutes ils montrent des sc nes plus organis es anticip es focalis es sur un moment ou permettant d arriver une chute Un d but un milieu une fin tels sont les ingr dients du drame selon les pr ceptes 104 anciens d Aristote que red couvrent sans n cessairement le savoir les utilisateurs des cam ras mobiles Ces petits films se distinguent donc assez nettement des films classiques par leur mise en sc ne improvis e li e la prise en compte souvent intuitive des formats En revanche ils conservent des points communs plastiques comme les flous de boug s les panoramiques trop rapides la zoomite aigu lorsque le mat riel le permet La dramatisation est toutefois un l ment tr s important puisque le rel chement temporel et le flou permettaient dans les films plus anciens chacun de produire sa propre interpr tation de la famille Roger Odin montre tr s bien comment ces d fauts constituaient une n cessit intrins que du film de famille et permettent celui ou ceux qui filment de ne pas s engager dans l imposition d un sens des relations familiales aux autres membres 5 1 Les d tournements publicitaires Si la mise en sc ne li
55. minimalisation de la pr sence de l autre l o l appel t l phonique semble garantir lorsqu il aboutit une conversation un change plus vrai La voix incarne la pr sence de l autre C est l un des miracles que soulignait d j Marcel Proust en voquant la premi re fois qu il lui a t donn de parler avec sa grand m re au t l phone L crit peut par ailleurs incarner la pr sence sous forme de trace ou d indice De fait si l on garde certains SMS ou si l on archive ses mails pr cieusement c est parfois pour revivre cette pr sence de l autre qui chappe au flux communicationnel 2 4 Les enjeux temporels Il est banal de rappeler combien le rapport au temps est important dans l orchestration de sa communication Plusieurs temporalit s sont l uvre de la gestion du pass par les traces ou l archive l organisation du futur en passant par l preuve du pr sent Le SMS et MSN autorisent un rapport d instantan it tout en permettant comme la messagerie vocale ou encore les mails de g rer un temps diff r Aux savoirs des agendas que nous avions mis en vidence dans le rapport 2005 et qui consistait optimiser ce que le mobile permettait de savoir sur les activit s des autres et leur ventuelle disponibilit s ajoute une multiplicit de modes de prise en compte de notre propre temps et des effets produits sur le temps de l autre Chez beaucoup d utilisateurs c est bien
56. mobile autour d une caisse dans un magasin ou dans une salle de classe De nouvelles pratiques notamment li es la production et la diffusion d images violentes sont galement des ph nom nes qui doivent tre analys s Avant d aller plus avant dans l exploration de ces nouvelles formes d incrimination du mobile il faut d abord souligner qu en parall le des r gles de civilit semblent s tre progressivement fix es il semble en effet possible aujourd hui d voquer par del la tol rance et l adaptabilit des usages de v ritables convenances en cours de cristallisation 1 Des convenances en cours de cristallisation En 2005 le mobile ne permettait d invoquer les r gles de politesse que sur un mode n gatif Il perturbait selon les gens les r gles l mentaires de la civilit voire r v lait la goujaterie des individus selon une formule tr s explicite d une de nos interview es En 2007 en revanche des formes positives de civilit mobile semblent se dessiner indiquant une stabilisation des r gles communes d usage du mobile Ce qui frappe aujourd hui c est la place de plus en en grande de l attention port e l autre dans les usages t l phoniques alors que lattitude g n rale tait plus d fensive lors de notre premi re enqu te Cette prise en compte de l autre rel ve la fois d une logique d anticipation et d un partage des savoirs sur le style d usage de son destinat
57. ne pouvais pas me d barrasser de cette habitude c tait machinal Pourtant je suis plut t l aise avec ce genre de choses Alors j ai chang de t l phone j ai 1 http ouziel blogs com pierre 2006 10 test_du_htc_s62 html 31 m me chang d op rateur pour avoir un nouveau t l phone qui me plaise Avec le nouveau a va je n ai plus de probl me Ces comportements qui montrent que sous certaines conditions nous ne ma trisons plus aussi bien le t l phone portable qu son habitude restaient du domaine de l impens dans la pr c dente tude et nous nous en remettions pour les expliquer la maladresse de certains utilisateurs s parant immanquablement ceux qui savaient de ceux qui ne savaient pas utiliser l objet Il faut d s lors remettre en question une vision dichotomique des utilisateurs de mobile d un c t les incapables et de l autre les experts L usage n est jamais compl tement vident m me chez ceux qui le vivent sur le mode de la facilit Les ruptures g n rationnelles mises en vidence notamment par l Observatoire TNS Sofres tendent renforcer cette id e re ue d une segmentation des savoirs et des savoir faire alors que nos observations r v lent une porosit des exp riences de ma trise allant plut t dans le sens d une continuit des pratiques Notre enqu te focalis e sur les adolescents et les jeunes va dans le m me sens ils ne forment aucunement un groupe d e
58. ne se laissent d couvrir que par explication ou exp rimentation t tonnantes comme le fonctionnement du mode T9 C est facile il suffit d appuyer sur la touche en bas gauche pour faire d filer les mots possibles explique Guillaume 25 ans sa m re qui ne comprend pas comment se servir de qu on lui a dit tre une mani re plus rapide de r diger des SMS L articulation entre l organisation s miotique de l cran et celle du clavier semble r invent e par les parcours de lecture physiquement organis s par les utilisateurs qui tendent de fait spatialiser leur approche de l objet ainsi on ne sait pas dire ce qui est crit sur la fameuse touche mais on la visualise et surtout on la trouve du doigt tr s machinalement C est l une des dimensions tr s forte li e l apprentissage par incorporation au sens strict Le t tonnement le bidouillage l exp rimentation correspondent 43 ces modalit s d engagement physique de ces techniques intellectuelles La lecture proprement parler semble moins importante et se retrouve un autre niveau dans la faible utilisation des notices pour ce genre d objet Si Georgette ou encore Mich le ont tent de se r f rer au livre selon l expression de la premi re ce fut sans succ s tant ce mode de m diation semble peu appropri l acquisition des gestes Mais ceux qui peuvent leur montrer ne savent pas vraiment expliquer comment s es
59. nuque diagonale Cette attitude est d j bien inscrite dans les repr sentations et fait partie int grante de notre m moire commune Le t l phone joue par exemple un r le tr s important dans le cin ma o les conversations t l phoniques constituent un th me d rotisation masculine et f minine L attitude au t l phone mobile actualise l attitude au fixe si bien ancr e dans les imaginaires Elle est m me si profond ment inscrite dans nos modes de perception qu une attitude proche une simple main port e plat le long d une joue suffit donner l illusion que la personne est au t l phone La cristallisation de cette forme gestuelle est si grande qu elle peut nous conduire comme peu d autres des interpr tations anachroniques ainsi qu en t moignent les r actions de tous ceux qui nous avons montr cette photographie de Jacques Henri Lartigues o l on voit sa compagne Bibi en pleine conversation t l phonique sur le ponton d un bateau La sc ne se d roule pourtant en 1928 A contrario le port de l oreillette semble r sister tr s fortement toute inscription dans un imaginaire gestuel partag Ce manque d vidence dans le rapport au corps et ce que ce rapport peut signifier est l une des raisons possibles de la r sistance une solution technique pourtant int ressante sur le plan de la sant M me si le march commence donner des signes d acceptation de cet objet accessoire d
60. ordinateur et l image sous titr e en une caricature de langage SMS il finit par dire mais nous tout ce qu on veut c est du fun c est du fun Ce plaisir t l phonique assorti d une certaine addiction dont il sera question dans la derni re partie de ce rapport kkk Les productions artistiques attentives aux sp cificit s techniques et sociales du mobile donnent cet objet t l phone un v ritable statut pour questionner les exp riences esth tiques contemporaines prises dans un sens large Elles invitent prendre au s rieux ce que le mobile fait advenir des productions visuelles qui lui pr existaient et continuent de lui tre contemporaines Les pratiques amateurs analys es ici dialoguent avec d autres plus anciennes ou plus artistiques permettant d analyser en effet le mobile comme un nouvel art moyen qui entrent de mani re privil gi e dans une reconfiguration de l activit spectatrice L ancien spectateur passif tend en effet devenir un v ritable acteur de ce qui advient C est vrai de ce qui se passe tant au moment de la production des images que lors de l organisation de leur diffusion Les actes pr valent aux images elles m mes et assurent une pluralit de fonctions sociales Ce ressort actif rendu visible par lanalyse des usages photographiques et filmiques semble en r alit caract ristique de notre exp rience globale du mobile ainsi que nous allons d sormais nous attacher le montr
61. ou une autre satisfaction qui rel ve d une logique de comblement de remplissage ou de saturation Parmi les diff rents aspects de cette logique d usage il en est un qui frappe particuli rement dans les comportements observ s c est la multi activit celle par exemple de cette femme observ e chez Lina s sur le parvis de la D fense qui aussit t assise entame une conversation sur son mobile avec une amie en m me temps qu elle entame le sandwich du jour et le feuilletage du magazine f minin qu elle avait sous le bras Ces trois activit s simultan es occuperont le temps exact de sa pause d jeuner A voir se multiplier ces comportements l on est tent de dire que le multi t ches n est plus v cu seulement sur le mode laborieux de la suractivit on se souvient de la figure du jongleur hyperactif qui dominait dans les repr sentations publicitaires en 2004 mais sur le mode du plaisir La qu te du bien tre t l phonique prend ainsi souvent la forme d une qu te de saturation des possibilit s d action comme s il s agissait d activer en m me temps plusieurs modalit s de pr sence C est d ailleurs l une nouvelle valeur imaginaire du t l phone mobile au cin ma qui n tait gu re accentu e jusqu pr sent dans les sc nes cin matographiques incluant cet objet Citons le cas particuli rement parlant des Bronz s 3 de Patrice Leconte 2006 o le seul moment de parfaite f licit du h ro
62. photographies nouveaut s techniques ou artistiques programmation culturelle tout en gardant ouvertes chacune de ses boites lectroniques et notamment MSN Son mobile sonne souvent il r pond toujours sans interrompre ses activit s de fond musique MSN Il peut en m me temps feuilleter des magazines grignoter un sandwich ou fumer une cigarette sans v ritablement que la n cessit d arbitrer ne s impose lui En revanche si la communication pr sente des enjeux particuliers pour lui il revient spontan ment vers un usage moins d multipli afin d tre le plus efficace possible La saturation devient alors un frein auquel il rem die en fonction de ses objectifs ce qui nous conduit envisager ce qui motive les arbitrages du point de vue des changes communicationnels 2 Les mobiles des arbitrages ressorts d une rh torique communicationnelle Les mobiles qui sous tendent consciemment ou non l arbitrage des outils de communication diff rent bien videmment selon les gens mais il est possible d indiquer les l ments du cadre qui structurent ces pratiques et qui r activent g n ralement les sp cificit s des diff rents outils Ainsi apparaissent les contours d une rh torique contemporaine c est dire l ensemble des techniques de communication visant une certain effet Il para t impossible d accoler des valeurs stables aux diff rents outils Le SMS pour ne prendre que cet exemple se pr sente comm
63. pr tait d outil de la joignabilit maximale est devenu comme le mail l outil de la joignabilit non intrusive Le mobile est souvent utilis en place et lieu du fixe sur son territoire la maison cet usage qui va parfois contre les r gles d conomie indique que le mobile est devenu l outil du bavardage et du confort t l phonique alors que ces qualit s taient jusque l plut t attribu es au fixe Appeler un mobile au lieu d un fixe personnel est devenu aujourd hui une pratique courante je d rangerai moins en appelant sur son mobile plut t que sur son fixe la maison cest moins personnel explique Marie 47 ans en parlant d une connaissance qu elle retrouve toutes les semaines dans une association de quartier Remplissant aujourd hui de fa on totalement admise socialement son office de joignabilit s lective le mobile n est plus le moyen la voie d acc s la plus intime la personne Un WIZZ est un moyen d attirer l attention d un contact cela se mat rialise par une impression de vibration de l cran associ e une sonnerie particuli re L usage connect est selon Christian Licoppe celui par lequel on assure une pr sence en exprimant un tat une sensation ou une motion plut t qu on ne construit une exp rience partag e en racontant des v nements pass s et en donnant des nouvelles C LICOPPE Sociabilit et technologies de communication
64. propose effectivement des jeux mais bien parce que les situations de communication mobiles ont en commun de pr senter des univers clos r gis par des r gles ma trisables et donnant lieu une tr s forte pr visibilit Le jeu pr sente un succ dan la vie hors jeu et propose une exp rience v cue comme pleine et rassurante cause de cette pr visibilit mais aussi des interd pendances qui s y produisent Comme le mobile le jeu pr sente une tension entre un temps ma tris et une absorption totale dans un temps dilat c est cette tension entre la ma trise et le d fi entre le pr visible et l impromptu entre le temps sous contrainte et la dilatation infinie qui sont au c ur des processus addictifs II faut se souvenir du film Les joueurs d chec de Satyajit Ray qui montre deux amis emport s dans leur passion pour les checs au point de n gliger leurs pouses et le reste du monde alors qu une guerre se pr pare Les Anglais souhaitent destituer le roi po te Wajidi Ali Sah lui m me plus pr occup par l art que par les questions militaires 127 Conclusion Le mobile de 2007 n est finalement plus tout fait le m me que celui de 2005 Sa pr sence aujourd hui massive et apparemment irr versible dans toutes les sph res de la soci t aurait pu laisser imaginer une forme de banalisation ou de neutralisation de ses usages Il n en est rien Cette nouvelle tude nous permet la fois d
65. provisoirement constitu s autour d une question ou d un v nement Antoine 18 ans utilise par exemple tr s souvent son mobile pour organiser des soir es clubbing dans quelques bo tes de nuit parisiennes Ben je commence par les mailing sur internet et puis la derni re semaine j envoie des SMS collectifs comme a les gens se sentent plus concern s Et ils ont les informations sur eux c est pas mal comme syst me Cette utilisation du mobile mailing est facilit e par l organisation des r partitions dans son r pertoire Pour lui cela suppose donc une gestion particuli rement serr e des num ros qu il entre dans son mobile Comme tout le monde j en prend souvent mais apr s je dois faire hyper attention parce que sinon je ne m en sortirais pas Les professionnels commencent d ailleurs avoir recours ce type d usage de diffusion pour des dons d organe par exemple 2 4 Duos et trios les relations d exclusivit A l int rieur des collectifs plus ou moins larges se dessinent galement des espaces d exclusivit qui prennent la forme de duos ou de trios Le mobile intervient bien videmment dans le jeu des affinit s lectives l adolescence qu elles soient 64 amoureuses ou simplement amicales Le mobile a un r le central dans les relations de couple Les adolescents s en servent d ailleurs de mani re assez tonnante exer ant parfois entre eux des modes de survei
66. qu elle les institue fondamentalement comme sujet satisfaire dans un mouvement qui la fois doit rapprocher les objets de lui et en m me tant ne pas compromettre sa propre int grit comme le font effectivement les proth ses qui la fois prolongent accroissent d cuplent ou remplacent des l ments du corps tout en r organisation sa propre perception intime Comme on peut le voir sur les quelques exemples recens s les traces de doigt sont maintes fois d cri es Mat rialisant le contact entre le corps et l objet elles sont v cues comme quelque chose qui le parasite soit qu elles en g chent l esth tique soit qu elles en emp chent l utilisation optimale cas de la visibilit Plus que pour tout autre objet usuel mettons part les objets d art le marketing qui entoure les objets technologiques nous invite ne pas en perturber la puret esth tique synonyme bien souvent de puissance ou de vitesse La trace de doigt dans cette optique replie l ensemble des connotations positives luxe technologie de pointe art puissance exprim es par l objet technique sur sa dimension usuelle utile c est dire sur sa dimension vulgaire Cette dimension incontestable qui renvoie notre amour des beaux objets n est pas la seule du point de vue de la relation entre l individu et son mobile Les traces de doigt sur le mobile et le fait qu elles d rangent renvoient pr cis ment cette ext riorit de l
67. que je n ai rien lui cacher mais bon Lui a m intrigue Une fois j ai regard et je suis tomb sur un SMS bizarre il avait d jeun avec une fille et ne me l avait pas dit Du coup je n ai pas os lui demander C cile 35 ans Si on tombe dedans c est affreux on peut tout reconstituer les questions se multiplient Faut pas tre jaloux Marc 40 ans Laisser son portable bien visible c est indiquer sa confiance le cacher le ranger c est au contraire potentiellement veiller les soup ons de nombreuses strat gies visent lutter contre cette ventuelle tra trise du portable Une tra trise qui peut d ailleurs se manifester de mani re particuli rement g nante dans les lapsus ou actes manqu s auxquels donne parfois lieu le t l phone mobile Anne 30 ans raconte qu elle a envoy sa m re un message d amour adress son compagnon 45 Heureusement il n tait pas trop torride mais une fois c tait plut t des reproches parce qu on tait en pleine dispute et l j ai pas trop envie que a sorte d entre nous J tais mortifi e D une mani re g n rale il semble que les utilisateurs g rent leurs archives en anticipant le regard des autres Certains effacent syst matiquement tous leurs messages pour d courager les explorations D autres prennent soin de ne pas laisser trop longtemps certains messages qui pourraient et mal interpr t s comme le soul
68. s ou les Mac Donalds o les jeunes nous donnaient rendez vous Il est mal vu d avouer payer pour cela Nous n avons donc rencontr que des adolescents qui avaient soi disant eu leurs logos ou leurs sonneries par des copains Ceux qui peuvent t l chargent des fichiers et les font ensuite circuler dans une logique g n rale de rentabilisation et de partage sur laquelle nous reviendrons dans la Partie Il 49 Le mobile est un objet sans quivalent dans l univers des adolescents Tr s beau cadeau il fait totalement partie de leur quotidien En revanche il n est pas pour eux l objet d un investissement trop personnel ni trop intime Il en est de leurs mobiles comme de leurs blogs rien de tr s confidentiel n y est produit mais plut t une forme d exposition publique de soi et de son univers Les nouveaux usages filmiques et photographiques r activent d ailleurs l un des ressorts de la photographie et du film de famille mis en vidence par Roger Odin le fait que les appareils de prise de vue puis les moments de diffusion permettent d organiser un jeu plusieurs dans lequel les interactions et les moments pass s ensemble priment sur le contenu de ce qui s change Ces usages tr s courants chez les jeunes peuvent galement tre observ s de mani re plus exceptionnelle chez les adultes kkk Le mobile appara t en 2007 comme un objet dot de capacit de m tamorphose Devenant tour tour u
69. sert de plus en plus souvent ponctuer les dialogues rythmer les propos des uns et des autres chacun s en saisissant pour mieux n gocier sa place dans la conversation Une observation faite dans le m tro parisien a permis de mettre au jour de mani re caricaturale cette dimension finalement tr s partag e Deux hommes assis en face face s changent des propos plut t verts en langue italienne Le ton monte les corps se rapprochent et s loignent sym triquement permettant l observateur incapable de traduire le contenu de la conversation de comprendre les rapports de force qui s y exercent Les mobiles de chacun des partenaires semblent redoubler ou appuyer les phrases prononc es Ils passent d une main l autre sont port s au visage prolongent des gestes de menace rempla ant l index point habituellement utilis dans ces circonstances Arriv s sa station l un des deux se l ve l autre l accompagne pr s de la porte Ils continuent leurs invectives le mobile au bout des bras tendus de par et d autre de la porte m tallique qui finit par se refermer L homme rest l int rieur du m tro se rassoit alors et se met observer nerveusement le t l phone qu il tient des deux mains devant lui Voir partie I 89 Le mobile joue ainsi de plus en plus nettement un r le d orchestrateur de la gestualit contemporaine un niveau non plus seulement individuel mais bien collectif Nous avions vu en
70. sur 2 par exemple je veux appuyer sur 5 et puis il y a 2 qui s affiche il me montre Enfin l 5 a marche Mais quand a ne marche pas alors je fais 5 et 2 la fois j essaie d appuyer au centre entre les touches Mais a c est tout nouveau mais a me met juste en rage parce que a me fatigue Et pour envoyer un SMS M me c r monial J ai une touche de raccourci qui me permet d aller directement l ouverture d un message a je le fais Et c est m me la touche la plus simple parce que comme j appuie en haut il ny a pas de probl me J en cris beaucoup Avec cet cran tu vois si j essaie de taper lapostrophe elle marche au deuxi me coup J essaie Je me retrouve avec la majuscule alors que je n en voulais pas Ce genre de conneries Et a maintenant a dure des heures Et a va falloir que a change a va changer 2 2 Le mobile un objet qui fonctionne notre insu Les modalit s de la n gociation avec l objet reposent sur sa capacit opposer de la complexit de l opacit de la r sistance au sujet manipulateur Il est possible de retrouver ces rapports de pouvoir et l exp rience de l usage comme n gociation dans de nombreux dispositifs techniques Le mobile accro t sans doute cette potentialit de r sistance parce qu il se pr te plus facilement que d autres objets aux jeux de la m tamorphose Par bien des aspects il r affirme sa rela
71. temps qu ils red finissent la situation en une situation photographique chaque utilisation ce qui pourrait appara tre comme une juxtaposition plus ou moins articul e de fonctions parmi lesquelles l utilisateur choisit l outil qu il consid re comme appropri ressemble en r alit bien plus une r invention de l objet tout entier qui devient une messagerie un appareil photo un balladeur L image de la bo te outils que nous avions propos e en 2004 ou encore celle du couteau suisse lanc e avec succ s par Serge Tisseron et visant d signer l objet multi fonction sont nuancer aujourd hui En situation il appara t que les outils potentiels sont tr s efficacement recouverts par celui qui est concr tement mobilis Les r cits des personnes interrog es le confirment rien de plus d sagr able paniquant p nible que de voir son t l phone sonner alors qu on est en train d crire un sms ou de faire une photo la polyfonctionnalit est alors vraiment v cue comme une perturbation qui r side dans le fait de devoir interrompre une activit pour reconvertir l objet en t l phone Voil un jonglage mobile qui ne se pr sente pas comme fluide ni plaisant si l on en croit les manifestations d exasp ration ou de v ritable panique zut comment je fais que l on recueille en observant les utilisateurs dans les espaces publics M me si la polyfonctionna
72. tient tout d abord au fait qu elles ne semblent pas pouvoir justifier de parler seul et de ce point de vue il semble plut t judicieux de la part des constructeurs de produire des oreilles tr s visibles Mais cet l ment n est pas le seul et peut tre non plus le plus important On peut faire l hypoth se que si les oreillettes mobiles ne profitent pas de la naturalisation des couteurs c est qu elles renvoient un autre imaginaire celui des centrales t l phoniques aussi bien du t l marketing que de la science fiction Il ne manque que le micro Or ces appareils loin de se fondre de mani re proth tique et d tendre les attributions du corps humain demeurent de v ritables objets ext rieurs bien couramment associ s par les personnes interrog es au monde animal Je sais que c est mieux les oreillettes mais ne je me transformerai pas en insecte indique par exemple Marie 30 ans Ils sont ridicules ceux qui les portent on dirait des abeilles du futur souligne St phane 25 ans L effet du t l phone portable et de ses accessoires sur la gestualit contemporaine et les perceptions auxquelles cette gestualit peut donner lieu est finalement une dimension structurante de l exp rience mobile L attitude t l phonique a bel et bien pris au point qu il semble impossible de revenir en arri re certaines modalit s nouvelles sont difficiles mettre en place parce qu elles dialoguent mal avec la
73. 2 23 222 31 du code p nal Les d lits concern s vont des actes de violence graves tortures et actes de barbarie de simples agressions L article 222 13 porte sur les violences commises par un d positaire de l autorit publique dans l exercice de ses fonctions La loi pr cise que cette interdiction n est pas applicable lorsque l enregistrement ou la diffusion r sulte de l exercice normal d une profession ayant pour objet d informer le public ou est r alis afin de servir de preuve en justice Voir aussi partie Il 102 de comprendre la contribution du mobile dans les productions esth tiques contemporaines Comme cet art classique japonais le mobile rend possible un art du peu la fois parce qu il part de petites situations v cues par l individu et parce qu il produit des formes courtes et condens es Comme le haiku mais selon des modalit s plus triviales videmment il permet une transfiguration du quotidien faite de calcul et de spontan it On retrouve d ailleurs cette dimension dans les usages plus conventionnels du mobile comme dans la pratique du SMS Forme br ve il impose une attention tr s particuli re l articulation entre une observation une situation v cue et un message parfois destin tre conserv et devant rendre compte d une observation Mer calme Champagne Bonheur crit par exemple Martine ses proches depuis Biarritz o elle est partie e
74. 2005 que les conversations t l phoniques taient accompagn es de ballets corporels in dits Les foules urbaines ont continu int grer de nouvelles fa ons de marcher Les citadins s arr tent brusquement se retournent repartent suivant l impulsion invisible donn e par la conversation t l phonique Ces mouvements surprenaient inqui taient ou pr taient rire au d but de leur apparition Ils sont totalement banalis s depuis et se sont en quelque sorte naturalis s les ruptures de rythmes les revirements impromptus les ralentissements voire les installations passag res dans la cohue ou l lection des lieux de retrait se font et se d font avec une certaine fluidit On ne remarque presque plus ces balancements des jambes ou du buste ni le dessin de zones symboliques autour de soi qui tendaient transformer le corps entier en stylo et le faire gribouiller comme on le fait couramment sur un post it ou un papier libre lorsqu on est plong dans une conversation au t l phone fixe Un geste nouveau semble m me s tre ajout ces nombreux mouvements par lesquels les foules d aujourd hui ne se comportent ext rieurement plus tout fait comme avant Ce geste consiste tenir son t l phone la main en dehors m me des conversations qu elles soient t l phoniques ou de face face par rapport auxquelles nous l avons soulign la gestualit entretient des affinit s particuli res Il est particuli rement
75. AFOM ASSOCIATION FRAN AISE DES OP RATEURS MOBILES Le t l phone mobile aujourd hui usages et comportements sociaux 2 dition Rapport final Juin 2007 DISCOURS amp PRATIQUES Soci t de Conseil et de Recherche appliqu e Ont collabor ce travail de recherche Olivier A M Camille BRACHET Julien TASSEL Sous la direction de Anne JARRIGEON Jo lle MENRATH membres du GRIPIC CELSA Sommaire INTRODUCTION PARTIE I LES METAMORPHOSES DE L OBJET MOBILE Un seul objet la fois effets de l usage contre la d multiplication des potentialit s techniques 1 Une dynamique de convergence 2 Un objet multiple pourtant v cu sur le mode de l unicit Panoplies d objets communicants comment fonctionnent les arbitrages 1 Ressemblances et compl mentarit s des outils communicants 2 Les mobiles des arbitrages ressorts d une rh torique communicationnelle lll Ce que l objet fait au sujet les revers de la ma trise 1 D faillances h sitations et erreurs indices d une ma trise conditionnelle 2 L objet comme partenaire ou l usage comme n gociation 3 La qu te proth tique d un objet qui gravite dans la sph re corporelle 4 Un objet incorporer plut t qu lire ce que r v lent les difficult s d apprentissage IV Le mobile est il toujours aussi personnel 1 Une boite noire individuelle 2 Vers un objet d exposition et de sc nographie mus ales PA
76. L j ai des petites images dans mon t l phone je n ai plus besoin de r fl chir m explique t elle victorieuse 140 Longtemps elle a prouv des difficult s Son neveu lui avait appris il y a deux ans environ envoyer des textos et elle avait bien essay de continuer sur cette voie mais son fils qui elle avait demand de l aide allait beaucoup trop vite pour elle chaque fois le truc tait pass et je navais rien vu La notice du t l phone n tait pas non plus d une aide tr s pr cieuse Je ne comprends jamais les notices Toutes les notices sont merdiques et incompr hensibles pour moi s exclame t elle Alors elle a repris recommenc et les choses se sont claircies je ne sais pas comment mais j ai compris En essayant de bidouiller moi m me et puis en faisant attention car je suis comme tout le monde parfois je ne suis pas attentive aux choses Son portable elle l utilise toujours quand elle est l ext rieur car elle habite la campagne et que la r ception n est pas id ale La maison qu elle habite se situant au fond d une vall e le t l phone ne capte pas de r seau au rez de chauss e ce qui oblige Mich le le placer dans l escalier du deuxi me tage L il capte bien et m explique t elle en riant et quand il sonne je mai plus qu courir Souvent il reste au fond de son sac car elle oublie de len sortir II ne parle p
77. RTIE Il PARTAGES TELEPHONIQUES LES DYNAMIQUES COLLECTIVES D USAGE D UN OBJET INDIVIDUEL l Usages collaboratifs du mobile les dessins collectifs 1 Le mobile une affaire de famille 2 Partages mobiles entre amis et plus si affinit s le mobile dans la d finition des collectifs Conclusion pour en finir avec le mythe d une atomisation de la soci t Il Vivre ensemble la fin des incivilit s mobiles 1 Des convenances en cours de cristallisation 2 Des r gles tacites d usage le ressort de l exemplarit ou les jurisprudences par l action 3 Le mobile un bon moyen de parler de la civilit contemporaine 4 Le mobile un objet hors les lois PARTIE III ACTIONS MOBILES ET EXPERIENCES CONTEMPORAINES L INTERVENTION DU MOBILE DANS L ESTHETIQUE DE LA VIE QUOTIDIENNE l La gestualit contemporaine nouveaux l ments chor graphiques 1 Un renouvellement de la gestualit contemporaine 2 Une personne au t l phone une attitude inoubliable Il Un nouvel art moyen multim dia les images mobiles en pratique Images amateurs et amateurs d images une pluralit de pratiques mobiles Les images mobiles des images pr caires La production des v nements ordinaires Une d sacralisation de la photographie et du film de famille De la mise en sc ne la performance les ressorts du sensationnalisme mobile Un outil de la r flexivit O GB ND Il L action un ressort de l exp
78. SSERON S Enfants sous influence Les crans rendent ils les jeunes violents Paris Armand Colin 20083 TRONC J N Le T l phone mobile un terminal universel Esprit n 5 Mai 2006 WEBER F L conomie domestique entretiens avec Julien T n dos Aux lieux d tre Paris 2006 uvres filmiques BYEONG GI A Phone 2002 BULLOT E La parole lectrique 2005 BULLOT E Note sur La parole lectrique http www festivalpocketfilms fr article php3 id_article 158 CAMPBELL S M Casino Royale 2006 CALTABIANO R www anti slapping net FLEISCHER A Chinese Tracks 2006 FOURNIER CHRISTOL R Coup de fil rasoir 2005 GALIENNI D croche 2005 www galienni typad com HUNT J Hellphone 2007 LECONTE P Les bronz s 2006 156
79. Universit de Metz 2004 ODIN R sous la direction de Le cin ma amateur Communications n 68 Paris Seuil 1999 155 ODIN R Les films de familles de merveilleux documents Approche s mio pragmatique in Le film de famille Actes de Colloque sous la direction de Nathalie Tousignant Bruxelles Publication des Facult s universitaires Saint Louis 2004 PAPILLOUD C Br ve autopsie du happy slapping www libertysecurity org PEYRET E Le t l phone portable outil antif cheux Passage en revue des usages postiches du mobile Lib ration mardi 25 juillet 2006 Rapport du GRIPIC 2005 Le t l phone mobile aujourd hui usages repr sentations comportements sociaux www afom org RELIEU M Parler en marchant Pour une cologie dynamique des changes de paroles Langage et soci t n 89 Paris Maison des sciences de l homme 1999 RIVIERE C A T l phonie mobile et photographie les nouvelles formes de sociabilit s visuelles au quotidien Soci t s n 91 2006 RUEFF M Qui dans ses poings a recueilli le vent Le t l phone portable et la structure des relations de personnes l et Il Philosophie n 80 81 Paris Minuit d cembre 2003 et mars 2004 SCHAEFFER J M L image pr caire Du dispositif photographique Paris Seuil 1989 SCHAEFFER J M Pourquoi la fiction Paris Seuil 1999 SIMMEL G La mode Philosophie de la modernit r d Paris Seuil 1981 TI
80. agmatique in Le film de famille Actes de Colloque sous la direction de Nathalie Tousignant Bruxelles Publication des Facult s universitaires Saint Louis 2004 105 d crivent en direct ce qu il faut voir comme dans grand nombre de reportages t l vis s dans lesquels l image semble ne rien pouvoir signifier d elle m me 5 3 Mises en sc ne morbides le happy slapping entre vid o gag snuff movie et Jackass La tendance la mise en sc ne se trouve pleinement l uvre dans des pratiques de l ordre de la performance physique Le sensationnalisme est un ressort particuli rement efficace et peut prendre une multitude de formes des plus banales aux plus violentes Le mobile permet en effet de conjuguer une action mise en sc ne avec une r alisation instantan e Il est l outil qui pousse au d fi comme en t moigne cette sc ne ordinaire surprise dans le m tro Deux gar ons commentent une vid o sur un mobile qu ils se font passer tour tour le premier dit au second Tu vas voir jai os en plein magasin mon chef tait juste c t mais bon je l ai fait quand m me C est pas vrai tu as mis la musique fond Ouais et tu vois je danse comme un fou c tait trop dr le comme dans un clip en pleine boutique C est mon autre coll gue qui m a film il tait mort de rire Ah ben tu vois on l entend l Le film semblait tout fait innocent mais il n en
81. ahim 15 ans souligne Moi a a du m arriver une seule fois que ma m re m appelle et n arrive pas me joindre Le reste du temps a marche bien En r alit ils tirent parti de tout ce qu offre le mobile pour d jouer les modalit s de contr le social qu il permet de r aliser ainsi qu invite le penser Ferdinand En fait quand je ne veux pas parler avec ma m re je ne sais pas parce que j ai trop bu ou quoi Et bien je me d p che de lui envoyer un texto a coupe court On se d brouille quoi ce n est pas un probl me Finalement le mobile intervient selon des modalit s vari es dans la r affirmation des relations familiales Les familles lui accordent une place importante et dessinent nettement des formes majeures d usages collaboratifs C MARTIN Repr sentations sociales du t l phone portable chez les jeunes adolescents et leur famille Quelles l gitimations des usages Th se de Doctorat en Sciences de l Information et de la Communication sous la direction de Jacques Walter Universit de Metz 2004 Ses interpr tations s inspirent sur ce point des travaux du sociologue de la famille Fran ois de Singly F de SINGLY Etre soi parmi les autres Famille et individualisation Paris L Harmattan 2001 60 2 Partages mobiles entre amis et plus si affinit s le mobile dans la d finition des collectifs Une attention port e sur l usage du mobile entre amis permet d tendre
82. aire C est l un des ressorts de la rh torique communicationnelle voqu e plus haut la recherche des effets sur l autre est aujourd hui plus importante que la protection des effets de l autre sur nous m me Nos entretiens nous ont ainsi permis de lister quelques figures d interlocuteurs mobiles ce qui indique en soit leur r le central dans ce qui doit d sormais tre consid r comme des usages co construits On retrouve donc dans les r pertoires des diff rents t l phonistes les types suivants 7 Ibid 67 1 les conomes ceux qui ne vont pas rappeler mais biper ou qui vont attendre d tre rentr s chez eux pour utiliser leur t l phone fixe 2 les interchangeables ceux qu on peut appeler la pause de l apr s midi pendant le trajet du matin lors de l embouteillage du soir Ils fonctionnent par groupe sans parfois se conna tre le plombier peut alors se substituer lami intime pour occuper un moment de besoin t l phonique 3 les d bord s ceux ne r pondent jamais ou raccrochent au milieu de la conversation toujours trop press s 4 les raccrochables ceux avec qui il est facile d avoir des changes brefs m me s ils sont tr s importants comme l amie qu on peut appeler en pleurant entre deux r unions 5 les irraccrochables ceux avec qui quelles que soient les pr cautions la conversation va d raper ceux dont on ne peut se d faire 6 les efficaces ceux qui
83. aires sur lesquelles nous reviendrons le mobile n a plus de vocation sp cifique r v ler l impolitesse des gens Pourtant il demeure un objet privil gi lors des prises de parole publiques sur la question de la civilit Les deux articles de magazines f minins cit s pr c demment en t moignent de mani re particuli rement convaincante tous deux consacr s comme leurs titres respectifs l indiquent aux questions du savoir vivre en soci t Les bonnes mani res sont de retour et Osons la courtoisie ils accordent une place centrale au t l phone mobile Ainsi peut on lire dans Marie France La technologie donne du fil retordre aux mordus des bonnes mani res Particuli rement le t l phone portable leur b te noire un casse t te Mode vibreur Couper pas couper Les SMS et leur orthographe abr g e et biscornue les e mails et leur instantan it rendent bien d su tes les r gles de pr s ance et de pr sentation qui continuent de rythmer la vie en soci t A la moindre occasion le mobile se voit donc nouveau accuser d une pluralit de maux touchant la discipline collective Il n est pas anodin par exemple que la RATP dont la communication exploite depuis quelques ann es les th mes du respect et de la lutte contre les incivilit s l poque de notre premi re enqu te en 2005 tait apparue 77 la Bus attitude qui comprenait d j des consignes concernant l u
