Livre 35.indb
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1. 2 1 Rapport l crit lecture et criture Les discours des l ves engagent dans le vaste champ de l acculturation l crit distinguer lire et crire pour tenter de mieux formaliser comment le sujet en construit la sp cificit Certes lire et crire sont deux comp tences et pratiques scripturales et l cole s efforce de les mettre en rapport l une avec l autre afin d en articuler les apprentissages cependant elles demandent de la part des sujets des habilet s et des investissements totalement diff rents 7 Idem Rep res 35 2007 129 Catherine Frier et Marie C cile Guernier Il apparait que pour certains apprenants le rapport l crit se construit plus difficilement quand il s agit de lire que quand il s agit d crire C est ce que sugg rent les propos de Mathias l ve de 3 de SEGPA qui annonce d embl e qu il n aime pas l cole qu il a des difficult s en lecture et criture ce qu a confirm son professeur qu il n aime pas lire et ne lit pas sauf les manuels d entretien des machines agricoles et le livret du code de la route voir ci dessous Le portrait que Mathias construit de lui m me est donc celui de l l ve en chec avec l crit donc avec l cole Pour autant Mathias affirme qu il n est pas d rang par l criture E Je reviens au d but pour toi l cole c est lire et crire Mathias Oui E Et a tu n aimes pas faire lire et2. coutume de donner la parole aux l ves en leur faisant exprimer leur point de vue Nous avons r alis 10 entretiens semi directifs aupr s d l ves de troisi me ordinaire du coll ge Louis Mauberet la Mure Pr cisons seulement que ces l ves taient volontaires mais que sur les 10 6 ont d clar lors de la pr sen tation pr alable de l enqu te la classe ne pas aimer lire et avoir envie d en parler Nous avons trouv cette d marche int ressante compte tenu du poids symbolique et des repr sentations sociales de la lecture l cole et c est prin cipalement sur l analyse de ces 6 entretiens que sera construite notre analyse Rep res 35 2007 119 Catherine Frier et Marie C cile Guernier L entretien recoupait en grande partie les rubriques utilis es aupr s des l ves du CLEPT mais tait beaucoup plus orient sur le rapport la lecture pratique et repr sentations scolaire p riscolaire de l l ve la perception de ses comp tences de ses difficult s de ses r ticences la place enfin attribu e la lecture dans le parcours scolaire Les entretiens ont t r alis s au coll ge la fin de l ann e scolaire au moment des conseils et ce d tail n est pas anodin ces l ves quittant le coll ge l an prochain ils ont pu exprimer les choses avec une certaine distance la mani re d un bilan mi parcours du cycle secondaire bien entendu sans souci d valuation institut
3. crire ce n est pas ton truc M Non ce n est pas mon truc E Et pour crire alors qu est ce qui te d plait M crire a ne me d range pas E crire a ne te d range pas oui pourquoi M Non a ne me d range pas d crire E Mais est ce que tu aimes bien ou est ce que c est simplement que a ne te d range pas M Non a ne me d range pas du tout E D accord et qu est ce que tu cris alors qu est ce que tu es amen crire M Ben pour r pondre aux questions E Oui tu es oblig ou sinon quand tu es chez toi que tu n es pas l cole est ce que tu es amen crire des fois ou pas M Non rarement non Parall lement Mathias affirme qu il lit quand a l arrange E Et tu lis des magazines des fois ou des revues M Non je lis quand a m arrange E Tu lis quand a t arrange alors pour quoi par exemple M Ben je ne sais pas des fois quand mon p re il ach te quelque chose le livre d entretien des fois je le prends et je regarde des trucs comme a E Tu lis des modes d emplois ou des trucs comme a M Oui Une fois remarqu selon une analyse plusieurs fois formul e d j que ces pratiques de lecture et criture sont li es des situations quotidiennes et circonscrites une utilit pr cise ce qui au bout du compte les rend peu fr quentes il n en reste pas moins que Mathias envisage lecture et criture de mani re presque antinomique comme
