LE SOCIAL : - Prospective Jeunesse
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1. LE SOCIAL L TAT LE LOCAL LA SUBJECTIVIT Michel AUTES Charg de recherche CNRS CERSE IFRESI Lille France Le social voil qui se pr sente nous sous les traits familiers de l vidence le social existe puisque nous sommes dedans faut toutefois interroger cette familiarit de l vidence II ne suffit pas de faire tat de la complexit de cet difice Ce qui fait r ellement probl me c est l autonomie du social dans la soci t salariale Le social s est autonomis Voil l vidence majeure et qui nous encombre Et qui nous trouble aussi Ou du moins qui trouble la vision que nous pouvons avoir de ce qu est le social et de ses fonctions majeures Aussi rappelons le rapidement le social c est d abord l articulation de la sph re conomique et de la sph re politique Ou pour le dire autrement c est l articulation entre l individu libre sur le march poursuivant son int r t et le citoyen souverain dans la sph re politique garant de l int r t g n ral On conna t les apories de l individu et du citoyen libre sur le march et souverain politique du gouvernement d mocratique mais ali n et contraint dans les rapports du travail logique de l in galit n cessaire au fonctionnement du march et probl matique de l galit indispensable la rh torique politique de la r publique logique utilitariste de l int r t individuel dont le myst re de la main invisible produit l qu2. l tat a d centralis l aide sociale dit elle mais l action sociale reste du ressort de l tat 3 Sur cette p riode voir l excellent livre de Colette BEC Assistance et R publique Paris ditions de l Atelier 1994 4 HATZFELD Henri Du paup risme la S curit sociale Nancy Presses Universitaires 2 dition 1989 5 Voir dans AUT S Michel Travail social et pauvret Paris Syros 1992 6 RAWLS John Th orie de la Justice trad fr Seuil Paris 1987 7 AUTES Michel op cit 8 ARENDT Hannah La condition de l homme moderne trad fr Paris Calmann L vy 1961 9 AUT S Michel Le territoire un nouveau mode de gestion des populations in Le RMI l preuve des faits collectif Paris Syros 1993 10 DUBET Fran ois La gal re jeunes en survie Paris Fayard 1987 11 EHRENBERG Alain L individu incertain Paris Calmann l vy Pluriel 1996 Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 Ter trim 97 13
3. dans les cadres de lecture gestionnaires qui viennent de lui tre rendus disponibles L re des tableaux de bord remplace celle des psychogen ses Le travail social compte et calcule Dans cet exercice il fait preuve d une rare bonne volont sans se rendre compte qu il s loigne de plus en plus des r f rentiels cliniques davantage en r sonance avec ses fondements thiques Du point de vue des repr sentations on change compl tement de registre partir de la fin des ann es 1970 les probl mes du social vont de plus en plus se formuler travers la cat gorie de pauvret puis travers celle de pr carit Sans entrer dans tous les d tails disons que ce basculement signe la transformation des objets du social de l individu au collectif et au territoire et de ses strat gies de la gestion des carts la norme la production de la norme Enfin du point de vue de l organisation politico administrative on assiste la fois la mont e du local et la transversalisation des politiques Ce dernier point sera repris plus loin On peut montrer qu une quatri me configuration se dessine au d but des ann es 1990 On pourrait m me situer la l gislation sur le Revenu minimum d insertion comme le point de basculement comme l taient les lois de 1975 pour le passage pr c dent Ce qui se trouve directement en d bat c est la fronti re entre l action publique et le march L ensemble de l difice du social
4. quoiqu on en dise n ont jamais t aussi fortes mais qui introduisent de nouvelles in galit s invisibles selon l tendue des lign es l importance des patrimoines et cela dans toutes les classes de la soci t Enfin l tat se repose aussi sur l humanitaire sur le b n volat chaque fois qu il peut conomiser sur ses d penses sociales Le travail social co te cher Dans les r gimes de s curit sociale on tend vouloir s parer les logiques contributives d assurance et les logiques d assistance financ es par l imp t curieusement rebaptis es logiques de solidarit Soci t duale au niveau de l emploi protection sociale deux vitesses et si l on continue la glissade citoyens normaux et nouvelles classes dangereuses nationaux respectables et trangers suspects Politique s curitaire ou construction d un nouveau mode de solidarit sociale sont bien les deux branches en conflit autour de cette notion qui tend polariser malheureusement ce qui nous reste de passion politique 3 Conclusion d senchant e mais pleine d espoir et d lib r ment ouverte et le travail social que devien C est bien la destruction des subjectivit s laquelle on assiste qui rend n cessaire de 12 Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 1er trim 97 repolitiser la question sociale Le travail social n a pas de r ponses donner en son nom Mais il demeure un outil de mise en sc ne des espac
