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BROADWAY - Lycéens et apprentis au cinéma en Pays de la Loire

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1. Fosse commune fausse histoire Au dessus du film double fond plane un nuage o le verbe est roi modeste dans ses ambitions mais qui ouvre le film vers une dimension de l ordre du litt raire Si la figure du puzzle relay e par l errance au bord du trou noir des souvenirs d enfance nous emmenait vers des rives per ciennes ou le E disparu prenait le visage de Rosa nous sommes aussi dans les contr es o les films prolongent leur cho sous l gide bienveillante des crits accompagnant et magnifiant les films de Resnais de Toute la m moire du monde Hiroshima mon amour en passant par Nuit et brouillard trois films dont les th mes trouvent un cho dans BROADWAY On pourrait r ver pire parent pour un premier film G F Lyc ens et apprentis au cin ma R gion Pays PANA POI 2
2. Lyc ens et apprentis au cin ma R gion Pays PIANA E p 02 diforia n proposant au public de Lyc ens ef apprentis au cin ma un film d une jeune r alisatrice dont c est la premi re r alisation nous avons voulu saluer deux aspects de son travail qui le distinguent Cest d abord un film qui prend place parmi les diff rentes tentatives actuelles tant cin matographiques que litt raires de traiter de la filiation en m lant troitement l intime l historique l enqu te sur un sujet br lant et l itin raire personnel C est aussi un film qui s appuie sur la formation de plasticienne de son auteur et la fait d embl e P passer c t des cat gories cin matographiques reconnues Il a en particulier le m rite d int grer dans sa d marche artistique l exploitation d une mine encore peu exploit e celle des films de P P famille en 16mm en super huit en neuf cinq qui dorment dans des bo tiers qui commencent se rouiller et dont les tr sors ne revivent souvent que gr ce aux historiens Ce documentaire pr sente aussi l int r t de se situer la crois e de deux genres que les l ves c toient g n ralement en litt rature la biographie et l autobiographie travers l enqu te pour cerner la personnalit de Rosa Sch fer son arri re grand m re Judith Josso souvre l introspection cin matographique pour mieux r pondre cette question lancinante et pourtant toujours d actualit Je peut i
3. ses affirmations et ira en Allemagne les v rifier Comme si la piste de cette m moire tait consid r e comme jamais perdue Les petits enfants de Rosa sont eux au c ur du propos Il y a quelque chose d mouvant les voir se confronter aux questions de Judith On imagine facilement que ce ne fut pas forc ment une preuve facile pour eux On sent dans les choix du dispositif de filmage par Judith une volont de saisir chacun d entre eux dans un cadre familier rassurant car elle avait bien conscience que la conversation pouvait les mener sur des chemins peu rassurants Nous disons par ailleurs voir l article Des infortunes de la m moire combien on retrouve chez chacun d entre eux nombre des cas de figure classiques des aventures de la m moire de la recherche des souvenirs et des arrangements que tous nous sommes amen s faire avec l autre versant de la m moire l oubli les oublis et leurs manifestations Mais insistant dans ses questions confrontant tout le monde aux photos ou l absence de photos Judith am ne sa famille et nous avec de plus en plus loin On reste apparemment la surface de quelque chose d universel de commun beaucoup m me si cela peut prendre des formes tr s diverses le secret de famille Il ne sera pas nomm mais l accumulation de nombre de termes tr s connot s sur l interdit le tabou le cach le secret l
4. agit ou de la crainte de la participation de Rosa ou la Shoah l holocauste la solution finale bref l extermination des Juifs pendant la guerre ou des interrogatoires de r sistants ou aux deux L articulation avec la protagoniste du film Rosa est simple Rosa tait Allemande elle parlait allemand elle a travaill comme interpr te la Kommandantur pendant la guerre des Juifs ont t d port s partir d Angers des gens ont t tortur s et tu s il est possible quelle y ait particip son niveau Rien ne vient tayer cette hypoth se sinon que la grand m re de Judith affol e voulait que l on fasse le silence absolu sur cette p riode et quand on per oit travers les t moignages la force de la haine du boche longtemps apr s la r action de la fille de Rosa la visite de cette dame qui posait des questions peut s expliquer simplement par cela Il nemp che que cette hypoth se sous jacente l ensemble du film est v cue et pr sent e diff remment par chaque g n ration Une autre fille de Rosa met des certitudes des oublis c t de souvenirs pr cis la couleur des yeux de Rosa ou des explications partielles le charbon l attitude de sa m re envers les gens Elle semble loin de toute la r alit de cette poque v cue par sa m re au point qu elle s attire la remarque irrit e de Judith C tait ta m re quand m me et que Judith passera outre
5. d amateur en fin de bobine rempli de trous La qu te commence on revient la question du d part G F 1 PEREC Georges La vie mode d emploi Hachette coll POL 1978 2 PEREC Georges W ou le souvenir d enfance Deno l coll Les Lettres nouvelles 1975 r d Gallimard coll L Imaginaire n 293 3 Toute la m moire du monde Alain Resnais France 1956 22 mn Analyses BROADWAY que caches tu p 10 L a s quence d introduction du film de Judith Josso se pr sente comme une nigme Une valise bleue au nom de BROADWAY interpelle le spectateur d s le premier plan Le personnage qui est l au c t de la valise pos e au sol regarde la plage sur laquelle hommes femmes et enfants se d tendent et jouent Cette plage d couverte avec louverture musicale se teinte de nostalgie Le film voque des moments heureux Au del de la plage l oc an glisse vers l horizon Est ce l que le regard hors champ du personnage se perd Ou bien encore plus loin vers cet autre continent voqu par la valise New York Manhattan Broadway Le film de Judith Josso va t il nous parler d un d part D s le deuxi me plan la valise livre son contenu Sur le sol tel un tapis aux motifs infinis des photographies de toutes dimensions et couleurs aux contours dentel s ou non aur ol es par le passage du temps s exposent au regard Ce plan n est pas sans rappeler les installations de Christian Bol
6. mise en r cit Je croyais plut t que c tait sa m re ou plus simplement une Tzigane Pas du tout Elle avait des Tziganes c t de chez elle Elle y allait tout le temps Ils se recevaient Elle faisait partie des Tziganes Dis toi bien que les Tziganes faisaient partie de leur vie Ils n taient pas rejet s comme maintenant ou enferm s dans un camp comme jen ai vu Non Ils taient dans le village et ils taient admis Elle tait d guis e parce quelle coutait comme dans les pays de Es tu sais bien la musique fzigane L interpolation permet le r cit L exp rience les connaissances historiques ou sociales l imagination structurent une nouvelle m moire que R gine Robin appelle m moire involontaire Ainsi ce qui constitue la m moire involontaire ce ne sont pas les souvenirs tels qu ils ont t v cus enregistr s mais tels qu ils sont rem mor s le tissage de ses souvenirs le travail de P n lope de l oubli Cette exp rience de r cit cin matographique illustre parfaitement cette phrase d Edgar Morin Le r el est pris en sandwich entre deux imaginaires le souvenir et l imagination Le tissage de ses souvenirs est accompli Rosa Tzigane sort de l oubli un lien nouveau s est tiss entre Rosa et ses descendants Le r cit de la tante de Judith Josso fait merger une nouvelle facette d une personnalit toujours nigmatique La v rit se trouve bien au
7. moire familiale e Introduction voix off la qu te de l identit de Rosa appara t comme un espace de projection e La venue en France de Rosa les raisons de sa venue avant la premi re guerre mondiale sont d velopp es comme autant de possibles par chacun des membres de la famille Premier surgissement de la m moire e Rosa est devenue une l gende le silence favorise tous les r cits et les fantasmes e Portrait physique de Rosa la m moire dans son surgissement se fait pointilleuse et pr cise e Le go t des fruits chacun porte en lui une part de Rosa e Le r le de Judith Josso dans l veil de la m moire familiale le souvenir se d robe dit la voix off Les photographies les films familiaux sont pr sent s comme autant d l ments permettant d activer la m moire e Que sest il pass pendant la guerre Interrogations multiples et r cits crois s Les familles taient elles m me surprises de leur lien de parents piser e La douleur de porter une histoire familiale travers e par la guerre vocation des traumatismes personnels e Allemagne retrouver la part allemande de la famille vocation de la vie dans les campagnes allemandes au d but du XX si cle La famille s largit la m moire aussi e Conclusion le corps r concili individuel familial historique BROADWAY met en sc ne un processus de r conciliation Partant d un constat de blocage de s
8. quence o j ai pu d velopper une composition plus complexe plus riche on y entend de la kora jou e au doigt ou l archet m l e des sonorit s tr s num riques Il y a un grain qui r agit bien celui des images d archives G E p 06 Axes Des inforfunes de la m moie au tiomohe de l motion ela commence par un d part sur fond de mer et de ciel bleu qui d bouche sur une tendue de photos jonchant le sol comme on tale les pi ces dun puzzle avant de s y attaquer Dans les deux plans une jeune femme l auteur dont on va bient t entendre la voix C est un film au je qui pose d embl e la pr sence et en m me temps l absence d une protagoniste capitale figure du pass C est donc un film sur la m moire non pas celle du devoir de m moire ponctu de ses comm morations mais celle de l exigence de m moire personnelle intime profonde d sir de retour sur un sentiment issu des sensations de l enfance fait de tendresse et de myst re Tendresse d une voix cout e la t te pos e sur les genoux de l a eule myst re d une voix dont le message tait incompr hensible Car Allemande C est l que les souvenirs d enfance dont on sait qu ils ne se partagent pas car ils sont la preuve de notre singularit s articulent sur autre chose Cet autre chose r sonne d s les premiers mots de l auteur avec Rosa Sch fer est n e en Allemagne et son cho perdure plus
9. Ainsi BROADWAY n chappe pas la mise en sc ne et donc la fiction inh rente tout film quel que soit son genre L histoire du cin ma m me d s ses d buts abonde d exemples c l bres Certaines analyses du film Sortie d usine 1895 des Fr res Lumi re montrent qu il ne s agit en rien d un documentaire mais de la mise en sc ne d un quotidien qui ne ressemble pas dans la r alit la proposition du film En effet les ouvriers d tournent le regard de ce qui leur fait face et qui correspond cette occasion l emplacement de la cam ra sans jamais s engager dans cette direction De m me dans le film de Robert Flahery Nanouk lesquimau 1922 le r alisateur s appuie sur un personnage principal et sa famille dont l histoire de vie est totalement mise en sc ne Si en tant que r alisatrice Judith Josso met en sc ne les rencontres avec sa famille elle tient aussi dans le film une place particuli re Actrice de celui ci personnage principal elle quitte la plage et ses plaisirs pour entrer r solument dans le film une valise bleue la main Entrer dans le film cest p n trer avec elle dans lunivers de son travail de plasticienne et dans son intimit familiale Le voyage est bien trange partir se fera de l int rieur pour aller l int rieur int rieur de la valise visite intime de sa m moire et de celle des membres de sa famille mise en sc ne dans leurs int rieurs respectifs Des diff re