4. des romans je lis pas un livre pour moi prendre un livre la biblioth que non j ai pas Rep res 35 2007 121 Catherine Frier et Marie C cile Guernier envie J ai m me pas fini de le lire le journal d Anne Franck quand j aime pas a m int resse pas alors j ai pas envie de lire lisa Enfin la lecture a doit tre norma lement un plaisir mais moi j arrive lire des livres entiers mais on se fait pas plaisir dessus on retient pas Antoine Donc la lecture qui est en cause c est la lecture litt raire celle pratiqu e dans les autres disciplines semblant poser beaucoup moins de probl mes Un long texte de SVT on y arrive toujours parce que j ai l impression qu en SVT c est des choses nouvelles et qu on nous explique tout de suite alors qu en fran ais la lecture on dit que c est su donc En fran ais c est des choses qu on apprend depuis le d but de notre vie quoi alors qu en SVT y a beaucoup de choses qu on connait pas Dimitri La plupart du temps c est sur les textes alors y a pas grand chose apprendre c est toujours la m me chose sur les textes Antoine a me d range pas de lire mon livre d histoire par exemple ou de maths ou de physique Cyrille Soulignons au passage car cela n est pas anodin que pour ces l ves et nous avons retrouv le m me discours chez les l ves plus g s du CLEPT la discipline fran ais apparait comme un objet d apprentissage n
5. la fiction S ils ont du mal entreprendre ou poursuivre leur lecture c est que rien ne les aide de fa on concr te donner corps cette fiction la rendre palpable la relier des fragments de leur r alit lui donner un sens Du coup ils voquent le manque d int r t l gard de ce type de lecture Y a des livres je trouve qu ils sont pas int ressants pour moi Cyrille J ai l impression en fait que je me d sint resse au fur et mesure que je lis et que je me perds apr s dans autre chose alors je lis et des fois je me dis tiens je sais m me plus de quoi elle parle en fait pourtant je l ai lu hein mais y rien qui m accroche Micha l C est le d but de l histoire en fait a m int resse pas jamais alors j abandonne Anthony 122 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture Ce manque d int r t voqu de fa on r currente est souvent associ aux th matiques choisies J aime pas les sujets qu ils mettent dans les livres j aime pas ces livres donc c est les sujets moi qui me posent probl me ces histoire j aime pas a a m int resse pas donc je me donne m me pas la peine J aime lire mais pas leur histoires eux et propos du journal d Anne Franck Y a pas d action c est triste Beno t Les l ves voquent galement la difficult comprendre ce type de textes qui exigent une lecture ana
6. Doit on consid rer qu il y a l un rat et qu il incombe l cole Les propos de Laurine et l enqu te en cours n apportent pas directement la r ponse mais on voit la n cessit de ne pas poser la question du rapport entre la maitrise de l crit et l chec scolaire seule ment de mani re inductive sous la forme ne pas maitriser l crit entraine l chec mais aussi de mani re plus probl matique 2 2 2 Marion d crocher et se mettre lire L exemple de Marion construit une autre dialectique entre maitrise de l crit et chec scolaire qui parait encore plus probl matique Marion est aujourd hui l ve en 1 L au CLEPT Auparavant elle a suivi une scolarit normale au coll ge a int gr le lyc e g n ral et l a d croch Elle explique ce d crochage par la pression qu exer aient sur elle les mani res scolaires E Est ce que la place de l crit a eu un r le dans le fait que tu as eu des probl mes l cole dans le syst me traditionnel Marion Oui enfin moi c tait aussi vache ment li avec l apprentissage aussi parce que vu que justement j tais tout le temps sur les feuilles de pompes normal qu apr s pour crire c est tr s dur parce que tu stresses d j que dans ta t te c est vide tant donn que c est tout crit sur ton bout de papier donc apr s c est s r que pour crire il faut que tu inventes je peux dire c est simple si je fais du blabla c est simple d c
7. accord et vous en parlez apr s avec ton fr re ou pas L Apr s oui on en parle et puis apr s ma m re elle ach te les DVD et on les regarde E a te plait aussi les films L Oui mais des fois ils enl vent des trucs des livres quoi enfin moi j aime bien lire le livre et puis apr s regarder le film E D accord et tu es d ue par le film ou pas L Non mais c est parce que des fois ils enl vent des morceaux parce qu il est gros E Et donc en classe ce que vous lisez qu est ce que vous lisez en classe L Ben on lit des exercices et puis des fois quand on a fini nos exercices on a le droit de prendre un livre E D accord alors les exercices tu trouves a int ressant comme lecture ou pas L Pas trop en fait je pr f re les livres comme Harry Potter ou E Et a a t int resse les livres qu il y a en classe ou pas L Oui je prends de temps en temps quand j ai fini avant les autres E D accord et toi tu penses que tu es une bonne lectrice L Oui a va E Qu est ce qui te permet de dire que tu es une bonne lectrice L Ben je lis je comprends ce que je lis et je lis assez vite Les propos de Laurine sont explicites et dessinent donc un profil de bonne lectrice Mis en rapport avec l chec scolaire de Laurine ils sugg rent une ques tion cruciale pourquoi cette comp tence n a t elle pas trouv tre investie l cole et dans un processus de r ussite scolaire
