Texte intégral PDF (2 Mo)
Contents
1. Article Le chercheur et les contraintes doxologiques Maurice Tardif Revue des sciences de l ducation vol 14 n 2 1988 p 149 163 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 900592ar DOI 10 7202 900592ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 09 11 Revue des sciences de l ducation vol XIV no 2 1988 Le chercheur et les contraintes doxologiques Maurice Tardif R sum L int gration des chercheurs dans des cadres institutionnels toujours plus complexes entra ne t elle l apparition de divers types de contraintes qui risquent d in fluencer les choix et l orientation des recherches l un2. labor es dans l tude de d autres ph nom nes politiques conomiques sociologiques etc Il ne s agit pas ici de nier le d veloppement in gal des champs de la recherche scientifique mais simplement de reconna tre la sp cificit et l originalit des ph nom nes ducatifs Van der Maren 1985 La situation actuelle des sciences de l ducation place bien souvent les chercheurs qui y oeuvrent dans l obligation d aller chercher une l gitimit scien tifique dans d autres champs de recherche consid r s plus s rieux Or cette obligation devient proprement doxologique lorsqu on sait que pour l ensemble des sciences humaines la recherche s rieuse se r clame d une grande vari t d ap proches et qu aucune parmi elles ne peut pr tendre l unanimit Il n existe pas une telle chose que la sociologie ou la psychologie ce qui existe ce sont des sociologies ou des psychologies c est dire des ensembles de discours plus ou moins commensurables plus ou moins homog nes et ce tous les niveaux axio matique m thodologique th orique etc C est pourquoi selon nous il faut entretenir une certaine m fiance face des choix de recherche qui un moment donn s imposent comme vidents urgents ou n cessaires La recherche devient dangereusement servile lorsqu elle 160 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION souscrit au syst me de croyance en vigueur Certes cette servilit peut sans doute se transformer en
3. ici cette s rie de distinctions et de clivages dont la fonction consiste d couper la recherche universitaire en domaines distincts li s par de grossi res ou subtiles relations hi rarchiques fondamentale appliqu e th orique technique pure prati que exp rimentale exp rienci e quantitative qualitative etc Cette hi rarchie des domaines recoupe d autres hi rarchies hi rarchie des facult s sciences pures humaines lettres sciences de l ducation hi rarchies des disciplines bas es sur des crit res tels la rentabilisation des investissements l utilit court terme le rayonnement de l institution Le champ institutionnel de la recherche bien loin d tre un espace ouvert favorisant la communication entre les chercheurs est stratifi et structur Le chercheur est inclus dans un micro territoire lequel entretient avec d autres des rapports de subordination ou de pr s ance Bourdieu 1984 cet gard les chercheurs en sciences de l ducation sont la fois victimes et complices des pr jug s entretenus leur endroit par la doxa institutionnelle qui tend attribuer une valeur aux recherches selon l objet et le domaine et non selon la qualit intrins que de la d marche des chercheurs Entre la servilit et le refus de penser l originalit des ph nom nes ducatifs on en vient s enfermer dans un ghetto maintenu coup de pr jug s et de subventions Pensons galement au ph nom ne subti
4. m me porteur d un savoir spontan partir duquel les cat gories ontologiques sont structur es par les cat gories linguistiques Wittgenstein 1980 Bref le savoir scientifique ne na t pas de l ignorance mais du savoir non scientifique C est pourquoi l pist mologie du sens commun et l analyse des repr sentations sociales et des croyances constituent un apport d cisif la th orie de la connaissance scientifique Paichelier 1984 Jodelet 1984 Soulignons galement que l opposition doxa pist m est complexe et mouvante Nous n avons pas affaire deux champs de discours compl tement s par s sans lien entre eux De fait les r sultats de la recherche scientifique sont susceptibles de servir de v hicule la doxa R gle g n rale mesure que s accro t l importance sociale de la recherche et de la science s accroit galement le nombre de discours porteurs d un d sir symbolique de scientificit Il s agit l d un ph no mene typiquement contemporain la valeur de v rit du discours scientifique devient une valeur socialement rentable On a montr Moscovici 1976 Bourdieu 1984 que des disciplines comme la psychologie et la sociologie voyaient leurs notions leurs concepts leurs probl mes sp cifiques r cup r s par divers discours pr ten tion savante Il n existe pas de lieu r el ou imaginaire dans lequel le chercheur pourrait se mettre l abri une fois pour toutes de la doxa Le probl me de
5. approche pist mologique largie capable d int grer dans son horizon de questionnement l pist mologie traditionnelle la sociologie de la connaissance et la psychologie pist mologie du sens commun th orie de la croyance et de l id ologie Les discussions sur les m thodes scien tifiques peuvent difficilement ignorer les positions concr tes occup es par les utili sateurs des m thodes car ces positions sont g n ratrices de contraintes Le cher REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 163 cheur n est jamais un sujet pist mique pur un Robinson isol sur l Ile de la Science Il travaille dans un milieu sp cifique il est salari professionnalis son activit est subventionn e donc valoris e lui m me doit se rendre visible produire publier inventer ou d couvrir Bref il est un sujet social interreli une commu naut une institution S il doit rompre avec la doxa et il le doit cette rupture s accomplit dans son propre milieu au sein m me des discours qui y sont v hicul s et qui l ont form Entreprise collective complexe la recherche universitaire appelle donc une communication collective entre les chercheurs Communiquer veut dire mettre en commun Quoi Les r sultats de la recherche certes mais aussi les r flexions sur les contraintes des chercheurs C est pr cis ment ce que nous avons tent de faire ici R F RENCES Bachelard G Le Nouvel Esprit scientifique Paris Presses Unive
