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1. tait essentiel que j aille voir ce qui se passait ailleurs J tais tellement identifi a ce th tre qu il s est coul cing ou six ans avant qu un autre th tre songe me demander Il y a eu l pour moi un purgatoire assez long traverser a Heureusement vous aviez la t l vision G P Heureusement Sinon je me serais retrouv itin rant rue St Denis ou rue St Laurent Travail sur le r le Expliquez moi comment vous travaillez vos r les comment vous entrez dans le per sonnage et ce que vous attendez d un metteur en scene Qu est ce qui vous aide le plus a arriver a votre v rit Y a t il des tapes G P La premi re tape normale et logique recevoir un texte S il s agit d une piece classique il y a des chances qu on connaisse dej le personnage mais autrement la 109 premiere rencontre a lieu le jour ou l acteur s assoit ouvre un texte avec nor mement d attente de curiosit et aussi d appr hension Pai toujours de Pappr hension Je ne veux pas m abandonner tout de suite donc je considere ce r le que l on me donne un peu comme un ennemi au point de d part Je ne veux pas m en faire un ami tout de suite J essaie d tre simple lecteur detache Ce n est pas facile Vous le lisez sans vous investir G P Ou C est difficile D ailleurs je le dis honn tement je n y suis jamais arriv Je peux garder cette attitude pour les vingt premi res pag2. Encore la il ya aujourd hui une ouverture qui n existait pas autrefois la plu part des metteurs en sc ne acceptent Anne de Raiche et G rard d couter ce que les acteurs ont dire Mais j aime qu un metteur en sc ne ne d vie Poirier dans le Parc des pas de sa ligne originelle et qu il essaie au contraire de provoquer l acteur pour braves Radio Canada en l inciter rejoindre la ligne qu il s est trac e admire beaucoup cela Je sais que cela 1986 Photo Andr Le Coz va donner un spectacle interessant peut tre pas un immense succ s mais un specta cle certainement int ressant dot d une coh sion Les metteurs en sc ne trop souples ne sont peut tre pas les meilleurs Je ne veux pas dire qu un metteur en sc ne doit tre b te et tyrannique cela ne donne rien Pas de pontife pas de magister sur une tribune avec la baguette dans la main Mais il doit avoir de la fermet et tenir son id e Personnellement c est ce qui me rassure et c est ce que je rencontre de plus en 111 plus avec les jeunes metteurs en scene qui ont tous t form s et qui tr s souvent ont t eux m mes acteurs Ils connaissent les contingences du jeu Comment le metteur en sc ne peut il vous aider laborer votre personnage G P J aime qu un metteur en sc ne me permette un certain moment cela se situe peu pr s au milieu du travail d aller jusqu au bout Au risque d tre ridicule j ai besoin de voi
3. conservatoire J ai fait des ateliers dans les options the tre des c geps et cela m a donn v ritablement tr s confiance en moi Je me suis senti capable de transmettre ce que j ai appris presque tout seul de fa on empirique et ce n est pas plus mauvais semble t il que les autres professeurs qui semblent avoir de grandes th ories J ouvre une parenth se pour vous dire que je me suis toujours un peu m fi des th oriciens du th tre Je ne dis pas que c est inutile il faut parfois condenser sa pens e dans une th orie mais j ai remarqu que ceux qui parlent le mieux des th ories sont ceux qui les appliquent le moins quand ils sont sur sc ne C est vraiment une constante Le th tre n est pas un art de r thorique c est un art de l action qui se d couvre dans l action On peut faire des conf rences int ressantes sur le th tre et sur tout ce qui s y greffe Mais quand on est acteur il faut tre en action quand le metteur en sc ne vient m expliquer Grotowski ou autre chose cela ne m est personnellement d aucun secours D autres vont trouver cela profitable peut tre je ne jette pas l anath me sur les th ories Sur le plan pratique elles ne vous aident pas G P Pas du tout Je veux aller vers la v rit vers la situation que j ai jouer c est tout Quand j ai trouv la v rit de la situation je sais que j ai trouv ce qu il fallait faire Ces th ories sont tr s souvent mal comp
4. dire Ce n est pas la premiere fois que a m arrive on en a vu d autres on s en sortira C est l exp rience qui donne cela Au d but d une carri re on est dramatique avant l explosion du drame On arrive en sc ne d j porteur du drame alors qu il ne s est pas produit J ai telle ment b che sur cela avec mes l ves du conservatoire Attends que le drame se produise avant de te donner cet air absolument contrit et d fait Il faut toujours la petite nuance d humour Pai ador Marcello Mastroianni au cin ma il avait ce petit c t retors travers tous les r les qu il a jou s tous Je Pai beaucoup aim et sa mort m a fait une grande peine je me suis dit je ne le reverrai plus J aime aussi beaucoup Noiret il y a cela chez lui aussi En canaille en personnage d gueulasse pouvantable il n est jamais antipathique Il a ce c t bon enfant qui fait que l on ne pourra jamais le juger totalement coupable Vous dites si je comprends bien que quand un acteur est vrai m me dans un personnage r barbatif on reconnait cette verite la G P Les choses les plus dramatiques de la vie peuvent tou jours tre d samorc es par une petite pointe d humour C est une grande victoire quand on arrive cela dans l existence Avez vous prouv la m me chose dans lago G P Oui lago est un role tellement complexe qui joue sur quantit de notes diff rentes C est un tre de s duction que
