perspectives littéraires sur l`élaboration discursive
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1. la nage avec la marchandise vol e Il y en a qui arrivent m me transporter un frigo sur leur dos Zd Aussi si la r volution scientifique a pu entrainer des progr s techniques technologiques et conomiques elle n a pourtant men aucun progr s humain Au contraire discours mythique des Temps modernes elle a plut t concouru l lection de nouvelles victimes la d signation de nouveaux boucs missaires En ce sens qu elle soit mythico rituelle ou rationnelle primitive ou moderne la conscience collective de toute soci t repose sur le corps sacrificiel d une victime qui de tout temps a su encaisser les accusations les coups et les railleries d une foule faite violence d une communaut redevenue meute le temps d une crise Le bouc missaire est donc cet tre qui sans raison aucune en plein c ur de l anomie se voit sacrifier pour mieux se faire sanctifier par le reste de sa collectivit En somme tant t homme crocodile tant t Noir tant t continent le bouc missaire est toujours ce que la soci t n est pas il est cette alt rit pos e sous le signe de la n gativit le miroir invers dont a besoin toute collectivit afin de conforter sa propre identit Et c est ce que Lieve Joris a compris au sein de son roman Mon oncle du Congo En figeant dans la fixit des mots un mythe celui venu du Congo d un tre mi homme mi crocodile elle a saisi que ce n est qu l2. cart de soi que le mythe devient r ellement un objet de savoir que ce n est que par sa d construction que la pens e mythique r v le sa vraie nature Aussi par un d placement pist mologique l appareil narratif de Mon oncle du Congo montre le r el l o bien souvent les hommes s ent tent ne voir que de la fiction au sein du roman des tudiants ont vrai ment disparu un vieillard a effectivement re u une balle dans la jambe et les Blancs nourrissent v ritablement une peur des Noirs coup de fables de pr jug s et de fausse empathie Par sa narration Joris aide ainsi son lecteur rendre conscient l inconscient elle lui montre voir la violence sans fondement dont est capable une communaut en crise Et du m me souffle elle sauve le mythe en lui redonnant son visage de bouc missaire car pour perdurer dans le temps demeurer vivant c est dire f cond cr ateur imaginatif Wunenburger 1994 pp 2 3 le mythe doit toujours tre remis en question De ce fait il Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain semble que Joris ait senti voire pressenti que ce n est qu en diff rant de lui m me que le mythe redevient mythique religieux et thique et peut faire advenir un autre monde que celui qu insinue le m canisme du bouc missaire Pour ce faire elle choisit alors la litt rature elle choisit de figer dans
3. Au nombre de quatre ces st r otypes de la pers cution que sont la pr sence d une situation de crise o r gne une indiff renciation g n ralis e de crimes indiff renciateurs de signes de s lection victimaire et d une certaine forme de violence se retrouvent toujours juxtapos s en partie ou en totalit dans chacun des appareils narratifs consid r s comme tant des textes de pers cution Et chacun d entre eux bien qu ils soient tous de nature diff rente participe la mise en place d un contexte d une structure sociale et d un appareil discursif propices la d signation d un bouc missaire soit cette victime qui n a sans doute rien fait de ce qu on lui reproche mais que tout en elle la d signe pour servir d exutoire l angoisse ou l irritation de ses concitoyens ibid p 47 Aussi dans la logique pers cutrice telle que pens e par Girard le principe structurant du bouc missaire s ancre toujours dans une Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain situation de crise o r gne une indiff renciation g n ralis e Le bouc missaire ne se profile jamais qu l ombre de cette impression angois sante pour les membres d une soci t en perte de contr le ressentie comme une perte de la structure sociale et une d litescence de l ordre culturel Premier st r otype de la pers cution
4. le texte nous r v le ce m canisme au sein d un dialogue entre la protagoniste et un jeune Congolais tenu au d tour d une mort pire au d tour d une sc ne anthropophage J interroge Chico sur le crocodile de la veille Est ce qu il a vraiment mang une femme Ce n tait pas un vrai crocodile dit il mais un ndoki un vieillard qui se change en crocodile Les missionnaires mont d j parl de ces esprits mal fiques mais tout a semblait si loin je pensais que seuls les vieux des villages recul s de brousse y croyaient encore Chico est jeune il a suivi des tudes et il est de la ville Tu crois ces choses l Il rit M me si je n y croyais pas elles se passent ici Il m explique dans le d tail comment proc de le ndoki s il veut faire du mal quelqu un il attend la nuit Puis il quitte discr tement le village et va prier dans un coin isol Tout en priant il se change en crocodile Il attire alors sa victime l eau et porte son coup Tu en as d j vu l uvre Non bien s r que non on ne peut les voir que si on est soi m me un ndoki Mais il est d j arriv que quelqu un tire un coup de feu dans la queue d un de ces crocodiles et le lendemain le vieux ndoki du village avait une blessure la jambe 69 70 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que Je lui demande si les ndokis peuvent aussi blesser les Blancs Non dit il cat goriqu
