Les cahiers d`ARTES
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1. air et la pr sence proche de la for t dont on ne revient pas aigui saient la violence de la critique L espace de jeu des deux com diens pouvait tre consid r comme la sc ne voire l espace domestique sensation renforc e par le fait que des lampes de chevet avaient t install es m me le sol La for t avait la fonction de paysage presque sauvage o les victimes du syst me taient emmen es soumis lencieuses pour tre limin es discr tement hors du regard civilis Dans le Taxi th tre con u par Anne Marina Pleis seize voitures ont sillonn les villes de Marseille Bruxelles et Metz entre 1999 et 2004 Le ou les acteurs conduisaient une voiture emmenant quatre spectateurs 117 la d couverte de paysages urbains Ils jouaient en conduisant ou l ex t rieur de leur voiture faisant na tre par leur pr sence dans l espace ur bain des sc nographies insolites et enchanteresses jeu derri re une fen tre cass e d un immeuble d saffect parking de supermarch avec une arm e de caddies surplombant la rade marseillaise placette d un vieux quartier Tout joue Le spectateur est en position de cr ation per manente Il ne sait plus ce qui a t choisi par l quipe artistique et ce qui advient de fa on al atoire qui est acteur complice dans la ville ou qui simplement ne sait pas qu il est sous les regards de Spectateurs indiscrets derri re les fen tres d un taxi th tre Le2. Il y aurait des chiens Des chiens de neige Mouill s de boue Des chiens de bronze D chirant le plastique des nourritures avari es Dans l orang du r verb re une meute de chiens de cuivre attendrait Elle naftrait l Il y aurait au loin les lumi res de la capitale se refl tant sur les nuages Comme une sorte de promesse Et le sommeil des bommes serait un passage Et le silence de la neige un chemin Elle serait n e Dans ces deux exemples l vocation des paysages produisait un double effet matriciel et chaotique Une certaine douceur se d ga geait des descriptions un profond attachement sa terre pour l homme vieux Il semblait faire corps avec ce Paysage qui probablement l avait vu na tre Pour la divinit une beaut plastique presque cin mato graphique de son sol natal une importance des couleurs Mais aussi une solitude une monotonie une aridit la mort imminente pour le Premier et une violence du cadre et du contexte politique conomique et social offert la deuxi me pour sa naissance Des images vid o de paysages Dans diff rents spectacles de notre compagnie La commu naut inavouable nous avons diffus des images vid o sur cran de paysages Dans L Hypoth se de Robert Pinget les mages film es par Denis Gu guin retra aient un trajet en voiture sur une petite route au milieu de la for t jusqu un puits Ce chemin tait celui qu tait cens avoir emprunt le
3. Spectateur construit lui m me sans cesse le d cor paysage partir de ce qui lui est montr et ce qu il d couvre par son propre regard Le paysage comme terrain d exp rimentation sc nique pour les artistes Parfois les propositions sc niques in situ ne sont pas des spectacles qui sortent des th tres pour faire corps avec l espace mais des exp rimentations organiques et artistiques de la g omorphologie d un milieu naturel Ouvr e artistes en alpage Proposition de Boris Charmatz association edna Sur la photographie Steve Paxton Photographe Fred Kihn Dans le cadre des projets Bocal et Ouvr e artistes en alpages le chor graphe Boris Charmatz a mis en uvre avec de nombreux inter irice haos ou le e humain et les p pr tes complices des exp riences chor graphiques dans un contexte in dit a priori inappropri la montagne Au vu des images il ressort diff rents axes de cette recherche qui parfois s additionnent rapport symbolique l espace solitude de l tre face l infini la nature comme miroir de l me photo 1 la mort voqu e par la pr sence de corps pars abandonn s sur un terrain arp photo 2 analogie entre un corps et un tronc d arbre hori zontal photo 2 d placement humoristique d une gestuelle chor gra phique dans un milieu inappropri corps envelopp et color dans un paysage de montagne enneig esi Ouvr e ar
