idéologie française : - Bernard
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1. Ainsi par des alternances de l galisme ou d ill galisme tant bien que mal la presse par vint faire son travail travail d infor mer mais aussi travail de juger de dire ce qu on pense D ailleurs l information simplement par le choix qu on fait d elle plut t que de telle autre l importance qu on lui attache n est pas elle m me innocente L un des v nements les plus impor tants dans l histoire du statut des journa listes fut cette phrase de Georges Pompi dou disant que les journalistes de la t l vision n taient pas des journalistes comme les autres Na f Pompidou sous entendait sans doute que puisque la t l vision atteignait une audience qu aucun journal n avait jamais atteinte la quantit se transformait en qualit selon le vieux sch ma marxiste Si un journal avait tant d audience les journalistes avaient une autre responsabilit Rus Pompidou sous entendait aussi que la t l vision J F Kahn Ph Rougemont tait un organisme d tat et sans oser le dire proposait aux journalistes t l le m me devoir de r serve que l Etat impose ses fonctionnaires On peut dire que dans les faits la recommandation pompidolienne fut assez largement entendue Restent des journalistes qui pensent que leur fonction ne se limite pas l in formation pure d ailleurs celle ci n existe pas que le journaliste a fonc tion galement d veilleur d inqui t2. ais qui vaporisaient lair du temps au cours de la d cennie 30 40 O parle t on de l obsession t tue qui ronge nos penseurs cette c urante certitude que dans les profondeurs de la Terre fran aise palpi tent les valeurs universelles de l esp ce humaine Qui rapporte les troublantes convergences conceptuelles que L vy met en vidence chez les id ologues de gauche et de droite la race la sant la force l nergie l autorit la r volution etc les m mes termes pour d fendre des options qui s affirment radicalement oppos es Sous la plume de qui pou vons nous lire cette grave le on que L vy nous d livre la France l instar de ses voisins d Europe a su produire son pro pre discours fasciste sans avoir besoin de recourir des emprunts chez les uns ou chez les autres parce qu elle d tenait d j dans sa tradition culturelle les lin aments d une telle doctrine Et o est pass e pour finir la th se majeure de Pouvrage de L vy si dramatiquement illustr e par notre actualit quotidienne que cette part fasciste de l id ologie fran aise n a pas t exorcis e qu elle conti nue travailler sournoisement les cer velles et qu on la trouve l uvre derri re les bulldozers de Vitry comme dans le discours des v ux pr sidentiels saluant l av nement de 1981 Constatez le d calage j ai vraiment le sentiment de ne pas avoir lu le m me livre que l
3. Bernard Henri L vy Ph Rush Bassouls et d laisse royalement les documents qui les contredisent Est ce qu on l insulte pour cela Est ce qu on le condamne sans appel Pas du tout on d bat avec lui pour tenter de pr ciser sa m thode de travail car on l estime productive et riche de promesses Je pourrais multiplier les exemples l infini Parce que c est je crois une caract ristique fondamentale du travail philosophique contemporain que de commencer par noncer des th ses et d aller ensuite qu rir leur l giti mation dans les domaines et les uvres qui s y pr tent Du moins est ce une pra tique que nous ont l gu e ceux que l on nomme les ma tres du soup on et que pour la France tant les Sartre que les Mer leau Ponty Althusser Deleuze et com pagnie ont adopt e et nous ont incit continuer Certes la m thode est contes table mais elle porte ses fruits gr ce elle nous avons appris penser Et nous avons aussi appris un nouvel usage des idoles non plus les encenser b atement craindre leur courroux et trembler devant elles mais les questionner sans cesse les faire vaciller sur leur socle ventuelle ment les d boulonner Au dogmatisme d sormais nous savons opposer la libert de penser A l amn sie nous pr f rons la dure r alit du souvenir Au confort ti dasse des certitudes obtuses nous substi tuons les douloureuses inqui tudes du doute L vy
