un mode d`expression de l`anticolonialisme
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1. voyage qui se transforme en une succession de visites et un espace g ographique quil c de la place aux monuments Le vide entre panoramas ch teaux tours portails en un mot l tendue sans int r t devient l espace de la circulation qui s oppose la chose voir 70 Si chaque anecdote vaut pour la chose entendre si chaque narrateur vaut pour le guide idoine le narrateur premier se retrouve dans le r le de ce vide entre des r cits seuls dignes d int r t Le caract re secondaire qu on peut lui imputer est fallacieux puisqu il est paradoxalement celui sans qui rien n existe Il est ce lien ce liant qui donne sens la fragmentation seule per ue ce titre il donne l avantage au chemin sur le site au mouvement sur l immobilit et s rige bien en figure d Herm s en lieu et place d un Prom th e fondateur de la civilisation et des lieux Figure moins stable donc plus labile qui cependant ne sert pas un id al relationnel tel que le propose la r actualisation du mythe par Michel Serres ou plut t ne le servant qu en partie en la seule direction du lecteur avec qui le texte entame l unique change v ritable Son r le rel ve donc bien de l av nement du logos entendu comme recours a raison cette facult d argumenter qui d finit l homme en tant qu il n est pas simplement un animal mais comme animal politique un tre raisonnable Le narrateu2. touch lui aussi par la d cadence du monde Il est d ailleurs sans doute le seul v ritable neurasth nique du texte enferm g ographiquement dans les sommets pyr n ens et mentalement dans son refus intraitable de tout change avec la soci t Ressassement apathie autant de caract ristiques de ce personnage qui t moignent de l influence schopenhaurienne laquelle est soumis Mirbeau et qui est l horizon possible du narrateur gt Des Chroniques du diable aux 21 jours nous sommes pass s du regard critique enchant celui plus noir de la fin de si cle les crises personnelles de Mirbeau les secousses sociales laffaire Dreyfus ont influ sur le changement de tonalit L individu a pris par ses propres moyens la mesure de son tranget au monde Fresselou et Asmod e sont remiser au magasin des accessoires de la r volte pour le premier de la litt rature pour le second Quant au narrateur c est fort de son propre pouvoir d analyse et dot d une parole efficace qu il quitte une sc ne sur laquelle se joue inlassablement la m me pi ce La montagne se referme sur les curistes Le lecteur est rendu 74 Mauvais g nie que le narrateur signale lui m me la page 192 du roman Si l on ne peut encore le confondre avec Robert Fresselou il partage avec lui le go t de l immobilisme R ciproquement le personnage poss de la nature immortelle de tout g nie ainsi qu en t moigne le narrateur e
3. par le litt rateur des m mes contr es du bon sauvage sur le monde civilis c est avant tout l expression de 1 O Mirbeau Dans quatre ans in Chroniques du Diable Annales Litt raires de l Universit de Besan on n 555 1995 p 129 2 Depuis les d nominations antiques faisant la partition entre l autre d une part le barbare le m t que et le citoyen d autre part aux textes vocation scientifique des anthropologues du XIXe sans oublier la masse des crits des premiers explorateurs et des missionnaires la diff rence qui se fait entendre dans ces textes Aussi moralisateur ou paternaliste que se veuille le premier ou bien aussi ironique que s efforce d tre le second l alt rit reste la pi ce ma tresse sur laquelle se b tit le discours Celui qui a pour th me le colonialisme n chappe pas cette m canique normative de l nonciation de l ethos et de la litt rarit Dans le genre narratif Mirbeau a abord le th me de mani re explicite avec quelques uns des Contes cruels et Le Jardin des supplices dans lequel le bagne chinois vaut pour m taphore de l enfer de nos colonies Les premiers rel vent de la veine farcesque qui alimente nombre d articles publi s dans la presse tandis que l on trouve en bonne place dans le second le complexe d Asmod e via le narrateur opportuniste fran ais et rat plong en cet trange lieu Si cette m thode sert de fa
4. tre qui participe du fonctionnement de la soci t des niveaux de responsabilit cons quents mener le jeu de d couverte des r alit s sociales le narrateur du ardin des supplices est un d voy de la classe politique celui des 27 jours d un neurasth nique ne cache pas les convergences existant entre sa pens e et les id es communes de son temps 2 C est l tranget du m me au m me que r v le Mirbeau accusant les contradictions dans lesquelles se d bat la soci t de la fin du si cle Il y aurait peut tre lieu de convoquer ici la notion d imagologie apparue dans l appareillage conceptuel de la litt rature compar e dans les ann es 1970 en proc dant une extension de sa stricte d finition qui en fait l tude des repr sentations de l tranger dans le discours litt raire Retourner le questionnement en corrigeant la direction du regard en le renversant de l ext rieur vers l int rieur sans en rien ter de ses postulats nous fournirait ainsi un outil fortement op rant pour tudier la d marche critique de Mirbeau l gard des discours colonialistes qui ne sont pas le champ le moins travers par la probl matique de l imagologie Familiaris s avec les proc d s d amplification d ironie de 52 se d clare ainsi ouvertement patriote la page 98 avoue des convictions conservatrices p 256 etc d tournement des discours dont use l auteur nous adoptons b
5. par files mornes suivre la ligne des h tels se grouper devant les talages s arr ter longtemps un endroit pr cis et braquer d immenses lorgnettes sur la montagne 31 Aucune autonomie n est allou e aux diff rents groupes ethniques qui tous sont ni s dans leurs comportements habitudes et particularismes propres Il en va de m me sur le plan des individualit s Le parangon du touriste en vill giature serait Robert Hagueman pr sent la page 45 du roman non comme un individu mais une collectivit 32 Une fois faire la description de l homme le narrateur conclut qu i s sont sur les plages et dans les montagnes qu ils sont en ce moment trente mille comme Robert Hagueman La ressemblance physique permet par m tonymie d extrapoler la ressemblance morale et l on peut croire que le m me tailleur a fa onn les habits et les mes les mes par dessus le march bien entendu car ce sont des mes d une coupe facile et d une toffe qui ne vaut pas pr sente un v ritable condens concernant la montagne des analyses qu en fera Barthes une soixantaine d ann es plus tard dans ses Mythologies en voquant le Guide Bleu Ne citons que quelques unes unes de ses remarques Le Guide Bleu ne conna t gu re le paysage que sous la forme du pittoresque Est pittoresque tout ce qui est accident On retrouve ici la promotion bourgeoise de la montagne ce vieux mythe alpestre il
6. pr suppos s id ologiques Le r cit est un guide de la soci t m me s il en pr sente une vision parcellaire partisane discontinue par le biais des anecdotes diss min es au fil du texte et sur lesquelles le personnage attire l attention du lecteur en les lui rapportant ou en l introduisant en qualit de t moin privil gi dans le cercle 12 Hermann H Wetzel l ments historiques d un genre litt raire l histoire de la nouvelle jusqu Cervant s in La Nouvelle en France la Renaissance sous la direction de Lionelo Sozzi Seded 1981 p 45 13 Pr face de V L Saulnier Visages de la nouvelle in La Nouvelle en France la Renaissance op cit p VII 14 V L Saulnier op cit p VIII 15 bidem 16 Alain Corbin L av nement des loisirs Paris Aubier 1995 p 100 des devisants La qualit ou le d faut d inventaire que ne manque pas de poss der le texte ressortit donc d une composition canonique eu gard aux conventions culturelles qui r gissent l appr hension de l espace g ographique et de l histoire dans les guides touristiques qui font flor s la fin du si cle et qui sont ici mises au service d une d couverte de la soci t C est plus la densit d un texte o fourmillent les figures nouvelles que sa diversit qui surprend mais le guide touristique n offre t il pas lui m me une profusion d routante de sites L uvre mirbellienne semble g