5. attirer de l activit conomique dans les quartiers en difficult en la d grevant fiscalement Le territoire de la R publique n est plus gal et indiff renci Ces politiques sont en m me temps facultatives L tat dicte des r gles mais il appartient aux collectivit s locales de saisir ou non les opportunit s offertes Troisi me caract ristique qui rejoint une volution d ensemble des politiques publiques c est leur caract re essentiellement proc dural La r gle le mode d emploi devient un mode d administration et il finit par tenir lieu de finalit puis de l gitimit l action publique C est le service minimum du sens On se contente d nonc s tr s g n raux et c est le d tail des r gles qui fait le vrai contenu de la politique C est pourquoi en m me temps il y a une recherche constante de l assentiment de la conviction de l adh sion des acteurs Ce sont des politiques pour lesquelles on fait de la publicit de la r clame Leur aspect facultatif renforce bien entendu cette recherche de la conviction Au service minimum du sens correspond le service minimum de la croyance Pour que a marche il faut de la mobilisation C est dire au fond que c est cette mobilisation qu on cherche produire en esp rant qu elle donnera un contenu et qu elle produira des effets C est la m thode du bon docteur Cou mise au service de l action publique Il ne faut pas se moquer de la m thode du do
6. conjoncture Rappelons que la question centrale est encore ici celle de la l gitimit La d centralisation proc de par attribution de comp tences des collectivit s locales les Communes et territoriales les D partements et les R gions ces derni res tant cr es comme collectivit s lues par les lois de d centralisation Elle laisse irr solue la question de la l gitimit politique par rapport laquelle le r le de l tat demeure pr dominant En fait les collectivit s sont surtout gestionnaires c est notamment le cas des D partements gestionnaires de l aide sociale quiconstitue la part majeure de leur budget La proximit de la d cision qui tait l argument politique majeur de la d centralisation reste le point tr s faible de la d centralisation La proximit politique ne se r sout pas dans la proximit g ographique et le jacobinisme peut tre plus ais ment pratiqu au niveau local Ceci tant nuancer pour les Communes dont a n a jamais t la tradition notamment dans un jeu politique o l tat central tait leur seul interlocuteur politique Si les politiques transversales se veulent essentiellement locales elles n chappent pas aux contradictions de la d centralisation Face cela le partenariat de moyen devient son tour comme une fin en soi ce qui contribue l ilisibilt des responsabilit s politiques Le domaine de l action sociale en souffre particuli rement E
7. essentiellement des comp tences de gestion Mais elles s exercent dans le cadre d une responsabilit politique Surgit ici une difficile question qui touche la l gitimit m me des politiques publiques On pourrait la formuler comme la question des gouvernements locaux G rer n est pas gouverner Gouverner suppose une l gitimit dans la capacit de produire des politiques publiques D o la troisi me question celle du citoyen Ou plut t de la r activation des questions fondatrices qu on rappelait tout au d but celles qui organisent la tension entre l ensemble individu march in galit et l ensemble citoyen souverainet galit Le social avait p niblement Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 ter trim 97 3 construit un compromis qui r glait ces tensions il neles supprimait pas bien entendu il leur donnait des r gles car ces tensions sont n cessaires la coexistence de l conomie de march et du gouvernement d mocratique aujourd hui ce compromis se fragiise et ces questions se trouvent pos es dans leur nudit originelle D o la derni re question celle du sujet La question de la subjectivit redevient une question politique Pourquoi Parce qu elle n a plus o de moins en moins de r ponse cr dible Et cette absence de r ponse retentit sur la construction des identit s qui suis je Qui est l autre Quelle est ma place On conna t les effets de ce vide la de
8. intervient comme r gulateur producteur de normes et financeur organise il met en forme Le second l ment tr s significatif r side en ce que cette action organisatrice est essentiellement le fait de l administration plus que des hommes politiques Le social est une mati re administrative Il l est d autant plus que l action politique d laisse ces questions parce qu elles ne sont pas probl matis es en objets politiques parce que ne sy incarnent pas des int r ts directement issus de la soci t mais m diatis s par des forces sociales qui les portent Non pas que le souci politique soit absent ni les conflits qui sont au contraire tr s sensibles Mais cette mati re est d licate complexe et pour tout dire peu glorieuse Le social s administre donc plus quil ne se gouverne Enfin quand elles sont prises en charge politiquement ces mati res sont essentiellement port es par les forces politiques mod r es par celles aussi qui constituent des groupes charni res mais qui disposent de par cette position d une influence gouvernementale suffisante pour faire passer leurs projets Ainsi les catholiques sociaux les radicaux socialistes sont les principaux traducteurs politiques des probl matiques sociales Pour faire une fois r f rence aux autres aspects du social Henri Hatzfeld montre exactement la m me influence d terminante de ces forces mod r es dans la construction des l gislations sur les retraites ou
9. sur l assurance maladie Et cela m me sices questions soul vent davantage de passions politiques Le social porte toujours quelque part en lui m me quelque chose comme l apaisement des passions politiques Une deuxi me configuration s incarne dans le r gime de Vichy o c est la figure de l tat central qui s impose C est un moment important de la mise en forme du social par l tat La Loi de 1943 cr e le secteur de l enfance inadapt e l ordonnance de 1945 qui inaugure la prise en charge moderne des jeunes d linquants m me sielle para t la Lib ration demeure l expression d une r flexion et d une intention l gislatrice pr par e par l administration de Vichy Dans toute la p riode qui va suivre le r le de l tat sera constant dans la construction de l action sociale Non pas qu il prenne la place de l initiative priv e qui demeure toujours aussi active mais parce que l tat se pose comme porteur d une volont politique forte dans le domaine de l action sociale Le point culminant de cette p riode est l poque du Vl me Plan au d but des ann es 1970 L action sociale y est fortement affirm e comme une priorit de l action de l tat L ambition est de faire de l action sociale une grande fonction collective de m me rang que l ducation ou que la sant M me si ce projet n aboutit pas les ann es 1960 jusqu au milieu des ann es 1970 sont l ge d or du social C est non seulement l poque d une croiss
