2 Les ajustements des planteurs et leurs fondements
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1. cherche encore am liorer la productivit de son travail par la maximisation des facteurs de production non r mun r s afin de limiter les risques d une trop grande d pendance Ceci s ex plique par le faisceau de contraintes r elles ou potentielles qui p sent sur son environnement et ne permettent pas d voluer vers des strat gies plus offensives Cette recherche perma nente du meilleur co t avantage pr dispose le petit planteur une flexibilit qui s accro t au fur et mesure que les con traintes ext rieures s l vent et que son devenir lui semble plus incertain Dans le cas des cultures d exportation la flexibilit est la fois structurelle et conjoncturelle structurelle lorsque le planteur maximise l utilisation de facteurs de production non r mun r s tels que la main d uvre familiale conjoncturelle LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 79 lorsqu elle r sulte d v nements ext rieurs Dans le m me temps elle varie proportionnellement selon le niveau d enraci nement agronomique conomique symbolique de ces cul tures arbor es dans les syst mes g ographiques et les soci t s Dans les zones densifi es le caf arabica repr sente de moins en moins un patrimoine transmissible tant donn sa v tust et sa densit r siduelle dans les champs en culture associ e Quant sa valorisation symbolique elle appartient d sormais au pass l administration par sa politiqu2. en situation de pr carit maintenue contraint de parer au plus press Comment en effet qualifier autrement une situation qui ne c de aucune manipulation mon taire ou hausse des cours mondiaux Au demeurant le changement du mode de r gulation se traduit moins pour le planteur par une revalorisation de sa condition que par une vuln rabilit renforc e En effet l ins tabilit auquel il est soumis le fragilise Elle peut remettre en cause de mani re inopin e des choix culturaux ou des d ci sions familiales Elle r duit aussi l ventail des possibles et annihile parfois l id e m me de projet A terme elle peut d sorganiser le quotidien du m nage et miner les fondements de sa coh sion Enfin cette d r gulation conduit concentrer l essentiel des responsabilit s sur le petit producteur D sor mais toute prise de d cision de replanter de vendre d in vestir lui incombe Et c est lui qui doit d chiffrer les signes du march afin de mieux pr voir et anticiper
3. 2 Les ajustements des planteurs et leurs fondements g ographiques Pierre JANIN Selon Adalbert un des 800 000 petits planteurs came rounais depuis 1994 rien n est plus comme avant Mais rien n a chang non plus Certes on est pass d une conomie admi nistr e et protectionniste une conomie de march o une mis en comp tition de tous les acteurs des fili res exportatrices est suppos e mieux r percuter au planteur le prix international Mais pour Adalbert cacaoculteur b ti ce sont toujours les m mes pres n gociations avec les collecteurs priv s la pes e des sacs et au paiement de la r colte les m mes arbitrages d chirants entre investissements productifs et d penses sociales et des difficult s accrues pour scolariser soigner et habiller ses enfants Si les prix mondiaux ont t lev s au moment de la d valuation induisant un satisfecit chez les d cideurs leur plon geon r cent ne permet plus une juste r mun ration C est que ce changement de mode de r gulation modifie sensiblement son mode de gestion du risque et de l incertitude en lui r percutant plus brutalement qu avant la volatilit des 72 LE D SARROI CAMEROUNAIS prix mondiaux physiques et terme En le r int grant au c ur du march mondial au coude coude avec les grandes planta tions industrielles br siliennes et les autres arboricultures inten sives asiatiques il expose Adalbert plus d instabi