7. repr sentations de Autre ou de soi m me sont autant de st r otypes dont l objectif est de former un rapport de conformit entre une soci t et une expression culturelle simplifi e 5 afin de raffermir l identit du groupe qui les manie autour d une image consensuelle c Un zoo humain Cette caract risation des personnages renvoie celle que ne manquent pas de donner des peuples colonis s certains usages contemporains On ne peut en effet ignorer les collusions qui la fin du XIXe si cle ne manquent pas de s tablir entre la logique coloniale et le discours pseudo scientifique des anthropologues Le lieu choisi pour situer l action des 27 jours d un neurasth nique trouverait alors une dimension suppl mentaire dans la confrontation avec certaines pratiques de l ethnologie balbutiante mise au service de la mission civilisatrice de l Europe Depuis plusieurs ann es les expositions universelles accueillaient en leur sein des reconstitutions de villages africains dans lesquelles le visiteur tait cens avoir sous les yeux le d roulement des activit s quotidiennes de ces peuples Ces pratiques que l histoire tudie sous le nom de zoos humains 30 se d veloppent la fin du XIXe si cle pour ne 33 bidem 4 Bertrand Westphal La G ocritique mode d emploi PULIM 2000 p 37 35 Daniel Henri Pageaux La Litt rature g n rale et compar e Paris A Colin 1994 p 62 36 Voir Nicola
8. roman clefs ne sert ici que la volont de l indiff rencier le site vaut pour toutes les villes Cette absence d originalit de trait saillant intrins que X est accentu e par la propagation de la d nomination X d signe un autre lieu une ville dans laquelle le narrateur avait fr quent le docteur Triceps41 L uniformit des toponymes fait de la ville une r plique du lieu de vill giature ce que confirme la disposition des b timents de la cit ext rieure le 38 bidem pp 76 77 39 Voir supra 2 2 a Un lieu mortif re et factice 40 VIN p 42 Les promenades dans la montagne trahissent la m me capacit du paysage s tirer l infini en faisant une prison dont on ne s vade pas p 78 41 Deux d tails au moins nous interdisent de confondre les deux lieux le narrateur conna t Triceps depuis fort longtemps or il le rencontre nouveau dans le lieu de cure o le docteur a fini r cemment par chouer la ville v ritable qui est voqu e poss de en sus des h tels des faubourgs h pitaux casernes asiles chemin suivi par le fiacre bord duquel se trouve le narrateur suit un itin raire bord d espaces vides ou de murailles hautes pour aboutir devant une porte en forme de vo te 42 v ritable point de fuite de l ensemble L asile qui se trouve derri re pr sente lui aussi une disposition similaire celle des Pyr n es La cour est ferm e qua
9. toujours des croyances aussi bien organis es Souvent les mythes sont isol s ne forment pas des groupes d anecdotes et parfois aussi ils se contredisent les uns les autres in L Ethnologie Larousse Le Livre de Poche 1967 p 154 attentes par la rupture g n rique qu introduit la r partition de la parole Ce que ne peut concevoir l intellection du lecteur c est la remise en cause du langage devenu aberration vanit intransitivit alors que la sc nographie du texte renvoie des pratiques partag es de convivialit Cependant les lieux trahissent rapidement leur v ritable nature par le biais d une chronotopie atypique relevant tout la fois du constat historique de la fr quentation en augmentation des villes d eaux et d une projection fantasmatique faisant de ce lieu un concentr de la soci t fran aise En proposant un espace autre que celui l gitim par des si cles de repr sentation occidentale en s attaquent aux formes du texte le bricolage textuel mirbellien dans Les 27 jours d un neurasth nique ressortit d une probl matique qui interroge l tat de la soci t et partant de la litt rature Il suppose l agencement incident dont le but n est jamais atteint en totalit La ma trise compl te des v nements n existe pas ici contrairement la volont de calcul et de finalit exprim e par la science et les romanciers vocation scientifique Les effets stochastiques auxquels se li
10. Temps et l Histoire dans une cat gorie de faits les diff rentes affections dont souffre le malade que l on abordait avant lui du dehors un peu comme le naturaliste consid re son objet 73 Cette victoire sur l apathie et le conformisme aura vit auparavant un dernier cueil la tentation nihiliste 73 Mircea Eliade Mythes r ves et myst res Gallimard 1972 p 57 c est nous qui soulignons b Le genius loci S il y a pour reprendre un topos du discours litt raire de l poque g nie du lieu X il s agit en fait d un mauvais g nie 4 Celui ci install hors les murs de la ville dans un emplacement lev domine le lieu de cure Robert Fresselou retir de la soci t des hommes depuis de longues ann es est celui qui en a pourtant p n tr les arcanes Sa parole est une parole d change seul moment l int rieur du texte o l on assiste une discussion au sens rh torique du terme disputatio supposant l intersubjectivit et la controverse Cette confrontation ach vera la conversion des sympt mes n vrotiques du narrateur en prise de conscience elle d clenchera le processus d cisionnel qui aboutira son d part son arrachement d un lieu dont les valeurs archa ques taient source de malaise Parole th rapeutique contre parole l nifiante le savoir et la position surplombante de Fresselou renouent avec le complexe d Asmod e Cependant c est un Asmod e d prim
11. UN MODE D EXPRESSION DE L ANTICOLONIALISME MIRBELLIEN LA LOGIQUE DU LIEU DANS LES 21 JOURS D UN NEURASTHENIQUE D s son entr e en litt rature Mirbeau met en place avec les Chroniques du Diable un dispositif textuel que l on retrouvera dans la majeure partie de ses productions et que l on se propose de d signer sous l appellation de complexe d Asmod e C est l auteur m me qui sugg re la filiation en faisant de ce personnage fantastique le tr s arri re grand p re de son narrateur D mon de la sensualit et de l Amour impur dans le livre de Tobie avant que Lesage reprenant le sujet du romancier espagnol Luis V lez de Guevara diablo cojuelo 1641 n en fasse en 1707 le h ros de son Diable boiteux un d mon qui d voile celui qui l accompagne les secrets des m nages de Madrid Asmod e para t doublement indiqu Mirbeau pour arriver ses fins li la sensualit il vise provoquer et d masquer les gardiens d une morale hypocrite chantre de l incursion dans la sph re priv e il est le t moin privil gi des arri re cuisines fin de si cle Mais peine voqu l Asmod e de Lesage semble d j devoir par sa renomm e placer la m thode du romancier sous le joug d un principe au lourd pass litt raire celui du regard tranger Que ce soit le point de vue de l homme occidental sur les peuples inconnus qu il d couvre ou celui artificiellement convoqu
12. a narration un individu inclus dans la soci t de l poque Mirbeau vite le pi ge de la voix trang re qu il sait toujours r ductrice et fausse pour mieux remettre en question les fondements sur lesquels repose la domination culturelle occidentale Ainsi contrairement aux mythologies grecques et latines dont se r clame commun ment l homme cultiv de la Troisi me R publique qui ont difi des mythes organis s aux versions fiables la petite soci t du roman r v le une forme de pens e mythique primitive en ce sens que chaque intervenant poss de une part de v rit et que l unit de ce monde s ab me dans une diffraction qui nuit gravement la p rennisation des principes du monde civilis 7 Le r cit se pr sente donc comme un texte convenu dont il trahit les 76 Ainsi que le rappelle Bernard Westphal l espace colonial tait un espace plus ou moins diff rentiel mais sa perception tait r f renc e au centre La G ocritique mode d emploi op cit p 12 77 Jean Cazeneuve rapporte ainsi que es mythes que nous connaissons par Antiquit grecque et romaine constituent un ensemble plus ou moins coh rent o des divinit s et des h ros bien individualis s forment une soci t celle de l Olympe par exemple et vivent en commun un certain nombre d histoires et d pisodes C est ce qu on nomme une mythologie Chez les primitifs tudi s par les ethnographes on ne trouve pas