6. contestation devra emprunter le d tour de la complicit ou de la solidarit avec au moins une minorit d autres chercheurs sous peine d tre percue comme la manifestation d un individualisme irrecevable La recherche universitaire du moins celle qui ne doit pas r pondre des demandes pratiques tend produire ses discours en circuit ferm c est dire que les consommateurs par exemple les lecteurs de revues scientifiques doivent d j tre int gr s dans le champ institutionnel de la recherche s ils veulent profiter des produits de ce champ autrement que sous la forme d valu e de la vulgarisation scientifique Les universitaires parlent d abord aux universitaires l information est d cod e par ceux et celles qui en poss dent le ou les codes Il suffit de sortir du circuit pour tre bient t d phas on ne comprend plus les probl mes et les enjeux du discours Le discours des scientifiques fait silence sur le proc s intellectuel de produc tion Une recherche r ussie aboutit une publication qui livre un produit fini clos sur lui m me Seule une bonne connaissance de la sp cialit trait e comprendra par le jeu des r f rences le traitement retenu pour certaines quations ou les pr f rences du montage exp rimental que ce travail s inscrit dans telle sous chapelle de telle cole de pens e Giard 1978 p 64 Quelles sont les cons quences de cette situation On peut d abord souligner que les di
7. d bats publics On parle qa et l de mesurer sa productivit d valuer son impact sa valeur son utilit De plus qu on le veuille ou non la recherche est maintenant utilis e en tant que crit re d excellence Elle sert expli citement de moyen de comparaison entre les universit s les d partements les individus Par ailleurs la recherche est maintenant un objet de recherche on s interroge sur les modalit s de sa production et de sa distribution on se questionne sur les relations ou l absence de relations entre les chercheurs et les utilisateurs Sur le plan th orique et m thodologique lanimation n est pas moins importante Mod les th ories grilles paradigmes m thodes techniques outils devien nent toujours plus raffin s Bref ici m me au Qu bec la recherche universitaire est devenue au fil des ann es le zez et l enjeu d une intense activit institutionnelle Bien loin d tre le fait de personnes isol es la recherche est d sormais ins parable d un ensemble de pratiques et d agents institutionnels qui veillent sa production sa diffusion et sa promotion Port e reconnue valoris e et syst matiquement entretenue selon certains crit res la recherche d pend de moins en moins de la bonne volont individuelle et de plus en plus des actions et des d cisions concert es par l ensemble de la communaut universitaire voire par l tat et le secteur priv V ritable carre
8. d p rissement pr coce qui affecte les produits sociaux y compris les produits de la recherche scientifique tre la mode se tenir la mode sont aujourd hui des attitudes socialement rentables Elles permettent de conjurer cette d valuation syst matique qui s abat sur les produits d j consomm s La recherche universitaire a aussi son syst me de la mode Barthes 1967 Institution vivant de la production incessante de discours l universit indexe chacun d eux d une certaine valeur Entre le d pass le d j vu et le tout nouveau s tablit une chelle de valeurs doxologiques laquelle bien s r varie selon les disciplines Certains probl mes aparaissent sous la figure de la plus extr me urgence d autres ne m ritent plus qu on s y attarde Des m thodes des concepts se vident brusquement de leur prestige on n y croit plus Les sciences de l ducation nous semblent particuli rement vuln rables cette doxa de la mode Occupant une position relativement d valoris e dans le champ de la recherche universitaire espace th orique par excellence multi et transdisciplinaire les sciences de l ducation sont continuellement soumises aux pressions des mod les des m thodes des techniques import s d ailleurs et qui ont recu une caution scientifique dans un autre champ de la recherche La r flexion sur les ph nom nes ducatifs se soumet d entr e de jeu aux normes th oriques et m thodologiques
9. de la recherche scientifique Salo mon 1970 Il ne s agit pas ici de dresser le vieil tendard de la libert scientifique mais simplement d enregistrer ce fait complexe que constitue l int gration massive de la recherche et des chercheurs dans des institutions pourvoyeuses de program mes de fonds et de cadres fonctionnels En ce sens on peut penser que le discours des chercheurs sur leur propre situation risque d tre d pass et d class tant et aussi longtemps qu il se limite la revendication de meilleures conditions de recherche Meilleures conditions certes mais pourquoi et au service de qui Le lieu des questions Au mythe de Robinson nous devons opposer ce constat les questions que se posent les chercheurs acqui rent un sens et une port e uniquement parce qu elles sont prof r es au sein d une institution et d un secteur pr cis de la recherche C est l que leurs questions sont reconnues comme pertinentes c est dire dignes de recherche En tant que chercheur dans telle discipline j h rite non seulement des acquis de mes pr d cesseurs mais aussi de leurs probl mes et de la fa on dont ces probl mes ont t pos s Bref faire de la recherche c est d abord s inscrire dans une histoire dans une tradition Ma propre formation mon champ disciplinaire m offrent d j tout un ensemble d objets traiter toute une s rie de probl mes r soudre ainsi que divers proc d s m thodologiques e