4. ensemble de la critique Mais ce qui est pire encore dans cette histoire affligeante c est l enfouissement syst matique de la parole de L vy sous pr texte qu il trahit scandaleusement ses auteurs de r f rence en ne prenant pas en compte la totalit de leur uvre et en manipulant au gr de sa d monstration les formules qui l arrangent lesquelles replac es dans leur contexte d origine seraient sens es rev tir une toute autre signification D marche classique on invalide un message en jetant la suspicion sur ce qui le fonde Seulement pourquoi revendique t on si fort que L vy affiche des vertus dont on dispense ordinairement les autres intellectuels Par exemple sur ce pro bl me de la trahison de la pens e d au trui Je prends Nietszche Aujourd hui son sujet c est le consensus il est consi d r par tous les ex g tes comme celui qui a le mieux trahi la pens e des grands philosophes classiques Que dit on de lui Qu il est g nial Et l on glose n en plus finir sur les masques dont il affuble chacun Maintenant sur la question du choix des mat riaux disons de la s lec tion des textes et du refus de prendre toute une uvre en compte Sans aller tr s loin prenez Foucault Il n y a pas un historien s rieux qui n ait relev son par ti pris manifeste Foucault pr l ve en effet dans la mati re historique ce qui va servir ses th ses et alimenter son propos
5. 52 essais Magagus Jeanne an FI id ologie fran aise pour ou contre bernard henri l vy Barbarie visage humain Testament de Dieu Id ologie fran aise Grasset d Bernard Henri L vy n y va jamais de main morte Et pour chacun de ses livres c est le m me tohu bohu o il semble rar que le livre ne soit que pr texte pol mique Aussi vaut il mieux parfois de cerner le d bat si violent soit il Nous avons demand Dominique Grisoni et Raoul Girardet pourquoi faut il selon eux tre pour ou contre Bernard Henri L vy idoles mode d emploi D cid ment la m canique est bien hui l e L vy publie t il un livre Imm dia tement les passions se d cha nent Hurle ments invectives insultes Son travail est aussit t d nigr tax de n tre qu une m prisable provocation ses th ses sont d clar es sans fondements ses r f rences sont d cr t es irrecevables bref ce qu il crit est juste bon fiche au feu Et si je voulais r sumer l opinion dominante une formule suffirait L vy est un surdou du marketing et un escroc de la pens e trange proc s trange condamnation Qui curieusement me paraissent oublier l essentiel ou peut tre tout bonnement cherchent cacher l essentiel A savoir ce que L vy voudrait nous faire entendre Ainsi cette fameuse d ologie fran aise qu en disent nos nouveaux inquisi teurs quoi la r duisent ils Qu on
6. Henri Levy nous convaincra diffici lement de l existence d une id ologie fran aise du moins au sens qu il donne ce terme Son livre n en reste pas moins l il lustration exemplaire de la permanence de ce qu il faut bien consid rer comme une sp cificit nationale celle de la frivolit dogmatique et de la l g ret sentencieuse Raoul Girardet 1 Essentiellement Z Sternbell La droite r volu tionnaire Le Seuil Ed et Michel Winnock Histoire politique de la revue Esprit Le Seuil Ed un journaliste responsable Jean Fan ois Kahn Libert galit quand m me Alain Moreau coll Presse Poche Le statut du journaliste dans notre soci t est bien ambigu Autrefois les choses taient simples Th ophraste Renaudot c l bre pour avoir invent la premi re gazette tait un simple stipen di du pouvoir royal Ce n est que pen dant la R volution que des journaux fabriqu s souvent par des non profes sionnels pr tendirent exprimer d autres points de vue M me si Napol on r dui sit la presse un seul journal Le Moni teur qu il crivait presque directement la tradition de la pluralit reprit ses droits sous la Restauration Toutes les lois sur la presse qui toutes vis rent la limiter n y purent rien Il n y eut que pendant Poc cupation allemande et sous le r gne de l Etat Fran ais que la presse r sistante dut se cantonner la clandestinit