4. UNAIS activit commerciale Tel autre peut acc l rer le travail de r g n ration ou tendre ses plantations alors m me que les cours sont au plus bas L lasticit prix de l offre joue rarement plein en raison de la diversit des objectifs assign s la plantation marqueur foncier patrimoine transmissible revenus imm diats ou diff r s pr voyance interg n rationnelle Sur les hautes terres de l Ouest la culture du caf Arabica a longtemps servi de marqueur culturel des soci t s in galitaires et hi rar chis es et de levier financier pour d velopper des activit s non agricoles Dans la zone centrale camerounaise le cacao offrait des perspectives d enrichissement personnel d mancipation individuelle permettant l homme de d laisser sa condition d agriculteur pour acqu rir le statut appr ci et envi de planteur Pour fonctionner parfaitement il faudrait que le planteur puisse remplacer son caf arabica ou son cacao par une culture pr sentant des atouts et contraintes comparables Autant dire qu il y a peu de chances pour le cacao en zone foresti re beaucoup plus pour le caf arabica d altitude C est pourquoi les comportements extr mes tels que l arrachage dict par le d sarroi se sont surtout d velopp s dans le pays bamil k dans des plantations anciennes et dans des exploi tations tourn es vers le march Dans ces conomies de plantation le petit planteur
5. con naissent unanimement la n cessit de p renniser le syst me des petites plantations familiales C est que le r le g opolitique des plantations paysannes devient d terminant dans un Etat archipel qui se desquame progressivement Courade et Sindjoun 1996 et l on prend conscience de la grande flexibilit d agri cultures familiales capables de plier sans rompre dans un contexte conomique perturb Mais si les cacaoy res b ti se maintiennent les vergers bamil k d arabica semblent con damn s pour des raisons agronomiques et g ographiques Des logiques paysannes plus imp rieuses que l lasticit prix de l offre Peu de producteurs sont inspir s dans leurs strat gies par une rationalit conomique standard Alary 1996 Janin 1996 Tout se passe comme si le planteur tirait les le ons des crises pass es avant de tenir compte d ventuels prix anticip s Il proc de des changements de d tail afin de pr server des acquis fragiles et il investit long terme en p riode de bas prix Une modification de la conduite des plantations ne co n cide pas n cessairement avec les prix affich s Si un prix d achat lev est presque toujours consid r comme un facteur d cisif par le planteur un prix peu lev ne l est pas forc ment Tel planteur peut d cider de geler ses plantations parce que son temps est pass ou parce qu il souhaite d velopper une 78 LE D SARROI CAMERO
6. du capital cologique Mathieu 1998 suite l ajustement au sein d espaces densifi s pr sentant une homo g n it apparente Si les potentialit s naturelles diff renci es de terroirs tr s typ s interviennent dans la d cision de modifier le mode de conduite de l exploitation c est surtout la capacit conomique de l exploitant acqu rir les intrants sur le march qui joue Ce sont toutefois les modalit s de gestion agrono mique et fonci re des espaces densifi s et le mode d emploi des territoires non agricoles qui conditionnent les strat gies agrono miques et socio conomiques Dans les zones satur es on est par exemple de plus en plus confront des agriculteurs qui ne parviennent plus reproduire les itin raires techniques et les savoir faire tradi tionnels locaux permettant de restaurer les quilibres fonda mentaux Certains parce qu ils ne les ma trisent plus d autres parce qu ils n ont plus les moyens mat riels de les mettre en uvre d autres enfin parce qu ils g rent d sormais le risque tr s court terme C est le cas par exemple des exploi tants sp cialis s dans l approvisionnement des march s urbains pour lesquels les risques commerciaux et financiers l emportent sur les risques agricoles Les jeunes d scolaris s c libataires de retour au village sont galement habit s par l urgence de pressurer la terre afin de maximiser leurs profits en d pi
