Laisser-aller: l`itinérance et l`espace contraint dans L`Homme
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1. Abe 2001 9 10 Mais aussi de son invisibilit aux yeux d autrui Toi par exemple je suis s r que tu n as pas encore entendu parler d un homme bo te Pourquoi y aurait il des rumeurs sp cialement mon sujet Je ne suis pas le seul tre homme boite Il my a pas encore de statistiques l dessus mais on trouve des traces videntes qui prouvent l existence cach e de nombreux hommes boites travers le pays Et pourtant je n ai nulle part entendu aborder le probl me de l existence de ces personnages Il est vident que le monde veut rester bouche cousue leur sujet As tu jamais eu l occasion d en voir un Abe 2001 14 Chez Abe Tokyo repr sente un lieu sans avenir alors que Majzels fait de Montr al un lieu mythique qui permet la recomposition d une iden tit fluide jouant comme c tait d j le cas dans Le Piano trompette de Jean Basile sur la transmigration des identit s L homme bo te constitue le portrait d une identit portative Pas de r f rences culturelles chez Abe au mieux la narration de faits divers dans des journaux populaires Pas de r f rences litt raires des citations encastr es dans la mati re textuelle comme c est le cas de Montr al barbare de Majzels mais la description glauque d un monde portuaire qui est jonch d impuret s Sur les ques tions qui nous int ressent celles de la contenance du soi Abe adopte un point de vue singulier Le personnage de L2. de quelque matrice hospitali re qui lui offrirait pour une br ve p riode un droit de cit Ce d faut d inscription n est pas banal puisqu il est la condition de la repr sentation symbolique d habitus en somme la n ces sit de forger une permanence une dur e qui acquiert le statut de lieu Nous nous situons l o nous habitons Nous sommes les lieux o nous logons Notre pens e est model e par les murs les plafonds et planchers Pameublement o nous s journons Voil qui contredit l id e par ailleurs re ue avec le plus grand naturel que nous chappons l idiotie des lieux Pidiosyncrasie que suscite secr tement en nous la forme du lieu Le laisser aller serait ce accepter une d faite qui concr tise le fait que les lieux au lieu d tre des opposants dans cette qu te de soi ce souci de soi repr sentent les figures d une identit palimpseste Si tel est le cas les lieux ne sont pas neutres ils sont les matrices d une affectivit secr te Cela implique enfin que l itin rance parce qu elle implique une vacance des repr sentations normatives du lieu est la forme angoissante d une dissolution de l identit Or nous venons de voir avec Le Piano trompette de Jean Basile que cette mise en demeure 199 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE de Videntit personnelle la faveur d une intertextualit prolif rante d une mise en espace clat e de l univers urbain m
3. en r f rence l espace privatif de la propri t fonci re la mani re des travaux conduits dans le domaine de l anthropologie je pense entre autres aux recherches conduites par Fran ois Laplantine 2003 il faut tenir compte de propri t s mineures de l identit de disjonctions dans l espace culturel qui nous permettent d viter tous ces pi ges qui consistent sc nariser l espace sous l aspect d un lieu qui nous appartient sur lequel nous avons prise A cet gard un passage de L homme bo te est r v lateur Si on prend contact avec le paysage autour de soi on a tendance ne retenir que la partie dont on a besoin Par exemple on peut se souvenir d un arr t d autobus mais on peut ne pas se souvenir du tout des grands saules proximit Quon le veuille ou non l attention peut tre attir e par une pi ce de cent yens tomb e sur la chauss e mais en revanche un vieux clou tordu et rouill ou des herbes folles sur le bord de la route peuvent sembler inexistants D habitude sur les routes on fait en sorte de ne pas se perdre mais d s qu on prend louverture de la bo te comme observation Pas pect des choses para t compl tement diff rent Les d tails vari s du paysage deviennent homog nes et sont empreints d une gale signification des m gots de cigarettes les s cr tions collantes dans les yeux des chiens les fen tres d une maison deux tages avec des rideaux flottant
4. fable sur la condition tragique de l itin rant Ce n est pas pour autant un jugement normatif sur les motifs qui devraient permettre l itin rant de quitter sa condition pr caire Ce n est pas enfin un r cit qui traite des malheurs d une identit stigmatis e soumise aux st r otypes et aux pr jug s des personnages s dentaires qui peuplent l espace ambiant Au contraire de ces repr sentations de l itin rance Abe consid re les formes complexes du laisser aller Nous avons trop souvent l esprit propos de l itin rance la figure d une d sertion ou d une d ambulation Nous oublions que Piti n rance est un laisser aller circonscrit par des balises qui repr sentent une marche r p titive au c ur de la ville Abe nous indique que la pr carit de l homme bo te provient de la fragilit de l habitacle qu il rev t N importe quelle caisse en carton vide d un m tre de largeur et d un peu plus d un m tre de hauteur fera l affaire Cependant du point de vue pratique il est pr f rable de choisir une caisse de dimensions standard On peut s en procurer facilement De plus elles sont tr s solides car les produits pour lesquels on les utilise sont de tailles et de formes diverses Enfin et c est l la raison la plus importante on les distingue diff cilement des autres bo tes Il est vident que si la bo te tait de qualit sup rieure son anonymat en serait obligatoirement affaibli