84. amental de l exemplarit 75 2 2 Le ressort de l exemplarit des jurisprudences par l action A c t de convenances renvoyant directement des r gles de politesse ou de savoir vivre s instaurent en situation des r gles tacites d usage Elles ne peuvent tout faire tre consid r comme des convenances mais correspondent bien la production de seuils acceptables pouvant faire consensus dans certains cadres et sous certaines conditions Bernard un cadre sup rieur de 45 ans raconte par exemple comment en r union le mobile n est pas prohib Lorsqu il vibre ou se rappelle son propri taire par d autres moyens silencieux il n est pas mal vu de sortir discr tement pour prendre son appel Il faut ne faut tout de m me pas exag rer Ce petit jeu peut avoir lieu cinq ou six fois plus ce serait probl matique pour le bon d roulement de la r union Michelle cadre sup rieur 57 ans d crit le m me type de pratiques si les r unions sont collectives mais pr cise lorsqu elles impliquent moins de monde Dans ces cas l je fais clairement attention ce que je fais Je sais que si je r ponds mon mobile j invite l autre faire pareil Il est vrai que toute manipulation du mobile chez une personne tend susciter si ce n est un comportement mim tique du moins ouvrir une br che pour l usage A peine l un coute t il ses messages que l autre en profite pour r
85. annoncent toujours la couleur et qui vont droit au but pour ne pas perdre de temps les prioritaires ceux qui on r pond toujours les r actifs ceux qui r pondent toujours ou qui rappellent tr s vite les discrets ceux qui font en sorte qu on ne sache jamais o ils sont ni ce qu ils font 0 les maladroits faibles utilisateurs ou gaffeurs notoires ils s emm lent ne r pondent pas au bon moment font des mauvaises manipulations risquent d effacer les messages 2 0N Le rapport l autre est d sormais central dans les usages ainsi que nous allons le montrer en d crivant les grandes convenances contemporaines Il semble impossible de reconstituer la grammaire de ces convenances tant les contours restent flous et peuvent tre red finis en situation Cette adaptabilit de l usage aux situations aux destinataires aux conditions mat rielles de l change est l une des caract ristiques qui demeurent celle du mobile Pourtant les termes structurants se stabilisent et certaines r gles semblent pouvoir tre dict es modifiant certaines perceptions du r le du portable dans la soci t et remettant m me en question les fondements de certains mythes mobiles 1 1 Payer l addition t l phonique des convenances autour de largent La premi re s rie de convenances qui peut tre voqu e est une cons quence de l importance de la relation au co t dans la structuration des usages Nous avons indiqu e
86. ants et permettent d couter la radio Avant de s int resser aux logiques m diatiques et aux ressources individuelles qui font privil gier le recours certains outils plut t qu d autres et en particulier l usage du mobile plut t que celui des autres objets techniques dont il peut concurrencer ou redoubler les fonctions il s agit d envisager les op rations par lesquelles chaque sujet dessine son mobile parmi les potentialit s voire r invente des objets mobiles diff rents selon les moments et les lieux de l usage Ce qui frappe observer ce que les gens font et ce qu ils en disent cest un double mouvement le mobile est capable d int grer de plus en plus de fonctionnalit s mais les gens n en utilisent qu un nombre limit par leur usage ils fabriquent au sens de Michel de Certeau chaque fois un objet unique 1 Une dynamique de convergence Le t l phone portable est un objet qui ne cesse de se perfectionner comme toutes les technologies les mutations vont tr s vite Ainsi il est aujourd hui possible de multiplier les activit s partir dun seul t l phone mobile Certains utilisateurs re oivent et envoient des mails depuis leur portable surfent sur Internet regardent des vid os D autres ont la possibilit de le faire mais sont pour diverses raisons encore tr s r ticents ou encore h sitants Pour Benjamin avoir acc s ses mails sur son mobile est une habitude dont il n
87. ara t donc comme le moyen de mat rialiser et d ext rioriser des attitudes jusque l cantonn es dans le for int rieur le moyen de dire tout haut des pens es diffuses le moyen d inscrire un regard dans un album photo de poche le moyen de mat rialiser un tonnement par un appel ou de convertir en texte o un sourire que provoque part soi une sc ne vue 3 Une machine concr tiser Avec le portable je pense faire quelque chose et comme je l ai sous la main je le fais Anna com dienne 35 ans BE PEYRET Le t l phone portable outil antif cheux Passage en revue des usages postiches du mobile Lib ration mardi 25 juillet 2006 116 Cette d claration indique une autre ressource pour l action le sms ou l appel pass sur le coup utilis s comme des mat rialisations instantan es d un projet ou d une id e Il s agit dune action d enregistrement que l on peut dire infra communicationnelle c est dire une forme d action distincte de l acte de communication En effet un moment significatif au moins l inscription se passe de destinataire et le message de transmission effective M me s il aboutit un acte de communication ce moment de l inscription vaut en et pour lui m me c est le moment o une pens e prend une forme inscrite et tangible On peut pour s en convaincre imaginer une s quence type je pense quelque chose et le mobile me permet d
88. as il ne me dit pas je suis dans le sac est ce que tu veux bien me sortir de l je suis dans le noir Elle n a rien d une accro du portable Pour elle cet objet est avant tout utile si je suis en retard ou que je suis coinc e quelque part je trouve a bien pratique Quand je suis en bas de chez mon fils je l appelle en lui disant que j ai des paquets qu il vienne m aider Si t as pas les cl s ou le digicode cest emb tant sans t l phone Mais l oublier ne la perturbe pas pas plus que cela n entrave le bon d roulement de sa journ e Le seul soucis et c est une des raisons pour lesquelles j ai pris le t l phone portable c est tomber en panne de voiture parce que quand tu n as pas de t l phone et que tu es en panne tu es bien emb t Elle r pond tous les appels et ne voit pas l int r t de les filtrer Ceux qui m appellent je les aime bien Avec les SMS c est plus compliqu elle a essay d en envoyer sa s ur mais celle ci ne les regarde pas Elle a essay avec une amie mais cette derni re devient aveugle et ne peut pas les lire Il n y a qu mon fils elle lui envoie des textos d encouragement des m mos pour qu il n oublie rien Je lui envoie une photo pour lui montrer que le jardin est beau Quand il tait Berlin je lui ai envoy un message qui disait ich bin in Berliner Je sais comme a que je ne le r veille pas que je ne le d range
89. avance que lon va retrouver telle ou telle personne des cours de gym la brocante un voyage en m tro Comme il me reste toujours 30 min 1 heure la fin du mois avec mon forfait j en profite pour appeler ma cousine des Pyr n es maintenant c est devenu notre RV la fin de chaque mois on papote avec le temps qu il me reste sur le forfait Jeannine 72 ans Alsace On na m me pas besoin de se le dire mais on sait qu on va s appeler une fois pendant les WE avec mon illimit deux s urs loign es g ographiquement dans une famille marocaine en banlieue parisienne Ces forfaits ont alors force de programme de la m me mani re qu un programme t l peut infl chir les habitudes de vie Anne 32 ans me dit qu elle s arrange tous les soirs pour que l heure de son d ner co ncide avec l heure de sa s rie pr f r e sur France 3 comme Marie 40 ans fait en sorte de d ner plus tard car 21 heures est l heure de l illimit o elle appelle son amoureux souvent en d placement sur son mobile 1 2 Le mobile familial La famille est surtout le cercle relationnel privil gi pour la mise en place d une pratique aujourd hui tr s r pandue l optimisation collective des communications t l phoniques La r gulation de sa consommation ne passe plus aujourd hui seulement par la restriction mais aussi par une gestion strat gique des avantages de chaque membre du r seau social en famille c
90. bile familial C est le mobile professionnel du p re ou un mobile avec un type de forfait choisi pour donner lieu un usage abondant et familial qui se trouve lu mobile collectif Il a alors sa place consacr e dans l appartement ou la maison pour que chacun puisse l utiliser 1 3 Le mobile outil de co gestion Le mobile se pr sente finalement en famille comme un outil de co gestion entre les parents et les enfants Il se pr sente en effet tout d abord comme un objet de transaction les d penses li es au mobile sont la premi re chose dont on parle Dans chaque famille interrog e on recueille le r cit d un d passement spectaculaire qui est le fait d un ou des enfants ou bien celui d un des deux parents Au d but a pouvait tre des d passement de 200 250 euros tu te souviens quand tout ton argent de No l y est pass et que tu as d emprunter Mami dit Isabelle en s adressant son fils Kevin 19 ans L argent c est pas son truc Ces r cits sont souvent catastrophistes et exag r s l autre parent ou l enfant lui m me intervient pour r tablir la v rit mais empreints d une grande complaisance on rit des exploits du petit dernier on raconte les b tises de sa femme dans les premiers mois de son abonnement comme des souvenirs appartenant la mythologie familiale Cette co gestion est v cue par les parents comme l occasion d un apprentissage la gestio
91. bile et la cr ativit qu elle suppose de la part des utilisateurs invite r interroger ce qui se joue entre les sujets et cet objet qui parfois tient lieu de proth se prolongeant le corps de son possesseur mais parfois lui r siste lui chappe le trahit contribuant produire ce qui ressemble de v ritables relations de pouvoir que les moments d apprentissage ou de dysfonctionnement rendent particuli rement visibles partie 3 Ce que l objet fait au sujet ambivalence de la ma trise Il s agira finalement d envisager ce qu il en est aujourd hui de cette hypersonnalisation de l objet que nous avions mise en vidence en 2005 partir de pratiques dissonantes qui invitent le consid rer non plus seulement comme un objet singulier et surtout intime mais bien comme un objet d exposition au sens quasi mus al du terme partie 4 Objet personnel objet d exposition le mobile comme mus e I Un seul objet la fois effets de usage contre la d multiplication des potentialit s techniques Le mobile est un dispositif technique qui concilie de fa on miniaturis e des fonctionnalit s renvoyant jusqu lui et aujourd hui encore des objets distincts horloge agenda r pertoire messagerie lectronique bloc note GPS appareil photographique cam ra cran de t l vision balladeur et m me r cemment poste ou transistor puisque les nouveaux mobiles sont quip s de haut parleurs parfois tr s perform
92. bile et sur ce qui dans les discours permet de saisir ses imaginaires Associant observations directes dans des situations que nous avons voulues contrast es et significatives la r alisation d entretiens semi directifs approfondis nous proposons un regard anthropologique sur les usages contemporains du mobile Regard qui ne fait pas l conomie d une prise en compte de la mat rialit de l objet lui m me et des productions audiovisuelles auquel il donne lieu Pendant six mois nous avons donc r alis une centaine d entretiens aupr s de jeunes leur domicile dans leur tablissement scolaire dans les caf s dans des squares selon leurs habitudes de s niors chez eux ou au restaurant de familles leur domicile le plus souvent et de personnes hommes et femmes de tous milieux entre 30 et 50 ans leur domicile dans des caf s dans des trains Nous avons tenu diversifier les localisations g ographiques et avons pour cela tendu notre enqu te tout le territoire nous nous sommes rendus Paris et dans sa banlieue tout d abord mais galement dans de nombreuses villes de province et leur agglom ration Aix en Provence Lyon Marseille Quimper Rouen Strasbourg pour les zones urbaines dans le Beaujolais en Creuse et dans des lieux de vacances comme la station de ski de Serre Chevalier pour les zones rurales Lorsque c tait pertinent nous avons privil gi les situations d observat
93. bruit reconfirmation inutiles commentaires redondants redites Commenter ce qu on s est crit ou les messages oraux qu on s est laiss est une activit en soi conditionn e par une logique d emballement souvent rep r e dans les usages du portable et pour laquelle la rationalit a peu de valeur explicative La compl mentarit se joue aussi dans des pratiques de superposition qui t moignent d un go t certain pour le multi appareillage d une pr dilection pour la poly activit et ou d un attachement fort certains objets quand par exemple l coute de musique sur lIpod est associ e la pratique d un jeu sur portable ou quand on est sur MSN outil par excellence du moindre investissement et de l activit parall le comme le disent Marie ou Adeline Je lui parlais et en m me temps j tais sur le site de la Redoute En gros je suis un peu connect e MSN le soir Je le mets c t quand je regarde la t l j aime bien quand je fais autre chose La logique de compl mentarit est galement l uvre dans les mani res de communiquer en g n ral et non seulement dans les usages des outils entre eux Si la communication mobile peut refl ter des pratiques de communication plus g n rales elle peut galement s inscrire en porte faux par rapport aux modes de communication ordinaires d un individu L exemple de St phane est tout fait significatif soumis beauc
94. c est dur de s en servir 34 Le dialogue avec l objet tr s courant est l une des modalit s de cette n gociation Quand je lui demande de faire a il ne veut pas nous explique par exemple Dorian 35 ans Une multitude de tentatives appara t qui sont autant d exp rimentations pour tenter de rem dier au probl me dans le processus de n gociation engag avec l objet nous tentons d appuyer ici plut t que l gauche plut t qu au centre de la touche entre les touches si cela marche mieux et cela peut prendre un tour tr s affectif nervement irritation d testation Explique moi ce que tu fais quand tu appelles Je le prends je vais la lettre qui correspond G n ralement c est l que les probl mes commencent parce que je tape par exemple Julien donc je tape J U pour passer au del des Jean Pierre Jean Luc etc JU il y a toi en premier erreur du portable C est absurde Je suis oblig de recommencer z ro et l je le d teste Mes gestes depuis que j ai ce nouveau t l phone sont tr s d termin s par les erreurs que je fais enfin par les erreurs qu il fait C est dire que je suis oblig de j ai toujours l impression que si j y vais droit comme a il presse la touche en pla ant son doigt perpendiculairement l appareil j appuie sur deux touches la fois alors qu en fait a marche mieux L j appuie
95. celui de ma m re on se le partage Moi je me suis fait vol le mien il y a deux mois alors pour l instant j ai reppris celui de mon copain Ferdinand c est toujours mieux que rien Vols casse perte changes le portable chez les jeunes appara t souvent comme un objet pr caire vou circuler Les circuits peuvent devenir compliqu s comme l indique le t moignage de Paul 15 ans Ah celui l c est celui d Ibrahim C est sa m re qui lui avait fil quand elle a pu changer mais comme entre temps on lui en a donn un autre il l a pass Ferdinand qui me l a donn t l phone est ouvert D autre part elle donne le nom du d funt c est un enregistrement comme n importe quelle autre pierre tombale Paris Albin Michel 2005 47 Ce qui importe en r alit c est bien moins l objet pr cis que d avoir un mobile qui fonctionne Toutefois m me quand les mobiles font l objet d une attention particuli re ils conservent leur caract re ph m re Le consum risme autour des mobiles contribue paradoxalement d sacraliser l objet Nombreux sont en effet ceux jeunes ou moins jeunes pour le coup aimer en changer souvent C est par exemple le cas de Boyan 20 ans vendeur qui poss de trois mobiles diff rents et qui pour cela jongle avec trois op rateurs Comme a je peux assortir mon mobile mes tenues ou en fonction des lieux ou je vais bon a d pen
96. ces ressemblances dans l usage mais aussi les subtils d placements qui s op rent aussit t que deux outils semblent faire la m me chose Ces red ploiements de territoire dont ne nous donnerons que quelques exemples ici vont parfois contre les id es re ues sur ce quoi sert un portable 15 MSN sur mobile peut par exemple jouer le m me r le que les changes par portable appels ou sms dans le cas des changes dits de coordination c est dire visant organiser le quotidien des rencontres Cela est visible au point que certaines pratiques attribu es au portable sont r appropri es par MSN on bipe un interlocuteur avec son mobile comme on wizze sur MSN dans le cas d changes de pur contact o le contenu importe moins que le simple fait d tre connect avec l autre depuis MSN le mobile n a plus l apanage du mode de communication connect o il s agit avant tout d tre en lien comme l explique Julie 18 ans Quand j arrive chez moi je laisse tomber le mobile parce qu on se parle sur MSN toute la soir e avec mes potes L email donne lieu comme le sms des pratiques qui sont v cues sciemment comme des sollicitations discr tes Comme le dit Marie Th r se 75 ans l avantage des sms c est qu on ne d range pas l autre tout en le joignant avec le mail c est pareil Le mobile rebours de la valeur qu on lui
97. cette formule c l bre de Jean Luc Godard non pas une image juste mais juste une image Les photographies et les films mobiles se situent de ce point de vue dans la lign e d images plus picturales ou plus abstraites et non plus du c t des mauvaises photographies C est sans doute la seule ligne qui d partage v ritablement les amateurs d image des artistes proprement dits et en particulier ceux qui se produisent dans le cadre des festivals ou rencontres autour du film mobile cette capacit interroger le dispositif en tant que tel et ne pas d plorer ce qui lui manque en le comparant avec les machines de prise de vue existantes Plusieurs coles d art ont introduit dans leurs programmes des projets filmiques r aliser au mobile C est par exemple le cas aux Beaux Arts de Grenoble L Ecal Ecole Cantonale d art de Lausanne dont le d partement de cin ma est en partenariat avec la c l bre F mis fran aise ou encore de l Ecole du Fresnoy Alain Fleischer son directeur est lui m me l auteur de plusieurs pockets films diffus s en grand cran lors du festival du Forum des images Lors de la seconde dition il expliquait son choix de faire travailler les tudiants partir du mobile comme une mani re de r fl chir l adaptation d un outil un sujet Nous constatons finalement que malgr leur diversit ces pratiques s inscrivent dans une continuit et qu elles dessinent un espace d usag
98. changes se caract risent selon les termes de Florence Weber par un fonctionnement de spirale d change auto entretenue routinis e propre une logique de maisonn e o le don et le contre don sont indistincts contrairement une logique de parent le qui serait fond e sur la r ciprocit inter personnelle Chez les enfants qu ils soient adolescents ou plus g s les changes t l phoniques familiaux font l objet dune comptabilit affective qui est une pratique totalement assum e et qui distingue les changes familiaux des changes avec les copains La pratique qui consiste valuer ses relations en fonction de leur co t est pr sent e 21 F Weber L conomie domestique entretiens avec Julien T n dos Aux lieux d tre Paris 2006 53 comme une sorte d vidence Les interview s op rent avec une grande facilit une traduction comptable de leurs relations affectives Au d but du forfait j appelle ma grand m re avec mon portable mais pas la fin tudiante 25 ans Je vais pas g cher un sms pour ma m re lyc enne 18 ans Je r ponds jamais ma s ur quand elle m appelle parce que je pr f re ne pas g cher et avoir plus pour mes copines tudiant 20 ans En outre les types de relations contractuelles avec l op rateur forfaits avec ou non formules illimit es et pr pay s constituent un cadre particuli rement constit
99. coup trop de menus et de sous menus pour le son par exemple on le r gle de trop de mani res diff rentes et partir de trop de sous menus diff rents on ne s y retrouve pas Seule petite surprise de prime abord sa longueur plus importante que le commun des mobiles ma sa finesse compense largement et puis il ne faut rien exag rer ce n est pas non plus un appareil sovi tique Au final un bel objet que ce soit au niveau du design ou de la technologie tr s bon appareil mais le seul probl me les traces de doigt se voit sur la coque de l appareil sic 38 l est plus troit tout aussi fin l effet miroir est tomber et c est tellement bon de le tenir Mais que celui qui le tient une seconde dans ses mains ne craquent pas sic Ce nouveau Moto est un tr s bel objet mais attention aux traces de doigts le jeu au niveau du clavier il est pr sent dans tous les modeles mais qu est ce que a m nerve lol c est pa grand chose mais a 400 euro le telephone c agacan sic Le seul b mol la coque en inox qui ce raye tr s vite et garde les traces de doigts sic Il ne faudrait pas d duire de ces exemples que les sujets pousent les conceptions du design fond es sur une vacuation des probl mes des contrari t s de la r sistance En r alit si les sujets jouent aussi volontiers le jeu de l expertise mat rielle d un objet qu ils arriment leur propre corps c est
100. d hui au c ur de petits rituels amicaux Conclusion pour en finir avec le mythe d une atomisation de la soci t Les terrains exploit s ici permettent de montrer que bien loin d accentuer un individualisme chronique ou une atomisation de la soci t le mobile fait de plus en plus l objet d usages partag s notamment par le biais de l optimisation des forfaits et des pr pay s Cette organisation collective de la t l phonie mobile fait des utilisateurs aujourd hui de petits op rateurs L conomie g n rale au c ur du syst me ne doit toutefois pas laisser penser qu il ne s agit que de strat gies rationnelles d optimisation En r alit de nombreuses zones de flou perdurent Ce ne sont pas les rationalisations conomiques qui nous int ressent mais le fait qu elles conduisent des formes de partage Ces pratiques collaboratives ne se r duisent pas aux seuls cercles familiaux ou adolescents ainsi que l indiquent quelques exemples pris dans d autres univers Ils r v lent de mani re particuli rement significative de nouvelles logiques d usage conduisant en 2007 d caler notre approche de l influence du mobile sur le vivre ensemble contemporain Il Vivre ensemble la fin des incivilit s mobiles En 2005 le mobile suscitait une multitude de discours sur ses effets incivils Il semblait cristalliser des attentes et des attentions concernant les modalit s du vivre ensemble contemporai
101. d un d linquant Antoine quant lui nous raconte mi amus mi g n le coup du prof de physique Il faut dire qu il arrive toujours bourr la vodka Il ne tient pas sa classe il n a pas de charisme Moi avec mon mobile je peux enregistrer des sons et apr s les diffuser tr s fort J ai enregistr la sonnerie du coll ge Et bien depuis on finit toujours le cours de physique 10 min plus t t je fais sonner et alors tout le monde range ses affaires et quitte la salle C est trop dr le Les sonneries donnent lieu pas mal d usages cr atifs et sont souvent difficilement rep rables par les professeurs qui ont du mal localiser pr cis ment les l ves En outre comme ils s changent leur mobile il arrive souvent que le propri taire ne soit pas celui qui se fait pincer ce qui pose des probl mes lors des confiscations Notre enqu te a permis de mettre jour un autre mode de perturbation possible des situations scolaires touchant la fois sur les l ves et le personnel enseignant et qui concerne la production et la diffusion des images Nombres d histoire de portable pass sous les jupes des filles ou des professeurs nous ont t rapport es c te de 82 mises en sc nes plus ou moins dr les ou humiliantes comme celle que rapportent Sandra 14 ans Avec mon amie Julie nous avons deux fr res Ils sont copains et nous font tout le temps des mauvais coups Un jour ils ont p
102. d faillances fr quemment voqu es font appara tre une dimension essentielle du rapport sujet objet la relation n est pas v cue comme unilat rale Non pas bien entendu qu il y ait une r elle volont de la part de l objet de faire quelque chose au sujet mais que le sujet se situe dans une relation telle avec l objet qu il se trouve emp ch ou entrav par lui a lui fait quelque chose de ne pas y arriver La mani re dont les gens racontent ces situations o ils n y arrivent pas est caract ristique Dans les r cits ils donnent l objet un r le actif le personnalisent C est souvent l objet qu on incrimine lorsqu on n arrive pas ou plus effectuer la manipulation souhait e Quand je lui demande d ouvrir quelque chose d appuyer sur un bouton Chaque fois que j appuie sur un bouton il le per oit mal Il le per oit deux fois ou pas du tout Sur l autre a allait mais celui l ne prend pas les trucs il a une mauvaise sensibilit le clavier C est le clavier je d teste le clavier il est vraiment contre moi il y a un truc Je perds un temps fou donc j cris de moins en moins de sms Cette personnalisation peut galement s exprimer par des termes admiratifs comme chez Nicolas qui voque pr cis ment la r sistance physique son premier mobile Nokia Ah celui l c tait du solide II ma tout fait le saut du cinqui me tage le plongeon dans la piscine et m me une fois j
103. d j elle tait nerv e parce qu elle n entendait pas et en plus elle tait assez stricte sur les portables Et elle disait si je rentends a je vous punirai Mais elle ne pouvait rien entendre Alors on jouait avec a Et d s qu elle voyait que la classe tait morte de rire c est ce moment l qu elle commen ait s nerver mais elle ne pouvait pas savoir de qui le son venait En dehors des heures de cours le portable est indispensable en particulier pendant les pauses le lyc e est assez grand pour retrouver des copines je suis oblig e de les appeler sinon je ne sais pas o elles sont Du reste la lyc enne a tous les num ros des personnes de sa classe dans son r pertoire Quand on prend le portable de quelqu un d autre on regarde ses contacts et ceux qu on n a pas eh bien on les prend Elle a r cup r la moiti de son r pertoire comme a ce qui fait que les num ros circulent dans tout le lyc e Quand on voit que quelqu un a le num ro on le prend direct Ensuite quand je sais qu ils ont pas mon num ro avant de les appeler j envoie un texto en disant que c est moi Cela ne lui pose pas de probl me de piquer ainsi dans les r pertoires ou de fouiller dans le portable des autres car si la personne est d accord pour me pr ter son portable c est qu la limite elle est d accord pour que je fouille un peu partout Les messages je ne vais pas les consulter mais
104. d aussi du cr dit qui reste sur chacun d entre eux Nous pouvons aussi citer Sylvain 20 ans Pour moi le portable c est comme un accessoire je pense qu il faut en changer souvent D ailleurs je me d brouille pour en avoir un pour l hiver noir de pr f rence et un pour l t plus gai gris par exemple Je les revends j ai un plan dans un magasin La recherche du meilleur ou au dernier mobile peut donner lieu de v ritables comp titions comme dans l entourage de Laura 14 ans Jai une copine enfin une connaissance qui tait d go t e Elle tait jalouse de mon portable parce qu il tait tout neuf et super beau Elle en a voulu un mieux mais elle s est tromp e Moi a m a fait rire elle avait sans faire expr s achet le mod le en dessous du mien Laura sera par ailleurs vex e que sa m re d cide de s offrir le m me mod le qu elle lui faisant ainsi perdre son exclusivit Elle trouve en revanche logique que son fr re ait un meilleur portable qu elle puisqu il est plus grand et que lui a commenc plus tard On retrouve finalement autour du mobile les m mes ph nom nes que ceux de la mode vestimentaire entre imitation et distinction Ceux pour qui cette logique d apparence fonctionne ce n est videmment pas le cas de tous les jeunes certains mettent au contraire un point d honneur n avoir que des mobiles pourris sont pris entre un d sir d avoir le
105. des copines y vont Elles d couvrent qui sort avec qui C est pour cela que Marine ne pr te le sien que lorsqu elle est c t de mani re contr ler si emprunteur fait preuve d indiscr tion Parce qu il y a des choses qu elle ne veut pas montrer tout le monde Lorsqu elle est avec sa meilleure amie elles radotent beaucoup au sujet des gar ons elles se redisent par texto ce qu elles se sont dit dans la journ e Ce radotage elle n aimeraient pas que les gar ons dont elles parlent tombent dessus Elle conserve aussi certaines photos g n ralement des personnes qu elle appr cie ou des clich s qu elle a bien aim s C est comme des souvenirs m me si des fois elles ne sont pas bien prises qu elles sont floues ou en contre jour je ne pourrais pas les supprimer C est affectif Quand elle changera de portable elle se d brouillera pour les sauvegarder en les envoyant une copine qui les mettra sur son PC Il est vrai que les filles tout particuli rement selon elle affectionnent les photos Elles en prennent tout bout de champs Un exemple de photos Jeudi on a fait des knackis 135 au micro onde on n a pas regard le temps et elles ont explos es et la copine chez qui j tais elle l a pris en photo C est un r flexe Il se passe un truc et paf une photo Elle me l a ressortie aujourd hui on tait mortes de rire 136 AU cas o je saurais
106. dign s et qui ne l acceptent pas Rosario Caltabiano www anti slapping net 86 Partie III Actions mobiles et exp riences contemporaines l intervention du mobile dans l esth tique de la vie quotidienne Nous l avons indiqu plusieurs reprises de mani re discr te le mobile ne peut pas tre seulement envisag du point de vue des pratiques de communication qu il rend possible qu il organise voire qu il permet de red finir Une large part de ses usages chappe ce repli de l tendue de son domaine d intervention au seul champ des changes qu ils soient interpersonnels ou d embl e plus collectifs Il s agira d sormais de prendre au s rieux la place du mobile dans les exp riences contemporaines envisag es sous un angle plus esth tique Nous prenons ici le terme esth tique dans un sens plein renvoyant la fois son tymologie esthesis signifie en grec ancien sensations et au jeu des formes dans lequel le mobile intervient selon une multiplicit de modalit s qui permettent de mettre en vidence certains ressorts fondamentaux de l usage mobile esquiss s en creux dans nos analyses Nous montrerons donc comment le mobile participe d une r organisation des apparences et de la gestualit contemporaine en inventant et reconfigurant des modes de perception de soi et des autres avant de nous pencher plus particuli rement sur les nouveaux usages plastiques du mobile et en partic
107. dire dans des termes anthropologiques 1 Le t l phone mobile aujourd hui usages repr sentations comportements sociaux rapport final CELSA AFOM 2005 Plusieurs pistes seront d velopp es ici dans le prolongement de celles de 2004 La d multiplication des fonctionnalit s tend produire plusieurs ph nom nes auquel cette premi re partie sera consacr e il s agit tout d abord d une catalyse de l inventivit des usagers contraints de plus en plus nettement r inventer l objet au fur et mesure de la mobilisation des objets qui le constituent partie 1 Un seul objet la fois effets de l usage contre la d multiplication des potentialit s techniques Le mobile trouve toujours sa place de fait dans des panoplies d objets quotidiens et en particulier dans des panoplies d objets m diatiques ou communicants La communication interpersonnelle caract ristique de la communication t l phonique n est plus l unique entr e possible Sans tre devenue minoritaire elle doit tre replac e dans un contexte d largissement des outils que propose le mobile de mani re concurrentielle non seulement avec le t l phone fixe mais aussi avec internet en particulier MSN les appareils photo num riques les balladeurs MP3 et parmi eux le c l bre pod de Apple ou encore la t l vision partie 2 Hybridit de l objet et agencement des fonctionnalit s mobiles Cette complexification croissante du mo
108. ductrices de contenu et de celles qui les diffusent Arnaud Lagard re par exemple annon ait il y a quelques mois qu il souhaitait rapprocher les activit s d dition de magazines audiovisuelles et num riques de son groupe pour relever les d fis du num rique et de la convergence des m dias par la mise en uvre d une strat gie de compl mentarit Dans les r cits des utilisateurs aussi technophiles soient ils le terme convergence est totalement absent Si au sein des discours professionnels cette notion de convergence est pertinente pour d signer une r alit technique elle ne rend pas compte des usages r els Il appara t en effet que les outils de communication et multi m dias s ils sont interchangeables dans certaines situations sont tr s loin d tre quivalents pour les utilisateurs qui n ont quasiment jamais un sentiment de double emploi quel que soit le nombre d outils dont ils disposent et tr s rarement le sentiment qu un outil en remplace un autre Les parents de Marie Ange et ceux de Jean Eude l ves de CE1 dans le 7 arrondissement Paris ont beau avoir chacun dans leur poche un mobile dot d un appareil photographique tr s performant c est avec leur appareil photo num rique qu ils vont photographier le spectacle de No l l cole Prendre avec soi ce jour l cet appareil est une fa on de se pr parer l v nement et de lui donner de l importance par contraste
109. e configuration ou de fonctions utiliser le journal d appels le r pertoire les jeux les applications le navigateur les messages le calendrier l appareil photo les r glages sont bien des proc dures qu il s agit de ma triser Mais penser le t l phone portable uniquement travers son interface c est entretenir l illusion d une technique disponible imm diatement sans l intervention d une quelconque mati re Ce serait reprendre notre compte en tant que chercheur 40 l id ologie de la transparence comme si les techniques se suffisaient elles m mes comme si elles ne donnaient pas lieu manipulation comme si les objets n avaient aucune paisseur Or c est pr cis ment dans l articulation entre une manipulation et la compr hension d un syst me auquel donne acc s de mani re plus ou moins logique ou vident l interface que se joue l usage technique du t l phone mobile Mich le 58 ans vit Mareil Sur Mauldre un village de banlieue parisienne 78 Cela fait une dizaine d ann es qu elle utilise un t l phone portable Elle ne se trouve pas tr s habile avec le t l phone m me si elle avoue avoir fait des progr s depuis qu elle s est mise l informatique Pour elle les deux activit s sont similaires et le fait de s tre confront e au mode de fonctionnement de l ordinateur lui facilite celui du t l phone
110. e communicationnelle qui organise de mani re primordiale la r partition des contacts Dans la perspective d une analyse des arbitrages entre outils et donc entre objets l autre appara t d abord dans l anticipation n cessaire l arbitrage sous la forme de son propre quipement technique Par exemple les utilisateurs de MSN constituent des communaut s pour utiliser ce moyen de communication de mani re performante il faut que les interlocuteurs potentiels soient eux m mes connect s David infirmier utilisateur r gulier de t l phone portable explique privil gier MSN le soir avec ses coll gues Le soir en rentrant du boulot je me connecte directement sur MSN car je sais que mes coll gues le font donc on se retrouve pour discuter ou pour organiser une sortie ventuelle Lorette tudiante pr cise Le week end je passe par MSN pour organiser les sorties car mes amis sont connect s En semaine ils n ont pas tous Internet donc j utilise davantage mon portable Les autres outils n cessitent eux aussi une prise en compte accrue des habitudes de ses contacts ainsi Clarisse privil gie d embl e le SMS avec un ami qui n entend pas sonner son t l phone portable Je lui envoie des SMS car quand je l appelle il ne r pond pas il n entend pas car son truc est sur vibreur Morgane qui a un forfait illimit apr s 20h prend soin d envoyer un SMS 22h30 une amie qui est susceptible de
111. e R vous faites 7 et pour faire deux R vous faites deux fois 7 pour le M vous appuyez sur le 6 etc et comme a vous choisissez toutes les lettres des mots que vous voulez crire et ensuite vous choisissez qui vous voulez l envoyer et puis vous faites envoyer dit il tout en manipulant d une main et avec une particuli re dext rit le portable comme s il s agissait de faire la preuve de la facilit par l exemple et en ne se privant pas de faire une d monstration de sa prouesse voyez comme je suis habile Donc r capitule la dame g e pour le A c est 2 le R c est 6 Non le R c est 7 je vous ai dit Ah Et le J c est combien alors C est 5 Donc A 2 J 5 et le R d j Oh la l j y arriverai pas Je crois que je vais rester avec la voix c est quand m me plus pratique Martin acquiesce press et prend cong sans chercher comprendre l objet du malentendu 42 La performativit du geste semble dissoci e de ce qui se passe sur l cran qui mobilise un savoir interm diatique particulier une comp tence de l ordre de la reconnaissance des m mes principes de fonctionnement c est dire une pratique des objets par rapport auxquels fonctionne formellement et techniquement un mobile La navigation des t l phones mobiles ressemble celle qui g re une partie des interfaces informatiques notamment en ce qui concerne l activation des liens et la hi rarchisation en menus d roulants
112. e du d veloppement des pratiques amateurs prolongeant la photographie et le film de famille que des pr misses d une esth tique artistique qui inscrit le mobile dans le champ des arts visuels Nous situerons ici notre approche du point de vue de ce que produit le mobile S il devient un appareil d coute privil gi e de la musique sous certaines conditions que nous avons d j eu l occasion d voquer et s il offre des perspectives de formatage de la cr ation musicale il est encore relativement peu utilis comme outil de production dans les pratiques de cr ation sonore Nous nous attacherons donc de mani re privil gi e l image dans ces agencements multim dias qui invitent plus de cinquante ans apr s la recherche collective dirig e par Bourdieu sur la photographie comme art moyen interroger les usages dans leur h t rog n it Cette attention particuli re accord e la dimension visuelle des pratiques mobiles se fait en miroir de l importance de cet aspect dans un dispositif t l phonique a priori d abord associ des questions sonores Roland Barthes soulignait d j en 1980 Ce qui caract rise les soci t s dite avanc es c est que ces soci t s consomment aujourd hui des images et non plus des croyances La jouissance par l image voil la grande mutation La photographie et par extension le film ont la part belle dans cette pr dominance du r gime visuel et ce d autant plus qu il