8. l quipe d ESCOL les r ponses strictement sociologisantes cart culturel et psycholo gisantes manque de motivation En effet ni Laurine ni Marion ne manquent de motivation ni elles ne sont en difficult avec l crit Or pour l une cette maitrise ne parvient pas se concr tiser en r ussite scolaire et pour l autre l panouissement lectural non seulement ne peut se r aliser que lorsque l cole s arr te mais aussi permet en partie de r soudre les difficult s cr es par l cole elle m me Ainsi la dialectique pratique de lecture r ussite scolaire semble ici particuli rement complexe Les r ponses sont chercher en partie dans les pratiques p dagogiques qui concernent la lecture et en mettant en rapport ce qui est trouv dans les discours des l ves et l analyse des pratiques de classe Ce que nous n avons pas ici Mais ce que montrent les entretiens avec les l ves lecteurs et en chec c est que le rapport maitrise de l crit chec scolaire doit Rep res 35 2007 133 Catherine Frier et Marie C cile Guernier tre mieux auscult et que les pratiques p dagogiques pas seulement li es la lecture d ailleurs doivent tre interrog es 2 3 Lecture scolaire lecture extra scolaire On le sait l cole propose et promeut des mani res de lire sp cifiques que l on a qualifi de lecture analytique ou objectivante et qui s op rent sur des supports sp cifiques plus part
9. les lectures priv es c est dire sans lien avec les lectures faites dans le cadre scolaire uniquement motiv es par un centre d int r t personnel Parfois c est la t l vision qui motive la lecture comme en t moi gnent les propos de Dimitri J avais lu euh un livre d un personnage que j aimais bien et le livre faisait plus de 500 pages et je l ai lu et j ai pu tout retenir Je l ai vu la t l et je l ai achet tout de suite On est dans son truc quand on connait bien c est parl dans des termes plus familiers quoi plus pour les jeunes on se lance plus vite dans l histoire quoi on aime bien celui qui raconte on a envie de savoir ce qu il a fait a va plus vite J ai pas vu les pages passer Lorsqu on demande Dimitri ce qu il a ressenti la fin de cette lecture il exprime une certaine fiert et a l impression d avoir franchi un cap C tait bien j avais l impression d arriver au m me point que les autres Si les autres livres c tait pareil et si j arrive lire comme a les autres livres en fran ais ce serait bien 3 Voir ce propos le passionnant travail r alis par Dourojeanni 2006 sur les jeunes adeptes de Chair de Poule et la construction progressive de leurs habitudes de lecture personnelle Rep res 35 2007 125 Catherine Frier et Marie C cile Guernier Mais le support vid o peut galement tre utilis cette fin dans le cadre scolaire et c est
10. lire mais ne savent pas lire scolairement c est dire ne savent pas lire ce que l cole leur demande de lire Autrement dit le mod le de lecture propos par l cole les conduit soit l chec soit 136 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture quitter l enseignement g n ral c est le cas de 5 des 6 l ves coll giens ordi naires dont il question dans la premi re partie de ce texte Ce que nous renvoient les l ves qui reviennent sur leur parcours c est d abord l inad quation entre leurs int r ts d sirs et ce qui leur est propos entre leurs mani res de faire et les mani res de faire l cole Le principal rat ici semble donc concerner l incapacit de l cole prendre en compte l individu en travaillant par exemple davantage le lien lecture scolaire lecture extrascolaire Or nous savons bien quel point la reconnaissance des pratiques individuelles des l ves peut constituer l amorce d un habitus en permet tant notamment au sujet de se placer dans une communaut de lecteurs incarn e dans des gestes des espaces des habitudes C est ce prix que la lecture pourrait alors re devenir le lieu d un change du partage social d un message D o pour finir la mise jour d un paradoxe l cole premier prescripteur de lecture premier lieu d apprentissage apparait en
