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1. SCIENCE OUVERTE E a Seuil gen PIERMONT AN avec i lanature Ners des Solutions durables E he lt ESS BZ OC gt y ONE Fins ZW Sor Xy Ba GB e LNG eN ee A ewe WE Py 4 PSS TA w E S Ir te Si NV Le ln ANA VA gt AGIR AVEC LA NATURE DU M ME AUTEUR L nergie verte Seuil coll Points Sciences n 31 1982 LAURENT PIERMONT AGIR AVEC LA NATURE Vers des solutions durables OUVRAGE PUBLI AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE DITIONS DU SEUIL 25 bd Romain Rolland Paris XIVe ISBN 978 2 02 097150 8 ditions du Seuil avril 2010 Le Code de la propri t intellectuelle interdit les copies ou reproductions destin es une utilisation collective Toute repr sentation ou reproduction int grale ou partielle faite par quelque proc d que ce soit sans le consentement de l auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefa on sanctionn e par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propri t intellectuelle www editionsduseuil fr Pr liminaire Ce livre est personnel et les id es qui y sont exprim es n enga gent que moi Pour autant il est issu de mon activit professionnelle et doit norm ment tous ceux avec qui j ai travaill au cours des derni res ann es Je souhaite en premier lieu remercier Augustin de Romanet directeur g n ral de la Caisse des d p ts et son pr d cesseur Francis M2. tront d atteindre une grande partie des objectifs vis s J ai aussi accord une grande place la question du changement climatique qui traverse l ensemble du livre Il modifie en effet enti rement la perspective de nos relations la nature non pas seulement sous l angle de la lutte contre ce changement mais sous celui de ses effets car il acc l re tout nous oblige revoir nos m thodes et nous met sous tension agir ou accepter d tre impuissant AGIR AVEC LA NATURE J esp re ainsi faire partager l id e que des m thodes efficaces peuvent tre mobilis es et permettraient d obtenir de grands r sultats Pour autant ce n est pas un livre de recettes tout au plus une bauche de mode d emploi Enfin j essaierai de montrer que Pambition de g rer doit apprendre se limiter D abord parce que la complexit du vivant et la dynamique des syst mes naturels rendent en partie illusoire le d sir de tout contr ler Ensuite parce que ce d sir contient une contradiction interne domestiquer ce que nous n aimons que libre d voiler ce qui n a de valeur que cach et effacer les limites de la cit en y int grant ce qui lui est ext rieur Un ext rieur qui pourtant reste n cessaire car il est le lieu de l autre de l inconnu du myst rieux Je chercherai donc distinguer ce que nous devons tenter de ma triser les interf rences que nous cr ons entre des syst mes humains et naturels galem
3. vent de d truire les repr sentations de l ordre ancien en affirmant que les esp ces vivantes elles m mes sont ph m res et s engendrent les unes les autres en s adaptant l volution de leur environnement sous la pression de la s lection naturelle Avec Humboldt la biog ographie largit l espace aux dimensions de la plan te enti re Darwin introduit une conception volutive et dynamique du temps et modifie compl tement la notion m me d esp ce en montrant qu elle ne r pond ni une forme pr existante ni une quelconque programmation mais correspond une simple collection arbitrairement d limit e d individus ayant une ascendance commune 1 Luc Ferry Le Nouvel Ordre cologique Paris Grasset 1992 2 Charles Darwin L Origine des esp ces Paris Flammarion coll GF 2008 13
4. ayer ainsi que Dominique Marcel et Alain Quinet directeurs des finances et de la strat gie de celle ci qui ont permis que se transfor ment en r alisations les id es que nous leur avons propos es pour lutter contre le changement climatique et pr server la biodiversit Mission Climat Fonds Carbone europ en CDC Biodiversit pour ne citer que celles qui me concernent le plus directement Gr ce leur impulsion la Caisse des d p ts reste au plus haut degr un de ces lieux o les projets d action en faveur de l int r t g n ral peuvent s panouir Mes remerciements vont aussi mes coll gues en particulier ceux de la Soci t foresti re de CDC Biodiversit et de la Caisse des d p ts avec qui j ai appris am nager la nature puis la m nager J ai pu appr cier au fil des ann es leur engagement mais aussi leur rigueur au service de la nature les grandes causes exigent un travail de qualit Ils vont aussi aux administrateurs de la Soci t foresti re nos partenaires du monde de la for t et de la nature et nos clients propri taires de for ts qui nous font confiance et nous donnent les moyens de l action Enfin je dois beaucoup plusieurs personnes qui mont apport un appui direct dans la r alisation du livre Philippe Thi vent Brice AGIR AVEC LA NATURE Quenouille Ceydric S dillot Myriam Rondet Christian Maizeret St phane Martins et les membres du comit scientifique de CDC B