113. e en leur absence Toutes les personnes rencontr es dans le cadre des interviews devaient d ailleurs aller chercher leur mobile dans leur voiture pour le montrer enqu teur ainsi David nous a t il dit en rentrant avec son mobile la main de toute fa on il ne capte pas ici alors pas de souci il ne peut rien arriver Le design de miniaturisation tend souvent accentuer une forme d angoisse chez son utilisateur qui doit s assurer de sa pr sence concr te alors qu il confine la disparition Sur les pages d un site marchand qui permet des acheteurs de donner leurs impressions sur les portables vendus on trouve par exemple ces deux remarques propos du m me appareil Ce t l phone est si fin que lorsque je le glisse dans ma poche je t te toujours pour v rifier qu il y est bien Impressionnant dans la poche il dispara t Les actes v rificatoires r affirment finalement implicitement le statut objectal du mobile qui s inscrit pourtant dans le prolongement du corps par toute sortes de moyens c est une autre mani re d chapper cette r duction immat rielle Nous ne v rifions pas si nos mains ou nos oreilles sont bien en place l inscription du mobile dans la prolongation du corps mode ultime d incorporation qu il faut interroger trouve ainsi des formes de contradiction sans cesse r activ es Il s agit d sormais de mieux comprendre les caract ristiques mat rielles du mobile auxquelle
114. e mal aux pieds il faut s y faire Incorpor e elle se fera oublier mais pourra la moindre occasion se rappeler son propri taire et lui faire prouver ainsi les limites de son propre corps Apr s avoir ainsi renvers notre mani re d envisager l objet par rapport l tude pr c dente en se demandant non plus comment l objet tait produit par les sujets mais bien ce qu il faisait aux sujets dans un rapport de n gociation quotidienne qu il serait absurde de vouloir faire dispara tre revenons un peu sur une des dimensions sp cifiques de l objet mobile par rapport son propri taire sa personnalisation C est l un des grands projets du design qui heureusement choue pour le bonheur des utilisateurs plus attach s qu on ne le croit leurs difficult s 44 IV Le mobile est il toujours aussi personnel En 2005 l une des caract ristiques fortes du t l phone mobile semblait tre sa dimension personnelle Nous avions scrut les op rations par lesquelles cet objet tait transform par les individus pour devenir un v ritable objet intime qui nous l avons rappel gravite comme peu d autres dans la sph re corporelle de son propri taire D objet de s rie produit industriellement le mobile devenait progressivement une chose unique singuli re et singularisante un objet qui ne se pr te pas facilement et dont il est difficile de se d barrasser La difficile mise au rebut participait de ces rit
115. e maternelle Les sujets s inventent ainsi des occasions de photographier soumis des imp ratifs pratiques 1 4 Ceux que le mobile conduit la photographie et au film esth tiques Nos observations nous ont permis de remarquer que dans certains cas la possession d un mobile conduisait les gens vers des pratiques plus artistiques et ce parfois sans qu ils ne se le formulent explicitement C est par exemple le cas d Emmanuel un musicien de 28 ans Il na jamais vraiment os faire de la photographie avant son champ artistique tant plut t celui du son Heureux d avoir par le biais de son t l phone une petite cam ra et un petit appareil photo dans les mains il s est mis apr s une courte p riode d essais techniques r aliser les portraits des musiciens qui l entourent en soignant tout particuli rement ses cadrages et la lumi re Il s est mis r fl chir sur les mani res de poser sur la composition interne des images sur les rythmes de surface Nous l avons m me surpris une fois allong au sol dans l escalier de son immeuble il essayait de saisir par la photographie le jeu d ombre et de lumi re qui se donnait voir brusquement cet endroit Le r sultat tait plut t convaincant Le parcours d Emmanuel vers la photographie comprend des tapes en quelques sortes classiques de usage de d couverte il est pass une exploration syst matique puis au d sir d une photographie qui s efface de
116. e mesurer les volutions depuis nos premi res observations et analyses une poque o les pratiques semblaient toujours singuli res et individuelles et essentiellement r gies par une qu te d adaptation et de ma trise mais galement de d caler notre regard et de faire appara tre des l ments qui n avaient pas retenu notre attention comme la question structurante du co t Si les usages d sormais classiques du mobile sont plus stables qu ils ne l taient en 2005 ils cohabitent avec des usages nouveaux li s aux innovations techniques et leur appropriation par les utilisateurs ou v ritablement cr s dans la pratique Il nous a paru int ressant de nous pencher nouveau sur le mobile en tant qu objet dans un contexte de d multiplication de ses fonctionnalit s et des promesses qui les accompagnent Sa polyvalence soulign e en 2005 est bien videmment toujours d actualit Elle s est m me accrue au point que l expression un portable a sert t l phoner trouve d sormais sa place parmi les boutades contemporaines Ce qui nous a frapp c est que le mobile n a pas clat sous l effet des greffes successives de nouvelles fonctions mais continue de faire sens comme un t l phone alors m me que les gens l utilisent de mani re plurielle Cela va m me plus loin le portable n est plus tout fait con u ni v cu comme un couteau suisse ou un agr gat de fonctions juxtapos
117. e passe quelque chose ou alors qu on me le demande Mais souvent dans ces cas l je passe mon t l phone Le mobile permet de fixer des moments jug s dignes d tre photographi s Il s agit le plus souvent de moments festifs ou de rassemblement qui ont un caract re exceptionnel m me si dans le cas des soir es entre copains il faut reconna tre que ces exceptions sont fr quentes Charlie 17 ans nous explique par exemple Moi je fais des photos avec mon portable que pour les potes quand on fait des soir es c est oblig il y aura des photos C est pour des choses exceptionnelles Enfin c est presque tous les week ends finalement Charlie fait partie de ceux qui s parent nettement la photographie l ancienne qu il pr tend pratiquer avec l appareil argentique de son p re de la photographie mobile r serv e au marquage d v nements li s la sociabilit amicale Cette dichotomie est fr quente dans les discours elle correspond au maintien d une pratique marginale de la photographie mobile mais g n ralement plut t r guli re dans l organisation de la vie quotidienne La photographie suit le rythme des petits v nements communs 1 3 Un usage fonctionnel Les mobiles d aujourd hui permettent un plus grand nombre de gens d avoir acc s personnellement la photographie et au filmage Certains sont tr s heureux de pouvoir enfin disposer de ces outils comme Julien
118. e photographique et filmique un peu d cal par rapport aux autres pratiques amateurs qu elles prolongent et r inventent au fur et mesure des usages Quoi qu il en soit il ne s agit nullement de remplacer l appareil photo ou la cam ra 2 Les images mobiles des images pr caires Ins parables de leurs conditions de production et de diffusion les images mobiles sont videmment marqu es par certaines caract ristiques techniques en cours d volution et qui en font des images particuli rement pr caires Cette expression emprunt e Jean Marie Schaeffer qui titre ainsi son essai sur la photographie rend compte de la particularit de ces images qui sont d abord des formes photographiques et qui entretiennent de ce fait un lien particulier avec le r el ou le sujet de la photographie Mais pr caires les images mobiles le sont d autant plus qu elles sont plac es sous laune d une certaine fragilit t consacr es aux grands films hollywoodiens Roger Odin tait par exemple pr sent lors de la deuxi me dition de Pocket Film organis s par le Forum des Images Beaubourg J M SCHAEFFER L image pr caire Du dispositif photographique Paris Seuil 1989 98 2 1 Des images de moindre valeur Les gens consid rent les images faites sur mobile comme des images de moindre valeur ce qui n exclut videmment pas qu ils tiennent certaines d entre elles Il faut dire que ce ne so
119. e place plus importante cette fois ci aux nombreux ratages aux difficult s d apprentissage et aux r actions que le mobile suscite chez son utilisateur Nous avons essay d analyser non plus seulement ce que nous faisions subir cet objet mais plut t ce que lui nous faisait II se d gage de nos observations une n cessit de tordre le coup certaines id es re ues concernant les savoirs et l expertise technique il n y a tout d abord pas les experts tr s l aise d un c t et les incapables de l autre mais bien une continuit de pratiques pouvant conduire des formes de ma trise conditionnelle Si les pratiques des jeunes en particulier semblent plus fluides aux adultes c est moins parce que la technique serait vidente voire transparente pour eux c est en r alit loin d tre le cas que parce qu ils ont tendance entretenir des relations d dramatis es avec elle Le mobile est au fond un objet qui plus encore que d autres objets techniques peut se montrer indocile il impose parfois des usages v cus implicitement comme des n gociations Fondamentalement m tamorphique il se transforme tour tour en quasi partenaire avec lequel l utilisateur dialogue ou contre lequel il s emporte ou en proth se s inscrivant de mani re si naturelle dans la continuit du corps qu on l essuie sur son pantalon comme on y essuie ses mains Il retrouve toutefois sa qualit d objet ext rieur
120. e pourrait plus se passer C est vraiment pratique car comme je ne suis pas souvent chez moi et que je bouge beaucoup je peux prendre connaissance de mes mails en toutes circonstances et donc ne pas rater les plus urgents Quant la possibilit de regarder des vid os c est pour certains un bon moyen de s occuper pendant de longs trajets J habite loin de Paris et je fais quotidiennement de longs trajets en transport en commun pouvoir regarder des films sur mon t l phone rend ces temps de trajets moins p nibles D autres comme Julien se montrent plus r ticents Si je suis en dehors de chez moi c est que j ai autre chose faire que regarder la t l Si je veux regarder la t l je rentre chez moi c est un portable aussi c est pas une t l Pour David le principal frein l utilisation de ces fonctions est soit un co t trop lev Internet soit un v ritable risque tarifaire Michel de Certeau L invention du quotidien Arts de faire Tome 1 Paris 10 18 1980 Nous privil gions ici une approche cr ative des usages c est dire une approche po tique au sens tymologique poien signifie fabriquer dans la lign e des travaux de Michel de Certeau qui s opposait en son temps aux r ductions d terministes la fois sociales et techniques Il se demandait par exemple ce que fabriquaient les gens lorsqu ils regardaient la t l vision alors que nombre de penseurs les consid rai
121. e pouvais pas savoir quelle heure j allais rentrer Une fois cela lui a tout de m me permis de rejoindre sa s ur en ville alors qu elles avaient annul leur rendez vous et qu elles s y sont rendues quand m me Une autre fois elle s tait perdue dans un grand magasin alors qu elle accompagnait sa fille elles ont pu se retrouver comme a De toute fa on Georgette appelle peu d une mani re g n rale et cela ne date pas d aujourd hui Elle na jamais vraiment aim le t l phone Pour elle les appels servent surtout prendre des rendez vous organiser des rencontres mais peu bavarder Elle reproche sa petite fille de rester trop longtemps au t l phone c est bien pour se donner des nouvelles surtout que je ne la vois pas souvent et puis je crois que pour elle cest gratuit c est pour a M me son fixe ne lui sert plus beaucoup aujourd hui Elle envisage d ailleurs d abandonner l abonnement de trois heures qu elle a pris il y a quelque temps Elle le d passe syst matiquement au moment de la nouvelle ann e puisqu elle n crit plus de carte de v ux et le reste du temps c est plut t les autres qui l appellent Le t l phone reste tout de m me un moyen de garder contact avec les intimes mais un moyen soumis des imp ratifs d conomie qui r gissent par principe plut t que par n cessit la gestion domestique de Georgette depuis toujours Elle ne voudrait toutefois plus se s parer
122. e prime sur la photographie elle m me dans bien des cas Elle suscite des commentaires qui consistent en premier lieu en une description de ce qui doit tre vu En second lieu et c est le plus important l image sert d clencher la rem moration et engager la conversation sur un terrain personnel Le mobile accentue l une des caract ristiques de la photographie mise au jour par Roland Barthes propos de la photographie argentique sa dimension indicielle L image est un indice que ce qu on voit a bien t devant l appareil photo puisque nous en avons une empreinte physico chimique Dans le cas du mobile le a a t d crit par Roland Barthes c est dire a a bien eu lieu et j y tais pour faire la photographie est non seulement incontournable mais constitue dans doute le ressort principal des pratiques En effet les images mobiles sont destin es tre montr es sur le mobile de pr f rence et permettent Laura en conservant ses mauvaises photos de B nabar de parler de l v nement et de se raconter Qu il ne donne rien voir n interdit donc pas bien au contraire de passer son film pour reprendre le jeu de mot de l artiste Jean Louis Boisselier qui propose de faire circuler son mobile dans la salle lors de la deuxi me dition du festival film Pocket 3 La production des v nements ordinaires Le mobile a une place particuli re comme outil de prise de vue et objet de m
123. e un v ritable foyer d antith se la fois distant et proche important et futile prosa que et intime il trouve sa place dans des strat gies de communication diverses Il ne s agira donc pas ici de d crire de mani re mod lis e les champs couverts par chacun des outils de communication par rapport auxquels s agencent ceux produits par le mobile mais bien d indiquer les l ments structurant les motivations des utilisateurs pour privil gier tel ou tel outil tel ou tel moment 19 2 1 D outil outil ou le principe de la sym trie des contacts L un des l ments forts de cette rh torique concerne les affinit s entre outils et ce quelles que soient leurs caract ristiques nous avons tendance respecter un principe de sym trie communicationnelle De m me que se sont cristallis s des pratiques mettant directement en lien des outils techniques comme l indique l expression d sormais toute faite de portable portable que peuvent employer m me des personnes g es novices dans la t l phonie mobile nous r pondons spontan ment un mail par mail un SMS par SMS un message vocal par un appel pouvant donner lieu un autre message vocal Ce principe de sym trie s il peut tre d jou de multiples mani res est une des caract ristiques fortes de nos rapports aux objets communicants 2 2 Les usages des autres Le destinataire joue un r le important dans le d ploiement d une rh toriqu
124. eler que l agrandissement des familles est un 7 C est ainsi que Daniel Keblaner d nomme l art du haiku D KEBLANER L art du peu essai Paris Gallimard 1983 8 Il ne faut pas oublier que les photographies et les films de familles sont pr sents d s l origine de ces deux m dias Les photographes prenaient leur entourage Jacques Henri Lartigues aujourd hui consid r comme l un des grands artistes du d but du XXe si cle tait un amateur et prenait volontiers comme sujet ses proches dans leur vie quotidienne Parmi les premiers films du cin ma des fr res Lumi re figure Le d jeuner de b b 103 motif d quipement photographique et filmique tr s important dans le champ non professionnel L essor de la photographie num rique a boulevers la donne en autorisant un plus grand nombre de photographies Mais les occasions restent somme toute tr s conventionnelles et r p titives on ne sort g n ralement pas son appareil sans raison Les prises de vue sont toujours anticip es comme des moments cl s garants du bonheur familial Il en est de la photographie comme du film de famille ils n ont pas grand chose de v ritablement intimes tant sont vacu s les crises les tensions les disputes au profit de sourires ternels de poses enjou es d enlacements programm s Le mobile semble de ce point de vue ouvrir une nouvelle re dans le mouvement de d sacralisation Plus apte saisir sur un mode humoristique d
125. ent comme des r cepteurs passifs voire manipul s par les m dias Nous envisageons toujours le sujet dans sa capacit inventer l objet dont il use et non pas comme des activateurs de programmes 10 Jai la t l mais je ne la regarde jamais car j ai peur de payer Mais c est sympa d avoir la t l si c tait vraiment gratuit je pense que je la regarderai dans le bus En tout cas je vais changer de portable et je reprendrai un mod le qui propose la t l La visiophonie fait galement partie de ces possibilit s mergentes offertes par le mobile Julien utilise occasionnellement cette fonction avec des amis loign s g ographiquement pour trinquer comme il dit Avec Antoine et Anthony on s appelle pour boire un verre on trinque et on raccroche car c est assez cher c est le double du tarif voix Le portable offre de nombreuses potentialit s qui s inscrivent peu peu dans les habitudes des utilisateurs et qui contribuent renforcer sa place centrale dans la bo te outil communicationnelle dont nous parlions en introduction L acc s Internet aux mails la t l vision MSN sur le t l phone portable installe cet outil dans une dynamique de convergence m diatique Ce terme recouvre des sens diff rents Dans les discours des professionnels le terme est utilis principalement pour qualifier la fusion du fixe et du mobile et la concentration des entreprises pro
126. ent un instrument cl de la progression dramatique 1 4 Un objet unique pour agir Nous faisons l hypoth se que la multiplicit des usages aujourd hui possibles avec un t l phone mobile sont v cus par les utilisateurs dans un rapport unique l objet je n ai pas sur moi un appareil photo ou un t l phone ou un carnet d adresse ou une t l ou un lecteur de musique mais un objet qui r pond de diverses mani res un m me besoin op ratoire Le mobile propose une pluralit de ressources pour l action allant de la r action directe la possibilit de conversion des situations en passant par des formes de concr tisation et de transformation rituelle 2 Le mobile un engin r action Premier constat issu de nos observations dans les espaces publics nombreux sont ceux qui utilisent leur mobile comme un moyen de r agir ce qu ils voient ou vivent Une attitude que l on peut r sumer par cette s quence type il se passe quelque chose d insolite de remarquable je me saisis de mon t l phone mobile et je prends une photo Une sc ne observ e permet d illustrer plus pr cis ment ce r le particulier du mobile Un dimanche apr s midi au Jardin des Tuileries des uvres d art contemporain ont investi les lieux et travesti les monuments Face la fontaine centrale devenue un immense sous marin de nombreux promeneurs s tonnent et tout particuli rement les m res qui conduisent l r guli re
127. er amp GALIENNI D croche 2005 Voir la galerie en ligne de l artiste www galienni typad com 110 lll L action un ressort de l exp rience mobile Personne n aime trop couter ses messages surtout quand ils sont longs l expression r p t e de ce petit d sagr ment dans nos entretiens les plaintes l g res et les signes d exasp ration que l on peut observer quand il s agit pour les gens de se mettre en position d coute ont de quoi surprendre Ce d plaisir est aujourd hui tr s partag au point qu il est totalement admis de rappeler quelqu un en disant je mai pas cout ton message ou j ai effac ton message avant la fin et pourtant les personnes rencontr es celles l m mes qui se plaignaient de ne pas avoir leur disposition une touche acc l rer ou aller droit au but avouent ne pas faire d effort particulier pour raccourcir les leurs C est qu il est si facile de parler une fois qu on est lanc dit Martine 43 ans Les t l phonistes mobiles semblent particuli rement r tifs la posture d coute qui implique une forme de passivit Ce constat frappant nous a mis sur la piste d une nouvelle interpr tation des usages le t l phone mobile offrirait c t de ses autres prestations mais de fa on plus essentielle des ressources pour l action En effet certains usages du t l phone mobile semblent l expression d un double besoi
128. ermise par les dispositifs du lieu mais il est aussi un signe fort de disponibilit que les vacanciers produisent l intention de leur entourage Le non usage est une fa on de surligner son exceptionnelle disponibilit de la rendre encore plus visible les enfants savent qu on est vraiment l pour eux et mon mari aussi attend a de moi aussi la preuve c est qu on essaie de pas parler boulot et pas de portables explique S verine 41 ans qui dirige une petite soci t de communication v nementielle et qui se d finit comme une accroc du mobile Son mari Paul fait lui aussi de son non usage un signe ostensible mais dans une intention d exemplarit il s agit davantage pour lui de ne pas autoriser sa femme par son propre usage renouer avec ses habitudes t l phoniques parisiennes si je me mets t l phoner elle va se sentir autoris e Le non usage exceptionnel et autoproduit dans ce Club Med de Serre Chevalier nous rappelle de mani re surprenante la possibilit d une disparition du t l phone mobile dans un contexte contemporain o il semble s tre impos partout au point de faire bouger les convenances et de r inventer des r gles de politesse qui encadrent Si des pratiques de r gulations peuvent encadrer les usages dans certaines situations elles ne sauraient tre g n ralis es En revanche il est possible de retrouver dans nombre de situations autor gul es ce ressort fond
129. ers monter au cr neau d s qu un mobile est confisqu lls viennent les r clamer corps et cris nous dit un professeur de sport Ils contribuent rendre plus floue la perception des r gles chez les adolescents qui disent souvent on ne peut pas nous prendre notre t l phone c est un objet personnel mes parents en ont besoin pour me joindre Conclusion le mobile un risque consenti Vols mauvais coups images vol es les mobiles sont l objet de situations difficiles en milieu scolaire Si les adultes collaborent peu pour am liorer les choses il faut reconna tre que cela n est pas nouveau et ne tient pas la pr sence des t l phones mobile Il faut galement faire la part des choses entre ce qui rel ve d usages totalement banalis s et ce qui indique un comportement d linquant Il nous a t donn plusieurs fois de voir des images choquantes sur les mobiles de nos interview s et notamment ces images qui ont fait scandale de l agression de la professeur de Porcheville Les l ves font tourner ces vid os les commentent s en inspirent pour faire des imitations sur une mode ludique Ce n est pas forc ment n gatif au sens o ce faisant ils r agissent ils font avec et dans la plupart des cas cela leur permet de mettre la violence distance Les ressorts profonds de la violence chez les adolescents et dans la soci t plus g n ralement d passent largement le cadre de notre
130. es intimes nombreux par lesquels nous nous assurions une relation unique avec notre portable A la fois lieu d archivage et boite secret il se pr sentait comme une sorte de boite noire individuelle pouvant r v ler de son possesseur les petits v nements de sa vie quotidienne Si cette dimension d archivage du quotidien semble toujours tr s forte et m me r activ e par des pratiques contemporaines il semble qu une nouvelle logique ait vu le jour permettant d interroger la dimension r ellement personnelle de l objet 1 Une boite noire individuelle Le mobile reste pour beaucoup le lieu du secret qui expose d ailleurs au risque d tre d couvert L exploration des mobiles comme technique de surveillance d un individu s est m me g n ralis e de la police au couple En cas d incident retrouver le mobile d une personne permet en effet g n ralement d avoir acc s beaucoup d informations sur elle Au sein d un couple la relation d une personne au portable de l autre est tout fait r v latrice de cette dimension combien d histoires d adult re ont elles par exemple t r v l es par un SMS indiscret ou un num ro qui s affiche de mani re r p t e Ils se sont s par s elle le trompait Il a commenc avoir des soup ons jusqu au jour o il a vu sur son portable S bastien 30 ans Olivier ne laisse jamais tra ner son portable contrairement moi J estime
131. es o tout l enjeu est de gagner le combat de la communication le mobile sera larme fatale mais cette fois ci c est en tant que boite secret r le in dit qui indique le d placement de valeur sociale de l objet Le portable reste aujourd hui encore un lieu d investissement intime majeur pour lequel les pratiques de dissimulation constituent des r v lateurs Cette dimension s est m me creus e au point de produire des pratiques qui rel ve du travail du deuil comme celle de conserver le plus longtemps possible le mobile d un disparu M FERRARIS dans son essai T es o Ontologie du t l phone mobile fait lui aussi entre investissement intime et pratique de la relique en voquant une pierre tombale en forme de t l phone dans un cimeti re isra lien Pour moiti en l tat actuel le t l phone est une archive que de choses on peut apprendre du portable d un autre si seulement on est indiscret Une tombe en forme de mobile dans un cimeti re isra lien semble le sugg rer sur un ton la fois p remptoire et macabre D un c t assur ment elle exprime une esp rance de communication le d sir d entretenir le contact vu que le 46 Tous les interview s concern s en t moignent il est tout particuli rement difficile de supprimer le nom du d funt de sa liste de contact Jai mis deux ans pouvoir effacer le nom de mon p re dit St phane 30 ans Elisabeth 37 ans elle ne s est tou
132. es moments d un usage plus spontan chez ceux qui s en servent bien s r il permet de produire de nouvelles images de la famille dans lesquelles par exemple le ridicule le grotesque ont une place plus importante comme en t moigne cette observation faite en famille Au moment crucial celui du soufflage des bougies du petit dernier dans la famille B chacun d sormais sort son appareil photo emport pour l occasion Mais ceux qui d gainent leur t l phone portable ne semblent pas pr occup s par l id e de faire les m mes images Le cousin Pierre par exemple s amuse prendre ceux qui font les photos Imm diatement il montre son appareil sa s ur et tous les deux rient en disant Ah ben tu l as pas rat l oncle Bernard t as vu la t te qu il fait S amorcent apparemment un espace plus ouvert et plus spontan pour les images de familles et une mise en jeu d une pluralit de r cits familiaux provoqu s par ces visuels 5 De la mise en sc ne la performance les ressorts du sensationnalisme mobile S il rend possible la production plus spontan e d images prises sur le vif et participe d une d sacralisation des pratiques photographiques familiales le mobile n interdit pas loin sans faut la mise en sc ne Les films de famille en t moignent de mani re particuli rement convaincante Oubli es les longueurs et l absence de construction narratives le mobile cam ra contraint
133. escentes r v le la mani re dont il invente des r les au sein des bandes d amis et intervient dans le dessin d une pluralit de collectifs allant des r seaux d anonymes aux duos fusionnels en passant par des groupes ou communaut s aux fronti res floues R ODIN Le film de famille Op cit 130 4 Il sert l occasion toujours de truchement privil gi pour voquer de mani re n gative l tat du vivre ensemble contemporain En 2007 le mobile semble toutefois actualiser certaines r gles de politesse et de civilit Comme nous l avons indiqu les autres jouent un r le plus grand dans ce qui rel ve d sormais d une logique d anticipation des effets alors qu en 2005 nous sommes tions davantage pr occup s par les effets des autres sur nous ce qui donnait lieu des attitudes d fensives Cela permet un certain nombre de convenances mobiles de se cristalliser La joignabilit dont nous avions montr en 2005 qu elle tait sans cesse d jou e par des strat gies singuli res n appara t m me plus comme un mythe aujourd hui tant le mobile semble associ une discr tion et une forme de non intrusion En outre le mobile g n ralise des formes de raccrochages consentis Enfin dans les situations de superposition des espaces de communication mis en vidence en 2005 pour d crire les conversations t l phoniques il semble que l oralit et le face face reprennent l
134. est plus tout fait de m me lorsque les mises en sc ne touchent au pathologique l int grit de son propre corps ou encore celle d autrui Nombreux sont en effet les pocket films qui exploitent un registre alliant le registre grotesque au macabre Cela n est pas nouveau les m dias exploitent depuis longtemps les ressorts de cet humour particulier aux films amateurs comme dans l mission vid o gag qui passe en s rie des chutes de b b des accidents domestiques plus ou moins dr les en r alit des vanouissements de mari es des chutes de ski spectaculaire ou autres aventures d animaux Cette r union du grotesque du ludique et du macabre est au c ur de l entreprise de Johnny Knoxwill qui invente en 1997 aux Etats Unis le ph nom ne Jackass en multipliant les exploits risqu s et d go tants comme le fait de s injecter du poivre dans les yeux s asseoir fesses nues sur le dard d un scorpion d valer le toit d une maison en v lo ou encore plonger dans une piscine remplie d excr ments En 2002 MTV commence diffuser son mission qui conna t un succ s consid rable non seulement aupr s des adeptes de cascades que sont par exemple les skateurs mais galement aupr s d un public plus large Certaines pratiques se r pandent dans la population et nourrissent cette esth tique particuli re qu on retrouve de mani re privil gi e sur les crans des t l phones mobiles Il faut rappele
135. estrictive en terme de libert d expression a t vot e sans que pour l heure ses d crets d application ne soient entr s en vigueur Cette loi intervient sur l ouverture propos e par le t l phone mobile une participation des individus l organisation des visions du monde contemporain 3 3 La cr ation d v nements en format court haiku d il Le rapport l v nementialit ne se r duit toutefois pas cette pratique quasi journalistique de la chronique le mobile sert en effet souvent transfigurer la banalit du quotidien en petits v nements eux tout seuls produit une attention plus grande des individus qui ont recours ces outils de prise de vue au pittoresque c est dire ce qui est digne d tre peint Martine 35 ans infirmi re lib rale en Creuse nous raconte par exemple J tais en voiture il faisait froid et toute la campagne tait gel e Jai vu un arbre qui ma tonn e je n tais pas press e alors je me suis arr t e pour faire une photo C est dr le je n aurais jamais fait a avant Dans bien des situations et par bien des aspects les mobiles apparaissent comme des formes de haikus amateurs Il s agit bien videmment d une m taphore permettant Le texte pr voit des peines allant jusqu cinq ans de prison et 75 000 euros d amende pour la diffusion d images portant sur les infractions mentionn es dans les articles 222 1 222 14 1 et 22
136. ette m taphore de la proth se ou de la greffe souvent employ e Lui il a son portable greff dans la main Les adolescents quand on leur prend leur portable on dirait qu on leur vole leur me Autant de propositions qui incitent se pencher sur le ph nom ne d incorporation auquel donne lieu le t l phone mobile Ph nom ne d autant plus int ressant qu au moindre dysfonctionnement la belle continuit entre le sujet et l objet se trouve mise mal S amorcent alors les pratiques de bidouillage les malentendus voire les conflits dont sont familiers ceux qui n y arrivent pas qui n y comprennent rien ceux qui cet objet quotidien m ne finalement la vie dure Nous avons indiqu combien les sujets sociaux participent la d finition des objets en les r inventant au fur et mesure qu ils en font usage Nous avions d ailleurs beaucoup insist sur cette dimension lors de la premi re tude en montrant pr cis ment par quelles op rations le portable objet industriel de grande s rie tait progressivement transform en chose unique par son possesseur Renversons la question et demandons nous alors non plus ce que les sujets font aux objets mais bien ce que les objets font aux sujets lorsqu ils les manipulent Cela suppose de s int resser pr cis ment aux rapports physiques qui s tablissent se nouent se font et se d font entre le corps vivant et le corps inerte L observation des gestes jo
137. eur droit est insuffisant d tre au t l phone pour ne pas tre perturb par son interlocuteur direct cela constitue une sorte d inconvenance acceptable Il semble d sormais difficile de soutenir que le mobile prolonge le mouvement d individualisation et d atomisation de la soci t qui lui tait associ et continue si souvent de l tre de mani re id ologique La stabilisation de nouvelles normes d usage n vacue toutefois pas la persistance de nuisances Si les discours sur les usages incivils du mobile n apparaissent qu des occasions de prises de parole sur la civilit en g n ral il fait bel et bien l objet de juridictions de plus en plus nombreuses Inscrit dans nombre de r glements int rieurs peu respect s aussi bien sur les lieux de travail au volant dans des espaces publics qu l cole o il intervient de mani re privil gi e dans la perturbation des situations scolaires le mobile appara t paradoxalement comme un objet hors les lois Les utilisateurs font m me preuve d une certaine forme de fatalisme son encontre Nous avan ons donc l id e d un risque consenti pour d signer cette conscience floue des risques qui n a pas d effet sur les usages Les tentatives de r gulation de son usage depuis l ext rieur semblent moins efficaces que les comportements exemplaires qui instaurent des formes de jurisprudence par l action Certains usages ont une va
138. fait sans perte de temps Lorette affirme privil gier les sms dans certains contextes par souci d efficacit C est plus rapide cela permet de ne pas perdre de temps dans une vraie conversation avec le fixe On ne me tient pas la grappe De la m me mani re le mail permet de transmettre tr s vite une information l efficacit de ces deux moyens de communication est li e l absence de feed back direct A cela s ajoute la possibilit d vacuer les r gles sociales li es aux temps on peut joindre par SMS ou mails quand on le souhaite m me en pleine nuit Aude qui travaille de nuit envoie r guli rement des sms pour sonder l ouverture communicationnelle de ses interlocuteurs potentiels Je lui ai envoy un texto 2h du matin pour voir s il dormait car j avais envie de discuter Quant aux appels ils s ancrent n cessairement dans la temporalit du quotidien en cela ils sont plus contraignants C est une raison voqu e pour choisir un autre outil plus souple dans son utilisation La capacit de certains outils laisser des traces pouvoir constituer des archives jouent en leur faveur dans des changes ainsi on peut garder ses SMS ou ses mails mais pas facilement ses messages vocaux Les diff rents outils peuvent en outre trouver leur place dans une certaine successivit ainsi la s quence suivante semble t elle particuli rement courante j envoie un mail puis j en avertis le de
139. ff rentes pour Nicole cela prot ge bien l appareil tandis que pour Mich le cela permet de savoir que la communication est bien coup e comme avec le t l phone normal quand on raccroche Plus globalement Nicole pr f re le fixe au portable car la qualit de communication est toujours meilleure et permet des longues conversations qu elle ne passe jamais avec son portable Mich le pr f re le portable qui lui rend beaucoup de services Elle stigmatise le fait que sa s ur ne r ponde jamais En effet selon elle son portable est toujours ouvert alors que celui de sa s ur est toujours ferm N anmoins le portable est pour toutes les deux r serv l ext rieur et le fixe au domicile cela reste une r partition stricte de leurs appels Pourtant l o les r les s inversent de mani re nouveau compl mentaire c est dans l ouverture d autres usages ventuels du t l phone Mich le qui est une grande consommatrice de t l vision notamment le sport rejette d embl e l hypoth se de la t l vision sur mobile alors que Nicole y est favorable trouvant sympathique l id e d avoir sa petite t l pour les voyages et les moments d attentes Mich le quant elle trouve cela grotesque la t l c est pour la maison A tous les niveaux d usages du mobile les deux s urs optent pour des pr f rences et des repr sentations diff renci es Le mobile leur per
140. figuration le foyer est un point de rencontre parmi d autres C est le cas pour les familles recompos es ou pour les familles avec de grands enfants Les appels couvrent tout le spectre des changes et concernent un plus grand nombre d acteurs Ils servent organiser un quotidien plus complexe et impr visible maintenir des liens parfois distendus et remplacer la pr sence Pour les familles recompos es le mobile permet l acc s direct la personne Le mobile devient alors une forme de centre et de plaque tournante pour les diff rents membres Ces appels sont aussi ceux que l on ma trise le moins et que l on croit les plus dispendieux Un autre l ment important m rite d tre soulign quant l intervention du mobile dans les rapports parents enfants II s agit de la dissym trie des relations mobile d j l uvre dans les diff rentes formes de comptabilit affective qui nous avons mises en vidence plus haut La famille est en effet un cercle o les relations t l phoniques via le mobile ne sont pas r versibles Des parents vers les enfants le mobile a une vocation centrip te Il permet de centraliser les relations familiales Le mobile appara t comme une sorte de veilleuse Des enfants vers les parents le mobile a une vocation centrifuge Il permet d tre en famille tout en restant en contact avec ses copains comme le dit sans ambigu t Claire 18 ans 59 C est
141. i c est un contournement du syst me elle peut r ellement parler son copain sans compter Quant ses amis les plus proches ils poss dent eux aussi des forfaits avantageux dont elle profite largement 154 Bibliographie Ouvrages et articles AGAMBEN G Th orie des dispositifs Po sie n 115 Paris Belin 2006 ALLARD L L amateur une figure de la modernit esth tique Communication Le cin ma en amateur N 65 Paris Seuil 1999 ARTUS l Osez la courtoisie in Avantage juin 2007 BARTHES R La chambre claire Paris Seuil 1980 BENASAYAG M DEL REY A Plus jamais seul le ph nom ne du portable Paris Bayard 2006 BOURDIEU P sous la direction de Un art moyen Essai sur les usages sociaux de la photographie Paris Minuit 1965 CERTEAU DE M L invention du quotidien Arts de faire Tome 1 Paris 10 18 1980 COCHOY F Sociologie du packaging L ne de Buridan face au march PUF Paris 2002 DEBRIL Th DUBUISSON QUELLIER S Mar e Charcuterie Traiteur Le rayon traditionnel en grande surface lieu d exp rimentation Ethnologie fran aise N 1 Paris PUF 2005 DE SAINT PERN D Les bonnes mani res sont de retour in Marie France juin 2007 DE SINGLY F Etre soi parmi les autres Famille et individualisation Paris L Harmattan 2001 DUBOIS P L acte photographique Paris Nathan 1990 GERGEN K J The challenge of absent presence