10. D abord ce mot dont la fortune a accompagn le si cle le si cle de Rosa boche D origine incertaine ou comme souvent multiple il tra ne sa connotation p jorative depuis la guerre contre les Prussiens 1870 1871 a connu son heure de gloire durant la Premi re guerre mondiale et a ressurgi avec force durant la seconde guerre mondiale Les propos des petites filles de Rosa permettent de relativiser la notice du Dictionnaire historique de la langue fran aise il est tomb en d su tude apr s la r conciliation des ann es 1950 entre l Allemagne et la France Si boche tait un terme que prenait de plein fouet la famille de Rosa de la part des autres on trouve dans le film d autres informations ou expressions dont l approximation historique ou le c t fantasmatique sexpliquent sans doute par les traumatismes li s une poque terrible mais dont certaines nimbent Rosa d une aura peu rassurante Ainsi cette information ramen e d Allemagne par Judith la famille de Rosa tait catholique et pas protestante Dans le tr s catholique Anjou l autre l Allemand ne pouvait pas tre catholique Ainsi plane dans le souvenir fantasmatique de Rosa un parfum d orient ou du moins une repr sentation d un monde de l Esf que l on retrouve sous diff rentes formes plus ou moins anodines Il y a cette information dont Judith d couvrira quelle tait fausse et qui fait mourir le neveu de Rosa e
11. avoir quitt son pays C ette premi re s quence du film se pr sentecommeunitin rairesymbolique d un BROADWAY sur une valise bleue un autre BROADWAY sur une amorce de film un peu sale o appara t le g n rique Alors que souffle le vent sur l cran encore noir puis qu il fait flotter la robe de Judith qui est tourn e vers une plage la mer et le ciel on a d j en t te une id e d vasion de d part vite confirm e par le geste d cid de Judith 3 qui sempare de la valise et sort du champ La position centrale de la valise dans le plan avait d j attir l attention Petite valise mallette plus exactement elle voque plut t ces valises o l on se contente de mettre l essentiel pour un bref voyage ou parce qu on So ie mr a d partir en h te Cette impression se corrige quand on la retrouve dans le plan suivant o lon comprend quelle contenait les photos que lon d couvre l tal es en vrac C tait la bo te noire d une vie de plusieurs vies qu il va falloir d crypter et Judith de survoler les l ments parpill s de cette m moire la recherche d un assemblage possible Car s impose l image du puzzle On peut regarder une pi ce d un puzzle pendant trois jours et croire tout savoir de sa configuration et de sa couleur sans avoir le moins du monde avanc seule compte la possibilit de relier cette pi ce d autres pi ces seules les pi ces rassembl es pre
12. concernent la guerre d Alg rie Judith serait elle promise une belle descendance cin matographique Sa d marche et son r sultat le m ritent G F ous appelons textes les interventions de Judith en voix off en dehors des questions quelle pose aux diff rents protagonistes du film Nous en avons rep r cinq signal s dans le s quentiel aux s quences 1 3 4 5 et 11 le plus long tant de loin dans la s quence 11 c est dire la fin du film Les quatre premiers textes accompagnent l enqu te de Judith le dernier cl t le film Le surgissement du premier texte est analys avec la premi re s quence Il suit l apparition de Judith mais pr c de la premi re question quelle pose Donc la voix que l on entend ne lui est pas forc ment attribu e On se trouve dans la situation de voix off sorte de commentaire classique du documentaire Les autres textes dits off interviendront alors que le spectateur aura d j dans l oreille la voix de Judith posant des questions La perception devient plus complexe on se trouve avec un personnage pr sent l image intervenant face aux autres personnages et dont la voix intervient aussi d un ailleurs On pourrait presque dire que l on est proche d une configuration fictionnelle o un h ros absent commente une action o il est impliqu au minimum on per oit un certain d calage avec la voix off traditionnelle Ce d calage vaut pour les quatre autres texte
13. d un si cle apr s trace ind l bile d une tache aux contours incertains Et l auteur de partir en qu te de la chose Toujours pr sente soit par la voix soit par l image soit par les deux en face dans un miroir dans une confrontation permanente aux autres confrontation qui est la marque de nombre de ses travaux de plasticienne elle transforme sa qu te en enqu te aupr s des membres de sa famille t moins plus ou moins proches Presque l attitude de l historien qui cherche comprendre avance pas pas au fur et mesure que tombent les r ponses Mais celle qui questionne est celle qui suscite fait remonter la surface les souvenirs enfouis Dans le processus de r cup ration m morielle elle s appuie sur un vecteur traditionnel de la r cup ration des souvenirs la photo de l album de famille dont le r le est ici tenu par une petite valise une mallette pompeusement sigl e BROADWAY Les photos de famille formaient ce puzzle en vrac du d but du film et d elles on attend que sorte la pi ce manquante qui va terminer le puzzle ou selon la phrase de Barthes Cette chose un peu terrible qu il y a dans toute photographie le retour du mort Mais la technique volue et le film de famille prend le relais de la photo Le film de famille comme la photo ne dit rien d autre que a a t prend rang de film d archive et devient lieu d une ventuelle trace La construction d
14. de Rosa qui est n e en Allemagne et a v cu les deux guerres mondiales de l autre c t de sa fronti re un certain nombre de dates ou d indications de p riodes ou d v nements qui situent la trame historique et ses enjeux m me si existe une part manquante essentielle Le seul discours historique articul du film est celui du maire de Muggensturm qui se trompe un peu sur l Aufkl rung Si cle des Lumi res allemand qui est ant rieur la p riode qu il indique mais il ne se trompe pas sur l poque o est n e Rosa Sch fer 1883 qui est celle du grand d collage industriel de l Allemagne Pour les contr es rurales comme l o se trouve Muggensturm le pays de Bade cela a entra n un exode rural vers les villes plus industrialis es Il nest pas inutile de rappeler que vers 1900 quand Rosa serait partie pour Strasbourg cette ville tait allemande depuis 1871 Le village de Muggensturm est proche du Rhin donc de l Alsace De m me pour Pautre Sch fer qui Rosa crit Karlsruhe pas loin non plus Dans les explications du maire le d part de Questions d Histoire Quelques rep res historiques Rosa est li l mancipation des femmes mais il lie clairement contrairement ce que la traduction fran aise de ses propos pourrait faire croire cette mancipation lapr s guerre les femmes ayant pendant la guerre pris la place des hommes tous au front Apr s la prem
15. du regard et par le dessin et la peinture fait voir ce quelle cherche La profonde ironie de ce film viendra de l une des d marches les plus banales de l enqu trice qu tonnamment personne n avait faite et qui passe d un registre d tat civil l autre des deux c t s du Rhin Nous ne saurons jamais et l auteur non plus ce que fut une part essentielle du pass de cette femme trou noir vertigineux de l Histoire mais nous lui d couvrons in fine une parent le nombreuse et vive comme une vie rendue Cest en bouclant la boucle de l Histoire outre Rhin apr s que diff rents petits cailloux eurent jalonn le portrait en creux de tout un si cle que jaillit l motion actuelle donc moins diffuse et profonde que le souvenir d enfance mais tout aussi forte incarn e en des tres comme surgis au monde par la d marche de l artiste Ce film a fait lever en nous des chos d autres uvres cin matographiques et litt raires nous emmenant vers Resnais Perec ou Duras et quand l motion nous saisit la vue de deux jeunes femmes qui se sourient sembrassent et se reconnaissent sans Jamais s tre vues nous prenons conscience des chemins sensibles que l on nous a fait parcourir G E 1 PONTALIS Jean Bertrand Avant Gallimard 2012 2 Ibid 8 Ibid Axes BROADWAY un processus de r conciliation ROADWAY s organise autour de grands th mes dont les t moignages se font l cho dans le surgissement de la m
16. explique la condition des femmes Il situe son explication dans le cadre du mouvement des id es en Allemagne au XIX si cle et de la nature de la soci t qui permettait aux seules familles riches de faire faire des tudes aux filles Pendant ces explications le travelling se prolonge dans la campagne les bois des jardins Judith avance dans les rues du village pendant qu un plan fixe cadre des collines lointaines vers l ouest S quence 11 De 00 42 51 00 50 00 Judith s avance dans un couloir puis une pi ce o elle est accueillie par une surprise qui l meut fortement Des regards nombreux des embrassades en plans fixes cest la famille de Rosa Des mains qui se touchent une rencontre qui nest pas en plan fixe avec une jeune fille elles s embrassent Na t une musique un travelling sur des for ts au soleil couchant Commence le long dernier texte de Judith Qu ai je appris L histoire retrouv e les lettres de Rosa br l es Puis des films d amateurs une danse de noce dans la nuit des enfants des poules des jeux une jeune fille d j vue en bord de mer noir et blanc puis couleurs des enfants faisant du sport sur la plage Long d veloppement de Judith sur la m moire et deux pays le premier o je suis n e et l autre o je suis morte Et Rosa s avance vers nous avec son sarreau bleu nigmatique G n rique G E Montage Du rytnme ef de la MUSIQUE comme un battement de co
17. lien avec Broadway toujours pr sent l esprit A cet instant l actrice traverse un cimeti re tandis qu gauche de l cran un film de famille d voile les abords de la vieille ville d Angers Une voix off surgit deux minutes et dix secondes du d but du film et apporte au spectateur des l ments de compr hension Un voile semble se lever l actrice est aussi la r alisatrice Elle est l arri re petite fille de Rosa Sch fer Avec l vocation de Rosa Sch fer le split screen fait place un long travelling sur un paysage au soleil couchant La voix est douce et s accorde la musique Le myst re se d place lentement vers un autre personnage Qui tait Rosa Sch fer Pourquoi a t elle quitt l Allemagne Avec la r alisatrice le spectateur se trouve au d but d une histoire plusieurs inconnues Au moment o s inscrit le titre du film qui ferme la s quence en faisant cho au nom mentionn sur la valise le spectateur peut encore croire que la m moire r v lera des connivences entre l histoire personnelle et celle plus g n rale de Broadway Et pourtant le doute sest install qui fait vaciller l assurance N est ce pas une autre histoire qui va tre voqu e travers cette enqu te sur Rosa Sch fer celle de l Allemagne et de la France Au g n rique du film le myst re est plus profond Les pistes sont plus nombreuses A ultime instant de cette s quence d introducti
18. se trouvent entre les mains de l actrice La forme m me du split screen participe du myst re Le split screen est vraiment li mon travail artistique il symbolise la mati re La couleur vibre dans un cran et pas dans l autre Il y a aussi cette fascination pour le double l installation Lespace entre les deux crans est li l espace du spectateur Dans l installation il y a l espace r el ici cest la bande noire Lespace o l oeil peut se faufiler cest presque une troisi me image un trou noir Celui de la m moire en action Les images du split screen sont mati re et fonction de la m moire Cerveau droit cerveau gauche Ce c t qui bave un peu sale qui vibre est en tout cas pour moi tellement plus proche de la vie du r el et de mon regard d artiste Le grain est comme le grain de la peau D autre part le split screen joue un r le essentiel ici dans la confrontation des documents il donne au spectateur l illusion de les d couvrir au m me instant que la femme brune Qui est elle Que cherche t elle Le myst re demeure cet instant et s paissit malgr la pr sence multiple des documents visuels qui interrogent sans donner de r ponse Ils sont comme un ultime appel l veil de la m moire Le film dans cette s quence d introduction semble en appeler aux souvenirs d enfance aux souvenirs des d funts La qu te personnelle prend le pas sur l histoire commune celle d un
