Introduction-Droit et régulations des activités
Contents
1. environnement organisationnel de degr d ins curit des transactions de vuln rabilit au risque d inex cution de certains contrats de besoins d investissement d exposition des contr les externes tatiques et non tatiques etc Ces diff rents param tres d terminent non seulement si et dans quelle mesure les acteurs vont s appuyer sur le droit pour prendre en charge leurs probl mes mais aussi quels types de droits d instruments juridiques et de voies de recours ils vont mobiliser et de quelle mani re Pour pouvoir emprunter un ordre normatif ext rieur les acteurs doivent en outre se plier des exigences sp cifiques dans la mesure o chaque ensemble normatif est caract ris par ses propres contraintes de validit Ainsi l emploi de ressources juridiques pour infl chir le cours des activit s collectives implique de la part des acteurs d apprendre envisager la situation travers les cat gories et sch mas d interpr tation qui sont ceux des professionnels du droit Ils doivent galement accepter de suivre des proc dures bien d termin es et de payer divers co ts Les capacit s et comp tences indispensables pour utiliser efficacement les moyens d action juridiques sont in galement distribu es entre les acteurs la conception politique de la r gulation Le vocable m me de r gulation n est pas neutre en particulier en conomie et en droit et son ambivalence s manti2. est contest e depuis leurs d buts tant par le mouvement institutionnaliste en conomie que par la sociologie Pour les institutionnalistes comme pour les sociologues le droit appara t moins comme une contrainte ext rieure que comme un l ment constitutif de la vie conomique qui influence les activit s conomiques en m me temps qu il est influenc par elles Le droit est con u comme participant la construction sociale des pratiques conomiques En d autres termes le droit joue un r le central dans l mergence et dans le changement des institutions sociales qui structurent le fonctionnement de l conomie mais il ne doit pas tre confondu avec ces institutions qui comportent bien d autres l ments que du droit Le mouvement institutionnaliste apparu aux Etats Unis au d but du XXe si cle tudie l action conomique en ce qu elle est conditionn e par l environnement juridique au sein duquel elle se d ploie L conomie est con ue comme reposant sur des fondations juridiques car dans les pays d velopp s au plan conomique presque toutes les pratiques conomiques s inscrivent dans des cadres institutionnels haute teneur en droit comportant l usage d instruments juridiques Dans ces soci t s le droit d finit en tr s grande partie les modalit s selon lesquelles les acteurs peuvent participer la vie conomique ainsi que les finalit s qu ils peuvent poursuivre L institutionn
3. Les acteurs conomiques apparaissent comme des sujets actifs ayant la capacit d interpr ter le droit de le mobiliser s lectivement et d en faire un usage strat gique en fonction de leurs buts sp cifiques un moment donn Il est noter avec L Edelman chapitre 4 et M Lenglet chapitre 8 que ce sont les r gles juridiques elles m mes qui imposent leurs destinataires de produire des efforts de compr hension et d interpr tation En effet dans la mesure o les nonc s juridiques ont un caract re g n ral ceux qui sont suppos s les mettre en uvre sont fr quemment amen s d terminer eux m mes quels actes pr cis il convient d accomplir pour s y conformer Ils doivent d couvrir quel sens pratique pr ter la r gle de droit dans chaque situation de la vie quotidienne alors que son sens litt ral se laisse difficilement appr hender la loi comportant toujours une part d incompl tude d impr cision et d ambig it dans la mesure o elle n explicite pas syst matiquement les crit res et les seuils qui permettent de d terminer le caract re l gal ou ill gal d un fait Comme le r sume M Lenglet la plupart des textes juridiques ne d finissent pas des recettes d action directement op ratoires mais posent des principes c est pourquoi ils demandent tre traduits dans les contextes pratiques Il appartient aux acteurs concern s d en n gocier le sens mat riel car l absence d
4. d cision la prestation du frustee consistant dispenser des conseils et s assurer que le b n ficiaire est convenablement inform des risques L homologation juridique de ce type de L mergence du principe de proportionnalit est li e la mont e en puissance du droit communautaire de la concurrence Il permet au juge europ en de r soudre des conflits entre diff rentes raisons d int r t g n ral Mais les libert s conomiques prennent souvent le pas sur d autres raisons car ces derni res sont consid r es par le juge comme occasionnant une charge hors de proportion avec l objectif poursuivi La recherche d une certaine efficacit conomique l emporte sur le respect de droits sociaux fondamentaux Supiot 2010 15 raisonnement note S Montage a t grandement favoris e par la diffusion de la th orie n oclassique aupr s des juges F Marty chapitre 14 constate une volution similaire dans le domaine des r gles de comptabilit publique dont la teneur est de plus en plus influenc e par les pr occupations des march s financiers internationaux qui veulent conna tre tout moment le niveau de solvabilit des Etats et collectivit s publiques endett s C est pourquoi les autorit s publiques sont pouss es adopter des principes et outils comptables issus de la sph re priv e On passe ainsi d une r gle comptable ax e sur le contr le de r gularit de la d pense une norme
5. motifs et modalit s de l action conomique Pour reprendre les termes employ s par T Kirat dans cet ouvrage chapitre 2 il structure la rationalit de l action conomique individuelle et collective et fixe les pr suppos s sur lesquels l ordre conomique repose A Bernard de Raymond et F Chateauraynaud chapitre 10 observent pour leur part que la norme juridique fait entrer les personnes et les objets dans un m me espace de calcul dans la mesure o elle les dote d un syst me de r f rence commun Puisque le droit est constitutif de l action pensent les institutionnalistes il est impossible de s parer la dimension juridique d une activit conomique de sa dimension proprement conomique Le droit et l conomie ne sont pas con us comme tant deux sph res sociales s par es ayant entre elles un rapport d autonomie relative et dont on pourrait tudier les interrelations Il s agit affirment les institutionnalistes de deux aspects indissociablement entrem l s de l action conomique de deux dimensions encastr es l une dans l autre L exemple du contrat permet d illustrer cette th se dans la mesure o le contrat est la fois le principal outil d officialisation des transactions conomiques et une institution juridique reposant sur un droit contractuel tatique et un syst me juridictionnel charg d en garantir l ex cution il est incorrect d opposer des r gle
6. ne et exog ne pour analyser les relations entre droit et action conomique Certes les mod les s opposent la nature des travaux est parfois bien diff rente des pr suppos s bien distincts se confrontent rendant parfois compliqu le dialogue entre les uns et les autres Mais si nous privil gions clairement dans cet ouvrage une perspective endog ne ou plut t l analyse des mani res dont s endog n isent droit et activit conomique tant cette approche nous semble la fois encore peu d velopp e et heuristique c est d abord pour engager un dialogue et initier des recherches en la mati re plus que pour en d montrer la sup riorit L internormativit De fait si le pr sent ouvrage reprend partiellement le titre d un livre important publi il y a vingt ans Normes juridiques et r gulations sociales Commaille Chazel 1991 c est pr cis ment dans le but de poursuivre tout en la situant dans le domaine conomique la d marche entam e par les contributeurs cet ouvrage collectif Dans cette perspective d velopp e depuis par de nombreux chercheurs en particulier dans le domaine des relations entre droit et organisations voir le chapitre 4 de L Edelman pour une pr sentation de ce courant de recherche le droit repr sente une r f rence normative qui coexiste avec de multiples autres r pertoires de normes sociales qui peuvent tre de nature scientifique technique politique administrat