11. m me temps le lieu qui emp che en quelque sorte de pratiquer la lecture Bibliographie BARR DE MINIAC C 2000 Le rapport l criture aspects th oriques et didactiques Paris Septentrion CHARLOT B BAUTIER E ROCHEX Y 1992 cole et savoir dans les banlieues et ailleurs Paris Armand Colin CHARTIER A 2006 La litt rature en classe de quatri me relire pour relier in Frier C Passeurs de lecture lire ensemble la maison et l cole Paris Retz Forum ducation Culture DAUNAY B 2002 Les difficult s de lecture au coll ge quelques interrogations Recherches n 36 p 51 73 DELAMOTTE R GIPPET F JORRO A PENLOUP M C 2000 Passages l criture un d fi pour les apprenants et pour les formateurs Paris PUF DOUROJEANNI D 2006 L effroi en partage lecteurs de Chair de poule et changes pistolaires Argos n 39 FRIER C 2006 Passeurs de lecture lire ensemble la maison et l cole Paris Retz Forum ducation Culture INRP 1999 Production d crits et construction des savoirs dans les diff rentes disciplines scolaires gestion de l h t rog n it des l ves GUERNIER M C 1999 Lire et r pondre des questions au cycle 3 Rep res n 19 INRP 11 PRIVAT 1993 Rep res 35 2007 137 Catherine Frier et Marie C cile Guernier GUERNIER M C 2000 Je veux leur faire comp
12. ou normal M trange parce que ce n est pas pareil on apprend surtout ce qu on sait ou des trucs comme a quoi E Et qu est ce qu elle vous fait lire madame L M Ben maintenant c est le CFG donc des textes et on doit r pondre aux questions des trucs comme a E Et ces textes l tu te souviens de quoi ils parlent M Non E Et r pondre aux questions 9 VIALA 1995 et GUERNIER 1999 134 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture tu arrives bien ou pas trop M Des moments oui des moments non mais on les trouve toujours E D accord et ton avis pourquoi en 3 on vous fait faire ce genre de travail avec les textes M Ben pour le CFG pour avoir l examen E Donc toi tu te dis on peut supprimer l cole on n en a pas besoin est ce que tu irais jusqu dire a M Si quand m me si je n avais pas les cours je ne saurais pas trop bien lire et des choses comme a je ne saurais rien On le voit les livres qui int ressent Mathias sont le livret du code de la route et les manuels d entretien des machines agricoles Or l cole lui propose des textes partir desquels il faut r pondre des questions et qui servent essen tiellement pour obtenir un examen Dans cette perspective ces textes ont un int r t et un ancrage strictement scolaires la diff rence des livres en rapport avec une activit et une si
13. pas t capables de lire un moment donn qu ils ont laiss es en attente et sur lesquelles il vont revenir de leur propre initiative Je lis Tintin j ai toute la collection j aime bien je les ai depuis la 6 mais je les ai commenc s partir de la 4 L o J avais commenc Les Dix petits n gres chez moi et a m a plu parce que l ann e derni re on l avait d j tudi et j ai relu et a m a plu Beno t C est pourquoi aussi certains voquent leur choix d acheter certains livres pour justement pouvoir y revenir autant que n cessaire Surtout j ach te aussi oui comme a apr s je peux les relire si j ai pas bien compris Faut prendre son temps quand on comprend pas faut relire Yohan Ces commentaires sont int ressants car ils montrent comment s instal lent de fa on tr s progressive les habitudes de lecture comment se constitue peu peu le patrimoine du lecteur en herbe certaines lectures jug es trop ardues sont consign es mises en attente pour tre reprises lorsque le lecteur se sent mieux arm pour les aborder Le probl me soulev ici c est peut tre que l cole n est gu re patiente et qu elle demande aux l ves de mordre l hame on de la lecture avant m me qu ils aient toutes leurs dents Autre constat d autres m dias non exclusivement livresques ou textuels peuvent dans certaines situations venir la rescousse de la lecture C est le cas notamment pour
14. res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture implicites du texte etc mais plut t d une cat gorie interm diaire h t ro clite car difficile cerner de mani re unilat rale et somme toute assez banale puisque majoritaire d l ves sachant lire mais d clarant ne pas aimer a adolescents pour qui la lecture est d abord per ue comme une activit scolaire souvent d sincarn e en tous cas peu incarn e dans des pratiques sociales et familiales susceptibles de donner vie un v ritable habitus lectural En effet arriv s l ge de la quatri me il ne reste que fort peu d enfants qui se d finissent comme des lecteurs qui d clarent aimer lire L in galit de sollicitation autour de la lecture que l on constate d s la petite enfance se retrouve au coll ge si elle n a pas t compens e On retrouve le m me probl me de familiarisation avec l crit constat l entr e du CP Ainsi pour beaucoup d entre eux et m me chez ceux qui n ont pas de probl mes majeurs de scolarit lire et crire demeurent des activit s purement scolaires dans la mesure o ces pratiques ne s int grent pas dans des habitudes familiales s ef fectuent peu et rarement de fa on naturelle spontan e Chartier 2006 Ces l ves ne sont pas proprement parler de mauvais lecteurs ce sont plut t des lecteurs fragiles i
