6 a tire d`elles.qxd - Association des Revues Plurielles
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1. te au plaisir qui le cultive se d shabitue de sa privation Celui de d couvrir ce corps qui mourra et qui donne pourtant ses ulti mes raisons l esprit Plaisirs sages sages plaisirs Il est des plaisirs rac s surprenants inconnus privil gi s et d au tres plus communs dont l habitude n mousse pas l agr ment 274 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 275 PLAISIRS MODE D EMPLOI petits plaisirs quotidiens dont chacun d cline un r pertoire per sonnel C est pour certains le rite de l ap ritif de l instant de saveurs fortes douces am res anis es sucr es piment es des porto whis ky suze anisette pastis et martini des multiples punch et cock tails servis la tranche de citron ou d orange cheval sur le rebord du verre et immanquablement accompagn s des cacahuettes oli ves biscuits au cumin noix de cajou amandes grill es et autres amuse gueule Je ne parle pas ici des verres ingurgit s l un sur l au tre dans une urgence du besoin qui rel ve de la d pendance et non plus du plaisir mais de cet instant pour certains quasi sacr et go t avec une satisfaction visible la pause soudainement alan guie et r veuse et dont l agr ment tient autant celui des papilles qui d gustent sirotent savoutent qu l instant de r pit enfin auto ris et pris sans remords Chaque pays y a son go t particulier De Gr ce je ram ne l ouzo de Turquie l harak du Maroc la pulpe paisse des2. tombe on se pousse dans un ultime effort vers une parfumerie qui se trouve toujours l port e de quelques enjamb es D s la porte entrouverte une bouf f e d ar me vous d crispe imm diatement les narines qui se dila 278 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 279 PLAISIRS MODE D EMPLOI tent avidement et instinctivement Le rituel peut commencer Va vous tre propos un festival de senteurs asperg es d un jet mesu r au creux du poignet et du coude dans la paume au dos de la main ou encore sur ces bandelettes de buvard rose que vous pas sez et repassez au bord de votre l vre sous vos narines fr mis santes Tout son affaire le nez limine le reste id es noires rumi nations pesantes pens es et sensations diverses qui vous encom braient On ne peut pas humer intens ment et faire quoi que ce soit d autre en m me temps Suivant votre connaissance des par fums et la qualit de votre nez vous distinguerez les ar mes du patchouli de l ambre de la myrrhe de l oeillet du muguet de l o popanax de la lavande du jasmin du ch vre feuille du figuier de la violette du mimosa et bien d autres encore agenc es en com binaisons infinies aux titres tout aussi divers des sobres et abstraits Num ro 5 ou Num ro 19 au Voleur de Roses en pas sant par tous les Poison Magie Noire Heure Bleue Ind cence Cal che Tea for Two M re et Musc Eau du Navigateur et aut res Aqua Allegoria effecti
3. 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 Ce 271 2002 PLAISIRS MODE D EMPLOI Claude BER Prop deutique un bon usage des plaisirs P nature le plaisir est paradoxe Il ne vit que de paradoxes Sa nature est fugace mais on aspire sa dur e sa r p tition Son asymptote contient sa fin sa r p tition l use Ces citadins qui vivent face une des plus belles baies du monde o une mer chan geante leur offre chaque instant le conte jamais achev de leur histoire voil longtemps qu ils ne la voient plus et qu ils roulent sur ses bords temp tant contre l embouteillage qui les retarde oeil crisp sur la montre oreille coll e au portable sans plus jamais voir le couchant qui h risse cet horizon sa cr te de coq carla te ou noie mer et ciel dans une brume liquide dont le rose perle jusqu aux galets Et ces amants que la passion lan ait l un vers l au tre assoiff s de leur peau voici d j que l exc s de leur jouissan ce les s pare doucement d us de ne plus pouvoir tenir au fil des jours sa pointe lumineuse Une seule ressource la priva tion Cet cart o se reforme l lan o se rejouent l attente et le 271 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 272 A TIRE D ELLES d sir Au sortir de l avion qui les a loign s l un de l autre amants retrouveront le trembl de la l vre et le frisson des corps qui s esp rent Mais trop attendre trop tendre la corde se mue l at
4. aire par l intensit des sensations griserie de la vitesse lan du d sir jouissance de la r pl tion physique ou mentale mais par soustraction Trois quatre minutes d existence d une l g ret incomparable dans un arr t de la conscience non pas plomb e de cette brume que lui procurent alcool ou autres substances mais au contraire affin e amu e jusqu la transparence jusqu ne faire qu un avec le flux du temps Le train arrive quai Les trois ou quatre minutes ont pass la fois comme des heures et comme des secondes Passer est une image Elles n ont pass ni pas pass C tait simplement trois minutes de pr sent pur Trois minutes d ternit 02 03 2003 282