4. c ur de la repr sentation car elle est l endroit de l interpr tation Annabel Vergne Arbres ciel colline Quartier de la Fontaine d Ouche Dijon Photographe Annabel Vergne Annabel Vergne Arbres ciel colline Jardin de Barbirey Photographe Annabel Vergne Le jardin la matrice et le chaos ou le jardinage humain et les paysages Ce que j ai ressenti au cours de ma propre travers e de cette exp rience en ao t 2007 dans les jardins de Barbirey c est d entrer dans un dispositif qui impose le moins possible Et d tre moi m me au travail dans la fabrique de ma sensibilit Annabel Vergne a fait enregistrer les descriptions de R my Zaugg du tableau de C zanne par une voix f minine calme pos e grave et douce Cette voix est diffus e par un casque audio qui est donn au spectateur Les descriptions sont ponctu es de silences qui laissent le temps de la r sonance chacun Le visiteur est libre de sa mobilit sur un p rim tre assez vaste dans lequel la voix reste audible Une assise en plastique lui est don n e pour qu il puisse s asseoir sur le sol Il peut aussi marcher s arr ter prendre un chemin se cacher dans un sous bois d couvrir un autre spectateur en position d coute regarder les autres d couvrir le paysage La voix off est une invitation au jeu lorsque la description en voix off parle de vert ou de bleu celui qui coute tr s probablement voit du vert ou du b
5. d humour accro t parall lement le tragique La seule chapp e possible semble tre dans l univers au del des toiles espace figur sur sc ne par les cintres au dessus de la sc ne Une chelle permettait aux personnages d y monter un instant pour chapper au d sastre cologique sur la Terre D apr s nature conception et mise en sc ne Philippe Quesne 2006 Clyde Chabot La sc ne dans les paysages Le paysage comme sc nographie naturelle Diff rents festivals pr sentent des spectacles dans des jardins ou des paysages comme Entre cours et Jardin dans la r gion de Dijon Dedans dehors en Essonne Certains festivals plus g n raux ac cueillent des propositions sp cifiques d artistes in situ dans des paysages qui s accordent dramaturgiquement aux projets Pascal Rambert a mis en sc ne Gilgamesh au Festival d Avignon en 2000 dans un champ de tournesols au coucher du soleil avec une distribution la fois fran aise am ricaine et syrienne Dans ce m me festival Jean Lambert Wild pr sentait en 2005 Mue qu il a crit et mis en sc ne Ce spectacle se d rou lait en haut d une colline aux abords d un ch teau une trentaine de kilom tres d Avignon Le public tait install sur des transats dans une position d coute ad quate sous les toiles alors qu taient cont es par des indiens Xavante du Mato Grosso et des acteurs fran ais des l gendes anciennes r invent es Ce
6. les jardins de Barbirey pour le festival Entre cour et jardins une repr sentation all gorique de la disparition imminente des intermittents Pour Nous sommes tous morts et nous ne le savons pas encore dont le titre est emprunt Pasolini de nombreux acteurs locaux avaient t engag s Ils taient assis parmi les spectateurs Appel s par groupe de dix par leurs noms ils se d tachaient du pu blic pour tre emmen s par un com dien muni d une lanterne dans la for t dont ils ne revenaient pas Le texte constitu d extraits du dis cours de r investiture d Ernest Antoine Selli res la t te du MEDEF en janvier 2001 tait port joyeusement par deux autres com diens Ils annon aient ainsi avec entrain le changement l uvre Cette propo on figurait avec un humour grin ant l puration venir la dispari tion de tr s nombreux artistes que la r forme engag e allait produire En plein air sur des airs de f te avec au final un feu d artifice l invitation tait faite au public de vivre un rituel contemporain celui de l puration et de la s lection toujours plus aigu dans nos soci t s Ce spectacle r v lait derri re la fa ade du discours positiviste du jeu et du diver tissement la logique souterraine et le credo collectif qui s imposent actuellement Il mettait jour leurs cons quences qui g n ralement sont invisibles et non m diatis es Et le r el du feu d artifice en plein