5. ferr es Voil un homme ordinaire qui a un jour choisi de devenir un homme bo te En t moigne le d but du roman Voici mon cas Il sagit du journal d un homme bo te je suis dans une bo te en carton que je porte sur la t te et qui descend de chaque c t le long de mes hanches A cet instant pr cis Phomme boite c est moi Autrement dit Phomme boite dans une bo te crit le jour nal d un homme boite Abe 2001 9 Le ton est donn Les premi res pages du r cit sont consacr es la des cription de la structure de ce carton qu il faut adapter la singularit de l humain qui prendra place au c ur d un nouvel habitacle Ce qui demande le plus de soin est la confection d une ouverture servant de poste d observation Il faut d abord en fixer la taille et la position celles ci variant selon les individus il est souhaitable de garder comme r f rences les chiffres suivants Abe 2001 I1 On le voit c est la nudit l absence de protection qu offrait le v te ment qui est mis jour Cons quence de cette nudit peine prot g e par la bo te le sujet se per oit fragile d sempar Son sens de Porientation est mis en cause premi re vue le roman de Abe est ce cause de sa 200 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT facture technique la description d un mode d emploi vestimentaire pour itin rant en devenir suscite l tonnement Ce n est pas une
6. la sc nographie de la place milie Gamelin traduisait un d fi de taille L architecte responsable de am nagement du square nous offrait le spectacle d un observateur virtuel qui install dans le square contemplait le paysage urbain de la rue Sainte Catherine ou de la rue Saint Hubert Mais ce n est pas ainsi que les choses se passent lorsqu il est question de l espace pratique de la ville Pour quiconque a l occasion de circuler la place milie Gamelin ou dans les rues qui Penvironnent c est au contraire le paysage urbain ext rieur au square qui poss de une r elle vitalit Les autres passants ind sirables qui sont inter dits de passage dans cette place r sident dans ses pourtours observent de 193 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE loin des jardins une fontaine aujourd hui d fectueuse en somme un espace mort Ce sont des spectateurs qui regardent une place devenue un objet architectural sans grande envergure alors que les concepteurs de la place milie Gamelin pr tendaient mettre en place une perspective focale volontaire qui dictait de quelle mani re il fallait regarder la ville Le projet de la place Emilie Gamelin correspond un discours d poque On le retrouve dans le projet de revitalisation urbaine du Bryant Park New York qui avait pour fonction de requalifier l espace urbain en ciblant ses usages selon une strat gie qui a t d finie en ce terme domestication by capuccino On
7. le r ve de sa vie apr s qu il Pa quitt e Abe 2001 184 En d autres termes le narrateur a t il r v cette fiction qui a permis la cr ation d un monde possible A moins que ce soit la fiction elle m me sous la forme de l itin rant qui ait donn naissance au narrateur ce propos Kobo Abe nous dit que l itin rance n est pas simplement le constat d une inertie d une absence de mouvement au c ur des villes Celle ci est la trame d une d ambulation onirique une fa on de voir le monde qui nous oblige nous d faire de tout habitacle inutilement encombrant cet gard la conclusion du roman est r v latrice C est a pendant que j y pense encore une chose tr s importante ajouter dans tous les cas quand on fabrique la bo te il faut s assurer qu il y a suffisamment d espace libre pour prendre des notes Mais bien s r il y aura toujours assez de place Aussi assidu qu on puisse tre on n arrivera jamais remplir les endroits vides Cela me sur prend toujours mais il y a une certaine sorte d crits qui n est que du vide De toute fa on on pourra crire son nom Si vous ne voulez pas me croire ne me croyez pas a ne fait rien Abe 2001 200 201 lire ce passage de L homme bo te on per oit que l habitacle n est pas un contenant formel Il n est pas une enveloppe dont le caract re artificiel permettrait de prot ger le sujet des animosit s climatiques du
8. monde externe du regard incisif de la foule qui ignore et tout la fois convoite Pitin rant dont il faut cerner l identit tout prix La bo te c est aussi un 203 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE r ceptacle motionnel une matrice scripturaire nous reprenons ici le discours de Michel de Certeau tenu dans L invention du quotidien La bo te c est enfin si nous reprenons le propos freudien propos du bloc notes magique la matrice du r ve l inscription de signifiants dont la permanence sur un support est semblable une figuration onirique D une part la bo te qui tient lieu de signifiant de s paration permet de d terminer un dehors et un dedans une int riorit et une ext riorit une intimit bien s r toute relative et une visibilit dans l espace public ce qui fait que tr s souvent nous percevons l itin rant avec malaise Ce dernier habite la rue d faut d avoir un espace priv il s habille se d s habille fait ses ablutions s alimente comme si le monde ext rieur n exis tait pas Ce mest pas une incivilit qui conduit l itin rant agir de cette mani re tout simplement il n a pas d espace propre cette premi re caract ristique de la pulsion scopique qui permet de forger un lieu s pa rateur permettant de se redonner un semblant d espace priv il faut ajouter ce que j ai appel dans un autre contexte l tude de l uvre de V S Naipaul l
9. troublons pas par l exercice de la col re de la rage d une attitude intempestive voil qui est de plus un exercice rationnel Le propos que je tiens dans cet article nous conduit vers d autres voies Ainsi Pitin rance est un laisser aller un laisser faire ou encore on excu sera le jeu de mots un laisser d faire C est que l itin rance n est pas une probl matique comme les autres Prenons pour exemple la Place milie Gamelin dans le centre est de Montr al Cet espace public voit le jour en 1992 dans un univers urbain vari b timents institutionnels commer ciaux sans oublier une importante fonction r sidentielle La diversit culturelle sociale ethnique est au c ur du quartier Bien que l clectisme caract rise la composition architecturale des lieux la mobilit culturelle de populations h t rog nes des tudiants de l UQAM et du C gep du Vieux Montr al aux spectateurs du Th tre Saint Denis sans oublier les cin philes de la Cin math que qu b coise contribue faire de cet espace un site propice aux interactions et conflits de tous ordres Au moment o j cris ces lignes la conception puis la mise en uvre du Quartier des spec tacles sans oublier le projet du centre hospitalier de l Universit de Mont r al ainsi que de nombreux projets r sidentiels et commerciaux priv s entra nent une modification substantielle de la population de ce quartier cet gard il faut dire que