5. de ces contradictions qui immobilis es nous emp chent d en jouir Il s agit d aller au plai sir d tre ce mouvement que d signe le d sir dont l objet comp te moins que la tension qu il d clenche Alors toute chose tout instant contient un possible du plaisir Jusqu son inversion Jusqu au paradoxe Le plaisir est en effet aussi question de degr Entre la cares se et le coup seule l intensit et l intention diff rent A tel point 272 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 a 273 PLAISIRS MODE D EMPLOI que la confusion n est pas impossible A qui est priv de cares se le coup fait parfois office d affection et au masochiste la dou leur est plaisir Confusions paradoxes apories qui rendent sou dain malade comme un chien cet acharn des plaisirs de la table et des vins confin pour le reste de ses jours l eau plate et au bouillon de l gumes Et cette lassitude des sens fatigu s que rien ne parvient plus mouvoir Taedium vitae Dans les vanitas le vers ronge la pomme offerte craquante nos dents un p tale fan au coin de la toile indique la fin l oeuvre dans toutes nos pas sions Mais sur ces tapisseries aux cinq sens o veille la fabuleuse licor ne chacun d eux re oit sa part unique de c l bration Yeux oreilles narines peau bouche l vres mains cheveux sexes ou e toucher go t odorat le corps entier narre ses infinis possibles en m me temps que sa limite Car le plai
6. de s y confiner A un extr me guette la cataracte d un d sir sans bor nes que la disproportion entre sa puissance et nos limites rend mortel l autre la lente agonie d une vie dont ne se distillerait plus la s ve qu en eau ti de du robinet Le parfum de la vie Imaginons une journ e p nible harassante force d tre com mune engonc e dans la pesanteur si particuli re de l insignifiance Rien ne jaillit qui tranche sur la grisaille On est trop las pour le sursaut picurien de la vivacit alerte d un coup d oeil d un agr ment d oreille l aff t d une voix m lodieuse du trait d esprit ou de la r verie trop fatigu pour une de ces virevoltes de l esprit ou du corps ferrant au d bott une seconde de plaisir au bout de leur harpon On est indisponible pour la surprise incapable du moindre effort Il reste certes le recours au renversement du point de vue 277 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 278 A TIRE D ELLES qui fait au commer ant b gue vertu de son handicap quand il consi d re qu l inverse des autres vendeurs dont le bagout rend le client m fiant l accueille une coute plus attentive et plus confiante ce jeu de la bouteille moiti vide ou moiti pleine dont on peut raffiner les vertus jusqu l extr me s offre l espoir de r cu p rer quelques zestes de satisfaction Mais la provende est mai gre car le succ s de l op ration d pend de la ruse bienveillante d
7. ement de ne rien faire Mais son plaisir tient aussi sinon plus la gamme de sensations qui traversent son corps enserr dans un fourreau d air chaud peau piquet e par le soleil entre deux souffles de vent qui en rafrai chissent la caresse narines emplies par les parfums m l s d iode de galets secs et de cr me solaire membres tal s sur une de ces extravagantes serviettes de plages bariol es de tigres bondissant de dauphins turquoise ou de lunules carlates tout une aise que r veille comme pour la faire davantage go ter le l ger grattement du sable qui se glisse contre la peau ou le massage plus vigou reux des galets Le plaisir du ne rien faire s y m le beaucoup d autres comme il se m le la contemplation du contemplatif la r verie du r veur la joie de marcher du promeneur l h b tude repl te du t l spectateur affal sur son canap L obtenir dans sa puret est difficile et exige un v ritable effort de vigilance que r compense l instant de pl nitude inattendu C est dans les creux quotidiens du temps ces infimes ruptures de notre agita tion dont on s agace qu il donne son plus bel effet Il est minuit une heure deux heures du matin l insomniaque tourne et retourne dans son lit se l ve va vient revient s ten dre cherche le sommeil et l loigne d autant plus qu il le traque Dans la salle d attente patients ou clients s impatientent croisant et d croisant f brilement le