19. une vie qui s est effac e d inscrire dans le pr sent cette vie qui a travers les deux tiers du XX si cle de livrer au spectateur une contemporan it impr gn e d un pass appel r soudre les difficult s du maintenant Rosa Sch fer est n e au XIX si cle si cle qui a vu l image envahir et traverser l espace et le temps Cest la naissance et le d veloppement de la photographie et du cin ma M dia utilis s par l artiste plasticienne pour questionner le temps Et l on retrouve dans son film le charme de l album de famille Sur les photographies expos es dans la s quence d introduction puis utilis es comme vecteur et outil de la m moire et de la parole lib r e la vie de Rosa se teinte d ombres Sa pr sence fantomatique transpara t dans la difficult de chacun lire percevoir Rosa confront e au souvenir et l imagination Sa pr sence photographique n induit pas de vie elle est comme lib r e de son destin Les t moignages sur le portrait de Rosa attestent parfaitement ce ph nom ne trange Rosa est l bien pr sente mais qui tait elle Tzigane amie des Tziganes juste famili re de leurs coutumes Ce n est pas la photographie qui nous livre cela ma s bien la m moire des membres de la famille questionn e interpell e Face l innombrable quantit de photographies contenues dans la valise chacun plonge la main au hasard est ce bien Rosa qui appara t l Le te
20. Montage l int rieur du plan montage entre des l ments internes au plan et correspondant des l ments internes d autres plans Certes certains moments le split screen peut tre utilis de la m me mani re que le montage altern d crit pr c demment et avoir une simple fonction de commentaire comme dans la s quence 4 Judith a lair de composer de son c t un portrait robot mais d un coup mine de rien efface en partie le trait noir du fusain et Rosa de s estomper Mais surtout ces split screens install s d s la premi re s quence nous d livrent une profusion de messages dont nous avons tent dans cette analyse de donner les composantes essentielles la suggestion de l atmosph re d enfance le symbole et l archive familiale les fronti res entre ces directions n tant pas tanches On peut penser que na t l un autre film ou d autres films pour lesquels s impose une image de l ordre de la g ologie comme dans le relief karstique l eau s infiltre vite et cr e sous la surface des petits filets qui se fraient un chemin pour grandir et ressortir plus loin sous forme de r surgence les premiers split screens de la premi re s quence font sourdre dans l esprit du spectateur des premi res impressions que vont relayer les split screens suivants qui ont l air de poursuivre les m mes th matiques en mineur par rapport l enqu te M me si au passage un demi cran fugitif vien
21. S quence 04 De 00 10 49 00 14 20 La musique continue sur le plein cran o Judith continue le portrait de Rosa sur le mur blanc Puis split screen avec Judith qui dessine en plan am ricain et la fille de Rosa qui r pond en plan poitrine lapostrophe C tait ta maman quand m me La musique s est arr t e Avec le m me dispositif chacun des petits enfants compl te le portrait physique avec beaucoup de pr cision pour l un Judith efface le noir du fusain la silhouette de Rosa s estompe se grise mais demeure La couleur envahit le portrait tandis que le petit fils voque la douceur et l odeur de la peau de Rosa d autres les cheveux La fille de Rosa et Judith commentent la carte d identit de Rosa plein cran d saccord de la fille sur la couleur des yeux tonnement de Judith sur l ge de Rosa sur la photo La musique reprend avec le split screen o Judith dessine sur le mur l arbre g n alogique familial pendant que d file un paysage nocturne baign de lune Surgit alors la voix de Judith Combien de lieux encore quest ce que je r pare alors que des photos comme des fruits s accrochent sur l arbre g n alogique Les h ritages S quence 05 De 00 14 20 00 19 10 Avec Judith parfois l cran chaque personnage est interrog dans son cadre personnel sur ce que lui a transmis Rosa l envie de partir de rester dans son village le sens de l accueil la rigidit l im
22. a fa on dont l histoire de son arri re grand m re s est transmise pour tenter den reconstituer les m andres Le temps qui passe devient mati re visuelle et sonore pour offrir en partage ce qui se transforme au fil des rencontres avec les membres de sa famille Les questions pressantes de la r alisatrice trahissent son inqui tude tandis que la voix off pr sente les modulations et les inflexions d un chant qui claire le spectateur sur les transformations qui sop rent en elle La cam ra est autant un moyen d observation des t moins plus ou moins proches d une vie r volue qu un moyen de rapprochement qui se manifeste le plus souvent par un cadrage rapproch qui nexclut pas le zoom Le film devient symboliquement l instrument du r tablissement d un contact d une relation entre chacun des protagonistes de cette histoire en mouvement Ainsi BROADWAY se pr sente comme un documentaire m me si quelques s quences jouent sur le terrain de la fiction provoquant une certaine ambigu t dans la perception du film D s l ouverture du film la mati re sonore ambiante et musicale sur laquelle les premiers Construction dramatique Le genre sous tension plans du film surgissent donnent ce d but de s quence le caract re d une narration lin aire partir de laquelle l imagination du spectateur s veille et cela jusqu l introduction de la voix off dont la fonction explicative d tr ne en partie la fiction
23. ait de cette personne trang re la famille ma permis de resserrer davantage sur Rosa et l histoire familiale alors que je me d menais pour essayer de m loigner de mon histoire La rencontre avec Sylvie Lindeperg qui ma confi un de ses textes ma beaucoup fait r fl chir sur la place de Rosa et la mienne dans le film Le travail de psychanalyse que je menais en parall le la r alisation du film galement Ce film a sans doute pris naissance apr s l enterrement de Rosa Le fait de n avoir pu assister son enterrement a jet un trouble en moi et a suscit de nombreux cauchemars Les non r ponses d adolescente mont donn encore r fl chir Mais c est certainement le travail du film Premi re reconnaissance qui m a pouss e r fl chir sur Rosa et sa place durant la seconde guerre mondiale Donc la phase de gestation sest effectu e sur une quinzaine d ann es environ La forme d finitive a t arr t e la toute fin Je n arrive pas diff rencier l criture du tournage et du montage du film Pour moi c est un tout comme une sculpture en terre autour de laquelle on marche pour ajouter bout par bout afin que tout tienne Et le montage est essentiel dans mon travail 2 Judith est venue me voir avec quelques pages de son projet Convoi N 8 On a donc pu commencer travailler ensemble tr s en amont ce qui est id al Bien s r le projet a tr s fortement volu au fur et mesure de
24. anim e Ann e de production 2010 Dur e 52 INTENTION ROADWAY est un film qui se met en place comme une pi ce de th tre j en suis la fois la metteure en sc ne et l actrice Dans cette histoire tour tour les membres d une m me famille avec des points de vue et des vies diff rents viennent essayer de reconstituer l histoire d une femme sur laquelle plane un myst re Rosa Sch fer leur grand m re et mon arri re grand m re Cette femme semble avoir marqu chacun de nous de fa on distincte Ma tresse femme ou femme au foyer militante pour les cong s pay s freudienne avant l heure herboriste collaboratrice pour les Allemands durant la LE TU i E ia a Pimy di tr ire CET OA BROADWAY em Bees es Me Mecs eos e jee eg De l Me pus me b a deg Eee mom Eu Een CR LL LL A D aii j seconde guerre mondiale ou espionne pour les Fran ais En allant visiter nos archives familiales patrimoine hors du commun de plusieurs centaines de photographies et de dizaines d heures de films 8 mm je vais mon tour tenter de la reconna tre Par le biais d une enqu te qui me poussera de la France l Allemagne ce film interrogera limage manquante et par l m me la M moire Une valise comme h ritage mat rialisation du Wunderblock de Freud maccompagnera dans tous mes d placements BROADWAY souvenir cran du nom de la valise comme promesse d une tonn
25. ante com die humaine Judith Josso p 04 R alisatrice Parcours artistique r ce un parcours atypique trois coles d arts j ai pu enrichir mon travail de multiples rencontres la sculpture le cin ma la photographie la vid o mais aussi la po sie contemporaine Le montage vid o li l criture est devenu tr s t t une n cessit jusqu tre monteur pour d autres artistes et l enseigner Les mono bandes et installations 2 3 et jusqu 5 crans parfois taient destin es essentiellement aux galeries et centres d arts Elles avaient un point commun le portrait de femme et le paysage mais cela change depuis quelques ann es avec l apparition des documentaires de chantiers Aujourd hui utilisation principale de la vid o compl t e par le texte et la voix me permettent de raconter le monde ce que je traverse ce que je rencontre Aussi comme en vid o sous forme po tique les s ries photographiques r alis es durant plusieurs ann es explorent le temps et la m moire par les biais de la disparition de l effacement de la dissolution du pr l vement des traces et des fragments qui chappent J J Gen se ef eGon ans l histoire d un film se m langent les motivations de son auteur la mise en uvre de ces motivations et les collaborations diverses dont on sentoure pour mener bien le projet Ce sont ces interactions que nous essayons de cerner en interrogeant 1 Judith Jo
26. c les sonorit s qui les accompagnent et leur surimpression sur les nigmatiques travellings cest leur capacit sugg rer des distances par rapport ce que lon voit Le plus trompeur serait de croire que les nombreuses questions qui les parcourent et leur donnent un rythme assez alerte seraient du m me ordre que celles de l enqu trice elles questionnent aussi mais ne supporteraient des r ponses que d un autre niveau De m me que les r ponses trouv es act es dans ces textes tombent comme des constatations dont le ton montre quelles sont d j d pass es constatations historiques ou factuelles qui relativisent toutes les autres r ponses obtenues dans le film et qui sont plut t incitation la r flexion Et c est en fait une r flexion permanente qui est l uvre dans ces textes incarn e entre les questions et les constatations par des formules sur la m moire ses difficult s de br ves introspections sur les apprentissages intimes l itin raire qui m ne de l enfance la maturit Rien nest appuy on passe vite d un point un autre l int rieur d un texte tr s crit la ligne prosodique soutenue par une voix sereine Certaines formules font mouche vibrent encore longtemps dans nos esprits De la m me fa on que les mots les silences nous fabriquent Le premier o je suis n et l autre o je suis morte pour ne pas parler de raccourcis qui donnent le vertige
27. c proximit intimit C est la raison pour laquelle chacun des membres de la famille a t interview dans son univers Celui ci de lieu de tournage devient espace d une r v lation possible La prise de son est directe la lumi re naturelle a t retenue et utilis e comme seule source d clairage renfor ant la dimension intimiste et sans artifice dans la plupart des lieux Pas de champ contre champ qui participe d une criture cin matographique fabriqu e propre la fiction Au contraire ici le cadre privil gie la personne l coute de sa m moire toujours assise une table car il s agit pour Judith Josso de provoquer voire de forcer la parole d obliger se mettre table pour mieux capter l instant de v rit travers une expression Le montage s est fait deux avec R gis No l Les changes dans le cadre de ce travail ont permis de r aliser un film qui laisse la sensation d un rythme syncop par des tensions C est l le coeur du film Ce sont les battements motionnels et m moriels provoqu s par ce montage organique dans lequel les s quences d interview sopposent se r pondent se m s coutent dans un ensemble constitu de rapports binaires int rieur ext rieur homme femme campagne mer Chacune des s quences agit et r agit l une sur l autre laissant subtilement percevoir ce qui fait tension conflit dans la famille de Judith Josso Et pourtant tous
28. cation Christophe Caud ran coordination Lyc ens et apprentis au cin ma en Pays de la Loire Premiers Plans Auteurs du dossier Guy Fillion Yveline tienne Cr dit photos Les fims du balibari Yveline tienne Conception et r alisation S bastien Caldas sebcaldas free fr Remerciements Estelle Robin Emmanuelle Jacq et R gis No l Les films du balibari Judith Josso Mathias Delplanque Val rie Gourbil Publication Octobre 2012 Imprimeur Imprimerie Paquereau Angers 02 41 66 40 20 Imprim vert Les textes sont la propri t de Premiers Plans Lyc ens et apprentis au cin ma RENE technigue R alisation et sc nario Judith Josso Image Yoann Martineau Eloi Brignaudy R gis No l Judith Josso Voix off Judith Josso Son Jean Fran ois Ma tre Sandrine Mallon Montage image R gis No l Judith Josso Etalonnage Bertrand Latouche Montage son Mixage Jean Fran ois Ma tre Musique originale Mathias Delplanque Assistante tournage Allemagne Nadia Mokaddem Traductions Guido Schumacher Evyenia Wilkins Mainguy Production Les films du balibari Producteurs R gis No l Ma l Mainguy Estelle Robin You Charg e de production Emmanuelle Jacq Co production GIE Grand Ouest T l vision Canal 15 Vend e T l nantes Avec le soutien de R gion Pays de Loire en partenariat avec le CNC Conseil G n ral de Loire Atlantique Centre national de la cin matographie et de l image