10. un agresseur qui appara t notre grande surprise sous la forme d un itin rant bis Cet aspect n est pas n gligeable En effet L homme bo te de Kobo Abe campe une lutte de pouvoir dont l on peut penser que l objectif est la conqu te d une identit qui mettra un terme la succession voire la duplication d identit s factices Ainsi le narrateur de L homme bo te fait souvent r f rence au cas 4 au cae b au cas a et au cas b une fa on de num roter comme dans un r pertoire m dical asilaire des sujets qui n ont plus de propri t personnelle plus de noms plus de pr noms au mieux une identification num rique qui permet de prot ger un secret la confidentialit d un dossier m dical Cependant il n y a pas d identit p renne chez Kobo Abe Dans L homme bo te l habitacle nous l avons vu est une surface d inscription Revenons sur ce passage C est a pendant que j y pense encore une chose tr s importante ajouter dans tous les cas quand on fabrique la bo te il faut s assurer qu il y a suffisamment d espace libre pour prendre des notes Mais bien s r il y aura toujours assez de place Aussi assidu qu on puisse tre on n arrivera jamais remplir les endroits vides Cela me sur prend toujours mais il y a une certaine sorte d crits qui n est que du vide De toute fa on on pourra crire son nom Si vous ne voulez pas me croire ne me croyez pas a ne fait rien Abe
11. 2001 200 201 Ainsi l habitacle est le lieu de r ception de signifiants de notes de rap pels comme c est le cas dans un agenda d indications sous forme d adresses retenir L habitacle serait il contre toute attente la forme nou velle d un livre un espace dont la dimension matricielle m me si elle est souvent per ue de mani re caricaturale n en demeure pas moins le repo soir d une identit en devenir Voil toute la complexit de ce roman de 205 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE Kobo Abe mi chemin entre Kafka et Beckett qui nous dit que l homme est incarc r dans une matrice existentielle dans ce que nous appelons pour notre part un coum ne ou encore un signifiant d habitabilit Alors que Robert Majzels sugg re propos de Montr al la s dimentation his torique et mythologique parfois incongrue de personnages qui ont acquis au c ur de la cit un droit de re pr sentation de Le Corbusier Paul de Maisonneuve Kobo Abe dispose des personnages ordinaires qui habitent un monde banal ce sujet il faut parler d un monde contract d un espace tenaill Tout se passe comme si le sujet itin rant dans l uvre de Kobo Abe tait r duit la petite fen tre sensorielle qui peut lui permettre de percevoir le monde Puis vient l installation du rideau en vinyl semi transparent L aussi il y a un petit secret Il faut le fixer avec du ruban adh sif l
12. Seule Lady Macbeth s occupe cuire quelque chose Majzels 2000 17 18 Voil autant de r f rences culturelles qui prennent l aspect d une ency clop die abracadabrante une fiction ou Montr al tient le r le principal En effet le r cit est consacr la description d un espace public rar fi la rue est le site de transmigrations la fois risibles et affirm es Le Corbusier promeut l aspect r volutionnaire de son Modulor qu il tente de vendre un Rockefeller dont le bureau est situ dans la Place Ville Marie Le Sieur de Maisonneuve essaie de colmater la mont e des eaux dans un Montr al la fois pieux et sauvage Quant au Che il poursuit sa lutte au prix d une confusion mentale exacerb e Le Mont Royal est l quivalent de la cha ne des Andes La moindre d ambulation est le pr texte d une enqu te froi dement paranoiaque le Che est accabl par des agents doubles des mer cenaires des agents contre r volutionnaires qui peuplent la ville Dans un autre contexte j ai tudi cette plasticit figurative que permet Montr al dans Le piano trompette un roman de Jean Basile 1983 cette occasion je voulais cerner l absence de distinction franche entre l identit et l alt rit la m met et l ips it le soi et l autre Il me semble que Montr al barbare de Robert Majzels reprend le propos de Basile cette fois sur la question de l itin rance Montr al est une fable un lieu prop
13. Simon HAREL Laisser aller Pitin rance et l espace contraint dans L Homme boite de Kobo Abe et Montr al Barbare de Robert Majzels R sum partir d une r flexion sur les formes de l espace public son am nage ment son architecture nous soumettons l hypoth se que les lieux com muns de la vie civique ainsi les squares et jardins sont peu peu mis de c t au profit des aspects spectaculaires de la festivit citoyenne du Parc des Festivals de Montr al aux am nagements pompeux et grandiloquents de lieux de r jouissance et de spectacle au c ur des m tropoles cultu relles partir d exemples provenant des activit s de PATSA Action ter roriste socialement acceptable qui intervient Montr al sur le front de l itin rance principalement au Square milie Gamelin et qui privil gie la mise en valeur de la culture d en bas culture from below celle du centre ville ou du downtown en d sh rence nous entendons mettre en relief l habitus quest le laisser aller une fa on d tre en marge la d rive en somme un acte qui conteste passivement les us et coutumes d espaces publics aux usages normatifs Nous ferons appel aux romans de Kobe et de Majzels qui se situent respectivement Tokyo et Montr al afin de mieux cerner les formes diverses de ce laisser aller propre Piti n rance de l invisibilit de homme boite aux figures entrecrois es et r in
14. aced myself sou hait d une intimit fusionnelle avec un soi qui met l cart le monde externe la rue les activit s quotidiennes des d ambulateurs au c ur de la ville le laisser aller que j ai voulu d crire dans cette communication est exemple d une d rive urbaine Au contraire des discours qui mettent l accent sur la forme anim e de cette d ambulation une intention un mouvement une volont un projet le laisser aller que je mets en valeur est la fois mobilit et immobilit d placement et stagnation perception et aveuglement Bibliographie ABE Kobo 1988 L Homme bo te traduit par Suzanne Rosset Paris Stock ANZIEU Didier 1995 Le Moi peau Paris Dunod 208 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT BASILE Jean 1983 Le piano trompette Montr al VLB Editeur 1991 La jument des mongols Montr al Typo Bauman Zygmunt 2007 Le pr sent liquide peurs sociales et obsession s curitaire Paris Seuil Bron Wilfred Ruprecht 1979 El ments de psychanalyse Paris PUF CERTEAU Michel de 1990 1980 L invention du quotidien Arts de faire 1 Paris Gallimard Folio COETZEE John Maxwell 2002 2000 Disgrace traduit par Catherine Lauga du Plessis Paris Seuil Points Hare Simon 1999 Le voleur de parcours Montr al XYZ Editeur 2007 Espaces en perdition tome 1 Les lieux pr caires de la vie quotidienne Sainte Foy Presses de l Universit Laval LAPLANTINE F