5. haut il faut que je parle le texte autrement cela ne ren tre pas Donc j tais totalement absorb le texte devant les yeux et tout coup j aper ois devant moi une douzaine de personnes qui m ap plaudissent J aurais voulu dis paraitre Quand un acteur est en p riode d incubation en train de m moriser un texte consid rable l est assez difficile d approche Pas drole pour les autres ce moment l Pour le compagnon ou la compagne en particulier ce n est pas facile parce qu on est d j constamment habit par autre chose et cela ne nous l che pas Est ce que cela dure pendant toute la piece f G P Surtout pendant l apprentis sage du texte Les premieres r p ti tions o on b che o on lutte avec ou contre le personnage On est m content de soi on se dit Je ne m en sortirai jamais je n y arriverai 3 pas j ai eu tort d accepter cela parce qu on a tous les complexes du monde d s qu on aborde un r le nouveau Il y a des p riodes d abatte ment Curieusement il y a aussi une 116 Ti G rard Poirier et Pascal Rollin dans Messe solennelle pour une pleine lune d t de Michel Tremblay mise en sc ne par Serge Denoncourt au Th tre du Trident en 1996 Photo Daniel Mallard p riode d abattement au milieu d un spectacle en cours il faut faire tr s attention On part dans l enthousiasme surtout si le spectacle fonctionne et soudain on se
6. qu avant mais je Pai toujours C est pour moi l examen Heureusement que nous avons inaugur depuis quelque temps les avant premi res qui donnent grandement confiance aux acteurs et a l quipe et qui permettent juste ment d ajuster le ton pour la grande premi re m diatique laquelle est convi le Tout Montreal Les qualites d un bon acteur Qu est ce qu il faut pour tre un bon acteur G P Personne ne peut r pondre cette question Beaucoup de constance Au risque de vous tonner je vous dirai que pour moi il faut des nerfs d acier Quand j en seignais face a certains l ves je me disais int rieurement Ils ne feront pas car ri re ils ne pourront pas tenir ils n ont pas les nerfs assez solides Il faut une vraie carapace nous sommes des objets de consommation et de ce fait la critique peut tre tr s acerbe Il faut y faire face se pr munir contre cela et ne pas tre d moli chaque fois que quelque chose ne correspond pas dans un papier ou ailleurs ce que nous percevons nous m mes Il faut donc des nerfs solides Et aussi comme je Pai mentionn une bonne dose d humilite face un personnage Nous partons zero chaque fois c est une autre des fascinations du th tre Chaque pi ce est une aven ture neuve Ce qu on a pu faire avant ne nous sert rien au d but des r p titions du moins C est comme si on repartait z ro n ayant jamais Jou jamais mis les pieds
7. s jeune premier Janine Sutto encore adolescente Presque tous les acteurs importants d aujourd hui sont pass s par l Arcade Apr s sont venus les spectacles des Com pagnons un autre univers J ai compris tout coup que le th atre pouvait tre aussi po sie mouvement qu il pouvait sortir du quotidien qu il ne se limitait pas au trian gle mari femme amant J ai donc tout appris de facon tr s empirique Vous ne veniez pas d une famille d artistes G P Au sens d artistes de carri re non Cependant il y avait un terrain favorable Je crois que ma m re aurait aim tre une actrice ce qui tait videmment impen sable pour une femme de sa g n ration Elle adorait la musique surtout la chanson francaise C tait la guerre et toute la journ e nous coutions de la chanson fran aise a la radio Plusieurs s tonnent que les gens de ma generation connaissent si bien les anciennes chansons de 1939 1945 et m me deux ou trois ans apr s nous tions absolument coup s de tout march europ en tout ce que nous pouvions entendre c taient ces succ s d avant guerre qu on nous servait toute la journ e Ils nous ont tout de m me ouverts une autre r alit Il y avait parfois des termes d argot qu on ne comprenait pas mais cela repr sentait une vasion une sorte d exotisme Pas tonnant que ceux de mon ge aient t influenc s Au d but de ma carri re les acteurs avaient comme mission d imiter au m
8. tout le monde adore il faut bien qu il soit quelqu un de joyeux d int ressant de charmeur ses heures autrement Othello ne s explique pas Pas plus que ne s explique un Tartuffe o le r le titre serait tenu par un gros bonhomme sale et d gueulasse comme la tradition l a longtemps voulu Il faut qu il exerce une fascination une tr s grande fascination D ailleurs voila des pi ces qui n ont pas le m me sujet mais qui traitent toutes deux 113 de fascination lago fascine Othello aussi bien que Tartuffe fascine Orgon C est un sujet merveilleux au the tre tout le monde peut s y reconna tre Nous avons tous subi la fascination d tres qui sont pass s dans notre vie On aurait pris le premier avion avec ces gens la en disant J ai trouv lago est ainsi La tradition avait impos une esp ce de tra tre au troisi me couteau mais il n est surtout pas cela mon avis surtout pas Tout le contraire Ces personnages sont extraordinaires pour un acteur parce que non seulement il doit exercer cette fascination sur le camarade qui joue devant lui mais il doit aussi fasciner le public Cela devient un sport mer veilleux J ai toujours t extr mement sensible quand je joue ce que j appelle des lots d hostilit Je les ressens d s mes premiers pas sur sc ne il y a dans la salle je peux les situer g ographiquement des gens qui ne m aiment pas Je le sens je le sais et cela me provoque Redouble
9. un cordon qui s tait enroul autour du foulard cela avait t la croix et la banni re pour le d barrasser de a D j les paules commen aient nous tressauter Je l invite s asseoir sur un divan derri re lequel il y a une petite table avec des alcools la sc ne veut que je lui verse un verre Les paules me sautaient tellement que j ai r pandu tout cela sur la t te d Edgar plut t que dans le verre et l videmment dans la salle cela commen ait se gondoler L dessus entre une com dienne avec un grand chapeau la sc ne tait petite il y avait un lustre et voila que le chapeau s accroche au lustre Tout cela coup sur coup en l espace de quelques secondes Cela a t le coup fatal Il a fallu s arr ter tous pour rire pendant au moins cing minutes C est le seul exemple que je connaisse de gags r p tition dans un tr s court laps de temps Langue et registres de jeu Je sais que la question de la langue que vous avez voqu e en parlant de votre d cou verte du cin ma fran ais vous tient c ur Accepteriez vous d en parler G P Quand on est qu b cois on ne peut pas chapper cette question la Un acteur qu b cois dans les ann es cinquante essayait d imiter au mieux ses mod les fran ais Il y avait aussi parall lement d excellents acteurs et d excellentes actrices qu on appelait locaux Ils avaient un accent du Qu bec un accent du terroir Ceux l taient excel