10. a modification de l action On assiste au d but des ann es 1980 la publication d une s rie de rapports qui introduisent des infl chissements importants dans l action publique D abord en 1981 le rapport de Bertrand Schwartz qui porte sur l insertion professionnelle et sociale des jeunes C est ce rapport qui officialise l entr e de la cat gorie d insertion dans le champ des politiques publiques Il y est essentiellement question de formation professionnelle dans une perspective d adaptation des jeunes aux nouvelles Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 Ter trim 97 7 contraintes du march du travail issues des technologies nouvelles L insertion y appara t comme un moment transitoire une poque de modification des syst mes socio productifs Le rapport accorde aussi une place importante l insertion sociale et la citoyennet des jeunes Les missions locales pour l insertion des jeunes en 1982 sont directement issues des recommandations du rapport Deuxi me rapport celui de Gilbert Bonnemaison maire d pinay sur Seine et parlementaire qui porte sur les questions d ins curit porte dans son tite la trilogie pr vention r pression solidarit qui est d j tout un programme m me si la strat gie r pressive douce comme il se doit l emporte en fait sur les deux autres De ce rapport sortiront les Conseils communaux de pr vention de la d linquance et un renforcement des mesur
11. ance exponentielle des quipements et des services Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 ter trim 97 5 ainsi que des travailleurs sociaux mais c est surtout un moment d activit l gislative intense Les grandes lois sur la protection de l enfance 1958 1970 la pr vention sp cialis e 1972 l organisation des circonscriptions de service social de 1970 1976 la Convention collective de l enfance inadapt e 1966 le dipl me d tat d ducateur sp cialis 1967 de moniteur ducateur 1970 t moignent de cette activit Mais ce sont surtout les lois de 1975 celle sur les handicap s et celle sur les institutions sociales et m dico sociales qui marquent la p riode la fois les prises en charge se perfectionnent et le contr le de l tat se fait de plus en plus troit Le social est de plus en plus encadr Mais ces lois qui sont en quelque sorte un point culminant de l action publique dans le champ de l action sociale annoncent en m me temps le d but d un retrait en tout cas d un changement de configuration Et c est la troisi me configuration qui appara t comme celle d un coup de frein l expansion d un secteur d sormais stigmatis comme trop co teux Paradoxalement cette poque est en France celle de la naissance du travail social comme nouvelle cat gorie qui f d re de multiples interventions jusque l dispers es On ne revient pas ici sur les circonstances de cet
12. ays d velopp s et particuli rement en Europe va se d velopper ce projet fabuleux qui consiste vouloir produire du bonheur priv par le moyen de l action publique trangement vont se reposer dans ce contexte les questions de la vie bonne qu Aristote mettait d j au principe du bon gouvernement Cet ensemble le droit social la s curit sociale l aide sociale l action sociale forme le compromis stable de la soci t salariale Il vient r soudre ce que le XIX me si cle identifiait justement comme la question sociale Quant au travail social il se trouve juste la crois e des pratiques modernis es de l assistance et du projet d action sociale port par la puissance publique De cette double filiation il lui revient un mode de structuration paradoxal constamment point sous diff rentes figures entre assistance et mancipation entre mandat g Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 1er trim 97 de la soci t et repr sentation au sens politique des individus entre sollicitude pour les individus et volont de changer les institutions et la soci t Mais on pourrait d ployer bien d autres figures de cette construction paradoxale Ces questions sont permanentes elles ne se d ploient pas au fil du temps mais elles font partie int grante du travail social d s son origine N anmoins jusqu ici ce compromis que stabilise l difice du social tait il relativement stable Il est soumis auj
13. cteur Cou car c est une vraie m thode D ailleurs sans le savoir l analyse syst mique l a red couverte pour son propre compte depuis peu Les jeux de la croyance de la cr dibilit et de la l gitimit sont les ressorts indispensables de toute action humaine Et l action publique n y chappe pas Quatri me caract ristique de ces politiques c est le partenariat C est leur mot magique leur gris gris et l aussi c est une vraie m thode Les d l gations qu on citait en montrant la logique d administration de mission sont toutes interminist rielles Elles marquent l puisement de l efficacit des logiques sectorielles dans les politiques publiques L est la mise en uvre de la transversalit De plus en plus la contractualisation de l action publique va s installer comme une nouvelle modalit de l action publique Elle ira de plus en plus au del de la simple pratique des tours de table financiers pour monter des interventions pour devenir un nouvel ajustement entre les diff rents chelons de la puissance publique Car et c est la cinqui me caract ristique ces politiques mergent dans le contexte de la d centralisation politique et administrative qui n cessite de nouveaux r glages de l action publique On ne revient pas ici sur la Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 ter trim 97 9 10 discussion voqu e plus haut quant aux nouveaux r les de l tat dans cette