15. c et un espace priv selon le principe d une cologie sani taire o il faut tre chez soi dans espace priv o il faut tre avec les autres dans un espace public Quen est il alors de cette expression que j ai employ au d but de cette communication un laisser aller que l on pourrait aussi traduire de mani re un peu acad mique sous la forme d un d faut de contenance narcissique une d ficience de la coh rence somato psychique du Moi Nous avons vu propos de la Place milie Gamelin et des itin rants de 206 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT Montr al qu ils composaient des chor graphies contrast es au c ur de la ville Si les itin rants d rangent c est qu ils laissent aller le corps la voix sans crainte apparente sans r serve Ce d faut de contenance g ne absolu ment Il Pest quivalent d une fluidit d une liqu faction du sujet d crite par le sociologue anglais d origine polonaise Zygmunt Bauman 2007 Cette fluidit de l identit sous entend par ailleurs une profonde dou leur puisque l itin rant est condamn circuler perp tuit Il reste que ce laisser aller que l on peut comprendre sous l aspect une d rive urbaine un naufrage au c ur de la ville est l indication de profondes mutations de Phabitabilit au c ur des m tropoles actuelles Laisser aller cela veut dire un autre rapport l habitat qui ne se construirait plus uniquement
16. carn es de Paul de Chomedy et de Le Corbusier chez Majzels 191 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE Abstract I will begin my discussion on public space urban planning and archi tecture based on the premise that the common places of public life namely squares and gardens are gradually being set aside and supplanted by spectacular civic celebrations from Montr al s Parc des Festivals to pre tentious and grandiose displays of festivities and shows at the centre of metropolitan cultures As a starting point I will draw on examples of some of the activities led by Montr al based ATSA Action terroriste socialement acceptable Socially Acceptable Terrorist Actions which focuses on homelessness in the metropolitan city specifically Emilie Gamelin Square and seeks to bring out the all important place of culture from below that shapes much of the downtown area My interest lies in showcasing the habitus of laisser aller of those who are socially excluded and adrift in other words of those who contest albeit passively the customs of public spaces normally reserved for those who conform I will explore these ideas in the novels by Kobe and Majzels that take place in Tokyo and Montr al respectively in order to distinguish more clearly the various types of laisser aller characteristic of homelessness as shown in the invisibility of the box man by Kobe and the intersecting and re incarnated characters of Paul
17. de Chomedy and Le Corbusier by Majzels Mots cl s Abe Majzels public space Montr al Tokyo homeless Bio Psychanalyste et professeur titulaire au D partement d tudes litt raires de l UQAM Simon Harel est membre r gulier du CELAT PUQAM Centre interuniversitaire d Etudes sur les Lettres les Arts et les Traditions De plus il est le responsable d un projet de recherche sur La m moire bris e migrations et m tamorphoses et cochercheur au sein du groupe IDR Discours et pratiques du lieu habit qui rassemble des uni versitaires et des partenaires du milieu culturel harel simon uqam ca 192 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT E R FLEXION sur l itin rance ramen e au domaine des signes impose de prendre au s rieux ce que je nomme un affect de conte nance psychique L expression sugg re que le sujet de l inconscient ainsi qu on le formulait autrefois du temps de Lacan s apparente un conte nant un r ceptacle une matrice En effet si l on suit la lettre les pro pos de psychanalystes aussi diff rents que Didier Anzieu 1995 Wilfred Bion 1979 on notera que cette contenance d crit la n cessit d tre soi un sentiment d identit primaire dont Winnicott 1969 autre psycha nalyste important sur les questions qui nous int ressent a t la fois le clinicien et le th oricien Se contenir tre ma tre de soi faire uvre de sujet dans un monde que nous ne
18. de ce vivre ensemble qui dans l espace montr alais prend aujourd hui l aspect d une cohorte festive Cependant Peuphorisant que repr sente la culture de la d ambulation dans l espace montr alais est bien souvent l expression d un habitus normatif autrefois l loge de l criture migrante puis les d clamations associ es la pens e m tis aux disjonctions culturelles que la perception de l alt rit provoque en nous tous ces discours qui ont lheur de plaire nous imposent aujourd hui d adopter une certaine retenue En d autres termes la probl matique de l itin rance supposer qu elle soit un probl me engage une pens e dont les d terminations sont poli tiques Je soulignais tout l heure une certaine irritation l gard des figures consensuelles du vivre ensemble qui trouvent place dans la r pu blique montr alaise lieu dit de l imaginaire que nous tudierons aujourd hui Des ann es ViceVersa la mission sociale et po tique de Guy Lalibert PDG du Cirque du Soleil qui sembarqua le 30 septembre dans une fus e Soyuz TM 16 pour une mission sociale et po tique avec comme porte paroles Yann Martel U2 et Al Gore l univers montr alais se veut la mise en sc ne d un g nie du lieu En d autres termes l espace montr alais serait une terra incognita mineure le lieu de cr ation d une identit composite Lors de cette com munication je veux cerner un ph nom ne troublant Laffi