13. alement faire ainsi directement cho aux puissantes nomenclatures soci tales que sont les cycles balzacien ou zolien 1 3 Une somme r aliste une classification naturaliste Que Zola ait ramen l ambition de Balzac qui voulait faire entrer l ensemble de la soci t dans son uvre la volont de d crire la totalit de l volution d une famille ne modifie rien en d pit du changement d chelle la pr tention illusoire l exhaustivit Mirbeau met en forme le roman de mani re laisser accroire cette utopie et la g ographie des lieux semble bien devoir d s les premi res lignes abonder dans le sens de l hypoth se faisant de l poque Ille s c e qui a eu l id e du roman comme de l encyclop die des situations des types humains des documents v cus 17 Le chapitre enclot en son sein d une mani re implicite l ensemble des personnages qui prendront part au roman Celui ci d s son ouverture se veut un r servoir clos de possibles dont le d veloppement se chargera ou non de les actualiser Tous les chapitres ne seront que des manations du premier qui les contient tous en germe Les structures cycliques de la Com die Humaine o des Rougon Macquart sont ici non seulement reproduites mais lev es un niveau de rendement inconnu par la puissance de concentration de l ncipit du texte et les al as de son d ploiement deux processus qui manent de la logique du lieu l
14. anchir o la pens e se brise sans pouvoir les traverser 38 En intensivit les valeurs qui y circulent sont aliment es par la croyance commune 39 comme en extensivit cet univers est plus d un titre un univers autor f rentiel La topographie du roman se r sume une vaste perspective ais ment r ductible l espace euclidien La ville de X pr sentant un urbanisme particulier compos uniquement de soixante quinze h tels normes constructions semblables des casernes et des asiles d ali n s qui s allongent les uns la suite des autres ind finiment sur une seule ligne 40 dont la description est une parfaite vocation du principe de la perspective centrale et du sentiment fini de l infini qu elle sugg re minent syst me de la peinture occidentale et des moyens de cr er l effet de r el il se r v le ici source de st rilit et le roman abymant le lieu de cure dans l espace g ographique reproduit la m me disposition des lieux en amont comme en aval de la ville d eaux En amont c est dire hors du lieu de cure dans l espace quotidien d une v ritable ville celle de X ayant t d sign e comme un simulacre par le narrateur la page 42 en aval soit en son sein m me L anonymat du lieu s il peut avoir pour but d viter la fonction r f rentielle du toponyme et par l m me d accr diter la valeur authentique du texte litt raire t moignage
15. arce que la disposition architecturale de ce dernier est calqu e sur les repr sentations mod les de cit s id ales renaissantes et parce qu il est une structure sans volution vou e la reproduction comme le prouve la ville qui imite la disposition mythique originelle du lieu de cure ainsi sont assur es la r alit et la dur e d une construction non seulement par la transformation de l espace profane en un espace transcendant le Centre mais aussi par la transformation du temps concret en temps 42 VIN p 66 43 Jbidem p 68 44 Ibidem p 79 45 Cf Marc Angenot op cit p 338 46 Marc Angenot op cit p 345 47 Jbidem mythique 8 La mise en sc ne scientifique se renverse soudain en expression du sacr et nous passons du monde rationnel au monde pr logique des croyances mais aussi par bien des aspects celui de la foi de l id ologie de la manipulation Le choix effectu par l auteur de situer l action au c ur de la montagne enrichit une telle lecture par le fait que dans de nombreuses cultures elle figure parmi les images exprimant le lien entre le Ciel et la Terre et est donc cens e se trouver au Centre du Monde V ritable fantasme de la soci t europ enne arc bout e sur ses valeurs X est une v ritable imago mundi la fois centre de l univers et image du monde lieu des origines et origines des lieux t moignant du repli frileux du civilis sur l
16. civilis e de cette petite soci t et la nature des histoires en en r v lant la v ritable nature c est l absurdit du regard objectif dont science justice et litt rature se sont empar es Livrer les propos des personnages tels que le narrateur les re oit semble aller dans le sens d une certaine scientificit propre au t moignage Plusieurs anecdotes rel veraient ainsi du fait divers d autres de la chronique coloniale certaines encore de la rubrique judiciaire et nonobstant parfois quelques exag rations elles ne d pareraient pas dans un contexte ad quat Mais ce constat 54 V L Saulnier op cit p VII 55 Pierre Michel et Jean Fran ois Nivet parlent ce propos d bouriffant jeu de massacre o toutes les valeurs et institutions respect es par l imagination des foules apparaissent comme autant de monstruosit s o l absurde le dispute l odieux Octave Mirbeau l impr cateur au c ur fid le Paris S guier 1990 p 678 superficiel omet l essentiel de la v rit en ne rendant pas compte de la v ritable nature enfouie profonde des sp cimens observ s Toute observation suppose un travail d interpr tation et c est ici le montage qui en cr ant l illisibilit du texte donnera en fin de compte le sens de ces r cits et dialogues anecdotes futiles bavardages mondains tous se transforment leur corps d fendant en actes d accusation de la soci t Il s agit bien ic
17. date du XIXe si cle Paris Seuil 1970 p 121 a mythologie du Guide Bleu date du si cle dernier de cette phase historique o la bourgeoisie go tait une sorte d euphorie acheter effort en garder l image et la vertu sans en subir le malaise C est donc en d finitive fort logiquement et fort stupidement l ingratitude du paysage son manque d ampleur et d humanit sa verticalit si contraire au bonheur du voyage qui rendent compte de son int r t ibidem p 122 29 JN p 42 30 bidem p 43 31 bidem 32 Ibidem p 45 cher 33 Le caract re arbitraire du raccourci accentu par l expression de connivence bien entendu s il participe de la dimension agonique du texte sert galement une rh torique de mauvaise foi de laquelle est coutumi re la pens e coloniale par le biais notamment de ses paralogismes auto justificateurs La r duction de l tre l apparence en est un c l bre que n h site pas reproduire Mirbeau afin que le discours qui tend gommer les particularismes des peuples colonis s pour n en renvoyer qu une image monolithique se retourne ici contre l Europe et les courants nationalistes qui la traversent en d veloppant des ethnotypes qui renforcent une identit r v e pour soi m me ethnotype m lioratif et ou par opposition gon aux entit s voisines consid r es comme irr vocablement autres ethnotype p joratif 34 gt Les
18. de de l individu que la soci t du roman est d barrass e de la gangue hypnotique des histoires qu elle se raconte et r v le son identit r elle par 48 Mircea Eliade Le Mythe de l ternel retour Gallimard 1969 p 33 49 Mircea Eliade Le Sacr et le profane Gallimard 1975 p 35 Voir pour le symbolisme de la montagne l ensemble du chapitre intitul Le Centre du Monde pp 34 39 50 Mircea Eliade Aspects du mythe Gallimard 1966 p 30 51 VJN p 154 l interm diaire de la neurasth nie v ritable sympt me de lucidit 3 La d limitation de soi regard parole neurasth nie Le choix du narrateur et de la vision neurasth nique qui en d coule a t soulign de nombreuses fois comme le moyen le plus s r de parvenir un roman de la subjectivit totale rompant tant avec la tradition naturaliste de la scientificit de l observation qu avec la vogue psychologisante des romans mondains Il est aussi le vecteur de la d sacralisation des valeurs commun ment partag es car le personnage principal fonctionne rebours du narrateur premier habituel plus que celui qui scelle entre elles les unit s textuelles et le sens du r cit il est celui qui met en vidence leurs contradictions 3 1 L alt rit du regard Mirbeau porte l alt rit au sein m me de la soci t par le biais d un narrateur qui marginal ou non n en reste pas moins un pur produit Il est fr quent de d couvrir un