29. ces entretiens convergent vers l instauration d une unit d une communion dont la trame narrative est impos e par les questions inqui tes ou pressantes de la r alisatrice ou par sa pr sence dans le cadre Le passage de l ancienne situation la nouvelle celle des retrouvailles et d une famille reconstitu e se fait par bonds par sauts quantitatifs cela correspond l insertion des plans dans lesquels l esquisse de Rosa Sch fer devient portrait des plans aussi de paysages qui d filent en travelling le tout modul et accord par la voix off Cette voix po tique et musicale lie et noue d une caresse par sa puissance vocatrice par sa capacit transcender les informations et les motions de chacun De cette voix off transpara t parall lement l volution personnelle de la r alisatrice dans sa perception de Phistoire familiale Ainsi ce montage organique constitu de chacune des s quences d interview instaure un dialogue dont le tempo correspond au balancement incessant entre le choix du dispositif de tournage spontan it proximit et cet autre rapport binaire plus abstrait que sont les doutes et certitudes qui surgissent de l vocation m morielle Le tout sorganise sur un axe gen se d veloppement unit retrouv e unit personnelle unit familiale qui traverse tout le film Y E p 16 O n peut rep rer dans l enqu te de Judith qui revient sur le pass
30. cessus de cr ation 3 J ai commenc travailler sur la musique de BROADWAY assez t t Judith a tenu mimpliquer dans le projet d s son commencement Elle ma montr des rushes m a expliqu le projet dans ses grandes lignes Je lui ai donn plusieurs de mes disques elle a pris un temps pour les couter puis est revenue vers moi avec une s lection de morceaux en me d signant des directions qui l int ressaient J en ai utilis certains dans le film Je me suis ensuite mis composer de nouvelles choses en suivant les voies ouvertes par ces morceaux J ai travaill partir d images et de fragments sonores partir de choses tr s concr tes J tais tr s libre je pouvais vraiment proposer beaucoup de choses Elle recherchait une tonalit c est s r une empreinte m lancolique et voyageuse une certaine pure dans le son Encourag par ses choix de musiques j ai creus une veine ambient music faite de formes tr s pur es relativement simples plus bas es sur le son que sur l criture musicale des nappes des bourdons des textures Nous avons t dans ce ton d s le d part et nous l avons conserv Je voulais que la musique du film donne plus ou moins l illusion d une m me et unique musique qui se r p te tranquillement lentement et obstin ment comme Judith travers sa qu te g n alogique Je voulais aussi que la musique ne surcharge pas l ensemble C est une musique m lanco
31. d Histoire La v rit questionn e udith Josso m ne une enqu te pr cise et minutieuse Elle fait tout la fois oeuvre d historienne et d artiste Comme historienne elle consulte et interroge toutes les sources sa disposition d abord personnelles et familiales photographies films puis officielles les registres des archives Angers Au moment o les membres de la famille voquent les origines allemandes de Rosa Sch fer le split screen montre aussi la r alisatrice consultant le registre des trangers allemands r sidant dans la commune Cette r colte sera tout au long du film soumise aux regards aux jugements et l interpolation des membres de sa famille dont la m moire volontaire ou involontaire sera sollicit e tout instant Comme artiste elle utilise tous les m dias tous les supports pour s exprimer et rendre compte d une transmission difficile et fragile travers la photographie le film de famille la parole donn e aux t moins l criture la peinture et BROADWAY qui appara t comme l ultime m dia Judith Josso r v le les diff rents modes de pr sence du pass La photographie et les films de famille qui ont t tourn s partir de 1938 sauvent de l oubli des l ments que la m moire est dans l impossibilit de stocker Lensemble constitue une sorte d aide m moire qui largit le champ de la m moire volontaire C est le cas pour la photogra
32. de la musique des pays de l Est le traitement des Tziganes diff rent du traitement actuel dans des camps Enfin est d couverte une photo o Rosa est sans doute avec sa famille allemande Puis une autre o avec celle qui est peut tre sa s ur elle est au bord de la mer La photo est doubl e et prolong e avec un cadrage presque identique par un film de famille en couleurs o l on voit les deux femmes qui go tent l eau de mer En m me temps que la couleur la musique a surgi Au bord de S quence 07 De 00 23 10 00 28 58 Le visage du portrait peint sur le mur Une main retouche les yeux Judith pose une question sur une femme venue poser des questions sur la guerre Sa m re se souvient de l incident mais se demande si ses souvenirs ne viennent pas de ce que lui a dit Judith Je me m fie de ma m moire Un panoramique relie Judith sa m re Silence M m qui tait Allemande J ai rien entendu Avanc e dans le brouillard sur une autoroute Musique avec des sortes de tintements de cloches Film de famille un enfant joue au soldat Split screen Judith installe un film sur un projecteur et parle de Kommandantur On ne parlait pas devant les enfants dit une petite fille de Rosa Elle a servi d interpr te dit son petit fils J ai oubli dit une autre petite fille Plein cran la fille de Rosa parle du besoin en charbon Elle traduisait des messages au compte des fran ai
33. de trous comme une amorce de film o s inscrivent le titre et le nom de l auteur Pendant que le g n rique se termine et que s teint la musique une voix de femme parle du regret de Rosa d avoir quitt son pays Les raisons d un d part S quence 02 De 00 03 10 00 05 30 En deux s ries de huit plans chacune en montage altern nous suivons deux actions La premi re qui d marre pr sente Judith installant un plastique sur un plancher ouvrant un pot de peinture puis recouvrant un mur de peinture blanche Nous avons le temps de rep rer avant que la peinture blanche ne recouvre le tout que ce mur est rempli de dessins dans des cases et de deviner gr ce un plan un peu plus rapproch ce qui ressemble un casque Quand le mur est enti rement recouvert de blanc elle y dessine en gros traits noirs au fusain un visage La seconde action est lanc e par Judith l cran qui demande une femme de sa famille pourquoi Rosa est partie d Allemagne Ce plan se caract rise par un panoramique qui lie Judith cette femme alors que les autres personnes de sa famille interrog es et qui sera pos e la m me question seront film es en plans fixes Chacune sera film e dans un d cor diff rent plus ou moins clair plus ou moins d pouill Judith n est plus pr sente que par sa voix Personne n a la m me r ponse la m me question Au del de cette information cette s quence a pour effet de pr sen
34. del de toute histoire rationnelle Car comme l crit Walter Benjamin dans L image proustienne un v nement v cu est fini il est tout le moins confin dans la seule sph re de l v nement v cu tandis qu un v nement rem mor est sans limites parce qu il nest qu une cl pour tout ce qui a pr c d et pour tout ce qui a SUIVI Il en va ainsi dans BROADWAY tous les documents propos s sont soumis au crible du regard impitoyable voire ironique des membres de la famille Les certitudes les h sitations les trous noirs de la m moire ouvrent la porte une m moire vivante qui r v le jusqu la faiblesse des documents officiels C est le cas dans cette tr s belle s quence 1243 du film qui propose la lecture en tr s gros plan la carte d identit de Rosa Sch fer La fille de Rosa grand tante de la r alisatrice impose d embl e une position sceptique face aux l ments de l tat civil susceptibles d une perception motive et affective Et elle faisait 1m55 C est possible Elle avait les yeux marron le nez rectiligne le teint clair et le visage ovale Celui qu a marqu les yeux marron elle avait les yeux gris vert Version qu adoptera l artiste plasticienne pour le portrait peint de son arri re grand m re Avec BROADWAY le pass s ouvre ce qu il a nous dire ef dans ce que nous avons encore lui dire N est ce pas l une be
35. e voil l image coup e les pens es coup es les traumatismes etc forment une amorce d analyse collective qui n ira pas jusqu au bout mais qui trahissent la conscience que l on tourne autour de quelque 2 de chose d norme d innommable sinon par la m taphore du trou noir Arrive Judith encore une autre g n ration qui ressent profond ment et affectivement la b ance entre a et la douceur d un souvenir d enfance Voulant combler ce vide elle s attaque au noyau dur Rosa l Allemagne Le trou noir demeurera et son film en quelque sorte le p rennisera en organisant sa puissance d vocation autour de cette pi ce manquante lan ant par l des d bats qui sont loin d tre d pass s Que signifie l attitude de cette jeune femme qui m me par le biais d une d marche affective affirme sa conscience d tre quelque part dans ce qui s est pass soixante dix ans avant C est bien dans sa bouche que l on entend le terme de coupable Sommes nous un degr ou un autre comptables de ce que l on a fait en notre nom Faut il remuer les eaux troubles du pass L appartenance familiale est elle une circonstance exon rant de toute r flexion Au moment m me o nous crivons ces lignes avril 2012 nous apprenons qu apr s avoir lanc en janvier une collecte des films de famille sur sa r gion la Cin math que de Toulouse en a re u un bon nombre dont 30
36. ent le film d archive familiale tout entier tourn vers l enfance des jeux et des vacances tandis que la voix off de Judith d crit l itin raire d un adieu l enfance et de la revendication d un double pass sous le regard de Rosa pour m moire G F Ouverture p dagogique 2 Du split screen l effet Lev Koulechov Sur le mode du split screen il est possible de proposer vos l ves un travail d criture partir de deux photographies tr s diff rentes de votre choix Pr sentez les l une c t de l autre comme un ensemble et donnez votre consigne soit crire une narration un po me ou un commentaire et pourquoi pas les trois Ce sera pour eux l occasion d exp rimenter ce qui au cin ma est appel l effet Lev Koulechov Effet Koulechov c est la d monstration que toute image est potentiellement riche d un certain nombre de significations qui ne lui appartiennent pas en propre mais qui r sultent de son association d autres images Le montage ne se contente donc pas d additionner les plans mais il implique et au besoin invente une relation entre eux YE Nous vous proposons deux photographies qui pourront servir votre exp rimentation qui e iiag eN EN AT a ETag BE Yveline tienne p 22 ROADWAY poss de le pouvoir de rapprocher les saisons de confronter les poques Le film est l occasion pour Judith Josso de faire un retour sur l
37. er 1963 Y E Analyses De BROADWAY BROADWAY p 08 Les d parts S quence 01 De 00 00 00 00 03 10 Apr s avoir m dit en face de la mer de dos Judith sempare d une mallette bleue BROADWAY pos e c t d elle et elle part pendant que d marre une musique lancinante comme suspendue On la retrouve assise dans une pi ce o elle ouvre la mallette devant une centaine de photos manifestement anciennes pos es sur le sol comme les pi ces d un puzzle construire Puis se succ dent plusieurs split screens combinant des ponts en noir et blanc ou en couleurs des extraits de films d amateurs montrant une promenade en famille Judith elle m me actuellement sur l un de ces ponts avec la main des photos Judith dans un cimeti re bord de plusieurs maisons une ville en noir et diff rents paysages dont certains d filent en travelling et dont tous nont pas le m me grain de photographie Un long travelling d un paysage domin par un soleil couchant prend possession de tout l cran pendant que la musique continue et que na t et se d veloppe avec la voix de Judith son premier texte Rosa Sch fer Une histoire plusieurs inconnues Il se termine sur un cran jaun tre constell de trous comme une amorce de film o s inscrivent le titre et le nom de l auteur Pendant que le g n rique se termine et que s teint la musique une voix de femme parle du regret de Rosa d