7. perception vouloir dire pour percevoir vouloir dire pour percevoir Ensuite la perception impossibilit de dire dire le vu pour voir Elle nomme ainsi tr s pr cis ment l exp rience que le visiteur est en train de vivre c est le verbe qui donne la vue le temps pris pour lire l espace le fait exister et permet au spectateur de ressentir une sensa tion trouble d extr me pr sent lui m me et au monde Il crit lui m me le r el il devient auteur Le chaos initial de sa vision devient regard criture du paysage Cette criture permet d largir son champ perceptif de le pr ciser Ce qui tait l et qui n avait pas t vu parce que pas nomm pas identifi pas accueilli en soi devient visible et intens ment pr sent gr ce au verbe Ce dernier permet au sujet de d couvrir ressentir et effectuer sa puissance cr atrice L individu trans forme sa vision brouill e en un champ de perception augment Il se produit dans le m me temps une lecture et une criture subjective du r el En guise de conclusion Que la nature soit voqu e ou reproduite sur sc ne ou que des spectacles soient r alis s in situ on peut distinguer deux types de cr ations celles qui accueillent les paysages en tant que r f rence ou illustration du propos de la pi ce et celles qui les consid rent comme une mati re explorer et comme le sujet m me de l uvre Dans les premi res les paysages contiennent en g n ral dr
8. Nous verrons que les paysages ont une double identit un double sens dra maturgique La nature y appara t la fois matricielle et chaotique Matricielle car elle est celle d o l on vient o l on peut prendre du Titre d une pi ce et d un spectacle de Rodrigo Garcia d Les Solitaires i 2003 repos et o l on reposera in fine en paix Elle est par essence le lieu de la r conciliation de l union avec les forces de l Univers La nature symbolise aussi l inverse le chaos elle contient des forces indomp tables et al atoires imposant leurs contraintes mena ant l avenir et pouvant produire notre an antissement on ne conna t pas ses r gles on peut au mieux les explorer Elle figure aussi l incertain ce qui est sauvage ou violent ce qui n est pas encore crit travaill par l humain Les spectacles jouent souvent avec cette double identit parfois aussi du mouvement de l une l autre Jardins et paysages sur sc ne On peut consid rer la sc ne de th tre comme un jardin C est un lieu clos un espace d fini agenc par le metteur en sc ne En colla boration avec le sc nographe il r fl chit con oit et cultive l espace pour permettre que le texte y prenne corps via le travail de l ensemble de son quipe et que puisse ainsi fleurir l art th tral Les fruits de cette culture particuli re de ce jardinage humain au del de ce que l on voit le texte incarn par des acteurs la s
9. Universit Michel de Montaigne Bordeaux UFR des Arts 2008 NUM IO 4 is r alit s imaginaires et symbolique CLYDE CHABOT Le jardin la matrice et le chaos ou le jardinage humain et les paysages De nombreux metteurs en sc ne et chor graphes mettent en jeu des paysages sur la sc ne ou d placent leurs cr ations in situ en ext rieur Le plateau de th tre ou de danse peut tre consid r comme un jardin secret Le metteur en sc ne appara t comme le guide le jardi nier Il d termine le terrain de travail espace distribution ce qu il y plante texte dramaturgie costumes accessoires et un mode de culture criture sc nique mode de relations l int rieur du groupe Il guide son quipe jusqu ce que les fruits de leur recherche soient m rs et pr ts tre go l s par d autres Alors ce jardin ouvre ses portes au public Cette sc ne entre souvent en dialogue avec des paysages Ces derniers peuvent tre pr sents sur le plateau ou devenir le lieu r el des spectacles Certains artistes chor graphes comme cela avait d j eu lieu avant la premi re guerre mondiale sortent des salles pour vivre des exp riences chor graphiques en plein air les espaces natu rels deviennent des sc nographies sp cifiques ou la mati re premi re d exp rimentalions concr tes Je partirai de ma propre pratique de metteur en sc ne pour largir l analyse d autres artistes actuels
10. amaturgi quement la double nature chaotique et matricielle de la nature Dans les secondes il appartient l individu d agir sur lui m me pour trans R Zaugg Constitution d un tableau Les presses du r el collection crits d artistes art amp art 1989 p 40 Le jardin la matrice et le chaos o le jardinage humain et les paysages former son rapport d aveuglement et d inqui tude face la nature me na ante pollu e ou brouill e en une relation de maturit empreinte de respect de responsabilit et d accueil de l al a On peut parler d une invitation l criture du pr sent et ou de sa propre vie Planche couleur VIII