19. drangulairement par de hauts b timents noirs perc s de fen tres aucune chapp e sur de la libert et de la joie 43 analogie que la description du jardin de la ville de cure va transposer quelques pages plus loin en aval de celle ci lorsque le narrateur d cid ne plus quitter l endroit va d crire un jardin clos de murs dont es murs sont perc s de fen tres 44 bien des gards si cette affirmation r p t e de la compl tude du lieu en fait un endroit fortement angoissant pour le narrateur elle n est pas sans tre rassurante pour la masse des curistes qui nous l avons dit forme un tout homog ne en un lieu fr quent pour leur plaisir Cette quasi intimit que procure la montagne est facteur de coh sion de coh rence et forme un repoussoir la d litescence des valeurs et des certitudes Cette marque de la pens e occidentale de la fin de si cle qui na t paradoxalement durant cette p riode de richesse et de d veloppement exceptionnels que conna t l Europe a pu tre qualifi e de d territorialisation afin de mieux marquer que ce brouillage des rep res peut se condenser dans l image de la dissolution des territoires 6 provoquant par l m me celle des enracinements symboliques de a nature des choses 4 La cl ture de ce lieu a donc une valeur de reterritorialisation et en effet la ville de cure rel ve d un espace symbolique mythique P
20. e la masse du lectorat et une consommation de plus en plus massive des textes provoquant ainsi la multiplication des publications la division des genres en sous genres et la n cessit ou la tentation pour certains auteurs de se reproduire par scissiparit Si l on en croit les commentaires acerbes qui circulent sur le livre Mirbeau rel verait de cette cat gorie d auteurs Comment d s lors qu on le soup onne de rechercher la rentabilit justifier le travail encombrant du r cit encadrant Le narrateur premier qui est confi e l nonciation du r cit t moigne du souci de Mirbeau de fondre l h t rog n it des textes dans un moule commun Que la r ussite d un tel proc d mais visait il r ellement un tel objectif soit av r e ou non elle n invalide en rien la tentative qui est significative d une volont d unit aussi artificielle soit elle au titre qu e n g n ral un cadre sert contenir un ou plusieurs l ments les maintenir ensemble et qu il d o ogie et cadre fictif se ressemblent dans leurs domaines respectifs par leurs fonctions tous deux essayent d ins rer les fragments confus et incoh rents de la r alit les diff rentes nouvelles d un recueil ou bien les essais de syst matisation intellectuelle dans un rapport ordonn coh rent et syst matique 2 En usant d un regard encadrant Mirbeau fait montre d une vidente volont de coh rence ai
21. e sont les quatre piliers sur lesquels s est difi e la soci t quatre principes originels qui se retrouvent l tat diffus tous les niveaux de son fonctionnement D une mani re concomitante le narrateur et partant le lecteur subit lui aussi une cure de paroles dont les effets sont cependant tr s diff rents D marqu es du processus psychanalytique qui revient faire r gresser la personne dans l Alud tempus primordial de sa propre enfance les vocations des diff rents r citants pr sentent au narrateur les fondements de la soci t d barrass s de leur justifications ou euph misations hypocrites Cette recherche de l vidence premi re des faits fonctionne d s lors comme une anamn se au cours de laquelle le mal tre du personnage principal trouve sa source la violence originelle de la soci t est responsable de ses trauma Port s sa conscience comme celle du lecteur l immonde et l indicible de la soci t sont d sormais conscientis s et objectiv s la cure de paroles va alors pouvoir d boucher sur la gu rison Celle ci r introduit le mouvement et la temporalit au sein de la pens e mythique de la soci t des curistes en cassant la r p tition des v nements et la cl ture du lieu par le d part du narrateur sur lequel s ach ve le roman Comme le remarque Mircea Eliade ce retour l Histoire est bien l une des cons quences de la th orie freudienne qui introdu isait le
22. es personnages est leur volont affich e de 56 Le remaniement profond de certains textes pour leur dition en volume ou en vue d une nouvelle publication est patent d s Le Journal d une femme de chambre roman pour lequel P Michel et J F Nivet ont d j relev combien les variations tendaient projeter l actualit de l affaire Dreyfus au sein des p rip ties d un roman dont la premi re mouture date des ann es 1891 92 Au del de ce noircissement syst matique la grande nouveaut de la version de La Revue Blanche c est l inscription de l itin raire de C lestine dans deux p riodes cruciales de l affaire Dreyfus op cit p 635 Par ailleurs nous avons d j tent de montrer un tel travail de manipulation du texte chez Mirbeau dans notre article Mirbeau et les ruses de l criture la part d ombre dans l uvre romanesque in Cahiers Octave Mirbeau n 8 Actes du colloque Octave Mirbeau d Angers 2001 pp 135 157 57 Freud Malaise dans la civilisation P U F 1992 p 47 58 bidem compl tude V ritables univers individuels nombreux sont ceux qui se d finissent par leur capacit d appr hension globale du monde qui les entoure Clara Fistule totalise en lui es multiples intellectualit s de l univers il est tout 5 le professeur Tarabustin a p n tr la profondeur des choses le ministre Leygues pr tend avoir toutes les sup riorit s au gr des minist re
23. et le narrateur va jusqu imaginer l absence de ces montagnes illustres dont Baedecker d crit la splendeur horrifique et que nul n a jamais vues et dont ce serait vraiment une admirable ironie qu elles n existassent point bien que sur la foi mystificatrice des h teliers des guides et des compagnies de chemins de fer des g n rations enti res eussent d fil devant leur imposture g ographiquez 8 Quant la particularit de X elle tient 22 Ibidem p 168 23 Ibidem p 166 24 Jbidem p 168 25 O Mirbeau VIN p 77 26 dem p 43 27 Ibidem 28 Ibidem p 193 Relevons au passage l admirable lucidit de Mirbeau sur les m urs de son temps Le roman et en particulier le passage cit propos du Baedecker en ceci qu elle n est pas une ville En g n ral une ville se compose de rues les rues de maisons les maisons d habitants Or X il n y a ni rues ni maisons ni habitants indig nes lsi 29 b Le nivellement des individualit s Le narrateur a pu observer l absence d habitants indig nes pour la simple raison que la population est compos e exclusivement d Europ ens Anglais Allemands Espagnols Russes et m me des Fran ais 30 gt Or d origines pourtant diverses ils ne pr sentent qu un seul et m me comportement gr gaire comme le note le narrateur observant que d u matin au soir on les voit par bandes silencieuses ou
24. i d un travail de manipulation des mat riaux la disposition de l auteur L affaire Dreyfus a montr tout ce que l on pouvait faire dire un simple document Il semble d s lors envisageable d affirmer que le proc d de composition des textes est chez Mirbeau une r ponse faite des pratiques relevant du trucage de la mystification de la d sinformation 6 L ab me s parant l tre du para tre chez les curistes confirme que pour Mirbeau la v ritable nature de l homme est celle la b te sauvage qui pour un temps proc de ce renoncement culturel qui r git le vaste domaine des rapports sociaux entre humains T 57 renoncement aux pulsions instinctives qui est le fondement de la civilisation qui postule pr cis ment la non satisfaction r pression refoulement ou quelque autre m canisme de puissants instincts Il s agit ensuite de la volont totalisante de chaque protagoniste Le choix fait dans la caract risation de l espace n est pas sans rapport avec le point de vue mis sur les personnages qui l occupent Ceux de X subissent ainsi une double d formation due aux caract ristiques consubstantielles du lieu de la m me mani re que la ville vaut pour tous les lieux chaque individu vaudra pour la communaut puisque le lieu forme un tout clos autor f rentiel les personnages auront c ur d tre eux m mes des syst mes autosuffisants Le trait dominant chez l