5. 17 De l le Congolais est mis distance et se voit repouss aux confins de son monde primitif peupl de croyances et de comportements pers cuteurs de type mythologique Girard 1982 p 65 Toutefois ironie du sort l Africain n est pas le seul vivre dans un univers mythico rituel et il ne se g ne pas nous le faire savoir vous avez des ndokis plus forts que les n tres vous avez des machines des fabriques des ordinateurs Par un retournement discursif soit par le retour d un discours direct au sein d une narration men e en dis cours indirect narrativis Chico tablit gr ce sa remarque un jeu de miroirs r fl chissants si Afrique a ses mythes l Occident en poss de galement et l un d entre eux porte un nom celui de progr s ce sujet il est toujours bon de se rappeler qu aux xvin et xix si cles les Occidentaux firent de la science une idole pour mieux s adorer eux m mes ibid p 299 rempla ant du m me coup les anciens mythes par celui du progr s Autrement dit par l av nement du mythe d une sup riorit moderne proprement infinie le mythe d une huma nit se lib rant et se divinisant peu peu par ses propres moyens id lOccident se dota d une nouvelle divinit adorer Mais pour qu un tel mythe puisse s instaurer au sein de cette mosa que de soci t s guerroyantes qui composaient alors l Europe du xvin et du x1x si cle la
6. d signation d un bouc missaire s av rait n cessaire pour r sorber l tat de crise C est ainsi que l Occident tra a progressivement une ligne de d marcation entre deux mondes le monde des t n bres lOrient et le monde des lumi res devenu l Occident Nze Nguema 1989 p 33 Entre l autre et le soi la distance devint alors de plus en plus grande et dans cet interstice qui en vint prendre des dimensions monstrueuses l incompr hension le pr jug et la m prise s infiltr rent ais ment Ainsi au c ur de cette br che fictionnelle naquirent certains dis cours que s vertue nous rapporter Lieve Joris dans le cadre d une narration cartel e entre une pl thore de discours rapport s les Noirs sont l ches ajoute t il Joris 1990 p 58 Ils ne se sentent pas res ponsables de ce qu on leur donne ils laissent tout se d glinguer ibid 75 76 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que p 85 Ils vont essayer de me soutirer de largent par tous les moyens dit il ils trouvent toujours un formulaire mal rempli ou au besoin ils en fabriquent un ibid p 35 Les diff rents peuples d Afrique en furent du coup mythifi s Les Lokele dit Raskin une tribu qui habite un peu plus haut sur le fleuve vivent dans l eau ils peuvent y rester cach s pendant des heures sans se faire remarquer Quand le Fabiolaville entre au port ils montent bord et regagnent la rive
7. les belles ann es de l aventure coloniale et qui contribue rel guer cette r gion du monde son r le mythique et s culaire de bouc missaire Du moins c est ce que nous apprend par une mise en abime de cette pens e mythique pers cutrice Lieve Joris au sein de son roman Mon oncle du Congo 1990 En effet reprenant dans le cadre de sa narration le mythe congolais de l homme crocodile cette derni re d construit les m canismes de la pens e mythique telle que d velopp e par Ren Girard 1982 afin d chafauder une structure textuelle qui reprend le mod le de l ensemble des relations Nord Sud depuis l av nement des r gimes coloniaux Toutefois avant d entrer dans les modalit s de ce 1 A cet gard nous tenons sp cifier que tout au long de cet article nous concevrons le mythe partir d une approche fonctionnaliste inspir e des Malinowski Durkheim Caillois et Girard Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain dire pers cuteur que nous donne voir l appareil narratif d velopp par Joris un bref rappel des st r otypes de la pers cution qui selon Girard sont inh rents l lection d un bouc missaire s av re n ces saire Ensuite apr s avoir p n tr dans le texte afin de voir comment ces m canismes sont l uvre dans le roman de Joris l ench ssement des r cits que porte la trame
8. plac sous l gide du discours rapport du monologue narrativis et du r cit d v nements n octroie la parole qu une seule et unique voix Aussi men e la premi re personne du d but la fin la narration de Joris ne fait place l autre que parce qu elle se sait m diatrice que parce qu elle ne veut plus se contenter de fournir son lecteur un r ve qui le soulage Butor 1969 p 76 Par ce fait m me lorsque le r cit mythique du ndoki nous est rapport nous n avons jamais acc s lui 2 Nous empruntons ces n ologismes Fid le Pierre Nze Nguema 1989 Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain que par le truchement d un discours indirect narrativis Du coup Joris force son lecteur prendre conscience de la distance qui le s pare de ces peuples voulus primitifs par l Occident car sa narration met jour un proc d qui depuis l av nement de la pens e rationnelle per met l homme occidental de dire l autre sans jamais lui c der la parole Aussi la mani re de Tacite Joris s empare de la voix de l autre et la fait sienne Pour Ranci re cette appropriation de la parole de l autre ce d placement du dire sous couvert de faire parler un anonyme per met paradoxalement de donner un homme du peuple une iden tit historique mais sans lib rer sa parole Rosier 1999 p