11. c nographie le mouvement des lumi res sont invisibles Ils se produisent travers la perception du spectateur en lui pour lui seul chacun percevant diff remment dans sa singularit L art sc nique propose une ouverture vers le sacr L nigme de la pr sence au monde y est sond e la fois voil e et d voil e Cet invisible cet infini auxquels l individu est confront sont parfois concr tis s ou symbolis s sur le plateau par la pr sence ou l vocation de paysages Une vocation des paysages par les mots incarn s J ai souvent travaill avec l auteur Yan Allegret dont l agencement rythmique et le choix des mots de son criture font na tre dans l imaginaire du spectateur des paysages intimes Cet trange devoir du bonheur tait une pi ce courte r alis e dans le cadre des Petits petits festival de formes courtes sur 1m organis par Gare au Th tre Vitry sur Seine Cette fiction r unissait le dernier po te et un pr sentateur t l Ce dernier pr sentait mondialement les ultimes instants visuel succi Le jardin la matrice et le chaos ou le jardinage humain et les paysages de ce tr s vieil homme Jou par un acteur de 90 ans Guy Perrot il ne cessait de dire de la po sie jusqu son dernier souffle retransmis en direct Sa po sie tait empreinte de paysages Homme vieux Les champs cette poque sont vastes et ras L odeur de l herbe n est Plus g n re
12. es d avion taient diffus es en parall le d un texte citant successi vement tout ce qu un ordre sup rieur d cidait d liminer solidarit s sociales tats mais aussi leurs pendants intimes amour enfants Les biblioth ques liminer Les universit s litt raires liminer Les universit s th trales liminer Les universit s liminer La fonction publique liminer Le service public liminer La s curit sociale liminer nait Comment le corps est atteint texte et mise en e Clyde Chabot Image Alexandra M lot Dans cette image film e par Alexandra M lot de fa on presque imperceptible du sable s effondra se d pla ait ne tenait pas Le sol t comme soumis un glissement de terrain Pour appa moi cel voquait le fait que nous sommes entr s dans une nouvelle re politiqui duisent pl Le trouble g ologique les fondations qui s iquement l amenuis esquivent tra ement actuel des fondations de notre syst me politique et de la protection sociale Les visages paysages ou comment sonder le vivant au plus pr s Parfois ce sont les visage ille avec les vid astes comme des paysages film s en tr s gros plan il apparaissent d abord immobiles mais se r v lent anim s de micro variations Les mais infinis du vivant sont donn ignes fragiles voir La quasi fixit peut aussi vo quer le caract
13. l Hrvatin sur l uvre de Jan Fabre On ne peut pas s abandonner au silence au repos ou la monochromie parce qu on attend tout le temps l irruption des dimensions n gatives dans la structure Fabre le sait tr s bien et c est pour cela qu il joue avec la perception du spectateur il lui montre que c est lui m me par ses attentes qui d molit cette insoutenable structure cette structure non r alis e Actrice Ali nor de M zamat Comment le corps est atteint Image Alexandra M lot E Hrvatin Jan Fabre Paris Armand Colin 1994 p 88 89 113 Clyde Chabot Dans Comment le corps est atteint 2005 l une des actrices Ali nor de M zamat avait un r le la fois abstrait et concret Elle figurait la po sie l amour ce que l on n attend pas et qui advient Elle tait pr sente sur le plateau mais aussi parfois via son image presque immobile film e par Alexandra M lot en tr s gros plan mix l coulement de l eau d une rivi re Cet coulement pouvait faire penser ses larmes La pr sence de cette image amplifiait le caract re abstrait de cette figure son ouverture sur l indicible Comme les paysages elle apparaissait la fois calmante apaisante pr sence d amour proche et tragique par son silence rappel pour chacun de son propre caract re mortel Si la sc ne est un jardin les paysages ext rieurs et les visages paysages figurent dans ma recherche sc nique de fa o