38. et de d calages d poque de grain de couleur de tonalit des mouvements plus ou moins rapides On est dans le registre de la sensation de l impression d autant que les diptyques eux m mes bougent voluent ne se substituent pas totalement l un l autre mais que l on proc de par glissement partiel de l un l autre rendant la num rotation un peu vaine On peut cependant distinguer certains diptyques qui seraient plus de l ordre de la sensation de la suggestion d une atmosph re de l enfance peut tre ces eaux paisibles avec certains moments une insistance qui pourrait avoir sens de symbole ces ponts de mat riaux et d poques diff rentes et d autres qui seraient plus de l ordre d un suivi factuel les promenades d une famille avec une petite fille et les d ambulations de Judith avec des photos comparant les lieux sur les photos et les lieux o elle se trouve La complexit des relations duelles des diptyques augmente quand on retrouve le m me lieu au del des prises de vues actuelles et des photos dans un film d amateur au grain pass grain du pass mais d un pass qui nest pas celui des photos La technique m me les techniques d enregistrement de l image fixe comme de l image en mouvement sont signes du temps qui passe dont on nous livre quelques traces o trier Puzzle dans l espace puzzle dans le temps puzzle dans les messages subliminaux que font pas
39. eur A vec BROADWAY que Judith Josso pr sente dans diff rents festivals et salles de cin ma la rencontre avec le public est simple et spontan e l image du principe organisateur du dispositif de tournage C est sans storyboard que la plasticienne s est lanc e dans la r alisation parce que le film avait t pens et discut longuement avec le producteur et monteur R gis No l parce que l criture cin matographique a t abord e comme une oeuvre intime de lesprit dans laquelle le surgissement des images devait faire trace Aux Beaux Arts j ai travaill avec des gens qui viennent de la po sie contemporaine et cette exp rience fondamentale impr gne le travail de r alisation de BROADWAY dont l criture est un peu diff rente des formats habituels du documentaire Je cut up je lapsus L criture peut ne pas tre lin aire elle est ponctu e fabriqu e de sensations mises bout bout de choses lues dans les journaux ou bien de mots radiophoniques et on fabrique du texte avec tout cela BROADWAY refl te un peu cela une fa on un peu diff rente d crire Cette approche peut tre d rangeante de prime abord pour les gens du cin ma ma s paradoxalement cest cette criture qui permet aujourd hui BROADWAY de rencontrer son public Dix jours de tournage une quarantaine d heures de rushes tourn s selon un dispositif tr s concret dans lequel le rapport spontan it intuition dialogue ave
40. graphie peut varier selon l approche que l on en a et ce titre la n cessit de l aborder avec prudence suivant P l usage que l on doit faire de cette lecture ge q YE p 20 Construction dramatique Un flm double fond ans ce film que faute de mieux sans doute on continue appeler un documentaire un d coupage un peu attentif que nous tentons de cerner dans le s quentiel fait appara tre comme dans un film de fiction une construction dramatique qui est au fond assez logique si l on s en tient au sujet trait Comme il s agit d une recherche initi e chez l auteur par un vide manant d une motion d enfance et s appuyant sur un sentiment tr s fort de myst re la solution lui appara t dans l lucidation de ce myst re Il faut donc le lever et le film est d abord la tentative de le circonscrire S appuyant sur les t moignages de ses proches les soumettant aux m mes questions les confrontant aux t moignages des autres des photos des films de famille le film avance par cercles concentriques prenant d abord le sujet de loin les raisons du d part d Allemagne de Rosa vers 1900 pour ensuite se heurter dans un premier temps une zone d ombre de secret C est une sorte d impasse L enqu te car cen est une est relanc e en reprenant les choses par un autre bout une sorte de portrait pour mieux cerner la protagoniste Puis ce portrait est creus dans ce qui
41. i re guerre mondiale 1914 1918 la seule date mentionn e avant la seconde guerre mondiale est celle de 1933 date de l assassinat du fr re de Rosa La co ncidence est peut tre fortuite mais pour tout Allemand un assassinat d un commissaire de police en 1933 r sonne pour le moins trangement Pour la seconde guerre mondiale un pisode est facile dater quand la fille de Rosa rectifie un des souvenirs de la g n ration suivante et quelle d crit bri vement mais avec pr cision l exode de mai juin quarante avec tous les r fugi s du nord de la France qui passaient par l Anjou en route vers ils ne savaient o Jeux interdits Ren Cl ment 1951 Les Egar s Andr T chin 2003 En revanche la mention des d serteurs allemands est peut tre le fruit de cette oublieuse m moire l uvre et confondrait simplement 1940 et 1944 avec cet pisode o les Allemands posent des fils de fer barbel s dans la rue et qui serait li l avanc e des alli s apr s le d barquement en Normandie De la vie pendant la guerre reste le souvenir du froid et du charbon comme salaire Reste aussi une image de la pr sence allemande et de son administration entre une cole d aviation la Pr fecture et la Mairie Au del des dates des v nements r pertori s il y a et cela compte peut tre plus par rapport au propos de Judith les repr sentations les fantasmes et ce que charrient certains mots
42. ilence il ny a pas eu de d tails a n a pas t racont le film construit dans l alt rit h des rencontres impos es par la r alisatrice aux membres de sa famille un chemin sur lequel surgissent les traces de la m moire familiale Tout le film correspond l effort tranquille et d termin de Judith Josso pour construire partir des silences et de la m moire lib r e le r cit d une vie celle de Rosa son arri re grand m re allemande Chaque membre de la famille r v lera la part qu il porte en lui de cette femme toujours nigmatique Le film a pour objet de conduire de la rupture initiale silences non dit secret la r conciliation finale Celle de la r alisatrice Cest cette r conciliation entre deux parties de moi m me se fait dans un cadre familial renouvel La situation de communication entre chacun LB LS RE me er r P Te GEES a a e a des membres de la famille sest modifi e et sorganise encore apr s la sortie du film autour de celui ci et de cette m moire red couverte la pr sence des membres de la famille aux projections poursuit le dialogue amorc lors du tournage La part allemande de la famille occupe un nouvel espace largit la conscience familiale et la m moire collective se nourrit de cette arriv e inattendue repr sentant symboliquement cette r conciliation entre deux peuples qui date historiquement de 1963 Accords de Paris du 22 janvi
43. it les s quences d entretiens et le split screen offrait la possibilit de faire des respirations entre les s quences ou de se poser entre des moments un peu charg s dans les rencontres avec chacun Il permet aussi de s carter du cadre fixe impos par le portrait qui est fait de chaque acteur de cette histoire en construction Le mouvement et les d placements des uns aux autres sont par ailleurs instaur s par le double cran L criture imposait un espace r serv une mise entre parenth ses qui donnerait un corps visuel la voix off L ensemble se pr sente comme une charni re cin matographique qui vient adoucir la tension dramatique Le spectateur se sent alors comme lib r l image de la r alisatrice il respire lui aussi s carte des contradictions des certitudes et des doutes inh rents l veil de la m moire et au poids de l histoire familiale qui s infiltre s impose pour mieux brouiller les pistes allant jusqu donner parfois Rosa Sch fer les traits d une sorte d aventuri re Puis il revient la conversation et l change parfois conflictuels que la r alisatrice n h site pas orchestrer pour mieux provoquer et d fier le silence C est une famille tr s complexe elle est tr s li e et en m me temps elle a explos ef je me retrouve au milieu de tout cela Je pressentais je savais que intensit dramatique cet aspect constituerait le corps du film dans sa
44. l tre un autre Ce dossier est le fruit de la collaboration de deux personnes dont les formations et les parcours sont diff rents La juxtaposition des perspectives devrait permettre au lecteur en en d passant les oppositions de mieux entrer dans le film De m me que les b ances dans le contenu comme dans la forme font la richesse du film notre espoir est que l ouverture propos e par cette approche prolonge sa force de suggestion Y E GE 1 LEJEUNE Philippe Je est un autre L autobiographie de la litt rature aux m dias Seuil coll Po tique 1980 SOn Editorial 2222 02 Intention 03 R alisatrice Parcours artistique 04 Gen se et laboration 05 Axes Des infortunes de la m moire au triomphe de l motion ___ 06 BROADWAY un processus de r conciliation 07 Analyses De BROADWAY BROADWAY 08 BROADWAY que caches fu 10 D coupage s quentiel 12 Montage Du rythme et de la musique comme un battement de coeur 15 Questions d Histoire Quelques rep res historiques 16 La v rit questionn e 18 Ouverture p dagogique 1 19 Construction dramatique Un film double fond 20 Ouverture p dagogique 2 21 Construction dramatique Le genre sous tension 22 Le split screen charni re de l intensit dramatique 23 Motifs Images en jeu enjeu des images 24 Le frou noir 26 l crit Les textes l autre niveau 27 Directeur de publi
45. les pistes se brouillent Broadway s loigne avec l apparition du split screen qui offre au regard deux paysages qui se font cho et engagent le spectateur s garer en bordure de la Loire Deux ponts l un en m tal l autre en pierre voquent des poques diff rentes Tous les indices du temps sont l bien pr sents 1 MCLUHAN Tery C textes CURTIS Edward S photogra phies Pieds nus sur la terre sacr e Deno l 2004 La musique de Mathias Delplanque invite toujours l introspection et la nostalgie Le film aux nuances dilu es droite de l cran se r v le tre un film de famille et se trouve confront aux lumi res et aux couleurs tranch es du film en train de se faire Les deux films en regard se font cho dialoguent La place qu ils occupent dans le split screen s change comme pour mieux saisir le temps qui passe Le split screen souvent utilis pour montrer des v nements ou des actions qui se d roulent simultan ment permet ici au contraire de rapprocher des v nements qui se d roulent plusieurs dizaines d ann es d intervalle La femme brune dont personne ne sait encore qui elle est est nouveau pr sente Son regard cherche et interroge les documents filmiques et photographiques qui sexposent ensemble au regard travers le split screen L enqu te se poursuit et avance qui est cette famille film e en promenade sur un pont et dont les photographies au m me endroit
46. lique mais qui mon sens comporte galement une certaine l g ret Il y a n anmoins une volution de la musique dans le film celle ci prenant la fin 0 9 2 une place plus importante qu au d but Nous avons travaill sur une p riode assez longue en nous voyant r guli rement avec son producteur R gis No l Nous essayions des choses j ai vu le montage avancer et mon son prendre sa place dans l ensemble petit petit Je mai quasiment pas compos sur l image cest plut t le montage des images qui sest finalis sur les s quences musicales que j ai propos es Ma position vis vis de la musique de cin ma a volu depuis et le travail avec Judith y a contribu Jai compris que si l on abordait la question en termes de chocs rencontres Juxtapositions on pouvait cr er de tr s belles choses J ai travaill partir de sons de synth se ainsi qu partir de sons acoustiques modifi s lectroniquement Pour les morceaux issus de disques pr existants et remix s j ai d syst matiquement retirer toutes les sonorit s concr tes car celles ci embarquaient imm diatement l image prenant le dessus sur elle Jai donc d purer pour que le son ne vampirise pas l image La plus grande partie du film fait intervenir ces formes simples mais la derni re s quence du film fonctionne diff remment Il s agit d un montage de films d archives C est une longue s