9. sa forme le mythe afin de poser une distance entre le mythe et la r alit entre l individu et le mythe et entre l individu et sa r alit En ce sens la litt rature mine le mythe afin de r v ler par le biais d un bouc missaire pr sent dans le texte le m canisme pers cu teur Par une mise en abime elle rappelle ce qu un jour Ren Girard a dit propos des vangiles C est dire qu il existe un point un moment o la violence ne peut plus expulser la violence et que la division contre soi m me atteint le point critique c est dire le point de la victime missaire qui devient point de non retour car m me si elle ram ne en apparence un ordre ancien en r a lit elle le d truit tout jamais sans l expulser le moins du monde tout au contraire en se faisant expulser par lui et en r v lant la puissance ordonnatrice de la violence Girard 1982 Pointer du doigt le m canisme pour mieux l enrayer montrer le cycle pour mieux marquer sa fin voil tout le pouvoir qu ont les mots d une certaine litt rature que l on qualifie parfois de postcoloniale 77 78 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que Bibliographie uvre l tude JORIS Lieve 1990 Mon oncle du Congo Trad par M Hooghe Coll Terres d aventure Paris Acte Sud 360 p Monographies C SAIRE Aim 1955 Discours sur le colonialisme Paris Pr sence africaine 58 p GIRARD Ren 1982 Le B
10. 9 Aujourd hui encore bien que d autres lectures soient venues enrichir notre perception occidentale des diverses religions et mythologies afri caines le continent noir demeure une terre de myst res un continent mythifi Peu importe le cumul des ann es l Afrique reste selon plu sieurs Hurbon 2002 Nga Ndongo 1998 cet enfant violent primitif et sauvage Ses peuples croient encore la magie de leurs sorciers la force de leurs grigris et la capacit qu ont certains hommes de se m tamorphoser C est que pour de nombreux Occidentaux l Afrique et de fa on plus extensive l espace postcolonial constituent cette part de humanit qui se refuse tant t aux bienfaits de la modernit tant t aux sacrosaintes lois du march et du d veloppement L id olog me est devenu si courant gr ce l hyperm diatisation en contexte de mondialisation qu il m ne parfois l autod pr ciation de certaines populations Nga Ndongo 1998 et la justification de la d n gation du droit et de la justice selon le principe de deux poids deux mesures dans l application des r gles r gissant ordonnancement international Hurbon 2002 p 121 Aussi essuyant les d ceptions et les critiques du monde industria lis l Afrique ainsi que la quasi totalit de l espace postcolonial offre l Occident l occasion d alimenter une archive d images emprun t e aux mod les interpr tatifs d velopp s dans
11. OSSUR REVUE critique litt raire Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain Marie Pierre Bouchard Pour citer cet article Bouchard Marie Pierre 2011 Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain Postures Dossier Interdisciplinarit s Penser la biblioth que n 13 En ligne lt http revuepostures com fr articles bouchard 13 gt Consult le xx xx xxxx D abord paru dans Postures Dossier Interdisciplinarit s Penser la biblioth que n 13 p 63 79 Pour communiquer avec l quipe de la revue Postures notamment au sujet des droits de reproduction de cet article postures uqgam gmail com TD un OU O aa D 2 S Violences post coloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain aussi longtemps que les anthropolo gues et les sp cialistes de l exotisme se souviennent l appr hension de lalt rit a toujours t une constante au c ur des diff rentes visions du monde qui se sont suc c d de l Antiquit grecque et latine la Renaissance europ enne du xvi si cle En fait bien avant que les navigateurs des grands voyages d explorations mari times du xv si cle maient accept d achever au nom qui de Espag
12. ans une seule et m me direction l tudiant Aussi contrairement cette id e de Girard qui donnait une place pr pond rante au physique dans le choix de la victime la nar ration de Joris elle situe l anormalit uniquement au niveau moral voire intellectuel En fait malgr sa jeunesse sa force sa vigueur et sa beaut l tudiant devient la cible de choix des pers cuteurs par sa fa on autonome de penser car il ne se conforme pas la tradition Il pr f re le jugement de la raison la croyance de la religion l observa tion empirique la pens e mythique C est donc parce qu il a choisi de diff rer autrement de raisonner en dehors de la sph re mythologique ancestrale que les membres de la communaut accusent l tudiant comment osait il douter de ce que disaient les anciens ils pourraient lui faire du mal l ombre du texte se profile donc la silhouette d une violence qui elle est bien r elle Dans la m me logique Girard rappelle au sujet de l lection du bouc missaire qu travers lui ce n est pas l autre nomos qu on voit dans l autre mais l anomalie ce n est pas l autre norme mais lanor malit l infirme se fait difforme l tranger devient apatride Girard 1982 pp 34 35 Pour cette raison l tudiant tel que le d peint Pap pareil narratif de Joris se situe toujours mi chemin entre la ville et le village entre l universit et le palabre entr