10. NCES DE L DUCATION 155 consacr s la m thodologie de la recherche s ils n vacuent pas purement et simplement une telle interrogation se contentent de la traiter sous un mode psychologisant Tout se passe comme si les questions des chercheurs et leurs int r ts pour tel ou tel probl me surgissaient spontan ment leur esprit et s im posaient eux sous la claire vidence d une intuition neuve Or le d veloppement de la recherche dans les universit s bas sur un renouvellement extr mement rapide des connaissances des investissements humains et mat riels toujours plus lev s une complexit croissante dans la gestion des programmes de recherche a rel gu au rang d un simple mythe le chercheur isol Malgr le prestige qui entoure encore ce mythe du Robinson savant individu curieux d esprit soucieux d tre objectif et qui oeuvre en solitaire pour le progr s de la connaissance une telle r alit appartient aujourd hui au folklore de la recherche universitaire La recherche contemporaine s int gre toujours davantage dans un univers institutionnel qui la transforme quantitativement et qualitativement La chose est particuli rement vidente dans le secteur des sciences naturelles o la recherche est devenue partie int grante de la symbiose institutionnelle entre l tat l in dustrie et l arm e Aux Etats Unis le minist re de la D fense et la N A S A sont les deux premiers grands commanditaires
11. atis du langage et des vidences de la pratique quotidienne d o la pratique scientifique doit pr cis ment s efforcer d arracher ses probl matiques sp cifiques Une doxologie aurait pour r le d tudier l incidence du savoir sur les prati ques scientifiques De Bruyne Herman et De Schoutheete 1974 p 32 Il est important de remarquer que la doxa se pr sente comme un savoir Sur son terrain elle ne s oppose pas la science elle en tient lieu et se donne 152 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION pour telle Tant et aussi longtemps qu elle n est pas rigoureusement contest e elle demeure enti rement certaine des vidences qu elle v hicule C est partir du champ de la pratique scientifique que le champ doxologique apparait r ellement doxologique En effet il faut d j avoir contest la doxa pour se rendre compte qu il s agissait bien d une doxa c est lorsque nous essayons de valider nos juge ments que nous pouvons nous rendre compte que certains d entre eux taient des pr jug s des pr jugements La recherche doit introduire une rupture avec le champ doxologique pr ci s ment parce qu elle s y enracine au point de d part En effet tout processus de recherche s inscrit 4p50 facto dans un champ de savoirs d j constitu La recherche ne commmence jamais z ro Elle d bute au contraire dans un univers de repr sentations de symbolismes de croyances h rit s Le langage ordinaire est lui
12. distanciation critique devient une attitude vidente une attitude qui s impose avec toute la force de la sanction institutionnelle La distanciation comme exigence scientifique se transmue en esprit critique notion insignifiante par exc s de signification Historiquement l institution universitaire actuelle se veut l h riti re de la grande tradition intellectuelle europ enne fond e sur la critique des mythes reli gieux id ologiques etc et la recherche de la v rit La fonction critique de l universit pr cis ment parce qu elle est devenue une fonction institutionnelle suscite des attentes pr vues et pr visibles qui risquent de la d samorcer en la transformant en activit fonctionnelle qui contribue d abord au bon fonctionnement de l ins titution Valoris e machinalement entretenue chang e en automatisme devenue lieu commun scolaire la critique ne risque t elle pas de perdre tout le pouvoir de contestation qui faisait son int r t Ne risque t elle pas surtout de se trans former peu peu en rituel dont l utilit pour tre institutionnellement rentable n a plus grand chose voir avec la recherche de ce qu on appelle encore peut tre faute d autre mot la v rit Le chercheur et ses questions le mythe de Robinson Qui n a pas entendu cette affirmation la recherche d bute par une question Soyons na fs et demandons nous d o vient cette question La plupart des ouvrages REVUE DES SCIE