47. lle Rosa a failli avoir les cheveux ras s Ici vous avez Pacte desnaissance de Rosa Et vous Voyez ina rien d inscrit notons que le mot tondue est vit forme de punition infamante pour les femmes trop proches des Allemands pendant la guerre jugement h tif ex cut publiquement et qui tr s souvent a suivi ces femmes le reste de leur vie la fois traumatisme et marque ind l bile dans la m moire des proches Hiroshima mon amour Alain Resnais 1958 E t elle t criminelle court m trage Jean Gabriel P riot 2006 Mais l o l on est la fois dans l Histoire et le plus au c ur de la qu te de Judith au bord du gouffre cest quand l une des petites filles pose la question a l a pouss e collaborer quoi Nul doute que dans sa bouche collaborer est pris dans son acception premi re mais pour le spectateur l cho en est bien s r class dans la rubrique collaboration avec son insulte induite collabo Se pencher sur les traces de l Histoire dans ce film ram ne donc au travail de la m moire l o la m moire individuelle rejoint la m moire collective avec ses m andres ses distorsions ses chos exag r s o la qu te de la v rit doit se frayer son chemin G E 1 PONTALIS Jean Bertrand Oublieuse m moire Laure Papin coll Le Lieu de l archive suppl ment la Lettre de l Imec 2011 publication hors commerce p 18 Questions
48. lle fa on de le r concilier avec son pr sent Y E 1 LANGE Suzanne KONRATH SCHOLL Gabriele August Sander Hommes du XX si cle La Martini re 2002 2 MORIN Edgar Mon chemin Points 2011 3 ROBIN R gine La m moire satur e Stock coll Un ordre d id es 2003 Ouverture p dagogique Une exp rience m morielle Comme dans BROADWAY vous pouvez mettre vos l ves dans une situation d exp rience m morielle Demandez chacun d apporter une ou deux photographies de leur arri re grand m re ou d un autre membre de la famille Faites noter le nom des l ves au dos des photographies et regroupez celles ci dans une valise Au hasard vous en choisissez quelques unes que vous proposez la classe Oralement les l ves vont tre amen s construire des hypoth ses biographiques partir du portrait et de la composition de la photographie Ce r cit biographique pourra ensuite tre confront celui de l arri re petit fils fille Cette exp rience m morielle mettra en vidence deux types de m moire celle qui appartient l imaginaire collectif dans BROADWAY le portrait de Rosa Sch fer en Tzigane provoque un r cit de cet ordre et celle de l arri re petit fils fille dont le r cit sera empreint de l histoire familiale et peut tre des on n a dit que Cette ouverture p dagogique sera l occasion de montrer aux l ves p dagogiq que le sens d une photo
49. mps a fait son oeuvre qui dilue jusqu au souvenir La photographie r v le sa faiblesse La m moire m me semble d faillir devant ce portrait nigmatique a devait tre euh Compl tement inconnu au bataillon Non non cest pas elle Si il para t que cest elle On ma dit que Oui oui cest elle La photographie sortie de son contexte temporel et spatial ne permet pas de reconna tre La marque du temps est telle qu une des femmes de la famille scrute l une d elle la loupe Cest la famille allemande Plus que la photographie c est le point de vue de la r alisatrice corrobor par celui d autres membres de la famille qui atteste de la r alit de Rosa Sch fer La photographie de cette arri re grand m re est myst rieuse et comme l crit R gine Robin propos d une analyse effectu e par Kracauersurune vieille dame C est a tradition orale de la famille qui nous fait reconna tre le portrait les secrets de famille les bruits qui courent sur elle et que l on se raconte En cela la photographie diff re fondamentalement d une image de la m moire Au gr des entretiens des d couvertes photographiques filmiques Judith Josso dessine et peint sur le mur de son salon L motion affleure cette ultime tentative de reconstitution engag e dans une gestuelle m morielle La m moire se fait vivante traduite par un m dium ancestral q
50. n La cam ra s loigne pour les saisir de derri re la vitre de la cuisine puis revient l int rieur et tente de se faire discr te dans un plan de semi ensemble qui nous les montre face l vier de dos proches l une de l autre Elles sont prot g es envelopp es dans la douceur d un reflet de lumi re La r alisatrice actrice franchit ainsi symboliquement toutes les portes Avec BROADWAY un nouvel espace de projection se cr e dans lequel les genres se c toient brisant jusqu aux fronti res traditionnellement tablies entre les disciplines des arts visuels Y E Construction dramatique Le solit screen charni re de C est la crois e des genres que se situe le split screen pause visuelle et po tique dont la mati re sonore s carte volontairement de la conversation engag e avec les protagonistes de cette aventure m morielle Il ralentit l effet de tension permet de diff rer un affrontement qui semble toujours possible Il offre la r alisatrice l opportunit d un retrait d une mise distance Elle s carte alors de son r le d instigatrice des v nements comme de celui de protagoniste et d actrice C est l instant d une rupture de rythme d une mise en mouvement qui dirige le spectateur vers son univers personnel Cest l occasion pour elle de se recentrer et d voquer les instants pass s en famille tracer le pourtour oral d un portrait possible de Rosa Sch fer Il y ava
51. n Russie N y aurait il pas l un cho de ce que devait repr senter le terrible front de l Est en particulier pour les troupes allemandes Il y a aussi cette tonnante description physique qui classe comme Zeuton nes les pommettes saillantes de Rosa Il y a son amour de la musique tzigane des pays de l Est Il y a enfin son assimilation aux Tziganes quelle fr quentait dont elle aimait porter les v tements Comme si la description de qui tait pour cette g n ration une grand m re la mettait un peu l Est Enfin quatre mots ou expressions qui sont la fois des marqueurs historiques pr cis et terriblement charg s de connotations redoutables le mot camp appliqu aux Tziganes et la p riode de la guerre peut il avoir un lien avec un souvenir m me enfoui du camp de concentration de Montreuil Bellay pas tr s loin d Angers un des plus grands lieux de regroupement des Tziganes avant leur d part pour Est Ensuite il y a le seul mot allemand prononc dans le film celui de Kommandantur Techniquement ce nest rien d autre que le lieu o sest install l Etat Major mais les exactions de la guerre relay es par la litt rature et le cin ma ont charg le terme de toutes les horreurs li es la Gestapo des arrestations arbitraires aux pires tortures mettre l actif si l on peut dire de l autre camp la Lib ration on trouve la remarque qu e
52. nd de ma m moire il y a un vide entre deux temps un avant et un apr s En allant chercher dans cette part manquante dans cette absente je d couvre un espace de projection de tous les possibles Une histoire plusieurs inconnues L amorce en est rugueuse insistant de par sa position sur la sonorit du nom relay e par les termes Allemagne guerres fronti re Le choix de mettre en avant ces l ments communique le sentiment qu il y a l comme une chose incontournable non assum e face quoi la phrase suivante C tait mon arri re grand m re sonne presque comme un aveu en tout cas une incompr hension avec l vocation des monologues dans une langue incompr hensible pour l enfant Mais na t en m me temps la tendresse du souvenir denfance avec cette image d une t te de petite fille pos e sur les genoux Du choc de ces images contradictoires surgit une b ance un traumatisme un vide cette part manquante qui renvoie encore une fois la pi ce manquante du puzzle ce souvenir d enfance que comme pour le W de Perec l artiste va traquer Mais pour l instant le travelling que Resnais d j avait rig en vecteur de la m moire et qui avait d j surgi dans les diptyques accompagne ce texte et nous emm ne la fin de la premi re tape du voyage o nous allons retrouver BROADWAY au milieu d un champ en friche champ de la m moire morceau d amorce jaun tre d un film
53. ndront un caract re lisible prendront un sens Partant la qu te de ce sens Judith nous installe devant un autre puzzle l criture classique des trois premiers plans succ dent des split screens qui nous proposent plusieurs compositions car on ne peut plus parler de plans classiques mais plut t de diptyques Essayons de les rep rer succinctement 1 Un pont m tallique un pont de pierre 2 Sous un pont sous l autre pont 3 D filement de pierres sous le pont 4 Promenade en famille film ancien J J sur un chemin tenant des photos la main 5 Famille de plus pr s J J de plus pr s 6 Rambarde escalad e famille J J avance 7 Rambarde cours d eau 8 Cours d eau du pass cours d eau du pr sent 9 Un homme qui montre une petite fille J J au m me endroit 10 Famille sur le pont dans le pass J J sur le pont avec la photo du m me pont 11 M me pont avec la m me famille couleurs J J marche dans un cimeti re 12 M me pont N amp B J J dans le cimeti re 13 Une ville Angers en noir et blanc J J dans le cimeti re La r alit s est scind e en deux qu il faut appr hender comme un tout Plusieurs visions du film permettent peut tre de distinguer chaque panneau du diptyque mais gu re une seule vision il faut enregistrer un tout synth ses rapides o l on glane des informations fugitives faites de rapprochements des impressions manant de juxtapositions
54. notre collaboration Les premiers l ments du sc nario me plaisaient mais j ai aussi t s duit par le parcours artistique de Judith ainsi que sa grande envie de film Pour mieux nous conna tre je lui ai propos de r aliser un film dans le cadre d un projet collectif Installation s Cela nous a permis de savoir que nous avions envie de travailler ensemble Ensuite les directions se sont impos es petit petit dans une concertation permanente tout en laissant le temps n cessaire la maturation en respectant le parcours de cr ation et de production C est difficile de trouver le bon rythme mais dans le cas de BROADWAY cela a bien fonctionn Je crois que le plus dur pour Judith tait de se confronter au secret de famille Il tait cach un peu partout dans le projet mais pas encore dans la d marche de r alisation Nous avons cherch des financements aupr s des collectivit s locales CG 44 et CR des Pays de la Loire pour finaliser une criture et financer la r alisation d une d mo vid o Ensuite nous avons sign avec des t l visions locales et nous avons ainsi d croch les aides la production du CNC et du Conseil r gional C est au final un petit budget 100 000 mais ce nest pas mal pour un premier film avec une telle d marche artistique Puis j ai stopp mes activit s de producteur mais en devenant monteur du film j ai pu collaborer avec Judith jusqu la fin du pro
55. nts changes elle lib rera peu peu Rosa Sch fer de l oubli Lesquisse deviendra portrait au fil des informations recueillies au gr des souvenirs soutenus par l imaginaire Portrait peint portrait oral c est aussi la parole qui est mise en sc ne Judith Josso se pr sentera chez chacun elle sera la cl qui ouvrira les portes parfois verrouill es de la m moire familiale La cam ra suit au plus pr s cette qu te Attentive aux expressions des t moins elle se fait patiente et ne quitte jamais la personne sur le point de parler pour tre l au moment de la r v lation quitte laisser la r alisatrice dans le hors champ comme cest le cas dans la s quence avec sa m re 21507 Cela cr e une tension sa m re l interpelle la cherche du regard va de la photo qu elle tient entre les mains Judith dans le hors champ l obligeant revenir l int rieur du cadre La cam ra choisit d lib r ment le visage de la m re Ce dispositif nest pas sans rappeler une remarque de Cronenberg propos de son travail qui renvoie pourtant la fiction Je ne suis pas de ces gens qui pensent que le cin ma est avant tout visuel parce que en tant que metteur en sc ne ce quon filme le plus cest un visage humain qui parle La pr paration du repas 1749 sc ne r alis e avec la m re de Judith Josso dans laquelle l une et l autre jouent leur propre r le introduit l aussi de fa on tr s tangible la fictio