13. cet tat de crise parce qu il rel ve d une d sagr gation des rapports humains implique donc n cessairement le sujet agissant au sein de ces rapports sociaux Ceci aura pour cons quence de nous mener au second st r otype de la per s cution qui pourrait se r sumer par la simple expression de crimes indiff renciateurs Ce qu il faut comprendre ce moment de l analyse structurale que m ne Girard c est que plut t que de se porter responsables les indi vidus ont tendance bl mer soit la soci t dans son ensemble ce qui ne les engage rien soit d autres individus qui leur paraissent particuli rement nocifs pour des raisons faciles d celer ibid p 24 Et c est pr cis ment cet instant que la dynamique de la pers cution s enclenche car l ensemble des pers cuteurs d signera une victime qu ils accuseront de crimes tels que le parricide l inceste et la bestia lit qui s attaquent aux fondements m me de l ordre culturel aux diff rences familiales et hi rarchiques sans lesquelles il n y aurait pas d ordre social ibid p 25 Par la m canique m me de l accusation une nouvelle communaut se compose celle des pers cuteurs et cette masse nouvellement form e t che alors d assouvir son app tit de vio lence R actionnaire elle r ve de se purger de tous les l ments qui la corrompent impurs traitres monstres et autres trangers Elle cherc
14. e car vous avez des ndokis plus forts que les n tres vous avez des machines des fabriques des ordinateurs Joris 1990 pp 245 246 Ainsi avant m me que le lecteur ne prenne conscience du caract re mythique de la mort de cette jeune femme d j le texte nous pose dans l atmosph re interlope du crime dans l univers angoissant de la transgression une femme a t tu e pire elle a t d vor e ici com mence notre incursion dans le monde mythique du bouc missaire Tout d abord au sein du mythe il y a crime d indiff renciation le ndoki est une cr ature mi homme mi animal Le jour il se meut sous une apparence humaine il est un vieillard un exclu un faible Particuli rement expos la pers cution de par les infirmit s qui sont g n ralement le lot de la vieillesse le ndoki lorsqu il a forme humaine conforte les th ses de Girard qui soutiennent qu infirmit s et difformi t s r elles tendent polariser les esprits primitifs contre les indi vidus qui en sont afflig s Girard 1982 p 29 Mais plus encore parce qu il prend volontairement une forme animale quand advient la nuit le ndoki transgresse la fronti re qui diff rencie l homme de Pani mal et devient cet tre indiff renci qui p che par bestialit Toutefois plus qu une simple transgression corporelle le crime du ndoki ne se limite pas sa seule polymorphie En effet l homme crocodile se fait galem
15. e la raison et la pens e mythologique il n a pas de place fixe pas de chez soi il est cet apa tride dont parle Girard Aussi pour toutes ces raisons l tudiant sera le bouc missaire de la violence collective projet e sur le personnage du ndoki devenu d s lors instrument de cette pulsion agressive Par lui la communaut retrouve un ordre que sa pr sence de prime abord semblait troubler De monstre assassin et anthropophage il devient Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain vengeur redresseur de torts pilier de l ordre social Du m me coup il confirme cette hypoth se de Girard qui soutient que le sacr primitif soit le sacr des diverses soci t s mythico rituelles consacre toujours le retournement b n fique de la toute puissance mal fique attribu e au bouc missaire ibid p 66 Ainsi tant dans le mythe en g n ral qu au sein du mythe de l homme crocodile rapport par Joris l ordre absent ou compromis par le bouc missaire se r tablit ou s tablit par l entremise de celui qui l a d abord troubl d Et aussi longtemps que les causes ext rieures qui minent l ordre de la soci t persisteront il y aura un bouc missaire seul capable de maintenir au sein du chaos une certaine forme de diff rence Aussi rejeton du d sordre le bouc missaire consiste en cette cr ature hybride qui rappelle aux m
16. embres d une soci t ses tabous ses craintes et son identit par la projection de ses angoisses sur un seul et m me individu Toutefois par une mise en abime de ce r cit mythique mu par le m canisme du bouc missaire le texte de Joris r v le ses rouages afin de mieux transmettre au lec teur ses pistes d interpr tations Aussi parce qu elle nous force voir derri re le mythe une rh torique menant l lection d un bouc mis saire la narration de Joris nous montre lire entre les lignes d autres discours et voir dans d autres r cits la part de mythe qu ils rec lent 2 1 En guise de conclusion le Tiers Mythe un autre Bouc H misph re En 1955 en plein c ur du mouvement anticolonialiste qui sou levait Afrique et d autres continents au moment de la guerre des Ind pendances Aim C saire crivait Il faudrait d abord tudier comment la colonisation travaille d civiliser le colonisateur l abrutir au sens propre du mot le d grader le r veiller aux instincts enfouis la convoitise la violence la haine raciale au relativisme moral et montrer que chaque fois qu il y a au Vi t nam une t te coup e et un il crev et qu en France on accepte une fillette viol e et qu en France on accepte un Malgache supplici et qu en France on accepte il y a un acquis de la civilisation qui p se de son poids mort une r gression universelle qui s op re