13. e aujourd hui entre les chercheurs et les pourvoyeurs de fonds Mais encore l le dialogue semble se figer en formules rituelles par lesquelles les chercheurs se doivent de traduire leurs probl mes dans les termes d sormais consacr s de la production de la rentabilit de l efficacit etc Les chercheurs en sciences de l ducation nous semblent particuli rement confront s une telle situation Somm s de r pondre aux demandes des gestion naires de l ducation qui les subventionnent ils deviennent l une des forces produc tives n cessaires au maintien et la r gulation des institutions ducatives Qu ils le veuillent ou non ils sont int gr s dans le processus de rationalisation du syst me scolaire Leurs recherches contribuent la prise de d cision calcul e des respon sables de l Ecole Elles s int grent aux m canismes par lesquels toute activit humaine doit se transformer aujourd hui en production utile et rentable Crawford et Perry 1976 C est pourquoi toute approche qui tend isoler la recherche et les chercheurs de l institution qui assure leur existence nous semble vou e l chec L pist mologie de la recherche ne peut plus se contenter de d crire les processus intra th oriques conduisant la d couverte scientifique La sociologie de la connaissance et la psychologie de la recherche doivent tre int gr es une pist mologie g n rale de la production des savoirs scientifiques sous p
14. eine de reproduire au niveau de la compr hension la fragmentation des pratiques de recherche en institution C est donc en replongeant le chercheur dans son propre milieu que nous pouvons comprendre les contraintes qui s exercent sur lui Nous devons admettre que l institution universitaire comme toute institution est un espace social de contraintes c est dire de d terminations et de sp cifications de la pratique et du discours des agents y compris des chercheurs contraintes budg taires contraintes professionnelles mais aussi contraintes doxologiques R alit de la doxa institutionnelle La doxa doit l universit se parer du prestige de la rigueur scientifique Ses vidences ce qu elle tient pour indiscutable et naturel doivent emprunter le 158 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION d tour d un discours apparemment objectif et neutre La doxa tablit son emprise en reproduisant la forme ext rieure d une parole savante mais sans offrir simul tan ment la possibilit de sa contestation Elle s adresse aux int r ts des cher cheurs int r ts personnels professionnels intellectuels et les satisfait en leur offrant l illusion qu ils satisfont ainsi aux normes de la rigueur et de la coh rence scientifiques en usage dans l institution C est pourquoi toute analyse critique de la doxa institutionnelle doit essayer de mettre jour tout ce syst me d vidences jamais interrog et dont chacun use comme s il alla
15. fficult s que pose le dialogue entre les chercheurs et les utilisateurs de la recherche tiennent en partie l sot risme du discours universitaire Toujours confront s l obligation de s exprimer dans un langage institutionnellement reconnu les chercheurs se doivent de r interpr ter les probl mes soumis par d autres dans des termes acceptables la communaut institutionnelle Les chercheurs et les praticiens potentiels ne parlent pas le m me langage Huberman dans un texte synth se consacr ce probl me dans le cas de la recherche en ducation r sume la situation en ces termes REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 157 De mani re g n rale chacun travaillait dans une institution diff rente tait form autrement n avait affaire qu d autres membres de son groupe de r f rence faisait face diff rentes contraintes et contingences quoti diennes et suivait une autre trajectoire professionnelle selon des crit res d avancement tr s diff rents 1982 p 138 Par ailleurs on peut penser que l sot risme tend galement s tablir entre les chercheurs eux m mes La recherche universitaire est fragment e en domaines ultra sp cialis s et compartiment s Les chercheurs travaillent l in t rieur de micro territoires de recherche chacun ayant ses normes sp cifiques de production son langage ses int r ts D un autre c t l sot risme est certes rompu par la n gociation perp tuelle qui s instaur
16. four strat gique o se rencontrent s entrecroisent et s af frontent parfois les promesses des uns et les attentes des autres c est bon droit nous semble t il qu on peut parler de la recherche universitaire comme d un champ institutionnel relativement autonome et structur par des pratiques des comportements et des enjeux sp cifiques Or d crire ces pratiques analyser ces comportements d celer ces enjeux nous parait une entreprise n cessaire si du moins on veut comprendre certains aspects de la situation actuelle de la recherche l universit Nous souhaitons ici contribuer cette entreprise en amor ant une r flexion critique sur le probl me suivant REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 151 Est ce que l institutionnalisation massive de la recherche n entraine pas simul tan ment l apparition de divers types de contraintes extra scientifiques suscep tibles d influencer d une facon ou d une autre les chercheurs et leurs recherches En effet il semble pertinent et ajoutons urgent de se demander si en tant qu agent institutionnel le chercheur n est pas confront quotidiennement des choix des alternatives des orientations qui finissent par peser sur ses propres d cisions Ceci dit il ne saurait tre question dans le cadre d un seul article d analyser tous les types de contraintes Nous avons choisi de nous limiter aux contraintes de type doxologique qui sont selon nous parmi les plus subtiles et