7. technique comme un autre dans la mesure o les r gles juridiques v hiculent des repr sentations symboliques particuli rement lourdes de sens Les r gles juridiques apparaissent cet gard non seulement comme des ressources et des supports pour l action conomique mais elles constituent aussi un moyen de communication entre les acteurs un vecteur de promotion de valeurs et principes de justice un marqueur identitaire et id ologique ainsi qu un proc d de l gitimation sur la dimension symbolique des instruments juridiques voir le chapitre 11 de M Suchman En troisi me lieu la sociologie conteste la propension des approches formalistes consid rer les individus et les groupes auxquels s adressent les r gles juridiques comme des sujets du droit dont le rapport la r gle consiste pour l essentiel produire des efforts pour s y conformer ou au contraire pour lui chapper A l oppos de cette conception la sociologie constate que les individus et les groupes qui voluent dans la sph re conomique n ont pas toujours loin de l une attitude passive de soumission vis vis des r gles juridiques Par la mani re dont ils s en saisissent et les font vivre dans les situations concr tes ils contribuent les fabriquer les transformer ainsi qu leur conf rer un sens une utilit et une l gitimit qui ne sont jamais fig s par la doctrine juridique ni par la rationalit conomique
8. 10 d activit s sociales ob issant des ordres normatifs et principes de justice diff rents Il en va ainsi des d ontologues de salle de march financier analys s par M Lenglet chapitre 8 Ceux ci ont pour fonction de produire au jour le jour des normes de conduite directement applicables par les courtiers en bourse qui doivent concilier autant que faire se peut obligations l gales r glements internes de l entreprise th orie financi re et attentes des diff rents intervenants de march Ces derni res sont form es partir de r f rents normatifs propres au secteur financier dont le respect conditionne la r putation du courtier parmi ses pairs et vis vis de ses clients Les psychologues du travail am ricains examin s par R Stryker chapitre 9 constituent un autre exemple de forme institutionnelle d di e la fabrication de compromis op ratoire entre logique juridique et logique marchande Leur r le consiste aider les entreprises se prot ger contre un risque juridique bien d termin celui d tre condamn pour pratiquer une gestion du personnel non conforme aux lois anti discrimination A la diff rence de l exemple pr c dent les normes pratiques hybrides fabriqu es par les psychologues industriels ne prennent pas la forme d avis rendus en temps r el aux d cideurs conomiques afin de les informer sur la validit des op rations qu ils envisagent d accomplir au regard des diff rents s
9. accord sur ce que signifie exactement suivre la r gle compromet les chances de r ussite de l action collective La teneur de ces ententes relatives l interpr tation des textes est n cessairement influenc e par les id es valeurs et int r ts des acteurs qui les ont conclues L ouvrage montre comment la mise au point de r gles d application suffisamment toff es pour r pondre de la mani re la plus pr cise possible des agents de terrain en leur fournissant un v ritable mode d emploi des actions entreprendre face un probl me pr cis implique n cessairement une perte de contr le de la part des juristes au profit d acteurs porteurs d autres registres de discours voir le chapitre 12 de D Torny Entrent alors en jeu des consid rations scientifiques et techniques puisque les normes pratiques doivent tre fiables s res et efficaces financi res elles doivent tre conomiquement viables organisationnelles elles doivent tre applicables et efficientes sociales elles doivent tre acceptables thiques elles doivent tre justifiables etc Le passage de la r gle juridique sa norme d application ne peut en somme s op rer qu au prix d une hybridation avec d autres registres normatifs dans la mesure m me o la r gle pratique est n cessairement le fruit d une production coop rative par des acteurs appel s s atteler ensemble la r alisation d objectifs comm
10. ainsi la richesse de la soci t D une mani re g n rale l analyse conomique du droit a tendance consid rer que les activit s conomiques sont d termin es au premier chef par le march comme m canisme autor gulateur d ajustement de l offre et de la demande le droit occupant une position hors march D autres courants en conomie comme l cole am ricaine du Public Choice d velopp e partir des ann es 1970 Stigler 1971 ont galement tudi les mani res dont certains acteurs conomiques cherchent en amont influencer la production des lois et les processus l gislatifs La production d une r glementation conomique est analys e dans ces travaux en r f rence un jeu d int r ts entre des groupes de pression et des acteurs politiques qui cherchent s adjoindre des lecteurs potentiels La plupart de ces travaux ne s cartent pas du pr suppos d ext riorit du droit dans la mesure o ils consid rent plus ou moins explicitement qu une fois vot es les lois s imposent sans m diations tous les acteurs du domaine conomique en question et parviennent peu ou prou infl chir leurs comportements dans le sens souhait par le l gislateur sans effet non voulu ni co t impr vu La conception exog ne et formaliste du droit a aussi t endoss e par certaines traditions sociologiques Ainsi de nombreux travaux en sociologie des organisations et en sociologie cono
11. d di e l valuation de l efficience de cette d pense ainsi qu la publicisation de l information sur le niveau d endettement r el Le principal destinataire de l information d livr e par la comptabilit publique n est plus le pouvoir politique ou le citoyen contribuable mais des investisseurs financiers cherchant valoriser court terme les titres dont ils ont fait l acquisition Dans ces conditions l appr ciation des march s financiers influence de plus en plus les choix l gislatifs des Etats et g n re de la part des responsables des collectivit s publiques des comportements opportunistes peu efficaces d un point de vue collectif De fait c est bien une recomposition du r le de l Etat que renvoie la notion de r gulation telle qu elle a t travaill e en sciences politiques notamment ouvrant sur ce qu il est convenu d appeler le mod le de la gouvernance Cet Etat r gulateur aurait ainsi vocation harmoniser l action des acteurs priv s conomiques et sociaux en leur imposant certaines r gles du jeu mais sans se substituer eux et en s appuyant sur les m canismes d autocontr le que les acteurs en concurrence dans un m me domaine d activit produisent eux m mes Chevallier 2001 Face des lieux de fabrication de normes et de standards qui se multiplient et se diversifient c est un droit pragmatique adapt aux situations concr tes facilement acces
12. entre les micro acteurs composant les syst mes d action concrets d autre part Suivant cette perspective Jean Daniel Reynaud 1989 appr hende l mergence et l volution des r gulations effectives comme le produit de la confrontation entre des r gles bottom up r gulations autonomes que les acteurs construisent de leur propre initiative en vue de r soudre des probl mes concrets et d autre part des r gles top down r gulations h t ronomes ou de 12 contr le manant d une pluralit de centres de pouvoir et d autorit s ext rieures Le degr d influence des diff rentes r gulations h t ronomes parmi lesquelles le droit occupe une place minente mais pas n cessairement pr minente sur la construction des r gulations effectives volue au cours du temps en fonction de dynamiques tant endog nes qu exog nes par rapport aux contextes d action Ceux ci sont continuellement le si ge de processus de transformation des r gles en vigueur et de gen se de nouvelles r gles sous l effet des erreurs transgressions d faillances cons quences inattendues contestations conflits et n gociations suscit es par les r gles existantes mais aussi du fait de l invention d usages in dits ou de la d couverte de nouvelles possibilit s de contournement des r gles et des conventions pr alablement fix es voir cet gard le chapitre 11 de M Suchman qui compare le contrat un produit tech