17. ent p cheur par la pr m ditation de ses forfaits il choisit d li b r ment sa victime et attend son heure semant du coup un certain d sordre au sein de la communaut des hommes C est qu il faut garder l esprit que le ndoki est un tre mythique invisible et insaisissable il ne peut donc jamais tre formellement accus de son crime Aussi la mani re de ces sorci res qui si elles poss dent un animal familier passent pour lui ressembler et dont ce m me animal apparait bien souvent comme une esp ce d avatar une incarnation temporaire ou un d guisement utile au succ s de cer taines entreprises ibid p 75 le ndoki emprunte au crocodile son apparence et sa force pour accomplir ses actes r pr hensibles Il tue mais toujours sans remord et sans aucune condamnation Il n est tou tefois pas un tre invuln rable il peut tre bless par la violence des hommes comme en t moigne la blessure la jambe du vieux ndoki du village Mais malgr cette blessure ce dernier demeure maitre et roi du jeu Sa nature monstrueuse tant sur le plan physique que morale fait de lui le parfait bouc missaire sur lequel peuvent se canaliser la violence et les angoisses de la communaut D ailleurs d s qu il y a mort suspecte au c ur du roman c est ce dernier qu incombe la res ponsabilit de la disparition Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discu
18. he chez sa victime la diff rence non pas celle n cessaire tout syst me social mais plut t l anormalit celle par laquelle se r v le la fragilit de la collectivit La foule traque donc ce qui diff re autrement levant ainsi l anomalie au rang de st r otype de la pers cution Enfin apr s la crise apr s les accusations et les signes de s lection victimaire tel le fait d tre malade infirme diff rent ou tranger ne reste plus que la violence elle m me sans cause celle d une communaut enti re ment tourn e vers un groupe sp cifique d individus sa victime son bouc missaire Aussi avec Girard faut il penser la violence comme le dernier des st r otypes de ce processus pers cuteur que constitue le m canisme du bouc missaire Ainsi derri re tout mythe se cache une violence originelle derri re toute collectivit se terre une pulsion de mort projet e vers l autre l tranger celui qui est diff rent Mais plus qu un simple crime n ces saire au bon fonctionnement de l ordre social la pens e mythique se veut galement un t moignage t moignage d une violence qui a d j t d une violence qui est d une violence venir et d une victime tou 67 68 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que jours la m me car toujours diff rente Cependant de la m me fa on que le concevait Caillois Girard pense le mythe en termes d volu tion car toute narrativi
19. ls Il est plus difficile de rep rer la victime dans un tre surnaturel qui fait l objet d un culte Girard 1982 p 60 Aussi aux confins de l Afrique terre de la pens e magique selon de nombreux ethnologues s il y a mythe il y a n cessairement bouc missaire et c est ce que nous confirme le roman de Lieve Joris cette auteure belge qui un jour quitta son pays pour partir sur les traces de son oncle missionnaire Par le truchement de sa narration bigarr e compos e la fois de chansons de monologues narrativis s de narration soutenue et de dis cours rapport s l auteure nous convie partager la vision qu elle a eue du Congo au lendemain de son ind pendance cet effet un peu comme le ferait un carnet de voyage l appareil narratif de Joris nous brosse un portrait quasi exhaustif de son itin raire de ses rencontres des chemins qu elle a parcourus et des gens qu elle a rencontr s Et en plein coeur de ce tableau du Congo peint par la main d une trang re figurent mythes et mythologies africains au sein desquels se d marque le personnage de l homme crocodile Plus qu une simple figure fan tastique et fantasmagorique l homme crocodile d coule d un mythe il est un bouc missaire et par sa mise en r cit ce que nous livre le roman consiste en une articulation de la structure et des st r otypes de la pers cution tels que d velopp s par Ren Girard cette fin par une mise en abime
20. mprendre en dehors du monde de l action mais surtout de l interaction car bien souvent il n est per u que comme un simple commentaire sur une pratique rituelle qui elle vise organiser le monde Au croisement de nombreuses approches socioanthropologiques du mythe la th orie d velopp e par Girard s oriente autour de cette id e g n rale qui veut que tout mythe trouve son origine dans une violence r elle tourn e contre une victime tout aussi r elle C est que selon lui les mythes sont trop nombreux relever du m me mod le pour qu on puisse attribuer la r p tition de ce mod le autre chose qu des pers cutions r elles Girard 1982 pp 41 42 Aussi contre cette majorit de th oriciens de la religion qui refuse de voir autre chose dans le mythe qu une parole appartenant l ordre du fantasme Girard 16 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que propose un autre regard une nouvelle fa on de concevoir la pens e mythique Ce sont les m mes st r otypes pers cuteurs partout mais personne ne s en aper oit Une fois de plus c est l enveloppe ext rieure historique ici religieuse l bas qui d termine le choix de l interpr tation ce n est pas la nature du texte consid r Nous retrouvons la ligne invisible qui traverse notre culture en de nous admettons la possibilit de vio lences r elles au del nous ne l admettons plus et nous remplissons le