19. dispara tre ces itin rants de l espace urbain Ce n est cependant pas le cas la faveur d une guerre territoriale sans merci qui adopte le principe de l alternative fight flight donnant au roman de Kobe la forme d une narration qui met 204 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT en sc ne des espaces contraints des espaces conflictuels nous constatons que ce sont les itin rants eux m mes qui refusent le principe d un partage des lieux Comme j appuyais mes doigts sur la blessure ceux ci devinrent tout collants de sang Soudain je me sentis angoiss Dans les quartiers anim s de Tokyo on ne se rend pas compte mais dans la rue commer ante de cette petite bourgade c est impossible d absorber deux hommes boites Si le second insiste pour devenir homme boite tout prix une dispute territoriale est in vitable qu il le veuille ou non Quand il compren dra qu il ne peut pas me pousser dehors avec son fusil air comprim il n est pas impossible qu il revienne la fois d apr s avec un vrai fusil Abe 2001 36 Deux perceptions du monde urbain l une qui met l accent sur le caract re protecteur de l habitacle en d pit de la pauvret du sentiment d abandon Dans ce contexte le regard est orient vers l int rieur cette matrice scripturaire que j ai d crite un peu plus t t De l autre l habitacle est une cible en provenance d un regard sniper d un attaquant d
20. e regard sniper la mise en sc ne d une pulsion scopique incisive qui a pour r le d an antir la perception jug e ind sirable d un fragment du monde r el dont l on souhaite par frustration et intol rance la destruction l an antissement Harel 2007 Ainsi dans L homme bo te ce passage Endroit o a t prise la photo le pan de la longue palissade noire adoss e la montagne d une usine de soja La diagonale qui coupe la surface de la photo c est l ombre de ce mur Abe 2001 33 Cette perception correspond l acte de photographier On constate dans L homme bo te que le personnage de l itin rant est lui m me un photographe qui ne cesse de l int rieur de son habitacle de filmer le r el comme s il pouvait ainsi donner coh rence un monde autrement d personnalis Premi res suppositions concernant la v ritable nature du tireur J aimerais me reporter au cas de quand quelqu un est horripil par l existence d un homme boite et que de plus il veut en devenir un il a tendance d une fa on g n rale montrer une attitude de super agressivit qui le pousse tirer avec un fusil air comprim C est pourquoi je mai pas lev la voix pour appeler au secours et mai pas cherch poursuivre mon assaillant Abe 2001 35 premi re vue ce shooting Pacte qui vise autrui semble le fait de voisins irrit s de milices dont le seul objectif est de faire
21. ext rieur du bord sup rieur de louver ture et le laisser prendre librement on ne doit pas oublier d y pratiquer une fente hori zontale C est un syst me tr s simple mais dont on ne peut imaginer le c t pratique La fente se trouve au centre et les deux bords se chevauchent sur deux trois millim tres Il est ainsi possible d y s journer sans tre vu de personne Il suffit de pencher la bo te l g rement pour que le rideau s ouvre et alors de l int rieur on peut regarder vers l ext rieur Abe 2001 11 12 Ainsi la cr ation de l habitacle suppose une meurtri re perceptive qui permet l itin rant de voir sans tre vu On per oit le caract re surprenant de cette affirmation puisque l itin rant ne cesse d tre per u comme un personnage ind sirable dans une communaut aux habitus durablement inscrits De ce point de vue la marche la d ambulation traduisent un mouvement r gul dans un univers o le fait d habiter demeure dans un espace public est consid r comme un acte inacceptable Or la figure de l itin rant que propose Kobo Abe instaure un point de vue in dit sur le monde Litin rant habite une bo te qu il manipule avec dext rit se camouflant dans cette derni re Ce faisant il se per oit invisible aux yeux d autrui L int riorit de cet habitacle lui offre pour un temps l illusion de se soustraire aux exigences d un monde normatif qui impose chacun un espace publi
22. homme bo te dont l on constate qu il peut tre dupliqu trouve un malin plaisir ne pas sortir 201 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE de sa coquille Tout se passe en effet comme si l homme bo te adoptait peu peu la forme de l objet qui le chosifie qui le r ifie Ce n est pas un retour l tat de nature que promeut Abe la reconqu te d une identit pleine ment valoris e sous la forme d une responsabilisation du sujet dans un espace v cu comme on l entend si souvent propos des interventions sur le front de l itin rance au c ur des villes mais le plaisir de se fondre dans l habitacle devenir chose objet forme opaque non perceptible aux yeux d autrui En t moigne cette citation Au lieu de quitter la bo te je vais y enfermer le monde Maintenant le monde a d clore ses yeux Tout va se passer comme je le d sire Je me suis d barrass de tout ce qui peut produire une forme ou une ombre dans l immeuble de tous les objets comme des allumettes des bougies des briquets sans mentionner ma lampe de poche Abe 2001 198 199 Il est donc question d une identit repli e sur elle m me comme si le sujet l abri dans son habitacle recr ait une habitabilit primaire pas si loign e de cette cr ativit primaire mise en valeur par le psychanalyste Winnicott 1975 un sentiment la fois fugace et d une affectivit poi gnante qui constitue l identit person
23. ice l investigation du r cit une fiction donquichottesque par fois grotesque Si Jean Basile dans le Piano trompette prenait bien soin de mettre en jeu le monde caricatural de la contre culture montr alaise des ann es 70 Robert Majzels pour sa part adopte un ton qui d cortique mythologies anciennes et nouvelles de r cits fondateurs ce qui lui permet de contester leur efficacit Il est en effet incongru de rencontrer dans un m me passage et surtout dans un m me lieu Lady Macbeth Clytemnestre et Le Corbusier qui dis sertent comme si l espace montr alais soudainement rar fi devenait la source d une fiction affol e vrai dire cet aspect propre l uvre de Robert Majzels n est sans doute pas l l ment le plus remarquable du r cit C est encore une fois la probl matique de l itin rance qui mobilise 196 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT la r flexion Que veut dire en effet itin rer si ce n est faire intervenir au c ur d une d ambulation la forme autoritaire d habitus juridiques et administratifs Nous avons vu propos du Square Emilie Gamelin que l interdit de circuler tait une obligation impos e aux sujets dans la ville l obligation de se contenir de faire comme si les itin rants taient des sujets de passage des d ambulateurs des spectateurs des visiteurs au c ur de la ville ce sujet l uvre de Robert Majzels sugg re une impu ret