7. e l ayant mythifi interdiction de planter sous les colons d arracher apr s Si la plantation entre encore dans la succession c est d abord parce qu elle g n re des droits d appropriation priva tive dans des terroirs parcellis s et surexploit s et parce qu elle vient traditionnellement confirmer une position dominante au sein du segment de lignage En r alit le potentiel agrono mique de la plantation compte moins que la qualit des sols de la parcelle Lors de la r partition successorale c est en d fi nitive bien elle qui d termine la valeur d une parcelle plut t que sa localisation g ographique Elle est davantage le produit de la gestion minutieuse de la fertilit assur e par chaque responsable d itin raire technique que des potentialit s natu relles h rit es Au demeurant un producteur d arabica sera d autant moins sensible au prix d achat propos qu il est d j fortement ins r dans l agriculture de march par le biais du vivrier ou du mara chage et qu il doit effectuer des soins toujours plus co teux pour maintenir le potentiel productif de son verger quel que soit le prix propos Par ailleurs la d cision d abandonner le caf arabica sera d autant plus ais ment adopt e que son arrachage sera ais les vieilles tiges au syst me racinaire fragilis par les ravageurs et les maladies seront ainsi les premi res tre enlev es Dans les espaces moins sat
8. ers Cet abandon relatif a surtout t observ chez les planteurs pluri actifs et les vieux sans rel ve Ce type de r action consacre la sup riorit momentan e de conduites agricoles extensives en p riode d instabilit Il a malheureusement des cons quences n gatives sur le potentiel productif des plantations attaques parasitaires dans les villages cacaoyers du Centre point de non retour pour les soins agrono mique dans les vieilles plantations des hautes terres de l Ouest La lib ralisation des fili res n a pas eu d effets graves en zone cacaoy re o le rench rissement des intrants r duit for tement les efforts de protection phytosanitaire sans remettre en cause l appareil de production Ici la faiblesse des charges support es en agriculture extensive Alary Courade et Janin LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 81 1994 a limit l endettement des planteurs D o la possibilit d op rer les investissements productifs n cessaires la pr ser vation du capital arbor et au maintien des rendements lorsque la Sodecao s est repli e De m me l int r t d une culture extensive est d assurer une r mun ration minimale m me lors d pisodes baissiers au prix il est vrai bien souvent d une surexploitation du travail familial En zone caf arabica depuis trois ann es la relance est tr s limit e En tout tat de cause il faudrait plusieurs cam pagnes pour retrouver les niveaux de product
9. espace socio g ographique de r f rence du planteur est donc multiple et volutif C est pourquoi la culture d exportation n est pas seulement le facteur d terminant de l organisation spatiale mais galement celui de la d construction reconstruction des syst mes socio spatiaux sous ajustement Densit et fertilit En limitant le recours aux intrants import s devenus rares et chers la lib ralisation remet en question certains progr s agronomiques Courade Grangret Owona et Janin LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 83 1994 Cette remise en cause est d autant plus pr occupante qu elle intervient une p riode critique o l migration urbaine a cess d apporter une solution la saturation d mographique et au syst me de r partition successorale favorisant la dispersion et l amenuisement des terroirs cultiv s On a en effet observ _ que dans les chefferies de l Ouest les plus dens ment peupl es densit gt 200 hab km et en zone dense cacaoy re L ki les exploitations taient r duites et tr s morcel es obligeant les actifs d velopper des strat gies complexes d acquisition de parcelles ou de s curisation de droits Dans les terroirs bamil k l engrais min ral permettait de r soudre bon compte la question du manque de terre et de la gestion de la fertilit tout en faisant l conomie d une v ritable r volution verte Sa diffusion massive a progressive me
10. iches commerciales la plupart des planteurs et de leurs pouses raisonnent encore en terme de s curisation financi re et alimentaire Assurer sa subsistance est essentiel On vend en 82 LE D SARROI CAMEROUNAIS suite ce qui peut l tre quitte commercialiser l int gralit de la r colte pour faire face aux besoins courants D o la priorit accord e des cultures pouvant tre vendues ou autoconsom m es Le ti rc de t te reste identique selon les r gions vivrier arboriculture et mara chage pour les cacaoculteurs arboriculture mara chage et vivrier pour les caf iculteurs des plateaux volcaniques de l Ouest Les fondements g ographiques