8. ferme ment Peur de vivre Mort en vie D j donc pour commencer un exercice simple respirer Admettons que le soir tombe Le ciel a pris cette fine texture qui intensifie la fra cheur de l air S arr ter un instant et simplement respirer respirer longuement jusqu sentir les c tes s largir le bas ventre gonfler sous la pouss e de l air qui doit descendre jus qu l or e du pubis et non rester comme tant de milliers de fois en un seul jour ras de la trach e confin au seul haut de la poi trine o il s engorge Il s agit simplement de respirer mais de respi rer jusqu au bout en coutant ce que le corps sent ce que le corps dit Parce qu au rendez vous du plaisir c est d abord lui qui parle Et quand il se met parler sa langue est volubile Se mettrait on soudain respirer Respirer Les mots de tous les jours le dis ent laisse moi respirez j ai peine le temps de respirer Le premier plaisir est celui de respirer dans tous les sens du terme de prendre de l air C est un d but qui ne va pas sans mal A ne jamais respirer on ne sent plus qu on ne respire pas A respirer on risque d y prendre plaisir et de s apercevoir qu on touffe Ultime paradoxe le plaisir est un risque La satisfaction qu il promet n est pas la qui tude Au premier rang des risques celui de le perdre Celui aussi de le trouver et de s y attacher entra n dans une insensible mais irr versible m tamorphose car qui go
9. it et d en jouir sans projet sans pr occupations sans nostalgie sans regrets sans rien dans rien avec rien Sans m me penser ni sentir sauf cette unique sensation d un pr sent plein que rien n emplit d aucun agr ment annexe Grande est la tentation de fuir cet tat et de trouver un moyen de tuer le temps de le pas ser comme un guet dangereux pour sauter d un bond l autre rive o en distrait de nouveau le d plaisir Pourtant il y a l occa sions inesp r es Il est 13h30 ce jour l sur le quai de la gare Le train tarde arriver Des filaments d images de mots z brent la conscience r sidus des heures pr c dentes anticipations des suivantes cos ses s ches pelures de vie vid e de son fruit Coups d oeil rapi des qui happent la t che rouge d un anorak sur le vert pomme d un cartable dans un m lange acidul qui clabousse le gris des 281 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 a 282 A TIRE D ELLES rails et des murs Lentement l esprit se d leste de son encombrement Le flux continue de le traverser mais comme de loin dans un d col lement analogue celui qu on ressent faire bouger la peau de son cr ne sur la paroi de l os avec la m me sensation de d plier une infime distance un intervalle inattendu Et c est soudain pour quelques minutes rien absolument rien seulement le plaisir d tre l dans toute sa pl nitude le seul plai sir d exister obtenu non pas comme d ordin
10. oi rien qu soi de sortir des fonc tions et r les oblig s depuis les publics jusqu aux plus priv s qui font tous obligation m me minimale m me accept e m me appr ci e de la posture et du masque Le pr texte du repos n ces saire suffit lever l interdit nettoyer la culpabilit se cacher pour mieux en jouir enfin sa guise l intense satisfaction de s octroyer ne serait ce que quelques minutes le privil ge de ces ser de d pendre le luxe d une libert le reste du temps amenui s e de tous c t s par la n cessit mais aussi paradoxe in vitable par la qu te du plaisir ou du bonheur toujours pay e en retour des contraintes qu elle inflige Enfin on ne cherche rien on ne veut rien on ne d sire rien sauf ces pr cieuses minutes de presque rien et simplement de paix et de retour soi m me dont l accessibilit imm diate le peu de co t mat riel et psychique procure bas prix et sans difficult une d livrance dont rien ne dit ouvertement l intensit sauf cette grogne ce coup de col re ce brusque assombrissement d humeur quand quelqu un ou quelque chose vient fracturer ce temps pro t g Irruption sacril ge de l autre pourtant aim d sir convoi t recherch mais aussi subi endur support quels que soient les liens qui nous attachent lui et plus fort encore quand ces liens devenus cha nes de responsabilit s de devoirs de reconnaissance p sent d un poids d autan