142. iciel pr vu pour tre utilis avec son mobile Le probl me avec le clavier c est que je n arrive pas entrer le num ro de s rie Ce num ro comporte des chiffres et des lettres en majuscule et je n arrive taper que des chiffres et des minuscules J ai tout essay pour basculer en majuscules et je n y arrive pas Donc pas moyen de rentrer le code d activation et donc pas moyen d utiliser le soft Si tu trouves une solution je suis preneur explique t il dans les commentaires Nous pouvons donc avoir une expertise et pourtant ponctuellement le temps d une op ration ou d un mauvais jour ne pas y arriver Je ne sais pas ce que jai aujourd hui mais je n arrive pas envoyer de SMS m explique un soir Vanessa Je m lange les mots je me trompe de destinataire Julien qui ma trise d habitude plut t bien les nouvelles technologies ne s est quant lui jamais fait son ancien t l phone J en ai chang pour a confie t il Je ne supportais pas les menus je m tais habitu un t l phone pr c dent et quand je voulais envoyer des SMS je me retrouvais toujours faire une mauvaise manip c est un autre menu qui s ouvrait syst matiquement Je perdais un temps fou a m nervait a me rendait dingue Je devais my reprendre plusieurs fois et parfois par empressement je refaisais la m me erreur En fait je pensais m y faire avec le temps mais l erreur revenait sans arr t je
143. iemment autre chose que ce seul geste un acte symbolique fort qui signifie beaucoup plus que l usage fonctionnel Penchons nous sur l histoire de cette femme de 47 ans repr sentante en commerce que nous avons interrog e Son m tier l am ne depuis dix ans circuler dans l ensemble de sa r gion chaque semaine du lundi au vendredi Elle loge l h tel quatre soirs par semaine loin de ses trois enfants et de son mari qui la voient revenir tous les vendredi soirs vers 19 heures du haut de leur maison sise sur une petite hauteur dans un hameau aux environs de Gap Mais ce qu ils ne voient pas et qu elle nous raconte en exultant c est que 100 m tres avant que le panneau du hameau ne soit lisible avant le 7 C est l une des th ses que soutient M FERRARIS dans son Ontologie du t l phone mobile op cit 117 dernier lacet de la route qui m ne droit sa maison haut perch e elle accomplit tous les vendredi soirs un geste identique elle se saisit de son mobile dans son sac et l teint C est pourtant un geste inutile nous dit elle puisque c est mon portable pro et que jamais personne ne m appelle le WE qui est le moment sacr o je suis avec ma famille Mais pour moi a veut dire je rentre je suis sur mon terrain je suis chez moi Une fois son mobile teint l endroit et au moment o elle le d cide et qui ne correspond pas aux limites g ographiques du village ni au seuil de sa maison ni a
144. iens font appara tre une tr s grande lasticit du temps de r ponse et un certain flou dans les modalit s implicatives des messages Nous y reviendrons mais soulignons d s lors combien il est accept aujourd hui qu une personne nous rappelle sans m me avoir cout notre message C est une des caract ristiques du mobile de nous pousser 70 laisser des messages tr s longs alors que souvent nous n aimons pas beaucoup les couter 1 3 Des raccrochages consentis Une autre modalit de la prise en compte de l autre s est inscrite dans une pratique rendue d sormais banale et non impolie le mobile facilite le raccrochage Ah je suis arriv e l je vais devoir te laisser Zut j ai un probl me je te rappelle ok Bon je raccroche je n ai plus de batterie Ah je ne t entends plus Je capte mal Autant d expressions banales et plus ou moins de bonne foi qui font du mobile l outil d une communication tr s facile interrompre comme l exprime tr s bien Emmanuel 28 ans Ce qui est bien avec le mobile c est que quand t es pris dans un truc et pas trop disponible tu peux le dire l autre comprend tr s bien L image du mobile s est finalement renvers e d interrupteur il devient l interromptable sans causer de dommages sur le plan des civilit s Il tend donc finalement le champ de ce qui se fait dans un contexte de changement du rapport aux diff rents ry
145. ient distance le plus souvent possible ce qui l oblige assez souvent courir apr s l engin quand il sonne ou quand il faut l emporter avec soi pour partir Guillaume et Michelle pourraient comme les autres utilisateurs de mobile tre d crits par leurs relations gestuelles au t l phone il n est en effet plus possible aujourd hui de penser l attitude globale ou l image d une personne sans que ses mani res d tre avec le mobile n apparaissent Les fa ons de le sortir de le tenir de le refermer de le quitter au moment o l appel se termine mais galement de l essuyer du pouce ou de l index de le glisser sur son pantalon ou au contraire sur le revers de la manche constituent un l ment part enti re des apparences singuli res Si le mobile entre de mani re privil gi e dans les gestuelles individuelles en tendant les r pertoires idiomatiques d j en place il peut galement produire des formes corporelles in dites pour certains sujets Ainsi n est il pas n cessaire d tre nerveux pour adopter certains r flexes voqu s plus haut comme le geste de la poche entre autres formes de v rifications compulsives de la pr sence du mobile Le mobile tend produire cette forme de gestualit de r assurance parall lement des usages d ordre m tacommunicationnels c est dire accompagnant encadrant voire commentant la communication proprement dite En effet le mobile
146. igne Julien 28 ans Au cours d une interview un trentenaire nous a avou que sa campagne lui avait fait effacer les images coquines qu il avait dans son mobile pour que nous ne puisse pas les voir Elle nous l a confirm par la suite C est trop personnel On ne peut pas montrer a quand m me En temps normal je ne dis pas mais l pour une enqu te L espionnage de la boite secret est en outre devenu un ressort dramatique particuli rement efficace au cin ma comme on le d couvre avec surprise dans le dernier James Bond Casino Royale 2006 r alis par Martin Campbells Dans les films pr c dents l agent 007 n tait pas le consommateur de mobile dont r vent les op rateurs quand il lui arrivait d tre quip d un portable il ne l utilisait jamais pour t l phoner fid le son personnage de h ros injoignable qui refait surface apr s quelques p rip ties en ayant neutralis seul un certain nombre de menaces plan taires Or voil que dans Casino Royale James Bond est non seulement ins parable de son mobile mais amoureux si bien que le portable y joue son r le le plus contemporain la crois e de l identification polici re et de l espionnage du jaloux C est en fouillant dans le portable de celle qui lui a bris le c ur qu il s aper oit 1 qu elle l aimait sans doute 2 que le m chant s appelle Mr White Comme traditionnellement dans les films d action des derni res ann
147. igures fonctionnent dans une conomie bien huil e Cela se fait de demander un SMS ou quelques unit s pour appeler comme cela se faisait autrefois d emprunter une carte 3 Les logiques collectives sont fondamentales l adolescence Il faut toutefois tordre le coup une vision trop tribalisante de ces groupes qui v hicule implicitement un h ritage anthropologique n o colonial Tout d abord les jeunes sont loin d avoir des pratiques homog nes au sein des bandes qu ils traversent Le terrain fait au contraire appara tre de grandes divergences notamment en ce qui concerne les usages des nouvelles technologies en g n ral et donc du portable en particulier Dans un m me groupe il peut y en avoir un qui passe trois heures tous les jours sur MSN un autre qui d teste a un qui regarde la t l alors que les autres s en d sint ressent depuis longtemps un qui appelle tout le monde et adore les conversations t l phoniques alors que les autres pr f rent les SMS et sont adeptes du langage le plus sot rique pour un novice Certains aiment faire des films et des photos d autres trouvent a nul m me s ils ont essay une fois quand ils ont eu leur portable Quelques que soient leurs diff rences et elles sont loin de pouvoir tre ni es les adolescents se positionnent toutefois par rapport un nombre restreint de th matiques leur portable taille beaut couleur batterie mais aussi fonctionnalit
148. individuel Nous avons remis aux enqu t s un carnet dans lequel ils ont consign tous les changes effectu s au fur et mesure en en d crivant le contenu le contexte et ce qui a motiv le choix du mode de communication utilis Nous avions alors une trace pr cise des changes et des arbitrages effectu s dans le choix des outils ce qui constituait un mat riau pr cieux analyser Des entretiens ont t effectu s en compl ment afin de permettre aux enqu t s d apporter les pr cisions n cessaires une meilleure exploitation du contenu du carnet 14 d autant plus privil gi e qu il propose des solutions alternatives certains modes de communication en place Une telle attention fait ressortir les valeurs du t l phone mobile par rapport aux autres outils communicants 1 Ressemblances et compl mentarit s des outils communicants Il faut tout d abord pr ciser que le contexte de multiplicit des outils concerne le mobile dans ses rapports avec d autres appareils le t l phone fixe l ordinateur le balladeur MP3 avec d autres outils MSN Skype mails mais galement dans ses rapports internes avec ses diverses fonctions Du point de vue des usagers le mobile trouve sa place dans des agencements de moyens de communication faisant jouer la fois des rapports de ressemblance qui conduisent des substitutions ne serait ce que momentan es et des rapports de compl mentarit qui rendent ins parable l u
149. ion suivantes Situations d attente files d attente arr t de bus hall de gare et d a roport Situations de transit train bus tram m tro Situations de vie au domicile Situations actives dans la ville les magasins Situations de d tente parc caf s restaurants promenades Situations d urbanit exceptionnelles f tes concerts manifestations Situations de vie collective organis e cour de lyc e cour de coll ge hall d universit mus e Situations de travail observables dans la ville Situations de prises de parole spontan es au sujet du mobile conversations de comptoir caf r unions entre amis L axe de recherche concernant le mobile comme nouvel art multim dia s est en outre nourri d une tude d un corpus de pocket films r alis s par les artistes dans le cadre des diff rents festivals Pocket film organis par le Forum des images ou encore le Mobile Film festival mais comprenant galement des films mobiles diffus s sur des sites internet comme Youtube et Daily motion ainsi que les images fixes ou anim es qui nous ont t montr au cours des entretiens focalis s sur cette question L enqu te aupr s des adolescents nous a entre outre conduits explorer d autres formes m diatiques comme leurs blogs ou leurs changes sur MSN Ce rapport de recherche pr sente la synth se de nos analyses Nous adoptons pour en pr senter les r sultats le
150. ique contrairement par exemple l informatique ou plus pr cis ment Internet Il s est plus discr tement gliss dans nos vies occupant une place de plus en plus importante dans nos interactions de tous les jours et touchant nos pratiques de communication ordinaire Devenu comme peu d autres objets techniques objet d int r t philosophique sous la plume de philosophes tels que Maurizzio Ferraris Giorgio Agamben ou Miguel Benasayag et Ang lique del Rey introduit dans le monde des arts visuels par des artistes exp rimentaux qui en font un objet m diatique privil gi pour interroger notre rapport aux images le mobile voit s tendre les champs d investigation qui le concernent Un mobile a sert t l phoner Petite phrase d sormais banale et qui semble rappeler sur un mode humoristique et souvent moraliste et que le mobile joue pr cis ment aujourd hui bien d autres r les Quel type d objet faut il consid rer lorsqu on parle du mobile en 2007 Comment ont volu ses usages dans les diff rentes sph res de la soci t Menace t il toujours autant la civilit et les formes du vivre ensemble comme le laissent penser certains discours et l inqui tude exprim e concernant son usage l cole Comment finalement analyser les ressorts de l exp rience mobile contemporaine Autant d interrogations qui n cessitaient de retourner sur le terrain non seulement pour y observer des v
151. ise que cette interdiction n est pas applicable lorsque l enregistrement ou la diffusion r sulte de l exercice normal d une profession ayant pour objet d informer le public ou est r alis afin de servir de preuve en justice Le moins qu on puisse constater c est l importance de la p nalisation encore en cours autour de ces usages d viants du t l phone mobile Les interdits sont assortis de sanctions relativement s v res selon les contextes mise pieds amendes lev es suspension de points sur le permis des l ves ou encore sur ceux des l ves confiscation et dans les cas les plus grave peine de prison 42 Des usages r fractaires aux r glements le cas du mobile l cole Les dispositions r glementaires taient moins importantes en 2005 mais elles faisaient l objet d un respect tr s relatif Nous avions m me mis en vidence une transgression g n ralis e des r gles et des interdits avec comme caract ristique que ceux qui taient cens s faire respecter la loi pouvaient eux m mes tr s souvent tre pris en faute Nous voquions alors une d viance g n ralis e En 2007 ce mouvement de r sistance aux r gles suit son cours et atteint de nouvelles proportions rares sont ceux qui prennent d sormais la peine d teindre leur mobile dans les urgence des h pitaux ni les m decins ni les patients Lors d une journ e d observation l h pital de Lariboisi re
152. iser de casque standard 2 Un objet multiple pourtant v cu sur le mode de l unicit Qu y a t il de commun entre faire des photos appeler un coll gue de travail envoyer un SMS un ami dont l anniversaire nous a t rappel le bon jour par une sonnerie sp cifique ou encore couter de la musique dans les transports en commun 12 Certaines des fonctions du mobile sont plus videntes que d autres dans les perspectives de communication ouvertes par l usage t l phon Il s agit de tout ce qui facilite en amont et en aval ces changes r pertoire agenda horloge ou ce qui constitue des formes d changes en soi comme les SMS ou les MMS D autres demandent une v ritable conversion imaginative et gestuelle comme les nouvelles fonctions multim dias li es l image et au son faire une photo en effet implique une attitude qui n a rien voir avec celles mobilis es par l appel ou les SMS si ce n est l importance du pianotage sur le clavier pour faire tous les r glages n cessaires Une fois ce geste unique du pouce fr n tiquement agit sur une zone g n ralement situ e en dessous de l cran les gestes se diff rencient permettant dans le cas de la photo de viser pour cadrer plus ou moins pr cis ment un sujet en portant le t l phone devant soi le plus souvent le bras l g rement repli Le mobile est alors physiquement transform en appareil photo les gestes momentan s le reconfigurent en m me
153. ive d puration des s quences de vie il s agit de s conomiser de se concentrer sur une activit la vie de famille Cette raret des usages du mobile tient en partie la valeur performative du t l phone mobile qui en fait un outil associ l action et plus particuli rement la saturation des possibilit s d action Cette forme d investissement dans l action que l outil produit au quotidien est mise en suspens par les vacanciers le temps d une parenth se enchant e car disent les GM on est l pour se d tendre D apr s nos entretiens et nos observations ne pas utiliser son t l phone mobile dans ce lieu de vill giature ne r pond pas seulement et parfois m me pas du tout au besoin de se d connecter c est dire au besoin de couper les liens avec le monde social du temps ordinaire Les Gentils Membres cherchent moins rompre avec un ethos communicationnel tre branch vs tre d connect qu avec un ethos pragmatique entendu au sens fort de type de disposition l action il s agit en n utilisant pas son t l phone de faire autre chose de ses mains mais aussi de son temps Il est vrai que l offre du Club Med consiste faire vivre au G M une exp rience de s jour qui se caract rise elle m me par la r alisation sati t des possibilit s d action et des besoins Rien ny est rare tout y est plac sous le signe de l illimit le
154. je ne l avais pratiquement jamais parce que je ne me rappelais m me pas que j en avais un Maintenant elle d croche syst matiquement m me si parfois elle trouve que c est d sagr able L autre jour j tais chez une amie et mon t l phone a sonn c tait mon neveu j ai d croch mais j tais ennuy e vis vis de mon amie En fait plusieurs raisons justifient son attitude face au mobile d une part il est ind niable qu elle fait du z le d autre part elle ne ma trise pas parfaitement son outil et enfin elle calque rigoureusement sa pratique sur des habitudes li es au t l phone fixe Elle est z l e car elle retire une certaine fiert d tre disponible pour les autres et plus pr cis ment de penser avoir pris son t l phone de l avoir entendu d avoir d croch en temps et en heure Mais si elle d croche c est aussi pour arr ter cette sonnerie stridente Le mode vibreur je n en ai pas V rification faite sur l objet en question on s aper oit que le mode vibreur ne demande qu tre activ Au lieu de cela elle d croche compulsivement comme pour faire taire cet objet si bruyant tout en pr servant des r gles de biens ance face son interlocuteur J ai d croch car il fait un bruit d enfer Pour que a arr te de sonner on peut appuyer sur le petit t l phone rouge je suppose Mais je nose pas Alors quelques fois c est g nant selon l endroit o tu
155. jours pas r solu supprimer le nom de son ami proche d funt qui d ailleurs elle envoie parfois des sms comme autant de bouteilles jet es la mer bien qu elle sache que le num ro a t r attribu Autre pratique de la relique auquel se pr te cette machine enregistrer les op rateurs de t l phonie mobile re oivent couramment des demandes de copie du message d accueil du d funt ou du dernier message que celui ci a laiss un de ces destinataires Il faut noter que des pratiques rebours de cet investissement intime se d veloppent notamment chez les adolescents 2 Vers un objet d exposition et de sc nographie mus ales Notre enqu te focalis e sur les adolescents et les jeunes invitent nuancer cette hyperpersonnalisation du mobile L appropriation personnelle reste forte mais elle est tr s souvent perturb e par les conditions r elles de possession de l objet qui s av re de plus en plus souvent consid r comme ph m re 2 1 Un objet ph m re Au fur et mesure de nos rencontres avec des jeunes et des adolescents nous avons t frapp s de d couvrir que bon nombre d entre d eux n avaient qu un portable de remplacement Ah celui l c est provisoire j en attends un mieux pour remplacer celui que j ai perdu Moi j ai fait tomber le mien dans la neige au ski on essayait de le faire sonner pour le r cup rer mais on n entendait rien Ce mobile c est
156. l de r flexivit plusieurs niveaux Il permet tout d abord d instaurer des formes de retour sur soi si la famille et l entourage imm diat sont des sujets de pr dilection des images mobiles il faut remarquer la place centrale qu occupent galement les autoportraits aussi bien dans les usages sans v ritable pr tention artistique que dans les usages ouvertement esth tiques On se photographie et on se filme en gros plan on se regarde regarder le curieux objectif ce qui indique une autre r f rence plastique celle du photomaton Comme dans les petites cabines automatiques on peut se presser entre proches joues contre joues pour tenir sur la photographie A un autre niveau c est galement souvent le mobile et ce qu on peut faire avec lui qui se trouve au c ur des mises en sc nes et m me au c ur des mises en sc nes m diatiques En g n ral dans les m dias on voit des gens en train de filmer avec leur mobile plut t que leurs productions C est une des pr occupations r currentes de ceux qui pr sentent leurs films dans le cadre des diff rents festivals ils se servent du mobile pour analyser les pratiques mobiles Ainsi pourrait on tr s facilement illustrer les propos tenus dans ce rapport l aide de films tir s des deux premi res ditions du festival Pocket Film 5 S TISSERON Enfants sous influence Les crans rendent ils les jeunes violents Paris Armand Colin 2003 108 La polyvale
157. l r alise par exemple un grand concert fictif sur mobile partir de rush de diff rents concerts film s pendant plusieurs ann es 3 2 Le t moignage ordinaire la chronique journalistique La d multiplication des occasions photographiques tend d une mani re plus g n rale transformer les utilisateurs en petits journalistes ou ethnologues du quotidien Appareill s ils sont l aff t de ce qui pourrait devenir un v nement Le mobile est souvent consid r comme une nouvelle forme de cam ra stylo permettant de faire du reportage de mani re improvis e Les v nements reconnus ou v cus comme tels sont des moments privil gi s d utilisation du mobile photographique Les mouvements sociaux de 2005 et les nombreuses manifestations contre le Contrat Premi re Embauche ont de ce point de vue ont tr s souvent t mis en image par les participants Au point que m me les journaux officiels ont repris ces images amateurs notamment sur leurs blogs destin s laisser une place plus grande la production des v nements par les amateurs Plus r cemment les affrontements entre des forces de police et des individus la gare du Nord ont donn lieu une multitude d images mobiles plus ou moins reprises sur diff rents sites Certaines ont pos probl me cause de la violence des actes film s et ont donc rapidement t supprim es des sites internet D autres ont beaucoup circul notamment sur yout
158. la question des civilit s de cet objet la fois plus banalis plus partag mais galement de plus en plus souvent incrimin l Usages collaboratifs du mobile les dessins collectifs On ne peut d sormais plus seulement consid rer le mobile sous le seul angle d un usage singulier ou individuel De nombreuses situations permettent de comprendre les logiques de partage qui se sont progressivement mises en place Nous exploiterons ici plus pr cis ment deux de nos enqu tes focalis es celle sur les usages du mobile en famille et celle concernant les pratiques des adolescents La premi re permettra d indiquer les ressorts des usages collaboratifs du mobile la seconde d indiquer la mani re dont le mobile intervient dans la production des collectifs contemporains 2 J E Katz M Aakhus Perpetual contact Mobile Communications Private talk Public Performance Cambridge Cambridge University Press 2002 52 1 Le mobile une affaire de famille Le mobile occupe une place aujourd hui incontournable dans les familles quels que soient leur niveau de vie leur localisation g ographique ou plus globalement leur milieu social Il fait l objet d une attention collectivement exerc e aussi bien de la part des adultes que des enfants et sert de mani re g n rale la dynamique familiale Le rapport aux co ts joue un r le pr pond rant dans l organisation des formes de collaboration t l phonique Il tr
159. laquelle on se trouve l inverse il peut na tre de cette superposition une forme de satisfaction sp cifique Ainsi s expliquent de nombreux arbitrages en faveur d une conversation mobile payante alors que les utilisateurs ont port e de main des outils de communication gratuits t l phone fixe Internet Voici ce qu en dit Jean 35 ans tudiant et r ceptionniste Quand je marche dans les rues la nuit pour rentrer chez moi je trouve a d licieux de parler au t l phone n importe qui Il y a des gens des vagues amis l tranger qui ne me servent qu a parler dans la rue la nuit ou encore Mathilde 42 ans com dienne Ce que je pr f re c est t l phoner pendant que je vais voir seule une expo comme a je discute et en m me temps je regarde et je vois les tableaux diff remment parce que je suis en train de parler d autre chose au t l phone Cet usage du t l phone mobile dote l action de parler d une inhabituelle forme de transitivit il s agit de parler les lieux ou parler les moments sans qu il soit forc ment question dans l change t l phonique lui m me des lieux ou des moments 122 On parle alors comme on mange quelque chose de nombreuses publicit s de t l phonie mobile associent ces deux activit s en montrant un t l phoniste mobile c t d une personne qui mange ou boit s adonnant un autre plaisir de bouche
160. le mobile Car ce qui retient ici notre attention c est la part non relationnelle des usages du t l phone mobile il s agit de d crire ce qui se passe entre nous notre mobile et les petits et grands v nements du quotidien Avec ce changement de perspective nous insistons sur une dimension des usages du t l phone mobile que l on pourrait dire r f rentielle et qui rel ve du rapport ce qui advient Faire jouer cette perspective permet de rendre compte de certains usages o la r f rence ce qui arrive en moi ou autour de moi prime sur la relation aux autres et o l accomplissement d une action prime sur la communication sans que cette premi re dimension n oblit re totalement la deuxi me Plusieurs ph nom nes justifient aujourd hui de porter ce nouveau regard sur les usages 1 2 Le mobile ne r pond pas seulement des manques La vari t et la fr quence des usages telles qu on peut les observer dans les espaces publics par exemple soul ve une question simple mais l gitime qu apporte le mobile aux individus dans leur exp rience des situations v cues Les d tracteurs du mobile donnent cette question des r ponses exclusivement d ficitaires qui leur fa on mettent galement en sourdine la dimension relationnelle ou communicationnelle de l usage le mobile comblerait un manque il remplirait des vides il compenserait l absence il viterait la solit
161. le temps disposition qui conditionne la s lection d un moyen de communication plus que d un autre dans un contexte o le rythme commun semble s acc l rer de plus en plus Gilles Lipovetsky expose une certaine vision du lien entre temps et vie quotidienne une poque qu il qualifie de temps hypermodernes Le nouveau sentiment d asservissement au temps acc l r ne se d ploie que parall lement une plus grande puissance d organisation individuelle de la vie Ainsi le SMS le mail et MSN sont spontan ment privil gi s lorsque l utilisateur dispose de peu de temps car ce sont des moyens de communication consid r s comme moins chronophages que les autres L engagement est plus diffus l intensit de la relation moins accaparante Clara trouve qu il est plus facile d abr ger un change sur MSN que de mettre fin une conversation t l phonique C est plus rapide de partir si quelqu un te tient la jambe 8 G LIPOVETSKY Les Temps hypermodernes Grasset Paris 2004 p 114 22 Le mail est galement un moyen de communication consid r plus souple qu une conversation t l phonique d un point de vue temporel Je l envoie quand je veux c est silencieux a ne d range pas Pour cette raison le SMS qui est souvent valoris pour sa discr tion et pour cette souplesse d usage l est aussi pour sa rapidit lors de la transmission d une information l change est pr cis et se
162. le un peu partout Marine 15 ans lyc enne vit Rouen 76 Son portable elle l a eu treize ans la fin du premier trimestre de quatri me Cela faisait un bout de temps qu elle tannait ses parents pour qu ils lui en ach tent un Quand j en aurai un je serai grande se disait elle car le portable a fait un peu prendre son ind pendance on peut sortir plus facilement Alors ils avaient mis en place un deal si elle avait quinze de moyenne elle l aurait son t l phone Ce jour l elle s en souvient tr s bien c tait le premier jour des vacances de la Toussaint D s qu elle a re u son carnet elle sont parties m re et fille au centre SFR de la rue du Gros La fille a choisi le t l phone la m re s est occup e du forfait qui n a pas tenu bien longtemps comme la batterie il est mort en moins de vingt quatre heures J tais tellement surexcit e qu il a fallu que j envoie des textos tout le monde Et puis j avais une copine qui avait un nouveau cr dit le lendemain elle s en fichait d utiliser tout ce qui lui restait Ce qui fait qu on a utilis tout notre cr dit ensemble sauf que moi il a fallu que j attende un mois C tait pour ne rien se dire on se disait Tu fais quoi Rien Et toi Rien Ce t l phone elle l a gard un an et No l surprise Alors qu elle devait le conserver encore un an sa grand m re lui en offre un nouveau
163. lement les jeunes se retrouvent dans quelques lieux toujours les m mes entre chez eux leur tablissement scolaire un ou deux caf s le square du quartier Un simple extrait de conversation arrach au bruit du m tro parisien suffit nous en convaincre Il s agit d une jeune fille d environ 15 ans qui r pond au t l phone Vas y d p che toi je mai presque plus de batterie a va couper Ah bon mais je t ai dit sur MSN que je partais dans deux minutes enfin que j allais arriver dans 10 min Mais tu tais en train de tchater j avais pas compris que t tais partie D p che toi je mai plus de batterie Bon mais t aurai pu me pr venir quand m me Au fait c est o le rendez vous d p che toi bon Ok comme d habitude toute S il contribue l existence de groupes d interconnaissance aux fronti res plus ou moins d finies le mobile tend galement et ce notamment par le rapport l argent qu il instaure produire des r les in dits Parmi les figures possibles deux se dessinent nettement celle du banquier t l phonique qui dispose d un forfait ou qui il reste toujours du cr dit g n ralement il peut d passer sans prendre trop de risques familiaux et en miroir celle du taxeur sans mobile parce qu il la perdu ou se l est fait voler ou sans cr dit parce que le syst me des pr pay s les laissent toujours sur la paille ou que leur forfait est bloqu Ces deux f
164. les adolescents montrent qu ils en font au contraire un v ritable lieu d exposition au sens quasiment mus al du terme Ce qu ils collectionnent et archivent sur le mobile n a de sens que dans la perspective d tre montr Ils fabriquent donc de petits objets multim dias leur image aussi peu confidentiels et intimes que le sont leurs blogs Ils g n ralisent ainsi de v ritables pratiques de partage audiovisuel correspondant un jeu qui se joue plusieurs selon l expression que Roger Odin applique au film de famille Le propri taire invite commente en bref fait la visite Cette dimension collective semble l un des r sultats cruciaux de notre tude En effet d usages toujours singuliers et individuels mis en vidence en 2005 le mobile s est pli des formes bien plus partag es voire collaboratives et ce plusieurs niveaux 1 Le mobile est un objet qui circule beaucoup Certains peuvent en outre tre institu s comme mobiles familiaux ou amicaux 2 La prise en compte du r le structurant du co t a permis de mettre en vidence l existence de strat gies collectives d optimisation des forfaits et des pr pay s Le partage des forfaits dessine de v ritables sc nes sociales instaure des rendez vous favorise certaines relations d exclusivit 3 Si le mobile en famille tend renforcer une hi rarchie existante et v cue comme naturelle l tude des pratiques adol
165. leur permissive car ils 131 autorisent les personnes alentour faire de m me quand d autres pratiques produisent un effet efficace de non usage dissuasif C est finalement l action qui se trouve au c ur de la dynamique des usages mobiles Nous avions modestement esquiss cette piste en 2005 elle se voit puissamment confirm e en 2007 Qu il s agisse de r agir de mani re appareill e une situation de se transformer en acteur plut t qu en spectateur passif d un v nement ordinaire par le recours la photographie ou au film ou l inverse qu on prenne au s rieux le fait que personne n aime couter trop ses messages surtout quand ils sont plus longs qu leur tour le mobile se pr sente comme un outil de l action permettant d acc der aux sentiments d exp riences plus pleines comparables au jeu ou la fiction ne s agit pas pour nous de souscrire exclusivement aux th ories nombreuses qui font du mobile le moyen de combler un manque ou un vide mais d indiquer aussi un ressort positif et m me cr atif de l exp rience mobile dont nous montrons qu il se pr sente comme un objet r action une machine concr tiser un op rateur de fronti res symboliques ou un appareil convertir les situations Cette dimension cr ative pour tre celle de l usage n en est pas moins produite par le dispositif lui m me qui intervient de mani re privil gi e dans l esth tique conte
166. lit du mobile reste un des lieux communs des blagues propos du mobile et condense parfois certaines critiques qui lui sont adress es sur le mode de la gadgetisation force est de constater que le mobile reste pour beaucoup malgr tout un t l phone et m me plus pr cis ment SON t l phone Nombreux sont 13 les gens qui se demandent pourquoi le t l phone mobile continue de s appeler comme a mais de fait personne ne fait circuler d autres noms La cr ativit nominative ne rejoint pas dans le cas du mobile la cr ativit des usages Ainsi en d pit de sa multi fonctionnalit le mobile n est pas con u comme un agr gat de fonctions cet outil reste un t l phone mais qui est dot d une tonnante capacit de m tamorphose travers leurs gestes concrets et leurs r cits les utilisateurs l inventent et l investissent comme un seul outil la fois machine crire des sms appareil photo simple t l phone Si chacun dessine les contours de son mobile personnel en le produisant selon les occasions en objet total diff rent il semble possible aujourd hui de faire appara tre les facteurs qui structurent les logiques d usage articulant ces objets entre eux ainsi qu avec d autres objets m diatiques par rapport auxquels ils font sens ll Panoplies d objets communicants comment fonctionnent les arbitrages Avec mon fixe je n appelle que mes grands parents qui n ont pa
167. llance auxquels les adultes n osent pas forc ment se livrer Connaissant bien tous les moyens de d jouer les contr les ils sont particuli rement attentifs lorsqu ils ne sont plus les surveill s mais bien les surveillants Par ailleurs l usage du mobile est un indice en soi de la valeur pr t e la relation Le nombre de d appels la dissym trie des changes ou encore le mode d criture des SMS sont autant d l ments faisant l objet d une tr s grande attention comme nous l indique Sofian Les SMS moi je les cris en abr g bien s r mais pas toujours Si c est pour une fille tu fais un peu plus gaffe Si vraiment tu la kiffes alors faut crire correctement et m me avec la ponctuation si vraiment t es accro Ce se remarque ces choses l les filles elles font super attention Contrairement aux id es re ues chez la plupart des adolescents la prise en compte de l autre est plus importante que leur mode d criture abr g e S il semble vident que le mobile soit particuli rement investi comme moyen de consolider ou d prouver l intensit d une relation privil gi e il est plus surprenant qu il contribue en produire certaines Le cas de Laura et Isabelle est particuli rement frappant Amies de longue date elles forment avec Marie un trio plut t uni Depuis quelque temps elles sont toutes quip es de t l phones mobiles Lorsque nous avons demand Isabelle de nous faire rencontre
168. lques mois Marie Catherine communiquait donc exclusivement l aide de son t l phone fixe M me les SMS taient consid r s d un mauvais il Je n ai jamais envie d envoyer de textos je naime pas le texto car j aime bien entendre le son de la voix Et puis on ne dit rien dans un texto Bien que r fractaire elle avait d j une certaine ma trise de l outil puisque dans quelques situations pr cises elle utilisait le t l phone mobile de son mari cela lui arrivait lorsqu elle devait faire une longue distance seule en voiture par exemple ou bien en vacances pour quelques contacts avec ses enfants Mais comme sa conception des vacances r pond une logique de parenth se dans le quotidien elle ne joint jamais ses amies dans ces moments l souhaitant privil gier son entourage En vacances je n ai pas besoin de contact avec mes amis j envoie des cartes postales Le c t tre en relation constante a m indiff re Au contraire a fait des vacances a fait une coupure On l aura compris le portable tait bien loin d tre lev au rang des objets indispensables Et puis tout a tr s vite chang La date de son anniversaire est arriv e parmi les cadeaux un petit paquet et puis un autre plus gros Le premier paquet le petit celui que lui offraient ses enfants renfermait justement un t l phone mobile Prudents ils prirent de nombreuses pr cautions oratoires au moment du d ballage Ils insis
169. lut t d une inconvenance largement consentie 2 Des r gles tacites d usage le ressort de l exemplarit ou les jurisprudences par l action 2 1 Un non usage exceptionnel et autoproduit monographie au Club Med de Serre Chevalier Des entretiens et des observations men s dans des h tels vocation familiale nous ont montr que le temps pass l h tel est v cu par les familles comme un recentrement sur le c ur de l exp rience familiale C est le moment et le lieu o lon est plus que jamais en famille parce qu on y partage son temps et son espace commun dans certains cas jusqu la chambre qui devient chambre format familial Par ailleurs l h tel le programme de la journ e celui que l on se fait entre soi dans un Novotel ou celui que l on compose partir des propositions des G O dans un Club Med comporte pour les parents une part non n gligeable de programme ducatif centr sur les r gles de civilit Le temps pass l h tel est l occasion pour les parents de surligner les bonnes mani res et fa ons de se comporter en public dans un rapport paradoxal avec le chez soi qui est l endroit o les principes s noncent de Terrains 3 jours d observations et d entretiens dans un h tel familial qui propose un tarif et des chambres famille Novotel sur la route des stations de ski dans la p riph rie de Grenoble f vrier 2007 4 jours d observations et d entretien
170. m moire gestuelle qui conditionne notre rapport esth tique au monde lil Un nouvel art moyen multim dia les images mobiles en pratique La photographie le film l coute de la musique et l enregistrement du son sont d sormais loin d tre marginaux dans les usages du mobile et ne peuvent tre circonscrits aux seules jeunes g n rations En r alit nombreux sont ceux qui s essaient l une ou l autre de ces activit s ne serait ce qu occasionnellement Beaucoup souhaitent avoir toutes ces fonctions sur leur mobile lorsqu ils en font l acquisition m me si une conception moraliste voire hygi niste perdure sous l expression d une critique de la gadgetisation de l objet Entre les tentatives uniques du premier jour o l on explore son nouveau mobile les photographies fr n tiquement prises de son entourage et l exploitation pleine de ce nouveau dispositif audiovisuel par des artistes plasticiens s amorce une red finition des pratiques ordinaires li es l image et au son qu il serait dommage de r duire comme le font g n ralement ceux qui s y int ressent une seule approche en termes d changes interpersonnels C est par exemple le sens d une partie des analyses de Caroline Anne Rivi re 92 De nombreuses formes s inventent dans un dialogue plus ou moins serr avec les pratiques anciennes et il semble d s lors particuli rement int ressant de les scruter de pr s tant du point de vu
