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1. Auto bio de Chlo Delaume dans Figura Centre de recherche sur le texte et l imaginaire en ligne URL http figura uqam ca actualite conf rence de chlo delaume crivaine Site consult le 4 janvier 2015 DELAUME Chlo 2012a Biblioth que M dicis entrevue t l visuelle men e par Jean Pierre Elkabbach la biblioth que du palais du Luxembourg le 3 f vrier 2012 Paris Public S nat 6 f vrier en ligne URL https www youtube com watch v 8U4W_ycsG4U amp spfreload 10 Site consult le 4 janvier 2015 DELAUME Chlo 2012b Une femme avec personne dedans Paris Editions du Seuil DELAUME Chlo et Daniel SCHNEIDERMANN 2013 O le sang nous appelle Paris Editions du Seuil Fiction amp Cie GERMAIN Sylvie 2009 Hors champ Paris Albin Michel JAKOBSON Roman 1935 1973 Notes marginales sur la prose du po te Pasternak dans Questions de po tique Paris Editions du Seuil p 127 144 KERBRAT ORECCHIONI Catherine 1980 L nonciation de la subjectivit dans le langage Paris Armand Colin LACLOS Pierre Choderlos de 1782 1996 Les liaisons dangereuses Paris Flammarion GF Flammarion MAINGUENEAU Dominique 1998 Sc nographie pistolaire dans Dominique Maingueneau Page personnelle en ligne URL http dominique maingueneau pagesperso orange fr pdf Scenographie epistolaire pdf Site consult le 4 janvier 2015 MAINGUENEAU Dominique 19992. Ethos sc nographie et incorporation dans Ruth AMOSSY dir Images de soi dans le discours La construction de l ethos Lausanne Delachaux et Niestl p 75 101 MARTUCCELLI Danilo 2004 Figures de la domination Revue francaise de sociologie vol 45 no 3 p 469 497 PEREC Georges 1975 W ou le souvenir d enfance Paris Deno l QUINTANE Nathalie 2010 Tomates Paris P O L QUINTANE Nathalie 2012 Crane chaud Paris P O L RANCIERE Jacques 2000 Le partage du sensible Paris La Fabrique RANCIERE Jacques 2014 Le fil perdu Essai sur la fiction moderne Paris La Fabrique NOTICE BIOBIBLIOGRAPHIQUE Daniel Letendre est chercheur postdoctoral au CRILCQ de l Universit Laval Son projet de recherche dont le cadre th orique combine les th ories de l nonciation la narratologie et la pragmatique litt raire porte sur l interrelation entre l exp rience sensible du monde contemporain et les transformations qu elle induit la po tique actuelle du genre romanesque en France et au Qu bec Il a publi des articles tant sur le roman contemporain fran ais Roman 20 50 que qu b cois notamment a Tangence o il a pilot avec Martine Emmanuelle Lapointe un dossier intitul H ritages d tourn s de la litt rature qu b coise Il est un collaborateur r gulier de la revue Libert POUR CITER CET ARTICLE Daniel Letendre 2015 La r volte du personnage Narration e
3. mis en histoire Cette m moire n a toutefois pas pour objets les grands de ce monde auxquels l histoire a traditionnellement t r serv e La m moire de la litt rature et plus largement celle de l art doit tre occup e selon Bon de la ruine du quasi disparu ou plus pr cis ment du disparaissant Elle doit s efforcer de retracer la cha ne des v nements ayant men au pr sent oubliant La r criture faite par l auteur des paroles d ouvri res recueillies en entrevue atteste la diff rence entre histoire et m moire que Bon met en sc ne Usant des guillemets pour encadrer comme en un discours direct les affirmations des femmes rencontr es Bon se confesse n anmoins du subterfuge Je ne pr tends pas rapporter les mots tels qu ils m ont t dits j en ai les transcriptions dans mon ordinateur cela passe mal ne transporte rien de ce que nous entendions J appelle ce livre roman d en tenter la restitution par l criture en essayant que les mots redisent aussi ces silences les yeux qui vous regardent ou se d tournent le bruit de la ville tel qu il vous parvient par la fen tre D 48 D un c t se trouve l histoire repr sentation et reprise par l criture de la succession des actions des hommes De l autre se tient la m moire qui est recomposition reconstruction la fois d un discours des circonstances dans 819 820 lesquelles il a eu lieu et de ce qui deme
4. Ceci est une tentative de meurtre je r p te Ceci est une tentative de meurtre DMT 65 Or l h ro ne se rend rapidement l vidence il lui faut r pondre la destruction du sujet Delaume par une violence du m me ordre Sa puissance d agir n a d autre moyen que celui l Le meurtre symbolique non de la grand m re mais de celle dont Sylvain Dalain tait le p re au moins adoptif est la seule solution Puisque vous ne mourez pas je vais le faire pour vous Ceci est un faire part Car Nathalie est morte en 99 L esprit de Nathalie ne trouvait pas le repos il a hant mon corps jusqu la bonne nouvelle qui va te faire plaisir partir de ce moment d buta l agonie Elle fut lente et douloureuse Je me dois de vous pr venir je viens de l enterrer DMT 204 205 les italiques sont de l auteure Ce te est la derni re interpellation que Nathalie Dalain subira Car il y a confusion pour la cousine et la famille sur la personne repr sent e par ce pronom ils adressent le te Chlo Delaume en tant qu ils la consid rent comme la m me personne que Nathalie Dalain ou plut t en tant qu elle est son alter ego son autre visage La succession des r cits publi s par Delaume a pourtant provoqu l inversion de cette identification Dalain perdant de plus en plus d ascendant sur Delaume Cette derni re interpellation de ce qu il reste de Dalain en Delaume cette derni re adre
5. agir Utilisant les armes qui ont servi a sa soumission le sujet peut s approprier le nom qui lui a t donn la place et le r le qui lui ont t accord s pour briser les cha nes id ologiques historiques et narratives qui le contraignent Ne sont ce pas l les conditions et actions traditionnelles du personnage romanesque De Rastignac d sirant conqu rir Paris pour s y faire une place aux narrateurs volodiniens s vadant par la force lib ratrice de la fiction des camps de prisonniers et des interrogatoires r p t s le personnage de roman a t la repr sentation des forces assujettissantes et d une volont d mancipation Or cette mancipation ne peut avoir r ellement lieu sans un personnage qui fait d vier le processus de subjectivation qu on lui impose qui s empare du discours qui le construit le modifie et en fait un rouage de son identit narrative La r p tition et les variations du r cit de la sc ne originaire chez Delaume de 827 828 829 m me que les diff rentes repr sentations narratives r cit r pliques th trales coupures de journaux que Bon donne de l histoire des ouvri res de Daewoo sont les manifestations de la puissance d agir d un sujet qui cherche contrer puis renverser la violence de l interpellation Je leur r pondrai par la bouche Dans Le cri du sablier 2001 Delaume raconte que d s l instant qui a suivi le drame familial dont el