24. n minutieuse de la ville Le Piano trompette et Montr al barbare voquent un r cit d espace la fois compact et dis tendu Chez Basile l inscription du sujet dans l espace prend l aspect de cercles concentriques Le sujet de l nonciation privil gie partir de son lieu d mergence montr alais les formes liminales et p riph riques d une identit voyageuse Ce point de vue je l ai d fendu dans le Voleur de parcours Harel 1999 Ainsi le principe de l interaction spatiale le passage de lici au l bas du proche au lointain faisait appel la r flexion sociologique d un Georg Simmel 1984 J avais l esprit sur cette ques tion le r le d un lieu commun ainsi l existence de Monsieur Barnab dans Le Piano trompette qui tenait lieu d exemplum de raisonnement inductif grace auquel la condition du sujet urbain tait amplifi e Monsieur Barnab c tait l homme ordinaire d crit par Michel de Certeau 1990 l expression d un rapport humble la vie quotidienne ses al as Lexemplum formule cr dible du lieu commun qui reposait sur la puissance persuasive d un syllogisme tronqu n en laissait pas moins 198 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT para tre un espace propre autre expression ch re Michel de Certeau dans L invention du quotidien Ainsi le rapport du sujet l espace ne se voyait pas remis en cause de mani re fondamentale S il y avait inte
25. ne Le Corbusier sourit avec indulgence J attends la r ceptionniste Comme a vous arrange L homme en treillis hausse les paules en retournant au Corbusier une version d sabus e de son sourire S il refuse de nous voir je soup onne qu il n ait davantage de temps vous accorder Je suis attendu annonce Le Corbusier J ai t ses c t s d s le d but au Mexique Sur la Granma Et nous nous avons correspondu s exclame l architecte brandissant une copie manuscrite de sa lettre adress e 4 M Rockefeller Majzels 2000 121 122 Le ressassement au contraire de la p r grination est l exemple d une politique du pire que repr sente l itin rance Alors que l expression usuelle du d placement laisse entendre une interaction spatiale entre deux balises dans l espace de m me que la circulation d un sujet qui peut tre trans port d un point l autre le ressassement est la forme achev e de la r p tition ou l on veut d un rapport d notatif l espace o l expression de l identique pr vaut Le motif du d placement fait intervenir l id e force 197 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE dune mobilit du sujet dans l espace le ressassement au contraire conso lide une immobilit culturelle A cet gard le roman de Robert Majzels sil privil gie dans un premier temps la cr ation d une identit palimp seste chaque personnage es
26. nelle Laisser aller cela veut dire fuir se d placer au loin vivre les exp riences que l on d crit ais ment comme traumatiques de lexil du bannissement Il en va autrement de Phomme bo te d crit par Abe Se laisser aller ou laisser aller les catas trophes ordinaires de la vie quotidienne en t moigne l itin rance chez le romancier japonais tout comme on observe propos d un autre crivain John Maxwell Coetzee la description de la disgrace 2002 c est accepter l aspect in luctable de notre propre mort la forme terrible ment concr te des limites de notre volont propos de la mise en sc ne orthop dique du corps Les discours qui insistent sur les formes mobiles du voyage du d pla cement sous entendent une relation empreinte de contrastes qui associent Pidentit du sujet une alt rit lointaine fix e dans l espace la mani re d un objectif inatteignable comme le per oit Georg Simmel dans sa des cription de Sirius la fois proche et lointaine comme l est aussi l tranger dans la communaut qui pr tend l int grer Il n y a pas d toile Sirius dans L homme bo te de Kobo Abe Oublions ces visions du monde qui insistent sur la repr sentation certes s duisante d un ailleurs promesse de toutes les utopies de tous les d sirs que nous souhaiterions voir se concr tiser Au contraire de ce point de vue l itin rance appara t dans l homme bo te comme une condition pr cai
27. ontr alais n en laisse pas moins subsister un principe d unit Ce laisser aller que l on peut asso cier la repr sentation de l itin rance est cependant cloisonn contenu par un r cit une saga montr alaise ce sujet Montr al barbare de Robert Majzels adopte ce principe d une intertextualit qui met en relief un cosmopolitisme d brid tay par une assise territoriale une ville fut elle en proie aux transmigrations de l identit Dans les escaliers de l entr e Sainte Catherine Clytemnestre se baisse pr caution neusement pour r colter une autre correspondance abandonn e Elle inspecte syst matiquement chaque poubelle du corridor mais celles ci ne lui offrent que vieux jour naux et mouchoirs froiss s Les couloirs qui m nent au terminus d autobus et l universit logent des boutiques offrant brimborions et colifichets ainsi que des casse cro te des arcades de jeux lectroniques cependant Clytemnestre pr f re travailler dans le m tro Majzels 2000 39 40 Il en va autrement de L homme bo te roman de Kobo Abe 2001 Dans cet ouvrage de l crivain japonais il est question du statut de Piti n rant au c ur de la ville r cit parfois d sopilant la fois roman policier et d monstration ph nom nologique Abe situe son roman au c ur de l espace tokyoite L action voit le jour dans un quartier portuaire parmi les gigantesques chafaudages de grues de containers de voies