171. mais une relation de communication qui n implique pas chez l utilisateur de jeu de faire semblant Il est en effet n cessaire de distinguer ce qui rel ve d une logique fictionnelle dans l exp rience de la conversation t l phonique mobile de ce qui n en rel ve pas nombre d arguments des d tracteurs de l outil reposent tonnamment sur une fictionnalisation abusive de ce ph nom ne de communication A lire les analyses de Miguel Bensayag et de Ang lique del Rey ou encore de Giorgio Agamben on est frapp de voir quel point ces arguments sont approchants des d tracteurs de la fiction depuis Platon jusqu aux imaginaires fictifs des jeux vid os Ces arguments sont de deux ordres D abord l argument concurrentiel qui tait celui de Platon dans La R publique la fiction construit des leurres des fant mes qui sont loign s de la V rit et qui par cons quent en d tournent les lecteurs Dans une perspective similaire le t l phone mobile est accus de d tourner de la vraie pr sence la sienne propre et celle de l entourage ainsi que d une relation r aliste avec les situations pour M Benasayag et A Del Rey si le portable s agence aussi bien avec la tendance la virtualisation du monde c est qu il a le pouvoir de nous abstraire de l environnement auquel nous appartenons nous faire adopter un point de vue de plus en plus abstrait le point de vue de nulle part Deuxi
172. mbuler dans l all e centrale Voil qu il s adosse un pr sentoir qu il se met palper les objets sans pourtant s en saisir Le voil qui tourne sur lui m me se retrouve au rayon jardinage et parle des prochaines vacances au Japon rit ouvre une gourde en plastique en promotion louvre puis la ferme avant de l ouvrir nouveau et de raccrocher son t l phone Trois quarts d heure ont pass Evoquons aussi cette jeune femme observ e dans la rue qui discute longuement sur un banc parce que nous dit elle quand nous l interrogeons elle y est mieux qu ailleurs Ou encore cette femme absorb e dans sa conversation qui traverse la rue parce que de l autre c t le soleil brille et cest tellement plus plaisant de t l phoner au soleil T l phoner avec son mobile peut occasionner un plaisir particulier c est ce constat que nos observations nous conduisent avec vidence On rep re ais ment dans les comportements des t l phonistes des gestes qui t moignent de la recherche d un bien tre t l phonique et qui ne se limitent pas la recherche des conditions acceptables pour que la conversation puisse avoir lieu pas trop de bruit a capte suffisamment de batterie ou la seule tentative de r duction de l inconfort Si la g ne les efforts d ploy s voire la p nibilit r sultent pr cis ment de la difficult concilier l change t l phonique avec les contraintes de la situation dans
173. me parfois conditionn s de fa on particuli re par la relation au co t de la communication t l phonique comme dans cette famille africaine recompos e qui vit en banlieue avec peu de moyens et dont les 2 enfants adolescents ont des m res loign es g ographiquement du domicile de leur p re Le moment dans la soir e o l on passe illimit est un seuil structurant pour les habitudes du foyer Depuis l illimit l heure du repas a t avanc e pour que chacun puisse tre libre pour appeler ou recevoir un appel Le gar on de 16 ans ne donne jamais de rendez vous ses copains pendant cette plage horaire parce qu il sait qu il 2 M Ito D Okabe M Matsuda Personal Portable Pedestrian Mobile Phones in Japanese Life The MIT Press Massachusetts Institute of Technology 2005 54 aura peut tre l occasion de parler sa m re qui travaille de nuit mais reste joignable sur son portable Le p re quant lui fait des photos et a appris les t l charger sur Internet les appels t l phoniques sont cons cutifs aux changes d images par mails comme a on commente les photos par t l phone le soir On le voit travers cet exemple les dispositifs de forfait et de cartes m nagent de v ritables sc nes sociales qui sont la fois des moments et des cadres de rendez vous r guliers entre des personnes qui se voient peu comme le sont des r unions date fixe ou des activit s o l on sait d
174. ment leur enfant en ne voyant plus tant il est habituel le c l bre jet d eau entour de bateaux L o le sous marin envahit maintenant le champ de vision les r actions des habitu s sont manifestes on regarde autour de soi on hausse les sourcils on le montre l enfant Plusieurs personnes au cours de l apr s midi sortent leur t l phone mobile de leur sac ou de leur proche pour prendre le sous marin en photo Cette valeur a t elle vocation de t moignage ou de preuve Rien n est moins s r Une jeune femme accompagn e de son enfant de 1 an me dit en fait cette photo c est s r j en ferai rien Je raconterai mon mari cette histoire de sous marin peut tre mais je vais pas lui montrer la photo On le voit le mobile sert ici avant tout appareiller la r action ce qui a surpris la promeneuse famili re des lieux Sans parler de fonction d enregistrement ni de 114 fonction de communication le mobile offre a minima la possibilit de concr tiser la r action ce qui survient il se pr sente comme un dispositif mat riel qui permet de se positionner dans les situations v cues face des moments pittoresques c est dire au sens tymologique des moments dignes d tre d peints photographi s film s racont s ou comment s par un sms Le message qu il produit la saisie ou l enregistrement que constitue cet acte la ou les personnes qui on destine ce contenu ne sont pas le
175. met d inscrire dans un objet qui leur malgr tout devenu familier la sp cificit de leur relation de s urs Le mobile cristallise les r les compl mentaires de chacune le fixe pour Nicole et le mobile pour Mich le Force centrip te et force centrifuge tout se d finit par le centre du foyer vers lequel Nicole cherche ramener les relations sociales et familiales j ai remarqu que derni rement les jeunes reviennent au fixe comme s ils revenaient finalement a 150 la maison et avec lequel Mich le cherche entretenir des liens qu elle sait en voie de distension Quand l une cherche revenir l int rieur l autre assume son r le de jonction avec l ext rieur Le portable se rapporte un fixe pour la premi re elle compose les num ros jusqu l annuler comme t l phone s il devenait une petite t l vision ce serait bien alors qu il permet pour la seconde de maintenir un lien au del du cadre trop troit du fixe 151 Faire sonner pour tre sonn e ou comment profiter d un syst me Lucie 23 ans tudiante vit Rennes Lucie habite seule mais parle pourtant norm ment Etudiante elle partage sa semaine entre les vingt m tres carr s qu elle loue sous les toits et les amphith tres surcharg s de l universit le week end elle r int gre r guli rement le domicile familial Chaque soir elle s endort son portable allum et pos proximit
176. mieux que l appel la transmission des num ros il risque bien plus souvent de produire des quiproquos Conclusion Les diff rents mobiles sous tendant les arbitrages entre les diff rents outils de communication ne dessinent pas de configurations fig es et ne permettent pas vraiment d associer de valeurs fixes aux outils Ils indiquent toutefois la mani re dont s organise une v ritable rh torique individuelle mobilisant des outils multim dias selon un nombre de crit res limit s mais r interpr t s chaque fois par les sujets Les motifs ou mobiles des arbitrages voqu s jusque l ne doivent pas totalement occulter ce qui rel ve de la mat rialit des objets et de l attachement qu on leur porte Si le portable peut devenir un balladeur MP3 au quotidien pour quelqu un qui n en poss de pas ou qui poss de un simple lecteur heureux possesseur d un Ipod ne d tr nera pas cet objet de sa fonction comme nous l ont signifi de nombreux interview s Moi j ai un Ipod je nai pas besoin d un t l phone pour couter de la musique Cela va parfois plus loin Certains s arrangent pour que leurs objets puissent s aligner comme Paul heureux de d couvrir qu il peut mettre en r seau sa Play Station Portable avec son portable Sony Ericsson Walkman Comme a je peux utiliser les donn es de ma carte sony sur l un ou l autre C est bien pour la vid o parce que l cran de la PSP est plus grand Mais
177. mmes ne sont pas plus simples A c t de Cl mentine la taxeuse d complex e qui affirme avec aplomb tous mes amis ont un forfait alors moi je ne vois pas pourquoi jen aurai un on trouve Ferdinand le taxeur malheureux Ben t es toujours susceptible d tre dans la merde il faut toujours tre en bin me avec un mec qui a un portable actif t es d pendant c est p nible de devoir tre dans cette posture tout le temps Le portable il te rappelle comment tu es pr caire Vivement que je trouve une solution pour l argent Finalement si le mobile fait l objet d un partage entre amis ce n est pas sans poser quelques probl mes de r les Quoiqu il en soit on le voit le mobile participe de mani re fondamentale de la constitution et de la plasticit de ces groupes ayant des vocations plus ou moins fortes durer Il organise autant la souplesse de leurs fronti res en se trouvant au c ur du syst me organisationnel de la vie adolescente que leur dynamique interne Voyons partir du cas des adolescents quels autres types de collectifs il permet de configurer 2 2 Des r seaux d anonymes le mobile comme outil de diffusion al atoire L enqu te men e aupr s des jeunes nous a permis de comprendre que le mobile ne produisait pas seulement des rassemblements partir de relations interpersonnelles ni m me de relations d interconnaissance En effet le syst me bluetooth par exemple 63
178. mobile pour voquer le portable mais de Handy das Hand la main insiste tr s pr cis ment sur la dimension pr hensile de l objet Le nom de l objet est d riv de la partie du corps pour laquelle il est con u scellant dans le langage de mani re indissociable le rapport corps objet 31 Le t l phone a une forme qui le rend pr hensile pour que la main s y fasse les accessoires s adaptent eux aussi plus aux organes corporels auxquels ils sont d di s oreillettes pousant la forme du conduit auditif micro qui adopte la ligne du visage micro adapt la bouche et aux l vres L un des enjeux du design est de rendre cette n gociation plus facile plus naturelle de ne pas produire d accident dans l exp rience de l utilisateur Ce travail cens lib rer le corps n en abolit pas pour autant le caract re contraignant du t l phone portable qui reste toujours pour certains un fil la patte produisant parfois un sentiment d ali nation qui se manifeste concr tement Certaines formes sont ainsi cart es parce qu elles occasionnent des gestes sp cifiques jug s inutiles et p nibles comme l indique Paul Ce que je ne voulais pas c tait de clapet Le clapet je trouve que c est un geste en plus l ouvrir le fermer En plus j ai le soup on que c est fragile a se casse le clapet Enfin j ai jamais eu de t l phone clapet mais quand je le vois chez les autres c est un ges
179. mod le le plus original le plus performant le plus remarquable et le souhait d tre la mode ce qui rel ve n cessairement d un certain conformisme Pour toutes ces raisons le fameux doudou des adolescents change souvent de forme Si l objet mobile semble donc de moins en moins personnel il s av re ne pas tre du tout investi comme un objet intime 1 G SIMMEL La mode in Philosophie de la modernit r d Paris Seuil 1981 48 2 2 Les partages audiovisuels Sur le terrain les adolescents nous ont toujours montr leurs mobiles sans g ne nous autorisant sans r serve fouiller dans leurs menus regarder leurs messages visionner leurs vid os En r alit il tendent produire le terminal lui m me comme un v ritable espace de mise en sc ne identitaire et d exposition de soi rompant avec la logique de boite secret Le mobile est un outil pour r aliser des collections audiovisuelles qui s inscrit dans la tendance plus g n rale de go casting Les adolescents passent en effet du temps s lectionner des sonneries choisir des musiques s changer des logos lls t l chargent des vid os se les font passer par diff rents moyens le plus pris tant le syst me bluetooth Fabriquant de petits objets multim dias leur image ils constituent pour les autres de v ritables petits mus es destin s tre visit s Paul 15 ans nous invite par exemple
180. moins cher qu avec le fixe En g n ral elle attend 19h30 parce que Simone est rentr e chez elle cette heure l Je ne voudrais pas la d ranger dans ses activit s elle fait du tennis de la marche C est comme ma fille je nose pas l appeler sur son portable parce que j ai peur qu elle soit au volant par exemple Elle s est d j fait pincer une fois Ses petits enfants l appellent eux m mes et toujours sur le fixe Eux ne r pondent pas vraiment sur les portables et Georgette a horreur de laisser des messages Je sais bien qu il faut au moins leur dire que j ai appel mais je ne m y fais pas ces r pondeurs Si Georgette s est entra n e pr cautionneusement elle d plore un peu de n avoir pas beaucoup l usage de son t l phone Elle sait par exemple couter les messages mais n en re oit jamais Une fois le t l phone a sonn dans le bus J tais un peu g n e de r pondre alors j ai attendu Une fois sortie je me suis d p ch e J ai appel la 138 messagerie a va tout seul j ai entendu la voix de mon petit fils J tais tellement contente que je n ai m me pas cout jusqu au bout a la rassure aujourd hui d avoir un portable m me si elle doit r fl chir pour se rem morer les rares situations o il lui a effectivement servi quelque chose Il y a bien eu quand m me le jour de la gr ve des bus Lyon J ai pu appeler mon mari pour lui dire que je n
181. mporaine Ayant invent ou prolongeant des gestes lui pr existant le mobile s est ancr dans notre m moire gestuelle au point de rendre certaines attitudes inoubliables II s est gliss dans les r pertoires gestuels personnels autant qu il a redessin le mouvement des foules en produisant des chor graphies in dites Cette dimension d j indiqu e dans notre rapport de 2005 s est non seulement renforc e mais se trouve galement redoubl e aujourd hui par les usages filmiques et photographiques qui se g n ralisent progressivement Le mobile est finalement le dernier objet avoir red fini les conditions de production esth tiques Nouvel art moyen multim dia il permet d interroger les formes et le statut des pratiques amateurs Elles se situent entre le film et la photographie familiale qu il contribue d sacraliser en saisissant autre chose que du bonheur fig le journalisme ordinaire ou citoyen l aff t d v nements ou d l ment pittoresques des sortes de ha ku d il et la mise en sc ne de soi ou les performances spectaculaires convoquant des r f rences m diatiques de divers horizons Outil privil gi d une r flexivit ainsi que nous l apprennent les nombreux artistes ayant contribu ouvrir au mobile le monde de l art il nous rappelle sans cesse par ses pi tres images la primaut des actes 132 8 femmes au t l phone Quand on me pr te un portable je fouil
182. n voquant le mobile en famille que les forfaits pouvaient produire en eux m mes de v ritables sc nes sociales c est dire organiser des rendez vous pour optimiser les forfaits Cette dimension de forfaitisation des usages et les principes d conomie g n rale qui la sous tendent participent de l mergence de convenances t l phoniques qui prolongent les convenances li es aux rapports d argent Des principes de politesse s affirment au del des formats de la communication La rentabilisation consentie comme un mode pertinent de l change ne doit pas se manifester trop ostensiblement S il n est pas inconvenant d voquer des arguments financiers pour limiter les frais de la conversation en passant du SMS l appel du portable au fixe ou en reportant des rendez vous ces n gociations 68 ne sont pas toujours accept es et peuvent m me tre consid r es comme malvenues dans certains cas Daniel par exemple engage facilement des conversations sur son portable m me s il garde conscience que cela est plus cher que sur du fixe mais il ne va pas passer du portable au fixe car cela lui para t impoli et mesquin tu commences une conversation au portable tu la finis au portable cela reste g nant de parler d argent et de changer d appareil L autre exemple serait celui d Omri qui va plus loin dans ses communications Comme il n utilise que le portable qu il s en fout de l a
183. n d accomplissement et de concr tisation d une id e d une impression d un projet d une exp rience Le mobile permet de r aliser ce besoin travers un acte de communication mais aussi en dehors ou en de de la communication et ce travers ses usages communicants appeler envoyer un sms un mms aussi bien qu travers ses usages non communicants jouer g rer son carnet d adresse relire un sms re us regarder des photos En 2005 nous avions d j un peu d stabilis ce qu on entend commun ment par Tusage d un objet technique en constatant qu un des usages majeurs que les utilisateurs faisaient de leur mobile tait tout bonnement d en parler Pr tendre que agir est une fa on de faire usage de son mobile est une tentative du m me ordre Il s agit d examiner une forme d usage qui n est jamais pris en compte alors m me qu elle appara t aujourd hui pr pond rante quand le mobile est un moyen de prendre acte de faire face d avoir prise sur de r agir d acter de garder ou de prendre la main de redevenir acteur ou actif dans des situations o l on s prouve priv d un sentiment d action 111 1 Le mobile face ce ce qui advient 1 1 Quand la r f rence prime sur la relation Ce qui suit prolonge une analyse d j men e de la communication mobile comme exp rience de reconfiguration active de l espace et du temps En effet comme l avait mo
184. n escapade amoureuse avec son compagnon Triste temps Allez courage encore quelques m tres re oit Anne d une amie qui tente de lui envoyer l intensit d une attention de soutien 4 Une d sacralisation de la photographie et du film de famille La d multiplication des occasions photographiques et filmiques et le caract re instantan de ce que le mobile rend possible joue un r le assez important dans la mani re de transformer sa vie personnelle et en particulier sa vie familiale en images Alors que dans les ann es 1960 Pierre Bourdieu et l quipe de chercheurs qu il coordonnait montraient que la premi re fonction sociale de la photographie familiale tait de consolider voire de produire le mythe de la famille le mobile s inscrit dans un vaste mouvement de d sacralisation de ce type de pratique Dans les ann es 1960 le mythe familial tait surtout un mythe des origines il s agissait par le biais des photographies de groupe de pouvoir t moigner des lign es et de l h r dit par le jeu des ressemblances et des dissemblances Depuis les pratiques familiales se sont ouvertes vers des moments de prise de vue un peu moins officiels que les grands v nements familiaux naissances bapt mes mariages en d multipliant les moments dignes d tre photographi s non plus seulement les moments officiels donc mais d autres f tes comme les anniversaires No l ou encore les voyages touristiques Faut il rapp
185. n et indiquant la qu te d une discipline communicationnelle L analyse de nos entretiens nous avait conduits mettre au jour une sorte de communaut de ranc ur dont nous avions montr qu elle tait toutefois difficile retrouver sur le terrain En effet si les plaintes les critiques voire les exasp rations revenaient lorsque les gens parlaient du mobile elles ne se donnaient pas voir dans les multiples situations que nous avions observ es Le t l phone mobile apparaissait comme un r v lateur cristallisant des attentes normatives en terme de civilit que nous avions qualifi es de qu te d une discipline communicationnelle alors qu en Rapport GRIPIC 2005 66 pratique le mobile donnait plut t lieu une forme de d viance g n ralis e M me ceux cens s faire respecter les r gles pouvaient tre conduits les enfreindre contribuant finalement une sorte de tol rance plus ou moins g n ralis e L change incessant des r les contradictoires selon l expression de Erving Goffman finissait par produire une communaut compatissante Qu en est il en 2007 de l incivilit mobile Si les manifestations de g ne ou les crispations semblent avoir globalement disparu des sc nes publiques et de la plupart des lieux du quotidien certaines situations semblent particuli rement perturb es par une introduction devenue massive voquons par exemple ce qui joue avec le
186. n pour les enfants comme le souligne par exemple Yvonne propos de ses deux filles de 16 et 19 ans Mon mari et moi pr f rons qu elles g rent elles m mes C est pour a que nous n avons jamais opt pour le forfait bloqu cette d pense il faut aussi qu elle ait une fonction p dagogique Elles s occupent de tout toutes seules payer la facture g rer les d passements et changer de forfait s il le faut Evidemment en cas de d passement je les aide en douce mon mari lui est plus radical La relation maternante d apprentissage la gestion devient un mod le de relation qui peut se nouer autour du t l phone C est une relation que certaines 56 m res clientes souhaitent ou appr cient de voir s installer avec l op rateur c est ce que nous dit par exemple cette m re c libataire de 43 ans infirmi re Quand ma fille a d pass beaucoup j ai une grande discussion avec elle on essaye de trouver des solutions ensemble et ensuite a rentre dans l ordre jusqu qu il y ait un nouveau probl me li par exemple une nouvelle fonction qu elle d couvre Moi c est pareil j appr cie que mon op rateur m appelle pour me dire que j ai de fr quents d passements et qu il y a une solution plus avantageuse trouver Cet apprentissage est souvent mis en relation par les interview s avec celui que dispensent les enfants aux parents l initiation la technologie Ce double apprentis
187. n sur un mode ludique et celles relevant proprement parler du happy slapping Il ne faut toutefois pas en d duire trop simplement une forme de banalisation du mal ni incriminer trop directement l outil S il conduit produire et faire circuler des images frappantes il faut tr s nettement distinguer les niveaux d engagement des 107 sujets dans ces usages Le psychiatre et psychanalyste Serges Tisseron a montr combien il tait n cessaire pour comprendre ce qui se joue dans nos rapports aux images violentes et plus particuli rement ce qui se joue pour les enfants et les adolescents de prendre au s rieux leurs conditions de visionnage Le fait de les collectionner de les montrer voire de s en inspirer pour des imitations sur un mode fictif c est dire sur un mode du je fais comme si c tait vrai mais je sais que c est faux n implique pas une adh sion mais au contraire une forme de distance qui s op re par la manipulation et l action S agr geant diverses esth tiques le mobile repose de mani re cruciale la question d une ducation l image 6 Un outil de la r flexivit Par les liens que les images mobiles entretiennent avec les autres images qui sont produites et circulent dans la soci t cet appareil invite interroger de mani re d cal e notre rapport aux images et aux dispositifs qui les produisent C est l une des caract ristiques du mobile de se pr senter comme un outi
188. nce de l objet est tr s souvent voqu e sur un mode humoristique comme dans le film Coup de fil rasoir de Ronan Fournier Christol o le r alisateur se montre en train de se raser devant un miroir avec son t l phone lectrique la main Son t l phone sonne il r pond qu il n entend rien qu il est en retard qu il se rase et que son interlocuteur doit parler plus fort jusqu ce qu il s aper oive qu il est en train de parler dans son rasoir En sens inverse un film amateur visionn sur youtube montre les usages d multipli s du mobile servant la fois de rasoir au mari ou de fer repasser la grand m re Le film s ach ve en ext rieur par une sc ne o l on voit la m me grand m re se promener son t l phone la main et ce qui ressemble vaguement des oreillettes autour du cou Un individu en scooter lui vole l appareil l arrach e Elle manipule alors l oreillette et le scooter explose Un objet qui sert tout Les situations ordinaires et l occupation du temps sont par exemple voqu es dans un moyen m trage intitul La Parole lectrique r alis Tokyo par Erik Bullot Apr s plusieurs plans de fils lectriques le film se poursuit dans un m tro par une succession de plans d utilisateurs en train de regarder leur t l phone mobile Eric Bullot crit Je filme le m tro de Tokyo passagers dormeurs jeunes femmes au t l phone Je l ve le mobile la hauteur de mon visage c
189. ne machine crire des SMS un appareil photo un r veil une messagerie lectronique ou encore bien s r un t l phone il est v cu comme un objet unique chaque fois r invent comme plein par son utilisateur Ce n est donc plus limage du couteau suisse labor e par Serge Tisseron qui semble le mieux rendre compte de la polyvalence de l objet Les nouveaux usages s inscrivent dans une panoplie augment e qui comprend les objets dont disposent les destinataires des messages Les logiques d arbitrage entre les diff rents outils communicants de cette panoplie ne rel vent pas simplement d une qu te d optimisation mais bien d une recherche d effets sur l autre faisant intervenir une pluralit de facteurs Parmi eux le co t joue une place importante et ambivalente Le souci d une gestion conomique rencontre galement des formes de d ni pouvant conduire des d bordements ou des d passements La posture de ma trise que nous avions mise en vidence en 2005 nous semble aujourd hui plus pr caire en ce qui concerne le rapport largent comme en ce qui concerne les relations l objet en tant que tel Si ma trise il y a il s agit dune ma trise 19 R ODIN Les films de famille de merveilleux documents Approche s mio pragmatique in Le film de famille Actes du colloque sous la direction de Nathalie Tousignant Bruxelles Publication de la Facult Universitaire de Saint Louis 2004
190. nique Pour conclure en quelques propositions simples si le plaisir de l usage du mobile est comparable au plaisir de l immersion dans la fiction c est parce que Ce sont des plaisirs anticip s qui supposent une mise en condition e Ils superposent et entrem lent les niveaux d exp rience e IIS reposent tous deux sur une combinatoire d vasion et de m canismes de contr les e Ils produisent leur fa on des leurres perceptifs qui se traduisent par des r actions motrices particuli res une perception intensifi e de la dur e 2 M me si le discours utilitariste masque tr s largement cet usage Voir sur ce point J LAPLANCHE et J B PONTALIS Principe de plaisir Vocabulaire de la psychanalyse Paris PUF 1967 124 e Ils suscitent des ph nom nes que les utilisateurs qualifient de d pendance ou d addiction 6 5 La communication comme fiction Une lecture des th ories anti mobile Cette analogie avec la fiction a beau clairer des dimensions cl de l exp rience t l phonique elle comporte bien s r des limites videntes nous ne sommes pas avec une conversation t l phonique mobile dans le cadre d un art ou d une technique mim tique i e qui repose sur limitation comme dans les films de fiction ou des romans ce qui fait fonctionner notre activit imaginative et nous immerge ou nous absorbe nest pas dans le cas d une communication t l phonique un simulacre construit
191. ns le message multim dia mobile entre tension d authentification et performativit discursive Intervention aux Doctoriales de la SFIC 2005 Nous n tudierons pas dans le cadre de ce rapport le travail sp cifique du MMS qui consiste comme l indique Bertrand Horel en une activit de montage et d ordonnancement des documents linguistiques et visuels mais nous nous concentrerons sur la part proprement visuelle des productions mobiles Nombreux sont ceux qui annoncent un avenir mobile pour la cr ation musicale De fait les artistes sont d j enjoints de produire des titres pour t l phones portables et la composition de sonneries est une activit qui peut tre tr s r mun ratrice pour les artistes 8 R BARTHES La chambre claire Paris Seuil 1980 p 182 R BARTHES op cit p 182 93 L analyse des productions visuelles mobiles ne peut se faire sans une prise en compte des conditions de production qui comprennent la fois les situations de prise de vue et l avenir des images L une des caract ristiques essentielles du mobile consiste en effet en l association ins parable d un outil de production appareil photographie et cam ra et d un outil de diffusion Le mobile se pr sente en effet autant comme un album photo voire une galerie mus ale que comme une petite visionneuse portative que certains qualifient m me de quatri me cran apr s le cin ma la t l vision l ordinateur Nous ne s pa
192. ns une poche lue cet effet et qui contient galement son chargeur et son pr cieux carnet d adresses Fonctions verrouillage du clavier messagerie appel de portable portable Georgette conna t quelques unes des expressions li es lunivers de la t l phonie mobile Curieuse et pragmatique elle s est tout de suite appliqu e comprendre l utilisation de son petit t l phone C est d abord mon petit fils qui ma montr Quand j ai un probl me je demande ma fille Elle se d brouille bien ou alors ma petite s ur Simone Elle est toujours pendue au portable Il est greff dans sa main comme on dit Si elle sait effectivement appeler et recevoir des appels si elle verrouille manuellement son clavier et peut couter ses messages vocaux Georgette consulte souvent le manuel d utilisation le petit livre comme elle dit pour en savoir plus ce qui m nerve c est que je ne comprends pas l histoire de la petite enveloppe couter les messages c est facile il faut faire 1 2 3 a va tout seul Mais cette petite enveloppe qui clignote je ne comprends pas Alors je trifouille moi 137 aussi je tripote comme les jeunes J avoue que a m amuse Un jour j ai vu sur ma facture que j avais envoy un testo sans savoir Apr s jai compris que c tait a les enveloppes Parce que quand j coutais les messages on me disait toujours que je n en avais pas
193. nt quand m me pas des vraies photos On ne les tire pas de toute fa on ces images Je ne sais m me pas o elles sont pass es je crois bien que je les ai effac es sans faire expr s Autant d expressions qui tendent disqualifier les images mobiles par rapport aux autres photographies Ce sont en effet des images qui ne sont g n ralement pas imprim es et qui sont soumises aux al as sp cifiques des t l phones mobiles Nous les perdons nous les effa ons faute de place nous les oublions au fond des menus M me quand les sujets les conservent de mani re organis e en les archivant sur leurs ordinateurs ils ont tendance les consid rer d assez loin La circulation m me des images et leurs m tamorphoses de supports en support participe de leur fragilit en les d sacralisant comme image 2 2 A vrai dire on n y voit rien Bouillies de pixels images sombres cadrages approximatifs mouvements d appareil incontr l s Les images mobiles sont loin d avoir dans la pratique le niveau de d finition sans cesse annonc dans les discours promotionnels Dans un grand nombre de cas il faut le reconna tre on n y voit rien Mathieu 30 ans nous raconte amus Une connaissance me montrait il y a quelques jours les photos de ses enfants sur son portable Il tait tout fier d eux J tais un peu g n je n ai m me pas distingu le petit gar on de la petite fille
194. nt qui consiste nous payer une coute et imposer l autre un temps de conversation sous pr texte que la communication est notre charge Toute une gamme de comportements s inscrit entre ces diff rents p les Il en est finalement du portable comme du restaurant payer l addition t l phonique convoque des r gles de politesse et de savoir vivre sp cifiques avec lesquelles jouent les utilisateurs Le mobile n invente pas de nouvelles relations mais tend la place de cette structuration conomique en dessinant un 69 espace relationnel dans lequel elle se rejoue Cette structuration entre en r sonance avec des convenances plus directement communicationnelles 1 2 Une joignabilit non intrusive le tact mobile Nous avions montr en 2005 que la joignabilit des personnes associ e au t l phone mobile tait en pratique constamment d jou e par les gens Ils d ployaient des strat gies afin de se rendre indisponibles et de diff rer les contacts La contrainte du rappel tait toutefois si souvent exprim e par nos interview s qu elle dessinait les contours d un v ritable mythe En 2007 il n est pas excessif d affirmer que la joignabilit n est plus un mythe En effet le mobile s est progressivement institu dans les pratiques comme l outil d une joignabilit non intrusive et plus respectueuse de l autre Contrairement ce qui s exprimait en 2005 on ne se sent d sormais plus autant oblig
195. ntexte de la contrainte et du plaisir d tre situ comme le montrent au mieux leurs comportements de mise en condition en vue d un moment t l phonique agr able et au pire leurs efforts pour r duire l inconfort En somme si la communication mobile est une fiction alors ce devrait tre une fiction r aliste et non un roman de science fiction comme l crivent sans le dire les nouveaux philosophes du t l phone portable et comme a crit sa fa on virtuose Stephen King dans son dernier roman Cellular o les t l phonistes mobiles sont en effet transform s en zombis si phon s Prenons ici l exemple de la f te l poque du portable nous sommes chez Pierre f te n 1 mais un SMS nous a pr venu qu il existe aussi en m me temps une f te qui se d roule chez Marie f te 2 Edwige nous pr vient par ailleurs sur le r pondeur qu il y a une petite sauterie chez elle en ce moment et Jean Edouard vient de nous appeler entre deux morceaux nous avons entendu la sonnerie parce qu on s amuse beaucoup chez lui les gens dansent etc Une tristesse gagne alors notre esprit on s amuse mieux chez Jean Edouard sans oublier que chez Edwige les cocktails sont magnifiques Et nous savons bien que chez Marie il y a souvent des gens qu on ne rencontre pas ailleurs Quel dilemme quelle souffrance dans le supermarch de la vie ibid p 13 Par exemple vivant en Italie c est di
196. ntr l enqu te du GRIPIC en 2005 et rebours de ce que proposait Francis Jaur guiberry l exp rience que font les t l phonistes de l espace et du temps n est pas de l ordre de l oubli ou d un effacement du r el qui se ferait au profit de la conversation t l phonique et d un espace virtuel de la communication Bien au contraire les t l phonistes mobiles sont solidement amarr s aux lieux ils les r inventent jouent de leurs contraintes et des opportunit s qu ils offrent et se cr ent de nouvelles g ographies faites de savoir sur les zones o a ne capte pas ou sur les niches conversationnelles Et loin d tre uniquement soumis au temps de la conversation les t l phonistes param trent leurs changes en fonction du temps qu ils ont devant eux et vivent une exp rience de temps m l s qui ne prive d aucune de ses pr rogatives la situation dans laquelle ils s inscrivent physiquement En somme les effets des communications t l phoniques sont bien plus riches plus denses et plus composites que ne le laisse penser l image d une bulle ou d un ailleurs o s aboliraient le temps et l espace Toutefois en parlant du mobile comme outil de l action nous tentons autre chose faire voir une dimension de l exp rience qui ne concerne pas seulement la perception du temps et de l espace mais v nement entendu tout bonnement comme ce qui arrive tout chac
197. nts Elles forment un couple marqu par une extraordinaire compl mentarit Mich le est l a n e Toutes deux reconnaissent qu elle est le moteur sur les questions technologiques au sens le plus large Elle initie les achats les usages les appropriations et les d cisions C est galement elle qui pratique le plus la t l vision et les m dias en g n ral c est elle qui g re le budget et qui s occupe de trouver les affaires faire En bref Mich le c est conome du foyer C est donc Mich le qui a d cid l acquisition d un portable il y a d j huit ans Elle tait encore active alors que Nicole tait d j retrait e Mais l enjeu de cette d cision tait li une situation pratique qui en a montr l utilit Toutes deux avaient rat un avion et se sont retrouv es seules attendre l a roport ne pouvant pas pr venir facilement leur famille Nicole a alors convaincu Mich le de l opportunit d un tel investissement L achat s est alors motiv en fonction de leur situation de couple puisqu elles ont souscrit un contrat duo chez SFR qu elles ont encore l heure actuelle Ce forfait leur permet de b n ficier d un temps de communication gratuit entre leurs deux num ros de t l phone soit une demie heure Si elles sont ainsi reli es par le forfait elles sont tr s diff rentes dans leurs usages Mich le change r guli rement d appareils et cherche une certaine nouveau
198. o le monde invent n a pas effac le monde r el il est superpos L effet de cette superposition peut tre heureux ou malheureux il fait bon je sirote un jus d orange dans mon fauteuil pr f r et ce roman est prenant ou j ai mal au ventre je d teste le parfum de mon voisin et je n arrive pas entrer dans ce film comme avec un t l phone mobile les personnes interrog es disent avoir v cu des moments d sagr ables ou d autres v ritablement plaisants Dans ce type d valuation les circonstances jouent un r le d terminant 6 3 Le bien tre t l phonique ou l usage comme plaisir La comparaison avec l exp rience de la fiction nous permet donc de mettre l accent sur une id e rarement voqu e qu il y va du plaisir et du d plaisir dans l usage du t l phone mobile et pas seulement comme nous l avions soulign en 2005 de la Dans Un roi sans divertissement cit par Jean Marie Schaeffer ibid 121 comp tence de la performance capacit s de g rer les contraintes concernant l argent les autres le temps ou encore d une intelligence des situations Un homme dans un hypermarch appelle sa compagne pour lui demander ce qu elle veut manger ce soir puis commence le r cit de son d jeuner avec leur ami Jean Paul qui va tr s mal en ce moment parce que sa femme l a quitt e et voil que l homme quitte le rayon frais en laissant son caddie pour d a
199. objet par rapport au sujet Elles r v lent une fronti re constitutive du territoire du soi selon l expression d Erving Goffman En conclusion le mobile peut tour tour tre consid r comme un quasi sujet avec lequel il faut n gocier de mani re symbolique comme un objet mat riel avec ses caract ristiques plastiques auxquelles personne n est tout fait insensible en terme de tacticilit de portabilit mais galement d esth tique M me Georgette 83 ans propri taire depuis 3 ans d un portable qui lui a t impos par sa fille et qui s en sert peu avoue avoir choisi un petit mod le pour faire comme 1 E GOFFMAN La mise en sc ne de la vie quotidienne Paris Minuit 1977 39 les jeunes et imagine que si elle en changeait elle en prendrait un avec un couvercle c est tout de m me mieux Le portable s il peut galement se faire oublier et devenir une sorte de prolongement de corps de l oreille de la bouche de la main on l essuie d ailleurs sur son pantalon comme on y frotte ses mains est sans cesse ramen sa pr hension tactile qui en fait une petite boite cran et touches sur laquelle on appuie Les processus d apprentissage la facilit qu prouvent certains ou au contraire les r sistances de nombreux autres r v lent une tension qui traverse l usage entre la manipulation d un objet et la mise en uvre de modalit de lecture de ce qui se passe sur l c
200. olutions en cours mais galement pour introduire de nouveaux param tres et d caler un peu le point de vue d velopp en 2005 Ainsi par exemple nous a t il paru important dans cette seconde dition de pr ter une plus grande attention aux questions g n rationnelles ou de prendre au s rieux la place du co t et des relations largent qui se trouvent non pas la marge mais bien au c ur des usages mobiles D autres th mes sont venus du travail empirique comme la d cision de se pencher sur l intervention du mobile dans l esth tique quotidienne non plus sous l angle des repr sentations du mobile au cin ma dans les fictions romanesques ou encore dans la publicit comme nous l avions fait en 2005 mais bien du point de vue de ce que le mobile suscite par ses nouvelles fonctions un renouveau des pratiques amateurs de production visuelle R alis e dans le cadre de la soci t Discours amp Pratiques par trois chercheurs de la premi re quipe Anne Jarrigeon Jo lle Menrath et Julien Tassel associ s Olivier A m et Camille Brachet tous membres du GRIPIC cette deuxi me dition s inscrit dans la suite de la premi re dont elle prolonge les questionnements et reprend une large part de la m thodologie Comme en 2005 notre approche reste tr s qualitative et ne vise pas produire de grandes lois macro sociologiques ni des cat gories d utilisateurs mais se focalise sur les situations concr tes d usage du mo
