Introduction (Fichier pdf, 31 Ko)
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1. Jacques Rousseau en d autres textes a pos les conditions d une coop ration interpr tative Admettons cependant que la notion de coop ration doit plut t tre comprise comme une le on d interpr tation don n e par l auteur lui m me son lecteur Rousseau a toujours form le souhait tr s puissant que ses livres soient utiles C tait pour lui une justification essen tielle sa t che d crivain L utilit revendiqu e et affirm e justifie dans Rousseau juge de Jean Jacques comme dans ses autres textes la d marche qu il entreprend Elle d passe la simple d fense de ses int r ts particuliers Lectures argumentaire et mode d emploi Jean Fran ois Perrin propose dans son travail La disposition du propos dans Rousseau juge de Jean Jacques une analyse m ticuleuse syst matique de l argumentaire de l ouvrage il tisse des canevas constituant un index de circulation rapide tude pr cieuse qu il faut lire l ouvrage en main en sui vant l orientation propos e par ce texte qui prend la forme d un m moire judi ciaire Rousseau est connu pour ses qualit s de pol miste elles se r v lent dans le choix qui est fait du dialogue forme la plus adapt e une argumen tation en pour ou contre Chaque entretien organise l change en proposant un ajustement du champ discursif afin de s accorder en un premier temps partir d un terrain initial de discorde Ce faisant il accomplit une op ration d licat2. du Fran ais Seule demeure l amiti de deux justes Rous seau et le Fran ais Faute de justice politique le bonheur priv est une issue possible merge de Rousseau juge de Jean Jacques la figure d un homme esseul porteuse de toute la v rit des trait s rousseauistes Pour notre auteur dans Rousseau juge de Jean Jacques Rousseau se fait th ori cien de la dissidence tudes de r ception Ourida M ostefai interroge dans son article Les infortunes de la c l brit diffamation et d figuration dans Rousseau juge de Jean Jacques la r ception contemporaine des Dialogues par les contemporains de Rousseau La filiation avec les Confessions est apparue tous comme vidente de l chec de la lecture publique il en r sulte la n cessaire explication que consti tuent les Dialogues O M ostefai pr cise le contexte paradoxal de la r ception des uvres Condamn pour l mile et le Contrat social il conna t dans le m me moment un immense succ s populaire pour son roman Julie ou la Nouvelle H lo se La notori t de Rousseau claire la mont e en puissance de 14 Pr sentation l homme de lettres au xvii si cle et cons quemment la tutelle de l opinion publique Les uvres autobiographiques veulent transformer et la r ception d une uvre et la repr sentation d un auteur objets l une et l autre de d fi gurations Des Confessions aux Dialogues la diff rence essentielle r side dan
3. Elle est introduite par Foucault Il faut attendre 1999 pour que soit propos e en poche GF une dition accessible celle d Erik Leborgne En 1990 une traduction am ricaine Rousseau Judge of Jean Jacques Dialogues Hanover Londres University Press of England propose de consid rer comme premiers les Dialogues La d marche est nou velle elle efface les ann es d oubli d indiff rence voire de m pris dans les quelles ont t tenus les Dialogues La partition du corpus jusqu la Pl iade ordonn chronologiquement tablit une pr sentation th matique entre lit t rature uvres intimes et philosophie Les avatars ditoriaux r v lent les indices des volutions critiques dont le plus marquant est constitu par l ap proche de Foucault Ce texte devient la clef de vo te pour comprendre le sys t me de J J Rousseau Il en constitue un mode d emploi en position d ext riorit surplombante Les propositions formul es par les contributeurs de cet ouvrage ont le m rite de balayer les id es re ues d appr cier sa juste valeur un texte encore m connu ou pire mal connu Nous esp rons que ces lectures marque ront l heureux passage la post rit de Rousseau juge de Jean Jacques 15
4. Isabelle Brouard Arends PR SENTATION Si j osais faire quelque pri re ceux entre les mains de qui tombera cet crit ce serait de bien vouloir le lire tout entier avant que d en disposer et m me avant que d en parler personne mais tr s s r d avance que cette grace ne me sera pas accord e je me tais et remets tout la providence La providence cet appel une autre instance que celle des hommes exprime et le constat pr visible de l chec et l espoir d un recours possible La position strat gique par ailleurs que repr sente le pr ambule interroge la signification de l uvre voque t il d j la cl ture du texte son ach vement Est ce une invitation pour les lecteurs consid rer qu il est inutile d ouvrir le livre ou la sollicitation pressante d un auteur conscient de ses pouvoirs et de ses limites Comment comprendre cette parole paradoxale exprim e pr ci s ment en ce lieu Les lectures pr sent es dans cet ouvrage s emploient r soudre l nigme de ce pr ambule Elles s orientent dans trois directions principales dont les tra jectoires souvent se rencontrent La premi re parce qu elle est r currente est relative l interpr tation d une uvre consid r e comme trange voire monstrueuse Les propositions interpr tatives ici faites r solvent d une mani re assez d finitive l exclusion et de l homme et de cette uvre en par ticulier dont le statut a autoris par effet