7. e plaisir d licat de faire de lui m me son propre contradicteur appliqu montrer dans un pr c dent ouvrage dans l abandon de la vieille foi mono th ste la source de tous les maux totali taires ce sont maintenant de P guy Mounier les croyants les plus fid les du Dieu unique qui se trouvent d nonc s comme les plus pernicieux des fachos Il y eu cependant autour de ce livre trop de vacarme orchestr on per oit trop nette ment en lui tout ce qu il rec le de fabri qu d artificiel et tout compte fait de sus pect pour ne pas son tour croire de son devoir d lever un peu la voix Car enfin nous autres Fran ais et plus particuli rement nous autres Fran ais qui lisons crivons et parfois nous sommes trouv s engag s en des combats douteux nous ne refusons pas d tre jug s Nous acceptons que le procureur soit inflexible s r de son infaillibilit convaincu qu il a toujours eu et conservera toujours les mains inexorablement pures La vocation l exige elle n appelle pas plus elle les intelligences trop ductiles que les mes trop compatissantes Mais est ce trop exi ger qu il ne s obstine pas confondre les dates les lieux les faits et les identit s Est ce trop exiger qu il fasse preuve dans le maniement des t moignages et l ordon nance du r quisitoire d un minimum d attention d un minimum de rigueur d un minimum de conscience M Ber nard
8. et de montage s apparentent sans r ti cence aux plus r ussis des mod les stali niens Aux lendemains de l armistice de 1940 dans Paris occup un groupe de dirigeants communistes sollicite de la cen sure allemande l autorisation de faire repara tre l Humanit dans le m me temps les r dacteurs d Esprit chantent avec entrain Mar chal nous voil dans les prairies d Uriage la preuve est faite formelle d une m me appartenance id o logique d une vidente connivence intel lectuelle et morale De la multiplication v tilleuse de ce type de rapprochements identifications et g n ralisations une conclusion s impose br ve p remptoire vici s au plus profond de l me par l h ri tage id ologique d une francit une indivisible traditionnellement attach e l exaltation de la tyrannie et l entretien du racisme les a n s et compatriotes de M Bernard Henri Levy ont agi comme ils taient depuis longtemps appel s agir c est dire en d plorables gredins L attitude la plus raisonnable serait sans doute de consid rer la chose comme une sorte de fac tie adolescente au des sein na vement provocateur La plaisante rie pourrait d ailleurs ne pas manquer d une certaine dr lerie sa logique condui sant en effet les derniers des coupables pr sum s se d noncer mutuellement toute v h mence retrouv e Elle procurerait d autre part son auteur l
9. eur e t dit Gide et finalement de conscience C est la position de Jean Fran ois Kahn dont un recueil d articles vient d tre publi chez Alain Moreau sous le titre d j significatif de Libert galit quand m me Dans une remarquable introduction Jean Fran ois Kahn prolonge la r flexion que faisait Paul Nizan dans sa pr face de Chronique de Septembre qu est le jour naliste quel est son r le quelles sont ses motivations et jusqu o a t il le droit d aller trop loin La r ponse de Jean Fran ois Kahn est claire le journaliste doit aller au bout de la v rit et au bout de sa conscience Et dans tous les articles que Kahn a conser v s choisis dans les centaines qu il a crits pour Paris Presse puis pour Le Monde puis pour Le Matin Le Quotidien de Paris et Les Nouvelles litt raires dont il assume aujourd hui une brillante r dac tion en chef c est ce souci qui pr do mine Dire clairement ce qu il pense dans telle situation n en pas dire plus mais dire tout Ainsi dans un ditorial du Matin intitul De la responsabilit de l intellectuel Jean Fran ois Kahn crit ceci qui me para t significatif Il est absurde de proclamer que la guerre a t perdue cause de Gide et la paix
10. n affirme rien d autre que cela Et son d ologie fran aise n est rien d au tre non plus qu un formidable cri d alarme Il secoue la somnolence ambiante il ose poser des questions il branle les convictions C est pourquoi le choix est clair ou faire chorus avec les professionnels du sommeil et laisser les vieux d mons du pass travailler a leur sape ou entendre cette voix de plus en plus solitaire et refuser les r ves roses pour entreprendre de d chiffrer le r el et ce sur quoi il repose Dominique Grisoni d une certaine sorte de frivolit Nous autres Fran ais et plus particu li rement nous autres Fran ais qui lisons crivons et avons cru parfois malin de nous m ler aux tumultes de notre temps nous ignorions jusqu pr sent l ampleur de notre ignominie Lecteurs de Barr s de Proudhon ou de Peguy personnalistes traditionalistes communistes nationa listes syndicalistes nous voici enfin d pouill s de la diversit des haillons id ologiques sous lesquels nous tentions de nous dissimuler D couverts dans notre commune et consternante nudit Le spectacle est assez r pugnant tous fas essais 53 cistes sournois ravitailleurs clandestins de camps d extermination manipulateurs de pogroms proph tes hagards des grands totalitarismes du si cle Une complicit g n rale s obstinait le cacher M Bernard Henri Levy est apparu ven geur exemplaire Le voile a