25. ien volontiers les pr cisions th oriques pr sentant l image donn e de l autre par le texte litt raire comme une image sp culaire dans laquelle il s agit plus de percer jour l auteur que de prendre acte d une objectivit de la repr sentation L imagologie renvoie l imaginaire des soci t s l histoire des mentalit s et dans le cas qui nous int resse permet de mettre en valeur ce fonctionnement fantasmatique orient vers soi m me Ainsi r pondant l un des axes contemporains importants de l image de l Autre les repr sentations du colonis l insistance que Mirbeau met faire autopsier le corps de la soci t par ses propres membres interroge le fonctionnement de l id ologie dominante 3 et se distingue de toutes les tentatives ant rieures de critique de la soci t par le biais de l alt rit La na vet ni la surprise n ont ici de sens remplac es par l effarement d un narrateur et d un lecteur confront la mise en question de ses propres valeurs sans le truchement d un regard tiers Compar aux autres textes qui tablissaient l cart par le biais des diff rences sociales C lestine dont le sentiment de classe qui permet le discours critique vis vis de ses ma tres aurait d aboutir une conscience de classe qui l aurait fait verser du c t de l action et non plus simplement du constat ou par l inversion de l tranget du regard Clara bien que d
26. llectuelle en laquelle nous resterions plong s si nous n avions jamais que les savants pour nous expliquer le peu que nous savons des secrets de la nature 65 Platon Le Sophiste 242 cd 66 Selon l interpr tation de Jean Pierre Vernant Mythe et pens e chez les Grecs Paris La D couverte 1990 p 405 histoires vraies selon la distinction tablie dans de nombreuses civilisations entre histoires vraies sacr es et histoires fausses profanes67 Les personnages racontent ainsi les v nements fondateurs de la soci t dans les domaines aussi vari s que la finance les arts la politique int rieure et ext rieure Tous sont re us comme allant de soi et v rifiant les principes m mes sur laquelle s est difi e la Ille R publique et ce malgr leur caract re aberrant grotesque ou encore r voltant L adh sion b ate ces histoires de bonnes femmes s explique par le pouvoir hypnotique de la parole C est par le jeu des r cits que l on passe le temps comme le veut la logique conversationnelle mise en sc ne de mani re canonique la page 263 du roman Un d ner chez Triceps pr sente une situation traditionnelle de contage terme dont usent les folkloristes pour d signer une assembl e de personnages r unis pour partager des r cits Instant du texte o la dimension de convivialit joue plein le passage est le contre mod le de l ensemble de l uvre qui cloisonne les diver
27. mmentateurs de trouver que le roman fait preuve d une belle incoh rence Insistons sur la concentration de moyens susceptibles de faire de ce texte un r cit en mesure de satisfaire l horizon d attente d un lectorat attentif la reproduction de sch mas canoniques 1 1 La tradition du recueil Pierre Michel num re dans sa pr face du roman les grands mod les auxquels le texte fait imm diatement songer Boccace Marguerite de Navarre pour les nouvellistes mais aussi Sterne et Diderot pour les grands lib rateurs du roman 10 Il est vrai que comme il le rappelle le titre de Mirbeau est bien des gards programmatique et fait directement r f rence aux hypotextes cit si 1 7 Freud le signale comme l une des requ tes que nous pr sentons la civilisation Malaise dans la civilisation Paris PUF 1992 p 41 8 Que Mirbeau lui m me en fasse la remarque n est pas anodin Fini de rire n Chroniques du Diable p 51 9 Rachilde y voyait le fond de tiroir d un journaliste Mercure de France octobre 1901 cit par P Michel et J F Nivet dans leur biographie de Mirbeau 10 Pierre Michel pr face des 27 jours in Octave Mirbeau uvre romanesque Buchet Chastel Soci t Octave Mirbeau 2001 vol IIl p 9 11 bidem D s lors que ces grands mod les sont identifi s et que se trouve justifi e la succession des anecdotes qui composent le roman merge l un des probl mes
28. n vingt ans il n a que tr s peu vieilli VJN p 367 75 Je renvoie pour cette relation l excellente communication d Anne Briaud qui en fait la synth se L influence de Schopenhauer dans la pens e mirbellienne in Cahiers Octave Mirbeau n 8 Actes du colloque d Angers 2001 pp 219 227 lui m me libre de suivre le narrateur dans la voie difficile de la lucidit ou de rester X dans un confortable aveuglement conformiste Sapant la pr tention scientifique atteindre la v rit de la nature et expliquer le monde Mirbeau conteste l un des fondements sur lesquels repose la justification de la domination coloniale Si la science le progr s ne sont qu illusions la volont h g monique occidentale qui se fait en leur nom n a plus de raison d tre et la th orie du diffusionnisme se trouve invalid e En postulant le d veloppement des soci t s humaines par l empi tement des valeurs d un centre sur celles de la p riph rie elle n cessite un socle intangible de r f rences 6 Or toute la composition du roman tend faire de cet ensemble homog ne et autor f rent une vaste illusion qui r v le au fur et mesure que les locuteurs prennent la parole ses manques ses fissures sa d liquescence Ce que dit chaque r cit ce sont les incoh rences de la soci t fran aise et selon la r gle d uniformit des valeurs de l Europe dans son ensemble En laissant l initiative de l
29. ns la nature de la parole commun ment per ue comme une manation r v latrice de l individualit dans les proc d s de r partition de celle ci de m me que dans le r le que Mirbeau fait jouer aux diff rents l ments conventionnels du recueil avec r cit cadre Il semble convenu que mlises part de longues nouvelles romanesques si l on veut c est au coin du feu que l on trouve les conteurs On les devine pr s de l tre comme comp res la veill e jadis ou nagu re 4 Or il s agit justement avec Les 2 jours d un neurasth nique de contester cette dimension de convivialit et de partage au sein m me d une structure qui en favorise l panouissement a La dispersion du sens l unit et la logique des fresques r alistes ou naturalistes r pond ici la fragmentation et l absence de lien substantiel entre les pisodes sinon celui t nu de la voix du narrateur Deux l ments principaux suffisent invalider le caract re consensuel du lieu et les certitudes qui le font exister C est dans un premier temps la teneur des propos qui surprend le lecteur Les devisants se d lectent d histoires passablement macabres r voltantes et propres provoquer l indignation gt Mais force est de constater l extr me bonne humeur qui r gne au cours de ces discussions quand il ne s agit pas de pure indiff rence Ce que fait na tre ce d calage entre l apparence polic e et
30. nsi que du d sir de parer la dispersion du sens Nous serions bien mal inspir s en effet de d finir Les 27 jours comme une uvre d cousue au pr texte que l on y trouve une grande vari t de narrateurs et d histoires puisque en croire V L Saulnier cle qui fait e prix du conte ou de la nouvelle c est sa valeur de microcosme 3 u microcosme o se retrouve un peu de tout le m l des choses et des gens des heures et des humeurs le r el et tous ses contraires le d plaisir et le r ve la goguenardise et certaines atteintes du s rieux 4 c est un lieu o l on parle de tout 15 1 2 Un guide de la soci t de la fin du si cle Le caract re h t rog ne des s quences est celui qui informe une partie de la pens e de la fin du si cle dans les discours scientifique ou historique l accumulation des documents vaut pour explication suffisante du monde d sormais envisag comme somme de mat riaux ou de notions qu il s agit de r pertorier et de classer Comme l indique Alain Corbin dans L Av nement des loisirs propos des ouvrages cens s pr parer le terrain aux voyageurs e guide d coupe l itin raire L espace du voyage se fragmente en paragraphes o surgissent en longues parenth ses isol es les condens s de l histoire sous chaque site retenu par le guide g t le pass 6 La structure du roman reprend bien des gards une telle disposition avec ses