13. ils offrent de soutenir des regards crois s entre sociologues du droit sociologues des activit s conomiques et conomistes institutionnalistes En conclusion nous montrons donc au del de l importance des interm diaires du droit qui nous semble cruciale comment cette collaboration interdisciplinaire est f conde pour analyser le double processus de performativit du droit dans les activit s conomiques et inversement de performativit des savoirs conomiques dans les r gles juridiques Nous y esquissons galement des perspectives futures de recherche interdisciplinaire tant c est aussi un programme de recherche que cet ouvrage entend prolonger d velopper et ouvrir 18 19
14. travail un lobbying actif une expertise sollicit e proposent E Chiapello et K Medjad voir le chapitre 15 Les strat gies de lobbying visant influencer le parlement les administrations et les autorit s de r gulation sont l origine d un changement juridique g n ralement incr mental dont le rythme l ampleur et la teneur sont d termin s par les groupes d int r t ayant le plus grand pouvoir de n gociation par la force des oppositions qu ils rencontrent ainsi que par la structure et le fonctionnement des institutions publiques qui canalisent les tractations entre int r ts concurrents Concernant ce point l ouvrage montre comment en France et en Grande Bretagne le droit de la concurrence s est constitu la fin du XIXe si cle et au d but du XXe si cle partir de r gles et de notions juridiques qui taient auparavant employ es pour discipliner les march s vus comme sp culatifs places boursi res march s des produits terme march s des marchandises virtuelles Diff rents lobbies conomiques tels que les producteurs agricoles les petits commer ants certaines branches industrielles ou encore des associations de consommateurs ont jou un r le moteur dans ce processus en r clamant l intervention de l Etat et en s effor ant d obtenir du l gislateur une interdiction ou une r gulation de la sp culation consid r e comme une cause d instabilit des prix voir le chapitre 1 de
15. A Stanziani Dans le m me ordre d id es C Bessy et O Favereau constatent que l individualisation croissante du droit du travail fran ais est en partie la cons quence de l affaiblissement des syndicats et du d clin des m canismes de n gociation collective dans les branches conomiques voir le chapitre 5 Mais l ouvrage met aussi l accent sur une autre forme d influence des normes conomiques sur la formation du droit le processus par lequel les juges op rent une s lection parmi les r gles coutumi res qui ont merg dans un domaine d activit conomique en les officialisant dans la jurisprudence Une telle s lection peut tre effectu e au profit de groupes d int r ts particuliers par exemple quand les juges consulaires doivent leur nomination des entreprises ou des syndicats patronaux comme c est le cas dans les tribunaux de commerce fran ais voir chapitre 6 de E Lazega L Mounier et U Brandes ou encore quand leur carri re est d termin e par le client lisme politique et quand la corruption est syst mique l int rieur du syst me judiciaire comme c est le cas dans les juridictions de certains pays voir le chapitre 7 de T Delpeuch et M Vassileva L Edelman chapitre 4 de m me que E Lazega et ses coauteurs qualifient ces ph nom nes de capture d instances de r gulation par des int r ts conomiques organis s Plusieurs textes montrent d ailleurs que la juridicisati
16. DROIT ET REGULATIONS DES ACTIVITES ECONOMIQUES PERSPECTIVES SOCIOLOGIQUES ET INSTITUTIONNALISTES Collection Droit et Soci t L G D J 2011 Ouvrage coordonn par Christian Bessy Thierry Delpeuch J r me P lisse INTRODUCTION Situer le droit par rapport l action conomique Les apports crois s de l conomie institutionnaliste et de la sociologie du droit Christian Bessy Thierry Delpeuch et J r me P lisse Depuis la d flagration soudaine l automne 2008 d une crise financi re bancaire et conomique qui couvait de fa on plus ou moins souterraine les appels davantage de r gulations se multiplient de la part d acteurs divers et dans des instances vari es nationales europ ennes et internationales Apr s une phase de d r glementation continue et comme lors du New Deal des ann es 1930 la crise nourrit une demande croissante de droit dans le domaine conomique Comment expliquer les variations des discours notamment politiques sur la place du droit dans l action conomique Plus fondamentalement comment situer la place du droit par rapport aux activit s conomiques C est l objet de cet ouvrage qui propose d clairer les m canismes par lesquels le droit contribue r guler les activit s conomiques et inversement qui vise comprendre la mani re dont les activit s conomiques et les organisations qui les portent configurent tout autant le droit qu elles sont co
17. alisme s est d velopp partir d un ensemble de travaux r alis s par des conomistes h t rodoxes ainsi que par des professeurs de droit appartenant au mouvement du r alisme juridique Il conna t une r surgence actuelle dans plusieurs courants de recherche auxquels on peut rattacher peu ou prou la plupart des chapitres de l ouvrage la perspective n o institutionnaliste en conomie l cole des conventions la th orie de la r gulation et le mouvement Law and Organisations Pour les institutionnalistes le syst me juridique a pour fonction de contenir dans certaines limites et de canaliser les conflits d int r ts inh rents aux activit s conomiques Il assure la promotion de repr sentations et de valeurs communes Il favorise l laboration de certains types de compromis entre les acteurs qui peuvent porter sur les r mun rations les tarifs les prix le niveau d imposition Il leur procure un cadre et des proc dures pour harmoniser leurs pr tentions et r soudre leurs diff rends ainsi que pour r clamer la jouissance des droits qui leur ont t reconnus Il rend ainsi possible la mise en place de formes de coop ration de coordination et d association en d pit des divergences d int r t Bien videmment ces accords risquent constamment d tre remis en cause en raison des conflits structurels qui travaillent la soci t conomique mais le droit contribue en accro tre la solidit Mercur
18. ce libert d entreprendre et de circulation etc les valeurs publiques animant les r glementations prises au nom d autres raisons imp rieuses d int r t g n ral protection des travailleurs s curit publique et sant etc sont toujours soup onn es d aller l encontre des crit res de rationalit et d efficience Elles sont aussi suspect es de g n rer lors de leur mise en uvre et des contr les auxquels elles donnent lieu des comportements bureaucratiques dont le co t est disproportionn par rapport aux fins poursuivies Une telle volution peut dissimuler la m tamorphose d un droit traditionnellement protecteur des faibles en un droit simple reflet des int r ts conomiques les plus puissants C est ce que sugg re S Montagne quand elle observe que le droit am ricain qui encadre la gestion des fonds de pension n est plus con u pour prot ger les salari s contre eux m mes mais fait d sormais reposer sur eux l enti re responsabilit des d cisions d investissement alors que pourtant ils n ont objectivement pas les comp tences n cessaires Depuis le tournant n olib ral des ann es 1980 les trustees ont r ussi reporter sur les b n ficiaires les risques de pertes financi res ainsi qu se mettre l abri des litiges Pour ce faire les gestionnaires ont pr tendu que la libert individuelle du b n ficiaire impose de lui reconna tre une autonomie de