56. on Judith Josso offre la parole en voix off Le ton imp ratif du t moignage s impose comme une vidence La r alisatrice usera de tous les outils possibles pour que les traces imperceptibles surgissent de la m moire YE p 12 D coupage s quentie Les d parts S quence 01 De 00 00 00 00 03 10 Apr s avoir m dit en face de la mer de dos Judith sempare d une mallette bleue BROADWAY pos e c t d elle et elle part pendant que d marre une musique lancinante comme suspendue On la retrouve assise dans une pi ce o elle ouvre la mallette devant une centaine de photos manifestement anciennes pos es sur le sol comme les pi ces d un puzzle construire Puis se succ dent plusieurs split screens combinant des ponts en noir et blanc ou en couleurs des extraits de films d amateurs montrant une promenade en famille Judith elle m me actuellement sur l un de ces ponts avec la main des photos Judith dans un cimeti re bord de plusieurs maisons une ville en noir et diff rents paysages dont certains d filent en travelling et dont tous nont pas le m me grain de photographie Un long travelling d un paysage domin par un soleil couchant prend possession de tout l cran pendant que la musique continue et que na t et se d veloppe avec la voix de Judith son premier texte Rosa Sch fer Une histoire plusieurs inconnues Il se termine sur un cran jaun tre constell
57. part dramatique mais je voulais aussi que le film trace un chemin m me peu carrossable vers une r conciliation Tenter de dessiner le portrait de mon arri re grand m re avec l aide de chacun sest fait aussi dans une volont de ma part de d passer ces aspects l Rosa Sch fer a v cu Elle a fait des choix qui m interrogent au del de tout je voulais lui donner une autre vie lui redonner la parole Y E 1 Extrait d un entretien avec Judith Josso p 24 Motifs Mages en jeu enjeu des images utour et en appui des t moignages surgissent dans le film de Judith Josso des images oubli es enfouies dans la m moire familiale Celle ci s veille confront e aux photographies de son arri re grand m re dont il faut faire un portrait qui r pondra aux questions sans r ponse jusqu au moment du tournage Qui tait elle Pourquoi est elle venue en France Qu a t elle fait Quelle part a t elle laiss e chacun Judith Josso tente d assembler les pi ces du puzzle partir d l ments pars Ainsi BROADWAY est surtout un film sur les engloutis les effac s que les t moignages r v lent La g n alogie familiale ne pr sente pas de faille particuli re si ce nest au d but du film l absence de la part allemande de la famille BROADWAY s int resse cet entre deux cette ligne abstraite qui marque la filiation entre chacun Il s agit de faire vivre Rosa encore une fois de faire jaillir de l oubli
58. phie repr sentant Rosa Sch fer en costume de Tzigane Photographie sur laquelle chacun se penche et ploie sous l effort d une rem moration qui se fait haletante L anamn se se heurte d abord au trou noir de la m moire L insistance de l arri re petite fille de Rosa qui pr sente inlassablement la photographie chacun des membres de sa famille accompagn e de questions toujours plus pressantes vient bout de cette impossibilit du souvenir Cette difficult voquer un pass oubli s explique probablement par le caract re particulier de cette photographie Elle rompt par son contenu avec les autres images Elle ne fait plus lien avec les descendants de Rosa Cette photographie de Rosa en costume de Tzigane se d tache de son cadre naturel et originel celui de la famille quelle a cr e Angers Elle fait rupture avec le contexte spatial plongeant la m moire dans une perplexit premi re L arri re grand m re en costume de Tzigane a perdu sa relation au pr sent et au r el Elle rentre dans un anonymat qui lui conf re un caract re d archive sociale On voit bien comment cette image archivale limite l imagination et bloque le surgissement de l image m moire ou m moire involontaire La surprise et le mutisme des membres de la famille en t moignent largement Une des tantes de la r alisatrice fait plusieurs propositions qui op rent un glissement illustrant cette d connection du r el vers la
59. plein cran se plaint des voisins hostiles Rosa Contredite en partie par une fille mais les autres semblent avoir t marqu es par sale boche Split screen pendant que ses petites filles expliquent le dilemme de Rosa Judith compulse des registres l tat civil ou aux archives Split screen en musique la mer et des champs d un c t une voiture qui roule dans la nuit de l autre Puis la fille de Rosa I n y a plus de famille en Allemagne pendant que de l autre c t d filent des maisons colombage puis Judith dans une rue manifestement en Allemagne Un pass retrouv JE est une autre S quence 10 De 00 38 40 00 42 51 La cam ra suit Judith qui p n tre dans un b timent o elle est accueillie en allemand comme l arri re petite fille de notre Rosa Sch fer Le maire lui pr sente la feuille d tat civil de la naissance de Rosa avec l absence totale de mentions marginales Il a appris par Judith que Rosa tait partie en France et avait une famille fran aise On retrouve la photo de la famille allemande tir e de la valise s quence 6 Judith la tient devant la maison qui pourrait tre celle de la photo et compare Pendant qu un long travelling parcourt le village le maire explique et montre l exiguit de la terre dont disposaient les familles l poque de Rosa et donc les conditions de vie difficiles de Rosa dans sa jeunesse R pondant une question de Judith il
60. portance des r ves l amour de la campagne de la famille de la nature de la cuisine des odeurs La musique reprend avec le split screen d un c t des arbres qui d filent de l autre des films de famille l g rement pass s en couleurs sur des jardins des fruits des arbres fruitiers des sourires de petites filles et de jeunes filles Un sourire de petite fille grand cran mangeant une fraise laisse la place une des petites filles faisant la cuisine Ici dans des gestes absence totale de Photographies et de films de famille le quatri me texte de Judith accompagne des plans de cuisine et de tri de photos toujours en vrac dans la valise sur une table certaines photos rejoignent l arbre g n alogique La musique s arr te Identification d une femme S quence 06 De 00 19 10 00 23 10 Dans une grande pi ce qui pourrait tre celle d un bar Judith et son oncle ouvrent la mallette BROADWAY en plan d ensemble et ils y fouillent la recherche d une photo de Rosa Constatation est faite plusieurs fois par l oncle d abord et par la suite par d autres membres de la famille du peu de photos de Rosa D s qu une photo est rep r e elle est soumise un autre membre de la famille et le montage nous fait passer de l un l autre Ainsi alternent affirmations doutes n gations Une tante s attarde sur une photo en costume de Tzigane les liens de Rosa avec les Tziganes son amour
61. pourrait le l gitimer sa p rennit la trace laiss e dans les descendants de cette personne qui semble avoir tant compt C est ce moment l qu une partie de la recherche qui s appuyait sur la trace visible dans des photos des films de famille aboutit un premier r sultat on peut mettre un visage sur un nom et ce visage m me s anime On reconna tra dans ce compte rendu d enqu te les s quences 2 6 telles que nous les avons distingu es dans notre s quentiel Nous semblons alors arriv s un moment central de l action o une partie au moins du myst re semble pouvoir tre lev mais nous en resterons l Un point semble avoir t atteint au del duquel on ne peut pas aller S 7 La suite de l enqu te reviendra sur les cons quences du myst re et sur comment il a fallu vivre avec S 8 et 9 avant qu un Deus ex machina ne fasse repartir l enqu te dans un tout autre sens en d pla ant le sujet le recentrant lui donnant une dimension nouvelle Mais comme tout bon Deus ex machina il ne tombe pas compl tement du ciel et quelque chose tait l uvre qui le pr parait depuis longtemps Car dans le film court l int rieur de l avanc e de l enqu te un autre film ou du moins une autre possibilit de lecture que nous oblige partager la pr gnance du montage D j dans l enqu te le montage est l uvre dans une acception imm diate par la juxtaposition brute des t moignage
62. produire dans les th tres de cette avenue taient souvent des immigr s sans le sou venus de nombreux pays d Europe Quelques spectateurs se souviennent peut tre aussi que cette avenue est l exact trac ancestral que les Am rindiens empruntaient d j bien avant la colonisation et se nommait le wickquasgeck trail Les pistes indiennes firent d ailleurs l objet d une intervention c l bre du chef indien Cayuga Docteur Peter Wilson en 1847 la soci t d Histoire de New York pour r pondre une d claration selon laquelle Zes iroquois nont laiss aucun monument Cette terre de Ganono o ou empire state comme vous aimez l appeler tait autrefois sillonn e par nos pistes d Albany jusqu Buffalo pistes que nous avons foul es pendant des si cles pistes si profond ment grav es par les pieds des iroquois quelles devinrent vos routes lorsque vos possessions absorb rent peu peu celles de mon peuple Vos routes traversent encore ces m mes lignes de communication voil notre monument 1 La m moire et l imagination du spectateur sont alert es et en quarante neuf secondes celui ci a d j construit plusieurs sc narios possibles pour la suite du film de Judith Josso La valise du film a jou son r le amener le spectateur tracer ses propres pistes narratives et toutes vont suivre cette avenue mythique grav e tel un monument par les Am rindiens ou en partir Mais soudain
63. ramatique du film donne l impression de s approcher d un centre nodal du souvenir enfoui du tabou du mot interdit A P P mais cest une illusion Certes les t moins familiaux ont un peu ajust leur vision du pass des bribes sont remont es la surface mais le montage du film est cruel comme dans une parodie de proc s les t moins se contredisent all grement Lexercice de m moire nest pas une r ussite La devise du film pourrait tre r sum e par la phrase r p t e de l un des personnages Je me m fie de ma m moire Nul doute qu un d cryptage par un sp cialiste des t moignages recueillis dans ce film lui offrirait un riche panel des processus en cours dans oublieuse m moire du poids de l affectivit dans la facilitation du retour des souvenirs la s lectivit la fabulation en passant par l tonnante pr sence d une m moire olfactive Sans parler de cette description physique avec v tements et couleurs qui ressemble tonnamment un film retrouv De quoi le souvenir est il le souvenir Au del de l enqu te des confrontations de t moignages de regards l auteur nous fait partager son propre regard scrutant un d tail apparemment perdu dans un mouvement qui peut aller jusqu l abstraction multipliant les visions doubles redoubl es de textes et de musiques comme pour chercher une voie sensible au milieu des impasses de l enqu te La main vient au secours
64. s dit une autre petite fille a l a pouss e collaborer quoi s interroge une autre Sale boche S quence 08 De 00 28 58 00 32 44 Pendant que sur le split screen la bobine du projecteur tourne vide tandis qu une voiture avance dans un tunnel puis que des films de famille montrent une femme faisant le m nage et un enfant bless qu on soigne puis une baignade la mer les hypoth ses contradictoires sont mises sur ce que faisait Rosa la Kommandantur La fille de Rosa plein cran rectifie les erreurs historiques pas des d serteurs des r fugi s Les petites filles de Rosa plein cran insistent sur son caract re aidant la fille de Rosa sur la m chancet des gens Des films de famille montrant une excursion d anciens sont accompagn s du commentaire d une petite fille sur l motion de sa grand m re entendant les Allemands Elle a failli avoir les cheveux ras s La fille qui dit le terme est en split screen avec en face le bus de l excursion Rosa interpell e comme sale boche Les split screens de cette s quence sont sans musique p 14 D coupage s quentie Faire avec S quence 09 De 00 32 44 00 38 40 Split screen avec d un c t un film de famille en noir et blanc avec une jeune fille en maillot de bain sur des rochers et des pentes en bord de mer de l autre d filement rapide de paysages La musique est revenue La fille de Rosa