6. agir est factice puisque la responsabilisation se situe la racine d une exigence g n ralis e d implication des individus dans la vie sociale Il s agit moins d un appel la responsabilit individuelle que d une s rie de processus confrontant l acteur puisqu il a toujours la possibilit de faire quelque chose de sa vie aux cons quences de ses actes Martuccelli 2004 479 841 La mise entre guillemets du d terminant possessif ses est vocatrice du leurre dont proc de cette responsabilisation L acteur n effectue que les gestes pr vus et programm s ne pas boire d alcool et conduire renouveler son passeport travailler etc La soumission du personnage romanesque un narrateur omniscient ne r pond ni cette id ologie de la responsabilisation ni ses cons quences sur la libert d action du sujet Il aura fallu au roman trouver un nouveau lieu d action pour le personnage Conscient des contraintes sociales et id ologiques pesant sur la parole le personnage narrateur s en empare alors et par l entremise d une nonciation litt raire fa onne une contre narration qui r fute ou compl te les discours et narrations qui encadrent en conservant une certaine invisibilit le sujet contemporain L action du personnage et par lui du roman est moins de se r volter contre ces contraintes que de les utiliser pour les neutraliser Sil serait abusif d accorder la litt ra
7. tir l oubli en cherchant ignorer les r v lations de la grand m re et d int grer la nouvelle donn e sur sa filiation probl matique l identit narrative du sujet Delaume Je dis autofiction Mais exp rimentale affirme t elle avant d ajouter Que l criture provoque des faits des v nements Que la consignation implique la cr ation de vraies situations que rien ne soit crit s il n a t ressenti sous une forme ou une autre C est un choix une approche un vrai positionnement DMT 186 187 Delaume modifie alors la po tique romanesque non plus consignation 38 39 840 d v nements v cus mais production de ces v nements par et pour l criture Le roman a donc moins voir avec le pass qu avec le pr sent et l avenir il est une forme cr atrice qui invente la vie pour l crire et qui doit l crire pour l inventer De son c t Fran ois Bon s inscrit dans la logique autor flexive d une certaine tranche du roman contemporain en fondant son texte sur une organisation moins du temps des v nements que de celui de l criture Le m lange des genres dans Daewoo t moigne du souhait de mettre au jour la fois l oubli l exp rience sensible de cet oubli la vision du W se balan ant dans le ciel en est un exemple et le travail d criture visant contrer cet effacement Raconter une histoire ne suffit plus il faut raconter lacte narratif lui m me so
8. 1 Paris Gallimard Tel BENVENISTE mile 1974 Probl mes de linguistique g n rale 2 Paris Gallimard Tel BIRON Michel 2005 L effacement du personnage contemporain L exemple de Michel Houellebecq tudes fran aises vol 41 n 1 p 27 41 BON Fran ois 1993 Temps machine Paris Verdier BON Fran ois 2000 Paysage fer Paris Verdier BON Fran ois 2004 Daewoo Paris Librairie Arth me Fayard BOURDIEU Pierre 1982 2001 Les rites d institution dans Langage et pouvoir symbolique Paris ditions du Seuil Points essais p 175 186 BUTLER Judith 1990 2006 Trouble dans le genre Le f minisme et la subversion de l identit trad de Cynthia Kraus Paris La D couverte BUTLER Judith 1997 2004 Le pouvoir des mots Discours de haine et politique du performatif trad de Charlotte Nordmann Paris ditions Amsterdam CALIGARIS Nicole 2013 Le paradis entre les jambes Paris Verticales DELAUME Chlo 2001 Le cri du sablier Paris Farrago L o Scheer DELAUME Chlo 2003 La vanit des somnambules Paris Farrago L o Scheer DELAUME Chlo 2008a Dans ma maison sous terre Paris Editions du Seuil Fiction amp Cie DELAUME Chlo 2008b S crire mode d emploi dans Publie net en ligne URL http librairie publie net fr ebook 9782814501522 s ecrire mode d emploi Site consult le 4 janvier 2015 DELAUME Chlo 2011
9. Z TEMPS ZERO Ecritures contemporaines Po tiques esth tiques imaginaires 81 82 83 DANIEL LETENDRE LA R VOLTE DU PERSONNAGE NARRATION ET R SISTANCE CHEZ CHLO DELAUME ET FRAN OIS BON Dans une critique du roman russe de la seconde moiti du XIX si cle Jakobson reproche aux crivains de noyer le personnage dans un d cor qui le r ifie et le rend aussi statique que les objets qui le repr sentent LJe h ros est difficile d couvrir il se d compose en une s rie d l ments et d accessoires il est remplac par la cha ne de ses propres tats objectiv s et des objets anim s et inanim s qui l environnent C e h ros aux contours m tonymiques est morcel par des synecdoques qui isolent ses qualit s ses r actions ses tats d me ce qui le constitue proprement comme h ros son activit chappe notre perception L agent est exclu de la th matique Jakobson 1935 1973 138 139 Fragment r duit un nombre incalculable de fois en un nombre tout aussi incalculable d objets le figurant le personnage du roman r aliste peut d s lors difficilement tre qualifi de h ros sa puissance d agir Butler 1997 2004 tant entam e par ce morcellement En n gatif de la critique de Jakobson se trouve cependant la d finition du personnage romanesque id al savoir un tre fort et dont la possibilit d action ne conna t pas d inhibition Cette id e d un
10. a distribution des r les laquelle ils proc dent La recomposition et la th tralisation de la parole des femmes deviennent alors une mani re de leur redonner le r le qu elles et non les dirigeants et les politiques se sont elles m mes donn dans l histoire qui a t la leur C e n est que dans les pratiques r p t es de la signification qu il devient possible de subvertir les identit s Butler 1990 2006 271 Multipliant les interpr tations du m me v nement accueillant dans un roman des discours antagoniques et aux formes diverses les r p tant par la bouche de diff rentes personnes Fran ois Bon construit partir du discours dominant une parole romanesque qui r siste oui l effacement mais surtout au cantonnement de ces femmes dans une position devenue vraie parce que r p t e ad nauseam On va jouer tre la logique de l argent Nous sommes les d esses de l argent les furies de l conomie D 178 fait il dire deux personnages d ouvrieres dans un extrait th tral En reformant par la parole et avec elle comme mat riau la cha ne des discours contraignants le personnage narrateur r organise l histoire en en redistribuant les r les La r sistance un effritement du pr sent la disparition inconsciente d une de ses dimensions constitue galement la mission de Chlo Delaume Cependant que la d gradation dont il est question dans Daewoo a pour o