des comportements observ s Pour comprendre le sens des volutions que l on observe en p riode de changement brutal il convient de mobiliser certains l ments d ordre g ographique Certes les compor tements des acteurs s laborent d abord en fonction d une rationalit universelle et d arch types mentaux collectifs plus locaux mais aussi par rapport des lieux L espace intervient d autant plus dans les strat gies agricoles qu il se recombine en permanence plusieurs niveaux le terroir physique et symbo lique avec ses atouts et ses contraintes l espace mouvant et multipolaire tiss par les r seaux lignagers en ville ou la campagne la pr sence absence du march local physique et de la r f rence mercantile globale L
11. ion des ann es 1980 Certes il y a eu r valuation des marges nettes par hectare et journ e de travail tableau 1 mais ce gain n a pas permis de retrouver les niveaux r mun rateurs d avant la crise Et encore ceux ci ne sont possibles qu au prix d une dimi nution des soins culturaux qui compromet la p rennit des plan tations De plus la restitution de la fertilit tant souvent ina dapt e et insuffisante les rendements d j tr s faibles s ame nuisent encore Le prix des engrais reste bien videmment le principal facteur dissuasif En zone cacaoy re l incitation la reprise est r elle Certes si une certaine inqui tude demeure on a recommenc rec per replanter et agrandir ses plantations Ce qui a pour cons quence de r activer et l certaines formes de confron tation domestique pour l acc s la terre Le renforcement des incertitudes est en outre pour le petit planteur une incitation r agir Partout on se bat et on se cherche red couverte d esp ces plus ou moins d lais s es telles que le kolatier le safoutier ou le palmier raphia mise en valeur des bas fonds pour cultiver tomate et piment et conqu te des derni res terres vacantes d altitude en pays bamil k On peut r ussir ou chouer rapidement par manque de moyens ou faute de techniques appropri es Si l on excepte une frange de planteurs ayant tir profit de la formation de n
12. lit sur les prix due une concurrence exacerb e r cemment par les d va luations des pays d Asie du Sud Est et du Br sil Pour survivre Adalbert devra s adapter aux incitations positives ou n gatives des prix maintenir sa production en ayant un recours lastique des intrants toujours plus co teux et parall lement multiplier ou diversifier ses activit s afin d att nuer la variabilit de ses revenus A tout moment il devra ou s ins rer ou se retirer temporairement du march tout en mettant en veilleuse ses plantations sans les abandonner ou les arracher Il devra ainsi en permanence faire preuve d une grande flexibilit tout en essayant de g rer long terme Toutes choses qu il effectue cependant d j de mani re empirique La question est de savoir si cette adaptabilit propre l agriculture familiale peut se maintenir dans un contexte d instabilit renforc e l Les r actions face Pinstabilit l impr visibilit et la con fusion dans la gestion des fili res Comment les planteurs ont ils v cu la rupture avec l conomie administr e et prot g e Ils pouvaient attendre de l av nement du march une am lioration du fonctionnement des fili res et une revalorisation de leur condition conomique Si ces attentes ont t partiellement combl es de mani re tempo raire avec la d valuation le march reste imparfait Une grande confusion p nalisant l
13. lits de g n ration et de pr minence les luttes intestines pour la captation de droits On se retrouve des degr s divers selon les terroirs devant le dilemme suivant faut il donner sur les terres ligna g res encore disponibles la priorit des membres apparent s quitte d loger des non ayants droit d j install s Doit on syst matiser l adoption de r gles d h ritage plus s lectives afin d viter une parcellisation acc l r e des exploitations 4 Cette matrice est caract ris e par un maillage spatial et un enca drement social tr s serr en pays bamil k LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 87 La convoitise fonci re se r v le grande galement lors qu il s agit de s approprier les terres en marge des syst mes riches de potentialit s agricoles Et l on n h site pas non plus en demie ressort squatter les parcelles d un exploitant sans recours social veuve isol e vieux planteur sans enfants cadet social afin de satisfaire sa fringale de terre Ce qui tranche fondamentalement avec les crises ant rieures c est moins la nature des formes de contestation et de confrontation que l incapacit notoire des formes classiques de r gulation chef de village chef de famille les r soudre Tout se passe comme si la fragilisation des agro syst mes amplifiait une crise des modes de r gulation A terme l volution des exploitations appara t tr s contrast e