201. omme entre amis Claire 37 ans institutrice explique par exemple Depuis que tout le monde a un portable je me dis qu il faut savoir profiter aussi des forfaits des autres pas forc ment t l phoner moins mais t l phoner mieux Dans le cercle familial cette gestion strat gique est facilit e par la cohabitation ainsi le week end Paulette utilise t elle syst matiquement le mobile de son mari pour appeler les fixes et les portables compatibles alors que lui utilisera son mobile elle tous les soirs de la semaine Optimiser son forfait n cessite de d passer le niveau strictement individuel et de penser en termes de combinatoire collective entre plusieurs canaux et plusieurs types de forfaits Les types de relations contractuelles avec l op rateur forfait ou pr 55 pay s interviennent alors dans les arbitrages comme des outils de communication appellera t on d un fixe ou d un mobile illimit le soir J appelle ma copine SFR le soir parce que je paye pas partir de 20 heures et le WE c est elle Mon fr re lui m appelle toujours la journ e du t l phone fixe de son travail Aur lie 18 ans Enfin la pr gnance de la question du co t a contribu au d veloppement au sein du domicile familial de pratiques d usages partag s l instar du r le que joue le fixe pour les communications vers des fixes certains mobiles au sein des foyers assument tr s facilement le r le de mo
202. omme tout un chacun semblant consulter mon propre cran alors que l il de cyclope au verso de la bo te grise enregistre la sc ne La discr tion est totale Je suis un agent secret Je repense au beau projet de Walker Evans portraiturant les usagers du m tro de New York de 1938 1941 en vue d un livre rest en suspens The Passengers Fascin par la tristesse et la douceur des visages Pour op rer Walker Evans dissimule son appareil dans une sorte de bo te chaussures trou es En filmant jour apr s jour dans le m tro de Tokyo je m aper ois que ce petit t l phone mobile dont j explorais les puissances a trouv ici sa raison Lui seul concilie la discr tion du voyeur et la proximit de la prise de vue Le film devient un trange face face un duel au t l phone entre le cin aste et ses mod les Les rapports de localisation la r flexion sur la m moire et la fabrication des souvenirs au pr sent au c ur du dernier film mobile de l artiste Alain Fleischer Chinese Tracks qui propose un parcours d une demi heure dans un quartier en voie de r habilitation de Shanghai o il s est rendu la veille avec un ami vivant l bas Il cherche retrouver une porte grise derri re laquelle dit il se trouve la plus belle fille de Shanghai Prenant au s rieux le fait qu un t l phone n est pas une cam ra comme les autres mais un appareil sans viseur et sans v ritable cadre Alain Fleischer se
203. ompagner dans son magasin de t l phonie mobile ou s il n est pas disponible au moment voulu de la pr parer l change avec le vendeur Il ma dit tu lui demandes 3 choses si c est 3G combien de m ga pour l appareil photo et surtout tu prends pas un coulissant A l instar de Marine nombreux sont ceux qui s arment de conseils d experts de leur entourage pour se pr parer au choix on note une tendance au choix sur quip pour employer un terme utilis par les sociologues et anthropologues des relations marchandes et qui d signe le savoir pr alable qu on fait intervenir dans l interaction avec le vendeur Or l expertise d un proche est un l ment cl de l quipement du choix il suffit d observer les sc nes d change avec les vendeurs pour constater que les chalands font tr s souvent r f rence un conseiller personnel ou consultent une liste de questions ou d indications Face l expert se trouve videmment son inverse c est dire une personne qui s annonce ou s affiche comme n ophyte n y connaissant rien par contraste avec celui qui est consult en cas de probl me ou de situation de choix 1 4 Les relations familiales mobiles Les usages du mobile en famille apparaissent comme l expression invers e des modes de relations familiales Deux configurations se sont dessin es dans les familles que nous avons rencontr es 23 E Cochoy Sociologie du
204. onstration Il ne peut tre consid r comme un doublon des autres appareils L une des grandes sp cificit s du point de vue des conditions de r alisation des images consiste en la d multiplication des occasions d en faire L appareil photographique ou la cam ra mobile sont en effet des objets que nous avons toujours avec nous De ce fait cela rend possible de transformer chaque moment de la vie quotidienne en images R BARTHES op cit 100 3 1 Une d multiplication des occasions ou faire des images tout le temps Les usages semblent soumis tr s pr cis ment au r gime du kairos c est dire de l occasion L inattendu l impr vu voire le surprenant ont donc une place privil gi e dans ce qui motive ou d clenche les actes photographiques De ce point de vue le mobile rejoint un fantasme partag par un certain nombre et qui consiste imaginer faire des films tout le temps pour reprendre l expression de l artiste Christophe Atab kian qui met au point une sorte de journal intime mobile Le mobile permet potentiellement de faire de sa vie les coulisses d un album ou d un grand film venir Dans la pratique ceux qui en font beaucoup se posent la question de ce qu il faut faire des images une fois qu elles ont t montr es dans leur forme brute sur le mobile De mani re humoristique Mogwai propose par exemple de r inventer le r el en mixant et montant diff rents moments saisis sur le vif I
205. ontiers dans le 73 lieu Ces moments de vie familiaux ont beau tre travers s par les rappels l ordre parentaux et l affirmation de principes de savoir vivre les usages du t l phone mobile ne sont jamais voqu s Autrement dit l usage du portable n est pas per u comme une menace pour cette exp rience de vie commune largie comme peuvent l tre les cris des enfants dans les couloirs ou l irrespect de l ordre qui pr side une file d attente La motivation du non usage est d un autre ordre ce n est pas l image publique du portable qui est en jeu et qui infl chit les comportements Il s agit bien plut t d une r forme de soi et de ses relations avec leurs proches que tentent d instaurer les vacanciers r forme facilit e par le lieu comme les cours de body sculpt facilitent la discipline sportive du corps Ce silence des portables s explique d abord par la pratique particuli re de la sociabilit familiale le recentrement sur les membres de la famille qui est le propre de ces s jours de ski suppose chez les parents des modes d activit d di s con us comme minimalistes par contraste avec le mode multi t che du quotidien On est l pour tre temps plein avec les enfants Pour une fois faire une chose la fois m occuper des enfants Ainsi s expriment une m re de 35 ans et un p re de 55 ans seul avec ses 3 enfants Faire l conomie du portable rel ve de cette tentat
206. orporelle c est d s lors un objet qu on emporte puis qu on porte avec soi un objet fait pour tre directement et le plus possible en contact avec le corps La miniaturisation des appareils t moigne de la volont de rendre l objet de plus en plus trans portable toujours plus l ger toujours plus mince Elle l assure galement d une relation sans entrave avec le corps Le design fonctionnel qui cherche adapter le t l phone la morphologie t moigne bien videmment de la m me volont Un des crit res qui revient le plus souvent sur les forums qui discutent de la s lection de tel ou tel t l phone portable est ainsi la prise en main Une bonne prise para t essentielle nombre d utilisateurs On touche la perfection Une prise en main exemplaire Une finesse incroyable et un design sans pareil A ce prix l c est de tr s bonne facture Tr s l gant et extra fin tr s bonne prise en main Je viens de l avoir et il est g nial prise en main rapide Exemplaire bonne rapide il s agit de faciliter le contact de faire de la manipulation du t l phone une exp rience fluide efficace voire agr able Le rev tement et la texture des touches sont vraiment agr ables il faut l avoir en main Les deux seuls b mols sont le clapet de l APN excroissance au dos du t l phone et qui ne cesse de s ouvrir La langue allemande qui ne parle pas de
207. orresponde chaque fois des actions diff rentes Des fois je tai demand mais tu ne me r ponds jamais bien parce que c est tellement vident pour vous les jeunes que tu vas trop vite tu fais tac tac tac et puis le truc est pass je nai rien vu Alors j ai repris j ai recommenc et puis les choses se sont claircies car j ai compris En essayant de bidouiller moi m me et puis en faisant attention car je suis comme tout le monde parfois je ne suis pas attentive aux choses Mes copines sont plus dou es que moi car elles font toutes de l ordinateur depuis plus longtemps En effet les signes indiqu s sur les touches du clavier ne sont g n ralement pas pratiqu s comme des signes lire la gestuelle pr vaut l intellection des fonctionnalit s de l objet et ce chez les personnes g es comme chez les plus jeunes Ceux ci s empressent souvent d oublier ce qu ils ont accept de regarder tr s provisoirement comme des signes lire et sont donc bien maladroits dans leur tentative d apprentissage aux a n s Ainsi de Martin 22 ans que nous avons observ alors qu il r pondait la demande d une dame g e 85 ans qui lui dit qu elle aimerait elle aussi se servir des messages crits et pas seulement faire avec la voix C est facile dit le jeune homme pour faire A par exemple vous appuyez l O a l r pond la vielle dame qui a chauss ses lunettes Sur le 2 et pour fair
208. os traduisent quel point les anciens r flexes de th saurisation ont laiss des traces ind l biles D ailleurs lorsqu on interroge ses amis ceux qui ont fait pression pour qu elle passe au forfait ils avouent tre un peu d us du r sultat En fait Clara ne nous appelle pas davantage soit elle ne s est pas encore d barrass e de ces mauvaises habitudes soit cela n avait rien voir avec son cr dit Pourtant son rapport l objet t l phone a bien chang elle le trouve mignon elle a soigneusement choisi son mod le en fonction de plusieurs crit res esth tiques Le 144 clapet d abord sans doute parce que cela symbolisait un r el changement la couleur ensuite puis la texture aussi J adore ce gris mat c est vraiment joli C est amusant car lors de notre premi re rencontre Clara semblait totalement d sint ress e par l allure de son t l phone mobile elle en avait un parce que c tait pratique en cas d urgence C tait utilitaire un point c est tout Son premier portable ses parents le lui avait achet quand elle a quitt le foyer familial elle avait de la route faire seule donc par s curit c tait indispensable Aujourd hui quand on lui demande pour quelle raison elle s tait quip e de son tout premier portable elle nous dit que c est parce qu elle en avait envie c est quand m me agr able de pouvoir joindre et tre jointe o qu on soit Bref
209. oubliais mes lunettes et je suis tr s myope L important est d tre muni de son mobile Ensuite advienne que voudra je suis quip d une capacit r agir A cet gard les usages observ s dans les espaces publics montrent que si le destinataire ou l interlocuteur peut tre interchangeable quand il s agit avant tout de r agir une situation les diverses fonctions du mobile peuvent l tre aussi Une chose est de se saisir de l outil dans une situation donn e une autre de savoir ce qu on va en faire pr cis ment Devant Elton John je peux soit appeler soit envoyer un message soit prendre une photo que je garderai par devers moi ou que j enverrai une amie ou mon fils les possibilit s sont multiples et souvent les h sitations se marquent dans les gestes des personnes que l on voit faire Mais quoi que l on choisisse de faire devant Elton John on aura pris une part active la sc ne Un autre usage du portable qui n tait jamais voqu il y a encore deux ans de cela nous semble aujourd hui r v lateur de cette valeur r active conf r e l outil il s agit du mobile dictaphone des utilisateurs postiches du mobile ceux qui pour assouvir leur besoin de parler dans la rue font semblant d tre en communication C est le cas d Alice une journaliste de 37 ans qui nous confie qu elle r alise ainsi son envie de parler tout haut en marchant Le mobile app
210. oup de sollicitations ne sachant trop comment se soustraire celles qui se pr sentent de mani re directe comme les rencontres ou les conversations de visu il tend adopter une forme d indisponibilit absolue concernant le mobile St phane ne r pond quasiment jamais oublie de charger son t l phone le perd r guli rement n coute jamais ses messages lit peine ses SMS Il ne faudrait pas en d duire qu il utilise peu cet objet bien au contraire il appelle beaucoup laisse de longs messages ses amis dont il n coute pas forc ment les r ponses Il renverse ainsi par sa relation au mobile cette obligation de pr sence tr s forte laquelle il se contraint lorsqu il voit les gens en vrai Les quelques cas pr sent s jusque l montrent bien une dynamique de conjugaison des diff rents outils selon plusieurs modalit s la discrimination ponctuelle de fait sans qu il soit r ellement possible de parler de logiques concurrentielles ou des pratiques de substitution sur le long terme 18 la continuit voire la superposition des activit s pouvant aller jusqu une v ritable saturation comme dans le cas de Philippe un jeune photographe qui passe une partie de ses journ es devant son ordinateur et le portable la main Il coute de la musique par le biais dun Mac G5 lui m me reli des enceintes il surfe sur internet la recherche d informations professionnelles bourses concours de
211. ouvent cela inutile qui disent que c est un ph nom ne de mode Elle trouve cela bizarre car elle ne pourrait pas comme eux s en passer Je comprends qu ils n en aient pas parce qu ils habitent dans le m me immeuble alors ils n en ont pas forc ment besoin il leur suffit de descendre ou de monter un tage Mais si je ne l avais pas a n irait pas Pour elle le portable est un objet indispensable comme l ipod Au lyc e le t l phone est interdit en cours mais dans le couloir on peut faire ce qu on veut du moment qu on ne g ne pas les autres classes En cours c est une autre histoire o tout se fait ou s interdit en fonction des professeurs Comme elle n a pas de montre et qu elle a besoin de le laisser allumer elle le met sur vibreur et le glisse dans une poche ou dans sa trousse Parfois elle termine tout de m me des discussions par SMS avec des amies qui sont dans d autres classes Et lorsqu on doit discuter avec quelqu un de sa propre classe on pr f re s envoyer des messages sur des bouts de papier car c est gratuit Avec certains profs a passe si a ne sonne 134 pas Mais avec d autres c est diff rent m me s il est teint a ne passe pas Alors les lyc ens s amusent voir jusqu o cela peut aller Marine me raconte le tour que sa classe a jou aux enseignants gr ce une sonnerie ultrasons La prof de maths n entendait pas On lui a expliqu
212. ouvera donc une place privil gi e dans notre approche Nous consid rons en effet que les relations d argent ne se situent pas la marge des usages mobiles mais bien au centre qu elles les configurent voire les structurent et de ce fait rel vent d une tude sur les comportements et les interactions sociales Pr cisons que le rapport au co t recouvre pour nous la fois la simple prise en compte du co t des actes t l phoniques je pense au prix que a co te je n y pense pas mais surtout la perception de ces co ts c est co teux peu co teux gratuit Cette perceptions distingue souvent des co ts objectifs Ainsi les forfaits illimit s sont bien payants mais sont g n ralement per us comme des formes de gratuit 1 1 Le co t au c ur des usages familiaux Le rapport au co t est tout d abord un tr s bon indicateur de la valeur pr t e par les membres de la famille aux changes t l phoniques familiaux par rapport aux appels amicaux ou professionnels Il sert en quelque sorte produire les relations familiales comme des relations privil gi es Le rapport au co t discrimine v ritablement les modes de sociabilit familiaux non familiaux et ce de fa on tr s dissym trique pour les parents et les enfants En effet pour les parents quand on aime on ne compte pas Le mode d change t l phonique dans la famille proche se d finit par une absence de comptabilit Ces
213. packaging ou L ne de Buridan face au march PUF Paris 2002 et Th Debril S Dubuisson Quellier Mar e Charcuterie Traiteur Le rayon traditionnel en grande surface lieu d experimentation Ethnologie fran aise N 1 2005 58 Dans la premi re le foyer est un centre pour les membres de la famille un espace de r union familiale quotidienne et de dialogue Les appels sur mobile entre les membres de la famille servent presque exclusivement l organisation du quotidien et la r assurance Les sms surtout entre la m re et les enfants ou entre les parents permettent par exemple des changes affectifs qui ne peuvent pas se dire Tu sais je taime ma fifille m me si je le dis pas crit une m re sa fille de 15 ans apr s une dispute propose d une sortie refus e Les usages familiaux du mobile sont v cus comme une forme d externalisation des relations directes Il est l outil qui prend en charge les exc dents ce qui ne se vit pas dans les relations de face face les rendez vous qu on n a pas pris pr cis ment les mots d excuse ou d affection qu on ne s est pas dit Pour autant ces appels et ces messages s inscrivent naturellement dans la spirale des changes quotidiens comme si le m dia tait inexistant ils sont majoritairement per us comme peu co teux m me quand ils sont fr quents pour les parents rappelons le Dans la deuxi me con
214. parents et tait toujours connect e MSN par cons quent beaucoup de ses changes passaient par ce moyen de communication Aujourd hui elle a d m nag pour poursuivre ses tudes dans une autre ville et habite dans son propre appartement Bien qu elle poss de une connexion Internet elle n est presque jamais connect e L ann e derni re son ordinateur tait toujours allum puisqu il lui servait couter sa musique elle pla ait des disques dans le lecteur CD de son ordinateur d s qu elle tait dans sa chambre Elle coute d sormais de la musique sur son Ipod qu elle a directement branch sa cha ne et n allume plus aussi spontan ment son ordinateur D une mani re g n rale nous avons remarqu un lien tr s fort entre l usage fait de l ordinateur et leur rapport aux autres outils en effet les personnes ayant un usage intensif de leur ordinateur sont souvent connect es et sont tr s r actives concernant les mails Le mail et MSN semblent tre des moyens performatifs pour ce type de profil alors qu ils ne le sont pas pour les personnes peu confront es l ordinateur les exemples de Maud et de Nathalie respectivement ethnologue et journaliste constituent une bonne illustration Elles travaillent toutes les deux toute la journ e sur ordinateur et sont donc s dentaires elles se d crivent comme tr s r actives au mail et comme joignable sur leurs t l phones fixes L une n a pas de t l phone por
215. pas Le texto d range moins les gens Je peux envoyer un texto la nuit alors que je ne passerais pas un coup de fil Du reste elle trouve cela sympa Quand j envoie un texto un ami avec une bonne femme qui dit 141 gros bisous je trouve a sympa Lui n a pas r pondu parce qu il n tait pas content que je lui souhaite son anniversaire mais je l ai eu quand m me Je vis un peu sur ma plan te m explique t elle pour se d marquer lorsqu elle en vient consid rer ses contemporains Les gens avec leurs t l phones il y a de tout Ils peuvent tre insupportables parce qu ils ont tout le temps leur t l phone viss l oreille Les jeunes en particulier lui semblent accros ce truc l Ils ont le t l phone le trois quart du temps viss sur l oreille pour tout et pour rien pour ne raconter que des banalit s Il y a un truc qui m amuse c est quand je vois des gens qui font leurs courses et qui disent est ce qu on prend les p tes machin ou telle sauce tomate et qui finissent par s engueuler c est tr s tr s dr le a 142 Communiquer sans compter tout en comptant Clara 36 ans infirmi re vit Paris Elle arbore fi rement son nouveau portable longtemps r fractaire au forfait Clara en vante aujourd hui les m rites Elle s est abonn e il y a quelques mois et elle a profit de l occasion pour changer de t l phone mobile Tout petit
216. pas int ressant Lorsqu elle n a pas cours Lucie s assoit parfois autour d une table avec ses amis et refait le monde dans l un des nombreux caf s rennais Mais il se trouve qu elle se livre des discussions confortablement install e chez elle seule dans son petit studio o finalement elle n est jamais tout fait seule On l a compris Julien son copain est tr s pr sent malgr la distance mais ces amis aussi Cl mence habite Nantes Morgane Quimper Jean Christophe Rennes Zo Brest Charlotte Lyon et bien d autres encore sont parpill s un peu partout en France Et tout ce petit monde discute se 153 f che se dispute se r concilie s amuse par t l phones interpos s ou encore se parle en se montrant sa nouvelle coiffure sa nouvelle ceinture s change des photos des chansons gr ce MSN Mais en fait Lucie n est plus tr s souvent connect e au grand d sespoir de ses amis Et quand elle se connecte r guli rement pour relever ses mails elle se cache derri re un statut qui lui donne une apparence invisible Dans la journ e elle proc de de la sorte pour ne pas avoir r pondre syst matiquement tout le monde elle a une dizaine de contacts des amis proches et il se trouve qu ils sont toujours connect s donc toujours pr ts discuter En soir e ce fameux statut invisible est la seule solution pour voir qui est en ligne tout en contournant les ind
217. pression suivante tout d pend des profs Il existe une ligne de partage pour la plupart des l ves perturbateurs entre les profs soumis et ceux qui ont du charisme ou qui forcent le respect Le mobile renforce cette ligne Pr sent dans tous les tablissements des plus stricts aux plus difficiles il ne g ne pas de la m me mani re Elisabeth 30 ans professeur de fran ais aupr s d l ves particuli rement durs que Martin 30 ans galement professeur d art appliqu dans des conditions comparables La premi re signale Pour moi il ny a pas de probl me depuis que j ai compris combien les l ves avaient besoin de rep res clairs D ailleurs ils me font rire avec leur portable A No l pour le dernier cours j ai demand une salle avec un piano et j ai appris quelques gospels mes l ves de coll ge lls taient tout contents et m ont demand s ils pouvaient filmer Je leur ai dit oui allez voir d ailleurs sur daily motion a s appelle la prof qui chante Le second avoue avoir compl tement abdiqu Moi j ai fait l erreur de ne pas s vir tout de suite alors il a fallu faire avec J ai d cid d autoriser que les l ves coutent de la musique tout fort pendant les moments de pratique En dessin c est pas trop g nant Ce qui est dr le c est qu ils arrivent se mettre d accord collectivement pour choisir une musique alors qu la moindre occasion les chaise
218. qualit leurs autres outils techniques Ipod MSN jeux vid o t l leur famille leurs amis et leurs relations l autre sexe la vie scolaire et bien videmment l argent 62 t l phonique ou de demander une cigarette La pratique est si institu e que les adolescents parlent souvent de pr t de SMS alors qu il s agit g n ralement de dons Cela att nue l importance de la dissym trie que ces rapports produisent Elle ne saurait tre ni e il n est pas si vident de tenir l un ou l autre r le comme en t moignent ces quatre adolescents de 16 ans rencontr s au cours de notre enqu te D un c t on trouve Charlie le banquier g n reux je peux avoir jusqu 200 euros de d passement mais bon les amis je ne peux pas leur refuser Il assume tr s bien ce r le de cr diteur qui lui conf re une place sp cifique dans l organisation des v nements Il appartient d ailleurs plusieurs groupes diff rents et se sert de son autonomie mobile pour passer des uns aux autres Pour lui l essentiel c est d avoir une sacr e bande de potes Julien quant lui se pr senterait plut t comme un banquier scrupuleux Je ne veux pas qu on me sollicite juste pour a Il se fait donc souvent qualifier d avare par les autres et avoue ne pas toujours bien vivre cette quasi obligation d avoir partager son forfait et son mobile Du c t des taxeurs les dile
219. que nous avions mis en vidence le mobile participe d une red finition des dynamiques collectives notamment par le biais d usages volontiers collaboratifs De nouvelles convenances ont vu le jour rebours d une vision dramatis e du mobile comme alt rateur des bonnes mani res Il ne s agit plus par exemple de d jouer le mythe de la joignabilit mais de constater que la joignabilit n est plus un mythe et que le mobile a pris la valeur d un outil du tact et de la discr tion A ces nouvelles r gles de politesse en cours de stabilisation et qui place l autre au c ur des usages mobiles s ajoutent des r gles tacites d usage qui font jouer le ressort de l exemplarit comme moyen essentiel de r gulation des comportements Il faut dire que si le mobile est de moins en moins associ des formes d incivilit s il est plus directement incrimin ou p nalis et ce sans grand succ s comme le montre par exemple notre enqu te sur le mobile l cole Le bon exemple est sans doute encore ce qui fonctionne le mieux Et c est ce qui a conduit l artiste Rosario Caltabiano s opposer en pratique au happy slapping en lan ant le mouvement des anti slapping Le but de l anti slapping est de r colter de rassembler et d archiver un grand nombre de vid os anti slapping pour se questionner sur la violence film e sur les 85 gens qui la pratiquent d autres qui la regardent sans oublier ceux qui sont in
220. r s voire r calcitrants 30 co construire en fonction de situations des interlocuteurs ou des conventions en vigueur qui peuvent varier en fonction des groupes et milieux sociaux qu il fr quente L attention que nous portons d sormais l objet saisi dans l action permet de renouveler le regard port sur le rapport entre l utilisateur et le t l phone On d couvre que l hyperma trise que nous avions d crite n emp che pas bien au contraire les h sitations les moments de doute et les ratages Sur son blog Pierre propose le test du smartphone HTC S620 Il d taille toutes les sp cificit s de lappareil et semble parfaitement ma triser la question les caract ristiques de l cran des hauts parleurs de l appareil photo des boutons du pad des connecteurs du clavier des logiciels des batteries et des diff rentes options de connectivit de l appareil sont m ticuleusement pass es en revue Pierre semble parfaitement laise avec ce genre d objet jugeant par exemple que le syst me retenu pour les caract res accentu s s lectionner dans une liste l cran comme sur le TyTN n est pas id al Il fait ainsi montre publiquement de sa capacit d expert et se situe bien au del de la figure de l utilisateur ma tre de son appareil que nous avions dessin e dans la pr c dente tude Comment expliquer dans ces conditions qu il m arrive pas entrer le num ro de s rie d un log
221. r que les amateurs de sports extr mes se d lectent depuis longtemps d images sensationnelles de ce type et que les vid os de skate board comprennent toujours un floril ge des plus beaux rattages et des accidents les plus spectaculaires 106 Dans le cadre de notre enqu te il nous a t donn de visionner un tr s grand nombre d images de ce genre sur les mobiles de nos interview s L importance de ce cadre de r f rence est si importante que m me lorsque les images en tant que telle n en rel vent pas du tout les commentaires peuvent y renvoyer comme dans l exemple suivant Lors d une soir e amicale Fabrice 32 ans s approche de nous avec son mobile Attendez venez voir j ai un super truc vous montrer Jai un v ritable snuff movie Nous nous approchons tous de lui un peu tonn s parce que ce n est pas vraiment son genre ce type de films contrairement Antoine qui l autre jour nous avait bel et bien montr des sc nes de bagarres apparemment r elles film es dans le hall d un immeuble de sa cit Cergy Pontoise Il fait d marrer le film il s agit d un gros plan d form sur le visage d un ami que nous peinons reconna tre Vous avez vu ce snuff movie Karim film en direct sans trucage en train de dormir Cette sc ne indique la banalit du ressort morbide d un certain humour mobile qui n est pas tout fait tranger au ph nom ne du happy slapping Celui ci
222. r une de ses amies pour une interview elle nous a d abord parl de Marie Nous avons finalement rencontr les trois jeunes filles ensemble lors dun premier rendez vous Marie a d couvert en m me temps que nous et avec une petite pointe de jalousie que Laura et Isabelle s appelaient tous les soirs pendant au moins une heure En fait j ai un super forfait illimit le soir et comme Laura est chez le m me op rateur on en profite Des fois on ne parle pas on regarde la t l ensemble On se dit qu on zappe Lorsque Marie s est tonn e de cette pratique gard e en secret elles lui ont r pondu en ch ur mais toi tu es chez un autre op rateur on ne peut pas le faire Cet exemple montre bien comment le t l phone mobile en produisant des cadres particuliers tend renforcer certaines relations d exclusivit Le forfait n est pas le seul l ment qui influe dans ce sens l quipement lui m me joue un grand r le Ainsi Mathieu 25 ans a t il pris l habitude d utiliser le syst me des appels en visio pour faire 65 des blagues son vieux pote St phane En r alit ils ne sont que trois poss der ce type de mat riel dans leur entourage et le troisi me n appr cie pas trop le genre d humour que d veloppe Mathieu Les deux amis se sont cr s des sortes d habitude de voisinage symbolique lls se sont v ritablement rapproch s par le biais de leurs t l phones qui se trouve aujour
223. ran Il est petit pour avoir autant de fonctions s exclame Georgette qui essaie depuis trois ans de faire fonctionner au mieux son t l phone mobile C est bien l articulation entre un objet unique constitu ext rieurement de peu d l ments et pens formellement selon un mod le classique de continuit ergonomique et un syst me interne complexe d agencement de fonctionnalit s qui pose probl me Apr s avoir mis de c t la question des signes port s par les mobiles il est temps d y revenir pour mieux explorer le processus g n ral d incorporation des savoirs mobiles 4 Un objet incorporer plut t qu lire ce que r v lent les difficult s d apprentissage La n cessit d apprendre l objet montre aussi comment la n gociation s engage Cette n gociation met en jeu des capacit s appr hender le fonctionnement technique du t l phone interface etc Qu est ce qui est apprendre lorsqu on manipule un t l phone Tout de suite se profile une distinction entre objet mat riel et interface pr sente dans les discours techniques comme dans ceux des utilisateurs La navigation par menus la fa on dont on peut envoyer des messages par SMS la mani re dont on peut utiliser telle ou telle option mettre le flash sur l appareil photo changer de sonnerie quand telle personne appelle couter son r pondeur Toutes les options que les notices et modes d emploi regroupent habituellement sous le terme d
224. rchie existante et v cue comme naturelle il n en est toutefois pas de m me entre amis o les r les mobiles sont inventer En effet d un certain point de vue les diff rents mobiles disponibles au sein d un groupe d amis plus ou moins proches servent produire le groupe comme tel Ils permettent d organiser les rencontres d arranger les soir es de r activer les liens dans une logique de rassemblement non centrip te puisqu il y a rarement un seul centre mais bien une pluralit de noyaux autour desquels se produisent les v nements de la sociabilit adolescente Les mobiles rendent possible une coh sion de la bande dans laquelle l individu s inscrit de mani re m tonymique comme une partie dans un tout De nombreuses fluctuations sont l uvre dans ces processus 61 qui peuvent tre compar s toute proportion gard e bien videmment une sorte d essaim d abeilles Les fronti res de ces rassemblements centrip tes sont d autant plus floues que les adolescents passent beaucoup de temps s changer des num ros A chaque fois que nous avons donn le n tre l un d entre eux pour convenir d un rendez vous tous les autres sortaient galement leur mobile Ce ph nom ne satellitaire dans lequel le mobile joue un r le fondamental fonctionne le plus souvent par la redondance les SMS s changent dans tous les sens sont confirm s par des appels sont repris sur MSN et fina
225. re semble en effet parfaitement connue des t l phonistes qui instrumentalisent ainsi leurs communications t l phoniques Ce trajet je le connais par c ur t l phoner me permet de voir autre chose Parfois je me dis y en a marre de cette ville et si j appelais quelqu un Comme le veut la d finition freudienne du plaisir celui ci est avant tout une affaire d anticipation ce qui me fait plaisir je me le suis d j repr sent et il n est pas de plaisir qui me surprenne Le plaisir explique Freud n est pas une finalit poursuivie par l action humaine comme le veulent les doctrines h donistes mais c est la repr sentation du plaisir ou du d plaisir qui d terminent en partie nos actes Ce d tour par la th orie psychanalytique pour nuancer l id e r pandue selon laquelle les t l phonistes vivent sous le r gime tyrannique de l instantan alors qu une logique d anticipation est l uvre dans le choix des moments t l phoniques et ce en raison du plaisir qu ils sont susceptibles de procurer D o des comportements de mise en condition qui sont encore une fois communs la consommation de fiction et certaines communications t l phoniques mobiles se mettre au soleil s allumer une cigarette s acheter manger se trouver un bon coin pour t l phoner comme dit G raldine 43 ans sont autant de tentatives observables pour optimiser le bien tre de l immersion t l pho
226. re dans un pays o les gestes et les comportements des individus ont t refa onn s de fond en comble par les t l phones portables j ai fini par nourrir une haine implacable pour ce dispositif qui a rendu les rapports entre les personnes encore plus abstraits ibid p 30 126 Conclusion Le mod le du jeu un autre analyseur de l exp rience mobile L action appara t en d finitive comme l un des ressorts fondamentaux de l exp rience mobile Une approche seulement attach e rendre compte des modalit s d changes interpersonnels ne peut permettre de saisir cette dimension pourtant au c ur des usages les plus quotidiens Engin r action machine concr tiser op rateur de fronti res symboliques appareil convertir les situations le mobile est bien autre chose qu un simple outil de communication Le d tour par la fiction permet de questionner la teneur de l exp rience mobile sans nier ambivalence de l attachement qu il suscite entre impression de contr le et d bordement qui conditionnent les rapports d addiction La comparaison sous certaines limites permet de mettre au jour les m canismes d immersion contr l e et de superposition des niveaux d exp riences Un autre mod le celui du jeu qui produit galement des ph nom nes d immersion et des comportements de d pendance pourrait tre mobilis Le mobile tel que nous en d crivons l usage tend ressembler un jeu non pas parce qu il
227. rentes en fonction du moment o il est fait L interface appara t d s lors comme un syst me d assignation du sens qui permet de donner un sens variable l action unique d appuyer pour permettre la manipulation de donn es et d informations Pour voquer cette r alit Mich le parle du langage du t l phone 41 Parce que c est vrai que je ne lis pas toujours les choses Le t l phone te donne des informations Tu vois t as un message a c est facile je prends les ic nes et je choisis les ic nes que je veux Quitter s lectionner c est tout a le langage L autre t l phone tait plus compliqu C tait un autre langage Celui ci par contre est beaucoup plus simple car si je fais exactement ce qui est crit a marche je r ussis Dans l autre ce qui est crit ne correspondait pas ce qu il fallait faire L j ai des petites images dans mon t l phone je n ai plus besoin de r fl chir Dans le cas du mobile il ressort de mani re particuli rement nette qu une approche en terme de lecture des interfaces ne permet pas de comprendre pourquoi les gens parviennent ou non utiliser les diff rentes fonctions Mich le exprime galement tr s bien pourquoi ceux qui y arrivent ne parviennent pas toujours transmettre leur savoir ceux qui n y arrivent pas Ils ont totalement incorpor les relations qui peuvent s tablir entre le m me geste du pouce et le fait qu il c
228. rerons pas ici ce qui rel ve des actes photographiques selon l expression de Philippe Dubois des images proprement dites dont nous avons reconstitu un corpus significatif au gr de notre enqu te de terrain Avec la photographie il nous est impossible de penser l image en dehors de l acte qui la fait na tre Loin de constituer une rupture par rapport cet h ritage photographique et filmique le mobile le convoque de mani re forte Il s agit donc de mettre en vidence une sorte de matrice esth tique commune un grand nombre de productions mobiles matrice sans laquelle par exemple il n est pas possible de comprendre les ressorts m diatiques de ph nom nes comme le happy slapping 1 Images amateurs et amateurs d images une pluralit de pratiques mobiles Le mobile situe les pratiques de production multim dias essentiellement du c t de l amateurisme S il y a des professionnels de l laboration de contenus t l charger sur son mobile la production visuelle les modes d agencements les pratiques de collection relevant de la technique du montage sont bel et bien le fait d amateurs Nous choisissons de garder ce terme dans une acception large qui comprend la fois une opposition au professionnel et cela va prendre tout son sens dans l opposition par exemple d un journalisme citoyen auquel invite le mobile un journalisme de m tier et une opposition la pr tention esth
229. rgent et des forfaits des autres il consid re que tout le monde peut et doit payer cela cela l nerve que des gens lui proposent de le rappeler sur le fixe pour lui il s agit l d impolitesse de sorte qu il ne rappelle pas toujours Mais surtout imposer l autre son propre remplissage du temps du forfait du gratuit est souvent v cu comme contrevenant la politesse des changes Il y a en effet une grande diff rence entre donner une certaine valeur l change par une n gociation partag e et imposer l autre une conversation illimit e c est dire une conversation dont la seule motivation est la gratuit Pour Lucille 27 ans l inconvenance c est lorsqu une de ses copines l appelle avec un forfait illimit pour bavarder la conversation s tire dans la mesure o selon Lucille son amie utilise alors son portable comme un t l phone fixe La convenance sociale n est pas respect e Lucille met fin alors la conversation De m me Erwan sanctionne lourdement un de ses amis qui l appelle pour combler son temps de forfait lui et son illimit jai un ami qui a N o et qui m appelle tous les soirs et a me gonfle il n est pas autonome L attention l autre passe par le fait de lui payer une conversation comme on lui paierait un caf La gratuit et l ilimit perturbent ce jeu social comme l usage aujourd hui consid r comme inconvena
