L`été Rebecca de René Lapierre
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1. Compte rendu L t Rebecca de Ren Lapierre Yvon Bernier Lettres qu b coises la revue de l actualit litt raire n 41 1986 p 24 25 Pour citer ce compte rendu utiliser l adresse suivante http id erudit org iderudit 39811ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 08 12 ROMAN par Yvon Bernier L t Rebecca de Ren Lapierre Il fut un temps o le roman fran ais tait plut t l affaire des grands bour geois Que l on songe en effet aux nombreuses t tes d affiche qui ont il lustr le genre en France pendant l entre deux guerres Les premiers noms qui viennent l esprit ce sont ceux de Mar cel Proust d Andr Gide2. elle ne r apparai tra que le jeudi famili re et m prisante Un peu honteux du r le jou L onard n en prouve pas moins du soulagement la pens e que l affaire semble pr sent close Mais Rebecca le relancera et ils feront l amour une fois Une petite fois cela suffit il marquer du pr nom d une femme tout un t Apr s cette note infrapaginale L onard gr ce au cong de l Indepen dence Day qui le prive de deux cours et lui procure par la m me occasion dix jours de libert s chappe vers Mont r al Escapade qui passe bien pr s de tourner au tragique par la faute d auto stoppeurs qui lui volent son argent et l obligent une lame de poignard entre les omoplates les conduire la desti nation qui est la leur La d couverte du slip de Rebecca rest dans la boite gants que fait un moment donn l un des drogu s en tat de manque vaudra en suppl ment L onard une racl e apr s laquelle ses agresseurs prendront le large Amoch il rentre enfin chez lui fait couler un bain dans lequel il s endort se r veille au petit matin assez mal en point Le moindre bruit l affole et il passe bien pr s d assommer coups de tisonnier pour l avoir confondue avec un voleur l aimable voisine qui lui apporte son courrier Avant de rentrer Waltham L onard consulte un m decin sur les ma laises un d but d angine de poitrine que le lecteur avait devin qu il prouve depuis
3. re aux gestes et aux pens es de ses personnages un poids propre les ancrer davantage dans l esprit du lecteur Si ce dernier accepte finalement de passer quelques heures en compagnie d tres qu il ne supporterait pas cinq minutes dans la r alit c est donc plus affaire de langage que d on tologie N anmoins l int r t qu il leur porte reste mitig car il ne saurait tre question de s identifier de tels fan toches Seul un regard infiniment iro nique sans complaisance e t pu faire que cette pitoyable humanit int resse vraiment mais l Et Rebecca n y re court gu re C est dommage L d du Seuil 25
4. un moment d j consul tation qui sera suivie d une crise qui lui rappellera sa fragilit Les cours d t qui n avaient pas commenc dans le champagne se terminent dans la camo mille Le groupe d tudiants s est encore amenuis et Rebecca n a pas reparu Dans cet univers qui se d fait un espoir sou dain se fraie un chemin vers la lumi re sous les esp ces d une petite fille qu Ed wige et L onard d cident d adopter Roman de professeur l t Rebecca l est plus d un titre Cela se per oit d abord dans la fa on particuli re qu a l auteur de concevoir son r cit Rare ment a t on vu en effet un romancier tre plus conscient des techniques du genre en suivre l exact mode d emploi que sa profession lui a certainement permis d tudier tout cela dans la foul e de l cole du regard coup s r un s mio ticien s amuserait l autopsie d une telle histoire et cela suffit rendre un peu sus pecte une construction o finit on par se dire il entre peut tre beaucoup de fa brication cet gard la seule num ro tation des chapitres s av re d un ensel gnement point d nu d int r t et tout compte fait r v lateur Lorsqu on ouvre le livre la premi re page coiff e du chiffre 7 on se dit d abord qu une fois de plus le relieur a d mal faire son tra vail puis on s aper oit que cette capri cieuse num rotation correspond en fait une date celle du jour o se situe l ac tio
5. agogue minent pour subodorer qu un cours fond sur de telles lucubrations sera un chec Le premier cours de L onard Troy Waltham n a pas d laisser de traces pro fondes dans la m moire de ses tudiants et il n en laissera pas davantage dans celle du lecteur Toutefois il aura permis au h ros de retrouver Rebecca vaguement entrevue plus t t et de prendre cette fois avec elle un contact personnel Deux se maines assez d nu es d int r t gri s tres s coulent au cours desquelles le professeur mal pr par voit ses stocks s puiser rapidement Puis la faveur d une br ve excursion en bateau qu il fait Provincetown en compagnie de sa femme L onard revoit Rebecca qui se jette brusquement son cou l embrasse et s enfuit Petit incident qu ignorera sa femme et qui le troublera Apr s un week end pass naviguer avec Junon et Sci pion il reprend ses cours qui s enlisent On s y ennuie ferme de part et d autre sauf peut tre Rebecca qui s amuse aux d pens de son professeur quitte s ex cuser plus tard Il faudra une seconde ex cursion Provincetown en solitaire cette fois et une autre rencontre fortuite pour qu entre eux les choses s engagent plus avant Qu on ne se m prenne pas elles n iront gu re au del des explorations tactiles ce qui reste tonnamment timide dans les circonstances Au cours du lundi suivant que l auditoire commence d serter pas de Rebecca