28. peut penser que tous ces projets de requalification du lieu reposent sur la mise distance au sein de l espace public d une popula tion d ind sirables Ainsi les sans abris les populations d ex psychia tris s qui sont d plac es avec violence se situent aux marges des villes et des places L am nagement de la place milie Gamelin les sculptures m talliques de l architecte Melvin Charney nous offrent l image d un paysage urbain ins r dans l univers du centre sud de Montr al Mais cette place qui semble avoir t cr e de toutes pi ces n est pas aussi neuve qu il y para t au premier abord La place milie Gamelin ce fut autrefois le parc Berri On n h sitait pas alors parler du parc de Montigny d apr s le nom initial de la station de m tro Berri de Montigny qui fut modifi en 1987 pour celui de Berri UQAM Aujourd hui l dicule de la station Berri UQAM accueille l intersection de la rue Sainte Catherine et de la rue Saint Denis une sculpture don des S urs de la Providence la communaut de M re Gamelin Tout cela n est pas sans cons quences l intersection des rues Sainte Catherine et Saint Hubert se trouvait autrefois Asile de la Providence dont la construction d buta en 1841 pour se terminer en 1843 On ne peut faire abstraction de la pr sence de cet asile au c ur de la ville qui offrait soupe populaire h bergement travail communautaire On ne peut oublier que ce
29. qui correspond Pacte de percevoir la ville sous la forme d un d chet Montr al barbare le titre l indique est la narration d un oubli et d une anamn se d une perte de m moire et d une hypermn sie Propos contra dictoire encore une fois Majzels nous indiquerait il que l itin rance est le secret inavouable de toute p r grination urbaine A la mani re des h t rotopies autrefois d crites par Michel Foucault de l asile au cime ti re l itin rance ne serait elle pas le sympt me d rangeant d une absence d espace propre lire ce r cit de Robert Majzels c est le motif du ressassement qui est Pavant plan Les personnages s entrechoquent s opposent confrontent leurs diverses interpr tations de l espace ambiant Le Corbusier quitte l ascenseur pour s enfoncer les semelles dans une paisse moquette de cabinet d affaires Ah voil qui est mieux videmment aucun signe visi ble sur l identit de l organisation mais la moquette le bureau d acajou fonc les fau teuils capitonn s tout ici respire Rockefeller C est alors que le militaire qui a l air bless ou du moins qui prouve certaines dif ficult s respiratoires le militaire se l ve et avec une grimace de douleur essaie d ouvrir la porte sa droite Celle ci tant manifestement verrouill e Phomme se d tourne pour s adresser au Corbusier Si c est El Lider Maximo que vous venez rencontrer il ne re oit person
30. rancois 2003 De tout petits liens Paris Mille et une nuits Mayzets Robert 2000 Montr al barbare trad de anglais par Claire D Montr al di tions Les Intouchables Titre original City of Forgetting Toronto The Mercury Press 1997 SIMMEL Georg 1984 Digressions sur l tranger dans Grafmeyer Y Joseph I L cole de Chicago Naissance de l cologie urbaine Aubier Paris Winnicott Donald Woods 1969 De la p diatrie la psychanalyse Paris Payot Winnicott Donald Woods 1975 Jeu et r alit Paris Gallimard Note 1 hetp www theglobeandmail com news national toronto michael bryant in police custody articler271489 209
31. re un entassement d identit s ais ment dupliqu es ce qui sous entend un rapport de force qui conduira au crime 202 LAISSER ALLER L ITIN RANCE ET L ESPACE CONTRAINT Dans le discours que nous venons d voquer la forme d une thologie inhumaine d un rapport de force qui se conclut par un homicide est apparente Ce discours qui n est pas sans rappeler la vie quotidienne au c ur des grandes villes rappelons cet pisode tout r cent l accusation port e contre Michael Bryant ancien procureur g n ral de l Ontario fai sant tat de n gligence criminelle et de conduite dangereuse lors d un classique pisode de rage au volant l gard d un cycliste d crit une tension insoutenable au c ur des villes comme si l itin rant repr sentait un sujet en trop Sur ces questions le roman de Kobo Abe est original Nulle prise de position id ologique manifeste nulle r flexion sociologique encore moins de m ditation sur l itin rance de toute vie le propos de Kobo Abe est la fois sec incisif vif la mani re d un roman d aventure au c ur de Tokyo qui se transforme en r flexion proche de Borges et de Beckett sur les d ambulations risibles des humains au c ur des villes la page 184 de L homme bo te nous pouvons lire cet intertitre Dans son r ve Phomme boite retire sa bo te Est ce l le r ve qu il a eu avant qu il ait commenc vivre dans la bo te ou bien est ce
32. rmation eupho rique de la mobilit culturelle est aussi le constat d une immobilit que repr sente l itin rance Cette derni re au lieu d tre un d faut de repr sen tation une asymbolie au c ur de nos pratiques urbaines tient lieu de r alit qu il faut analyser sans d lai La subjectivation de l itin rance en somme sa composition nonciative est une t che urgente dans la mesure o elle permet de red finir les expressions parfois grandiloquentes de la culture de l alt rit ce sujet un roman de Robert Ma zels traduit sous le titre de Montr al barbare offre une perception in dite de l univers montr alais Robert Maj zels propose dans ce roman les d ambulations les parcours erratiques de protagonistes itin rants qui s approprient le paysage montr alais On 195 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE retrouve dans ce roman les figures du Che de Le Corbusier de Lady Macbeth de Clytemnestre du Sieur Paul de Maisonneuve De retour au campement Clytemnestre se lib re du bras de Suzy sans l ombre d un sourire de gratitude et pourtant juste au moment de la s paration Suzy n a t elle pas ressenti contre sa poitrine une certaine pression si l g re f t elle et elle savance toute fi re et le dos bien droit jusqu son lit dans une baraque improvis e partir d Un ramassis de morceaux de bois et de ferraille Les autres r sidents du campement ne remuent pas encore