65. s et il est accentu par la pr sence de la musique qui d j accompagnait les split screens et leurs plans fugitifs d ailleurs ind termin s La musique contribue situer les textes comme au dessus du pr sent de la narration primaire De fa on quasi subliminale d s le premier texte cette voix d outre enqu te est galement associ e un long travelling lat ral sur un paysage des prairies et un soleil couchant En mineur cette dualit texte suivi travelling lat ral sur des paysages cr pusculaires ou nocturnes parcourra les autres missions du texte dans les split screens pour clater et triompher dans la derni re s quence d collant d finitivement du pr sent de l enqu te pour sugg rer un voyage dans l espace le temps et les espaces int rieurs Avant que le texte ne prenne cette dimension il semble plus proche de ce qui se d roule sur l cran Ainsi les questions dans la s quence 3 Dans les images arr t es ou bien dans des d placements r p t s ou dans la 4 Pourquoi des images me hantent Ou bien dans la s quence 5 les allusions aux gestes de la transmission ou aux incursions dans la valise font de ce passage une sorte de commentaire distanci que lon retrouvera dans le bilan de l enqu te par quoi commence le dernier texte Qu ai je appris l crit Les textes l autre niveau Mais ce qui reste de la petite musique de ces textes en liaison ave
66. s dont la confrontation fait ressortir le caract re subjectif al atoire contradictoire C est une sorte de commentaire imm diat qui nous est fourni sur les incertitudes de la m moire Le summum de ce proc d est peut tre atteint dans la s quence 10 quand la fille de Rosa affirme T n y a plus de famille en Allemagne et que l on voit Judith d finitivement incr dule dans les rues d un village allemand Nous retrouvons une autre utilisation du montage dans la juxtaposition de deux actions dans la s quence 2 quand parall lement sa qu te de la m moire familiale Judith installe un plastique sur le sol ouvre un pot de peinture recouvre de blanc un mur avant d y dessiner le portrait de Rosa Mais nous avons eu le temps d apercevoir des dessins d autres personnages que le blanc a recouverts ny a t il pas une m taphore de la m moire comme fabrique de l oubli et qui commente l autre action avec une ironie discr te que ne vient appuyer aucune parole Tr s simple et tr s traditionnel est aussi l effet produit par le passage d un plan o l action est clat e dans le split screen un plan o un personnage un l ment envahit tout l cran ce qui se reproduit plusieurs fois dans ce film par exemple quand est exhib e la carte d identit de Rosa Enfin et surtout cest par ce m me proc d du montage que la surface du film est min e par les intrusions r guli res de split screens
67. ser peut tre quelques clats de ce kal idoscope qu accompagne une musique planante qui a surgi au moment o Judith prenait le d part Tout est fait dans ce c ur de s quence qui dure une minute et vingt deux secondes sur les trois minutes dix secondes de la s quence d exposition pour nous plonger dans cette recherche avec l auteur et nous y perdre aussi tout en semant peut tre des indices que nous ne sommes pas m me d interpr ter juste de ressentir ou de pressentir Le morcellement de la m moire parse est brutalement interrompu par un plan tr s long long par rapport aux plans pr c dents long par rapport aux normes cin matographiques habituelles puisqu il dure quarante cinq secondes Cest un travelling relativement rapide comme pris d un train sur une campagne tranquille faite de prairies et de bosquets qui d file sous les derniers feux d un soleil couchant Nous restons dans l atmosph re pr c dente gr ce la musique qui continue son mouvement suspendu a rien mais d s les derni res images du kal idoscope s est lev e la voix de Judith qui entame un discours tr s crit tr s articul Rosa Sch fer est n e en Allemagne Elle a v cu les deux guerres mondiales de l autre c t de sa fronti re ici en France C tait mon arri re grand m re la fin de sa vie elle ne parlait plus qu allemand La t te pos e sur ses genoux je l coutais J ai beau fouiller au plus profo
68. sso la r alisatrice 2 R gis No l le producteur et 3 Mathias Delplanque le musicien Voici des extraits de leurs r ponses 1 Lors de l criture du projet je souhaitais quelque chose de prot iforme un livre un film une installation vid o Je me suis rendu compte assez vite que le projet tait tr s complexe Je ne me suis pas dit que j allais faire un film destin sortir en salle J avais d j collabor avec d autres artistes et cela avait toujours t tr s b n fique pour le travail J avais besoin de retrouver le travail de collaboration d tre soutenue et accompagn e de parler de mon projet de le faire exister C est en allant voir R gis No l producteur des films du balibari que le film a chang de parcours Il me semble avec le recul que c tait le moment de passer autre chose d aller vers une oeuvre plus cin matographique Avant que ne commence le tournage le film a beaucoup t pens r fl chi m ri enrichi de tout ce que je pouvais lire et apprendre sur la transmission sur la m moire sur la d portation sur Angers sur les crits d historiens Il y a eu un tr s gros travail de choix de directions d articulation du tout Il a donc volu sur le fond Il s est tay et affin La place de Rosa a mis longtemps se d finir Elle est devenue le personnage principal apr s qu un des acteurs a refus de continuer faire le film Finalement le retr
69. t proposer un nouveau ruisselet qui s insinue parmi les autres ainsi ces petits plans qui suivent Judith aux archives devant le registre des trangers devant un ordinateur pour une consultation dont nous ne saurons pas le r sultat encore que M me si petit petit dans les split screens s insinuent de plus en plus des d filements de paysages de for ts ou de prairies qui souvent s acc l rent s acc l rent jusqu l abstraction sugg rant l mergence d images mentales sans rapport imm diat avec le contexte mais qui prolongent le long travelling de la premi re s quence et pr parent le dernier long travelling de la s quence 11 et qui sont tous les deux ces temps hors du temps mais essentiels o s l ve la m ditation de Judith sur le sens de sa d marche avant et apr s L enqu te qui semblait devoir structurer tout le film d bouche l sans doute par le biais d une recherche administrative et le passage par l tat civil allemand sur tout autre chose la mise jour d une r alit ni e une famille allemande saisie comme en r ponse au puzzle du d part en une galerie de portraits arr ts sur image part le moment de plus intense motion du film o se retrouve l cho du souvenir d enfance et du contact tendre avec l arri re grand m re l embrassade avec la jeune cousine Mais un travail a t fait nous sommes au pr sent Et un des films souterrains a envahi l cran du pr s
70. t s enferme dans son temps Si l afflux des marques du pass a modifi la situation pr sente pour autant le pr sent reprend ses droits Le film illustre parfaitement cette question comment se souvenir aujourd hui Question que se pose R gine Robin en mentionnant deux films Lost Highway de David Lynch dans lequel le h ros assure qu il aime se souvenir des choses de la fa on dont on s en souvient Et Sans soleil de Chris Marker dans lequel la voix dit Je me demande comment les gens font pour se souvenir s ils ne font pas des films s ils ne prennent pas des photos s ils ne senregistrent pas comment a fait l humanit pour se souvenir BROADWAY avance une proposition celle d une confrontation vivante des images photographiques filmiques picturales et des images de la m moire Y E 1 ROBIN R gine La m moire satur e Stock coll Un ordre d id es 2003 2 Ibid 3 Ibid p 26 Motifs Le trou noir e trou noir o sest engouffr e Judith L texte de la s quence 5 ne sera jamais nomm ni par les membres de la famille ni par l auteur qui les interroge pour claircir ce myst re ressenti d s l enfance Cela laisse place toutes les imaginations toutes les interpr tations et cest l sans doute une composante importante de l motion que le film suscite chez chacun des spectateurs qui se cr e sa propre opinion plus ou moins floue Pour nous il est d embl e clair qu il s
71. tansky et r sonne comme un appel la m moire Une femme est l qui choisit s lectionne et organise les photographies entre elles BROADWAY propose bien un d part le spectateur avance lentement et se fraie un chemin travers ces deux plans d une grande richesse vocatrice Un voyage soffre lui vers un pass encore non identifi Le nom de BROADWAY Est ce un hasard se m le aux vies expos es dans ces photographies que le plan d ensemble emp che encore de discerner dans leur particularit Ces vies sont elles li es au lieu mythique Ont elles t actrices de son dification Bien des questions surgissent ce deuxi me plan du film et seule certitude Broadway l unique avenue Nord Sud de Manhattan qui traverse l le en diagonale au m pris du quadrillage tabli en 1881 semble au coeur de ce voyage cin matographique Et la m moire du spectateur s veille l histoire de Broadway et en rassemble les l ments enfouis pour les associer sa compr hension du film Surgit alors sa renomm e forg e tout au long du XX si cle autour de ses th tres et de ses com dies musicales L ge d or de Broadway date des ann es 1920 et elle voit l apparition des Marx Brothers qui sy produisent pour la premi re fois en 1924 N est ce pas aussi au Winter Garden Theatre que se d roule la premi re de West side story le 26 septembre 1957 Cette r ussite occulte parfois que les premiers artistes se
72. ter les protagonistes du film Les secrets de famille S quence 03 De 00 05 30 00 10 49 Pendant que d file un split screen confrontant un film de famille montrant des adolescents patinant sur un lac gel en noir et blanc avec une tenue voquant les ann es 50 et un travelling sur la nature puis sur des maisons et que le m me type de musique resurgit un second texte dit par Judith s l ve Mais d o est ce que a vient 2 Comme pressenfie une chose arrive Sur le m me mode que dans la s quence 1 l enqu te familiale se poursuit partir des r ticences de la grand tante de Judith devant son questionnement Les r ponses sont plus longues plus fouill es que pr c demment Quelques expressions marquantes 1 faut du secret je n avais pas envie de savoir dans toutes les familles il y a des choses que lon ne raconte pas cette histoire plus ou moins voil e d voil e recach e j ai voulu oublier Le secret voqu n est pas plus pr cis Judith sort des photos en particulier une photo coup e C est choquant a comme ils coupent dans leurs pens es Quel interdit Quelle famille interdite Retour du split screen et d une longue phrase musicale tr s tenue et se confrontent un film de famille en couleurs avec une baigneuse au bord de la mer d un c t et de l autre un paysage arbres et ciel qui d filent rapidement Portraits crois s
73. ue la photographie et le film de famille nont pu r aliser Elle se lib re vibrante imp rative ou h sitante exalt e par les souvenirs et l imagination de chacun La r alisatrice est alors une artiste capable d assumer par la peinture le dialogue entre l image et la parole lib r e Elle se fait interpr te de ce nouveau portrait id alis par cette m moire faite de trous noirs de vacillements et d ombres et pourtant reconquise BROADWAY se pr sente comme une synth se d une histoire culturelle du XX si cle celle de la place pr pond rante de l image dans la culture de masse Elle a su s int grer la vie quotidienne en particulier celle des moments heureux Les films de famille parlent de vacances et de promenades sur la plage de baignades du go t de l eau de mer autant de moments id alis s par la cam ra Ce sont des poign es de souvenirs qui occultent les interrogations et les traumatismes v cus Ces souvenirs Judith Josso les arrache au temps perdu pour les projeter dans le pr sent familial et social travers deux media le film BROADWAY et ce portrait peint sur le mur Cette peinture subira elle aussi l preuve du temps qui conduit inexorablement l an antissement puisqu il faudra la recouvrir apr s le tournage la demande de son entourage La vie dans son actualit dans son imm diatet ne peut laisser place m me un pass reconquis car cette nouvelle image son tour se momifie e

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