230. rience mobile 111 1 Le mobile face ce ce qui advient 112 2 Le mobile un engin r action 114 3 Une machine concr tiser 116 4 Un op rateur de fronti res symboliques les rites mobiles 117 5 Un appareil de conversion des situations ou Teffet t l commande 119 6 L usage du mobile une exp rience fictionnelle 120 Conclusion Le mod le du jeu un autre analyseur de l exp rience mobile 127 CONCLUSION 128 8 FEMMES AU TELEPHONE 133 Introduction En 2005 une premi re tude soci tale sur les usages et les repr sentations du t l phone mobile est r alis e par le GRIPIC la demande de l AFOM Les travaux de recherche scientifique circulaient surtout dans le monde universitaire et certains comportements sociaux autour du mobile restaient explorer Les r sultats de cette premi re dition ont connu un succ s m diatique aussi important qu inattendu ce qui renfor ait l une des d couvertes des chercheurs du GRIPIC les gens taient particuli rement curieux et attentifs ce qui concernait l introduction de ce nouvel objet de technologie dans leur vie quotidienne Deux ans plus tard alors que l quipement des Fran ais fr le la saturation que les volutions techniques ont d multipli les fonctionnalit s du mobile et que les pratiques commencent se diversifier de nouvelles questions vives se posent Le mobile n a pas suscit de discours en terme de r volution sociale ou techn
231. ris nos culottes sales les ont photographi es avec leurs mobiles ils ont mis en commentaire et le lendemain tout le monde avait la photo avec le bluetooth Des pratiques plus violentes peuvent avoir lieu renfor ant les modes de pression sur les boucs missaires ou les l ves les plus fragiles Ainsi Mathieu 15 ans raconte t il une sc ne qui s approche d j du happy slapping J tait tranquille il y a un gars qui arrive il me donne une baffe en filmant avec son mobile J tais surpris Je l ai cours mais je mai pas r ussi le rattraper Le lendemain il est venu s excuser et a effac la vid o Anna quant elle nous explique ce qui lui est arriv Nous tions deux copines sur un banc face face un type compl tement con mais bon on l aimait bien l poque il nous faisait rire il est arriv il nous a pouss lune sur l autre on s est cogn et moi je me suis m me cass une dent Et l imb cile il faisait tout filmer avec son portable En fait il n a pas fait trop tourner l image parce qu il avait honte de m avoir fait vraiment mal Inutile de d multiplier les exemples tous dessinent un usage du mobile l cole qui para t banalis et souvent g nant Comme dans bon nombre de situations ceux qui sont cens s faire respecter les r gles y parviennent donc plus ou moins bien Les situations scolaires semblent v cues selon un mode relativiste qui correspond l ex
232. rri re le contenu de ce qu elle saisit avant de comprendre les enjeux v ritablement plastiques l uvre D abord d u de constater que ses images une fois pass es sur l ordinateur taient floues il a essay de comprendre comment tirer parti de ces d fauts de l image Ce passage de la recherche de la belle image classique ou r aliste une consid ration plus ouverte de ce qu est une image est pr cis ment l un des indices de la dimension artistique des pratiques Les artistes qui s essaient l art mobile sont g n ralement des artistes exp rimentaux v ritablement pr occup s 5 Ce ne sont g n ralement pas des photographes ni des cin astes au sens classique du terme mais plut t des plasticiens Les chercheurs qui s int ressent ce ph nom ne artistique mergent sont d ailleurs les m mes que ceux qui s taient int ress s en leur temps la fois aux films exp rimentaux contre le film narratif classique et qui avaient pris au s rieux les pratiques amateurs notamment par le biais du film de famille Le plus c l bre de ces chercheurs Roger Odin a en effet ouvert la voie dans les ann es en 1970 en analysant les films d Alain Resnais apr s que les pr misses de l analyse cin matographique avaient 97 par les qualit s sp cifiques des images produites par le t l phone le flou la pixellisation les mouvements d appareil sont autant de caract ristiques qui rappellent pour eux
233. s 3 Nous d velopperons plus pr cis ment cet aspect Partie III 74 boissons la nourriture les activit s sportives les jeux les sollicitations festives sont disponibles disposition et volont sans qu il soit n cessaire de n gocier avec son d sir de ronger son frein ou de veiller saisir des opportunit s qui ne se reproduiront plus On fait ce que qu on veut on est libre et la fois il y a toujours quelque chose faire il y a plein d activit s qui sont propos es sont les mots d ordre que r p tent qui veut l entendre les G O m l s la foule des vacanciers et que ces vacanciers adoptent sans r serve pour d crire le plaisir qu ils prouvent dans ce lieu Ce plaisir tient la combinatoire particuli re entre encadrement et libert entre formes traditionnelles du service il y a des barmen et gratuit on ne paye pas les boissons entre v nement exceptionnel ce soir il y a une soir e quiz dans le hall et on dansera la danse du club med et r p tition il y aura une soir e tous les soirs de la semaine et on dansera encore la danse du club med Mais si au Club Med les alternatives au mobile sont nombreuses pour satisfaire au sentiment d tre la fois actif et libre d agir cela ne suffit pas expliquer le silence des portables ni leur disparition des lieux o ils sont d ordinaire expos s Le non usage du mobile est certes l effet d une d saffection p
234. s interpr t par Thierry Lhermitte se vit sur fond de conversation t l phonique sur son mobile Il s agit de la sc ne d ouverture du film dans un lieu paradisiaque entre ciel et mer un homme fait des mouvements harmonieux de gymnastique embrasse l occasion une femme proche de lui tout en conversant sur son mobile au moyen d un kit mains libres Le moment t l phonique est si propice que la conversation destin e tre purement utilitaire je vous appelais propos des champignons sur le mur vous me r glez cela d rive et se prolonge par des pr occupations plus plaisantes et propos des champignons vous avez pens aux truffes jusqu ce que le principe de r alit vienne interrompre ce moment de plaisir survient en guise d outil perturbateur un h licopt re qui convoie la femme du h ros Mais d autres sources de satisfaction peuvent tre invoqu es la libert de mouvement le rythme de la conversation imprim au corps l ancrage du corps dans la r alit physique environnante et au premier chef revenons y la possibilit Citons la plus r cente dans le magazine SFR du mois d Avril 2007 123 d agir sur une situation v cue en la convertissant comme on l entend de se re fabriquer des situations d engagement intense 6 4 La force de l anticipation les mises en condition La teneur mentale de l exp rience t l phonique mobile si elle est difficile d cri
235. s interrompu ou le temps des autres qui viendrait s imposer un temps soi comme le disent volontiers les d tracteurs du mobile mais l exp rience d effets d intensification d un temps par l autre Nous l voquions d j dans le rapport du GRIPIC en 2005 C est l un sentiment connu de tous tre absorb dans une fiction au point de ne pas d m ler son temps de celui du livre ou du film dans lequel on est plong prouver comme siennes les acc l rations ou les ralentissements de l intrigue et revenir la r alit comme on se r veille en se disant que c est pass en un instant De semblables exp riences de d bordement d un temps par l autre et d intensification de la dur e semblent galement constitutives des situations de communication v cues par les usagers du t l phone mobile Ce que montrent les observations dans la rue ce sont pr cis ment des acc l rations des ralentissements ou des arr ts de la marche au gr des temps d intensit de la conversation Celle ci imprime non seulement un rythme particulier aux mouvements mais aussi plus largement au temps qui passe ce qu on prouve comme son temps qui devient un temps autre Ce tempo se caract rise aussi par des formes d attention fluctuantes 6 2 Une combinatoire d vasion et de contr le En outre l engagement dans une interaction t l phonique mobile et dans une uvre fiction ont en commun de superposer le
236. s dans h tel Club Med familial Serre Chevalier avril 2007 12 fa on absolue sans se r f rer au lieu A l h tel en revanche le chez soi est un point de rep re pour l nonciation des r gles de savoir vivre qui peut faire office de r f rence ou au l inverse impliquer de la diff rence dans les comportements On n est pas la maison tu ne hurles pas dans le couloir Fais attention on ne met pas ses pieds sur le couvre lit c est pas parce qu on n est pas la maison qu on doit faire n importe quoi Arr te de te comporter comme a devant tout le monde on n est pas la maison franchement tu me fais honte Autant de remontrances adress es aux enfants que l on peut capter facilement la sortie des chambres ou dans le hall quand on a quitt l espace priv de la chambre qui reste toutefois soumis au regard des autres le personnel de service mais aussi les autres clients pour se retrouver dans les espaces communs o cherchent s agencer en un collectif harmonieux les petites collectivit s familiales Espace public espaces priv s reconstitu s r affirmation des r gles du vivre ensemble vie familiale tout particuli rement partag e continuit probl matique avec le quotidien l h tel familial appara t comme un lieu propice pour examiner les ventuelles m tamorphoses des usages du portable transportable et bien videmment transport
237. s de portable Le fixe c est pour joindre les administrations Les SMS je ne m en sers que pour envoyer des blagues Le mail c est uniquement pour transmettre des documents Jamais je regarderai la t l sur un portable c est bien trop petit Pourquoi j utiliserai mon portable comme balladeur j ai un super i pod L mergence de certaines possibilit s offertes par la technique modifie les pratiques d arbitrage entre les outils communicants la r flexion ouverte en 2004 sur les arbitrages entre les diff rents outils propos s m rite d tre prolong e dans une approche plus g n rale de l conomie des changes Nous nous int resserons donc ici de mani re privil gi e la dimension communiquante de l objet mobile en tant qu elle s inscrit dans des pratiques m diatiques plus larges faisant intervenir d autres dispositifs techniques comme internet et en particulier les services de messagerie et de conversation instantan es la t l vision et bien videmment le t l phone fixe L conomie des usages permet de faire merger par del la tr s grande variabilit des configurations individuelles certains traits caract ristiques des pratiques de communication contemporaines dans lesquelles le mobile trouve sa place de mani re t Nous avons mis en place une m thodologie particuli rement appropri e l observation de cette cologie des changes le carnet de contact
238. s en IUT de communication qui constituent de fait un groupe assez peu repr sentatif des jeunes Fran ais Le pouce et la souris Enqu te sur la culture num rique des ados Paris PUF 2006 13 Relou verlan de lourd signifie p nible 32 Si les pratiques des jeunes paraissent plus fluides aux adultes c est moins en raison de leur expertise ou de leur comp tence technique que parce qu ils entretiennent une relation d dramatis e avec les objets de technologie Les difficult s ne sont pas v cues sur un mode hyperbolique mais donnent lieu des pratiques d ajustement de bidouillage de rapprochement Ce qui d partage les technophiles de ceux qui ne le sont pas c est moins l vidence de l acc s au dispositif ou les comp tences techniques que la fa on de vivre les checs ou les petites d faillances techniques Les comp tences techniques du sujet ne peuvent elles seules permettre de comprendre ce qui se joue dans leur usage de l objet 2 L objet comme partenaire ou l usage comme n gociation Prendre au s rieux ce qui se joue dans notre rapport au mobile comme objet conduit ne pas n gliger la tension qui traverse l usage entre une r sistance r activ e de l objet qui semble dou d une sorte de vie autonome et le fait qu il est con u pour s adapter au corps du sujet donc pour se faire oublier en tant qu objet 2 1 Des objets techniques quasiment rig s en sujets Les
239. s niveaux d exp rience et de reposer tous deux sur une combinatoire d vasion et de contr le Si immersion il y a dans les deux cas il s agit dune immersion contr l e comme le dit Jean Marie Schaeffer et qui mobilise des m canismes de contr le de l illusion M me une fois qu on est entr dans une fiction selon l expression courante on ne s y oublie pas ou pas totalement pas plus que les t l phonistes aussi absorb s qu ils paraissent dans leur conversation mobile n oublient de regarder en passant les vitrines ou les autres ou leur montre Seulement en conversation comme devant une fiction tre absorb est un type d exp rience qui tend inverser les relations hi rarchiques entre perception du monde alentour et activit qui consiste se projeter dans un monde autre et qui est 7 Face des uvres d art contemporain dit il la question qui se pose au spectateur est quand est ce de l art bien plut t que qu est ce que l art 78 Rapport GRIPIC 2005 J M Schaeffer Pourquoi la fiction op cit 120 dans les deux cas une activit imaginative impossible de parler quelqu un au t l phone sans se repr senter son espace ou sans interpr ter les bruits qui surviennent C est dans ces moments d inversion des hi rarchies perceptives que lon peut surprendre chez les t l phonistes mobiles des gestes apparent s aux r actions motrices du spectateur de
240. s param tres les plus pertinents pour cerner ce qui se joue dans ce type d usage du mobile le clic de la photo mobile peut parfois ne donner lieu aucune mise en exposition de la photo ni aucun envoi par mms et pour ce qui est du destinataire ou de l interlocuteur ils peuvent tre pr sent s comme strictement interchangeables dans les discours que tiennent les utilisateurs Ainsi du r cit de cette femme de 45 ans qui choisit spontan ment de nous raconter ce moment marquant de sa vie avec son mobile Il y a quelques jours de cela il lui est arriv ce fait extraordinaire elle a crois Elton John dans une rue de Paris Il se tenait immobile devant une vitrine Elle s est immobilis e son tour a pris son t l phone et fait d filer son carnet d adresse qui appeler En fait dit elle j aurais pu appeler plusieurs amis ou m me mes enfants A l interlocuteur finalement choisi elle dit II m arrive un truc dingue Je suis c t d Elton John A lentendre s exclamer nouveau l on comprend que l essentiel de cette communication t l phonique r sidait dans la possibilit pour cette utilisatrice d endosser un r le actif dans cette sc ne de dire en direct qui Cela importe peu Certes la possibilit existe aussi d crire ce qui m arrive ce que j observe ou de le raconter plus tard mais cet usage du mobile a ceci de particulier qu il tend banaliser en le facilitant
241. s phrases sur les m urs et la condition de l homme et de ses outils communicants les utilisateurs soulignent le poids norme qu il a pris dans leur vie et ils se pr sentent selon des profils marqu s par la mise en avant d une sorte d h donisme du portable toutes les fonctions m int ressent et plus il y en a mieux c est ou par la revendication inverse d une sorte d asc tisme le portable juste pour t l phoner qui est soutenue par un discours du gadget en g n ral plus il y a des gadgets moins les fonctionnalit s du t l phone sont bonnes il faut savoir o est l essentiel dans un t l phone portable La revendication affirm e des fonctions de base chez les utilisateurs provient galement des d calages prouv s entre les promesses telles que les formulent les constructeurs et les op rateurs et la r alit certains utilisateurs sont frustr s de l inad quation qui existe parfois entre une potentialit annonc e comme argument de vente et la r alit de la pratique David cet utilisateur plut t s duit par une possibilit de terminal universel a choisi un t l phone mobile offrant la possibilit technique de lire des fichiers musicaux apr s utilisation il regrette un d faut de conception J aimerais bien couter de la musique sur mon t l phone mais c est d sagr able car je n ai qu une seule oreillette et comme c est un branchement sp cial je ne peux pas util
242. s que le spectre des fonctionnalit s s est largement tendu et que les promesses des op rateurs et de constructeurs de mobile rivalisent les unes avec les autres dans la perspective d une complexification toujours plus grande de ce qu est un mobile Il ne s agit plus simplement d agenda d ordinateurs lectroniques ou de GPS La photographie mobile n en est plus ses balbutiements Voici ouverte l re de l coute musicale du filmage et de la diffusion d images en tout genre m me t l vis es Cela n exclut pas la cohabitation d usages d sormais plus classiques mobilisant un tr s petit nombre de fonctionnalit s La phrase un t l phone a sert t l phoner peut m me presque tre rig e en maxime constitutive de la morale mobile en voie de stabilisation et qui consiste en une sorte de revendication de ce qu est l essence de cet outil La polyvalence de l outil revendiqu e par les utilisateurs en 2004 s est invers aujourd hui en un minimalisme revendiqu Il para t donc important de se pencher nouveau sur la mani re dont cet objet singulier est investi par les sujets qui l utilisent pour comprendre quoi tient ce qui peut sembler un paradoxe pratique le mobile est la fois d crit et utilis par les gens comme un ensemble d objets sp cifiques suscitant des usages et des effets diff renci s tout en restant fondamentalement pour eux un objet unique int grateur total pour le
243. s se g n ralisent par toutes sortes de moyens inattendus dont le mobile fait partie actualisant cette intuition de Roland Barthes un des moyens d assagir la photographie c est de la g n raliser de la gr gariser de la banaliser au point qu il n y ait en face plus aucune autre image par rapport laquelle elle puisse se marquer affirmer sa sp cialit son scandale sa folie C est ce qui se passe dans notre soci t o la photographie crase de sa tyrannie les autres images plus de gravure plus de peinture figurative sinon d sormais par soumission fascin e et fascinante au mod le photographique C A RIVIERE T l phonie mobile et photographie les nouvelles formes de sociabilit s visuelles au quotidien Soci t s n 91 2006 Bertrand Horel conduit actuellement une recherche dans cette optique sur le MMS Analyse socio conomique du message multim dia mobile de la plasticit de l image num rique vers une nouvelle po tique d criture Th se dirig e par Yves Jeanneret au Celsa La Sorbonne Paris4 en convention CIFRE avec le Laboratoire de France Telecom Les changes de MMS taient encore assez peu importants au moment o il a commenc son enqu te il a d travailler partir d un corpus exp rimental Il d finit le MMS comme un espace d criture assist e par une interface m diatis e dans une perspective de communicationnelle interpersonnelle Le statut des images da
244. s sont sensibles les sujets et qui les engagent corporellement dans des pratiques sp cifiques Les relations de pouvoir entre les objets et les sujets l uvre dans le travail de n gociation dessinent pr cis ment l espace d intervention de l ergonomie et design souvent li s une id ologie de la transparence technique 36 3 La qu te proth tique d un objet qui gravite dans la sph re corporelle L volution de l objet t l phone portable vise sur le plan ergonomique une recherche d mancipation des corps de l encombrement impos par les premiers mod les Les sujets semblent particuli rement sensibles aux innovations qui touchent leur mobile et ils font montre leur propos d une certaine expertise Voyons en quoi les promesses d une continuit sans entrave entre le sujet et ses objets continuit qui passe par la production d objets consid r s comme des proth ses devant se faire oublier rencontrent des usages et des discours qui r affirment finalement le statut de l objet dans son opacit et sa capacit d instituer le sujet en tant que tel Les premiers t l phones portables taient des t l phones de voiture et ce de 1956 combin U43 aux premiers analogiques qui prennaient la forme de petites mallettes fin des ann es 1980 L affranchissement du v hicule apporte au t l phone portable le succ s qu on conna t Il lui permet surtout de graviter directement dans la sph re c
245. s trois axes suivants 1 Les m tamorphoses de l objet mobile 2 Les partages t l phoniques les dynamiques collectives d usage d un objet individuel 3 Actions mobiles et exp riences contemporaines l intervention du mobile dans l esth tique de la vie quotidienne Partie Les m tamorphoses de l objet mobile En 2004 une partie de notre tude sur les usages et les repr sentations du t l phone mobile avait consist en une approche de type anthropologique qui visait mettre au jour les ressorts de nos relations au t l phone mobile en tant qu objet Il s agissait de comprendre ce qui caract risait les sp cificit s concr tes de ce dispositif technique social et symbolique par del ce qu en produisaient les discours fonctionnalistes La polyvalence revendiqu e de cet objet technique particulier rendait d j pr gnante l poque la complexit des usages et des imaginaires qui se construisaient autour de l id e d un objet tout faire Horloge et m me r veil agenda r pertoire carnet de note autant d objets secondaires constitutifs en 2004 de ce t l phone mobile auxquels les gens s attachaient de mani re particuli rement forte Les usages non t l phon s donnaient lieu de nombreuses boutades plus ou moins articul es aux fonctions r elles Bient t il pourra faire rasoir ou m me pilateur nous avait m me dit un interview Qu en est il en 2007 alor
246. s volent 83 Les positions des adultes dans les tablissements sont m me parfois contradictoires certains souhaiteraient un soutien de la hi rarchie et un syst me plus r pressifs alors que d autres pr f reraient r fl chir au cas par cas Une jeune professeur de fran ais nous a d ailleurs racont comment le film d un l ve r alis en plein cours avait suscit une v ritable pol mique au sein de son coll ge C tait un bon l ve Il nen pouvait plus du bazar dans le cours d histoire o le professeur sur le point de prendre sa retraite ne tenait vraiment plus sa classe Il a fim ce qui se passait et a fait circuler les images pour qu on voit combien il tait plus possible d apprendre quoi que ce soit dans de telles conditions Il s est fait prendre bien s r et a t renvoy pour avoir film un professeur son insu Mais plusieurs autres profs ont pris la d fense de l l ve ce qui a fait un beau d sordre et produit pas mal d incoh rences dans le traitement de ce cas Le prof afflig s est senti trahi par ses coll gues Il est en arr t maladie depuis Je pense qu il ne reviendra pas Le manque de coordination des adultes joue un r le important dans la place qu a pris le mobile Le personnel scolaire n est pas le seul responsable les parents jouent un r le pivot dans la difficult de faire respecter le r glement int rieur qui interdit le mobile l cole Ils sont les premi
247. sage apprendre g rer initier aux nouveaut s technologiques conduit les membres du foyer assumer des r les tr s clairement d finis et facilement revendiqu s Le r le le plus vident est celui de gestionnaire en chef qui est tr s souvent incarn la m re pour qui le t l phone est tout la fois cordon ombilical cordons de la bourse r nes du foyer Parmi les familles que nous avons rencontr es se distinguent deux mani res d occuper ce r le soit la gestionnaire en chef con oit ses fonctions comme transitoires et veille l volution des solutions contractuelles vers plus en plus d autonomie soit l inverse la prise en charge est totale et cette relation est un moyen de garder un lien fort avec des enfants pr ts quitter le nid Le co t du t l phone sert alors garder contact quand il devient inopportun d utiliser ce moyen de communication pour rester en lien avec son fils ou sa fille Marie Th r se dont le grand gar on a quitt la maison pour faire des tudes d ing nieur dit par exemple Parler une fois par mois du forfait et du d passement que je paye est une fa on de parler avec mon fils de ses amis des personnes qui il t l phone de ce qu il fait le soir autrement il ne me dit rien et r le quand je l appelle trop souvent pour lui demander des nouvelles Quant Paulette m re d une famille recompos e de 7 enfants elle assume son r le la fa on d
248. sage des mobiles replace le mobile au centre de sa derni re campagne Objectif Respect Si les visuels Homo urbanus n ont finalement pas directement montr de comportements incivils au t l phone mobile ce dernier apparaissait de deux mani res dans le communiqu de presse une photographie repr sentant une jeune fille hurlant au t l phone et une autre un norme transistor pos sur un si ge de m tro Ce mat riel d suet tant potentiellement remplac par les mobiles avec haut parleur L agence Human to Human apr s avoir r alis une tude strat gique par le biais d un Forum en ligne lanc en octobre 2006 et ayant connu un succ s in dit sans doute li cette th matique porteuse r active la place n gative du mobile dans les discours On peut galement lire une r surgence de ces affinit s qu entretient le mobile avec la th matique discursive de l incivilit dans ce passage de l mission Mots crois s pr sent e par Yves Calvi en janvier 2007 en pleine p riode lectorale les d bats d chauffent le ton monte Yves Calvi reprend la parole pour calmer le jeu sans obtenir de franc succ s Il s nerve brusquement Non mais c est insupportable ce portable qui vibre sans arr t Vous ne pouvez pas teindre vos portables non On est dans en plein d bat tout de m me Instrumentalis ici pour permettre d apaiser les tensions sur le plateau le mobile appara t ici comme un mo
249. sage du mobile de celui des autres outils communicants Un crit re important est l anticipation des conditions de l change qui conditionne tr s fortement le choix d un objet parmi les objets possibles ordinateur t l phone fixe t l phone mobile et en ce qui concerne le mobile en particulier quel objet portable va tre constitu une messagerie une boite mail un t l phone proprement parler 1 1 Des usages ressemblants Les arbitrages concrets que font les utilisateurs entre les outils nous indiquent la valeur r elle qu ils leur pr tent les outils ne sont pas quivalents pour les utilisateurs mais parfois l un peut parfois faire office d un autre Les constructeurs et les op rateurs sont tr s attentifs ces ressemblances d usage qui sont l un des ressorts de l innovation et surtout un indice fort de son acceptabilit sociale Ainsi au Japon l id e du t l phone mobile porte monnaie est elle n e de l observation d une pratique des usagers du m tro pour passer plus vite les bornes certains avaient nou leur carte magn tique leur mobile de fa on la retrouver sans mal dans leur poche ou au fond de leur sac Cet usage du mobile comme carte de paiement ressemble fort ce qu il est devenu quand la puce magn tique en question a t int gr e dans la petite boite Les r cits recueillis et les observations men es nous permettent de pointer certaines de
250. semble long Je me saisis mon t l phone mobile appelle une amie et m absorbe dans la conversation Le temps passe diff remment et je vis aussit t autre chose C est la figure du portable t l commande qui traduit le mieux ce type d usage du mobile mais nous l voquons ici sous r serve qu on n y associe pas les motifs du zapping ou de la commutation qui laisseraient entendre que l on se trouve dans une exp rience exclusive de l un ou l autre En effet quand j utilise mon mobile f t ce pour vivre autre chose que lattente d un bus qui n arrive pas je ne suis pas pour autant abstrait de la situation pas davantage d ailleurs que devant un t l viseur on peut me parler en m me temps mon corps peut se rappeler moi aussi bien que la lumi re du jour ou leur mani re tous les objets qui m entourent C est en raison de cette forme commune de pr sence absente que le sociologue am ricain Kenneth J Gergen a rang le mobile au nombre des dispositifs qui agissent sur notre pr sence au monde sans totalement l alt rer ni l ali ner comme c est le cas du dispositif t l visuel qui n emp che pas par exemple d changer avec des personnes alentour La comparaison m rite selon nous d tre pouss e plus avant l exp rience que l on vit avec son mobile appara t en effet plusieurs gards comparable aux ph nom nes d absorption ou d immersion dans la fiction
251. sirables comme son p re qui tapi trois cents kilom tres de l derri re son ordinateur risquerait d engager la conversation Mais de toute fa on elle qui tait toujours en ligne l ann e derni re ne l est que tr s rarement aujourd hui l ann e derni re son ordinateur tait toujours allum puisqu il lui servait couter de la musique d s qu elle tait dans sa chambre Aujourd hui elle ne proc de plus de la m me mani re elle coute son Ipod qu elle a directement branch sa cha ne Par cons quent son ordinateur qu elle allumait principalement pour couter de la musique n est plus aussi souvent allum du moins plus aussi syst matiquement De plus elle a dissoci ses deux espaces de travail sur une table se trouve son ordinateur alors que sur son bureau elle r vise ses cours Comme elle consacre l essentiel de son temps son travail scolaire elle passe globalement peu de temps sur son ordinateur Le t l phone portable reprend alors toute sa place comme lien principal avec l ext rieur Lucie a bien un fixe mais elle ne l utilise qu avec sa famille elle bipe ses interlocuteurs qui la rappellent imm diatement Ce code lui permet de ne pas payer de communication inutilement puisque ses s urs comme ses parents ont des Freebox leur donnant acc s des communications illimit es Changer de forfait Non ce n est pas l ordre du jour Cette configuration lui convient tr s bien M me s
252. sociales permettra d ouvrir une r flexion plus synth tique sur l action comme principe et ressort essentiel de l usage du mobile l La gestualit contemporaine nouveaux l ments chor graphiques Omnipr sent en toutes circonstances de la vie quotidienne le t l phone mobile est devenu un motif indissociable des repr sentations de la vie contemporaine Il suffit en effet qu il n y ait pas de mobile dans un film ou dans une photographie de foule pour qu une interpr tation chronologique soit amorc e la sc ne se passe avant le milieu des ann es 1990 Le mobile intervient par sa pr sence m me et ses multiples variations formelles dans l esth tisation du quotidien Nous avons d j soulign l int r t que les individus portent la beaut et au design de cette pr cieuse petite boite communicante Il s agit d sormais de souligner comment elle s est int gr e dans la gestualit contemporaine en devenant un puissant op rateur chor graphique 1 Un renouvellement de la gestualit contemporaine Peu d objets contemporains semblent comme le mobile s tre gliss s de mani re aussi massive dans la gestualit quotidienne Par ses contraintes et son fonctionnement techniques il a en quelque sorte contribu un renouvellement de la gestualit ordinaire et inscrit de nouveaux gestes dans les r pertoires individuels et collectifs L importance des formes de manipulation et la place d sormais d cisive du
253. sser l effet que produit un portable trouv Nous avons recueilli plusieurs r cits qui pr sentaient le moment de la d couverte d un portable abandonn comme un moment g nant important intrusif comme s il s agissait par la seule prise en main de p n trer dans l espace intime d une personne inconnue ainsi que l indique le t moignage d Henri 58 ans Vous savez pas ce qui m est arriv l autre jour Je me suis assis sur un banc et c t de moi j ai vu un portable que quelqu un avait oubli a m a fait tout dr le J ai h sit un instant puis je suis rentr l int rieur j avais l impression que j entrais dans une maison inconnue dont la porte aurait t laiss e ouverte Mais j ai pens qu il fallait que je retrouve le propri taire Et j ai essay d imaginer la personne comme je l aurais fait partir des meubles 118 5 Un appareil de conversion des situations ou Teffet t l commande Autre type de ressource pour l action se dessine parall lement aux autres le t l phone mobile peut tre utilis comme un moyen d agir sur les situations v cues La conversation sur mobile appara t tout particuli rement comme un mode de conversion d une situation De nombreux utilisateurs se reconna traient dans cette s quence type J attends je subis je r p te je suis priv e de ma libert de mouvement ou je suis frein e dans ma volont d agir le temps me
254. stinataire par SMS si la personne ne r pond pas au bout d un certain temps je finis par l appeler Le SMS quant lui apr s avoir acquis un premier statut dans l organisation et l anticipation des rendez vous notamment des rendez vous t l phonique sur le fixe pour viter de tomber sur la mauvaise personne du foyer trouve galement une place privil gi e dans les messages de remerciement apr s un moment pass ensemble une fonction appel e par certains le SMS d after 2 5 Les organisations mat rielles La mat rialit spatiale joue galement un r le important dans l arbitrage entre les diff rents outils de communication Il ne s agit pas ici de poursuivre l analyse spatiale que nous avions mise en uvre dans le premier volet de notre tude en 2005 Nous 23 nous interrogions l poque sur la pr tendue ubiquit mobile d fendue par certains sociologues l instar de Jaur guib rry et sur ce que le mobile fait advenir des lieux de communication Ici il s agit de souligner l importance de la spatialisation des diff rents outils en ce qu elle atteint leurs relations et la mani re dont les utilisateurs les chor graphient Chez la plupart des enqu t s l espace de vie proprement parler organise les modes d coute de la musique la consommation des images les pratiques informatiques et par r percussion leur usage du mobile Voici l exemple de Louise tudiante qui habitait chez ses
255. t dont Nicole n est absolument pas d sireuse Aussi Mich le dispose t elle d un mod le r cent de t l phone qui lui permet de faire des photos de sa famille Mais toujours la recherche des bonnes affaires elle a n anmoins choisi l appareil le moins cher qui faisait la photo Nicole ne s int resse pas toutes ces fonctions car de toute fa on elle ne saift pas s en servir Il n est pas jusqu au r pertoire que Nicole r prouve car l op ration est toujours plus compliqu e de retrouver un num ro que de le composer en plus cela fait travailler la m moire Mich le condamne en des termes assez durs ce 149 refus de Nicole de se mettre la page car elle elle a enregistr tous les num ros ce qui lui permet de savoir qui l appelle Du reste pour Nicole l objet auquel se compare le plus facilement un t l phone portable c est un clavier Le clavier concentre tous les enjeux de ses usages bien lire les touches et l cran pour composer et lire correctement les num ros Pour Mich le le t l phone portable ressemble une montre parce que l on s en sert tout le temps L encore le portable est donc compar deux objets donc et deux pratiques de regard tr s compl mentaire l un tr s ponctuel le clavier l autre chronique la montre Toutes deux pr f rent les t l phones avec un clapet mais pour des raisons di
256. t rent pr cis ment sur le fait que c tait un t l phone associ une formule 146 carte qu elle tait donc libre de recharger son cr dit ou pas de s en servir ou pas Totalement libre elle n tait pas li e un abonnement Le cadeau a finalement obtenu bien plus que le succ s escompt le plaisir go ste des enfants d sireux de joindre directement leur m re o qu elle soit s est transform en un plaisir personnel celui d une plus grande ind pendance sans doute Revenons au deuxi me paquet le plus gros Il contenait un ordinateur portable tout petit tout blanc En quelques minutes de nouveaux espaces communicationnels sont devenus accessibles Marie Catherine la conversation mobile les SMS mais aussi les conversations sur MSN et les mails Quelques mois plus tard l heureuse propri taire de l quipement acquis passivement l occasion de son anniversaire semble convaincue au point d avouer ais ment Maintenant sans portable je serais emb t e J aime bien lavoir m me si je ne l utilise pas L autre jour j tais partie faire des courses et je ne l avais pas et bien a m emb tait un peu quand m me Quand je m en rends compte tout de suite je fais la d marche de revenir le chercher Elle dit que c est gr ce ses enfants qu elle s y est mise Elle a appris r pondre leurs SMS elle s est habitu e mettre son t l phone dans son sac main Au d but
257. t le fonctionnement de cette relation on s aper oit vite que de lourdes routines se sont mises en place Julien appelle Lucie chaque matin au r veil puis une fois avant le d but des cours ensuite il t l phone chaque pause et enfin sur le trajet du retour de l cole C est le sch ma classique mais il est modulable car les r gles tablies s adaptent aux al as de la journ e si Julien sait que Lucie est en cours il diff rera son appel De la m me mani re cette derni re se livre une pratique compulsive du bip son forfait est petit et elle optimise celui de son copain en se faisant rappeler syst matiquement Elle le bipe donc le matin si le coup de fil habituel 152 se fait trop attendre puis tout au long de la journ e d s qu elle veut partager un moment avec lui Elle semble moins intrusive et s astreint ne pas le d ranger si elle sait qu il est occup ou accompagn Cette gestion de la distance sur le mode de la sur communication se mat rialise par des habitudes parfois oppressantes pour les personnes qui passent du temps avec Lucie Sa s ur se souvient de plusieurs discussions trop souvent interrompues par cette pr sence de l absent Si vous allez vous promener avec Lucie sachez que bien qu elle ait l air toute seule en fait son copain sera de la partie gr ce au miracle du t l phone portable La jeune fille avoue que dans certaines conditions c est exasp rant L autre jour
258. t pas seulement accept e comprise et r f r e la valeur d un service elle est v cue comme un plaisir compensatoire un cadeau que l on se fait soi m me et dont l exc s m me est per u comme gratifiant Le plaisir est celui pr cis ment de la transgression comme l explique Olivier 29 ans 26 Parler sur son t l phone mobile trop longtemps c est comme quand on se dit allez un dernier verre ou quand on n arrive pas se s parer et qu on laisse passer les m tros les uns apr s les autres pour continuer la conversation Dans le cas des relations interpersonnelles l appel ou le message envoy fonctionnent la mani re d un don qui a sa r tribution symbolique il n est jamais tout fait indiff rent pour l metteur ni pour le r cepteur que le message mane d un portable ou d un fixe gratuit Ainsi Charlotte 21 ans nous explique t elle que a l nerve que sa copine l appelle pendant ses heures d illimit parce que comme elle paye pas elle peut dire n importe quoi et parler pendant des heures ou l inverse Jean Marie 57 ans reconna t que quand on l appelle d un portable pour prendre des nouvelles a fait particuli rement plaisir parce que a co te L o le gratuit d pr cie la valeur de l acte de communication le faisant appara tre comme un acte gratuit dans tous les sens du terme qui ne co te rien et qui n a pas de raison d tre le