15. vraie et en m me temps je voyageais dans le pays et cela me faisait apprendre la culture de ce pays bon apr s ce n tait peut tre pas objectif je ne peux pas juger j avais essay de lire Le Voyage de Gandhi mais l je me suis dit reprends ton histoire un peu avant de vouloir apr s il y a plein d autres trucs Les Racines des pal tuviers a c est un m decin qui est all en Inde qui s est install et qui a r ussi monter un truc E Tu n allais pas en cours l donc tu tais chez toi tu occupais tes journ es lire M Ah oui et puis r fl chir vachement tout ce qui c tait pass justement au niveau scolaire je pataugeais je ne suis pas all e en cours a a dur un an E Et l tu as beaucoup lu M Oui j avais d autres id es qui naissaient et que je n avais pas forc ment en cours Dans ces propos de Marion on voit que la lecture se pr sente comme une nourriture qui permet l individu de se structurer et de se construire Ce qui interroge ici c est que ce travail se fait non pas seulement en dehors de l cole mais surtout contre l cole Ainsi il apparait que pour mieux explorer l articulation entre ces deux para digmes savoir lire et r ussir l cole il est certainement n cessaire de les d coupler D une part pour poser la question d o vient l chec scolaire Qu est ce qui le provoque Afin de mettre de c t comme le propose
16. Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture Catherine Frier et Marie C cile Guernier universit Stendhal Grenoble 3 LIDILEM L valuation de la maitrise de la lecture est un probl me complexe et rel ve de paradigmes divers cognition acculturation psychologie et didactique Pour mieux comprendre comment la com p tence lecturale se construit le chercheur doit donc s int resser au sujet lecteur lui m me son activit et ce qu il y investit intellectuellement psychiquement socialement et culturellement Dans cette perspective nous sommes loin d avoir investi toutes les pistes Partant du constat que m me si les coll giens et lyc ens manifestent un certain nombre de savoir faire lire voix haute de fa on relativement fluide tre capables de r pondre des questions portant sur un texte leur comp tence lecturale est encore largement inachev e le pr sent article explore la question de l apprentissage continu de la lecture dans l enseignement secondaire apprend on encore lire au coll ge et au lyc e Quoi et de quelle fa on Quels probl mes de compr hension et de pratiques de lecture la scolarit l mentaire a t elle r solus et laiss s en suspens Les l ves sont ils suffisamment outill s pour affronter les textes notamment litt raires qui leur sont propos s au cycle secondaire Dans quelle mesure les pratiques p dagogiques mises en uvre p
17. aitre quelques difficult s ce niveau l J arrive bien lire mais je comprends pas toute l histoire Antoine C est enfin et surtout quelqu un qui aime lire et qui le fait sans tre contraint Quelqu un qui sait se mettre dans le livre quoi pas lire une page ou deux fermer le livre cinq minutes apr s revenir relire une page ou deux pas lire parce qu on doit lire lire parce qu on aime lire Cyrille Aimer lire d j pas tre contraint pas se dire chaque soir comme a je dois lire a aimer l histoire quoi lire ce qui nous pla t et comprendre ce que l auteur veut dire Yohan C est pourquoi dans l ensemble nos t moins ne se consid rent pas comme de bons lecteurs s ils savent lire ils ne comprennent pas toujours ce qu ils lisent et le font souvent sans plaisir 1 2 La lecture litt raire point n vralgique des tensions Mais de quelle lecture est il question en fait Tr s vite l enqu teur r alise que pour ses l ves lire signifie lire au coll ge et en particulier en fran ais Le type de lecture qui cristallise le rejet voqu plus haut est repr sent par le texte litt raire lu et tudi en classe de fran ais Mais un livre comme a non un roman a j aime pas du tout les r cits les romans les livres qu on nous distribue au coll ge quoi Antoine Les livres qu on lit en fran ais Anne Franck je vois pas quoi a va me servir Na m Mais je lis pas des livres