5. d cide de le g rer et de lui fixer des objectifs En fait souhaitant prot ger la nature nous sommes progressive ment pass s de l id e qu il suffisait de cesser de l agresser et cr er des r serves naturelles la conviction que nous tions condamn s la g rer Le changement de posture n est pas anodin Notre fa on de voir nos relations avec la nature volue selon une temporalit qui se compte en si cles En se limitant aux id es dominantes dans le monde occidental il appara t que nous entrons actuellement dans le cinqui me moment d une volution qui a commenc en Gr ce vers le rv si cle avant notre re chacun de ces moments restant d ailleurs imbriqu aux autres et nourri de ceux qui Pont pr c d Dans la Gr ce classique la repr sentation dominante du cosmos est celle d un gigantesque organisme vivant immuable harmonieux et hi rarchis dont l organisation est ind pendante des hommes et ext rieure eux Dans ce monde ordonn chacun est sa place et re oit ce qui lui est d Deuxi me temps le christianisme bouleverse les cosmogonies antiques en donnant un r le d terminant au Cr ateur et une posi tion privil gi e l humanit mais il ne modifie pas l id e d un cosmos stable et parfait dans lequel chacun a des droits En t moi gnent jusqu aux d buts de l poque moderne les proc s d animaux au cours desquels des tribunaux ont eu juger de la culpabilit de te
6. d activit l exploitation durable des ressources la compensation int grale des d gradations la recherche de synergies entre nos soci t s et les milieux naturels Je tenterai ici de d crire les nouveaux modes d intervention dont l invention est l une des conditions permettant d esp rer des r sul tats L id e en est de composer avec la nature ce qui fait merger de nouvelles notions telles que celles d investissement dans le capital naturel ou d am nagement biodiversit positive L enjeu de cette approche est de d passer la nostalgie d une harmonie perdue avec la nature afin de tisser avec elle de nouvelles relations sans renoncer la modernit mais en utilisant au contraire pleinement les possibi lit s d action qu elle offre Les moyens comptent et l ambition de composer avec la nature repose sur la mise en uvre de nouveaux outils tels le g nie co logique les plans de gestion les infrastructures cologiques et la compensation Il appara tra que la quantification des besoins est possible sans trop de difficult s et que bonne nouvelle ceux ci sont souvent notre port e Autre bonne nouvelle la situation n est pas d sesp r e Des millions d hectares b n ficient d une protection efficace tandis que de nombreuses esp ces ont cess d tre en danger et repeuplent les territoires Ce livre est donc optimiste il montre que des moyens limit s au regard des enjeux permettent ou permet
7. ent dynamiques et ce que je crois essen tiel de pr server la libert du vivant De la protection la gestion D but du xx si cle en Normandie la violette de Rouen est en danger et afin de la conserver le Conservatoire des sites naturels de Haute Normandie cherche recr er pour elle des conditions favo rables l origine cette petite fleur tait pr sente sur les boulis cal caires naturels provoqu s par l rosion due la Seine Or le cours de celle ci est d sormais stabilis et faute d rosion les pentes sont colonis es par divers arbustes et gramin es qui emp chent la violette de s installer Celle ci et ses habitats sont tr s prot g s Pourtant elle est vou e la disparition si l on ne met pas en uvre un ensemble de techniques cr ation artificielle d boulis arrachage des arbustes et gramin es enl vement de la terre Tout cela suppose l accord des propri taires des budgets des programmes d intervention des chantiers bref de la gestion Dans les Alpes l azur de la croisette est un beau et rare papillon qui pond sur les fleurs des gentianes croisettes D s P closion les chenilles se nourrissent de nectar durant trois semaines puis tombent 10 INTRODUCTION terre Certaines sont ramass es par des fourmis qui les emm nent dans leur fourmili re o elles les l vent avec leurs propres larves pendant presque une ann e Les chenilles op rent leurs m tamor phos