10. ain Je crois que j ai tou jours port en moi l envie d tre sur une sc ne d tre quelqu un d autre Un peu plus tard s est greff e cela ma d couverte du cin ma Ma croissance a t tr s rapide vers l ge de treize ans Avant cela j tais un peu baquet un enfant plut t gros et tout coup J ai pouss comme une asperge si bien qu on pouvait ais ment me prendre pour un gar on plus vieux que mon ge Il m tait donc possible d entrer au cin ma qui a t pour moi une d couverte fulgurante Je parle du cin ma fran ais puisque je ne comprenais pas un mot d anglais D un coup je d couvrais qu on pouvait parler cette langue d une autre mani re que celle que je connaissais une immense r v la tion pour moi D s mes premiers films fran ais je me suis mis imiter l accent Je devais tre un peu ridicule Mais il faut peut tre passer par une phase d affectation pour en arriver trouver la juste mesure Un monde un univers totalement inconnu 100 presque exotique m tait r v l des femmes en robes du soir les paules nues des int rieurs absolument insoupconn s des ch teaux une ville extraordinaire nomm e Paris Le cin ma francais a constitu pour moi une voie d acces ph nom nale Certains titres vous reviennent ils en m moire G P Je vais parler plut t des acteurs et des actrices J ai eu des le d part une fasci nation pour madame Edwidge Feuill re qu
11. an Duceppe dans le Gardien de Pinter mis en sc ne par Paul Blouin la Compagnie Jean Duceppe en 1975 pourrait se rouler par terre tellement on trouve cela hilarant Pendant la tournee de la Serva amorosa il y a eu un incident assez amusant qui aurait pu tre tragique on jouait 4 Granby sous un clairage tr s tamis tous les th tres ne sont pas n ces sairement quip s de systemes d clairage sophistiqu s c tait le deuxi me soir Linda Sorgini entre en scene comme une bourrasque elle ne voit pas tout juste devant elle un luminaire suspendu plus bas que d habitude et elle se cogne la t te sur le luminaire qui se met se balancer Le public se tordait Elle aussi m me si elle s tait fait mal la pauvre Ce genre d v nement est plut t rare Je me souviens d un 120 G rard Poirier Orgon et Gabriel Arcand Tartuffe dans Tartuffe mis en sc ne par Lorraine Pintal au TNM en 1997 Photo Michael Slobodian incident 4 mes tout d buts dans un th atre de poche le The tre d Anjou qui n existe plus J y jouais un boulevard la Magicienne en pantoufles je devais accueil lir la porte un personnage jou par Edgar Fruitier ce qui est d ja tr s dangereux La sc ne se passait l hiver je devais donc l aider retirer son manteau son foulard son chapeau Edgar qui est l tre le plus maladroit du monde avait mis cela tout de travers Il avait une esp ce de monocle retenu par
12. dit Ah ce que je resterais la maison ce soir Cela dure quatre ou cing repr sen tations et le spectacle repart de plus belle Comme si une maturation s tait faite pendant cette p riode d pressive qui d bouche sur un nouvel enthousiasme C est vraiment le m tier des extr mes G P Oui Et c est pourquoi il faut toujours tre tr s attentif ses camarades Une tendresse profonde et r elle s installe entre les acteurs d une m me distribution On s aime et on prouve le besoin de se le dire Cette relation est tr s importante entre nous et c est assez douloureux quand elle ne se cr e pas la derni re on se quitte les larmes aux yeux en se disant On va se revoir et on ne se revoit plus L aventure est termin e Comme lorsqu une liaison amoureuse vient de se terminer Pendant sa dur e cela a t passionnel Ma compagne au d but ne comprenait pas qu on se jette comme a dans les bras les uns des autres qu on se couvre de baisers qu on ait l air de s aimer ce point Est ce vrai me demandait elle Oui Oui Mais dans une semaine vous allez vous quitter Qui cela est vrai aussi C est cette sorte d amour qui vous porte G P Oui Et on a besoin de se demander des nouvelles Comment vont tes enfants Ton mari ga va en ce moment Et ta migraine c est termin As tu pris tel m dicament On a soin les uns des autres on se donne des rem des des adre
13. e cr er d inventer d improviser tr s souvent aussi et cela est tr s gratifiant Il y avait place pour l invention G P Oui Dans les ann es cinquante les acteurs taient encore tr s individualistes Ils n avaient pas cette conscience que nous avons maintenant face un spectacle de former une grande quipe r unie autour d un m me travail d une belle uvre com mune Par individualisme je veux dire que le m tier tait bas beaucoup plus encore qu aujourd hui sur le vedettariat Il y avait une grande actrice un grand acteur dans une distribution Et les nouveaux venus devaient se plier aux caprices de ces artistes 107 tr s en vue Tout cela s est adouci la venue des coles a tout chang on a fait com prendre aux aspirants en art dramatique qu il fallait vivre ensemble qu il fallait aussi tre ensemble pour b tir un spectacle et former une quipe Je dois vous dire que je pr f re faire du th tre maintenant videmment j ai quarante trois ans d exp rience et de m tier et plus d assurance J ai train mes complexes si longtemps Lesquels G P Celui de n avoir pas fait d cole Je me croyais un ternel amateur face aux camarades qui sortaient du conservatoire Ils m impressionnaient Enseignement et formation D o votre tonnement peut tre aujourd hui quand les jeunes vont vous demander des conseils G P Exactement Je me suis d barrass de mon complexe quand j ai enseign au