19. delman chapitre 4 est tout fait repr sentative de ce genre de d marche elle montre comment les normes effectivement mises en uvre par les entreprises concernant la non discrimination en mati re d emploi sont le produit d un double processus de manag rialisation du droit et de juridicisation des organisations l issue duquel se cristallisent des mod les de conformit au droit c est dire des modalit s pratiques de mise en uvre du droit tenues pour normales dans un champ d activit conomique d termin Ces mod les de conformit int grent conjointement des consid rations juridiques telles que l anticipation des d cisions que les juges pourraient tre amen s prendre en cas de proc s toute une gamme de consid rations non juridiques telles l efficacit technique la rentabilit conomique la flexibilit du travail les aspirations sociales l individualisation des r mun rations une ing nierie de l valuation des performances professionnelles les savoirs et les pratiques usuels en mati re de gestion des entreprises Certaines professions et organisations conomiques offrent un cadre particuli rement propice aux ph nom nes d inter normativit car elles se situent l intersection de plusieurs sph res 2 Voir dans cette veine et dans le domaine du travail un dossier r cent de la revue Droit et soci t et notamment l introduction propos e par J P LISSE 2011
20. e des normes qui n ont pas b n fici d une telle homologation Il est vrai que diff rents courants sociologiques et institutionnalistes reconnaissent de plus en plus que le droit poss de une force particuli re li e la puissance sociale grandissante des institutions organisations et professions du champ juridique en lien avec la juridicisation des rapports sociaux et conomiques Commaille Dumoulin 2009 La r gulation Un autre objectif de cet ouvrage est de revenir sur la notion de r gulation non pas comme elle est utilis e par les conomistes concepteurs de nouvelles r gles de concurrence mais par la tradition sociologique De la conception sociologique de la r gulation En sciences sociales et au del de son origine cybern tique cette notion est fortement li e un ensemble d approches syst miques La r gulation correspond l ensemble des dispositifs et des processus gr ce auxquels un syst me social parvient pr server sa coh sion et reproduire ses caract ristiques essentielles en d pit des facteurs d instabilit et de conflit provenant tant de son environnement externe que de ses divisions internes Chevallier 2001 Les th ories de la r gulation consacrent une attention soutenue aux interactions dynamiques qui s tablissent entre les ensembles de r gles codifi es un macro niveau d une part et les normes pratiques qui sont g n r es localement au fil des interactions
21. es des instances d arbitrage priv es ou locale 16 d volution d un pouvoir de r glementation des collectivit s locales ou aux entreprises Dans certains cas des processus de coordination hi rarchique se sont mis en place dans lesquels l Etat conserve g n ralement sa position centrale du fait de son monopole de la contrainte mais dans la plupart des situations on constate un enchev trement et une articulation probl matique des dispositifs de r gulation dont tous ne jouissent pas du m me capital de l gitimit sociale La production des normes europ ennes par le biais de processus d autor glementation les normes sont labor es par et pour le secteur priv et de co r glementation les normes sont fabriqu es par des acteurs priv s en concertation avec un organisme public constitue une parfaite illustration de cette dynamique d effacement de la puissance publique Un tel d sengagement de l Etat du champ r glementaire entra ne une d connexion entre l galit et l gitimit d mocratique dans la mesure o les structures publiques priv es de r gulation r sistent difficilement aux strat gies de prise de contr le d ploy es par les int r ts conomiques dominants Ainsi les tribunaux de commerce fran ais sont soumis au poids du secteur bancaire E Lazega L Mounier et U Brandes chapitre 6 et l IASB celui des grands cabinets d audit qui sont tout la fois les plus gros bailleurs de f
22. es acteurs se soumettre aux r gles juridiques dont ils tirent avantage par exemple des r gles de concurrence de propri t intellectuelle A cet gard le chapitre 7 de T Delpeuch et M Vassileva montre que le processus de l galisation des pratiques conomiques dans la Bulgarie des ann es 2000 est la cons quence des conditions impos es par les banques aux entreprises pour leur accorder des pr ts En effet partir du moment o les banques bulgares sont pass es sous contr le d actionnaires trangers eux m mes ins r s dans des communaut s de pratique professionnelle valorisant la conformit au droit et aux standards internationaux elles se sont mises exiger de leur clients qu ils s affilient l ordre juridique comptable et fiscal de l Etat sous peine de leur couper l acc s au cr dit bancaire La propension des acteurs conomiques recourir au droit et la justice pour poursuivre leurs objectifs est tributaire de normes culturelles propres chaque champ d activit conomique portant sur l acceptabilit des strat gies fond es sur l utilisation d instruments juridiques et sur le bon usage de leurs droits par les individus Il existe cet gard des diff rences nationales r gionales et sectorielles Cette propension varie galement en fonction des caract ristiques de l organisation conomique en termes de taille de volume d activit de puissance de march de stabilit de l
23. ive marchande professionnelle ou encore thique Dans cette veine J G Belley 1998 con oit l inter normativit comme un ph nom ne de conjonction de deux ou plusieurs normativit s plut t que de remplacement de l une par l autre ou d existence simultan e dans des sph res s par es comme le con oivent par exemples N Luhman et G Teubner voir l introduction de la deuxi me partie de l ouvrage Il s agit d tudier pour reprendre une interrogation d Andr Jean Arnaud comment coexistent avec le droit en vigueur d autres ensembles de r gles parall les ou concurrentielles qui interf rent avec lui sans hi rarchie simple Arnaud 1988 p 303 La notion d inter normativit avanc e par ce dernier auteur se rapporte donc galement aux influences crois es et aux ph nom nes d hybridation concurrences coop ration ignorance mutuelle chevauchements empi tements que l on peut observer entre diff rents ordres normatifs Le r le du sociologue et de l conomiste institutionnaliste du droit consiste alors analyser les processus par lesquels dans un syst me d action donn les normes et cat gories juridiques entrent en relation avec d autres ordres normatifs que les acteurs mettent en uvre quotidiennement avec pour r sultat l mergence d une configuration particuli re de conventions d interpr tation des r gles juridiques ou de normes de d viance par rapport ces r gles Il est no
24. lit juridique et r glementaire Le chapitre 10 de A Bernard de Raymond et F Chateauraynaud montre que la substitution croissante de normes n goci es aux lois et r glements administratifs est la manifestation d une tendance de plus en plus prononc e des autorit s publiques associer une pluralit d acteurs concern s la d lib ration des r gles destin es organiser et piloter la prise en charge de probl mes collectifs complexes volutifs et comportant des incertitudes Du c t du droit et de l conomie la substitution de la r glementation par la r gulation s est aussi largement op r e On y c l bre le d veloppement de logiques et de formes d auto r gulation au d triment des r glementations h t ronomes jug es n fastes co teuses et non optimales voire nourrissant des effets pervers particuli rement mis en avant dans le domaine de l emploi On y promeut soft law m thode de coordination ouverte empowerment plut t que hard law activit s h t ronomes de contr le enforcement en s appuyant sur une approche lib rale reconnaissant la l gitimit des activit s priv es avant celle de la recherche du bien commun Car m me lorsqu il est admis que ces activit s priv es ont besoin d tre r gul es c est dire d tre inscrites dans des cadres normatifs et de respecter des normes publiques garantissant l int r t g n ral non discrimination concurren