21. narrative nous permettra d aborder l une des nombreuses facettes discursives qui composent l actualit des vio lences postcoloniales savoir l invention pist mologique de l Afrique par l Occident I Le bouc missaire r p tition m canique d un discours tenant de la pens e mythique Cerner le propre du mythe de fa on objective n est pas chose ais e car objet d un questionnement ontologique humain cette parole ouverte se compare un surgissement difficilement saisissable Produit du d sir celui de comprendre et de raconter de croire et de parta ger elle suscite crainte int r t fascination condescendance et m pris Parole m taphoris e d un dit souvent inexprimable sa th orisation se r v le d autant plus ardue que sa nature sacr e invite au jugement organe identitaire puissant elle se donne toutes les prises de position Aussi face au mythe personne ne peut se montrer indiff rent l on croit ou l on ne croit pas Et c est ici dans ce choix dans cette appar tenance une communaut de croyants ou d incr dules que reposent les fondements de la pens e fonctionnaliste sur le mythe Car pour les tenants d une telle approche bien qu objet d une narrativit voire parfois d un travail esth tique le mythe rel ve plus de la charte que de Part de raconter En fait v ritable mode d emploi de la vie en soci t le mythe pour nombre de fonctionnalistes ne peut se co
22. ne qui de la France qui de P Angleterre et qui du Portugal la r unification christique de Puni vers Affergan 1987 p 40 d j l tranger apparais sait travers le voile fantasmagorique d un univers o les limites de la r alit empirique n avaient d gales que celles de l imagination la fois attirante et repous sante juste et cruelle l alt rit se r v lait alors dans une ambivalence justifi e par une ignorance compl te de la part des peuples qui formeraient un jour les diff rentes Bouchard Marie Pierre Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain nterdisciplinarit s Penser la biblioth que Postures 2011 p 63 80 64 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que puissances europ ennes Cette propension pallier l irr ductibilit de lalt rit par les miracles de l invention ne se d mentit pas malgr la rencontre les grands voyages et la colonisation Aussi d s 1866 un homme tel que Sir Samuel Baker pouvait constater avec assurance qu Jaucune des races du Bassin du Nil sans exception ne poss de une croyance en un Etre supr me ni aucune forme du culte ou de lidol trie obscurit de leur esprit n est pas m me clair e par un rayon de superstition Ils ont l esprit aussi stagnant que les marais qui fondent leur monde triqu Baker cit par Thomas et Luneau 1975 p
23. nouveau mythe rationalis que plusieurs nommeront tant t Modernit tant t Progr s et tant t Science s est d sign un autre bouc missaire Du moins c est ce que soutiennent C saire et les tenants de la n gri tude c est ce que d noncent Edward Sa d et son orientalisme c est ce que proclament Moura et tous les th oriciens qui s acharnent d crire P re postcoloniale et c est galement ce que critiquent par la voie litt raire Lieve Joris et ses strat gies d nonciation En ce sens cri ture terroriste Mon oncle du Congo d mythifie un mythe pour mieux en d noncer un autre soit celui qui s articule autour du Tiers Mythe et de son Bouc H misph re cet effet d s lincipit le texte nous donne ses indices car bien qu il s ouvre sur un voyage un p lerinage un lieu de rencontre Je suis partie en Afrique sur les traces de mon oncle missionnaire Joris 1990 p 17 il y a malaise Moi aussi en ce matin froid de sep tembre je me sens mal Paise au bastingage du Fabiolaville Id Ainsi d s le tout d but de la narration la confrontation entre le pr sent de la protagoniste le pr sent du Congo ind pendant son pass d Occiden tale et celui de son oncle missionnaire s av re probl matique Jamais au fil de la narration il n y aura r ellement de place pour l change ce dont t moigne l appareil narratif du roman qui enti rement
24. ouc missaire Coll Le Livre de Poche biblio essais Paris Grasset 313 p HENTSCH Thierry 2002 Raconter et mourir aux sources narratives de l imaginaire occidental Montr al Presses de l Universit de Montr al 490 p N TANDOU Jean Baptiste 1986 L Afrique mystifi e Coll Points de vue Paris L Harmattan 173 p NZE NGUEM A Fid le Pierre 1989 Modernit Tiers Mythe et Bouc H misph re Paris Publisud 172 p ROSIER Laurence 1999 Le discours rapport Histoire th ories pratiques Coll Champs linguistiques Paris Bruxelles Duculot 325 p THOMAS Louis Vincent et Ren LUNEAU 1975 La terre africaine et ses religions traditions et changements Paris L Harmattan 335 p Parties de monographies BUTOR Michel 1969 L usage des pronoms personnels dans le roman Essais sur le roman pp 73 88 Coll Id es Paris Gallimard CAILLOIS Roger 1938 Fonction du mythe Le mythe et l homme Les essais vi p 13 36 Coll nrf Paris Gallimard LALLEMENT Michel 2005 Fonctionnalismes et th orie des syst mes Histoire des id es sociologiques de Parsons aux contemporains pp 81 109 Coll Circa Paris Armand Colin LALLEMENT Michel 2006 mile Durkheim et l cole fran aise de sociologie Histoire des id es sociologiques des origines Weber pp 147 187 Coll Circa Paris Armand Colin Violences postcoloniales en di