14. er cet emploi G P Oui Je me souviens de cela avec beaucoup d motion parce que le d but de la television a t si excitant Nous partions tous du m me point pour d couvrir ce m dium ensemble acteurs metteurs en scene r alisateurs aussi bien que techniciens costumiers et autres concepteurs 106 Gerard Poirier en 1958 Photo Jac Guy Vous inventiez tout G P Oui On nous a mis en main un magnifique jouet dont on ne connaissait pas le mode d emploi et on l a explor tous ensemble C est cela qui a t tr s excitant A cette poque l les missions t l vis es constituaient des v nements majeurs Un t l th tre par exemple tait comment dans les journaux d cortiqu par les cri tiques l gal d une grande premi re de th tre Cela avait une importance consid rable Et cela en a eu beaucoup dans l veil des Qu b cois Il n y avait alors que Radio Canada qui avait re u un mandat bien pr cis sur le plan culturel mandat scrupuleusement respect cette poque Les t l spectateurs qu b cois ont pu pren dre connaissance de tout un r pertoire de pieces frangaises am ricaines et autres inconnues pour eux Donc c est un univers qui s ouvrait 4 ce moment la sans compter les innombrables missions d affaires publiques et les missions f minines De tr s grande qualit G P Et comment Je crois qu un des principaux facteurs de l veil des femm
15. erudi www erudit org Le the tre n est pas un art de rh torique c est un art de l action entretien avec Gerard Poirier Solange Levesque Jeu revue de theatre n 87 2 1998 p 100 123 Pour citer ce document utiliser l information suivante http id erudit org iderudit 25664ac Note les regles d criture des references bibliographiques peuvent varier selon les differents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d Erudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec a Montreal Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d Erudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 57 la lt cr o SOLANGE L VESQUE Le th tre n est pas un art de rh torique c est un art de l action Entretien avec G rard Poirier Enfances un bateau et le go t du cin ma Comment avez vous d couvert le the tre G rard Poirier Mes premiers contacts avec le th tre sont assez difficiles d fi
16. es mais in vitable ment tout coup je me mets lire haute voix et l je suis perdu Je com mence donner de l intonation et me dire Tiens voil belle correspondance avec le partenaire qui me donne la r plique c est extraordinaire Ah tiens Il y a une faiblesse ici Je me mets d j a analyser la piece Je ne crois pas qu un acteur puisse lire un texte qu on lui des tine de fagon d sint ress e Ce premier contact peut tre catastrophique On peut constater carr ment Non Le metteur en scene qui m a vu la dedans me connait mal c est une erreur de distribution Ce n est pas arriv souvent peut tre une dizaine de fois dans ma carri re o j ai dit carr ment Non je ne me vois absolu ment pas l dedans je n y serais pas heureux Il faut tre heureux dans un r le Apr s la premi re lecture si on accepte on fait une lecture collective avec les cama rades Pour la premi re fois l orchestre essaie de s accorder Chaque voix est un instrument de l orchestre il y a des t nors des violoncelles des grosses caisses La premiere lecture est toujours un peu discordante et quand on est metteur en scene je lai t quelques fois c est une grande preuve On constate que le son n est pas tout fait celui qu on attendait et qu il va falloir accorder les instruments Tres important d accorder les instruments Si vous avez devant vous une partenaire extr mement sen
17. es au Qu bec a t la television de Radio Canada elle ouvrait aux femmes de tres larges fen tres sur le monde J irais jusqu penser que les informations et les connaissances que les Qu b coises puisaient l apres midi dans ces missions ont fait d elles des tres qui ont d pass les hommes les hommes n ont pas volu aussi rapidement et je me demande si la grande mancipation des femmes qu b coises ne vient pas en grande partie des missions f minines Vous semblez dire qu l ge d or de la radio a succ d l ge d or de la television qui connait maintenant une esp ce de d clin G P partir du moment o la t l vision s est engag e dans la lutte aux cotes d ecoute la qualit a baiss Les objectifs sont diff rents Il faut d crocher le plus de commandites possible C est vident qu on nivelle un peu par le bas Le th tre dans les ann es cinquante tait lui aussi tres tr s different de ce qu on connait maintenant Le public tait moins exigeant qu aujourd hui Aujourd hui on soigne norm ment avec raison le c te visuel les clairages sont raffin s les decors soignes les costumes confi s de tr s grands professionnels Tout cela s est amorc a l poque de mani re artisanale Ces artisans bien s r ont form des artistes Les coles venues il en est sorti des gens consid rables dans tous les domaines Mais au point de d part on avait l impression d innover d
18. hez le public Il sent confus ment que quelque chose ne va pas Je reviens l exemple de l orchestre en musique comme au th tre les fausses notes d tonnent Croyez vous que cela peut faire la diff rence entre une bonne production et une grande production G P D apr s ce que je vois autour de moi les jeunes com diens actuels ceux qui sont sortis des coles ces derni res ann es sont beaucoup plus conscients que ceux qui les ont pr c d s de l importance de parler une langue correcte En tout cas dans les derni res productions que j ai pu faire j avoue que j ai t merveill Ces jeunes gens ces jeunes filles parlent un excellent frangais et peuvent jouer peu pr s n im porte quoi dans le r pertoire Je trouve cela rassurant Il y a peut tre eu un redressement du c t des coles G P Oui C est une preuve de maturit Le Qu bec a travers une p riode s ap parentant l adolescence Il serait peut tre bon de songer un peu de maturit et la qualit de la langue fait partie de la maturit Ce n est pas une privation au con traire c est une richesse L enthousiasme durable Avez vous encore le m me enthousiasme qu avant face au m tier G P Je continue aimer ce m tier peut tre encore plus qu au premier jour d au tant plus que jouer n est plus pour moi une simple question de gagner mon pain quo tidien avec l ge je suis enfin un peu plus l aise de ce c t