14. es de circonstances comme les Op rations pr vention t qui visent maintenir la paix dans les quartiers lors des p riodes sensibles I faut rappeler que les meutes du quartier des Minguettes pr s de Lyon lors de l t 1981 avaient fortement choqu l opinion publique Ce mode de gestion de l ins curit urbaine fait une large place aux strat gies de partenariat entre administrations publiques sous la coordination des municipalit s et leur initiative Les Conseils communaux de pr vention de la d linquance ne sont pas des structures dont doivent obligatoirement se doter toutes les collectivit s locales Enfin troisi me rapport celui d Hubert Dubedout maire de Grenoble et parlementaire qui traite des quartiers en difficult Ensemble refaire la ville nonce t il dans un titre rien moins qu ambitieux Le d veloppement social des quartiers puis le d veloppement social urbain puis le Minist re de la ville 1991 et les Contrats ville s inscrivent dans la g n alogie de ce rapport qui inaugure une nouvelle tradition de l intervention publique sur la ville en r alit sur un certain nombre de quartiers en difficult Les politiques de la ville notons le ne sont pas la pure et simple continuit des politiques urbaines Formation professionnelle s curit et lutte contre la d linquance politique de la ville inaugurent de nouvelles modalit s de l action publique Bien s r la nouveaut n est
15. es publics d o peuvent se formuler des r ponses Il est cr ateur d identit s etd acteurs contre courant d un discours qui ne voit le travail social que comme le dispensateur de l assistance et le r parateur d individus malades inadapt s handicap s il faut rappeler sa double construction la crois e de l assistance et de l action comme on le rappelait au d but Il faut aussi rappeler les racines militantes du travail social avant le processus de professionnalisation Dire que le travail social est double c est montrer qu il emprunte la fois des strat gies de gestion et des strat gies d intervention Distinction qui se d cline dans plusieurs registres r parer les individus et construire de l action collective garantir le fonctionnement des institutions et permettre leur changement exercer des mandats et faire valoir des besoins mettre en uvre des techniques et rappeler une thique etc Le travail social est double cela ne veut pas dire qu il y a deux sortes de travail social car l ensemble de ces d clinaisons sont n cessaires son onctionnement est toujours entre les deux entre deux autant dire nulle part Mais l est sa redoutable efficacit en m me temps que sa ragilit Et si les strat gies modernes du d veloppement social chouent elles le doivent en grande partie ce d ni et ce d saveu du ravail social qu elles portent en elles Ne voulant en reconna tre que la partie ges
16. est ici touch car ce d bat n pargne ni le droit du travail avec les enjeux de la flexibilit ni bien s r la protection sociale C est vraiment le compromis m me du social qui esttouch La th matique des politiques de l emploi devient pr dominante et l ensemble des pratiques des politiques sociales se r ordonnent peu peu sous ces nouveaux imp ratifs Les repr sentations de la question sociale en termes d exclusion remplacent les repr sentations en termes de pauvret Se profile ainsi la question dangereuse d une soci t qui aurait un dehors Le gouvernement pr pare laborieusement une grande loi de lutte contre l exclusion devenue entre temps une loi de coh sion sociale La tentation du workfare ressurgit l horizon de la soci t de travailleurs sans travail pour reprendre l expression pr monitoire d Hannah Arendt la fin des ann es 1950 2 Le tournant des ann es 1970 On voudrait maintenant revenir plus en d tail sur ce tournant des politiques d action sociale au milieu des ann es 1970 Le social pourrait on dire change de r gime Il change de syst me de repr sentation et il change de strat gies d action si on reprend ici les deux volets indissociables de toute action publique ll 1 LES TRANSFORMATIONS DE L ACTION PUBLIQUE Commen ons par les strat gies pour renoncer de suite l id e fausse selon laquelle ce serait le changement dans les repr sentations qui conduirait l
17. f d re es CCPD d abord ind pendants s inscrit dans cette logique part de l administration La d l gation pour les jeunes et m me plus tard celle pour le RMI qui rejoint cependant l administration centrale en 1996 rel vent de la m me logique De la m me fa on le Minist re de la ville en 1991 est un Minist re sans 8 Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 fer trim 97 administration Quand d s 1993 il rejoindra les Affaires sociales il perdra cette caract ristique d administration de mission On est donc dans une toute autre logique que celle qui a t d crite jusqu ici pour le social loi linjonction politique prend le pas sur la logique administrative La deuxi me caract ristique de ces politiques c est leur aspect non obligatoire et d rogatoire ne s agit plus ici d dicter des l gislations et des r glementations qui s appliquent de mani re indiff renci e sur l ensemble du territoire de la R publique Tout au contraire il s agit de discriminer de choisir d lire selon des crit res qui et dans quelles circonstances s appliqueront les politiques et leurs dispositifs La Loi sur la ville de 1991 etle Pacte de relance pour la ville de 1996 vont donner un contenu de plus en plus fort cette notion de la discrimination positive jusqu ici inconnue de la logique l gislative On ira jusqu la d rogation fiscale avec les mesures dites de zones franches qui cherchent