8. es dans la fourmili re et deviennent papillons en juillet Ces papillons ont donc singuli rement besoin des fourmis et de leurs fourmili res ainsi que des gentianes les unes proximit imm diate des autres Or ce petit monde se pla t dans les milieux secs et ensoleill s de moyenne montagne Le parc national des crins a c ur de prot ger l azur mais le d clin de l agriculture de mon tagne se traduit par l installation de la for t de pins sylvestres ce qui r duit les possibilit s d installation des gentianes et l ensoleillement qu appr cient les fourmis Aussi le parc engage t 1l une n gociation d licate avec les 78 propri taires d une zone de 300 hectares pr s des sources du Tourot afin de maintenir un espace propice a l azur en favorisant le p turage par les moutons et en coupant les pins et les haies Dans ces deux exemples la cr ation d une r serve ou d un p ri m tre de protection n est pas la m thode ad quate car la dynamique de la v g tation concurrente condamne ces esp ces prot g es La nature ne fera pas le travail toute seule en tout cas pas tel que le souhaite celui qui veut pr server la violette ou l azur En simplifiant le choix est de revenir un tat de la vall e de la Seine ant rieur Paction de l homme de laisser dispara tre la violette ou de la g rer dans l espace tel qu il est Et il existe des centaines d exemples de ce type Changeons d chelle
9. iodiversit ont aliment ma r flexion et m ont fourni plusieurs des exemples que je cite Anne Marie Ducroux Dominique Roques Phi lippe Thi vent Pierre Henry Gouyon Claude Cluzeaud et Michel Murat ont bien voulu relire et critiquer tout ou partie du manuscrit Sophie Lestonnat en a accompagn la fabrication laborieuse au fil des ann es Introduction G rer la nature Agir Au tournant du mill naire un basculement s est op r dans nos relations avec la nature et l id e a commenc s imposer qu il fallait agir Que face la d gradation des milieux naturels la protestation et la seule constitution de sanctuaires ne suffisaient plus et qu il fallait d sormais g rer la nature pour la pr server J appartiens la g n ration qui a vu cette opinion s panouir tandis que les id es se transformaient en possibilit d action J ai eu prendre en charge de vastes espaces naturels et forestiers Je suis devenu un gestionnaire de la nature et mes activit s mont permis d observer la modification progressive du regard que portent sur elle les diff rents secteurs de la soci t L action sur la nature et les questions que fait surgir ambition de la g rer constituent le sujet de ce livre Mon propos n est pas d ajouter aux nombreux plaidoyers pour l environnement Il me semble que la cause est d sormais entendue J ai tent de m appuyer autant que possible sur des faits notamment ceux que je con
10. la mer d Aral qui couvrait dans les ann es 1960 environ 66000 kilom tres carr s soit plus du dixi me de la superficie de la France a vu sa surface divis e par deux en quarante ans du fait des pr l vements effectu s dans les fleuves Amou Daria et Sir Daria pour l irrigation des cultures de coton en Ouzb kistan et au Kazakhstan Ce qui a provoqu l effondrement de la p che et la destruction des cosyst mes c tiers de la r gion Chacun a en m moire les images de bateaux chou s au c ur d une mer de 1 Jean Pierre Nicolet parc national des Ecrins communication personnelle 11 AGIR AVEC LA NATURE sable cr e par le reflux des eaux Face cette situation il a t d cid de construire une digue de 13 kilom tres afin de relever le niveau de la mer d Aral Nord en renongant lutter contre la baisse du niveau de la partie sud de la mer Donc une op ration de gestion d envergure pour permettre la survie d une demi mer et la poursuite de l agriculture industrielle en organisant l espace naturel L approche est la m me au niveau plan taire pour l enjeu clima tique le processus engag en 1992 par la Convention de Rio puis le Protocole de Kyoto en 1997 constitue une action de gestion grande chelle Le but n est pas de cesser d influencer le climat mais de limiter deux degr s la hausse des temp ratures moyen terme T m raire humanit qui accepte le r chauffement climatique mais