19. i m apparaissait comme la plus belle 102 wi ome un Zr Las G rard Poirier Yvette Brind Amour et Benoit Girard dans fes Caprices de Marianne de Musset au Th tre du Rideau Vert en 1959 Ta Sa femme au monde un modele de f minit d l gance de charme Pour moi elle repr sentait le paradigme de la beaut f minine Je trouvais Annie Ducaux tr s belle aussi Je me rends compte que je me souviens plus des femmes que des hommes Chez les hommes je pense Jean Marais G rard Philipe Mais au d but c tait vraiment des actrices que j allais voir au cin ma Vous tiez adolescent G P Oui ceci peut expliquer cela Je pense que le germe du jeu de la scene je l avais en moi depuis toujours et c est peut tre cause de cela que j ai t tellement sensible au cin ma et au th tre Vers la fin des ann es quarante le Th tre Arcade tait le seul Montr al Il y avait bien s r les Compagnons de saint Laurent du p re Legault qui commengaient balbutier dans leur coll ge mais je ne les ai connus que plus tard et n ai pas fait partie de cette troupe C est donc par le Th tre Arcade o jouaient Antoinette et Germaine Giroux et par un r pertoire que j ai su par la suite tre vieil lot et tout a fait p rim que j ai connu le th tre Pour moi tout tait d couverte et merveillement je ne jugeais encore de rien C est l que j ai vu Roger Garceau tr
20. ieux la langue et Paccent de Paris On ne jouait que du r pertoire fran ais Parfois une pi ce espagnole traduite pouvait s insinuer On ne jouait m me pas le r pertoire am ricain Il n y avait peu pr s que Gratien G linas qui crivait dans un autre style Premi res armes au th tre Vous souvenez vous de votre tout premier r le comme com dien professionnel G P Il y avait l poque une compagnie dirig e par Fernand Dor et Charlotte Boisjoli la Compagnie du Masque dont les activit s ont dur quelques saisons seule ment J ai donc fait la derni re saison avec eux et cette exp rience m a donn le 103 courage par la suite d aller frapper aux portes et de demander asile dans ce milieu Sans formation je trimballais encore ma timidit De toute fa on aucune cole n tait offerte on trouvait bien quelques professeurs priv s mais je n avais pas d argent pour les fr quenter Cela explique pourquoi j avais d ja presque vingt six ans quand je suis devenu com dien professionnel J avais termin l cole normale et j tais devenu enseignant L id e de devenir com dien me travaillait toujours mais je ne savais pas comment y arriver C est une s rie de hasards et de circonstances qui ont fait que j ai pu traverser ce pont mirifique et me retrouver de l autre cote Pour continuer jusqu maintenant G P Sans revenir en arri re Maintenant que je repense tout cela je congo
21. is la chance extraordinaire que j ai eue je ne l ai pas mesur e quand les v nements se sont produits Tr s inconscient je me suis dit que c tait normal que les choses devaient probablement se passer ainsi qu on ne me faisait pas de faveur Je suis all passer une audition Radio Canada et le r alisateur Paul Blouin qui amor ait sa carri re m a imm diatement engag pour une s rie Parall lement j avais jou dans ce festival d art dramatique qui n existe plus o on retrouvait des troupes venant du Canada entier le Dominion Drama Festival Il se tenait Montr al cette ann e l Mesdames Brind Amour et Palomino taient dans la salle et elles m ont imm diate ment offert de jouer au Rideau Vert j ai donc tout de suite travaill la t l vision et au th tre conjointement ce qui a toujours t une constante dans ma carri re La t l vision permet de se faire connaitre d acqu rir une certaine popularit c est d ailleurs la seule et unique fa on de gagner sa vie et d tre connu au Qu bec Au th tre on va se faire plaisir on fait vraiment son m tier Les particularit s du jeu la sc ne et la t l Le style de jeu la t l et au th tre est si diff rent pour vous G P Tr s diff rent J ai eu de grandes satisfactions la t l vision J ai jou dans plusieurs telethe tres sous la direction d excellents metteurs en scene de t l vision il s agit pour moi de tr s beaux
22. l Vous pouvez desormais faire des choix G P Oui et je me sens plus serein Il n est plus question pour moi d aller d montrer ce que je vaux Je suis l aise comme je ne l ai jamais t face aux personnages que l on m offre Depuis quelques ann es le TNM me t moigne une grande confiance en 122 me confiant des r les absolument extraordinaires que je n aurais jamais os esp rer jouer J ai l impression je le disais Lorraine Pintal de commencer une autre carri re au TNM une nouvelle tape Surtout depuis Othello mont par Olivier Reichenbach sous son directorat J ai toujours eu d excellents rapports avec Olivier Je le soutiendrai toujours pour ce qu il a apport moi et au TNM Je dirai aussi l admiration que j ai pour Lorraine qui est une pasionaria du th tre absolument extraordinaire Du th tre elle en mange elle en vit ne m nageant ni son temps ni ses efforts C est la principale passion de sa vie Elle est entour e d une quipe aussi fantastique qu elle des gens qui ne mesurent absolument pas leur temps Cela aussi est assez admirable et c est cause de tous ces gens que le th tre continue On ne peut pas devenir fonc tionnaire au th tre il y faut de la passion On peut tre fonctionnaire la t l vision oui La t l c est un peu le travail la cha ne de l acteur le travail d usine si on veut Au th tre ce n est pas possible Un th tre qui s enlise da