18. ie Avant les technologies des politiques sociales consistent classer des individus dans des dispositifs r glementaires producteurs de statuts et de revenus Avec l insertion c est tout autre chose il s agit de construire des parcours individualis s Le contrat d insertion oblige l individu faire part de son projet Non seulement l histoire de ses malheurs comme auparavant mais aussi l expression de ses int r ts de sa volont sa bonne volont bien s r deviennent les crit res qui d termineront sa place dans la soci t Une place conqu rir elle n est pas donn e d avance Tout se passe comme si finalement il revenait l individu de produire le social qui ne lui pr existe plus L envers de Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 1er trim 97 l insertion c est bien entendu l exclusion Ces deux notions ne fonctionnent pas l une sans l autre S il faut produire le social c est que l exclusion se pr sente comme un non social une apesanteur sociale Le couple insertion exclusion d cline les cons quences et les encha nements qui d coulent de l affaiblissement de la soci t salariale est on encore citoyen lorsqu on n est plus travailleur est on encore sujet quand on n est plus ni travailleur ni citoyen C est cette d clinaison qu on trouve num r e dans la juxtaposition des termes qui introduisent dans son titre le pr sent propos juxtaposition qui on l esp re devient du c
19. ilibre et la coh sion de la soci t et logique de l int r t g n ral qui finit par s incarner dans les r glages de l tat social condition de n tre l int r t de personne Face ces apories quand on dit que le social est une articulation il faut l entendre bien entendu comme un ensemble de r glages de compromis de stabilisation de conflits toujours ouveris mais il faut l entendre aussi comme un language Cette articulation donne un sens au monde et rend ses apories bavardes d faut qu elles soient dicibles On peut rep rer au moins quatre domaines du social quatre registres quatre modes d articulation D abord le droit social le droit du travail et la fiction de la subordination volontaire que met en sc ne le contrat de travail Ensuite bien s r les montages de la protection sociale et de l assurance sociale qui d placent la s curit de la propri t au travail D placement consid rable que vient de retracer magistralement Robert Castel Puis le domaine ancestral de l assistance qui devient justement et de mani re tr s significative apr s la stabilisation de l assurance le domaine de l aide sociale Enfin dernier registre l action sociale o l on retrouve le r le central de l tat Ici se produit l intersection de l action de l tat et de la soci t civile car l initiative priv e abonde dans ce champ de l action sociale Mais apr s la seconde guerre mondiale dans la plupart des p
20. ion L tat abandonne t il le terrain du social et ses missions relatives la sociale Ou au contraire faut il analyser ce retrait comme une apparence l tat central confiant l intendance de la gestion du social aux chelons locaux pour ne garder que le pouvoir purement politique d dicter les r gles Se d chargeant des lourdes t ches de gestion improductives sur le plan politique l tat renforcerait ainsi son r le Mais quand m me une br che est ouverte dans la logique de l action publique et qui n est pas sans risques Risques de diff renciations dans la gestion du social qui p sent sur la coh sion nationale D autant que la logique fiscale impose que les ressources des collectivit s locales s amenuisent avec l appauvrissement de leur population en m me temps que leurs charges dans le domaine social augmentent proportion de cet appauvrissement redoutable effet de ciseaux Risques aussi de se d charger sur la march ou sur les solidarit s familiales de missions sociales jusqu ici largement subsidi es par les ressources publiques au nom d une conception de l galit r publicaine et de la justice sociale Risques donc de segmentation du social de social plusieurs vitesses D o imm diatement la seconde question celle du local Les chelons locaux essentiellement les D partements et les Communes se sont vus attribuer les comp tences en mati re sociale Ces comp tences on vient de le dire sont
21. ion sans parole Soulignons le maintenant pour marquer une tape le travail social peut contribuer la construction des espaces publics au del de ses capacit s r parer les sujets sans parole On l a d j dit ce n est pas une nouveaut le social est soluble dans le march Reste l humanitaire Il y a d j longtemps Claude Lefort doutait qu on puisse faire des droits de l homme une politique Mais ce n est pas innocemment que la question revient Apr s tout derri re toutes ces questions sur qu est ce qu un citoyen un sujet il y a bien la question qu est ce qu un homme De cet ensemble ainsi pos dans son architecture je ne parlerai maintenant que d un aspect celui du travail social la crois e des questions multis culaires de l assistance aux pauvres et des questions modernes de l action sociale comme action publique Et je l aborderai entrois temps D abord un regard historique sur la construction de cet aspect du social en France entre les ann es 1880 et nos jours Le regard historique n a pas ici pour fonction de regarder derri re son dos de mani re mieux mettre en vidence la sp cificit du pr sent Il a au contraire pour fonction de marquer la permanence voire le retour des probl matiques et des strat gies Ensuite on insistera sur un moment tr s particulier qui est celui du tournant des ann es 1970 1980 cette poque le social se transforme D abord par un d placement de son cen