14. marginalisation conomique et repli agricole pour celles qui n auront pu maintenir le patrimoine foncier et d ve lopper de nouvelles activit s marchandes g n ratrices de revenus reproduction largie pour celles dont les chefs d ex ploitation notables nouvelles lites doubles actifs h ritier unique auront pu acqu rir de nouvelles tenures dans des terroirs moins satur s kkk Les fluctuations des cours mondiaux ont leur origine premi re dans la dynamique cyclique de l offre et de la demande dont l inad quation est favoris e par la faible plasticit des syst mes de culture arbor e Mais l instabilit et l impr visibilit manifeste des prix d pendent encore plus des incer titudes climatiques politiques et commerciales qui p sent sur le fonctionnement du march Dans l esprit du petit planteur en revanche les variations des prix d achat du caf ou du cacao sont plus la cons quence de la disparition de l tat providence des pratiques des commer ants que des avatars du march lui m me Cette diff rence d appr ciation se retrouve aussi dans le 88 LE D SARROI CAMEROUNAIS v cu de la crise Si d cideurs et autres analystes parviennent p riodiser les v nements il n y a pas pour le planteur un avant un pendant et un apr s de la crise puisqu il en est souvent encore attendre les retomb es positives de la reprise macro conomique annonc e Il est hier comme aujourd hui
15. nt fait dispara tre les autres modes de restitution de la ferti lit base de jach re am lior e et incit certains producteurs ne plus r aliser d entretien de fond des parcelles Qui plus est le rench rissement spectaculaire de l engrais min ral depuis la d valuation rend son usage parcimonieux et inef ficace alors qu il est indispensable au bon fonctionnement des syst mes culturaux intensifs mara cher ou caf ier Ceci pose aujour d hui avec acuit le probl me des rendements des cultures associ es caf et vivrier dans des micro exploitations pratiquant la culture continue du sol A leur baisse r pond la n cessit de maintenir un niveau gal de production pour satis faire les besoins alimentaires du m nage Ceci n est possible qu en raccourcissant la dur e des jach res lorsqu elles existent encore ce qui conduit un appauvrissement acc l r des sols L autre possibilit consiste d fricher les secteurs cologiques marginaux fragiles sommets et bas fonds Elle n est toutefois possible qu au prix d une surexploitation de la main d uvre familiale ou par le recours de la main d uvre salari e toujours co teuse Dans un cas comme dans l autre c est la p rennit du syst me qui est menac e En r alit ce qui retient l attention c est la variabilit du ph nom ne du retour en arri re et de la consommation 84 LE D SARROI CAMEROUNAIS destructrice
16. on Sources enqu tes et estimations sur la base d un rendement constant et d une l g re augmentation des charges en zone cacaoy re sur la base d une baisse des rendements et une stabilisation des charges d exploitation en zone arabica sans int grer le co t de la main d uvre familiale d installation de la plantation et d amortissement du capital productif L chec de certaines tentatives conduites dans l urgence visant compenser des pertes de revenu aggravent la situation Si les diversifications vivri res permettent une multiplication imm diate des sources de revenu il n en va pas de m me pour des activit s nouvelles arboriculture levage hors sol marai chage qui requi rent la fois la ma trise de savoir faire nou veaux et un capital de d part On comprend vite pourquoi il est sage de maintenir une culture d exportation sur l exploitation surtout en pays b ti La plantation n est relanc e que de mani re progressive en fonction des contraintes individuelles des planteurs dans la mesure o la marge de profit est souvent LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 77 plus que compens e par la flamb e du prix des intrants Tout d pend aussi des dettes contract es et des d penses sociales indispensables assumer Une grande flexibilit int rieur de contraintes pr cises Si la diversification de la production agricole est aujourd hui favoris e d veloppeurs et bailleurs de fonds re