17. int r t Le chercheur avant d entamer un processus de recherche doit d j savoir de mani re non scientifique ce qu est la recherche Ce savoir c est son propre milieu qui lui fournit sous forme de repr sentations de proc d s traditionnels de notions h rit es etc Son int r t particulier ne d rive pas uniquement d une prise de position personnelle Au contraire il s ins re dans un milieu d j int ress certaines orientations de recherche En tant que chercheur j ai devant moi un horizon d int r ts partir duquel je projette mes propres aspirations C est ce qui explique que certaines d couvertes importantes passent inaperques faute de correspondre aux int r ts actuels de la communaut savante Le ph nom ne tr s peu analys des modes th oriques est indicatif de la doxa qui s vit dans toutes les disciplines Entre le progr s des connaissances qui oblige les chercheurs se tenir au courant de l volution r cente de leur discipline REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 159 et cette effervescence tapageuse qui mesure la valeur des id es leur indice de nouveaut on souhaiterait que s tablisse une diff rence ais ment perceptible ce qui h las n est pas toujours le cas Il est toujours surprenant de constater le brusque engouement provoqu par des id es nouvellement arriv es sur le march de la consommation symbolique Ph nom ne typique de nos soci t s modernes la mode caract rise le
18. ionnel qui rend possible la pratique de la recherche En d autres mots s il est exact que tout chercheur est confront au probl me de la circularit ce probl me se pose d abord dans le lieu m me o travaille le chercheur Le rapport entre doxa et pist m entre savoir doxologique et science s instaure non dans l abstraction d une lutte entre V rit et Croyance mais bien dans les discours et les pratiques quotidiennes des institutions o oeuvrent les chercheurs Le lieu des vidences On en conviendra la circularit telle que la d finit Goldman reste un niveau de trop grande g n ralit puisqu elle d crit une relation qui caract rise en principe le rapport de n importe quel sujet social avec les id ologies en vigueur dans sa soci t La situation particuli re du chercheur n est pas pour autant clair cie Pour ce faire nous devons inclure le chercheur non dans la soci t en g n ral mais dans son milieu social sp cifique Le chercheur universitaire se d finit d abord par son appartenance une institution appartenance qu on peut d crire en termes de titres de fonctions de 154 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION statuts professionnels etc Et l int rieur de cette institution il se d finit ensuite par son appartenance un domaine sp cialis de la recherche discipline ou champ disciplinaire appartenance qu on peut d crire cette fois ci en termes de comp tence reconnue de travaux de pub
19. issante d crits consacr s ce sujet t moigne du s rieux des efforts accomplis en ce sens Ceci dit et c est l notre seconde remarque on doit tout de m me se demander si l pist mologie et la m thodologie de la recherche n ont pas pour effet paradoxal de rel guer un champ de discours relativement sot riques les probl mes qu elles discutent offrant du m me coup aux chercheurs l illusion que ces ses probl mes sont par avance r solus justement parce que d autres chercheurs s en occupent leur place En effet la sp cialisation de la recherche contemporaine sa dichotomisation en secteurs et en sous secteurs font que les questions et les probl mes pist mologiques rel vent d sormais d une classe de sp cialistes parmi d autres la limite ce qui distingue aujourd hui la recherche l Universit de la recherche dans les institutions priv es c est peut tre simplement l existence d une classe de chercheurs subventionn s non produire des connaissances mais r fl chir sur les conditions de production de la connaissance La distanciation critique ne devient elle pas alors la responsabilit unique des sp cialistes de la critique Est elle autre chose qu un th me pour un article ou bien renvoie t elle au v cu quotidien des chercheurs Est il n cessaire de le rappeler le champ doxologique ne se retrouve pas dans les trait s d pist mologie il s articule concr tement dans l espace social et institut
20. it de soi Le champ disciplinaire Tout chercheur se trouve confront la doxa de son propre champ disci plinaire C est ainsi que l on voit s imposer des mod les types de recherche des approches des probl matiques des m thodes des objets consid r s tel moment comme plus pertinents Il suffit d avoir rempli une fois dans sa vie une demande de subvention pour apprendre tout le jeu implicite d interpr tation qu impose la n cessit de distinguer entre ce qui marche et ce qui ne marche pas Certains secteurs de recherche sont peu pr s d laiss s tandis que d autres sont consid r s comme un v ritable Klondike par les chercheurs la recherche de finan cement Les int r ts des chercheurs sont donc en partie conditionn s par les appr ciations positives ou n gatives qui circulent sans cesse l int rieur d une commu naut disciplinaire Mon int r t personnel pour tel probl me tel domaine doit d une facon ou d une autre s ajuster l int r t g n ral Bref on doit le tenir pour un enjeu pertinent quelque chose qui m rite d tre appuy valoris financ Moi m me lorsque je formule un projet de recherche j ai tenir compte de ce qui conditionne sa r ception dans mon milieu Par exemple je me dois de connai tre l tat pr sent de ma discipline l existence des th ories importantes et des th ories d class es des questions pertinentes et des questions devenues sans