25. lors du processus social d laboration du standard Dans le cas tudi par S Montagne l inter normativit merge de la collision entre quatre logiques une logique financi re de prise de risque propre l activit d investissement sur les march s financiers une logique juridique de protection des faibles propre au dispositif traditionnel du trust une logique de politique publique d velopp e par le gouvernement f d ral partir de la fin des ann es 1960 et la logique du conflit salarial qui opposent employeurs et salari s dans la gestion de ces fonds Le contenu du standard en vigueur un moment donn est le reflet du rapport de forces existant entre ces acteurs et rationalit s sp cifiques La relativisation de la force et de la place du droit par les th ories de l inter normativit a t d nonc e et critiqu e par E Serverin 1996 qui r fute assez directement le programme de recherche ouvert par la notion de pluralisme juridique sinon la notion elle m me Pour cette chercheuse en effet comme pour de nombreux juristes le droit est intimement li l Etat c est bien lui qui en derni re instance valide comme l gal ou non juridique ou non telle ou telle norme en lui associant les caract res de g n ralit d abstraction et d opposabilit Cette approche pr suppose que la validation juridique d une norme d action collective lui conf re automatiquement une port e sup rieure cell
26. mique s en tiennent l id e selon laquelle les normes qui r gissent l action organis e sont n cessairement conformes au droit tatique Les commandements manant de la puissance publique sont pr sum s incontournables sans ambig it et suffisamment explicites quant la mani re de les appliquer dans les situations concr tes Par cons quent la seule voie qui s ouvre une organisation conomique faisant l objet d une contrainte juridique est de s y soumettre et d aligner son ordre interne sur l ordre l gal Ainsi que l attestent les diff rentes analyses expos es dans l ouvrage de telles visions formalistes du droit produisent une perception erron e de la fa on dont les acteurs conomiques se r f rent aux r gles juridiques Les repr sentations forg es par le mouvement Law and Economics ont n anmoins une influence sur l volution du droit vers une conception individualiste en affinit avec la pens e n olib rale qui fait que la r gle de droit est de plus en plus con ue comme une contrainte incitative optimiser par chacun Ainsi les mod les conomiques par exemple en mati re de march du travail en viennent influencer eux m mes la fois le l gislateur et les tribunaux comme on le d veloppera en conclusion de cet ouvrage sa contestation par l institutionnalisme L id e selon laquelle le droit se situe par rapport l conomie dans une position d ext riorit
27. n des comportements individuels vers l accomplissement de mod les pr d termin s qui sont pr sent s comme tant en ad quation avec l int r t g n ral ou le bien commun Une telle vision d un droit ext rieur l conomie est galement sous jacente l analyse conomique du droit lorsqu elle consid re la r gle juridique comme un prix incitatif ou un co t s engager dans des activit s ill gales Cette approche suppose des acteurs dont l unique pr occupation est de maximiser leur utilit et qui dans ce but choisissent rationnellement de respecter ou non la r gle juridique aux termes d un calcul int grant le co t d application et la probabilit d tre sanctionn si une pratique irr guli re est adopt e Particuli rement pr gnante lorsqu est assign e au droit une fonction de r gulation de la sph re conomique align e sur un objectif d efficience cette posture est traditionnellement d fendue depuis les ann es 1960 par le courant des Law and Economics Studies Celui ci affirme qu il est possible de mesurer de fa on objective et scientifique c est dire instrument e par des mod les conom triques l effet des variations des r gles sur le comportement des acteurs conomiques Un tel savoir permettrait aux producteurs de r gles juridiques juge l gislateur d en ajuster la teneur afin de modifier les incitations des acteurs adopter tel ou tel conduite et de maximiser
28. nfigur es par les r gles juridiques S appuyant sur des travaux sociologiques et des approches institutionnalistes en conomie principalement am ricains et fran ais qu il cherche faire dialoguer le livre se propose d laborer et d illustrer un mod le dynamique rendant compte du processus d endog n isation du droit dans les activit s conomiques Les contributions rassembl es dans l ouvrage permettent d enrichir un certain nombre de r flexions classiques en sciences sociales concernant la r gulation juridique de la vie conomique Dans la pr sente introduction nous avons choisi de placer l accent sur les apports des diff rents chapitres relativement trois questions qui depuis le d but du XXe si cle sont au c ur des travaux consacr s la place et au r le du droit dans la construction de l ordre conomique La premi re interrogation concerne le caract re exog ne ou au contraire endog ne de la r gulation juridique de l action conomique Les analyses pr sent es dans l ensemble des chapitres confirment le constat tabli depuis longtemps par plusieurs traditions sociologiques selon lequel il existe non pas un rapport d ext riorit et de subordination mais des interactions complexes et intriqu es entre droit et d ploiement des activit s conomiques Edelman et Stryker 2005 Nous proposons ensuite des l ments de r flexion contenus dans les chapitres constituant l ouvrage prop
29. ni res dont elles se r f rent de fa on plurielle et contingente au droit en mobilisant ou en ne mobilisant pas telle ou telle r gle juridique insistera davantage sur le jeu avec les r gles leur interpr tation et reconstruction en situation par des interm diaires du droit l instrumentalisation dont elles font l objet et les effets de l gitimation qu elles procurent Autrement dit c est plut t une perspective endog ne des relations entre droit et conomie qui sera mobilis e Mais ces postures et pr f rences du chercheur pour une perspective exog ne ou endog ne se complexifient lorsqu on prend en compte le degr d autonomie pr t aux acteurs conomiques par les chercheurs Les consid re t on comme capables de produire leurs propres normes de s entendre entre eux comme des individus libres et rationnels anticipant les choix des uns et des autres et leurs cons quences C est alors une approche plut t endog ne du droit qui pr vaudra Alors que si l on insiste sur la d pendance de ces acteurs vis vis d institutions sociales qui les obligent au del de leur propre consentement le fameux tout n est pas contractuel dans le contrat de Durkheim c est plut t une conception exog ne de la r gle de droit s imposant aux acteurs ou susceptible d tre saisie comme une ressource qui sera privil gi e Au final il ne nous appara t pas heuristique d opposer frontalement approche endog
30. nique dont la trajectoire peut tre tudi e en employant le cadre d analyse de la sociologie des sciences et des techniques c est dire en mobilisant les concepts d innovation de diffusion de path dependence et de cycle technologique La th orie sociologique de la r gulation a montr que si les acteurs puisent en dehors de la situation particuli re une partie des ressources normatives et des justifications n cessaires pour fonder les r gles du jeu encadrant concr tement leurs interactions ils font g n ralement preuve d un certain degr d autonomie dans l application de ces r gles de contr le Les r gles exog nes se pr sentent le plus souvent comme des cadres d action laissant ceux qui sont cens s les appliquer des marges de libert tant au niveau de l interpr tation que des modalit s concr tes de mise en uvre ouvrant des espaces pour le d ploiement de conduites strat giques Il en va ainsi du droit qui n occupe en temps normal qu une place r duite dans l encadrement des pratiques C est dans des circonstances et des contextes bien particuliers que les conduites sont directement rapport es des r gles juridiques par exemple quand la r ciprocit des changes ne peut tre garantie par une norme morale partag e n cessitant un r glement ou quand les conflits qui apparaissent ne peuvent pas tre r solus par des formes ordinaires de justice c est dire des modes de r glemen