11. ondamnation de la morale du profit et du r gne de l Argent appel l action volont de restaurer les valeurs d un nouvel h ro sme Dans leur confusion et souvent dans leurs contradic tions des noms les plus illustres de la pens e et de la litt rature aux plus d testa bles des agitateurs de faubourg dans les rangs de ce qu il est convenu d appeler la droite aussi bien que dans ceux de ce que Pon nomme aujourd hui la gauche contre courant de l volution g n rale de la vie sociale ces th mes ont trouv durant plus d un si cle d innombrables inter pr tes Ils t moignent tout le moins d un malaise tenace d une angoisse persistante sur laquelle il ne serait pas vain de s inter roger M Bernard Henri Levy en a rencontr l cho dans les ouvrages qu il a parcourus Impuissant cependant en saisir la gen se les replacer dans leurs v ritables dimensions historiques celles d une soci t et d une civilisation il a cru appa remment judicieux d en transposer l vo cation sur un plan plus familier celui de la pol mique quotidienne des contro verses rituelles et des vieux r glements de 54 essais compte si chers au c ur de la classe intel lectuelle Les vrais probl mes se trouvant cart s ceux l m mes qui introduiraient le plus directement lacompr hension du contemporain reste un trange acte d ac cusation dont les techniques d amalgame
12. t d chir l ve bien dou M Bernard Henri Levy a re u de ses professeurs l autorisa tion d enseigner dans les lyc es et coll ges La possession vite reconnue d une cer taine l gance de style lui a pargn cette t che subalterne M ritoirement soucieux d assurer sa connaissance des ph no m nes sur lesquels il avait d j crit il vient de lire trois quatre bons livres d histoire 1 Gr ce eux travers eux la d couverte s est impos e lui d un certain nombre d auteurs dont l ensemble de l uvre lui reste de toute vidence assez peu famili re Il en a avec le z le touchant du n ophyte h tivement recueilli diverses citations Tronqu es isol es de leur contexte chronologique arbitraire ment juxtapos es celles ci constituent les pi ces essentielles d un r quisitoire modestement plac sous le titre d d ologie fran aise En toute innocence en toute ignorance M Bernard Henri Levy vient de fait de fr ler un tr s grand sujet Qui crira l his toire de ce puissant mouvement de pens e et de sensibilit qui ne se limite videm ment pas la France traverse toute l Eu rope du XTX si cle et qu on peut appeler celui de la contestation anti bourgeo ise D nonciation de l individualisme lib ral nostalgie des vieilles solidarit s commu nautaires en voie d clatement refus du d senchantement du monde hantise de la d cadence c
13. t ils simplement accept de lire dans ce qui est crit Faites le test avec moi Il est du genre r v lateur Par exemple vous ver rez certains s tendre interminablement sur la triste cole d Uriage et lui redorer son blason D j cela comme on dit faut l faire Mais vous en verrez aussi d autres grener une p tition de principe sur l insoup onnable honorabilit de Mounier D autres encore viendront vous assurer la main sur le c ur et un ban deau sur l il de l ind fectible attache ment de P guy aux id aux anti racistes Et d autres enfin ce qui est normal dans leur cas vous jureront avec le ton indign d une vieille putain sur le retour qui joue les pucelles effarouch es que vrai de vrai le Parti communiste fran ais n a jamais pactis avec le Diable fascisme ni m me bien s r flirt avec la Sir ne p tai nisme Quoi Ce sont l les th ses de L id olo gie fran aise On croit r ver Mais o est donc pass e l id e pourtant clairement nonc e et non moins clairement d montr e que le p tainisme des ann es 40 plus qu une id ologie de la collabora tion a d abord t con u et mis en uvre comme la stricte application d un authen tique fascisme la fran aise Qu est devenue l analyse de L vy qui montre preuve l appui l extraordinaire fascina tion exerc e par les syst mes totalitaires sur la majorit des intellectuels fran
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