11. orangeades de fruits frais des Etats Unis et de Russie l arrach des whiskys et des vodkas aval s d un trait d Espagne ses sangrias et de la Martinique le rhum m l de citron vert Comme l odorat le go t procure cette pacification imm dia te qui accompagne la pause ou la fin de l obligation journali re C est un silence ou un sas entre le temps ali n au travail et le temps soi un plaisir mais aussi une sorte de seuil des plaisirs possibles quand vient l heure o cessent contraintes et obligations Il est bien d autres plaisirs coutumiers de m me nature qui font office de d clic enclenchant par leur r p tition une identique dispo sition se laisser enfin aller au bien tre d un pr sent non cor rod par le souci C est le moment privil gi de la lecture du jour nal de la pause caf de la gymnastique matinale du tour du p t de maisons du bref remaquillage du feuilleton ou du jeu t l vi s de la partie de cartes de la sieste de dix minutes du th de cinq heures et ainsi de suite selon chacun moment superficiel et fugace dont le mince contenu ne peut expliquer lui seul l atta 275 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 a 276 A TIRE D ELLES chement qui lui est port et l irritation que provoque son inter ruption C est qu au del de la satisfaction particuli re attach e cha cun ils portent en eux l autorisation du repos et celle plus impor tante encore de pouvoir tre s
12. s jambes tapotant la montre feuille tant un magazine d fra chi d une geste agac nuque raide mus 280 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 a 281 PLAISIRS MODE D EMPLOI cles tendus inutilement pr ts bondir traits crisp s sur un visa ge o se creuse la ride du front et du coin des l vres Le train tarde venir les corps s affaissent fatigu s sur des jambes lour des ventre en avant bas du dos creus d une courbe endolorie L un bat du pied une autre d ambule un troisi me se masse le visage d un mouvement las de la main qui retombe puis e au bout du bras Et ce ne sont que chevilles crisp es sur les p da les de la voiture condamn e au surplace visages barr s de rides et reins moulus par l attente exasp r e plis et gestes de lassitu de t tes farcies de ruminations vaines fatigue fatigue S additionnent ainsi des milliards de minutes de d plaisir pass es dans la crampe du muscle et l exasp ration du nerf alors que Alors qu il y a dans ces intervalles ces vides ces pointill s in vi tables du temps une v ritable aubaine pour le chasseur de plai sir Celle d un moment parfait du pur plaisir de ne rien faire abso lument rien totalement rien le pur plaisir d tre simplement l en cessant d attendre en cessant de basculer d un c t ou de l au tre de l instant vers l avant de ce qui va advenir ou vers ce qui a lieu Il s agit simplement d tre l n importe o o que ce so
13. sir est un mais compo site somme de plaisirs multiples Eclats de verres clats d ins tants plaisir pur tenu au fil d un seul sens aiguis jusqu sa note ultime comme dans ce jardin zen o le simple alignement des pier res porte la vue sa perfection plaisir touffu d une f te des sens quand aux sueuts des corps des salives et des liqueurs des sexes m l es les amants conjuguent le grain de la peau treinte la cha leur de leurs souffles aux sons de voix modul es du g missement au cri de la jouissance aux lignes de ces corps qui se tendent sous la caresse la lueur des yeux dont s avive et s largit la prunelle L ventail des sens est limit la combinatoire illimit e sou mise aux seules ressources de l imaginaire de l invention de l art Et le plaisir est un art Comme tous les arts il exige en m me temps r gle et subversion discipline et surprise conscience et incons cience distance et motion Point d art sans pratique mais le savoir d un art n est point art et n y suffit Alors quoi Inspiration S rement A condition d entendre le mot au sens propre Respirer Le plai sir exige respiration Un rythme Un accord Un espace Il est des vies ferm es au plaisir tant leur maillage de contraintes et d ar 273 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 a 274 A TIRE D ELLES bitraires mutilations que sont le moralisme ou la peur d exister enserre corps et me dans leur carcan Resserrement en
14. t plus lourd qu il est pour beaucoup interdit de se l avouer et que fleurissent au jeu du mode d em ploi du bonheur les mille et une recettes pour s accommoder du pire L attention au plaisir exige l inverse lucidit vigilance et exactitude Il n est pas de plaisir forc pas de d sir contraint Loin des pr tentions de l esprit toujours s illusionner immortel quel 276 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 277 PLAISIRS MODE D EMPLOI les que soient les contorsions qu il op re pour s tablir dans ce mensonge croyances diverses acceptation de la mort culture du agis quod age et autres rem des son angoisse plaisir et dou leur d sir et lassitude disent avec la crudit de l imm diatet des sens la cruelle v rit des choses dans la v rit du corps qui vit et qui meurt Le menu plaisir d habitude a fonction de soupape et de cau t re Il permet sans bousculer autorise sans d truire comman de une m canique bien connue et bien rod e dont l usage r p t rend sans danger le fonctionnement au rebours de la br che qu ouvtirait d un coup la reconnaissance non voil e de l imp rieux d sir de libert de l inalt rable besoin d autre chose et d ailleurs qui nous taraude et dont se canalise le geyser dangereux en petits jets d infimes satisfactions quotidiennes Plaisir sage mais aussi sage plaisir qui sait ce qui couve sous son insignifiance Il est aussi imprudent de le m priser que