31. o et Medema 1997 Les institutionnalistes consid rent en somme que le droit influe sur les processus les plus fondamentaux qui composent la vie conomique Les approches scientifiques qui prennent le parti d assimiler les m canismes conomiques des ph nom nes naturels sont critiqu es Du point de vue de l analyse institutionnaliste tous les faits conomiques y compris le march et les concurrences qui s y d roulent sont des construits historiques et sociaux dont les fondations sont constitu es pour une grande part base de droit Les r gles juridiques interviennent galement dans la d finition des pr f rences objectifs et int r ts des acteurs conomiques Par exemple dans la mesure o le droit de propri t fixe les usages qui peuvent tre faits d un bien conomique sans encourir de sanction de la part de la puissance publique il influe n cessairement sur les repr sentations que les acqu reurs potentiels de ce bien se font de son utilit en tant que moyen pour parvenir certaines fins donc influence la demande son gard En somme le droit n est pas seulement un instrument que les acteurs conomiques peuvent employer pour essayer d atteindre des objectifs conomiques qu ils se sont fix s en dehors de toute consid ration juridique il intervient dans la d finition m me de ces objectifs Le droit est vu comme omnipr sent dans l conomie puisqu il d termine partiellement l ensemble des
32. on de pratiques ayant cours dans la sph re conomique s op re souvent par le biais d une m diation scientifique reprise par les juges En effet ces derniers font fr quemment appel des expertises scientifiques pour les aider qualifier juridiquement certains faits soumis leur appr ciation ainsi que pour d terminer l tendue de la responsabilit juridique imputable un justiciable Ils s en remettent alors des savoirs constitu s par les diverses disciplines scientifiques ayant l action conomique pour objet sciences conomiques et financi res sciences de gestion sociologie des organisations psychologie du travail pour valuer dans quelle mesure le comportement incrimin s carte et de ce qui est admissible tant au regard des usages tablis que du droit L influence des expertises scientifiques sur la d cision judiciaire est d ailleurs d autant plus prononc e qu elles interviennent dans des domaines o il n y a pas de jurisprudence et o les comp tences scientifiques des juges sont faibles ou inexistantes Un deuxi me reproche adress par la sociologie aux conceptions formalistes concerne la tendance de ces derni res r duire le droit un instrument de contrainte En effet pour les sociologues le droit ne fait pas que prescrire ou interdire certains comportements Il a aussi pour r le de mettre la disposition des personnes physiques et morales un vaste r pertoire de mo
33. onds de la normalisation les premiers contributeurs en termes d expertise et les principaux utilisateurs de ces normes E Chiapello et K Medjab chapitre 15 La conception du droit qui est privil gi e dans l ouvrage est celle d un droit endog ne l action conomique qui contribue r guler celle ci en conjonction avec d autres institutions sociales et principes de justice On met l accent sur la mani re dont les individus engag s dans une activit conomique particuli re op rent leur chelle et dans leur contexte d action une reconstruction des cat gories et des r gles juridiques L objet de connaissance ici privil gi est l exp rience juridique des acteurs conomiques qu il s agisse des juristes de m tier des professionnels non juristes dont l activit productive implique le maniement fr quent ou occasionnel de savoirs et d outils juridiques ou encore des consommateurs de biens et de services auxquels est reconnu tout un ensemble de droits Les travaux pr sent s ici sont donc particuli rement attentifs la mani re dont ces acteurs professionnels et non professionnels interpr tent les r gles de droit dans leurs pratiques quotidiennes le but tant de d terminer comment les repr sentations et croyances de ces acteurs conomiques concernant l ordre juridique influencent leurs conceptions et leurs comportements dans le domaine conomique Une telle approche centr e sur la constr
34. os de deux concepts l inter normativit et la r gulation Christian BESSY et Thierry DELPEUCH sont charg s de recherche CNRS le premier en conomie PIDHE Cachan et le second en sciences politiques l ISP Cachan J r me P LISSE est ma tre de conf rences de sociologie l Universit Versailles Saint Quentin en Yvelines membre du PRINTEMPS Cet ouvrage s inscrit donc dans une perspective peu d velopp e en France malgr plusieurs r f rences r centes comme SALLES 2007 SIMOULIN 2007 SEGRESTIN 2009 P LISSE 2011 Pour une conception endog ne du droit De la conception exog ne du droit chez les juristes et les conomistes formalistes L approche postulant l ext riorit du droit par rapport aux activit s sociales fait cho la fa on bien particuli re qu ont la majorit des juristes positivistes de tradition civiliste de percevoir et d appr hender les effets du droit sur les ph nom nes sociaux Le droit est con u par eux comme un m canisme de contr le de communication et d int gration sociale op rant de l ext rieur vers l int rieur plus ou moins conscient des sujets Lascoumes et Serverin 1988 p 182 A l exception d une tradition de pens e attentive aux dynamiques de juridicisation des coutumes voir par exemple Assier Andrieu 1996 la fonction du droit est de contribuer la coordination et l efficacit de la vie sociale ainsi qu l orientatio
35. oubassement de sch mes culturels et d institutions sociales qui structure la vie conomique Ainsi plusieurs auteurs parmi ceux qui ont pos les bases de la pens e sociologique ont vu dans l volution des r gles juridiques une composante majeure du d veloppement historique des syst mes conomiques Sombart Simmel Durkheim Weber ont montr que la formation et les mutations du capitalisme sont en grande partie le produit d inventions et de transformations survenues depuis le Moyen Age dans diff rents domaines du droit en particulier le droit de la propri t et celui des contrats Pour M Weber la rationalisation du droit elle m me li e au processus d mergence de l Etat moderne en Europe a favoris la rationalisation des activit s conomiques en procurant un niveau lev de pr visibilit et de s curit aux relations entre les acteurs participant une activit conomique mais aussi en contraignant ceux ci adopter des modes rationnels de calcul des co ts et des b n fices de leurs actions conomiques K Polanyi a montr que si le march a pu s imposer au XIXe si cle comme m canisme autor gulateur chappant l emprise du pouvoir politique c est pr cis ment gr ce des interventions volontaristes et coercitives des Etats nationaux qui ont pos les bases juridiques des march s et qui se sont donn s les moyens administratifs et judiciaires de les faire appliquer Ces m mes auteur