31. on globale la vis e critique de Mirbeau elle n en reste pas moins li e cette parole trang re qui p se juge et expose les actions d autrui Or plac e dans la bouche des dominants elle est un instrument de leur h g monie sur l observ et plac e dans celle du primitif m me dans les meilleures intentions elle renvoie sa na vet consubstantielle son figement au sein d une histoire qui s crit sans lui Car le primitif auquel se trouve toujours r duit le colonis est sans voix ou bien il poss de une voix inaudible la meilleure preuve de cet tat de fait n est elle pas dans la fa on dont prennent la parole les Hurons de notre litt rature forme toute codifi e par ses canons Nous voudrions ici nous attacher montrer comment plus que par le regard fascin port sur l Autre plus que par la parole qui lui est donn e ou accord e ses d fenseurs Clara l Europ enne se fait le chantre des valeurs chinoises c est par le retournement du regard civilis sur lui m me que Mirbeau renouvelle le discours critique de la soci t et fonde une formule efficace de contestation des principes m mes du colonialisme La logique du lieu l uvre dans Les 27 jours d un neurasth nique en serait l exemple le plus probant 3 Maroquinerie Le Journal 12 juillet 1896 Colonisons Le Journal 13 novembre 1892 etc 4 Les discours pousent fr quemment la mode litt raire d
32. p e de a G28E 8 le d part annonc la fin du roman conduit la fuite non planifi e du r cit automobile le statisme du premier texte au mouvement du second son d sir d abolir tout espace de r f rence hi rarchis et calculable Arnaud VAREILLE
33. pe scientifique ne peut se r v ler absolument neutre dans un cas et caricaturale dans un autre 2 3 Un espace mythique Cette mise en accusation de l objectivit scientifique et de la valeur de l observation que l on peut en tirer va s accentuer par le biais du r seau lexical qui sature le texte et qui transforme le contingent en n cessaire faisant ainsi du lieu de cure non un simple lieu de vill giature mais un lieu de c l bration de ses traditions un espace mythique L tre occidental n est alors plus un tre de raison mais un individu soumis ses croyances peurs et fantasmes en un mot un primitif Toute la g ographie du lieu fait r f rence la limitation de l espace X est une ville sise dans les Pyr n es massif montagneux auquel le narrateur fait le reproche essentiel d tre justement une montagne Car s il senit aussi bien qu un autre la po sie norme et farouche que rec lent les lieux ces particularit s sont pour lui autant de symboles de ce que lunivers peut contenir d incurable tristesse de noir d couragement d atmosph re irrespirable et mortelle 37 37 VIN p 41 La montagne se r v le oppressante un lieu part coup du monde et duquel aucune fuite n est possible puisque l on a devant soi derri re soi au dessus de soi toujours des murs et des murs et encore des murs rien que ces murs mornes et noirs o le regard heurte sans pouvoir les fr
34. principaux qui occupent les tudes d ouvrages regroupant des textes de tonalit et de nature diff rentes justifier la pr sence ou l absence de r cit cadre L histoire de ces recueils n est pas lin aire et la litt rature du XIXe si cle comme celle de la Renaissance conna t simultan ment des uvres qui choisissent ou non d enfermer la diversit dans un r cit afin de mieux permettre la ma trise et la justification de la prolif ration des voix qui manent du texte Mirbeau use d un cadre contrairement nombre de ses contemporains qui ditent leurs nouvelles en recueil La compilation est le ma tre mot pour des auteurs qui n ont d autre d sir que de donner lire au public le meilleur d eux m mes ou de se livrer en entier quand ils ne prennent pas la peine de proc der une s lection de leurs textes la qualit du style et de l invention le talent et le g nie particuliers devant tre les seuls gages de la qualit et du plaisir litt raire que l on trouvera la lecture Il se passe au XIXe si cle pour la litt rature ce que le XVIIIe si cle avait d j v cu avec la musique la multiplication des demandes d op ras par les cours europ ennes avait contraint les musiciens se copier eux m mes se resservir de passages d j utilis s dans certaines uvres pour en b tir de nouvelles Dans des proportions plus importantes encore le litt rateur du si cle suivant se voit confront l inflation d
35. quadrillage 4 2 2 Les limites de l observation objective a Un lieu mortif re et factice Si la limitation de l espace vital des individus observ s permet une appr hension exhaustive de leurs faits et gestes et se veut donc garante de la valeur scientifique des conclusions que l on pourra tirer de l observation elle pr sente une limite certaine Ce r tr cissement n est pas sans affecter la psychologie des cobayes et les carts entre la norme naturelle et la reconstitution alt rent grandement la justesse des observations C est tout d abord le caract re mortif re de l endroit que ne cesse de souligner le narrateur les imbes la prison le caveau dans lesquels on se sent enferm vivant et l atmosph re o e suicide r de partout gt La d cr pitude guette toutes et tous et l es enfants eux m mes ont des airs de petits vieillards2 La ville de X doit essentiellement ces caract ristiques la dimension artificielle qui lui est intrins que Tout le site ne semble qu une grande supercherie laquelle cependant tout le monde s accorde croire Ainsi des fameuses montagnes qui ont fait la renomm e de l endroit les touristes braqulent d immenses lorgnettes sur cette montagne illustre et neigeuse qu ils savent tre l et qui est l en effet mais qu on n aper oit jamais sous l paisse muraille plafonnante de nuages qui la recouvre ternellement 27
36. quer encore et toujours03 En d pit de l universalit du lieu et des valeurs partag es par les protagonistes c est un univers p tri par la contradiction et marqu par l incommunicabilit qui se r v le au lecteur Cette parole en archipel rompt avec la volont omnisciente et omnipotente du romanesque et de la raison occidentale elle d bouche galement sur la ruine de l illusion scientiste04 du 59 bidem p 51 60 bidem p 84 61 bidem p 247 62 WN p 82 63 bidem p 95 64 R pondant en cela aux v ux du narrateur qui se r jouit la page 137 du roman naturalisme qui en accumulant les t moignages pense atteindre la v rit du monde b Opposition muthos logos La litt rature est donc rendue sa l g ret son inventivit et sa cr ativit Le refus du scientisme n en fait cependant pas pour autant une parole d valu e Le texte met ainsi en sc ne deux r gimes discursifs qui bien qu tant formellement proches par moments et bien qu int grant toujours le narrateur principal incarnent deux visions du monde antagonistes relire Platon on d couvre au d tour de son Sophistes5 la figure du muthologos le raconteur de fables d histoires de bonnes femmes 6 S opposerait au muthos le discours que tient ce conteur un ogos repr sentant la parole argumentative fond e sur la raison Cet usage distinctif du discours se retrouve dans le texte mirbellien o deux logi
37. ques vont s affronter l o domine le r cit chez les personnages c est le discours raisonneur le commentaire qui caract risent la parole du narrateur principal alors que les premiers r duisant ainsi l auditoire une coute bienveillante vitent la controverse par le caract re narratif anecdotique de leurs propos qui m me s ils ont vocation de t moignage n en restent pas moins plac s sous la coupe de cette valeur attendue de toute conversation le plaisir dilatoire le second par la subjectivit affich e de ses propos par l vidence de ses jugements se risque provoquer ses interlocuteurs de m me que le lecteur qui est bien en d finitive le destinataire av r de la parole ainsi qu en t moignent les nombreuses intrusions du narrateur dans le r cit Muthos La r f rence au muthos pour qualifier les r cits trouverait sa justification dans leur nature m me tous racontent un pisode original et originel dont l int r t ne vaut que pour sa raret et par son caract re unique Prononc s dans un lieu et une temporalit qui rel vent d une dimension mythique lieu l cart temps part de l agitation habituelle du monde ils r unissent tous les facteurs favorables la prof ration d une parole sacr e Ils appartiendraient alors au r gime des que les simples po tes corrigent parfois les erreurs des savants et qui se prend songer l affreuse nuit inte