14. le paysage de dispara tre dans la nature sous des feuilles ou dans des mousses En Senveloppant le visage de grandes feuilles elle est devenue figure Sylphide trange une d it des for ts un esprit f minin farceur Elle proposait aux spectateurs de prendre une assise qui avait t con ue lt a collaboration avec sa sc nographe selon diff rents mod les Les spectateurs pouvaient librement rester assis ou se d placer ch leur point de vue Cela permettait des changements d chelle du tr pr s au tr s loin Ce qui a int ress Catherine Contour au del de ce rapport nsible aux l ments naturels c est l al a et donc le pr sent Une telle Clyde Chabot d imagination de cr ation de vie partag e avec le public Quoi qu il arrive la forme r alis e doit tre apte l accueillir Contrairement une salle de spectacle o tout est fait pour que ce qui est pr vu se r alise dans un jardin on peut tre de nouveau vierge et surpris on est toujours en prise directe avec du devenir Tu ne ma trises pas tout Tu es confront du vivant Il y a toujours dans le jardin de l incertain Et cela permet des moments uniques une sorte de magie Elle se rappelle qu il avait plu toute la journ e et qu une claircie a permis que son Autoportrait ait lieu sous une lumi re extraordinaire ou encore que les oies qui n avaient pas t commodes avec elle pendant les jours de pr paration semblaient ce jou
15. leu dans le paysage qui s offre lui On sait que la description est celle d un autre paysage mais il est plaisant de trouver une correspondance dans la couleur des arbres ou du ciel que l on a sous les yeux Parfois les mots ne trouvent pas de support de r alisation Le spectateur se rappelle que le puzzle est impossible reconstituer enti rement d autres paysages reviennent sa m moire il peut aussi se d placer pour chercher ailleurs dans l espace r el des correspon dances ou laisser r sonner en lui le vide cr par les mots en atten dant la description suivante Le projet s inscrit dans la variation Non seulement chaque spectateur produit son propre champ perceptif la crois e du r el qu il per oit de la description qu il entend et de son imagination La direction d acteurs joue sur le sens du mot toits qui sonne comme TOI Le spectateur se sent d sign convoqu appel dans sa singula r perceptive La variation joue aussi dans le choix des lieux Le pro jet se r invente sans cesse en fonction de sa r alisation dans un es pace urbain ou bucolique comme le montrent les deux photographies 5 L actrice est Agn s Pontier 125 Clyde Chabot prises dans deux lieux de pr sentation du projet le quartier de la Fontaine d Ouche Dijon et le jardin naturel Paris Dans le texte est introduite parmi les descriptions une note r flexive de R my Zaugg Ecrire pour voir Lancer la
16. mp im passible de combats infiniment meurtriers faisant ainsi appara tre la na ture comme le lieu imperturbable et placide des un refuge illusoire infortunes des hommes Dans D apr s nature mis en sc ne par Philippe Quesne une bonne partie du plateau tait occup e par un morceau de for t L usage dramaturgique de cette pr sence de la nature tait diff rent Cette der ni re apparaissait comme un chantillon en mauvais tat de conservation soumis aux risques de disparition Cette fois le paysage reconstitu n tait pas le d cor de sc nes il devenait le sujet m me de la pi ce En effet cette pi ce d nonce avec humour l tat d h b tude de l individu contem porain face aux probl mes de d t rioration de l environnement et son inaptitude y faire face L chantillon de for t pr sent sur le plateau figu rait du fait du caract re rachitique des arbres que l homme a d truit lui m me son refuge naturel Les individus pr sents sur sc ne tentaient par fois d y retourner ainsi qu un chien en libert mais n y restaient gu re car ce lieu n tait plus aucunement celui d une retraite Les acteurs ne parlaient pas Ils apparaissaient comme des explorateurs inadapit s face une nature devenue dangereuse parce que pollu e ou contamin e Des l ments de texte taient vid oprojet s pouvant faire penser des surtitres ou des bulles de bande dessin e Cette forme
17. n concr te ou abstraite apaisante ou inqui tante le r el le contexte ext rieur le devenir amoureux et mortel de l tre Ils largissent le cadre au monde ext rieur ou permettent de figurer la sensibilit et la fragilit de l tre au plus pr s du sensible de la peau des larmes Des paysages reconstitu s sur sc ne Quelques spectacles reconstituent sur les sc nes de th tre un paysage naturel pour reproduire le d cor contenu dans les pi ces o pour tre mati re investigations doutes et d tours ludiques En 1995 la mise en sc ne de Jean Jourdheuil de Za Bataille d Arminius d Heinrich von Kleist au Th tre des Amandiers de Nanterre commen ait par l ouverture du rideau d avant sc ne On d couvrait alors une immense for t int gralement reconstitu e par le sc nographe Gilles Aillaud Le pu blic accueillait cette reproduction exacte de la nature par une exclamation admirative collective car il semblait qu un morceau de for t avait t ap port sur le plateau de tr s grands arbres se dressaient et la lumi re des projecteurs les traversait Cette for t tait le cadre d une longue et san glante bataille Il s agissait d un d cor au sens classique du terme offrant aux combats leur cadre historique r el reconstitu Il tait si r aliste qu il en devenait trange sur le plateau A la fois majestueuse impression nante lumineuse au d part cette for t se r v lait tre le cha