21. iversit Cet article analyse ce probl me en insistant particuli rement sur les contraintes doxologiques Il montre que la compr hension de la recherche et de ses enjeux passe aujourd hui par l analyse des pratiques collectives de la communaut universitaire et des repr sentations qu elle v hi cule Abstract The integration of researchers into an institutional framework which is increasingly complex brings with it various constraints which may influence both the choice and the direction of university research This article analyses this problem specif ically examining doxological constraints The author points out that in order to understand research and the related issues one must proceed with an analysis of the collective decisions of the university community and the values and norms transmitted by this community Resumen Podr a ser que la integraci n de investigadores en contextos institucionales cada vez m s complejos produzca diversos tipos de impedimentos que influenciar an en la selecci n y en la orientaci n de las investigaciones en la universidad Este art culo analiza este problema insistiendo particularmente en los impedimentos doxol gicos Muestra que la comprensi n de la investigaci n y de sus implicaciones pasa hoy en d a por el an lisis de pr cticas colectivas de la comunidad universitaria y de las representaciones que sta ejerce Zusammenfassung Bringt die Eingliederung der Forscher in den Rah
22. jourd hui renforc e par cette tendance structurelle l innovation qui gagne le march des productions scientifiques L imp ratif social de la production incessante de nouvelles tech nologies transforme les produits en gadgets et les savoirs en outils innovateurs au service de l innovation La vitesse institutionnelle de la circulation des discours est si grande qu elle entretient l illusion d un renouvellement affolant de la connais sance On finit par croire que les paradigmes se succ dent grande v locit D ailleurs le concept m me du paradigme depuis sa th matisation par Kuhn est utilis toutes les sauces Des vagues paradigmatiques szc secouent p rio diquement les th ories c t de la m thode d ductive sciences hypoth rico d ductives math matique logique etc et de la m thode inductive sciences exp rimentales ou d observation on voit apparaitre de nouvelles m thodes holis tique globalisante n o dialectique syst mique etc qui sous pr texte de nous faire saisir enfin la complexit du r el r introduisent le vieux r ve m taphysique d une science du tout de la totalit qu on saupoudre ensuite de quelques consi d rations cybern tiques sur l art de faire fonctionner la soci t comme une entit vivante auto r gul e auto finalis e et auto heureuse Chassez le Faust revient sur la pointe des pieds La doxa s vit aussi au niveau de l institution universitaire elle m me Pensons
23. l et complexe de la divulgation institutionnelle de la recherche Crit re souvent d cisif dans l valuation de la performance des individus et des d partements la publication est devenue peu peu un enjeu en soi O publier avec qui quand et comment Qui signera l article le rapport l ouvrage Questions banales o se refl tent les angoisses li es 162 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION la productivit massive Croyance la valeur de la quantit vidence et lieu commun de la visibilit institutionnelle On ne cite plus des faits ou des id es pour les discuter mais le nom l ouvrage l ann e et l on se presse ainsi de participer f brilement ce qui s appelle maintenant l accumulation des connaissances o les connaissances sont des morceaux de savoir parpill s d sarticul s et si possible les faits eux m mes momifi s ou p trifi s dans leurs descriptions et leurs recensements Freitag 1986 p 422 Les travaux de fond ne sont plus gu re rentables surtout en d but de carri re On brise et on fragmente les recherches On les livre par petits morceaux On fait la mani re am ricaine on publie petit et vite On signe plusieurs un article crit par un seul chacun son tout Toujours plus soumise aux pressions diverses et souvent incoh rentes d une soci t hant e par l urgence de l utilit l universit place son tour les chercheurs sous pression Le risque Que la recherche de
24. la circularit Pour les sciences humaines et les sciences de l ducation le rapport entre recherche et doxa peut tre probl matis sous le th me du cercle vicieux de la circularit pist mologique D s que l on aborde en science humaine un probl me quelconque un niveau suffisamment g n ral on se trouve l int rieur d un cercle qui est l expression du fait que le chercheur fait lui m me partie de la soci t qu il se propose d tudier et qui joue un r le pr pond rant dans l laboration de ses cat gories intellectuelles Goldmann 1967 p 992 Bien s r le risque est de retrouver au bout de la recherche des l ments introduits au point de d part Le probl me de la circularit appelle deux remarques l une positive l autre n gative REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 153 Si on se limite la seule dimension intra th orique comme le font d ailleurs la plupart des pist mologues la circularit bien loin d tre un obstacle absolu la recherche est plut t le point nodal partir duquel voluent r flexions m thodes mod les et techniques dans leurs raffinements successifs Le d veloppement des sciences humaines et celui plus r cent des sciences de l ducation ont amen des chercheurs de toutes les disciplines et de tous les horizons s interroger sur les conditions de l objectivit et proposer des approches et des solutions f condes ce probl me De fait la masse toujours cro