23. lents mais ils sont arriv s trop tard si l on peut dire pour faire la transition Nous tions tous tr s conscients de l importance primordiale de polir la langue l outil essentiel du com dien Je crois que les acteurs et les actrices de ma g n ration ont tous t conscients de cette n cessit l Puis la grande r volution cul turelle qu b coise s est faite qui a donn sa place un langage plus rel ch Comme dans toute r volution il y a eu des exc s et depuis on a retrouv un juste milieu Mais il n y a pas de doute plusieurs acteurs de ma g n ration ont t victimes de cette revolution Tout coup on nous a associ s aux acteurs fran ais donc inca pables de jouer les textes qu b cois et comme la t l vision aussi bien qu au th tre ce moment l on ne jouait que des textes qu b cois il y a eu une p riode un peu noire C est durant cette p riode que j ai enseign cela m a permis d entrer en con tact avec des jeunes et ainsi de mieux comprendre ce qui se passait au Qu bec Je suis retourn ensuite au m tier avec une vision totalement diff rente Les choses se sont ajust es et je crois qu aujourd hui la possibilit de jouer un Racine et de pou voir le mois suivant jouer un Tremblay cohabite tout fait bien chez le m me acteur Je Pai fait je peux le faire Je n ai jamais brandi l accent qu b cois comme un ori flamme pas plus que je ne le ferais de l accent italien russe ou p
24. nir Enfant j habitais Ahuntsic Comme tous les enfants des ann es trente je vivais en vase clos quasiment sous une cloche de verre Notre univers consistait en trois points importants la maison l glise et l cole en dehors desquels nous n avions pour ainsi dire pas de contact avec l ext rieur C tait v ritablement une vie de paroisse presque de village Je me souviens tr s bien de ma premi re rencontre avec le spectacle ou l art du th tre En 1942 j avais douze ans et on fetait le troisi me centenaire de Montr al On c l brait l v nement dans les coles et j ai t choisi pour jouer Monsieur de Maisonneuve Un tr s grand honneur Pour la premi re fois je suis alors mont sur une sc ne Ce jour l j ai fait une d couverte extraordinaire moi qui tais d habitude extr mement timide maladivement complex en entrant dans la peau d un autre personnage je d couvrais une dimension inconnue Soudain je me sentais de l audace j avais plein de confiance en moi La premi re r v lation de ce que pouvait tre une vie d acteur m a t donn e ce moment l Mais je portais cela en moi bien avant ma rencontre avec Maisonneuve spontan ment mes vacances d t taient consacr es monter de petites pi ces que j ecrivais et mettais en scene sans m me savoir ce qu tait la mise en sc ne Je confectionnais des costumes avec du papier cr pon des chiffons tout ce qui me tombait sous la m
25. ns le fonctionnarisme dis para tra in vitablement Le public sent s il y a ou non une flamme une me quand il va dans un th tre Certains th tres ont la cote parce qu on y sent vibrer quelque chose J appelle cela l me du th tre comme on dit l me d un violon Un violon sans me ne vibre pas m me si c est un stradivarius Dans ce sens l la programmation est tr s importante aussi G P La programmation a son importance mais on a vu des spectacles appel s au triomphe qui ont chou lamentablement d autres tout humbles deviennent tout coup des triomphes Pourquoi C est le privil ge du public d en d cider Si on con naissait la recette infaillible du succ s le th tre deviendrait tr s ennuyeux l aspect risqu du th tre est aussi vivifiant Et il le demeure pour vous apr s quarante ans de carri re G P Il le faut Un soir de premi re on ne sait pas C est ce qui fait qu un soir de premi re est si terrible On va vers l inconnu total Une comparaison assez triviale me vient en t te devant le public on est un peu dans la situation d une femme qui va offrir ses charmes et qui se demande Est ce que je vais pogner oui ou non Cela revient ce que vous disiez travail de s duction d abord t che de s duction G P Absolument J 123
26. olonais qu on me demanderait de prendre l int rieur d un r le Pour moi cela fait partie de la panoplie de l acteur point Je n en fais pas une question politique Je trouve un peu d plorable que certains acteurs se privent de la joie intense de pouvoir jouer le r per toire classique parce qu ils n ont pas ce souci de polir l outil 121 Et de jouer dans les deux registres G P C est tellement extraordinaire de pouvoir le faire Il y a parfois d excellents acteurs qui ne maitrisent pas la langue classique la magie est immediatement rompue On ne peut pas croire un acteur qui s am ne avec un accent qu b cois dans un Shakespeare ou un Racine On d chante imm diatement Il faut savoir parler un fran ais normal un fran ais international sans exag ration Il ne s agit pas de faire du parisianisme mais il faut se faire entendre dans une langue l gante pas trop raboteuse Certains metteurs en scene ne semblent pas entendre les accents et ne font pas la difference Mais le public lui s y retrouve beaucoup plus qu on ne croit Il enregistre des malaises qu il ne peut pas toujours d finir surtout s il ne va pas au th tre souvent Il sort alors d un spectacle m content ne sachant pas exactement pourquoi ne pouvant pas mettre le doigt sur le bobo J ai la conviction que la dispa rit des accents que l on trouve malheureusement trop souvent dans nos spectacles au Qu bec peut tre une des causes de malaise c