25. reprises dans le roman le spectre mythique du ndoki vient hanter le cours de la narration afin d pouvanter l un des jeunes tudiants consid r s comme l ments perturbateurs par l ensemble de la collectivit Il en sera ainsi de Tope Depuis qu il vit en ville il est assailli de doutes Dans sa tribu les femmes ne peuvent pas manger d ufs a les rend st riles disent les anciens Il y a r fl chi et croit qu il existe une autre raison Il n y a pas beaucoup d ufs au village les hommes veulent les garder pour eux c est pour quoi ils disent que a rend les femmes st riles Mais quand il l a dit timi dement son p re celui ci s est f ch comment osait il douter de ce que disaient les anciens ils pourraient lui faire du mal Depuis lors Tope ne sait plus que penser Il fait le m me chemin que Louis mais en sens inverse Il connait les mythes et les tabous de la for t il a t nourri de ces r cits qui taient tellement nouveaux pour Louis et ses amis Depuis qu il est tudiant il veut chapper ce vieux monde Il a cru y arriver Kisangani mais pendant les vacances il a senti comme son village qui le r aspirait Les anciens ne veulent pas que nous voluions dit il ils ont peur que nous ne nous occupions plus d eux Il ose parler de ses doutes son p re mais il a peur de la g n ration de ses grands parents qui poss dent des forces que personne ne peut comprendre Il l
26. rsive d un mythe contemporain Face au mythe du ndoki nous n avons donc d autres choix que celui de constater qu il r pond au moins trois des quatre st r otypes de la pers cution qu a su laborer Ren Girard au sein de son essai sur le bouc missaire il y a tout d abord pr sence de crimes indiff ren ciateurs il y a ensuite pr sence de signes de s lection victimaire et enfin cela se manifeste dans une certaine forme de violence Par ce fait m me en croire Girard nous sommes bien en pr sence d un appareil discursif dont la rh torique est enti rement tourn e vers la d signation d un bouc missaire car c est la juxtaposition de plu sieurs st r otypes dans un seul et m me document qui fait conclure la pers cution Jbid p 37 Cependant en ce qui a trait au der nier st r otype soit celui de la crise sociale et culturelle caract ris e par une indiff renciation g n ralis e bien que cet tat ne semble pas pr sent au sein des discours tenus sur le mythe des ndokis une chose cependant revient constamment au c ur de chacun d entre eux et qui peut se comprendre comme une peur qu entretiennent nombre de Congolais l gard de l ducation occidentale dont ont pu b n ficier les nouvelles g n rations la mani re d un sous entendu d une accu sation presque imperceptible se profile travers ces discours l ombre d un second bouc missaire cet effet deux
27. s quent par des phases de d mythification sources de remythisation cyclique Wunenburger 1994 p 2 Historique mou vant instable le bouc missaire ne porte donc pas qu un seul visage Polymorphe et fonctionnel il se transforme au gr des besoins identi taires de sa communaut II Mon oncle du Congo un r cit deux boucs missaires 2 1 Le mythe de l homme crocodile ou le leurre d un bouc missaire voulu primitif Selon Girard l expression bouc missaire parle d elle m me Lorsque quelqu un s crie la victime est un bouc missaire personne n h site quant au sens lui donner tout le monde s accorde sur Pinno cence de la victime sur le caract re collectif spontan et inconscient du soul vement de m me que sur la finalit sociale de cette polarisation de la violence Toutefois comme nous l avons d j soulign s il est ais de reconnaitre le m canisme de cet inconscient pers cuteur au sein d un corpus historique il n en va pas de m me des r cits mythiques car leur dimension sacr e bien souvent nous aveugle par leur syncr tisme et Violences postcoloniales en discours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain leur caract re ambivalent En effet comme le remarque Girard Les pers cuteurs m di vaux et modernes n adorent pas leurs victimes ils les ha ssent seulement Ils sont donc ais ment rep rables en tant que te
28. scours perspectives litt raires sur l laboration discursive d un mythe contemporain MALINOWSKI Bronislaw 2001 Le r le du mythe dans la vie Trois essais sur la vie sociale des primitifs pp 119 141 Trad par S Jank l vitch Paris Petit Biblioth que Payot SAID Edward 1980 Introduction Lorientalisme L Orient cr par l Occident pp 13 42 Paris Seuil Articles de p riodiques D LLENBACH Lucien 1980 R flexivit et lecture Revue des sciences humaines Vol 177 pp 23 37 HURBON La nnec 2002 Violence et raison dans la Cara be le cas d Ha ti Notre Librairie Penser la violence N 148 juillet septembre pp 116 122 NGA NDONGO Valentin 1998 L image de l Afrique dans les m dias europ ens Soci t s africaines et diaspora L Afrique en repr senta tion n 9 pp 33 51 WUNENBURGER Jean Jacques 1994 Mytho phorie formes et transformations du mythe Religiologiques N 10 automne pp 49 70 79