11. ation Delaume fond en une seule et m me personne le je et le tu n cessaires l op ration d apparition du sujet Le personnage qu elle a incarn dans la fiction des autres s est d cid passer l action reprendre son compte la fiction invent e en proposer des variantes pour construire un sujet Delaume qui soit terme mancip de la parole d autrui Faisant pour cela usage de la puissance d agir lib r e par la violence faite au langage avec lequel on l a constitu e en sujet Delaume se fait gardienne des mots convaincue du pouvoir que l indiff rence de sa famille au langage et ses cons quences lui a accord L e mot chien ne mord pas qu ils disent Elle sourit c est ce qu on verra Delaume et Schneidermann 2013 115 Retourner la violence langagi re et narrative dont elle a t victime contre ses agresseurs est pr cis ment l objectif qu elle poursuit avec Dans ma maison sous terre Dans ce roman l acte de discours est motiv nous l avons voqu par les mots de la grand m re rapport s par une cousine Sylvain n est pas ton p re DMT 48 Ces cing mots d truisent tous les fondements non 30 31 seulement langagiers mais filiaux g n tiques et narratifs du sujet qu elle a t et de celui qu elle s est peu peu construit sur le socle de la fiction apprise Le premier r flexe de Delaume est de faire taire la grand m re
12. bjet la possibilit d une m moire de l effacement en cours celle que tente de contrer Delaume tient plut t aux fictions qui servent d assises l tat pr sent du sujet Delaume T moin du meurtre de sa m re par son p re puis du suicide de ce dernier la petite Chlo alors nomm e Nathalie Dalain s est faite de mots personnage de fiction pour pouvoir chapper la r alit DMT 204 822 Priv e par la r v lation du mensonge de l histoire qui la d finissait jusqu alors Chlo Delaume fait face l effondrement de sa narration la dissolution de identit narrative sur les bases de laquelle elle a construit sa nouvelle fiction personnelle La fictivit de son identit attest e et produite par la r p tition de la formule d claratoire cit e plus haut est pr sent e comme un tat de fait alors qu elle est au contraire une longue transformation texte apr s texte dune petite fille traumatis e en un personnage de roman et du traumatisme en source de cr ation Le drame familial agit la fois comme sc ne originaire du sujet sc ne d s lors inoubliable et fondatrice et comme repoussoir Chlo Delaume personnage de fiction trouve sa source dans ce traumatisme et dans l h ritage symbolique et g n tique qu il lui impose Elle n en gagne pas moins jour apr s jour son autonomie en s inventant une identit narrative o les travers l gu s par le p re meurtrier psychose d faut de c
13. e d actions qui doivent tre pos es pour r soudre une situation caus e pr cis ment par le langage Reprenant son compte les hypoth ses d Austin sur la performativit du langage Judith Butler r sume les deux actes accomplis par son utilisation Nous faisons des choses avec le langage nous produisons des effets avec le langage mais le langage est aussi la chose que nous faisons Le langage est le nom de notre activit la fois ce que nous faisons et ce que nous effectuons l acte et ses cons quences Butler 1997 2004 28 823 824 825 826 Restreignant l g rement la port e de ce qu Austin nommait dans Quand dire c est faire les actes de discours illocutoires et perlocutoires Butler divise l nonciation en un acte c est dire l nonciation qui red finit et module chaque fois le langage et ses cons quences les effets la fois des paroles prononc es et de l innovation du langage a laquelle elles donnent lieu Cet acte de discours investit le sujet qui op re de ce que Butler nomme l agency terme que ses traducteurs transposent en puissance d agir Toutefois en accord avec la th se primordiale d Emile Benveniste sur la constitution de la subjectivit dans le langage j e n emploie je qu en m adressant quelqu un Benveniste 1966 260 Butler constate que ni la puissance d agir ni le sujet qui en est pourvu ne sont ind pendants d un disc
14. ent et construisent dans leurs changes est essentiel la progression de l histoire Le r cit importe donc autant sinon plus que l histoire racont e l nonciation ayant tendance devenir l v nement central du roman Les romans de Delaume et de Bon se composent en ce sens d une situation d nonciation o des v nements sont ordonn s pour former une histoire et d une histoire seconde constitu e par la mise en tension de la narration et de la mise en sc ne de cette narration L incipit de Dans ma maison sous terre offre un bon exemple de cette autor f rentialit de l instance narrative Ce que je fais ici c est rester sur 89 810 811 812 cette tombe B5 touch e coul e Assise Parfois debout devant ou c t Dedans il y a ma m re et le grand p re dessus Ebauche de pluie Simulation d humus DMT 7 Le cadre global de l nonciation est mis en place sans d tour un tombeau familial autour duquel l nonciatrice se prom ne par une journ e de fine pluie Si les d ictiques habituels je ici cette indiquent les lieux et personnes impliqu s dans l nonciation la multiplication des pr positions devant c t dedans dessus renvoie l origine conflictuelle de l nonciation que l nonciation elle m me a pour objectif de r gler la difficult de l nonciatrice se positionner dans son propre r cit e