5. alification philosophique et litt raire des Dialogues Souvent la critique a vu une opposition entre les Dialogues lieu de l ali nation du sujet et les R veries lieu de l unit retrouv e En fait la certitude parano aque du com plot existe toujours Les Dialogues dans leur radicalit fondent la possibilit d une nonciation autobiographique Ils ont permis la solitude et la qui tude des promenades La diff rence essentielle entre ces uvres est dans la cadu cit de l obsession du nom et de l identit telle qu elle s efface dans les R veries A F Garr ta pose nouveau partir de la r f rence au nom propre la question de l autobiographie Les Dialogues tentent la reconstruction apr s coup de ce qui conditionne l op ration essentielle de l autobiographie la r f rence au nom propre La refondation exige un mouvement d ali nation et de scission interne entre le J J de Rousseau et le J J du Fran ais avant 12 Pr sentation sa r unification au terme du troisi me dialogue Les Dialogues diagnostiquent une aberration et construisent la fiction qui doit y rem dier Le refus du Fran ais de rencontrer J J n est pas selon A F Garr ta la marque de l chec de l entreprise au contraire Il faut de toute n cessit que demeure la diff rence entre Rousseau et le Fran ais appartient seul Rousseau d tre l ul time t moin Du gouverneur au juge Jean Jacq
6. ce par Rousseau en particulier son insistance utiliser l criture une criture de soi pour contrecarrer les d formations d une attitude go ste r sultat de l amour propre limitant le champ de vision Il est urgent d achever pour les autres ce projet d lucidation de ce qu il est t che inaugur e dans les Confessions Il importe d tablir la co ncidence la plus troite entre ce qui est ce qui est vu et ce qui est lu Nous retrouvons l une th matique essentielle celle d une lecture r paratrice condition qu elle soit bien men e ce quoi s emploient les Dialogues Le discours de la fiction est plus vrai en ce sens qu il est seul capable de restituer le v ritable portrait de Jean Jacques Parce que ses uvres sont des actes elles sont plus que sa vie m me capables d instaurer un rap port transparent avec ce qu il est Elles sont v rit A F Garr ta dans son article Rousseau juge de Jean Jacques individu identit et r f rence du nom propre initie le diagnostic de la folie port l encontre de l auteur des Dialogues partir de la scission op r e entre une instance d sign e par le nom Rousseau et une autre d sign e par J J Sous cette d nomination se r f rent deux entit s distinctes l une le J J de Rousseau l autre le J J du Fran ais Cette crise de l unit qui marque la d composition de l identit du sujet donne pr texte ou raison la disqu
7. crivain Cette posture n est pas sans cons quence sur l attitude qu il attend de son lecteur un lecteur prisonnier de l exigence touffante de l auteur La contrainte est forte le dialogue simul entre Rousseau et le Fran ais est en fait dirig au dessus de leurs t tes respectives pour atteindre le sens moral ins tance sup rieure la raison de son v ritable interlocuteur le lecteur un lec teur qui ne peut se d rober aux conclusions de l enqu te exhaustive qui a t men e Les Dialogues sont un plaidoyer ultime en direction de ses contem porains Si cependant la r habilitation de l homme et de l uvre n est pas op rante dans le pr sent la justice se manifestera gr ce la lucidit des ges futurs 11 Isabelle Brouard Arends Rousseau juge de Jean Jacques une uvre autobiographique J C O Neal que nous remercions de nous avoir autoris traduire son article paru dans la Bucknell Review et traduit par Ourida M ostefai Rous seau et ses lecteurs strat gies narratives dans ses uvres autobiographi ques met en vidence lui aussi l importance accord e la lecture moyen privil gi selon Rousseau pour invalider des modes de perception erron s concernant sa personne Les autres sont incapables de comprendre qui est J J ils ont de lui une image abjecte qui n est en r alit que l image inver s e d eux m mes Notre auteur analyse la d marche mise en pla