29. t n existe que dans le temps et par l histoire Par cons quent si la soci t volue son bagage mythologique en fera de m me Ce n est donc pas sans raison qu au cours des si cles les repr sentations de la violence ont tendance s effacer progressivement au sein du canon mythologique de nombreuses soci t s occidentales la violence collective a succ d la violence individuelle celle des h ros de la mythologie grecque et latine et la violence individuelle s est creus e la marque de l absence symptomatique de toutes formes de violence mythologiques C est qu au discours de la pens e mythique la modernit a pr f r un autre discours celui de la science et de la raison sans pour autant que ne disparaisse le m canisme du bouc missaire En fait bien que les repr sentations pers cutrices aient disparu peu peu des diff rentes formes de discours tout au long de l histoire occi dentale les violences elles n ont jamais diminu ni en quantit ni en intensit Le bouc missaire existe toujours la seule diff rence pr s que son visage ne s impose plus aussi durablement dans nos soci t s contemporaines Ainsi comme nous l apprendra notre br ve analyse du jeu narratif qu labore Joris autour du mythe de l homme crocodile dans son roman Mon oncle du Congo le mythe loin d tre fig parti cipe d un incessant remaniement de sa forme et de ses contenus qui passe par con
30. ui est arriv une chose horrible il y a quelques jours Le vieux tait furieux Tope s tait excus mais le p cheur avait continu voci f rer il avait jur Tope qu il n arriverait pas vivant Kisangani qu il se ferait manger par en route par un crocodile Tope n tait pas rassur Mais les p cheurs des autres pirogues lui avaient dit de ne pas s en faire Len D 72 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que les hommes de cette r gion ne pouvaient pas se changer en crocodiles Joris 1990 pp 245 246 travers ce t moignage en filigrane l tat d une crise sociale se dessine entre les g n rations le fil s est rompu l ordre ne tient plus et tend se renverser D sormais gr ce l ducation occidentale c est une autre fa on de concevoir le monde qui est privil gi e et la science a ceci de particulier qu elle cherche la loi l o la pens e mythique se contentait de la croyance Par cons quent par l introduction d une nouvelle forme de savoir l ordre culturel s effrite et laisse place une situation de crise terre fertile s il en est de la pers cution Cependant si un nouveau bouc missaire fait son apparition au sein du roman il n est pas n cessairement conforme aux st r otypes de la pers cution tels que r pertori s par Girard En effet si signes de s lection victimaire il y a au sein du t moi gnage de Tope ils pointent tous d
31. une gangr ne qui s installe un foyer d infection qui s tend et qu au bout de tous ces trait s viol s de tous ces mensonges propag s de toutes ces exp ditions punitives tol r es de tous ces prisonniers ficel s et interrog s de tous ces patriotes tortur s au bout de cet orgueil racial encourag de cette jactance tal e il y a le poison instill dans les veines de l Europe et le progr s lent mais s r de l ensauvagement du continent 1955 p 11 73 74 Interdisciplinarit s Penser la biblioth que Ainsi la lumi re de ces propos l Europe en croire C saire rede vient sauvage sa civilisation permet le meurtre le viol et le massacre plus elle tol re et g n re une violence primitive et originelle Aussi depuis l av nement de la modernit et de mani re encore plus exa cerb e depuis l aventure coloniale les diff rents Empires coloniaux notamment la France si nous nous en tenons aux dires de C saire ont entam une trange m tamorphose retirant cette peau qui faisait d eux des hommes ils se sont mu s progressivement en b te Par ces paroles enflamm es ce qu Aim C saire nous apprend c est que derri re sa pens e soi disant rationnelle son flegme moderne et l objectivit de ses sciences le monde occidental n a pas quitt l instar de ces nombreuses peuplades primitives un certain univers mythico rituel L Occident par le truchement de ce
32. vide ainsi cr par toutes les abstractions du pseudo nietzsch isme la sauce linguistique d r alisante Nous le voyons de mieux en mieux la suite de l id alisme allemand tous les avatars de la th orie contempo raine ne sont jamais que des esp ces de chicanes destin es emp cher la d mystification des mythologies de nouvelles machines retarder le progr s de la r v lation biblique soit celui de la r v lation du m ca nisme du bouc missaire bid p 164 Partant d une hypoth se structurale qui postule l existence d un sch me transculturel de la violence collective dont il serait possible d esquisser les diff rentes lignes de force et qu il nomme le m ca nisme du bouc missaire Ren Girard se donne pour mission de mettre jour cette rh torique pers cutrice inconsciente afin d en d sa morcer les principes moteurs 1 1 Le bouc missaire une question de structure Ainsi tout d bute par la constatation qu il existe au sein des dif f rents textes de pers cution une certaine structure commune l ensemble des soci t s En effet selon lui quel que soit le contexte sociohistorique ou les causes v ritables des crises qui d clenchent les grandes pers cutions les comptes rendus de ces violences r elles souvent collectives r dig s dans la perspective des pers cuteurs ibid p 17 sont tous affect s par des distorsions qui leur sont caract ristiques
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