38. qui para t s crire en direct somme le lecteur de participer La mise en place de ce processus d inclusion exclusion semble bien tre l aboutissement de cet entre deux textuel qui noue entre elles deux traditions le recueil de nouvelles et les romans auto ironiques Le lecteur arrach au confort d une lecture distanci e est convoqu dans la polyphonie de l uvre par la voix du narrateur et une disposition textuelle qui dans le m me temps lui interdit toute fascination r f rentielle En effet l imp ratif du questionnement ne se r duit pas la prise en otage du lectorat au rapt effectu par certains romanciers sur leur public la distanciation tant maintenue par cet tat dissertant qu entretient le narrateur au fil du texte C est donc par l interm diaire de la parole que lunivers des Vingt et un jours existe et que l espace confin de la ville d eaux se diffracte en de multiples cercles de locuteurs Car il s agit ici d un verbe en action qui loin de renvoyer son r f rent biblique performatif et d finitif est avant tout une trou e textuelle un d chirement du tissu narratif dont la principale cons quence est de consommer la rupture avec le pacte r aliste illusionniste qui suppose la pr sence dans le texte de l ensemble du monde r el l exception significative dans ses a priori id ologiques du texte lui m me Sous la transformation d un r gime r citatif en un r gime disc
39. r porte la controverse au sein de l espace prot g par un pacte implicite de non agression qu est la conversation des curistes Mais sa parole ne se contente pas de perturber le cours des r cits elle exc de les limites de la narration et s panche hors du cadre convenu convoquant un nouvel ordre communicationnel le narrateur sollicite ses lecteurs Les lectrices sont prises parti la page 184 dans laquelle le personnage vient justifier le trouble prouv la vue de Lagoffin le narrateur voque galement l anecdote du jour VIN p 337 prend t moin le lecteur Vous voyez bien p 65 ou encore l apostrophe VIN p 136 Ces nombreuses m talepses narratives n ont rien d innovant dans leur usage pourtant les propos tenus demeurant lapidaires d samorcent les effets attendus de cette pratique Le je n est plus un r f rent auquel le lecteur peut s identifier la lecture ne peut d sormais se faire par simple empathie on n est plus embarqu par la magie de l aoriste 70 Alain Corbin op cit p 101 71 J P Vernant op cit p 208 et de l invention Le je n est pas non plus un compagnon de route un guide mais celui qui d sormais simplement interpelle un interlocuteur L absence de dialogue si l on peut dire marqu e dans le roman par la distinction entre deux natures de parole le narrateur vs les autres personnages ainsi que l instantan it d un texte
40. s Bancel Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire Ces zoos humains de la R publique coloniale Le Monde diplomatique ao t 2000 pp 16 17 w s achever qu avec le d mant lement des empires coloniaux Le scandale d un proc d consistant enfermer des individus et les pr senter la curiosit d autrui s aggravait de la pr tention scientifique dont se targuaient les observateurs Rien l que de tr s artificiel pourtant dans le comportement des populations expos es qui devaient respecter un cahier des charges leur enjoignant de se livrer leurs occupations traditionnelles sans aucun gard pour le moment ou le contexte dans lesquels elles se d roulaient habituellement S talaient alors sous les yeux du public les rituels quotidiens les plus incongrus tant dans leur apparence que dans leur abondance inusit e Le lieu dans lequel prend place l action des 27 jours d un neurasth nique semble d marqu de cette pratique c est l instar des enclos dans lesquels s activent les populations expos es un espace clos les personnages qui s y battent valent non pour leur qualit propre mais pour la soci t europ enne dans son entier Mimer le mode de pr sentation de l Autre c est ravaler le colonisateur au rang de colonis et parer ainsi toute mise en cause du caract re partisan de la repr sentation qui reposant sur une mise en sc ne identique celle pratiqu e pour les observations de ty
41. s qu il occupe sous entendant sa pluri comp tence le milliardaire am ricain Dickson Barnelle est un tre blas qu aucune excentricit ne peut plus mouvoir Jean Le Tregarec maire breton se veut omnipotent et indispensable ses administr s6 Apparaissant dans un premier temps comme l un des l ments structurants de ce microcosme soci tal ce trait se voit contredit par la diffraction des repr sentations qui deviennent autant d univers autarciques autistiques sans rapport les uns avec les autres tant du point de vue des th mes abord s que du fait de la juxtaposition des cercles de locuteurs Cette caract ristique renvoie nouveau la soci t de X sa dimension mythique dans laquelle l inago mundi est repr sent e par tous les l ments du monde des plus importants aux plus infimes La ville d eaux est ainsi une image concentr e du monde ext rieur et les protagonistes incarnent l int rieur de celle ci des univers miniatures Mais loin de se trouver en symbiose avec leur entourage les personnages s en trouvent s par s exclus de fait par l autonomie propre que leur conf re leur suffisance trait de caract re que redouble la disposition des s quences textuelles Le professeur Tarabustin n arrivera pas faire partager sa femme et son fils son enthousiasme pour le dernier bec de gaz de France 62 ou bien encore ma tre du Buit orateur jusque dans son bain ne pourra que solilo
42. s univers des r citants et met en relief la v ritable valeur attendue de ce moment durant lequel le r cit mythique s av re tre un confortable refuge pour des certitudes qui s effritent il parle de notre monde et en consolide les fondements Un autre l ment rend st riles les r cits qui rapportent pourtant parfois des situations de d bat nombre de ces textes sont des vocations de souvenirs La dispute est alors mise distance par le proc d m moriel et ne rel ve plus que de l vocation agr able devant gayer les auditeurs L anecdote est close sur elle m me prise dans la rigidit cadav rique du souvenir68 Logos l inverse de cette parole fig e et s en extrayant peu peu la voix du narrateur labore une autre relation entre les personnages Participant de tous les cercles de devisants il est celui par qui existe et s exhibe la parole d autrui v ritable image d Herm s devenu non facteur n distributif i ne porte pas de message II est la donne m me qui passe et qui est l Le message est chaotique un nuage de lettres Par l interm diaire de cette d finition des attributs modernes du mythe se retrouve l analogie entre les choix nonciatifs et formels du texte et le guide touristique puisque 67 Cf Mircea Eliade Aspects du mythe loc cit p 18 68 VJN p 86 69 M Serres La Distribution Minuit 1981 p 14 ce dernier pr sente un
43. u moment la forme pistolaire au d but du XVIIIe si cle Les Lettres Persanes ou en sa fin la forme philosophico narrative du conte voltairien L ng nu par exemple 5 Cf Gianna Quach Mirbeau et la Chine Cahiers Octave Mirbeau n 2 p 96 6 Le sigle VIN d signera dans la suite de cet article le roman dans l dition U G E 10 18 1977 1 Mimer les formes dominantes L ordre entendu comme organisation pragmatique de l espace et du temps semble l un des l ments constitutifs de la civilisation C est par cons quent l un des crit res l aune desquels se jugeront la conformit et partant la r ussite des productions qui en sont issues productions entendues comme r alisations sur le plan id ologique aussi bien qu esth tique D j Voltaire qualifiait Shakespeare de sauvage pour la forme de ses ouvrages et le m lange de tons que l on y trouvait8 Ainsi nombreux sont les commentaires contemporains des 27 jours qui lui d nient toute r ussite formelle Pourtant jamais texte n aura t plus s v rement critiqu pour une apparence qui loin de relever d une aberrante nouveaut mime les dispositifs textuels dominants Les choix formels nonciatifs th matiques renvoient des conventions g n riques ou se calquent sur les mod les culturels et cognitifs de l poque comme pour mieux diff rer une rupture du sens qui permet aujourd hui encore de nombreux co