36. que anglo saxonne regulation veut dire en anglais aussi bien r glementation que r gulation est sans doute la hauteur de l ambivalence du r le que joue l Etat dans les pays ayant une forte tradition lib rale comme le Royaume Uni Ce terme est y d ailleurs apparu l occasion des privatisations thatch riennes du d but des ann es 1980 avant de se propager pour appara tre enfin dans les textes communautaires dans le domaine des industries de r seaux afin d accompagner l ouverture la concurrence de ces secteurs La gen se de ce terme en droit ou encore du terme de r gulateur pourrait d ailleurs faire l objet d un ouvrage entier nous renvoyant aux premiers r gulateurs am ricains voir dans ce sens Marcou et Moderne 2005 Il est ainsi clair que la diffusion de ce terme dans l espace politique scientifique et public fran ais depuis une vingtaine d ann es n est pas neutre En colonisant sinon en rempla ant celui de r glementation ou en sociologie de contr le social 14 l insistance porte en effet non sur un corpus de r gles substantielles mais sur la mise en place de m canismes contraignant et ou incitatifs construit partir de r gles proc durales Les chercheurs insistent alors sur une contractualisation de l action publique une proc duralisation du droit le passage d un droit impos un droit n goci ou le d veloppement d une flexibi
37. s classiques ont observ que r ciproquement les volutions des id es institutions et int r ts conomiques entra nent des changements dans les syst mes juridiques car les acteurs conomiques font pression sur les producteurs de droit pour que soient fabriqu es des r gles qui leur sont favorables C est cette tradition que se r f rent par exemple E Lazega L Mounier et U Brandes chapitre 6 quand ils affirment que les milieux d affaires ont toujours fait ce qui est en leur pouvoir pour participer aux d cisions politiques administratives et juridiques qui touchent leurs entreprises et leurs march s Cette volont manifest e par les entrepreneurs conomiques d organiser eux m mes leur propre milieu et de fa onner eux m mes leurs structures d opportunit les pousse se comporter en entrepreneurs institutionnels c est dire d ployer diverses strat gies d influence pour amener les autorit s publiques n gocier avec eux des solutions juridiques compatibles avec leurs int r ts et objectifs De cette fa on le monde des affaires garde prise sur la codification de ses usages et l quipement juridique de ses march s ainsi que sur la construction et la gestion des dispositifs juridictionnels de r solution des conflits conomiques La participation des int r ts priv s au processus l gislatif et r glementaire peut alors rev tir plusieurs formes des groupes de
38. s du jeu sp cifiquement conomiques qui seraient internes aux syst mes d action conomiques et un droit externe sous contr le tatique La r flexion institutionnaliste sur les rapports entre droit et conomie a t poursuivie par le courant dit du nouvel institutionnalisme conomique qui s est interrog notamment sur les relations entre changement institutionnel et transformations conomiques Comme l indiquent C Didry et C Vincensini chapitre 3 les n o institutionnalistes ont propos une d finition plus riche des institutions en les repla ant dans des dynamiques historiques complexes ainsi qu en voyant dans le droit la fois un quipement de l acteur conomique et un d terminant causal de la vie conomique et sa critique par la sociologie Comme l institutionnalisme en conomie la sociologie s est d s son apparition employ e critiquer les conceptions formalistes qui pr dominent alors aussi bien dans la pens e juridique que dans la pens e conomique Contre les approches postulant l ext riorit du droit par rapport aux activit s conomiques la sociologie a avanc une s rie d arguments qui d montrent le caract re complexe et intriqu des relations entre le juridique et l conomique Tout d abord les sociologues rejoignent les institutionnalistes pour affirmer que le droit est constitutif des ph nom nes conomiques c est dire contribue la construction du s
39. sible et mobilisable par les personnes eu gard aux probl mes qu ils rencontrent dans la vie courante qui est promu La centralit de l Etat en tant qu instance de r gulation juridique a donc sans conteste diminu Des producteurs de droit supranationaux sont apparus avec l mergence de structures de gouvernance transnationale cherchant r guler les relations conomiques internationales dans diff rents domaines de politique publique Quack 2010 Dans un certain nombre de cas limites l image du International Accounting Standards Board IASB tudi par E Chiapello et K Medjab chapitre 15 ces structures sont des organisations priv es sur lesquelles les autorit s publiques nationales et supranationales n ont aucun moyen de contr le Un dispositif tel que l IASB auquel l Union Europ enne a confi 2002 le monopole de l laboration des normes comptables europ ennes alors que pourtant elle ne dispose d aucun repr sentant en son sein revient inverser les r les traditionnels entre public et priv si un sujet est important pour l UE elle ne peut que faire du lobbying aupr s de l IASB pour que celui ci l inscrive son programme de travail Une autre manifestation de la perte de centralit de l Etat est l essor de r gulateurs op rant sur une base sectorielle d l gation de comp tences des agences des autorit s administratives ind pendantes des organisations professionnell
40. t de type amiable sans recours un arbitrage ext rieur voir Belley 1998 p 174 et d bouchent sur un traitement contentieux du litige L adh sion des acteurs certaines formes de conformit au droit peut tre volontaire En effet donner des gages de respect de la l galit repr sente un certain nombre d avantages en termes de l gitimation sociale des comportements adopt s de r f rence commune et de point d appui dans les n gociations Ces gages de respect procurent des solutions pr tes l emploi pour r soudre des probl mes courants des mod le de conduite permettant d anticiper le comportement d autrui des stock de cat gories concepts principes et valeurs permettant d interpr ter les situations et d en valuer les implications d assurance contre les risques de non respect des engagements sinon de protection contre le risque de subir une condamnation p nale ou d avoir payer des dommages et int r ts trop lev s Le souci d afficher une certaine conformit au droit peut aussi tre la cons quence de l exposition au pouvoir de coercition exerc par des acteurs qui tiennent ce que la r gle soit respect e par tous Il est noter que l imposition de r gles soutenues par un pouvoir de contrainte n mane pas exclusivement de l Etat Elle peut galement provenir d acteurs conomiques priv s qui utilisent les ressources conomiques dont ils disposent pour obliger 13 d autr
41. t et r gles pratiques de l action conomique La deuxi me partie regroupe quant elle des contributions traitant de diff rents m canismes d endog n isation des r gles juridiques l int rieur des contextes d action conomique Elle insiste en particulier sur la fonction d interm diation assur e par certains professionnels dont le r le consiste mettre en compatibilit la dimension conomique et la dimension juridique d une m me activit conomique La troisi me partie enfin se centre sur les supports dispositifs et quipements juridiques de l action conomique Retrouvant une approche par les instruments de l action publique d velopp e aussi bien par l conomie des conventions que dans une veine foucaldienne travaill e par les politistes cette partie analyse ainsi les dimensions instrument es instrumentales et ventuellement instrumentalis es des r gulations juridiques de l action conomique Au final il nous appara t n cessaire de rappeler que cet ouvrage n a pas pour ambition de traiter de toutes les r gulations des activit s conomiques Certaines lacunes peuvent sans doute tre regrett es comme l analyse du r le des autorit s de la concurrence et des ressources qu elles mobilisent dans leur action en particulier dans la construction du march int rieur europ en Pour autant la r union des textes s lectionn s repose principalement sur les possibilit s qu