15. es renvois cet ouvrage seront signal s par l abr viation DMT suivie du num ro de page En faire une liste exhaustive serait trop long pour une note Mentionnons seulement les uvres de Nathalie Quintane 2010 2012 Nicole Caligaris 2013 et Aur lien Bellanger 2014 Cette autod signation de l auteure comme personnage de fiction appara t en effet dans un grand nombre de textes crits par Delaume 2003 2008b 2012b De m me elle r p te cette formule lorsqu elle se pr sente en tant qu crivaine dans des conf rences voir son auto bio Delaume 2011 servant d annonce une conf rence donn e l Universit du Qu bec Chicoutimi ou encore son entrevue l mission Biblioth que M dicis Delaume 2012a Performative cette d claration provoque l entr e dans le monde de la fiction en m me temps qu elle produit le brouillage propre l autofiction entre lunivers du texte et celui qui lui est ext rieur Tout un pan de la production narrative de Bon est consacr cette cat gorie de choses sur le point de dispara tre Voir entre autres Temps machine 1993 et Paysage fer 2000 Je la rappelle pour m moire Je m appelle Chlo Delaume Je suis personnage de fiction L insistance sur ce W flottant dans le ciel est une r f rence directe Georges Perec et son roman autobiographique W ou le souvenir d enfance 1975 Bon atteste d ailleurs ce rapprochement e
16. insi Le sujet gagne alors d s les premi res pages du livre une autonomie et une puissance d agir qui lui permettent de diriger sinon les v nements eux m mes du moins la m canique de l histoire dont ils font partie Cette histoire s ouvre sur une lettre crite et sign e par Chlo Delaume dans laquelle elle demande Madame la Mort de faucher Mamie Suzanne DMT 16 Si elle meurt maintenant je serai pr serv e Je pourrai faire semblant de n avoir rien appris et croire tr s fermement en ma mythologie il me faut enterrer la derni re bouche capable de prof rer les mots qui noieraient mon r el Depuis quatre ans d j jen perds tous les contours DMT 17 Le canevas du roman est esquiss D abord les actants Chlo Delaume Th ophile la grand m re Puis les modes nonciatifs une dynamique interlocutive plus pr cis ment interrogative entre Delaume et Th ophile et 813 814 un r cit composite m lange d talement des faits et de r flexions sur ces faits Finalement l histoire une jeune femme l histoire familiale tragique cherche tuer sa grand m re parce qu en lui r v lant la v rit sur le pass elle a remis en cause l identit narrative de sa petite fille L action principale du personnage narrateur Chlo Delaume est ainsi de sauver notamment par sa relation patiente th rapeute avec Th ophile le personnage qu elle est devenue dans sa propre hist
17. la d monstration d un savoir faire que d un savoir dire la prise de parole constitue un acte par lequel est r clam le droit d noncer un discours autre servant formuler un sujet diff rent L a puissance d agir commence l o la souverainet d cline Butler 1997 2004 37 En infl chissant la po tique romanesque par le recours un personnage activement loquace Bon et Delaume cherchent r affirmer la souverainet du discours litt raire et celle du sujet qui en occupe le centre Mise en bouche Un acte de langage qu il s agisse d une conversation banale ou d un discours politique est conditionn dirig et suscit par des circonstances auxquelles l nonciateur ne peut se soustraire Des indices sur la situation d nonciation s ins rent dans le discours sous forme de r f rences explicites au lieu d o il parle au pr sent dans lequel il parle et au r le qu il joue dans son nonc et dans le contexte d nonciation Le cadre nonciatif est ins r dans le discours par les d ictiques qui ont voir avec le r le que tiennent dans le proc s d nonciation les actants de l nonc et avec la situation spatio temporelle du locuteur et ventuellement de l allocutaire Kerbrat Orecchioni 1980 36 Dans un cadre romanesque qui plus est lorsque l action principale des personnages est form e de et dans leurs paroles le r le que les actants de l nonc tienn
18. le a t le t moin la petite Nathalie Dalain a refus de parler et ce pour plusieurs mois Le meurtre puis l autoparricide comme elle nomme le suicide du p re emp chent la parole parce qu ils ont la force d actes impossibles d crire mais surtout parce qu ils ont fait voler en clats la syntaxe du monde jusqu alors connu par la fillette Incapable de prononcer un seul mot la petite s est laiss raconter par d autres elle est devenue personnage dans une narration qui l a institu e dans le r el en sujet Cette forme de subjectivation a pour effet comme l explique Bourdieu en parlant des rites d institution d assigner des propri t s de nature sociale de mani re qu elles apparaissent comme des propri t s de nature naturelle Bourdieu 1982 2001 177 S excluant de l espace discursif commun et apparaissant donc bizarre aux yeux de sa famille la petite Nathalie Dalain obtient le r le de h riti re de la schizophr nie de son p re Son comportement social atypique trouve alors une cause naturelle c est dire l h r dit fiction qui r sumera pour sa famille et pour elle m me le sujet Dalain Une fois la parole retrouv e mais toujours soumise une nouvelle syntaxe et au r le jouer dans la narration familiale Delaume passe l criture acte repr sentant une reconstruction de soi par la fiction De mani re viter la reproduction du sch ma d interpell
19. n faisant de ce W g ant un hommage un auteur qui lui est cher D 91 C est l enti ret du projet de Daewoo qui est en outre soutenue par la r f rence Perec la disparition l effacement des traces mais aussi l int r t port au quotidien l infra ordinaire dirait l oulipien comme trace de la v rit de la vie des hommes Jacques Ranci re a bien montr dans le texte introductif son ouvrage Le fil perdu 2014 que le roman r aliste repaire du narrateur omniscient effectuait d j un travail pragmatique et politique en int grant au r cit l exp rience sensible des petites gens Nous pla ons ici ce terme entre guillemets puisque pour des sociologues comme Danilo Martuccelli 2004 la responsabilisation comme forme de domination ne suit pas la m me logique de fonctionnement que l assujettissement N anmoins puisque nous avons utilis ce dernier terme tout au long de notre article nous le conserverons ici pour que notre propos soit plus clair pour le lecteur AUDET Ren et Nicolas Xanthos 2014 Le roman contemporain au d triment du personnage introduction L esprit cr ateur vol 54 n 1 p 1 7 AUSTIN J L 1962 1970 Quand dire c est faire trad de Gilles Lane Paris Editions du Seuil L ordre philosophique BELLANGER Aur lien 2014 L am nagement du territoire Paris Gallimard BENVENISTE mile 1966 Probl mes de linguistique g n rale