33. rtextualit dans Le Piano trompette celle ci par l entremise des transmigrations Raspoutine habitant la cale d un cargo chou dans le Vieux Port de Montr al favorisait une respi ration un rythme une facture syncop e Le Piano trompette par l entre mise du point de vue narratif qui mettait l accent sur le personnage de Monsieur Barnab prenait la forme d une saga d un r cit cr dible Si Pin tertextualit tait de mise ainsi que les transmigrations le passage subit d une poque l autre la pulsation euphorique que nous mettons en valeur la possibilit de voyager de changer d identit sans qu un tel geste soit catastrophique demeurait une alternative plausible Voil que nous abordons cette figure de la contenance du soi ch re aux psychanalystes qui prend la forme paradoxale du laisser aller Laisser aller n est ce pas tout d abord accepter de rompre les amarres du moi le souhait d abandonner les contraintes de l expression ce qui contient donne forme Au c ur de cet article j avance que l itin rance met en cause cette contrainte qui prend la forme d un habitus urbain Le sujet itin rant que l on peut d crire aussi sous la forme du hobo du sans abri du sans domicile fixe a comme caract ristique premi re un d faut d inscription Sous sa forme la plus nette le sujet itin rant n a pas d adresse fixe Il n a pas v ritablement de domicile il n est pas le locataire
34. s les plis d un tambour effondr des bagues s enfon ant dans des doigts mous des rails de chemin de fer d filant au loin des sacs de ciment durcis par l humidit de la salet sous les ongles des manettes mal ferm es Abe 2001 54 55 Dans cette description d un Tokyo per u ras le sol la formation d une horizontalit correspond une d finition s culaire de l habitabilit Le propos de L homme bo te met en valeur au lieu d une disposition trans cendante que repr sente Montr al barbare de Robert Majzels un point de vue ramen de plus justes proportions comme s il fallait r tr cir le domaine perceptif le soumettre un exercice minimaliste Sur ces ques tions quelques pr cisions sont n cessaires Kobo Abe nous propose une fable ph nom nologique sur le regard de l itin rant L habitacle fait corps avec l itin rant 207 FORMES URBAINES DE LA CR ATION CONTEMPORAINE Malgr a je secouai ma bo te et continuai r solument marcher Mais la bo te nest pas faite pour presser le pas A cause de la mauvaise a ration je fus tout de suite en sueur au fond de mes oreilles l humidit me causait des d mangeaisons comme je me penchais en avant la bo te bascula et on l entendit frotter le long de mes hanches C tait un bruit fragile comme celui d un objet en papier Abe 2001 57 Uhabitacle c est le corps du sujet La petite meurtri re d coup e dans le car
35. t asile fut pr sent dans la trame de Pest mont r alais sur plus d un si cle On ne peut ignorer que cet asile fut un lieu de passage pour passagers et d plac s pour de nombreux travailleurs en mouvement lors de la rapide industrialisation du port de Montr al situ sept cents m tres de ce que l on nomme aujourd hui la place milie Gamelin Ainsi les d plac s les sans abris et les laiss s pour compte de la place milie Gamelin ne sont pas que des spectres et des d lirants au c ur d une ville au mouvement mesur Tous ces sujets qui ressassent et pi tinent la ville dans les marges d une place d shabit e repr sentent l envers de cette sc nographie grandiloquente incarn e aujourd hui par la place milie Gamelin 194 LAISSER ALLER L ITINERANCE ET L ESPACE CONTRAINT On per oit mieux la suite de ces remarques sur les al as de la repr sentation de la Place Emilie Gamelin au c ur de Montr al que l itin rance est une pratique sociale qui fait l objet de contestions nombreuses et d interdictions juridiques En d autres termes les itin rants ne sont pas des sujets neutres qui habitent en toute innocence les centres villes des m tropoles nord am ricaines Ce sont des tres que l on juge ind sirables que l on voudrait int grer et r former selon les r gles et habitus d une bonne conduite L itin rance repr sente un point aveugle dans toute th orisation du progr s urbain
36. t la forme fluide d une identit en cours de red finition est l expression d un arr t sur image d une but e du soi sur un espace fixe Je mentionnais que ce roman de Majzels rappelait l uvre d un autre crivain Jean Basile auteur du Piano trompette d crivait une multitude montr alaise dont le d sarroi se voyait amplifi la suite d un v nement catastrophique d origine inconnue Jean Basile faisait r f rence au Grand Gel pisode la fois inaugural et terminal d cid ment apocalyptique qui circonscrivait un saisissement de la soci t montr alaise un figement de m me qu une r gression comme si le sujet individuel et collectif tait soumis une interminable p r grination Ainsi dans les romans de Jean Basile que l on pense la Jument des Mongols 1991 on nomadise voyage circule Exception la r gle Le Piano trompette dont le ton la fois tendre et caustique soumettait une nouvelle vision de la montr alit des ann es 80 proposait une d ambula tion erratique loge de la fuite sorte de fable thologique sur le genre humain au lendemain d un Big Bang d finitif Le Piano trompette de Jean Basile n en laissait pas moins subsister l id al de quelques accomplissements au c ur de la trame urbaine vrai dire cette explication vaut aussi pour Montr al barbare de Robert Majzels On retrouve dans les deux romans le m me app tit inter textuel Fid le une descriptio
37. ton de cette bo te c est le regard La surface int rieure de la bo te sur laquelle sont inscrites pens es notes adresses c est pour reprendre l expression du psychanalyste Didier Anzieu la seconde peau du cr ateur son derme secret Ainsi l espace physique et psychique sont am nag s selon le principe d une claustration qui n anmoins peut s av rer la pro messe d un laisser aller Voir sans tre vu chapper l oppression de la vie urbaine vivre heureux dans un monde o l anonymat est de mise voil les formes diverses d une lib ration qui est la promesse d une inti mit portative L expression est trange Elle a tout d une incongruit Pourtant on peut lire dans L homme bo te Maintenant devrais je dire adieu la bo te Pourquoi ma chemise et mon sous v tement avaient ils tant de mal s cher La pluie s tait lev e cause des nuages bas charg s d humidit le s chage prenait du temps Heureusement ma position nu dans la bo te n tait pas d sagr able Peut tre tait ce parce que j avais fait tomber la pous si re avec soin Mais le contact avec chaque partie de mon corps tait trangement frais ce qui me faisait prouver un d sir nostalgique de me serrer moi m me dans mes bras Mais je navais pas l intention de rester comme a pour toujours Je souhaitais que le calme du matin cess t bient t Abe 2001 83 84 Promesse d une r conciliation narcissique embr
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