44. ui peu peu n a manifestement plus pour seule fonction de figurer l espace social mais plut t de le conqu rir dans son int gralit 9 Le r gne du regard d coule du fonctionnement m me de la soci t et de son fantasme de domination l un de ses avatars principaux la fin du si cle est la vogue du panorama et sous l gide du regard dominant celle du point de vue20 Contentons nous pour conclure sur le chapitre de l importance du regard dominateur d voquer les analyses de Michel Foucault concernant la th orie panoptique qui place ici le lecteur dans la position de celui qui observe tout et tous sans tre vu2l Le texte est cloisonn en chapitres dans chacun desquels un groupe d individus est propos l examen du lecteur il s agit 18 Lacan Ernest Esquisses photographiques Paris 1856 cit par Andr Rouill L Empire de la photographie 1839 1870 Le Sycomore 1982 p 183 19 Andr Rouill L Empire de la photographie 1839 1870 Le Sycomore 1982 p 157 20 Mirbeau voque ce fait la page 194 du roman propos de la r duction arbitraire d un site un particularisme Les points de vue connaissez vous quelque chose qui soit plus horripilant plus agressivement insupportable 21 Michel Foucault Surveiller et punir Gallimard coll TEL 1997 donc bien l d un espace analytique 2 reproduisant la fois un syst me de cl ture23 et de
45. ui m me elle est coup e du monde et de l histoire fig e dans un temps id el o se r p tent par les r cits des narrateurs les paradigmes comportementaux constitutifs de la soci t puisque e mythe se rapporte toujours une cr ation il raconte comment quelque chose est venu l existence ou comment un comportement une institution une mani re de travailler ont t fond s c est la raison pour laquelle les mythes constituent les paradigmes de tout acte humain significatif 9 Il ne sera donc pas tonnant de lire dans les lettres que re oit le narrateur et qui manent parfois de correspondant lointains les m mes t moignages sur la nature humaine que ceux rapport s X par les diff rents narrateurs ceux ci ont d j fix l avance le r pertoire des comportements et des arch types de l ensemble du monde europ en imp rialiste et auto proclam civilis L tonnante assurance d sinvolte qui anime les estivants contraste avec la noirceur des pens es du narrateur Les inqui tudes de l un d noncent l insouciance des autres et leur criminelle ignorance de la v ritable nature de l espace micro soci tal dans lequel ils voluent depuis les leurres les plus grossiers on enl ve les cadavres des personnes d c d es X la nuit afin de ne pas effrayer les autres clients les montagnes existent elles r ellement jusqu au conditionnement des comportements C est sous l gi
46. ursif se lit le passage de l immobilisme hypnotique la prise de conscience lib ratrice 3 3 La neurasth nie de l thologie l tiologie a Une cure de paroles 72 L expression ne sera prononc e qu en 1909 par G Rudler dans le cadre des r formes p dagogiques qui consacreront la dissertation et qui ent rineront la disparition de la pratique fig e de la rh torique dans l enseignement secondaire Il est sans doute exceptionnel de noter combien Mirbeau peut s accorder ici avec les p dagogues qu il ex cre par ailleurs Cit par B Sarrazin La dissertation naissance et volution de l exercice scolaire table ronde Alain Viala Andr Chervel Bernard Sarrazin Jean Rohou in Za Dissertation Pratiques n 68 d cembre 1990 p 115 La ville de X en tant que reconstitution du lieu primordial sert un retour ab originem temps mythique de l ge d Or avant la Chute la d gradation le sentiment de d territorialisation Raconter ces anecdotes revient dire les mythes de la soci t fran aise du XIXe si cle et sert donc la r g n rer Ainsi en est il de la petite soci t de curistes qui la saison vient X pour s y ressourcer Mirbeau calque la pratique touristique en pleine expansion sur la disposition mythique de la c l bration intervalles pr cis et r guliers des v nements fondateurs primordiaux d une civilisation Le vol le chantage le meurtre et la concupiscenc
47. uvre dans le r cit 2 La logique du lieu du vivarium naturaliste au centre mythique 17 Marc Angenot 7889 Un tat du discours social Le Pr ambule 1989 p 195 2 1 Sous le regard du savant Le texte appara t maints gards comme un laboratoire sur le plan topographique ou formel Les 27 jours d un neurasth nique rel ve de l exp rience ce titre la mise en situation des personnages dans un espace confin est l quivalent litt raire du vivarium du naturaliste aussi bien savant que romancier c est un lieu d exp rimentation et d observation dont les conditions artificielles le voyage le lieu de cure dans lesquelles sont plac s les personnages assembl s miment au plus pr s leur environnement naturel la ville la soci t Dans cette structure qui place les personnages sous le regard scrutateur du lecteur se lit la puissance du regard telle que la d couvre le XIXe si cle autour de deux p les antagonistes les sectateurs du regard objectif du discours scientifique de l Acad mie des Beaux Arts du d veloppement de la photographie et les partisans du regard subjectif de l Impressionnisme des tenants d une psychologie des profondeurs des pourfendeurs d un scientisme h g monique Ainsi peut on pour les premiers rappeler l importance du m dium photographique qui est per u comme un des plus puissants moyens qui soient donn s l homme d arriver Ja connaissance 8 et q
48. veloppant une empathie particuli re pour les m urs de la Chine est l trang re qui scrute des coutumes indig nes et qui structure le regard du narrateur ing nu qui l accompagne Les vingt et un jours d un neurasth nique annule toute m diation d un principe externe qu il rel ve aussi bien d une dimension sociale historique ou g ographique puisque c est au c ur m me de l individu que se r v le la fracture avec la communaut par le biais de l tiologie Le regard port sur la soci t est celui du neurasth nique dont les sympt mes sont la d couverte de l inqui tante tranget du monde familier dans lequel il volue Un tel outil emprunte des voies non encore psychanalytiques mais qui t moignent de la volont de rompre 53 Nous prenons le mot dans l acception de Marc Angenot qui en fait a doctrine la repr sentation des valeurs nationales et le langage d action qui manent de l appareil d tat ou plut t de sa classe r gnante c est dire du groupe qui contr le l Etat et offre aux diff rents int r ts et aux classes sociales une doctrine de coh sion nationale par nature destin e rallier le peuple souverain dans sa diversit sociologique in 1889 Un tat du discours social loc cit p 109 l unit du sujet d attaquer les fondements d un univers b ti sur la raison 3 2 La ronde des voix L effet de disparit du texte r sidera donc essentiellement da
49. vre Mirbeau produisent cet ensemble h t roclite illisible selon les canons g n riques dominants C est un objet nouveau minemment personnel qui voit le jour par l interm diaire d une po tique qui se concentre sur la forme que peut prendre un projet se r clamant la fois de la litt rarit et de la contestation d une certaine litt rature L mergence d un travail qui met en sc ne des textes d j existants en les redistribuant dans un espace nouveau semble le fait le plus marquant de cette recherche Fa on de mieux cerner les m urs il permet aussi de b tir de grandes analogies et ou oppositions entre la soci t occidentale et ses alternatives allog nes annulant ainsi les disparit s apparentes entre les cultures et soulignant aussi les insuffisances et les non dits du mod le dominant Lieu clos contre lieu ouvert mythologie collective contre subjectivit espace occidental contre espace oriental loin de se cantonner dans Les 21 jours d un neurasth nique ce projet qui tait d j en germe dans le caract re semi picaresque du Journal d une femme de chambre dans lequel la multiplicit des places occup es par C lestine se trouve neutralis e par leur caract re coercitif et dans Le Jardin des Supplices o le sch me de l ingestion conjure la dispersion des corps d pec s s exprimera de mani re significative dans l uvre suivante la d limitation de la ville de cure r pondra l chap
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