20. n origine ses objectifs et l articulation de strates temporelles et discursives dont il est le fruit Deuxi mement chemin faisant dans le champ romanesque les personnages narrateurs de Bon et Delaume attestent le pouvoir du roman d passer la simple repr sentation ou la r v lation d une des dimensions invisibles ou oubli es du monde Dans ma maison sous terre et Daewoo laissent voir au contraire que le roman par l entremise de ce personnage qui raconte s empare du r el et le recompose Le roman devient d s lors une pratique qui red coupe l exp rience sensible le dit le vu et le su de mani re faire voir autrement hommes et choses constituer un savoir et un discours concurrents ceux qui de mani re quasi autoritaire imposent tous leur forme et un certain savoir En termes ranc riens la litt rature et l art en g n ral aurait le pouvoir d effectuer un nouveau partage du sensible c est dire une nouvelle division des conditions mat rielles appartenant l espace commun et dont tout un chacun jouit et fait l exp rience divers degr s La langue constitue un espace de libert qu il revient chacun de s approprier La d sarticulation de la syntaxe chez Delaume et Bon la red finition du genre romanesque et les violences discursives et symboliques retourn es contre elles m mes deviennent alors les manifestations du pouvoir pragmatique d un discours litt raire qui reconna t sa p
21. oire Cette situation d nonciation vise mener le sujet vers sa propre apparition en mettant au jour les r cits qui forment en m me temps la v rit et la fiction de son identit L importance de ce travail sur les histoires qui la composent est d autant plus grande dans le cas de Chlo Delaume qu elle se d signe elle m me tant dans ses oeuvres que sur les plateaux de t l vision comme un personnage de fiction Le chevauchement ainsi produit entre lunivers di g tique et celui de l auteure atteste la fictivit du sujet Delaume tant l ext rieur qu l int rieur de l univers de fiction Les r v lations de la grand m re viennent alors d faire la cha ne fictionnelle qui donne au personnage sa signification tout comme elles menacent le sujet en tant que producteur et produit de son propre nonc C est un travail similaire de recherche de la v rit et de la fiction d une situation que s att le Francois Bon dans Daewoo Ce roman la forme h t roclite rassemble tout la fois des paroles d ex employ es des usines cor ennes implant es en Lorraine des extraits d une pi ce de th tre crite partir de ces changes de m me que des r flexions du narrateur sur les circonstances conomiques et historiques qui ont men louverture puis la fermeture rapide des usines Le roman annonce ses couleurs d s l exergue emprunt au Pantagruel de Rabelais Et l commengay penser q
22. on that far from having ceased to act the fictional character has only moved the location of its action Once an actor it became a talker achieving its agency to counter a verbal and symbolic violence that has defined it as a subject
23. onfiance violence physique et symbolique sont r ins r s dans le travail d criture Ces travers y sont sinon neutralis s du moins transform s en mat riau litt raire et fictionnel de m me qu en moteur de l invention de soi Les cons quences de la r v lation du mensonge sont consid rables J tais la fille d un assassin et me voil moins que a encore J tais la fille d un suicid pr sent ce que je suis dites le moi Th ophile dites comment a s appelle DMT 49 Qu elle interroge Th ophile et lui demande de nommer la Chlo postr v lation t moigne de sa perdition elle dont l entreprise litt raire autofictive vise pr cis ment se d faire des noms et de la d finition que d autres lui ont donn s Ne plus tre la fille ni d un meurtrier ni d un suicid encore moins celle d un p re dont la possible schizophr nie justifierait son besoin de se d multiplier dans autant de fictions remet en cause le fondement m me de l entreprise autofictionnelle de Delaume Sans ce socle narratif et identitaire sur lequel construire pour s en carter la mani re d un gratte ciel s loignant du sol qui le soutient une nouvelle narration que deviendra le sujet Delaume encore inachev Au commencement tait le tu Tant pour Bon que pour Delaume l criture correspond une prise de parole qui porte cons quence puisqu elle poss de un pouvoir pragmatique appropri au typ
24. ours pr alable La philosophe am ricaine m ne en effet son terme la logique autonomiste du sujet propos e par Benveniste La capacit s adresser quelqu un para t ainsi d riv e du fait d avoir re u une adresse et une certaine subjectivation dans le langage est constitu e par cette r versibilit Butler 1997 2004 53 La possibilit d agir par le langage a ainsi t donn e l individu par le langage lui m me alors qu il tait utilis par un autre pour constituer cet individu en sujet autoris pouvoir dire je Le je le sujet n apparait donc qu apr s avoir t un tu Pour Butler en cela h riti re affirm e d Althusser la subjectivation ne peut tre produite sans une interpellation Bien qu elle conc de a Althusser que cette interpellation constitue toujours un assujettissement impos avec violence Butler renverse n anmoins la p rennit de la soumission althuss rienne du sujet l id ologie assujettissante Si faire l objet d une adresse c est tre interpell une appellation offensante risque aussi d engendrer dans le discours un sujet qui aura recours au langage pour la contrer Butler 1997 2004 22 L interpellation poss de ainsi un double statut elle est la condition premi re et violente de la subjectivation donc de lassujettissement de l individu en m me temps que le moment de cr ation pour ce nouveau sujet de sa puissance d
25. out les moyens de leur action Le personnage ne s est ni effac ni d connect de l univers di g tique qui est le sien il n y a que chang de r le S il est moins l acteur d une histoire racont e par d autres c est que le personnage romanesque a pris la parole Celui qu on croyait inapte s engager dans le monde s est plut t d cid le raconter Il ne faut cependant pas tre dupe la narration la premi re personne ne date pas d hier et les personnages contemporains ne sont pas les premiers dont l action principale emprunte le canal de la parole L emploi de ce mode narratif dans le roman actuel a toutefois ceci de particulier qu il poursuit une vis e pragmatique dont la r alisation d pend de cet acte de discours De geste physique mouvement dans le corps social l agir du personnage contemporain est devenu mouvement nonciatif un geste discursif dans un univers compos par le langage Du vaste corpus romanesque contemporain deux romans publi s dans les ann es 2000 retiendront notre attention pour cet article Daewoo de Fran ois Bon 2004 et Dans ma maison sous terre de Chlo Delaume 2008a pr sentent tous deux des personnages dont l activit principale est moins l action que la parole ou plut t deux personnages dont l action est la parole La puissance d agir des personnages de Bon et Delaume c est dire la possibilit d exister socialement d en