25. lications etc C est donc par cette double appartenance que le chercheur se trouve inclus de facon d termin e dans le monde social qui est le sien en l occurrence l institution universitaire D s lors il est permis de soutenir que la circularit ne s tablit pas entre le chercheur individu quelconque et la soci t en g n ral mais qu elle s tablit concr tement entre le chercheur membre d une institution et son propre milieu institutionnel En effet c est pr cis ment ce milieu l universit qui lui fournit sa formation et la reconnaissance de sa comp tence de ses titres et de ses travaux C est galement ce milieu qui assure professionnellement et mat riellement la possibilit du travail de recherche Plus encore c est parce qu il oeuvre dans une universit et dans un champ disciplinaire sp cifique que le chercheur d couvre des probl mes de recherche Le processus de d couvertes et de recherche est d abord un processus collectif avec des normes des conditions fix es collectivement par une communaut Kuhn 1964 Habermas 1976 C est donc au sein de son propre milieu que le chercheur risque de rencontrer les vidences qu il doit critiquer t che la fois redoutable et n cessaire redoutable parce que n cessaire puisque la critique de la doxa s effectue dans un lieu qui valorise express ment la critique En effet l universit se pr tend en quelque sorte la conscience critique de la soci t En elle la
26. men immer komplizierter werdender Institutionen das Auftreten verschiedener Arten von Einschr n kungen mit sich die die Wahl und die Richtung der Universit tsforschung beeinflussen k nnten Der vorliegende Artikel untersucht diese Frage und besteht besonders auf den doxologischen Schwierigkeiten Er zeigt dass das Verst ndnis der Forschung und ihrer Risiken heutzutage von der Analyse der in der Universit tsgemeinschaft allgemein bli chen Methoden und der von ihr vorgetragenen Vorstellungen abh ngt D crire c est choisir choisir c est valuer valuer c est critiquer Gouldner P gt 7 Z Tardif Maurice tudiant de 3e cycle Universit de Montr al 150 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION Lieu et enjeu de la recherche La recherche est consid r e aujourd hui et plus que jamais comme l une des activit s essentielles de l universit Elle constitue l un des volets officiels de la t che professorale Elle correspond aussi bien souvent l activit principale des tudiants inscrits aux cycles sup rieurs et impliqu s dans la r daction d un m moire ou d une th se Des personnes et des groupes assurent sa production et sa promotion Des revues sp cialis es la diffusent Des congr s des colloques la prennent r guli rement pour th me Des organismes gouvernementaux et priv s la subventionnent et sollicitent les chercheurs pour divers genres de travaux Elle fait pisodiquement l objet de
27. partant sans doute aussi parmi les plus efficaces Commen ons par d finir certaines notions et pr ciser la position de quelques probl mes La critique des vidences et l vidence de la critique Opinions et id es reques repr sentations courantes et apparemment cr dibles vidences du sens commun pr jug s solutions spontan es r ponses toutes faites pr notions etc constituent ce qu on appelle traditionnellement la doxa terme grec signifiant peu pr s opinion et qu on oppose l pzst m cest dire au savoir scientifique Posons par hypoth se que le but de la recherche est de produire des r sultats scientifiquement valables et ce en relation avec les normes de validit propres au domaine o oeuvre le chercheur C est pourquoi toute recherche implique d une fa on ou d une autre une mise en question de la doxa La fonction originelle et originale de la recherche consiste d abord probl matiser le r el L o on se contente d explication passe partout le chercheur doit voir un probl me On peut dire que faire de la recherche scientifique c est lancer un d fi aux croyances courantes en les assujettissant un examen minutieux gr ce l utilisation de standards rigoureux Selltiz Wrightsman et Cook 1977 p 27 La recherche implique donc d entr e de jeu ce qu on pourrait appeler une distanciation critique vis vis de la doxa Le champ doxologique est le champ du savoir non syst m
28. politique Paris ditions du Seuil 1970 Selltiz C S W Wrightsman et S W Cook Les M thodes de recherche en sciences sociales Montr al Les ditions HRW 1977 Van der Maren J M Strat gie pour la pertinence sociale de la recherche en ducation Universit de Montr al Facult des sciences de l ducation 1985 Wittgenstein L Grammaire philosophique Paris Gallimard 1980
29. privil ges monnayables court terme mais qa c est une autre histoire Doxa et formation des chercheurs Un autre ph nom ne a t peu analys le rapport des chercheurs leur propre formation Dans bien des cas la formation universitaire consiste encore transmettre des contenus enti rement dig r s On pr sente les id es les notions les m thodes les mod les comme des faits alors qu il s agit de productions c est dire de r sultats temporaires et dat s de la recherche scientifique Ce faisant on oublie que toute notion toute m thode toute th orie sont des constructions qui exigent hier comme aujourd hui un effort de r flexion constant au niveau de leur usage et de leur application La formation des futurs chercheurs est plus souvent qu autrement d tach e de la recherche effective pratiqu e par les chercheurs exp riment s Ne pouvant lier ce qu ils apprennent avec une d marche interrogative concr te le savoir leur semble dou d une vie propre autonome quasi magique Alors que la connaissance volue partir de probl mes on la pr sente comme le r cit historique des r sultats et des conqu tes de la Science Feyerabend 1975 C est ainsi qu on en vient choisir une m thode avant m me d avoir un probl me Selon la croyance en vigueur certains ne jurent que par le quantitatif On voit des rapports de recherche bard s de chiffres v ritables grimoires math matiques o les symboles ext