6. al se trouve tre galement un professeur En son temps Madame de La Fayette dont on se rappellera les tendres sentiments pour le duc de La Ro chefoucauld n aurait su donner vie d autres personnages que des princes et des princesses faits ravir comme dans les contes de f es parce que son rang et les conventions du genre l exigeaient Qu un professeur fasse d un professeur un h ros romanesque dans la conjonc ture actuelle rel ve au fond d une lo gique tout aussi rigoureuse Autres temps autres moeurs Du reste avant m me la chute de l Ancien R gime et les sanglants r glements de comptes de la R volution fran aise le roman se faisait d j volontiers roturier Avec le r sultat qu on se retrouve pr sent en possession d un genre qui l usage et avec le temps s est enrichi de tant d l ments primiti vement trangers son essence que tout y devient possible Boulimique il s ap proprie sans vergogne des pans entiers d autres disciplines qu il appr te sa guise et exploite l esp ce pisodique noble ou abjecte avec un gal app tit et une gale indiff rence Lorsqu on se r v le ce degr omnivore ce n est pas cette petite chose inoffensive qu on ap pelle un professeur qui fait probl me Petite chose inoffensive coup s r il l est le falot professeur que met en sc ne Ren Lapierre dans l t Rebecca Per plexe d s le premier mot du r cit il le demeurera jusq
7. de Roger Mar tin du Gard de Fran ois Mauriac ou d Henry de Montherlant tous crivains rent s qui une longue lign e d an c tres enrichis dans le n goce le change ou d autres activit s lucratives assurait une ind pendance financi re leur pro curant le luxueux loisir indispensable la cr ation Pour un L on Bloy ou un Georges Bernanos toujours aux abois crivant au milieu d atroces soucis d ar gent que de romanciers alors l abri des difficult s p cuniaires Aujourd hui cette grande bourgeoisie lib rale qui a donn aux arts et aux lettres plusieurs de leurs plus illustres repr sentants n existe plus gu re Esp ce menac e qui a subi le destin de tant d esp ces animales elle a abandonn d autres exploitants le champ toujours fertile du romanesque S il faut en croire la publicit des di teurs que d autres sources d ailleurs confirment il semble que ce soit large ment les professeurs qui aient pris la re l ve telles enseignes du reste qu ils s av rent v ritablement les avatars des grands bourgeois de nagu re sans doute moins du fait de l aisance que leur vaut la profession que des temps libres qu elle leur accorde Aussi ne s tonne t on pas d appren dre d tail que pr cise la notice biogra phique au dos du livre que l t Rebec ca soit une fois encore un roman de pro fesseur Supr me raffinement il s agit en outre d une fiction dont le personnage 24 princip
8. n m me du chapitre Tout bien r fl chi quoi sert de compliquer ainsi les choses Il y a des moments o d cid ment un romancier gagne sacrifier aux usages plut t qu son imagination Avec cet exemple qu on pourrait assor tir de plusieurs autres on met le doigt sur un artifice comme il s en trouve d assez fr quents dans l t Rebecca artifices qui emp chent le lecteur de s abandon ner en toute confiance au bon plaisir du romancier Outre la technique il y a l criture m me de l t Rebecca qui voque le ro man de professeur Soign e voire cer tains moments savante c est elle qui sauve du complet naufrage une intrigue qu il faut bien dire mince et des person nages qui exception faite de la figure centrale se r v lent plus profil s que v ritablement fouill s Que sait on en effet de la fille de L onard Troy De sa femme RENE LAPIERRE L t Rebecca m Cr M A yI SR A CE AUX EDITIOSS DU SEUIL Edwige dont la d cision finale d adopter un enfant constitue l une des surprises poustouflantes d un d nouement qui en compte plus d une et auxquelles on ne peut s emp cher de trouver quelquefois un petit air de gratuit De Rebecca qui s identifiera dans l esprit du h ros une saison d t et qui donne tout de m me au roman son titre Tout compte fait c est la qualit de l criture expression de l attachement minutieux de Ren La pierre aux mots qui conf
9. u la fin puis une fois le livre referm ce sera au tour du lecteur de l tre Lorsqu on fait connaissance avec L onard Troy sa fille voyage en Italie et sa femme vient de partir pour Boston afin d y faire un stage en p dia trie Un peu d sempar de se retrouver seul l esprit vacant il s appr te de son c t aller donner des cours dans une universit am ricaine Rien n est encore s r mais il sera fix d s le lendemain l issue de l entrevue qu il doit avoir avec son doyen Les circonstances voudront qu il n obtienne pas le poste convoit mais un cours sur l Art et la repr sen tation pour lequel il n est pas pr t en outre dans une universit trop loign e de Boston pour qu il puisse encore envi sager de partager le m me appartement que sa femme M me si rien ne s arrange comme il l avait esp r il accepte le sort qui lui est fait ce qui s av re d j un mauvais pr sage L arriv e sur ces entre faites d un couple ami fort color Ju non et Scipion pr noms que les Fran ais estimeront sans doute follement nord am ricains le distrait un peu de cette d ception et surtout dote d un conforta ble alibi ce vell itaire qu angoisse un cours auquel il ferait mieux de s atteler sur l heure Les premi res r flexions qu il y consacre tout de m me sentent d une lieue le p dant et comptent parmi les passages les plus rebutants du livre Il ne faut pas tre grand clerc ni p d
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