26. pace discursif litt raire et plus largement social dans lequel il volue Il faut toutefois viter d accorder d embl e un pouvoir subversif ou contestataire la r utilisation des sc nes d nonciation connues Ainsi de la mention roman qui appara t sur la couverture de Dans ma maison sous terre texte dans lequel Chlo Delaume propose de lire comme tel un amalgame des formes qui occupent le devant de la sc ne narrative contemporaine La table des mati res nous en convaincra Premier carnet Correspondance Sacha Distel 1933 2004 Les tontons flingueurs Et bobinette cherra La vie de Th ophile 1 G n alogie T moignages Si les carnets servent ordinairement pr server en le consignant le pr sent de l oubli lui assurer un avenir les biographies vies g n alogies et t moignages sont des formes discursives qui n cessitent une enqu te indiquant par l que l objet de cette enqu te ne va pas de soi qu il n est pas connu d j rem mor Le roman contemporain tel que Delaume le con oit serait ainsi occup se rendre compte non seulement de l absence de certains r cits mais de l oubli de ce manque La position de l crivaine et de son alter ego dans le roman tudi ici en m me temps s accorde et contredit la sc ne d nonciation romanesque contemporaine L enjeu de Dans ma maison sous terre est tout la fois de b
27. personnage actif guide encore la lecture de certains critiques du roman actuel dans lequel apparaissent des tres souvent 84 55 apathiques impassibles et d sengag s racont s par un narrateur plus int ress par son propre r cit que par la destin e de son personnage Il n est donc pas tonnant qu on dise de ce roman qu il s crit au d triment du personnage Audet et Xanthos 2014 ou encore qu on signale l effacement Biron 2005 de ce dernier de lunivers de fiction Le comparant au Bartleby de Melville Michel Biron constate l trange passivit du personnage contemporain qui r siste moins l autorit qu toute forme d action Devant cet tre de papier qui vite la confrontation Biron s interroge Un personnage non conflictuel peut il devenir un v ritable personnage romanesque et non pas seulement comme dans le cas de Bartleby le h ros d une nouvelle Biron 2005 29 Sil refuse de mener la bataille s il prend les traits d un individu parfois faiblard dans son intentionnalit ou sa psychologie parfois d tr n dans son r le central de moteur du r cit au profit d un autre acteur Audet et Xanthos 2014 1 le personnage ne serait donc pas romanesque Il appara t pourtant que les personnages contemporains pr cis ment en raison de leur incapacit ou de leur maladresse entrer en relation avec leur environnement d placent les lieux mais surt
28. que b ton et ciment ici enclosent pour vous qui n tes l qu en passager en t moin D 9 Se pr sentant comme un romancier s interrogeant sur le genre choisi le narrateur se positionne galement dans le r le de l observateur transmetteur Et encore une fois on vous retient Voil comment a s est pass et c est bien que ce soit dit D 11 Ce partage des r les dans la situation d nonciation permet au narrateur de justifier et de valider la fois l objet de son r cit et la forme qu il lui donne Son acte principal est donc un acte de discours dire est sa mission tout comme ce verbe d signe l action qui en permettra la r alisation Votre mission si vous l acceptez la r sistance la mission de refuser l effacement Bon en ajoute une autre plus g n rale qui vise rendre compte par l criture de rapports et d v nements qui concernent les hommes entre eux D 223 Une dimension thique s ajoute ainsi au travail de l crivain il affirme en effet que faire m moire du lieu d truit tient de la responsabilit collective D 77 L criture sert donc deux objectifs un premier nonc de mani re tr s g n rale est l exposition des liens et des relations entre individus et choses lieux et comportements mots et cons quences Le deuxi me plus pr cis a voir avec la m moire et renvoie au devoir de tout un chacun face ce qui n a pas t
29. r carit Ce pouvoir ne tient pas qu la seule pr sence d un personnage narrateur mais celui ci en modifiant le lieu d action traditionnellement r serv au personnage le met en vidence en fait sa puissance singuli re et la vis e premi re du roman Finalement le recours marqu un personnage narrateur dans le roman contemporain est l indicateur d une modification des rapports de domination dans la soci t actuelle Semblant tre laiss lui m me et contraint par cette responsabilisation que certains sociologues per oivent comme la forme de domination et d assujettissement principale des derni res d cennies l individu contemporain doit prendre les r nes non seulement de son destin mais du r cit qui le met en forme trangement dans un monde tiss de discours les domin s sont moins entrav s au niveau de la pens e et du discours qu ils ne le sont au niveau de l action et de la lutte politique Martuccelli 2004 473 Cette modification du processus de subjectivation maintenant presque enti rement mis entre les mains de l individu lui m me est transpos e dans le roman l exp rience en est en effet son mat riau premier Le personnage r aliste se devait de prendre le monde a bras le corps pour s y inscrire et y imprimer son devenir pour sa part le personnage contemporain ne peut r sister aux formes contemporaines de domination par l action physique directe Sa libert d
30. raphie est ainsi la fois ce dont vient le discours et ce qu engendre ce discours elle l gitime un nonc qui en retour doit la l gitimer Maingueneau 1998 2 les italiques sont de l auteur 35 36 837 Chaque nonciation qu elle mette en forme un roman un po me un plaidoyer un ordre militaire prend acte des codes propres au genre du discours qu elle emploie et reproduit ou infl chit ce mod le pour accomplir son dessein Elle impose la constitution d une nouvelle sc nographie partir dun air connu L a sc ne valid e par les nonc s et l nonciation est la fois ext rieure et int rieure au discours qui l invoque Elle est ext rieure en ce sens qu elle lui pr existe quelque part dans l interdiscours mais elle est galement int rieure dans la mesure o elle est aussi le produit du discours qui la configure en fonction de son univers propre Maingueneau 1999 90 Cet entre deux form par l horizon d attente cr par les sc nographies d j axiologiquement et pragmatiquement orient es qu utilise l nonciateur d une part et la validation dans son discours de ces sc nes et des valeurs qui leur sont attach es d autre part est le lieu propice l actualisation de l agir du sujet d nonciation en l occurrence le personnage narrateur En jouant de et dans ce boug le personnage structure son rapport nous dirions m me plus son dialogue avec l es