18. personnage de la pi ce Mortin double de Robert Pinget pour aller jeter dans un puits son manuscrit uvre litt raire Le jardin la matri le chaos ou le jardinage humain et les pays de toute sa vie qu il n ose soumettre au regard public Pour Hamlet machine de Heiner M ller le flux et le reflux de la mer qui taient vid oprojet s en r sonance la premi re parole du texte J tais Hamlet Je me tenais sur le rivage et je parlais avec le ressac BLA BLA Des images aus cho aux camps de concentration de la seconde guerre mondiale sur lesquels se fonde l criture de Heiner M ller Il s agissait de transcrire visuellement les paysages auxquels les pi ces font r f rence le puits fatal le ressac ou la seconde guerre mondiale Ces fen tres ouvrent de terrains entour s de fils barbel s en sur l ext rieur et une part d infini dans le mouvement ou les contours Elles donnent voir des images r elles du monde le vrai alors que la sc ne l inverse est un espace clos fictif aux r gles du jeu claires o r gne un certain ordre de l criture Parfois la pr sence vid ographique des paysages est plus libre Ces derniers apparaissent comme une m taphore presque abstraite du r el politique conomique ou social ou une traduction po tique d une sensation d un trouble Dans la mise en sc ne de mon texte Comment le corps est atteint en 2005 et 2006 des images du d sert pris
19. r l presque dompt es elles l avaient docilement suivie durant un moment Catherine Contour Auloportrait aux Jar dins Jacqueline Rollin 2003 photographe Carole Bodin t moin invit e Ce type de formes sc niques est le produit de la confrontation d un artiste un milieu naturel ses al as m t orologiques son chaos et d pend de son aptitude y faire face accueillir ce r el incertain pour pouvoir s inscrire au pr sent dans le pr sent enti re ment et envisager la nature comme une force matricielle qui nous contient C est une sorte de r volution int rieure que convie ce type de projet il ne s agit pas ici de chercher se Prot ger de la pluie ou de Interview de Catherine Contour mai 2007 instant C est ce rapport simple et bouleversant qui fait appara tre le r el comme une perception personnelle et une peinture personnelle pour soi seul o la perception du r el et son interpr tation sont autori s es tre prioritaires sur la r alit Le texte que le spectateur en tend face un lieu devient un mode d emploi pour voir le paysage devant soi La superposition d un dispositif d coute et d un dispo sitif de regard oblige le spectateur agencer les informations qu on lui donne inventer un nouvel objet un nouvel espace recompos tem Porairement par ses perceptions n de la confrontation de ces deux pr sences Cette part manquante est le
20. re mortel de celui qui est offert au regard Il est un miroir pour soi la fois proche et infiniment s par retir dans son silence et son nigme Dans Un peu de poussi re de chair la nuit j ai demand au vid aste Cyril Alata de filmer en gros plan le visage de l acteur Eric Antoine dont le travail reposait sur une extr me fixit du corps verti cal un poing serr et du v isage yeux carquill s comme s il tait rest Le jardin la matrice et le chaos ou le jardinage humain et les paysages bloqu un moment de choc dont il ne serait pas revenu L ensemble de la mise en sc ne tait empreint de minimalisme l acteur restait proche de l avant sc ne immobile Derri re lui une activit symbolique de celle qui l accompagnait m re s ur ou amante on ne savait pas Dans ce minimalisme la captation du visage en gros plan de l acteur prenait un relief particulier donnait un autre point de vue sur le personnage plus proche de la peau du sensible Lorsqu une larme s coulait lentement sur son visage le drame de cet homme enfant semblait y tre concentr e Face une quasi immobilit c est le spectateur qui sonde lui m me la mobilit l v nement l av nement d un battement de cils d un frisson ou d un tremblement qui traverse la joue Comme une extr me humanit Quelque chose est presque arr t mais respire encore quelque chose est encore possible En ce sens on peut penser l analyse d Emi