17. origine Cameroun Depuis le d mant lement des fili res prot g es et tati s es l tat s est mis en cong des planteurs Janin 1996 S il a LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 73 remis en place une taxe l exportation apr s la d valuation la lib ralisation mise en uvre a permis l apurement des diff rents arri r s et un nouveau partage n goci de la rente redon nant aux planteurs une meilleure part du prix international Quatre campagnes apr s la lib ralisation il r gne une grande confusion dans les fili res m me si la situation se stabi lise avec le temps Le nombre d op rateurs priv s a t jusqu quatre fois celui de la C te d Ivoire pour un tonnage de cacao dix fois moindre Et l on a vu s instaurer une r partition tacite des zones d achat et r appara tre des pratiques oubli es p nali sant parfois les producteurs et pesant sur la qualit du produit fraude la pes e pr vente de la r colte vil prix enl vement de cacao humide et mal ferment achat de caf mal lav et h tivement d parch En cons quence les produits camerounais sont d class s et souffrent d une d cote financi re Se pose avec acuit le probl me de la qualit des produits export s et celui de l accessibilit mon taire des produits phyto sanitaires mis sur le march suite au manque de fiabilit des vendeurs Certains individus ayant pris l habitude de revendre plusieurs fois
18. oy re en revanche c est la ville qui organise et innerve une matrice plus l che La mobilit multipolaire et embo t e donne donc naissance un syst me de vie plusieurs chelles Celui ci a progressivement t amen se recomposer en fonction des chocs macro conomiques Le report de la demande de consommation urbaine sur les produits vivriers locaux a ainsi permis de s curiser les d bouch s des producteurs vivriers tandis que les planteurs de caf et de cacao voyaient leur condition socio conomique r valu e par rapport des urbains appauvris et plus vuln rables Si ces diff rents ph no m nes concomitants ne r tr cissent pas la sph re de la mobilit elle modifie cependant les lieux de centralit s dans les itin raires de vie le village reste plus que jamais un espace de r f rence L mergence d une question fonci re est aussi une cons quence indirecte de l ajustement Non seulement parce que le partage successoral est plus que jamais la r gle mais aussi parce que la redistribution traditionnelle de droits de culture permet de compenser l in galit des dotations initiales et parce que des droits minents plus ou moins tomb s en d sh rence sont galement r activ s par d anciens citadins en diffi cult Si cet appoint de main d uvre l ve partiellement un goulet d tranglement propre l conomie de plantation came rounaise il relance aussi par l m me les conf
19. ressent comme les investissements r els LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 75 Les ajustements m caniques dans la gestion des revenus et de la plantation Entre 1989 et 1993 les planteurs de caf robusta ont perdu 78 de leur pouvoir d achat en francs constants contre 65 aux cacaoculteurs et seulement 60 aux planteurs d arabica Comment petits planteurs bamil k et b ti ont ils support cette contraction s v re de leur pouvoir d achat et quels ajustements drastiques ont ils op r Si le retournement du march apr s la d valuation a permis d engranger quelques b n fices substantiels il n a malheureusement pu gommer d un trait les dommages sociaux et compenser des investissements non r alis s Au cours du cycle baissier le ph nom ne de retour au village a progress en fonction de la multiplication des diffi cult s rencontr es en ville par salari s compress s n o citadins et jeunes rejet s du syst me scolaire et s est av r tre une solution transitoire acceptable Ce ph nom ne a bien videm ment des cons quences partag es Lorsqu il s agit d enfants en ge d tre scolaris s m me lorsque la contribution des parents demeur s en ville est effective l augmentation des d penses courantes est in vitable D o la n cessit imp rative d op rer des arbitrages financiers entre les diff rents scolaris s Au plus fort de la crise les planteurs n h sitaient pas emp