22. mps f odaux et des d lires industriels Ce qui n est pas certain On parle ici bien s r de la d mocratie pratiqu e celle laquelle le citoyen participe dans les contextes de sa vie quotidienne et qui par embo tements l am ne se poser comme citoyen du monde Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 1er trim 97 11 Bref d une d mocratie participative qui fait la l gitimit de la d mocratie repr sentative Dans les espaces publics de discussion les citoyens produisent le territoire politique o s laborent se discutent se transforment s appliquent les r gles de leur vie en commun Un r ve une utopie mais c est l utopie d mocratique nous n en n avons pas d autre si la d mocratie demeure l horizon de notre gouvernementalit Enfin troisi me notion troisi me cat gorie la s curit Disons qu elle a deux volets un volet proprement s curitaire et un volet solidaire Un double constat pr side la gen se de cetie nouvelle cat gorie D abord le constat de l affaiblissement des appareils identitaires qui encadraient la socialisation dans la soci t industrielle On peut voquer ici les analyses de Fran ois Dubet qui montre la d structuration des individus dans les contextes o s effondrent tous les rep res de la socialisation C est bien un processus de perte d identit qui se produit et qui d samorce toute capacit d action dans la vie publique Alain Ehrenbergl pour
23. nfin derni re caract ristique et l ment central qui synth tise tous les autres ces nouvelles politiques publiques sont territorialis es Cela veut dire deux choses que le territoire est leur lieu d organisation mais aussi et surtout qu il devient leur objet La population et non plus l individu est l objet des politiques Quant leur organisation s r un mode territorial local en lieu et place d un mode national central elle soul ve toutes les questions de l gitimit qu on a cit es plus haut C est pourquoi il faut distinguer les politiques sociales territorialis es comme nouveau mode de gestion de politiques qui restent pour l essentiel con ues sectoriellement et centralement des politiques territoriales qui expriment l mergence encore incertaine d un nouveau mode de production et de l gitimation des politiques publiques autour de la notion encore fragile de gouvernement local C est toute la distance qui s pare le territoire comme espace de gestion de la production politique duterritoire ll 2 LES NOUVELLES CAT GORIES DE L ACTION PUBLIQUE On vient de voir les strat gies et les technologies politiques On se propose d examiner pr sent les cat gories qui accompagnent et informent ces technologies politiques Elles sont au nombre detrois l insertion le territoire et la s curit L insertion est la cat gorie qui fait passer d une logique de la classification une logique de la g n alog
24. oup encore un peu moins nigmatique La deuxi me cat gorie celle de territoire on vient de l voquer C est une notion essentiellement politique De l individu la population elle organise un nouveau rapport de la politique ses objets Pour en montrer la nouveaut on voudrait rapidement d crire trois modalit s de ce rapport celle du terroir celle de l espace etcelle enfin du territoire Le terroir est ce mode particulier qui combine distance sociale et proximit spatiale Le terroir est essentiellement un espace d interactions une distance politique maximum celle du seigneur et du serf par exemple elle combine une proximit g ographique qui fait qu il y a plus de contacts et d interactions concr tes dans les contextes de la vie quotidienne entre le seigneur et son serf qu entre le citoyen et l lu r publicain d aujourd hui C est que finalement le seigneur et le serf vivent dans le m me monde ce qui n est plus forc ment le cas du citoyen et de l homme politique en particulier du fait de la professionnalisation des fonctions politiques Si l exercice de la d mocratie ne parvient plus combler cette distance et si l identification du citoyen ses repr sentants ne fonctionne plus du fait de la distance qui tend s parer les mondes sociaux dans lesquelsils vivent alors l quilibre politique des d mocraties repr sentatives risque d tre rompu La notion de territoire politique surgit p
25. our combler cette distance dangereuse L espace correspond ce mode de gestion particulier du territoire g ographique par le politique qu on voit l uvre dans la soci t industrielle L espace est instrumentalis D abord on l a vu il est gal indiff renci du point de vue politique La R publique estavant tout assimilatrice Par cons quent la strat gie spatiale du politique c est l am nagement r partition de l activit industrielle flux de main d uvre et politique de logement r seaux de transports production et r partition de l nergie L lectricit mais pas forc ment les soviets Mais c est un am nagement technocratique b tonneur C est l urbanisme des ann es 60 L habitant n existe pas seul l tat sait ce qui peut faire son bonheur Ce sont es d lires urbanistiques des technocrates pench s sur leurs tables dessin et pr voyant o a travaille o a se distrait o a dort o a mange o a jouit L habitant premi re p le figure du citoyen qui ressurgit passablement trill e de ces d lires au milieu des ann es 70 quant lui ruse r siste et prend sur les pelouses des chemins de raverse Le territoire correspondrait la fin de ces d lires au retour du politique et du citoyen dans les espaces publics de discussion o s labore la d mocratie Il est donc une possibilit d un retour de la d mocratie supposer que nous soyons vraiment sortis des te