15. tente en r signation le manque en habitude et au rendez vous du plaisir reste la table desservie du r ve d u O est la mesure juste qui donne au d sir sa dimension avant qu il ne sombre dans l impossible du r ve ou la lassitude de l en vie rassasi e l est le plaisir ce point mobile oscillant entre trop et trop peu trop tard et trop t t cet instant pr cis qui se recon na t comme la note d oreille avec l exactitude d une longue pra tique Ainsi cette proie capricieuse et ph m re qu est le plaisir requiert elle l art du pistage et l aff t du trappeur Sa loi est de honnir la loi et sa contrainte Il est ce qui rompt avec elle Avec l habitude avec l attendu et le convenu Pourtant nul plaisir possible sans rigueur Nulle saisie de la magie de l ins tant sans pratique de prestidigitateur L instant pr cieux se saisit ou se pr pare Et c est moins sur lui que porte l effort lui d fi nitivement inaccessible et hors de la volont on ne d sire ni ne jouit parce qu on le veut que sur soi et sur l art de l veil qu il suppose La saisie du plaisir requiert spontan it pr par e et vigilance aguerrie un m lange d imm diatet et de calcul dont seule la vie dans ses contradictions est capable et qu elle r alise sans gard pour la difficult de l esprit les concevoir Equilibre d s quili bre la marche est faite de cette contradiction qui arr t e nous pr cipiterait terre Le plaisir est fait
16. un tiers qui sait qu il se fait faire la pirouette ses effets tom bent plat d faut d aide secourable il faudrait au moins humour ou fantaisie Or ce sont eux qui font le plus d faut Le ver est dans le fruit R veiller les sens attiser l ing niosit de l esprit titiller l i maginaire n est plus accessible ces moments o le seul d sir serait de ne plus rien voir plus rien entendre plus rien sentir plus rien comprendre afin que cesse cet harassement que l on a parfois exister Il faut alors oser franchement l artifice le truc saisir la pre mi re b quille pour se remettre sur pieds Il en existe beaucoup et chacun a les siennes mais toutes ne sont pas aussi imm diate ment efficaces que le recours aux sens que l on croit mineurs et en particulier l odorat moins fragile que le go t plus vite d go t comme le dit si bien la langue ou que l oreille l oeil le toucher trop vifs pour un tat qui ne supporte plus de se sentir Voil le mot l ch on ne peut plus la sentir cette journ e cette vie qui vous soft par les trous de nez Le nez voil l alli qu il faut discret rarement sollicit et si puissant qu on le contraint la plupart du temps narines bloqu es amenuiser et brouiller ses messages de crainte d inhaler relents ou remugles ne rel chant la tension qu au passage d un effluve parfum d un fumet ap ritif d une fragrance soudaine de l air Alors ce jour l tandis que la nuit
17. vement all coriques d un jardin de Pomone revivifi par la magie des essences et des mots La d livrance a lieu d logeant le cerveau de ses orni res ratiocinantes lib rant le cr ne de son casque de plomb et le corps de son tau On retrouve du flair Le flair ce sens le plus primitif que la civilisation ferait tort croire secondaire le voil qui s veille et r veille avec lui les instincts lov s au replis du cerveau reptilien veillant la primitive survie fuyant la mort aiguisant le d sir amou reux au passage des ph romones que le nez hume sans m me que nous le sachions ramenant au del et au dedans de ces exha laisons particuli res qui vous inondent pr cieuse irrempla able l odeur unique de la vie Plaisir de rien 279 6 a tire d elles qxd 08 02 2006 12 44 La 280 A TIRE D ELLES Le plaisir de rien vaut par sa raret distinct qu il est de ces petits plaisirs de rien du tout dont il se d marque par sa natu re plus exigeante qu il n y para t Au prime abord il semble faci le la port e d une bouff e de paresse d une pause de d soeu vrement fortuit de l art estival du farniente Mais vouloir jouir de sa nature propre se dissipe toute confusion Yeux cach s par des lunettes qui colorent la plage et la mer d une taie verte ou violine ce baigneur allong sur la plage enco re humide d une eau de mer dont le sel va perler en fine pous si re blanche sur sa peau jouit s r
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