31. sse au personnage qu elle ne veut plus jouer lui permet de se lib rer de son fardeau En enterrant Nathalie Dalain Delaume met d finitivement fin la fiction non d sir e qui lui tenait lieu d identit Nathalie Dalain morte Delaume n est la cousine ni la petite fille de personne elle cesse d tre un personnage dans la fiction familiale pour devenir sujet de sa propre histoire autofiction De son c t le sujet Bon a t interpell par une forme de violence symbolique dont il n est pas la cible directe mais laquelle il se voit forc de r pondre Bon prend conscience devant ce nom Daewoo qu on supprime lettre par lettre d un mur d usine comme pour effacer toute possibilit de discours m moriel de la puissance d agir qu on vient de lib rer L enqu te le r cit m appartiennent Je n avais pas d cid d en rendre compte L criture c est apr s ce d montage de l enseigne C est apr s ce mot dans le ciel et ce W la fin promen sous la grue D 95 L crivain confirme par ces quelques mots amplification du projet initial auparavant limit l criture d une pi ce de th tre La prise de parole a t rendue n cessaire voire elle a t command e oblig e par l exp rience en direct du travail de d molition du discours et de la m moire que ce W suspendu dans les airs repr sente Aux yeux du personnage narrateur l effacement du Daewoo ornant le mur de l
32. t dans la lign e familiale La tombe agit comme champ gravitationnel pour l nonciatrice touch e coul e le lecteur l apprendra plus tard par le coup fatal port par sa grand m re qui lui a r v l la v rit sur son ascendance son p re n est pas son p re La lign e est bris e l origine effac e le r cit identitaire mensonger Se comparant un bateau du jeu Bataille navale qui aurait essuy plusieurs attaques souhaitant se venger de la grand m re qui a an anti d une phrase sa narration elle s accroche pour retarder son naufrage au dernier coup qu il lui reste jouer l criture Le r cit commence au cimeti re et la premi re page du roman l histoire elle d bute un peu plus loin Est ce que ce n est pas trop m interroge Th ophile un livre entier juste pour elle pour elle qui quatre vingts ans ne passera pas de rudes hivers Comment lui dire Th ophile Que je la sais s nile mais que je veux sa peau Je la hais beaucoup trop je dis Th ophile Jai juste de bonnes raisons de lui imposer le pire Le pire est d j fait me sourit Th ophile C est alors que l histoire s est mise commencer DMT 12 13 Delaume inverse ici l ordre qui pr vaut habituellement dans le roman L histoire ne pr existe pas au r cit qui en organise les v nements elle se met en marche lorsque celui qui tient les r nes du r cit en a d cid a
33. t r sistance chez Chlo Delaume et Francois Bon dans temps z ro n 9 en ligne URL http tempszero contemporain info document1232 Site consult le 12 f vrier 2015 R SUM De h ros cobaye de simple point de vue r v lateur de l tat social d une poque donn e le personnage romanesque a t d fini jusqu pr sent par ses actions dans et sur le monde Plusieurs observateurs du roman contemporain constatent pourtant qui l effacement du personnage romanesque qui sa d connexion du monde dont il fait semble t il de moins en moins partie Cet article vise d montrer par l tude d un roman de Chlo Delaume et d un autre de Francois Bon que loin d avoir cess d agir le personnage romanesque a seulement d plac le lieu de son action D actant il est devenu parlant actualisant ainsi une puissance d agir visant contrer une violence verbale et symbolique qui l a d fini comme sujet Hero or guinea pig simple point of view or indicator of a social state at a given time the fictional character has been defined thus far by its actions in and upon the world Many observers of the contemporary French novel however find that the fictional character is in some way disappearing from the novel or that it is disconnected from the world in which it takes a lesser part This article seeks to demonstrate through the study of a novel by Chlo Delaume and another by Francois B
34. taines de femmes l indiff rence discursive m diatique journalistique politique dans laquelle cette fermeture s est produite et la d saffection des signes D 119 dont est victime toute la population de l ancienne France sid rurgique cr ent des in galit s du point de vue des repr sentations et du discours Il tient de la responsabilit du personnage narrateur d agir pour r tablir l quilibre politique entre les hommes et les choses un juste partage du sensible Ranci re 2000 Le roman comme acte La modification de l agir du personnage romanesque exemplifi e par les textes de Bon et de Delaume impose un certain nombre de constats sur le pouvoir accord par ces deux crivains au genre romanesque Ces constats au nombre de trois concluront cet article Premi rement d un point de vue strictement litt raire le passage d un personnage acteur un personnage narrateur exige des modifications importantes la po tique romanesque et plus pr cis ment la sc ne d nonciation mise en place par les nonciateurs Selon la th orie d velopp e par Dominique Maingueneau l nonciation en se d veloppant s efforce de mettre progressivement en place son propre dispositif de parole Elle implique ainsi un processus en boucle D s son mergence la parole suppose une certaine situation d nonciation laquelle en fait se valide progressivement travers cette nonciation m me La sc nog