26. ourdhui des pressions des transformations qui r activent quelques questions cach es et quelques probl matisations effac es La question sociale revient mais bien s r pas sous la m me forme On voudrait donner ici quelques l ments d interpr tation de ces transformations en cours et dont l volution il faut le souligner demeure assez largement ind cidable m me si on le sait le social est soluble dans le lib ralisme Je me limiterai pour cette analyse au contexte que je connais le mieux c est dire celui de l volution des politiques sociales en France entre le milieu des ann es 1970 et le d but des ann es 1990 Mais comme je n aborderai pas tout je voudrais tout de suite souligner quatre points centraux dont tous n auront pas la m me importance dans ce qui suit mais qui sont pourtant des points de passage oblig s pour la compr hension des processus en cours En les citant je donnerai en m me temps les raisons du titre nigmatique qui proc de par collage en allant de l tat la subjectivit Le premier point de passage est bien entendu celui de l tat La France mod le de l tat jacobin centralisateur a connu au d but des ann es 1980 un processus de d centralisation administrative et politique L action sociale a fait partie des domaines qui ont t le plus soumis ces processus de d centralisation Que devient d s lors le r le de l tat tut laire dans cette nouvelle configurat
27. pas totale Les stages pour les jeunes existent depuis 1977 avec les Pactes pour l emploi des gouvernements Barre Les op rations Habitat et vie sociale infl chissent d s 1976 les politiques urbaines vers une plus grande prise en compte des habitants dans le traitement des probl matiques urbaines En 1980 le rapport d Alain Peyreffite sur la d linquance et la s curit t moigne d une sensibilit de plus en plus exacerb e de l opinion sur les probl mes de l ins curit urbaine I faut noter que ces politiques ne naissent pas de l action sociale mais sa p riph rie Tr s clairement le Minist re des Affaires sociales n initie rien Au mieux il est convoqu pour pourvoir l intendance des nouveaux dispositifs Mais ces politiques syst matisent un nouveau mode de l action publique dont on rappelle ici les six traits principaux C est ces caract ristiques qu elles doivent la d nomination de politiques transversales Premi rement ces politiques rel vent d une administration de mission C est dire que linjonction politique est leur moteur Chaque rapport qu on a cit rel ve d une mission confi e par le premier Ministre et dont on attend des recommandations pour l action Les dispositifs qui en ressortent chappent l administration ordinaire La D l gation interminist rielle la ville qui fusionne le Comit national pour le d veloppement social des quartiers et le Comit national qui
28. s le politique se soumet de plus en plus la raison conomique C est pourquoi les raisons politiques sont beaucoup plus explicatives Le social r siste mal au tournant lib ral des politiques sociales partir de 1974 qui saccentue sous les diff rents gouvernements de la pr sidence de Val ry Giscard d Estaing Le march devient le grand r gulateur de la soci t et les politiques sociales ont pour fonction premi re de permettre l acc s au march des populations qui en sont cart es momentan ment essentiellement par le biais des aides mon taires L id e politique majeure est celle des in galit s n cessaires La notion de justice sociale jusque l fond e sur la conception r publicaine de la r duction des in galit s volue vers une notion de l quit directement inspir e de John Rawls et qui conduit un lib ralisme social o vont puiser aussi bien la droite lib rale qu une grande partie de la gauche socialiste Dans cet effacement des fronti res qui marquaient jusque l les r f rentiels des politiques publiques l action sociale va se trouver confront e la d licate question de devoir produire ses raisons sa l gitimit justification dont elle tait jusqu ici prot g e par la belle rh torique de la neutralit Elle n tait pas du tout 6 Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 Ter trim 97 pr par e cet exercice Etle travail social va alors plonger non sans fascination
29. sa part renforce ce constat dans l analyse qu il fait de l usage des drogues illicites Cette destruction des sujets montre la d faillance du politique c est dire son incapacit faire de la subjectivit une question politique Sans l adh sion des citoyens sans la l gitimit des politiques sans la capacit de d livrer un sens partag parce que d mocratiquement construit en commun sur le vivre ensemble au fond c est ce qu on appelle le lien social comme lien symbolique c est dire quand ne sont plus remplies ces fonctions qui rel vent du politique c est la subjectivit qui s effondre Ensuite le constat parall le de l affaiblissement de l tat providence renforce le processus Affaiblissement de l tat providence et affaiblissement de la soci t salariale vont bien entendu de pair ne s agit pas d un appauvrissement de la soci t nos soci t s d velopp es rappelons le sont de plus en plus riches mais de plus en plus in gales il s agit d un appauvrissement de l tat qui ne r siste plus aux imp ratifs lib raux de la mondialisation et de la comp titivit C est donc une crise de la r partition et de la redistribution des richesses l puisement du mod le de l tat social Alors l tat se d fausse sur la march pour tout ce qui conceme des services correspondant des demandes solvables comme dans le domaine des personnes g es se d fausse sur les solidarit s familiales qui