27. r de charme pour les accrocher pour les s duire c est aussi cela tre acteur Un d fi qui n est jamais relev une fois pour toutes G P Le m tier d acteur ce n est pas autre chose C est un m tier de s duction Il faut charmer Si on est sur une sc ne c est pour charmer Je suis tr s orgueilleux je ne supporterais pas que quelqu un ne m aime pas dans la salle Je parle parfois de mes lots d hostilit des camarades et ils ouvrent de grands yeux Il y en a quelques uns qui m ont dit Oui oui je sais tr s bien de quoi tu veux parler mais ce n est pas sensible tout le monde Il y a plusieurs sortes d acteurs et de com diens comme il y a plusieurs sortes de m decins d avocats et je suis de ces com diens pour qui le public est l l ment principal Le pouls du public est tr s important pour moi Les premi res r pliques me renseignent sur le genre de public que nous avons devant nous et sur l orientation que je dois donner mon jeu Il faut tre extr mement atten tif tout ce qui se passe dans la salle Certains acteurs concentrent toute leur nergie sur sc ne et n ont pas cette conscience du public devant eux Vous vous l avez tout le temps G P D une fa on maladive je dirais C est tr s tr s important Les soirs Justement o il y a ces lots d hostilit me sont profitables comme je veux s duire je trou ve des intonations nouvelles qui ne m taient pas encore ven
28. r jusqu o je peux aller et qu il me dise ensuite ce qu il faut garder Au TNM dans la Serva amorosa par exemple Linda Sorgini et moi sommes all s jusqu au bout a un certain moment et nous nous sommes dit Nous exag rons tellement que la metteure en sc ne va nous dire Non vous en mettez trop Mais Martine Beaulne a dit C est tout fait dans la ligne de ce que je veux gardez tout Quand on a bien compris le message du metteur en sc ne il peut s tablir une correspondance telle que l acteur va devenir cr ateur Cela devient une uvre collective hautement int res sante Nous trouvons maintenant beau coup plus au Qu bec qu ailleurs cette convivialit cette fraternit Les met teurs en sc ne sont souvent d anciens confr res qui on a donn la r plique on n a donc pas faire d esbroufe les uns envers les autres C est un immense atout Le fait que les gens se connaissent G P Oui Les spectacles qu b cois sont souvent anim s d une flamme d une folie d une convivialit que j ai du mal trouver ailleurs Chaque fois que je vois des spectacles a l tranger je les appr cie pour d autres raisons mais je me dis Vivement le retour au Qu bec que je voie des choses folles ou on se laisse aller dans la discipline Car attention On ne fait pas n importe quoi ici Par rapport au d veloppement d un r le les personnages de lago par exem ple et d Ottavio dan
29. rises On n en retient que l anecdote que la surface Je pense la fameuse m thode Stanislavski et ce que les Am ricains ont bien voulu en retenir alors que lui m me n a jamais crit de m thode Exemple l motion passerait par exemple dans le chapeau que Pon triture ou dans la ceinture que l on a enlev e et que l on d ploie devant soi Ce sont des trucs et il faut se m fier des trucs Jalons Quels ont t pour vous les jalons les plus importants G P Le Rideau Vert a t tr s important pour moi La confiance que mesdames Brind Amour et Palomino m ont t moign e des le d part a t vraiment d cisive Sans 108 Pierre Dufresne et G rard Poirier dans le Temps d une paix Radio Canada en 1982 ce support je ne sais pas si j aurais pu faire une carri re Je sais qu elles m ont impos des metteurs en sc ne qui ne voulaient pas de moi Elles m ont fait confiance et cela est inoubliable Le Rideau Vert a t mon conservatoire mon cole Vous y avez beaucoup jou G P Beaucoup J ai vraiment fait partie de l embryon de compagnie qui s est form au Rideau Vert une certaine poque Pourtant un moment est venu o j ai senti le besoin de quitter ce th tre ce qui a t tres dur et pour moi et pour les directrices parce que n ayant jou que l je faisais un peu partie des meubles J tais en quelque sorte leur cr ation cela a donc t tr s douloureux mais il
30. s ses de chiros et de m decins C est tr s important que tout le monde soit en forme pendant un spectacle Y a t il d autres m tiers o l on travaille comme cela Je n en sais rien Parfois je pense que la grande politique doit ressembler un peu cela On joue des jeux n cessaires En diplomatie aussi on joue des jeux On veut plaire on veut s duire L volution du personnage Au Qu bec on ne joue pas tr s longtemps trois semaines un mois Du d but la fin des repr sentations sentez vous une transformation dans votre personnage G P Oui un ph nom ne int ressant se produit nous trouvons en r p tition des choses tr s importantes une orientation donner etc mais en ce qui me concerne je ne suis pas pr t le soir de la premi re Je ne suis jamais pr t et je ne le serai jamais parce qu au moins 40 de ce que je dois faire m est enseign par le public C est le public qui me donne ce qui me manque ces 40 que je n ai pas encore C est la premiere que cela se decide G P Qui c est alors que je me rends compte des ajustements n cessaires que je deviens conscient d aller trop loin ici et l ou de devoir pr ciser certains passages C est devant le public que la lumi re se fait pour moi vraiment L clairage v ritable Je n aime pas les premi res parce que j ai vraiment toujours l impression de passer un examen 117 Vous avez encore le trac G P Je le contr le mieux
31. s la Serva tow chaient presque au burlesque tout en demeurant mouvants Normalement un personnage aussi ridicule qu Ottavio fait rire le v tre faisait rire mais il demeurait poignant 112 G rard Poirier lago dans Othello mis en sc ne par Olivier Reichenbach au The tre du Nouveau Monde en 1986 Photo Robert Etcheverry G P Il y a en effet quelque chose de path tique dans ce personnage C est cela qui est int ressant de pouvoir aller je dirais au bout du ridicule du personnage avec son aspect de vieille ganache lubrique Avec Goldoni nous sommes dans le the tre ita lien tout pres de la commedia dell arte dont il faut respecter le style Je suis persuad que les acteurs de la commedia dell arte taient tr s touchants Les malheurs d Arlequin et de Colombine devaient faire pleurer les gens Il y avait l une v rit Ce n tait pas uniquement bastonnades et lazzis sans profondeur r elle cela n aurait pas dur des si cles Les gens ont besoin d tre mus au th tre j en suis convaincu Je pense l op ra Paillasse par exemple l aussi nous sommes la commedia del l arte avec ce personnage un peu ridicule ce cocu qui devient path tique M me un r le tr s dramatique a besoin de quelques onces d humour J ai d couvert en cours de route que les acteurs int ressants sont ceux qui gardent une esp ce de petit sourire au coin de la bouche m me en plein tragique l air de