21. s spectacles jouent v ritablement avec le lieu qui devient en soi acteur symbolique et signifiant Pour Pascal Rambert les champs de tournesols comme une lumi re dans la nuit symbole d une possibilit d accueillir et de r unir des peuples qui se sont fait la guerre en Irak Pour Jean Lambert Wild c est la possibilit du dialogue entre les collines comme entre les peuples anciens le dialogue avec l univers face l infini des toiles Le spectateur est plong dans un espace sp cifique Il n est plus face un d cor reconstitu mais face ou l int rieur d un d cor r el Il s agit d une exp rience de sens et de sensations L identit de l espace d termine le sens Le lieu devient m taphorique et nourrit le propos dramaturgique il fait corps avec lui Il est aussi un lieu d exp rience sensible pour le spectateur un moment de vie particulier qui trouble les fronti res entre le r el et le th tre La sc ne jardin s est d plac e hors les murs du th tre 3 Le projet devait initialement r unir des acteurs am ricains irakiens et fran ais 116 Le jardin la matrice et le chaos o le jardinage humain et Dans ces deux cas la nature apparaissait plut t matricielle et accueillante Parfois c est au contraire sa dimension inqui tante lieu de perte et de disparition possible qui est mise en jeu Beno t Lambert en ao t 2003 produit en plein c ur de la crise des intermittents du spectacle dans
22. tistes en alpage Proposition de Boris Charmatz a sociation Edna Sur la photographie Benoit Lachambre Boris Charmatz Steve Paxton Barbara Manzetti Xavier Leroy Photographe Fred Kihn sition de Boris Charmatz ton Photog Ouvr e arti asso Steve ciation Edna Sur la photographie Fred Kihn Bocal Conception Boris Charmatz et les bo calistes Sur la photogra Nabil Yahia Aissa Fr d ric Schranckenmuller Boris Charmatz C sar Vayssi Photographe Eve Girardot hie Bouchra Ouizguen Il ne s agit plus de fiction situ e dans un d cor r el mais d une immersion dans un milieu donn et d une exploration plurielle organique sensible rythmique dramaturgique des rapports du corps Le jardin la mat ce contexte naturel L artiste est exp rimentateur des caract ristiques mat rielles et symboliques du lieu et de la port e d un d placement dans un milieu sp cifique de formes chor graphiques pr existantes Catherine Contour est chor graphe et interpr te Elle travaille au plus pr s de la sensibilit et du pr sent En 2003 elle a r alis Auto portrait aux Jardins Jacqueline Rollin dans les Jardins de Barbirey pour le festival Entre cour et jardins Catherine Contour Autoportrait aux Jardins Jacqueline Rollin de Barbirey 2003 photographe Carole Bodin t moin invit e Elle a explor les possibilit s de se fondre dans
23. use Elle se m lange celle de la terre s che Le ciel est bas gris Pas de promesse de lendemain ou d orage Les champs perte de vue en perdre la vue des champs Une lassitude tranquille s panche comme un pollen naus eux partout o le vent l emm ne Ce ne sont bas des rafales Des brises peut tre Pas plus fortes que des souffles de femmes La poussi re soulev e avance m tre par m tre Avec fatigue tu pourrais dire Avec fatigue A perte de vue des champs Ras en perdre la vue Nous avons galement travaill autour de paysages urbains Le corps des rivi res pr sent au th tre du Colombier en 2005 Bagnolet r unissait sur le plateau une actrice burkinab Dakiswend Niki ma l auteur de la pi ce Yan Allegret et un musicien Micka l Gr bil Troi si me tape d un projet initi au Burkina Faso la pi ce racontait com ment la fusion de deux d esses noire et blanche en 2000 avait engendr une nouvelle divinit elle naissait quatre ans plus tard dans une ban lieue parisienne Il y aurait la nuit de banlieue Il y aurait la neige Silencieuse Se m lant la terre Elle na trait l 1l y aurait un soleil de n on Bleu et rouge Une enseigne Carrefour Il y aurait un soleil de banlieue la nuit Elle na trait l Il y aurait l arri re d un centre commercial 108 Entour de grillages Espace de d chargement Arri re cour de b ton Elle na trait l
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