11. lle ou telle population dans ses relations avec les hommes Ainsi 12 INTRODUCTION en 1587 en Savoie les habitants de Saint Julien reprirent ils devant le juge piscopal de Saint Jean de Maurienne le proc s qu ils avaient d j intent et perdu en 1545 contre une colonie de charan ons L avocat des insectes avait plaid avec succ s que les animaux cr s par Dieu poss daient les m mes droits que les hommes se nourrir de v g taux Voyant que le second proc s s engageait aussi mal que le premier les syndics de Saint Julien finirent par proposer un com promis et d cid rent d offrir la partie adverse un lopin de terre suffisant pour la nourrir sans qu elle ait besoin de s attaquer aux vignes Le troisi me moment d bute au xvi si cle la r volution scien tifique et humanisme bouleversent cet ordre intangible L univers devient un chaos infini d nu de sens et l homme quittant sa place au centre de la nature se donne pour mission de r organiser le monde en d couvrant les lois qui le gouvernent Selon la formule souvent cit e de Descartes il forme le projet de se rendre comme ma tre et possesseur de la nature programme qui va fonder le d ve loppement scientifique et technique de notre soci t Mais le monde vivant reste immuable et au xvin si cle la classification de Linn range encore les tres vivants dans un cadre ternel Au xix si cle les th ories de l volution ach
12. nais bien issus de mon exp rience des derni res d cennies au cours desquelles j ai appris d abord am nager la nature puis la m nager AGIR AVEC LA NATURE Le mot gestion suppose un nouveau regard une autre relation et sugg re d int grer aux activit s conomiques et sociales les enjeux li s la nature Il suppose aussi un pouvoir sur l objet de la gestion et renvoie trois types de questions les objectifs les m thodes et les moyens Aussi le livre est il organis selon ce d coupage Il y est aussi beaucoup question de r sultats ceux loin d tre nuls qui ont d j t obtenus ceux qui pourraient tre atteints en modifiant nos m thodes enfin paradoxalement peut tre les plus importants ceux qu il est vain de viser L id e que nous nous faisons collectivement de la nature est centrale Or plusieurs conceptions coexistent et semblent s ignorer d terminant chacune ses objectifs et ses m thodes Cette pluralit des visions est l une des difficult s de l action qui oscille entre les unes et les autres en prendre conscience les rend plus facilement surmontables Je m int resserai ici la nature dans laquelle nous voluons pro duite par la dynamique du vivant dans Pespace terrestre Et parce que Paction concerne des lieux et des tres r els je me suis attach particuli rement aux espaces naturels et ceux qui les peuplent Au fur et mesure de la progression de nos co
13. nnaissances nous sommes pass s de la protection des esp ces celle des espaces qui les abritent mais il nous reste franchir une troisi me tape la prise en compte du temps J essaierai de montrer comment cela conduit privil gier les strat gies adaptatives plut t que les normes et les limites fixes Le premier regard sur un cosyst me met d abord en vidence son incroyable complexit qui ne facilite pas le dialogue ni la p da gogie et s accommode mal des id es simples Ainsi la principale pr occupation cologique mondiale le changement climatique concerne aujourd hui la gestion d un ph nom ne qui semble assez simple le pouvoir r chauffant de quelques gaz atmosph riques Or ce ph nom ne se r v le quand m me tr s compliqu mesurer et appr hender En comparaison g rer l infinit des interrelations du vivant est une tout autre entreprise qui exigera de mobiliser de nou velles compr hensions et une consid rable nergie INTRODUCTION Cette complexit am ne vite celui qui veut agir une attitude lucide et modeste il devra intervenir sans tout comprendre en jouant avec la nature plut t que contre elle et en int grant conve nablement le vivant l espace et le temps La plupart des activit s humaines sont li es la nature et une nouvelle approche des rela tions avec elle est sans doute une des conditions de leur p rennit Trois entr es sont possibles selon le type
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