32. sible dont la voix est fluette il faudra veiller ne pas l enterrer par des clats de voix Il y a constamment des ajustements a faire avec les camarades c est ce qui 110 donne une unit de ton un spec tacle Autrefois il n tait m me pas question de lecture on entrait imm diatement dans ce qu on ap pelle les places sans faire v ri tablement de mise en sc ne Les places c tait assez sommaire Tu entres au fond tu accroches ton manteau la pat re tu viens t asseoir tu prends une cigarette Toute la sc ne se jouait comme cela La direction d acteurs tait presque inexistante les metteurs en sc ne qui dirigeaient v ritablement les acteurs taient rares Jean Gascon le faisait dit on mais je n al pas eu le bonheur d tre dirig par lui Aujourd hui avant de d cider des places acteurs et concepteurs se r unissent autour d une table et essaient de comprendre o on va et ce qu on veut faire C est ce moment l que le metteur en sc ne nous livre sa vision du spectacle Une vision tr s personnelle avec laquelle on peut n tre pas imm diatement d accord Mais il y a chez l acteur ce que les gens soup on nent peu une n cessit d humilite et d ob issance partir du moment o on accepte d tre dirig par Untel ou Unetelle nous devons ob issance et respect ce monsieur ou cette dame comme des musiciens respec tueux du chef d orchestre
33. souvenirs Je ne peux pas rejeter les s ries qui m ont fait conna tre elles ont t tr s importantes pour moi La Pension Velder de Robert Choquette par exemple o j ai rencontr Fran oise Faucher qui deviendra par la suite une tr s tr s grande amie Tout cela ne peut tre cart d un tour de main C est tr s important Les ann es de s ries t l vis es ont t des p riodes de pl nitude On tra vaillait norm ment surtout l poque du direct Une parenth se quand j ai com mence en 1955 ph nom ne assez curieux il manquait une g n ration d acteurs la t l vision qui en tait ses d buts la radio on pouvait tr s bien tricher une jeune premi re pouvait avoir cinquante ans et un jeune premier soixante Pas la t l Il manquait de jeunes premiers et de jeunes premi res J ai beaucoup b n fici de cette situation quand j ai commenc Benoit Girard n tait pas encore l Albert Millaire devait venir apr s Francois Tass aussi J ai donc incarn le jeune premier roman tique Il y avait Jean Gascon Jean Louis Roux Georges Groulx mais ils n taient pas v ritablement jeunes premiers romantiques Ils taient plut t de grands pre miers r les Des le d part j ai eu la chance d tre tr s en demande 104 Avec Yvette Brind Amour dans La guerre de Troie n aura pas lieu de Giraudoux au Rideau Vert en 1964 Vous arriviez au bon moment pour combl
34. sur sc ne On se d couvre vingt bras et trente jambes on ne sait pas quoi faire de son corps C est pourquoi m me avec quarante ans d exp rience on est tous des d bu tants quand on aborde une pi ce Chaque production est donc pour vous une aventure singuli re qui ne sert pas neces sairement la suivante G P Quand la m morisation est accomplie et qu on commence tre plus l aise il est vident que l exp rience entre en ligne de compte On va ex cuter plus facile ment que les d butants les demandes du metteur en sc ne On n est plus habit par cette hantise de savoir respirer un texte on n y pense plus c est devenu une seconde nature Quand on d bute c est angoissant On respire mal on va au bout de son souffle on s poumone Et quand on respire mal on gesticule mal cela va de con cert impr vus en sc ne Vous avez jou dans plusieurs com dies et plusieurs th tres d ete comment r agis sez vous aux incidents et aux impr vus en sc ne G P En g n ral ils ne sont dr les que pour les acteurs Il est tr s rare qu ils amusent le public videmment il peut arriver que quelque chose se passe en sc ne devant le public que tout le monde soit t moin et rie un bon coup Mais d habitude cela se passe entre acteurs et ce n est dr le que pour nous Ce sont le plus souvent des d for mations dans le texte des pataqu s que le public n entend pas alors que nous on 118 Avec Je
35. ues qui sont bonnes et que je garde par la suite On n a jamais fini de se d couvrir dans un role C est pourquoi jouer au th tre est tellement fascinant et pourquoi m me ceux qui con naissent la gloire la t l vision ou au cin ma sentent un jour le besoin d y retour ner parce que c est l la maison m re La t l vision et le cin ma sont des choses tr s nouvelles dans Part de l acteur Des si cles et des si cles de th tre ont exist avant et c est le th tre qui reste la grande affaire de l acteur l o il doit r guli rement aller se retremper M morisation d un r le Comment s effectue pour vous le travail de m morisation d un r le G P La m moire s entraine J ai encore beaucoup de facilit m moriser des textes m me si c est un peu plus ardu qu autrefois Il y a texte et texte si je dois jouer par 114 exemple une scene ou deux dans un t l roman je les apprends en r p tant Je n ai pas besoin de m asseoir pour faire l effort de m moriser Quand on me propose Orgon il est vident que c est un effort norme J ai mis trois mois me le mettre en tete je s journais alors Qu bec pour jouer Messe solennelle de Tremblay au Trident J avais le texte de Tartuffe en main constamment Un jour j etais assis dans un petit square tout pres de la maison o habitais et J tais parti J avais compl tement oubli o j tais Je m morise tout
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