259. t produit l apprentissage pour eux tant ils ont acquis les r flexes leur permettant de naviguer Conclusion Le mobile est finalement un objet technique dont les modes d incorporation rel vent d une n gociation physique et symbolique avec l objet Apprendre s en servir et ma triser son mobile consiste pouvoir associer les m mes gestes un ensemble de fonctionnalit s comprises dans une bo te miniature qui oppose parfois de la r sistance L approche d velopp e ici consistait prendre au s rieux les modalit s concr tes de cette relation ambigu l objet mobile qui se transforme en fonction de la dynamique d incorporation et d excorporation en quasi sujet partenaire puis en objet r affirm dans son objectalit instituante pour l exp rience de soi du sujet qui d veloppe d ailleurs son gard un certain nombre de comp tences d expertises L incorporation permet de rendre compte de l ensemble des modalit s r flexes qui structurent les usages du mobile II semble important de r affirmer comme nous l avons constat lors du travail de terrain que cette incorporation si elle est plus ou moins facile ou rapide selon les sujets d pend galement fortement de l objet Elle n est donc jamais vidente ni d finitive puisque des moments d excorporation peuvent avoir lieu quelle que soit la ma trise apparente de l utilisateur Il en est du portable comme d une paire de chaussures neuve elle peut fair
260. t tr s bavarde et peut passer beaucoup de temps au t l phone fixe Si elle pilogue des heures sur son portable rassurez vous ce n est pas elle qui appelle Son usage du fixe est assez restreint ses amis proches n ayant plus l habitude d utiliser ce vieil engin Son t l phone fixe est donc associ au cercle familial elle appelle principalement ses s urs et ses parents pour de longues discussions Mais il faut savoir que son outil de pr dilection le moyen de communication qu elle utilise le plus c est MSN MSN est au centre de sa vie ses changes avec ses contacts ponctuent son quotidien Connect e en permanence ses amis peuvent lui 143 parler mais aussi sa famille ou encore ses coll gues de l h pital Beaucoup n ont pas son num ro de t l phone mobile mais nombreux sont ceux qui ont son adresse MSN Avec ses fr res et s urs elle utilise aussi norm ment MSN ils se parlent presque tous les jours et MSN fait office de lien permanent Et pour changer des informations pr cises un moment pr cis pour poser une question qui implique une r ponse dans un d lai de r actions court elle a le r flexe texto Ces diff rents outils s articulent entre eux et c est cette articulation qui constitue le socle de la communication interpersonnelle de Clara Certes le portable offre une plus grande libert pour la simple raison que contrairement au fixe ou MSN il n est pas reli un lieu C est d
261. table et l autre ne l utilise que tr s rarement Outre l omnipr sence de l ordinateur la s dentarit est une donn e qui induit des comportements particuliers En effet les personnes souvent chez elles privil gient largement des outils li s au domicile peu mobiles tels que le fixe et Internet mail et MSN alors que les personnes mobiles privil gient largement le portable Ainsi David dit utiliser davantage son portable depuis qu il travaille Je suis moins chez moi donc moins connect j utilise beaucoup plus mon portable dans les transports par exemple Avant je passais plus de temps sur MSN donc j avais moins besoin de t l phoner aux personnes auxquelles je parlais r guli rement sur MSN F JAUREGUIBERRY Les branch s du portable Paris PUF 2003 24 Nathalie quant elle s est mise privil gier le mail au mobile dans un souci de discr tion parce qu elle partageait son espace de travail avec ses coll gues Jai longtemps t r ticente aux mails mais mon cadre professionnel a d clench mon adh sion ce moyen de communication Comme j ai longtemps partag mon bureau avec d autres personnes les conversations t l phoniques taient d rangeantes alors que le mail est silencieux Pour des raisons similaires elle attribue au t l phone portable une valeur ajout e par rapport au fixe il permet de sortir du bureau et de s isoler pour avoir une communication priv e Ce q
262. tagonistes Sur MSN quand j ai un truc qui s tend je dis attends je t appelle Souvent quand je parle quelqu un qui crit trop lentement a m nerve et je l appelle Pour une raison souvent de nature conomique les conversations sur portable sont parfois transf r es sur des fixes en fonction des types de forfaits mais aussi de la relation qu entretiennent les participants G n ralement l encha nement des diff rents outils est r fl chi et organis dans le but manifeste d en optimiser les possibilit s ainsi nous v rifions la performance d un outil au moyen d un autre Les mails sont souvent suivis d appel de v rification Les appels ont d sormais acquis une nouvelle valeur celle de confirmation des changes crits C est vrai autant dans le monde professionnel que dans les relations amicales o la parole finit souvent par avoir le dernier mot Tu as vu ce que je te dis dans mon dernier mail T as re u mon sms tas vu c est clatant non Oui donc comme je te dis dans mon message tu as entendu j ai vu la directrice de l cole et il n y a pas classe vendredi tu l as bien not Donc comme dit je vous envoie a par mail et je vous envoie le num ro de t l phone par sms et on se rappelle de toute fa on 7 Voir infra Partie Ill 2 Un nouvel art moyen multim dia 17 Sous couvert d optimisation et de v rification beaucoup de
263. te qui me fait chier dont je me dis que je n aimerais pas le faire D autres exemples permettent de rendre compte de l importance accord e la mani re dont l objet va aller avec son propre corps Caroline explique par exemple que bien souvent l antenne de son t l phone portable la d range c est une excroissance que bien souvent elle voudrait ne pas avoir Les utilisateurs sont particuli rement attentifs ce genre de choses il leur importe de pouvoir juger de l adaptabilit de l objet leur propre corps le poids la mati re les dimensions la taille des touches les outils de pointage ou de navigation la taille de l cran le mode d ouverture clapet slider l existence d antenne d encoches qui permet de d crocher plus vite de boutons lat raux pour prendre des photos plus rapidement de boutons d acc s direct certaines fonctions qui permettent de raccourcir la cha ne de manipulation effectuer leur importent Les avis des consommateurs sur les sites marchands fourmillent de ce genre de remarques Autres d fauts en vrac les touches l encore tr s design avec l clairage bleu ne sont pas pratiques du tout la moindre trace de doigt sur l cran est tr s g nante pour la visibilit on ne sent pratiquement pas le vibreur C est un bel appareil compact qui peut se glisser dans toutes les poches et sa mati re lui donne un aspect plus s rieux et moins gadget Beau
264. te trouves De plus ses faits et gestes sont impr gn s de r flexes en lien avec sa pratique plus ancienne du fixe elle d croche toujours son fixe en 147 justifiant Pour moi c est une vidence partir du moment o a sonne je r ponds Elle pr cise que sa consommation est aussi d pendante des pratiques de ses amies qui ont le m me mode de fonctionnement qu elle Ce sont des personnes de ma g n ration qui ne sont pas forc ment adeptes des nouvelles technologies ou du moins aussi modestement que moi Elle n utilise donc pas son t l phone avec ses amies puisqu elles aussi consid rent cela comme un outil de d pannage Par cons quent elle a conserv l habitude de privil gier le fixe Si j ai besoin de communiquer avec quelqu un j ai plut t tendance utiliser le t l phone traditionnel Le t l phone portable reste un outil de d pannage un compl ment et tr s peu de personnes l appellent sur le sien mais ce n est pas tr s tonnant puisqu elle ne donne jamais son num ro pour la simple raison qu elle ne le conna t pas Il faut que je regarde Moi dans le r pertoire Elle re oit beaucoup de SMS de ses enfants qui appr cient grandement de pouvoir la contacter directement d avoir aussi la possibilit d obtenir une r ponse en peu de temps sans passer une heure au t l phone D abord par imitation elle a jou le jeu des SMS et puis par go t
265. textos Alors Marine utilise plus les sms qu elle ne passe de coups de fil La plupart du temps les messages sont rapides rendez vous telle heure l arr t de bus Les conversations au t l phone portable c est vraiment quand a ne peut pas attendre parce que sinon le t l phone fixe lui co te moins cher tout comme msn messenger qu elle utilise avec la webcam et le micro Les parents savent bien comment a se passe et lorsqu elle a besoin de leur parler elle dit simplement rappelle moi et cela leur suffit je ne dis m me pas qui c est ils savent que c est moi et ils m appellent tout de suite Restent les vacances moment qui fait exception la r gle et o elle appelle ses copines car elle pr f re entendre leurs voix Mais ce moment l a part tr s vite Son portable Marine l a d j oubli plusieurs fois et ne pas savoir o il se trouve l nerve la rend presque hyst rique comme elle dit Un apr s midi je l avais mis sur mon lit Mais il tait sous un coussin En le cherchant j ai mis ma couette dessus et en allant me coucher il a gliss entre le matelas et le mur J tais tr s stress e pendant les deux jours parce que je ne savais pas o il tait je m imaginais qu il tait tomb dans le bus N importe qui aurait pu tomber dessus C est devenu une habitude de lavoir toujours sur elle et elle ne comprend pas bien ceux qui n en ont pas qui tr
266. thmes sociaux La politesse finit par se conformer nouveaux besoins comme en t moigne la journaliste Dominique de Saint Pern dans un article loquent publi dans Marie France et intitul Les bonnes mani res sont de retour Nous vivons dans la rapidit La politesse a pris le rythme La pause d jeuner d une demi heure au self corne l tiquette je commence sans toi On quitte la table avant tout le monde J ai du boulot 1 4 Perturber une conversation t l phonique une inconvenance acceptable A l poque de notre premi re tude bon nombre de discours ordinaires ou scientifiques faisaient du mobile un outil perturbateur des interactions de face face Martin Rueff par exemple soutenait une th orie de la d locution selon lui la conversation t l phonique privait l entourage imm diat du t l phoniste de toute participation l change Nos observations nous avaient plut t fait mettre en vidence une paisseur des situations de communication faite de enchev trement de l espace de la conversation d une part et des espaces d interactions directes pour chacun des deux interlocuteurs Loin de dispara tre l environnement des t l phonistes se rappelait plus ou moins eux selon les moments de la conversation et r ciproquement 3 D DE SAINT PERN Les bonnes mani res sont de retour in Marie France juin 2007 2 M RUEFF Qui dans ses poings a recueilli
267. tion formelle dans les salles de cours et de formes d autorisation dans les espaces communs comme les couloirs ou les cours de r cr ation qui change selon les tablissements garder son mobile dans la main peut tre autoris dans les couloirs mais pas le faire sonner par exemple Les panneaux d affichage ou les crans d information selon les moyens techniques dont disposent les coll ges et les lyc es rappellent les modalit s d interdiction Les panneaux sur le mobile trouvent d ailleurs souvent leur place aux c t s de ceux sur la cigarette En d pit de ces rappels tr s nombreux et du fait que l interdiction des usages du mobile se trouve explicitement formul e dans la plupart des r glements int rieurs qui sont sign s par les l ves et leurs parents en d but d ann e le mobile semble en r alit incontr lable Son usage est tr s d velopp m me dans les tablissements les plus stricts comme ce lyc e coll ge priv de Vincennes ainsi que le rapporte le conseiller principal d ducation qui nous a accord une interview C est vraiment interdit mais je sais que les l ves s en servent partout Ils font attention avec nous parce c est strict ici les mobiles ne doivent m me pas tre sortis mais bon ils vont recevoir leurs SMS dans les toilettes ils ne l teignent pas toujours en cours ils jouent en r seau Et dans la cour on passe notre temps faire la police pour a Les sanctions
268. tique des artistes proprement parler Nombreux sont ceux par exemple qui tentent de questionner cette notion en conservant cette ambigu t parce qu elle leur semble constitutive de sa fonction voir partie l 4 Cette contribution l analyse des usages repose sur un travail d observation de productions artistiques pr sent es dans le cadre des festivals consacr s au film mobile Mobile film festival et le festival Film Pocket ainsi que de photographies et de films amateurs auxquels nous avons eu acc s au cours d entretiens cibl s sur cette question Nous avons en parall le rep r les modes d apparition de ces images dans les grands m dias et sur internet sur les blogs personnels sur les sites des journaux et sur les sites sp cialis s comme youtube ou dailymotion par lesquels transitent en effet une grande partie des images mobiles Nous empruntons l expression Philippe Dubois et l tendons aux actes filmiques P DUBOIS L acte photographique Paris Nathan 1990 94 sociale C est galement la perspective que nous adoptons et ce d autant plus que le mobile permet d interroger de mani re tr s int ressante la suite de la photographie et du film dit de famille l activit spectatrice contemporaine qui transforme l ancien spectateur consid r comme passif en un v ritable acteur de ce qui advient Laurence Allard fait m me de l amateur en g n ral une figure part enti re de la modernit
269. tive autonomie il peut s teindre dans notre dos il appelle depuis nos poches ainsi qu en t moigne Anne Comme mon pr nom commence par je suppose que je suis en t te de liste dans pas mal de r pertoirs Et bien je peux dire qu il y en a qui d pensent leur argent pour moi Je re ois des appels de poche des appels de bar de rue je raccroche vite pour ne pas user trop le forfait des inattentifs 35 Le mobile peut sonner ou vibrer tout moment Les gens v rifient tout instant sa pr sence mettent la main la poche fouillent dans leur sac jettent un il sur l cran ou m me le gardent la main le faisant glisser de droite gauche J ai le geste de la poche explique Mathieu Quelques fois je ne le sens pas donc je m arrange toujours pour que ce soit dans la poche la plus serr e Pas la poche arri re C est la principale chose d avoir toujours le contact visuel ou tactile Cette compulsivit des gestes de v rification r v le une certaine angoisse provoqu e par la vie parall le que semble mener le t l phone mobile L appellation courante t l phone portable occulte d ailleurs cette dimension d autonomie Ainsi d nomm il a moins l air de pouvoir nous chapper Il est int ressant d voquer un exemple en contrepoint En Creuse o le r seau est loin de couvrir uniform ment tout le territoire les gens semblent moins inquiets de ce que leur t l phone peut fair
270. tre Le son cristallise certaines attentions et ce d autant plus que des nouvelles fonctionnalit s ont permis la r invention de pratiques qui d rangeaient fortement le quidam urbain dans les espaces publics Il s agit de usage du mobile comme transistor gr ce aux quipements en haut parleur de plus en plus performants Nombreuses sont aujourd hui les sc nes de m tro o l on voit de jeunes individus gar ons ou fille faire cracher leur musique pr f r e Les gens autour ne disent rien ne sachant d ailleurs pas toujours d o provient la musique Si il y a un truc que je ne supporte pas c est ceux qui coutent de la musique forte sans faire gaffe aux autres Le portable a fait comme le poste l ancienne a fait chier les passants en plus franchement les sons n ont pas assez de basse c est horrible entendre Moi je n ose rien dire mais j avoue qu en g n ral a m nerve ceux qui se font mousser avec leur derni re musique en l imposant tout le monde Il serait possible de multiplier les exemples indiquant ce nouvel objet de focalisation des critiques Les signes d exasp ration ou d nervement restent toutefois discrets dans le m tro Les gens semblent avoir peur de ceux qu ils consid rent comme des provocateurs D une mani re g n rale en dehors de ces cas relativement marginaux et de situations particuli res comme les situations scol
271. tude sur les usages du mobile S il offre des ressources techniques et esth tiques nous y reviendrons le mobile ne peut tre accus des maux qui touchent l cole 84 Un dernier point peut toutefois tre soulign C est Ibrahim 16 ans qui nous a indiqu cette voie Ben de toutes fa ons partir du moment o il y a des portables l cole a veut dire qu on accepte les risques se le faire voler se faire prendre en photo se retrouver dans des traquenards C est comme a Ce fatalisme est en r alit tr s partag Le mobile semble aujourd hui faire l objet d une prise de risque consenti qu il s agisse des risques qu on prend pour soi m me ou qu on fait subir aux autres par exemple au volant ou qu il s agisse du risque que le mobile fait courir en terme de sant la question des ondes et des antennes revient sporadiquement de mani re spontan e dans les entretiens sous la forme d une pr occupation vague qui n a pas d effet sur les usages kkk Le vivre ensemble mobile a finalement volu depuis 2005 On retrouve l cart entre les discours et les pratiques que nous avions mis en vidence la relative fluidit des unes et aux formes de tol rance auxquelles elles donnent lieu s opposent encore mais de mani re plus ponctuelle et plus directement instrumentalis e des prises de parole sur le mobile et l incivilit Contrairement aux usages singuliers et individuels
272. u moment pr cis de son arriv e elle se sent devenir tout autre Ce type de geste est un acte par lequel on institue pour soi m me des zones d espaces temps il s agit d une forme de marquage actif de son territoire Eteindre mon mobile c est pour moi une fa on de mettre une barri re nous dit Paul un juriste de 32 ans que nous avons rencontr en recourant une m taphore spatiale souvent pr sente dans les discours des enqu t s Le mobile pour les utilisateurs interrog s offre en effet la possibilit de fixer des territoires personnels de communication qui sont des zones d usage librement d finies Ces sont des territoires mobiles et adaptables aux situations et contrairement aux autres outils de communication qui ne sont pas tributaires des lieux sociaux domicile travail ext rieur A l inverse actionner son mobile est bien s r le moyen de d limiter des territoires de non communication Quand j teins mon mobile le soir c est comme partir dans un endroit o on peut tre tranquille c est comme aller au cin ma s vader sur une le explique Samira 38 ans Elle a un m tier tr s prenant dans le domaine du marketing et ne poss de chez elle qu un t l phone mobile un ordinateur portable et une connexion Wifi qu elle nomme des voies d acc s au reste du monde L objet lui m me peut symboliser ce territoire personnel Il suffit pour s en convaincre de s int re
273. u t l phone mobile et si les oreillettes tendent se faire un peu plus nombreuses force est de constater qu elles ne convainquent pas grand monde aujourd hui encore Ah moi mon oreillette j en prends soin d ailleurs je ne l ai m me pas sortie de la bo te Je sais bien qu il faudrait porter des oreillettes mais bon je n arrive pas m y r soudre je trouve a tellement ridicule Je ne me vois pas avec ce machin dans les oreilles pourtant je pense que a viterait pas mal d accidents Je vais en acheter une c est s r j ai lu que a diminuait les ondes Enfin je dis a depuis longtemps je crois que a ne me pla t pas trop ce truc l c est idiot Le moins qu on puisse affirmer c est que l oreillette s duit peu alors qu en tant qu objet elle pourrait tre comprise dans la continuit des couteurs de baladeur dont les effets sur la gestualit et l attitude de ceux qui les portent ne choquent plus personne Qui s tonne aujourd hui de voir quelqu un esquisser des mouvements de danse remuer la t te taper des rythmes ou chantonner tout seul comme reli lui m me par un discret cordon Les casques et les couteurs ont si bien trouv leur place dans le prolongement du corps qu Apple a fait des siens tr s fins et surtout de couleur blanche une m tonymie de sa marque relanc e pr s du grand public par 91 l incontournable pod La r sistance au port des oreilles de mobile
274. uant pour les changes en famille Le r sultat des enqu tes portant sur les types de relations sociales qui se d veloppent via le mobile au Japon indique que le keitai renforcent les liens entre proches plut t qu entre des membres loign s de la famille ou des connaissances lointaines Nous faisons quant nous un constat un peu diff rent qui fait intervenir la variante du co t jamais voqu e par ces chercheurs japonais On note certes un effet d entra nement ou d emballement dans les changes t l phoniques entre proches au sein de la famille comme au sein d autres cercles Les questions d organisation tendent s externaliser au moyen du t l phone mobile qui devient l outil par excellence de la coordination on reporte au moment t l phonique la prise de d cision les circonstances de rencontre Je t appelle et on verra ce qu on fait ce soir On s appelle pour se dire o et quand on se retrouve ou si je viens te chercher ou pas la sortie du lyc e Et la fr quence exponentielle des appels de coordination autorise une autre forme d change t l phonique les changes qui visent partager sur le moment une situation v cue On s appelle et plus on s appelle pour s organiser plus on peut s appeler pour faire part d impressions Mais notre enqu te a aussi r v l que le mobile est bien un moyen d entretenir des liens familiaux distants Ces liens sont m
275. ube et dailymotion 5 Christophe Atabekian lors du festival Pocket Film 2 dition Il propose d ailleurs des performances artistiques consistant r aliser un film par jour tous les jours l aide des mobiles qu on lui pr te 101 Le mobile participe activement de la red finition des fronti res entre le journalisme professionnel et le journalisme qualifi par ses d fenseurs de journalisme citoyen Toutefois la loi sur la pr vention de la d linquance vot e en avril 2007 semble op rer un retour en arri re en figeant les positions L amendement sp cial sur le happy slapping vise en effet criminaliser de mani re explicite la prise de vue d images violentes et de surcro t celles qui pourraient mettre en cause des repr sentants de l Etat sauf en ce qui concerne les journalistes professionnels Elle risque ainsi de mettre un terme assez rapide ce mouvement g n ral dans lequel le mobile joue un r le important de transformation du paysage m diatique Il faut rappeler que le t moignage amateur des v nements du si cle n a rien d in dit Les images de tranch es de la guerre de 1914 1918 les plus connues taient le fait d individus inconnus La question de la complicit du preneur de vue vis vis de ce qu il saisit par son appareil fait en outre partie int grante de l histoire de la photographie et du photoreportage Visant cette pratique exceptionnelle et marginale une loi cadre r
276. ude Certes le contexte contemporain est celui d une haine de l ennui ou de l horreur du vide et un certain nombre d actions ou d activit s peuvent tre lues comme des moyens de tuer le temps d j mort pourtant et ces moyens sont diff renci s selon les lieux Ainsi Marion 19 ans nous explique t elle que la lecture d anciens SMS est impensable pour elle ailleurs que dans le m tro o elle s ennuie Chez elle elle ne s ennuie pas ou alors elle regarde la t l Pour elle le portable est l ext rieur ce que la t l vision est l int rieur un outil de comblement Mais notre pari consiste consid rer que cette exp rience peut aussi tre v cue comme pleine ou suppl mentaire Les usages du mobile peuvent se pr senter et tre exploit s comme des fa ons de participer plus et plus activement aux situations v cues 113 1 3 Les discours de l addiction doivent tre pris au s rieux Cette dimension permet de s interroger sur ce qu on nomme addiction au mobile ou un mode d usage fr n tique qui nous semble combler autre chose qu un besoin de communication La plupart des sujets se plaint de cet attachement incomparable au mobile m me les jeunes dont on pense souvent et tort qu ils manquent de recul Loin de combler seulement un manque ou de donner vivre seulement un lien le mobile produirait un sentiment d action l instar de ces films d action o le mobile devi
277. ue avait permis de mettre en vidence les enjeux li s aux interactions faisant intervenir le mobile Les disciplines communicationnelles et les sc nographies sociales mises au jour relevaient de cette approche Il s agit ici de d caler le point de vue et d envisager l objet t l phone mobile non plus en tant que tel par sa biographie par exemple r v latrice de son statut dans notre culture mais de nous int resser plus sp cifiquement aux relations que nous entretenons avec cet objet particulier dans une perspective dynamique Le point de vue d velopp dans ce qui suit consiste penser l objet dans l action qu un individu engage avec lui d s lors qu il s agit de l utiliser Le t l phone mobile n est pas seulement un ensemble de fonctionnalit s juxtapos es et pouvant tre activ es selon la volont du sujet Il est avant tout un objet mat riel pesant un certain poids occupant un certain volume et mobilisant dans son usage la fois des comp tences techniques sp cifiques de l utilisateur et un engagement corporel fort Nous avions d j soulign que peu d objets trouvaient de mani re aussi vidente et r guli re leur place pr s du corps du sujet De ce point de vue le portable ressemble bien plus une montre ou une paire de lunettes qu un ordinateur Il est d ailleurs dans de nombreux cas v ritablement consid r comme un prolongement du 29 corps voire de l tre Comment analyser c
278. ue un r le central de ce point de vue puisqu elle permet de saisir quelque chose de cette relation physique sujet objet qui loin d tre neutre participe la construction des tres humains en tant que sujets 1 D faillances h sitations et erreurs indices d une ma trise conditionnelle Dans l tude pr c dente notre point de vue nous avait conduit raison produire l utilisateur du t l phone mobile comme un expert de l ing nierie communicationnelle d une part mais galement comme un sp cialiste de sa propre mise en sc ne comme une sorte d ing nieur des situations Ceci tait vrai et l est toujours avec cette nuance suppl mentaire que l utilisateur jongle de mieux en mieux avec des outils de communication toujours plus nombreux selon des modalit s qu il revient chacun de 1 Ce passage de notre tude s appuie tout particuli rement sur une focalisation sur les dimensions mat rielles de l objet et les modes de pr hension auxquels il donne lieu Nous avons privil gi dans cette optique un int r t pour la place du corps dans la relation l objet ainsi qu une enqu te centr e sur les modalit s d apprentissage aupr s d un public h t rog ne comprenant de v ritables experts de tous ges souvent de grands utilisateurs des utilisateurs qui se consid rent comme normaux c est dire qui ne rencontrent pas de difficult s particuli res mais galement des utilisateurs perdus emp t
279. ui m rite d tre retenu c est finalement la tr s grande adaptabilit des pratiques aux configurations mat rielles dans lesquelles elles prennent place Les individus ne cherchent pas n cessairement faire plier les machines ou organiser l espace pour conserver leurs usages anciens ils peuvent en changer et m me parfois conserver des modes de faire qui semblent irrationnels ou tr s compliqu s plut t que d ajuster leur environnement ce qui tort serait d crit sous le seul angle des besoins ou de l optimisation technique 2 6 L importance ambivalente du co t Il en est de m me de l argument conomique tr s fr quemment voqu par les sujets lorsqu elle est abord e la question de l usage des outils de communication Que ce soit d une mani re affirm e et assum e ou bien d une fa on plus sous jacente la probl matique du co t semble au centre des arbitrages Les carnets de contacts analys s t moignent d une large importance accord e la ce qui est per u comme de la gratuit c est une des raisons massives qui influencent le processus de d cision MSN est souvent pl biscit pour sa gratuit en journ e chez les jeunes qui ont des forfaits illimit s le soir seulement le mobile est l outil qui s impose dans ces p riodes de gratuit tant attendues David se saisit en priorit de son portable le soir car c est illimit il privil gie MSN en journ e car c est gratuit
280. uite la vid o est mise en circulation et peut tre regard e Christian Papilloud qui a travaill sur le sujet avant m me que des cas n apparaissent en France indique comment cette pratique se trouve privil gi e par les fonctionnalit s des mobiles elle exploite la fois les l ments du face face sur le mode de l extraordinaire de l ph m re du fragmentaire du furtif rendus possibles par le film mobile avec les nouveaux modes de diffusion qui lui sont propres S il para t vident que le mobile ne cr e pas la violence de toute pi ce le fait de filmer et de faire circuler des images violentes qu on soit ou non complice de la mise en sc ne des actes film s se trouve d sormais au c ur de la loi sur la pr vention de la d linquance Le texte pr voit des peines allant jusqu cinq ans de prison et 75 000 euros d amende pour la diffusion d images portant sur les infractions mentionn es dans les articles 222 1 222 14 1 et 222 23 222 31 du code p nal Les d lits concern s vont des actes de violence graves tortures et actes de barbarie de simples agressions L article Christian Papilloud Br ve autopsie du happy slapping www libertysecurity org Nous reviendrons plus pr cis ment sur ces l ments dans la partie III 79 222 13 porte sur les violences commises par un d positaire de l autorit publique dans l exercice de ses fonctions La loi pr c
281. ulier sur ce qui nous semble relever de nouvelles pratiques amateurs r actualisant les travaux dirig s dans les ann es 1960 par Pierre Bourdieu sur la photographie Un nouvel art moyen Essai sur les usages sociaux de la photographie Il est particuli rement int ressant que se d veloppent en marge des usages vulgaires des nouvelles fonctionnalit s photographiques et filmiques pour n voquer qu elles des pratiques artistiques esth tiques au sens courant du terme cette fois ci qui tendent inscrire le mobile non plus dans une panoplie d objets communicants ou servant la communication tels que le t l phone fixe l ordinateur ou encore le pda mais bien dans l histoire des dispositifs plastiques de prise de vue comme l appareil photographique jetable le polaro d le num rique ou en ce qui concerne les images anim es la cam ra portative super 8 puis les cam ras vid o 2 P BOURDIEU sous la direction de Un art moyen Essai sur les usages sociaux de la photographie Paris Minuit 1965 Cette recherche universitaire qui a fait date dans l histoire des travaux sur la photographie avait l origine t commandit e par l entreprise Kodak Path qui cherchait comprendre ce qui se jouait autour de la diffusion massive des pratiques amateurs dans la soci t 87 L exploration des liens qu entretient le mobile avec ces objets et l interpr tation de ce qui s amorce comme de v ritables fonctions
282. un quand il voit quelque chose d inhabituel quand le train est retard quand il pense tout coup quelque chose La dimension proprement active de l usage a d j t finement d crite sous l angle des relations que l on vit avec les autres par l entremise son t l phone mobile D une part les utilisateurs se mettent en sc ne activement en t l phonant en devenant presque au sens propre acteur devant un public de circonstance d autre part on sait qu on t l phone parfois davantage pour actualiser un lien pour activer sur un mode connect des relations sociales que pour changer Mais l encore nous n embo tons pas tout fait le pas aux analyses existantes quand nous soulignons le F JAUREGUIBERRY Les branch s du portables Paris PUF 2003 amp M FERRARIS dans son ouvrage T es o Ontologie du t l phone mobile d veloppe limage de la baguette de sourcier comme un sourcier dans cette op ration on tient g n ralement le mobile presque l horizontale par rapport au sol parce qu il faut surveiller les barres sur l cran on se met chercher du champ Paris Albin Michel 2006 M RELIEU Parler en marchant Pour une cologie dynamique des changes de paroles Langage et soci t n 89 Paris Maison des sciences de l homme 1999 7 Rapport GRIPIC 2005 71 C LICOPPE op cit 112 besoin d accomplissement ou de concr tisation qu assouvit
283. une f te pour c libataires Le t l phone de Yoko sonne et annonce un appel de sa propre utilisatrice Yoko Le message laiss sur la boite vocale semble provenir de Yoko elle m me mais est dat du surlendemain et se termine par un terrifiant hurlement de jeune femme Les deux amies sont quelque peu inqui t es par cet appel mais la peur n intervient r ellement que deux jours apr s lorsque Yoko passe un coup de fil Yumi et prononce les mots du message anticip Yoko hurle et se jette depuis un pont sur un train qui passe Tr s vite il s av re que les v nements correspondent une l gende urbaine connue d autres tudiantes que Yumi rencontre Sur un mode parodique la com die Hellphone de James Huth France 2007 met en sc ne un lyc en qui acquiert un mobile d moniaque capable de poss der et de manipuler celui qui l coute Utiliser son t l phone c est toujours amorcer un engagement sp cifique entre la mat rialit de l objet et le corps Les gestes que les utilisateurs entreprennent peuvent tre compris comme autant de tentatives de n gociation Les r cits d chec le montrent bien car il focalisent sur le moment o on sort de l vidence d un objet utilisable par tous avec facilit Ils rompent avec la promesse publicitaire qui en mettant en sc ne des utilisateurs experts qui ma trisent avec une facilit absolue toutes les dimensions de l outil nous fait sans cesse oublier que
284. une large partie des observations faites en famille Le partage et l optimisation des forfaits mais galement les pr ts ou la production de mobiles collectifs dans des groupes joue en effet plein Le choix d un op rateur peut m me orient par la prise en compte des op rateurs de ceux avec qui on souhaite tre le plus souvent possible en lien De petits groupes par se dessinent donc en fonction des op rateurs gr ce aux offres qui vont dans ce sens comme les num ros pr f r s ou encore les illimit s Contrairement toutefois ce qui se passe en famille o la hi rarchie des r les est plus ou moins stabilis e et o le mobile tend renforcer des liens consid r s comme vidents et qui lui pr existent il constitue un puissant op rateur de configuration des collectifs C est donc sur ce point que nous allons insister d sormais partir de l observation de l usage du mobile chez les jeunes et en particulier chez les adolescents il s agit de comprendre comment il intervient dans la constitution d une pluralit de collectifs allant du r seau d anonymes au marquage des relations les plus exclusives 2 1 Des partages entre solidarit et hi rarchie le mobile au sein du groupe Nous l avons indiqu les adolescents usent des mobiles et des forfaits des autres dans un souci d optimisation et de rentabilit g n rale comme en famille Si le mobile en famille renforce ou r v le une hi ra
285. xemple Moi j ai surtout essay la photo au d but enfin le premier jour pour voir comment a marchait Mais bon depuis j avoue que a ne m int resse pas trop Je ne faisais pas de photos avant alors Il en est de m me pour Pierre 15 ans heureux propri taire du dernier sony ericsson walkman qui a r alis quelques petits films en photomontage pour d couvrir les diff rentes options de son t l phone Nous l avons rencontr une premi re fois juste apr s son acquisition Il tait fier de nous montrer ce qu il savait faire Trois mois plus tard il avait compl tement arr t 8 R ODIN sous la direction de Le cin ma amateur Communications n 68 Paris Seuil 1999 L Allard L amateur une figure de la modernit esth tique in Le cin ma amateur Op cit R ODIN Communication n 65 Op cit p 43 95 Je voulais avoir a mais en fait je me rend compte que a me saoule Quand il y a des photos faire c est plut t d autres copains qui les font apr s ils me les envoient comme a je peux aussi les avoir 1 2 Des usages occasionnels D apr s nos observations et nos entretiens une large partie des usages photographiques appara t en r alit occasionnelle comme l exprime bien Nicolas 25 ans Bon je ne m en sers pas trop de la photo En plus la cam ra c est un peu compliqu faut faire tout un tas de r glages En fait il faut vraiment qu il s
286. xperts aussi laise les uns que les autres dans l usage des nouvelles technologies contrairement ce que d fend Pascal Lardellier S ils ont grandi dans un environnement technologique tr s diff rent des g n rations pr c dentes ils n en sont pas pour autant uniform ment capables de tout ma triser Il en est du mobile comme des autres objets technologiques Dans chaque groupe nous retrouvons un expert ou plusieurs experts de r f rence mais aussi celui qui personne ne demande rien il est nul il ne comprend rien oh la la celle l c est pas la peine elle fait le minimum et encore je pense qu elle fait semblant Contrairement aux id es re ues les adolescents ne savent pas tout faire Nous avons t tonn s au cours de notre travail de terrain de d couvrir qu aucun d entre eux ne savait se servir du mode T9 pour ne prendre que cet exemple T9 je ne comprend rien c est gal re ce truc Le 3 3 3 Tiy 13 Ah ouais j ai essay de me faire expliquer mais c est trop relou J essaie mais a me fait nimporte quel mot je comprend pas franchement lls essaient s rieusement d crire des messages avec ce mode T9 aussi myst rieux pour eux que le sont les emoticon ou les abr viations caract ristiques de leurs SMS pour les non initi s 12 Pascal Lardellier pr tend parler de toute une g n ration de jeunes alors qu il a travaill pr cis ment avec ses tudiant
287. yen efficace de rappeler les r gles du d bat 4 Le mobile un objet hors les lois Alors que le mobile fait de moins en moins l objet d observations sur la civilit qu il semble d sormais s installer des r gles tacites d usage permettant d atteindre un seuil et des modes d usages pouvant globalement faire consensus il semble continuer d chapper aux r gulations officielles et en particulier aux lois qui criminalisent progressivement certains de ses usages 4 1 L inscription dans les textes vers une p nalisation du mobile Le mobile est il un objet hors les lois Cette question se veut un peu provocante En effet si le mobile appara t moins contraire la civilit en 2007 il rel ve de juridictions de plus en plus nombreuses Les tentatives de r gulation ou de contr le son endroit sont de plus en plus pr gnantes et s inscrivent d sormais dans des textes officiels comme les r glements int rieurs Tous nos interview s rendaient compte de formes d interdiction St phane ouvrier sp cialis de l interdiction du mobile l usine Marie employ e la S curit sociale ou Sabine agent RATP des conditions 33 Mots crois s France 2 78 d utilisation lors de l accueil au guichet A ces exemples de lieux d interdiction que sont certains lieux de travail peuvent tre ajout s d autres espaces plus connus comme les h pitaux les biblioth ques les salles de spectacle ou les cin mas ou encore les

"Le téléphone mobile aujourd`hui : usages, représentations

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