35. trer dans la vie temporelle du langage Butler 1997 2004 35 se situe en premier lieu dans une appropriation de la langue qui les d finit Cette appropriation n est videmment pas simplement la reproduction des codes linguistiques et des identit s form es force de r p titions par les discours dominants I l faut voir dans la capacit d agir affirme Judith Butler la possibilit d une variation sur cette r p tition Butler 1990 2006 271 Un acte de discours mettant au jour 86 87 88 par une s rie de variations les r gles discursives d finissant un sujet ou un groupe inscrit ces derniers dans un hic et nunc et dans un contexte nonciatif constitu tant des circonstances spatiotemporelles de l nonciation que des discours h g moniques et contestataires qui y circulent La puissance d agir consiste alors et d autant plus en r gime litt raire en une res mantisation des formes principales d un contexte discursif contraignant avec pour cons quence la mise en place non seulement d un nouvel ordre du discours mais d un nouveau sujet Les romans qui seront tudi s ici comme bien d autres oeuvres narratives r centes mettent en lumi re en m me temps qu ils remettent en question le lieu et les moyens d agir de l individu contemporain Dans un monde satur de discours o les d finitions du sujet et de ses fonctions politiques et sociales passent moins par
36. ture le pouvoir immense de lib rer le sujet des dominations qui le cr ent il faut toutefois reconna tre qu elle lui offre en revanche un moyen d action pour un tant soit peu en prendre conscience et les contrer 1 Aucun roman ne figure mieux cette disparition du personnage que Hors champ de Sylvie Germain 2009 o le personnage principal devient au fil des pages de plus en plus invisible aux yeux des passants puis de ses coll gues et finalement des membres de sa famille jusqu tre effac des photographies conserv es par sa m re 2 Iln ya en effet qu penser aux personnages de Valmont et Merteuil dans Les liaisons dangereuses de Laclos 1782 1996 L action principale de ce roman pistolaire se r sume d une part la s duction de la pr sidente de Tourvel par 10 11 Valmont et d autre part l ducation libertine promulgu e par Merteuil C cile de Volanges Ces deux actes aux lourdes cons quences sont accomplis par la parole qui est redoubl e dans les lettres que s envoient les personnages principaux et qui forment le corps textuel du roman Bien qu on peut consid rer le choix du mode pistolaire comme une contrainte des personnages la parole on peut inversement supposer que c est la nature nonciative de leurs actions qui contraint ce mode narratif D sormais les renvois cet ouvrage seront signal s par l abr viation D suivie du num ro de page D sormais l
37. u il est bien vray ce que l on dit que la moiti du monde ne s ay comment l aultre vit D 7 La vis e du roman est on ne peut plus claire faire conna tre cette moiti du monde ignorante qu on comprendra plus tard tre constitu e des dirigeants industriels et politiques la r alit v cue par l autre moiti celle des travailleurs des vaincus D 10 Plus encore le mandat de l nonciateur consiste rlefuser Faire face l effacement m me D 9 Sa r alisation passe ses yeux par le don d une voix celle de la litt rature cette part de la population qui n en a pas ou qui plut t en met une trop faible pour tre entendue Les circonstances de la situation d nonciation sont dans Daewoo impr cises puisque cette nonciation correspond l exception des entrevues men es aupr s des femmes l criture elle m me Les lieux et le moment de l criture ne sont jamais mentionn s si bien que les seuls l ments appartenant la situation d nonciation transmis au lecteur sont les r les pris par les diff rents personnages surtout celui du narrateur lui m me D s l incipit le narrateur se met en sc ne Pourquoi appeler roman un livre quand on voudrait qu il mane de cette pr sence si tonnante parfois de toutes choses le silence et que la 815 816 817 818 nudit crue de cet endroit pr cis du monde on voudrait qu elle sauve ce
38. ure tapi sous les mots dits les gestes et les sons qui enrichissent tant la signification des paroles prononc es que la compr hension des enjeux sensibles et discursifs de la situation d nonciation L exp rience ouvri re de ces femmes qui va du bonheur d tre engag es la col re d tre peine quatre ans plus tard et sans m nagement mises pied appell e le r cit parce que le r el de lui m me n en produit pas les liens D 14 Seul un roman peut donner la parole celles qui ont le vif sentiment qu il n y a plus d histoire D 28 seul un roman compos de lenchainement des paroles prononc es avec rage ou murmur es par ces femmes peut servir de contrepoids aux mots voix pos e et propres des puissants mots civilis s du geste qui carte de l galit ses semblables D 12 Le roman recr e la cha ne bris e des circonstances des exp riences des histoires et des femmes qui les ont v cues La puissance d agir du narrateur et par son entremise des femmes dont il se fait le porte parole est actualis e par la reprise notamment d archives administratives et d entrevues avec les dirigeants de Daewoo parues dans les journaux Ces textes sont repris la fois par les femmes interrog es et par le narrateur lui m me A chaque r p tition ces diff rents discours trahissent leurs failles leur rh torique d construite fait appara tre le sens qu ils construisent et l
39. usine est l image m me d une des nombreuses fractures qui courent la surface du monde r el D 12 et menacent l avenir de ceux et celles laiss s de l autre 32 33 c t de l anfractuosit Une soci t laisse s effondrer des pans entiers de ce qui pour celles et ceux qui le vivent repr sente l essentiel et cela vous cerne sape ce qu on revendique pour soi m me D 12 R sister cette violence discriminante par la formation de liens qui exposent la fracture et l arbitraire de sa cr ation qui encha nent les discours politiques et conomiques aux s vices physiques psychologiques et sociaux qu ils causent voil le mode d action privil gi par l crivain ayant acquis une puissance d agir qui l a fait personnage de son propre r cit T moin de la disparition des mots qui permettraient de nommer ce qui fut interpell non pas comme les femmes mises pied par le discours patronal ou d autorit mais par le retranchement de tout discours par l invisibilit narrative et m diatique des r percussions sociales et intimes de cette fermeture Bon fait un roman de ces discours non entendus Le texte est en effet satur de l inaudible qu il cherche contrer un acte politique et corporatif d effacement du discours r pond une prise de parole litt raire con ue comme action directe et thique Car la fermeture de lusine Daewoo n est pas qu une mise pied de quelques cen
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