30. struction des sujets le racisme la drogue la violence comme action sans finalit comme action sans parole Ce vide est li la crise de l emploi qu il faut distinguer du d bat sur le travail m me si ces deux d bats sont profond ment li s parce que l emploi fixait les appartenances les trajectoires et les identit s n y a plus de sens disponible Yves Barel le soulignait d s les ann es 1980 Aujourd hui les livres abondent pour souligner la crise du sens le plus souvent sous la m taphore de la crise du lien social L exclusion voil une formule bien pratique et qui nous en cache autant qu elle nous en dit y aurait donc un en dehors de la soci t Si c est vrai c est politiquement une invention majeure est vrai que les grecs avaient d j la leur Certains r gimes du si cle l ont pouss e un peu plus Mais il est vrai qu on peut imaginer des totalitarismes doux ne dramatisons pas Mais on ne produit pas du sens avec de la litt rature m me si on peut y contribuer C est d ailleurs le r le des intellectuels si ce r le a encore une place aujourd hui On produit du sens en faisant de la politique c est dire dans une d mocratie par la d lib ration des citoyens Et l on peut combiner ces quatre questions pas de sujet sans parole pas de parole sans d bat pas de d bat sans citoyen pas de citoyen sans espace public le local pas de discussion sans r glages i Etat ou pas de discuss
31. te naissance paradoxale mais il est clair qu elle marque la fois l apog e et le d clin dune certaine forme de l action sociale fortement impuls e par la puissance publique et notamment par l tat On peut pointer rapidement les infl chissements principaux qui marquent la p riode C est d abord bien s r la question des co ts Longtemps on invoquera les cons quences du choc p trolier de 1973 1974 pour justifier la n cessaire rigueur qui doit d sormais s imposer aux d penses sociales Pour l action sociale la fin de la croissance advient tr s vite M me l vidence d une soci t dont la richesse globale s accro t de 70 entre le d but des ann es 1970 etle d but des ann es 1990 ne vient pas bout de cette politique de restriction C est que les raisons en sont plus profondes La premi re raison est que le social est consid r d abord et uniquement comme un co t Dans le raisonnement conomique tout se passe comme si le social n apportait rien la richesse nationale La deuxi me s rie de raisons tient des remaniements plus profonds des rapports entre l conomique et le politique et donc une r valuation d ensemble du social qui rappelons le constitue leur articulation Si la rigueur gestionnaire p n tre ainsi le social c est que change profond ment l ordre des raisons qui le l gitime Le social s aligne sur les crit res de rentabilit de performance de comp titivit travers lesquel
32. tionnaire r paratrice elles ne parviennent pas mobiliser e travail social dans les logiques de projet qu elles d clarent vouloir mettre en uvre est donc absolument n cessaire de rappeler que le travail social contient aussi dans son projet historique une volont mancipatrice des individus et des groupes Donner la parole restaurer des identit s faire merger de l acteur social cr er des espaces collectifs tous ces savoir faire font partie de l ing nierie du travail social Mais il faut bien voir que l injonction cr er de la citoyennet et une injonction paradoxale Car elle entre in vitablement en comp tition avec la comp tence et les enjeux de la sph re politique et donc de la classe qui l incarne aujourd hui professionnellement Le travail social ne remplace pas la d mocratie mais il est un outil au service de la d mocratie Car on pense avoir au moins fait apercevoir que l s questions du pouvoir les questions de la d mocratie et les questions de la subjectivit sont enti rement li es Et c est cette liaison qu on appelle le lien social Or les travailleurs sociaux sont des travailleurs du lien De deuxfa ons NOTES 1 CASTEL Robert Les m tamorphoses de la question sociale Une chronique du salariat Paris Fayard 1995 2 Ce risque est tellement ressenti qu en 1995 Simone Veil Ministre des Affaires sociales a r introduit une distinction que la d centralisation avait effac e
33. tre de gravit politique du central au local et un nouvel agencement entre les fonctions de gestion et les fonctions de mission du travail social Pour le dire rapidement on passe de politiques qui produisent du sens des politiques qui fabriquent de la proc dure Trois nouvelles cat gories informent l action linsertion le territoire etla s curit Enfin ma troisi me tape mais qui sera en m me temps une conclusion s interrogera sur ce qu il advient au travail social au milieu de ces transformations Moins que jamais ce sera une 4 Les Cahiers de Prospective Jeunesse Vol 2 n 1 Ter trim 97 figure de style de dire ici que cette conclusion est provisoire En effet les enjeux de l poque demeurent malgr tout relativement ouverts et ind cidables 1 La construction de l action sociale en France l initiative priv e l Etat le march Encore une fois ce n est pas toute l histoire du social dont on va parler ni tout le social ni toute l histoire Je voudrais simplement pointer quatre grandes tapes qui du reste sont moins une reconstruction chronologique que le rep rage de configurations et de contextes Le premier moment est celui de la troisi me r publique des ann es 1880 la fin des ann es 1930 Trois l ments dominent dans ce contexte D abord c est le caract re moteur et omnipr sent de l initiative priv e Le social na t dans les multiples initiatives de la soci t civile L tat
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