20. runter et investir pour assurer la scolarit de leurs enfants Dans l univers villageois o r gnent m fiance fatalisme et manque d information on est presque toujours amen parer au plus press en fonction de subtiles hi rarchies La strat gie de rapprochement des d penses du revenu disponible aboutit concr tement manger moins bien et supporter la mala die La d valuation a contribu approfondir ce ph nom ne en excluant du panier de la m nag re des prot ines animales pr c demment consomm es La bi re le riz l huile sont con somm s plus rarement Faute d argent on privil gie souvent des aliments de substitution viande de brousse vin de palme 76 LE D SARROI CAMEROUNAIS Ph nom ne pr occupant galement on est parfois amen surseoir aux soins de sant les plus l mentaires Tableau 1 Marges nettes en Fcfa par hectare productif et par journ e de travail CONTEXTE Etatique Crise D L P L CAMPAGNE 1988 89 1991 92 1993 94 1994 95 1997 98 SUBVENTIONS Fortes Faibles Nulles Nulles Nulles PX ACHAT KG 420 475 220 250 150 400 450 700 500 1000 Zone cacaoy re 145 000 43 000 27 000 84 000 95 000 extensive 2 680 790 500 1 555 1 760 Zone arabica 87 000 27 000 35 000 67 000 90 000 Intensive 1 090 340 440 840 1 150 D D valuation L Lib ralisation P L Post Lib ralisati
21. t d une inexp rience manifeste aux effets calamiteux Ces agriculteurs seront donc d autant moins enclins consid rer la viabilit du syst me que leurs marges de man u vre fonci re et financi re seront r duites Avec le renforcement de l esprit individualiste parmi ces n o ruraux la reproduction long terme de l agriculture n est plus acquise alors que la gestion de la fertilit passe n cessairement dans les espaces densifi s par une r gulation sociale collective forte Le passage une agriculture de march plus sp cialis e et plus ouverte implique donc que l on s interroge sur la gestion du risque court et moyen terme Il induit en outre un 3 Voir Owona dans cet ouvrage pp 45 69 LES AJUSTEMENTS DES PLANTEURS 85 processus cumulatif de diff renciation socio conomique entre des producteurs capables de mettre en place des m canismes compensateurs de revenu et d autres trop appauvris pour pouvoir r agir Mobilit et foncier La gestion de la mobilit joue un r le tr s important dans le fonctionnement de l exploitation elle largit la sph re socio spatiale de vie du rural elle raffermit les liens sociaux tir s par la distance g ographique et elle r actualise les formes de soutien Le quotidien est rythm par les arriv es et les d parts de parents oblig s et amis La mobilit exerce aussi une incidence forte sur la r activit des agriculteurs dans la mes
22. un m me stock au plus offrant l acheteur ignore si son contrat pourra tre honor au prix et la qualit convenus Si les planteurs de cacao pr f rent en majorit traiter avec l acheteur qu ils connaissaient depuis plusieurs ann es dans les r gions caf i res les planteurs multiplient les parte naires afin de minimiser le risque de non paiement et d au gmenter la probabilit d obtenir des livraisons d intrants Le caf arabica du Cameroun est quasiment devenu invendable et le cacao n est plus recherch Les relations sociales personna lis es voire client listes ont ainsi pris le pas sur l conomie de march causant une d gradation des produits qu il devient dif ficile de corriger 1 Pour la campagne 1995 96 environ 29 du cacao r colt tait class hors standard tandis que le caf arabica de qualit inf rieure ou mauvaise cat gories C D F et tri repr sentait environ 48 de la production 74 LE D SARROI CAMEROUNAIS Des prix instables et une grande impr visibilit Si les r formes qui se sont succ d es ont boulevers l environnement des petits producteurs les incertitudes cono miques qu elles r introduisent ne constituent pas une rupture historique Les planteurs ont gard le souvenir cuisant des crises pass es 1929 1932 1954 1955 1964 1965 Dans la p riode actuelle c est la brutalit des fluctuations de prix sur un intervalle de temps court et le br