8. de contamination le rejet de l uvre enti re la radicalisation des points de vue se substitue une compr hension de l uvre qui outre qu elle est un d ni du constat de la folie propose m me de la consid rer comme un pivot de compr hension une clef herm neutique pour l int gralit du corpus rousseauiste 1 Pr ambule Rousseau juge de Jean Jacques Les Dialogues Gallimard La Pl iade 1959 t I p 659 Isabelle Brouard Arends La deuxi me grande orientation de lecture du texte se construit sur un questionnement Rousseau juge de Jean Jacques Dialogues r pond il aux cri t res d finitoires d une uvre autobiographique Comment la situer entre les Confessions et les R veries Doit elle conserver sa place de position m diane Position souvent consid r e comme r ductrice parce qu elle insti tue les Dialogues dans une situation de d pendance peu satisfaisante Il s av re n cessaire d op rer un ajustement ce qui sert de crit re premier la d fini tion d un ouvrage autobiographique Le sujet de l autobiographie c est le nom propre Face cette assertion la classification des Dialogues au rang des uvres autobiographiques m rite quelque examen qui doit r soudre en premier lieu la question de l identit question qui parcourt le texte et qui est pos e d s le d part sur le mode de la partition La troisi me orientation se situe dans la relation auteur lecteur dont nous savons que Jean
9. e se soustraire une d fense pro domo ter le caract re affectif du plaidoyer pour choisir le mode du raisonnement afin d inscrire le proc s de soi contre un autre dans la fiction La t che est paradoxale Jean Fran ois Perrin met en vidence partir de cette rh torique judiciaire les enjeux des Dialogues Rousseau en appelle un proc s public r futant toute accusation 2 Philippe Lejeune Le Pacte autobiographique Paris Seuil 1975 p 33 3 Voir en particulier son Entretien sur les romans entre l diteur et un homme de lettres 1761 qui fait suite la parution de La Nouvelle H lo se 10 Pr sentation sans proposition de d fense sans recourir la pr somption d innocence L assise de la soci t en est sap e les r gles du droit naturel sont bafou es C est partir de cette requ te initiale que se d veloppent les r flexions des protagonistes Les derniers propos de notre auteur mettent en vidence comme d autres contributeurs de l ouvrage le statut particulier de ce texte figure m tamor phique organisme capable d autog n ration les Dialogues auraient comme fonction d assurer la transmission de l int gralit de l uvre rousseauiste d ou vrir la post rit sans prisme d formant la pens e de Jean Jacques Rousseau Cet appel au futur des lectures et des lecteurs explique la th matisation de la lecture qui parcourt le texte Elle participe d une mise en sc ne construite par u
10. n auteur soucieux de parvenir un lecteur id al D marche et proposition qui se retrouvent dans l Entretien sur les Romans de La Nouvelle H lo se aux Dialogues Une fois de plus nous sommes amen s faire le constat de l in terp n tration d une uvre l autre Mich le Crogiez Labarthe dans son travail Post Tenebras Lux L auteur et le lecteur de Rousseau juge de Jean Jacques Dialogues fait tat du carac t re trange et apparemment inutile d une uvre qui a longtemps t mise hors champ litt raire par le jugement h tif port sur ce texte marqu semble t il par la folie de son auteur Comme d autres contributeurs de cet ouvrage elle affirme que le d doublement de la personne ob it un choix rh torique et n est aucunement la trace d une attitude schizophr nique Elle d veloppe ensuite l essentiel de son analyse sur les rapports auteur lecteur que J J Rous seau souhaite construire avec son lecteur Ces rapports sont la clef de la r us site ventuelle de son entreprise Il est convaincu de l importance ensei gner lire autrement car les Dialogues n ont pas pour fonction de parler de Rousseau mais de faire le relev de toutes les erreurs de lecture qui ont t faites sur lui En ce sens les Dialogues mise en sc ne d une le on d inter pr tation peuvent tre d finis comme une uvre autobiographique condi tion d y voir une peinture de soi sous forme de d fense de l
11. ration de fourbes dont l unanimit serait organis e autour d un projet en faveur du mal Il n y aurait dans toute une population pas un seul honn te homme pas un seul juste La r ponse se trouve dans la machination le complot qui actionne des moyens subtils afin d arriver cette emprise de l opinion publique G Allard met alors en vi dence comme d autres auteurs en ce volume l importance que Rousseau accorde au jugement du c ur il sera ultime et seul permettra de r cuser l ini quit du jugement g n ral Rousseau et le Fran ais doivent examiner les faits Commence alors un processus intellectuel complexe pour se faire juge de Jean Jacques il faut d abord juger de Jean Jacques Cette t che d observer de reconna tre de comprendre est la condition de la jus tice ce moment de l observation Rousseau met en vidence la bont de Jean Jacques bont qui trouve son ancrage dans un monde id al qui par r troaction l alimente et l entretient C est le monde de l amour de soi en opposition celui de l amour propre celui du complot G Allard d veloppe cette analyse qui lui permet de revenir cette affirmation des Dialogues comme uvre politique L opinion publique qui m ne le peuple consacre le parfait pervertissement de la volont g n rale La r solution passerait alors par la d nonciation publique pour r tablir Jean Jacques dans la justice qui lui est due refus