42. ter que le mouvement institutionnaliste en conomie a adopt une posture qui s apparente au pluralisme juridique En effet si les institutionnalistes ont labor une th orie de l action conomique orient e par le droit ils ne consid rent pas pour autant que la vie conomique soit d termin e de mani re univoque par le droit Les structures sociales qui canalisent la vie conomique sont vues par eux comme le produit de la rencontre entre de multiples instances dont chacune a vocation promouvoir un certain type d ordre dans les activit s sociales les march s les autorit s politiques les sources de droit les sciences et les techniques etc D une mani re g n rale le terrain des activit s conomiques se r v le particuli rement propice au d veloppement d approches pluralistes car le droit s y trouve en interaction avec de nombreux autres corps de r gles les r glements et codes de bonne conduite dict s par les directions et hi rarchies dans les entreprises les r gles d ontologiques des professions ou celles adopt es de mani re conventionnelle l issue de n gociations entre acteurs d entreprise ou d un m me secteur d activit Les r gles de droit y entrent aussi en relation avec des normes techniques des normes de gestion ou encore des normes plus ou moins informelles cristallis es dans les relations marchandes les unit s de travail ou les groupements professionnels L approche de L E
43. tudie deux concepts de couplage dans le domaine des activit s conomiques agricoles la coexistence des cultures OGM et non OGM et l agriculture biologique Le chapitre 13 de S Montagne apporte un compl ment la th orie de l inter normativit en montrant que les assemblages de normes hybrides qui encadrent l action conomique sont le r sultat d un affrontement entre une pluralit de logiques difficilement conciliables A nsi les normes juridico conomiques constituant l objet de sa recherche savoir les standards de prudence financi re aux Etats Unis sont le produit de la confrontation entre plusieurs conceptions divergentes de ce qu est une gestion avis e des trusts et des fonds de pension En effet explique S Montagne ce type de dispositifs a une double vocation probl matique prot ger les b n ficiaires contre la propension la sp culation des gestionnaires de leur patrimoine d une part et investir les avoirs des b n ficiaires afin de pr server leur capital et de leur assurer des revenus r guliers Chaque acteur concern par la d finition de la norme de 11 prudence savoir les b n ficiaires les gestionnaires les financeurs du fonds l Etat va d fendre une conception qui lui est propre et d pend de ses motivations et de ses int r ts au sein du dispositif de sorte que les tensions inh rentes la structure des interactions vont ainsi s exprimer directement
44. uction sociale situ e du cadrage juridique de l action conomique accorde n cessairement une attention prioritaire aux processus d apprentissages collectifs travers lesquels les acteurs en viennent conf rer la norme de droit une signification et lui reconna tre ou non une autorit se l approprier et ventuellement en inventer des usages in dits Nous d veloppons donc l id e selon laquelle certains acteurs appel s par nous interm diaires du droit jouent un r le cl dans de telles dynamiques d apprentissage dans la mesure o ils assurent la continuit entre la l galit formelle et diff rents autres registres normatifs issus des pratiques conomiques quotidiennes Cette base sectorielle est particuli rement souhait e par un auteur comme Frison Roche qui cherche d finir un droit de la r gulation en quilibrant incitation l innovation concurrence et bien tre du consommateur voir Frison Roche et Abello 2005 17 La premi re partie pr c d e comme chacune des parties de l ouvrage d une introduction sp cifique pr sente donc une s rie d analyses de travaux historiques et th oriques portant sur la question de l encastrement juridique de l conomie Il ne s agit pas d offrir au lecteur un cadre d analyse unifi mais de pr senter des approches adoptant des points de vue compl mentaires et interdisciplinaires montrant la complexit des relations entre droi
45. uns Externalit ou endog n it du droit une affaire de posture et de perspective de recherche La conception analytique du droit retenue autour de l opposition entre caract re exog ne ou endog ne de la r gle juridique par rapport l action ne d pend pas en r alit seulement de la discipline scientifique dans laquelle s inscrit la recherche Elle est aussi la cons quence de v ritables perspectives de recherche et des postures adopt es par le chercheur suivant qu il retient une analyse plus explicative ou plus compr hensive S il s agit de construire des mod les de pr dire des comportements d expliquer des rapports de cause effet entre r gles juridiques et ph nom nes conomiques le chercheur aura tendance pr supposer l existence de relations bien d termin es entre faits juridiques et faits conomiques pour ensuite d tailler les effets de tel ou tel type de r gle juridique sur tel ou tel type d activit conomique Autrement dit les travaux focalis s sur la question de l impact conomique des r gles juridique ont tendance concevoir le droit comme tant ext rieur aux d cisions conomiques ainsi qu consid rer que les acteurs conomiques jouent surtout dans les r gles A l inverse une perspective plus compr hensive attach e au sens et aux modes de justifications des actions aux arguments employ s aux incertitudes et aux paris attach s aux d cisions conomiques aux ma
46. yens d agir dont celles ci peuvent faire usage pour poursuivre leurs propres objectifs et int r ts En m me temps que le droit restreint la marge de man uvre des acteurs certains gards 1l leur conf re des capacit s sur la base desquelles des nouvelles activit s peuvent tre envisag es et de nouvelles strat gies d ploy es C est typiquement la mani re dont proc de le droit des contrats Celui ci fournit aux acteurs priv s les instruments et les appuis dont ils ont besoin pour d finir et maintenir les r gles du jeu qu ils s engagent eux m mes respecter dans le cadre de leurs changes Ainsi le droit appara t il tout la fois comme une instance ext rieure la sph re conomique une r gulation de contr le qui contraint les acteurs suivre des r gles exog nes et comme une ressource abondamment employ e par les acteurs conomiques eux m mes pour construire d une mani re relativement autonome leurs propres r gulations endog nes Une telle conception du droit l appr hende comme un syst me de potentialit partir duquel se d ploient des activit s sp cifiques de mobilisation des r gles Lascoumes et Serverin 1988 Elle reconna t galement dans le droit une technologie de gouvernance pour une expression employ e par plusieurs auteurs de l ouvrage Ces m mes approches qui mettent en avant la fonction instrumentale du droit rel vent en m me temps que le droit n est pas un outil
47. yst mes de normes auxquels ils sont soumis Elles sont dans ce deuxi me cas formalis es par des th ories scientifiques et des standards techniques par exemple concernant la d tection de pratiques dissimul es de discrimination au moyen de tests d embauche biais s qui int grent des normes et des savoirs vari s en management des ressources humaines en formation professionnelle en valuation des aptitudes individuelles en organisation des entreprises en analyse des postes de travail en enqu te statistique sur les ph nom ne de discrimination D autres formes institutionnelles que les organisations et les professions peuvent faire office de support aux assemblages de r gles pratiques issues d une pluralit de registres normatifs La conjugaison de r gles h t rog nes car emprunt es diff rents ordres sociaux peut aussi tre r alis e par le biais de concepts communs ces ordres tels que par exemple le contrat qui a pr cis ment vocation articuler des principes g n raux conomiques juridiques et techniques L ouvrage met en vidence les m canismes sociaux par lesquels de tels concepts de couplage parviennent faire tenir ensemble sinon faire converger des normes pourtant connect es des registres difficilement conciliables voire antagoniques entre eux pour constituer des biens communs composites voir ce propos le chapitre 10 de A Bernard de Raymond et F Chateauraynaud qui
Download Pdf Manuals
Related Search