23. ur s des deux provinces consid r es la volont de maintenir la culture arbor e caf robusta ou cacao est rest e forte en d pit de prix faiblement Voir Owona dans cet ouvrage pp 45 69 80 LE D SARROI CAMEROUNAIS incitatifs Elle s explique par les contraintes internes des syst mes arbor s port couvrant des arbres d ficit de main d uvre salari e isolement g ographique qui laissent peu de place d autres cultures Par ailleurs dans un monde d incer titudes la plantation apporte un sentiment s curitaire son propri taire quelle que soit la valorisation conomique de son travail Le point de non retour en pays bamil k l agriculture extensive mieux arm e en pays b ti Entre 1989 et 1994 la tendance g n rale est all e l all gement des charges sur le caf arabica et le cacao Janin 1996 Elle a conduit les planteurs de caf arabica essentiel lement qui avaient massivement recours des intrants import s mettre en veilleuse les plantations en reportant diminuant ou arr tant les diff rents soins culturaux L arr t des subventions et plus encore la d valuation ont eu pour effet de multiplier le prix des engrais et des pesticides Ces derniers ont souvent t pr f rentiellement affect s au vivrier et au maraf chage L activit de replantation et de rec page a t suspen due parce qu elle mobilisait une main d uvre plus utile produire des vivri
24. ure o les cycles de vie familiaux et conomiques sont souvent d cal s temporellement la conduite programm e de la plantation est plus facile modifier que la gestion des rapports sociaux Dans les conomies familiales de plantation tudi es il n y a pas de dichotomie entre rural et urbain villageois et citadin Et la mobilit traduit cette compl mentarit Cette symbiose est l origine rendue possible par la d localisation et l clatement des cellules nucl aires d un m me lignage Dans la soci t bamil k le d part en migration a longtemps t moins un exutoire d mographique que l expression d itin raires personnalis s d accumulation Dans Paire d in fluence de Yaound les d placements rev tent un caract re moins durable Et l migrant b ti pr f re multiplier les cycles r sidentiels entre son village et la ville Dans les deux cas cette dispersion familiale loin de signifier l affaiblissement des liens et des changes permet au contraire de jouer des compl men tarit s mat rielles et symboliques entre espaces g ographiques et cellules conomiques En revanche les structures spatiales ne sont pas les m mes La ville est le prolongement direct de la matrice spatio 86 LE D SARROI CAMEROUNAIS temporelle rurale traditionnelle bamil k C est pourquoi les citadins taient les principaux b n ficiaires du syst me de trans ferts communautaires En zone caca
25. utal arr t de l intervention tatique qui a surpris A l heure actuelle les prix restent fortement tributaires d v nements conjoncturels d cla rations intempestives sp culation des fonds de pension stra t gie des firmes mondiales accidents m t orologiques gel cyclone s cheresse et impr vus conomiques crise asiatique russe ou br silienne La dynamique cyclique des march s impos e par les contraintes des syst mes de culture arbor s Ruf 1995 ne semble plus fonctionner Qui plus est dans les vieilles cono mies de plantation faibles migrations saisonni res de travail comme au Cameroun la rente for t c de la place une gestion patrimoniale multi objectifs qui rend les planteurs moins expos s aux soubresauts du march La lib ralisation int grale des fili res marie les petits planteurs pour le meilleur et pour le pire au march Janin 1995 Instable le syst me de prix est de plus impr visible rendant toute anticipation al atoire Il est difficile de provision ner certains investissements car le petit planteur ignore d un mois l autre quel prix sera achet son caf ou son cacao qui lui permettrait de choisir le moment optimal Ce prix est fonc tion des incertitudes sur le niveau des r coltes et sur les politi ques de stockage Il peut en outre varier selon l acheteur et le niveau de concurrence r elle qu il affronte La gestion quoti dienne des m nages s en
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