12. s la dramatisation pol mique de la r ception elle a pour m rite de poser un principe fondamental de coh rence entre l homme et l uvre Comme d autres contributeurs O M ostefai note l importance de la le on de lecture propos e il faut suspendre son jugement apprendre lire pour sauvegarder une n cessaire libert de conscience Le lecteur pr sent ou futur compren dra alors que le mal n est pas dans le texte mais qu il lui est ext rieur L tude men e par A F Garr ta Les Dialogues de Rousseau paradoxes d une r ception critique reprise et mise jour d un article paru dans la Pens e libre Ottawa 1995 n 5 confronte les diff rentes interpr tations qui ont t propos es des Dialogues Confrontation utile car elle met en vidence certains aveuglements d une critique qui ne voit dans les Dialogues que la confirmation de la pathologie de Rousseau C est le courant de l cole des valuations pathologiques florissante vers la fin du xix si cle d but xx si cle De l indiff rence voire du rejet la consid ration la plus extr me ce texte peut tre consid r comme d terminant pour l interpr tation de l int gralit de l uvre C est en 1959 que para t le premier volume des uvres compl tes dans la Pl iade et que sont ainsi r tablis des passages que l dition Moultou avait retranch s en 1782 Une dition s par e des Dialogues para t en 1962 qui reprend le texte de la Pl iade
13. ues un homme sous surveillance Le passage du gouvernement la surveillance est le fil directeur de l tude men e par Philip Stewart Le surveillant surveill mile et les gouverneurs de Jean Jacques Le surveillant surveill un mile juge de Jean Jacques ce renversement des situations met en vidence des sch mas rh toriques direc teurs qui jalonnent le discours rousseauiste en une fonction rituelle la nature obsessionnelle Parmi ceux ci la ligue de surveillance qui assi ge Rousseau dont la pr sence est ant rieure Rousseau juge de Jean Jacques mais qui trouve dans ce texte particulier une force remarquable par l emploi et l accumulation de termes comme observer surveiller veiller observer pier guetter etc Deux actions s entrem lent en permanence diffamer et emp cher Elles interdisent tout acc s au tribunal de l opinion publique c est la raison pour laquelle Jean Jacques Rousseau se doit de devenir son propre avocat pour d truire les murs de t n bres dress s contre lui lui donnant ainsi l illusion de la libert C est partir de la notion de contr le que Ph Stewart met en vidence l analogie avec l mile Utilisation des m mes vocables pier emp cher remarque le verbe guetter est inexistant dans l mile confusion possible d attribution du texte tant les phrases se ressemblent terme terme Les situa tions sont identiques se r p tent de l mile Rousseau j
14. uge de Jean Jacques la surveillance du gouverneur est permanente l l ve reste sous son regard vigilant comme Jean Jacques ne peut chapper l observation de la ligue Une diff rence essentielle manifeste cependant la fronti re entre les deux textes le pr cepteur prouve de la sympathie l gard de son l ve l ob servant tudie l l ve plus qu il ne l pie Les ennemis de Jean Jacques quant eux l espionnent Ses surveillants sont une r plique malveillante du gou verneur La proposition qui en d coule met notre esprit en alerte c est parce qu il a d abord imagin le r le de contr le de surveillance du gouverneur dans l mile que Rousseau peut imaginer le complot dont il se croit l objet Jean Jacques guetteur devient Jean Jacques guett G rald Allard dans son article La pens e politique des Dialogues le juste l injuste et le juge paru initialement dans les tudes Jean Jacques Rousseau 1995 n 7 consid re la discussion imaginaire portant le titre 13 Isabelle Brouard Arends Rousseau juge de Jean Jacques comme un livre politique car elle expose un cas limite dont la pens e politique doit rendre compte Jean Jacques est en effet un exemple du traitement parfaitement injuste d un homme parfai tement juste Premi re incoh rence mise en avant dans les Dialogues la deuxi me n est pas sans cons quence il s agirait d admettre une volont g n rale constitu e d une g n
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