30. rieurs de la scientificit graphiques courbes tableaux etc apparaissent d autant plus n cessaires qu ils ne signifient rien D autres r pudiant le nombre et toutes les formes odieuses du r ductionnisme s lancent vers le concret et s puisent le chercher On finit par crire un roman d impression La croyance si r pandue l existence d une bonne m thode c est dire un ensemble de r gles et de proc dures valable ind pendamment de son appli cation un objet de connaissance d coule de cette conception instrumentale secr t e par l id ologie positiviste et technocratiste Habermas 1976 On utilise les produits du savoir scientifique comme s il s agissait d ins truments ou d outils s parables et s par s du processus de la connaissance et de l objet conna tre Pourtant comme le soulignait l pist mologue Bachelard il y a d j bon nombre d ann es Les concepts et les m thodes tout est fonction du domaine d exp rience toute pens e scientifique doit changer devant une exp rience nouvelle un discours sur la m thode scientifique sera toujours un discours de circons tance il ne d crira pas une constitution d finitive de l esprit scientifique La m thode fait corps avec son application M me sur le plan de la pens e pure la r flexion sur la m thode doit rester active Bachelard 1971 p 139 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION 161 La conception instrumentale de la m thode est au
31. rsitaires de France 1971 Barthes R Syst me de la mode Paris ditions du Seuil 1967 Bourdieu P Homo Academicus Paris ditions de Minuit 1984 Crawford E et W Perry Demands for social knowledge The Role of research organisation London Sage 1976 DeBruyne P J Herman et M De Schoutheete Dynamique de la recherche en sciences sociales Paris Presses Universitaires de France 1974 Feyerabend P Against method London New Left Books 1975 Freitag M Dialectique et soci t Les modes formels de la reproduction de la soci t Montr al ditions Saint Martin 1986 Giard L Le Reste est silence Traverse no 12 1978 p 59 67 Goldman L pist mologie de la sociologie logique et connaissance scientifique Paris Gallimard 1967 Habermas J Connaissance et int r t Paris Gallimard 1976 Huberman M L Utilisation de la recherche ducationnelle vers un mode d emploi ducation et recherche no 2 1982 p 136 153 Jodelet D Repr sentation sociale ph nom nes concept th orie Psychologie sociale Paris Presses Universitaires de France 1984 Kuhn T S The Structure of scientific revolution Phoenix Chicago University Press 1964 Moscovici S La Psychanalyse son image et son public Paris Presses Universitaires de France 1976 Paichelier H L pist mologie du sens commun Psychologie sociale Paris Presses Universitaires de France 1984 Salomon J J Science et
32. t techniques prouv s Chercheur oeuvrant dans une institution vou e la recherche je n ai rien d un Robinson sur son le d serte et qui d crouvrirait en lui m me les bonnes questions Au contraire 156 REVUE DES SCIENCES DE L DUCATION C est parce que je suis solidaire d un milieu qui m a form et au sein duquel je travaille que mes questions sont pr cis ment des questions de chercheur Sans ce milieu je parlerais dans le d sert et mes questions ne trouveraient personne pour les entendre et leur reconnaitre une valeur Le discours du chercheur s adresse d abord une communaut institution nelle o ceux qui parlent et ceux qui coutent ont en commun des codes discursifs des normes professionnelles des r f rences partag es ou partageables un bagage th orique commun ainsi qu un ensemble d int r ts li s leur m tier leur profession voire leur passion Or c est cette communaut qui l gitime et autorise les activit s des chercheurs c est elle qui leur attribue une valeur Aussi est ce l que les choix de recherche doivent s imposer comme choix reconnus et valables Le chercheur universitaire ne s adresse jamais Monsieur tout le monde il s adresse ses pairs C est pourquoi il ne peut pas ne pas parler leur langage pouser leurs probl mes partager avec eux ou avec une partie d entre eux un horizon commun En fait m me s il conteste d une fa on ou d une autre cette communaut sa
33. vienne de plus en plus la remorque des probl mes impos s par des agents et des instances ext rieurs Doxa des probl mes urgents doxa des virages technologiques ou autres doxa de ce qui est susceptible d int resser doxa des questions r ponses entre les chercheurs et ceux qui les interpellent et les sollicitent Les chercheurs peuvent ils ne pas tenir compte aujourd hui des opinions des croyances des id es o s noncent les besoins sociaux et les contraintes institutionnelles Quelle est leur part de choix et de r plique dans ce constant dialogue qui s est tabli aujourd hui entre l universit et tous ceux qui attendent quelque chose de la recherche Le v ritable probl me n est plus celui de la libert de penser libert abstraite et qui n existe que dans l abstrait d une rh torique pass iste La libert du chercheur s exerce partir d un certain nombre de contraintes et c est au sein de ce faisceau de contraintes qu il cherche s interroge produit C est dans le champ m me o il travaille qu il rencontre ce qui limite ses choix les d termine ou les oriente Peut il encore se permettre d ignorer sa propre situation Conclusion Que conclure En premier lieu nous pensons qu il est n cessaire de laisser ces questions ouvertes afin qu elles rejoignent ceux et celles qui se sentent ou se savent concern s par elles En second lieu il nous semble vident que la recherche universitaire exige aujourd hui une
Download Pdf Manuals
Related Search