18. alement appel une approche intellec tuelle abstraite Lorsqu on leur demande ce qu ils font en fran ais les l ves r pondent On lit des textes Le probl me pour eux c est que les enseignants consid rent qu ils savent lire et que les modalit s de la compr hension ne sont plus l ordre du jour Ils estiment qu on sait lire que le livre c est acquis donc Ils estiment qu on fait a depuis la primaire que a doit tre acquis qu on aurait pas revenir sur le livre Dimitri La question d un enseignement explicite des strat gies de compr hension se pose donc ici de fa on tr s nette 1 3 Pr mices de passages la lecture Qu en est il de leur rapport personnel la lecture Lisent ils lorsqu ils n y sont pas contraints et quoi Et pour quelles raisons Dans ce cadre l prouvent ils du plaisir et de l int r t ces lectures buissonni res Existe t il des ponts entre pratiques scolaires et extrascolaires de lecture entre lecture et autres activit s langagi res Premier constat l instar de l criture extrascolaire des coll giens la pratique de la lecture n est pas un terrain en friche Mais il faut insister creuser reformuler la question de diff rentes mani res tant ces l ves font de la r sis tance et r pugnent l id e de se pr senter comme lecteurs Je lis apr s des magazines quoi mais c est pas ce que j appelle de la lecture c est des m thodes c est diff
19. avoir de coupure Cyrille David r sume assez bien les choses en disant C est pas de lire qui me g ne c est que la difficult des livres elle devient compliqu e Le cas d lisa est un peu particulier Elle est la seule faire allusion de r els probl mes de d codage J h site sur des mots et j arrive pas lire un texte sans vraiment m arr ter Au d but de l ann e lisa a demand son professeur de fran ais de ne pas lui demander de lire voix haute devant la classe Un contrat a t pass lisa ne lira que de courts passages pr par s la plupart du temps Si lisa ne veut pas lire voix haute c est parce qu elle a peur de se tromper J ai peur de me tromper en fait en lisant et qu apr s on se moque de moi en fait je relis plusieurs fois dans ma t te pour tre s re que c est ce mot l Son blocage remonte l enfance lorsqu on lui demande comment elle a appris lire elle r pond On apprenait sur des petits mots comme a on lisait le mot et on le coupait d abord C est vers le CM1 qu on a commenc se moquer de moi alors j osais plus lire et j avais toujours peur de me tromper et qu on se moque de moi c est pour a que je lis un peu doucement et je bute sur des mots parce que j ai peur de me tromper Dans ma t te je lis bien c est les gens en fait qui me g nent Ce qui g ne enfin beaucoup les l ves c est la longueur des lectures Quand on arrive au coll
20. ce n est pas mon truc E Et quand tu es chez toi tu lis quoi par exemple M Je fais le permis 125 donc j apprends les panneaux et tout a E Et tu aimes bien faire a M Oui E Et quand tu apprends a dans le livret cela te parait difficile ou facile M Ben l a va non ce n est pas top dur E D accord et l du coup lire a a t int resse M Oui E Est ce que tu lis autre chose des fois chez toi M Non pas souvent E Tu lis le journal M Non E Et tu lis des magazines des fois ou des revues M Non je lis quand a m arrange E Tu lis quand a t arrange alors pour quoi par exemple M Ben des fois quand mon p re il ach te quelque chose le livre d entretien des fois je le prends et je regarde des trucs comme a E Et sur les machines agricoles tu lis des choses ou pas M Je lis les livres d entretien E Mais c est compliqu les livres d entretien non M Non je les lis doucement j ai le temps le soir des fois les bou tons je ne sais pas quoi a sert alors des fois a me a peut toujours servir E Donc ce n est pas du tout la m me chose que ce que vous lisez l cole M Ce n est pas pareil E Et si madame L vous faisait lire des livres d entretien a t int resserait l cole ou pas M Oui E Tu viendrais un matin l cole et on vous ferait lire le livre d entretien d une machine tu trouverais que c est trange
21. coll giens de SEGPA qui eux n ont pas r ussi int grer le cursus secondaire g n ral Ces l ves ont en commun bien qu en chec scolaire de s tre accroch s Les l ves d crocheurs que nous avons rencontr s au CLEPT apr s tre sortis volontairement du syst me scolaire parce qu ils s y trouvaient en difficult y retournent avec le projet scolaire d obtenir le baccalaur at Ils sont motiv s ou remotiv s et se r engagent dans une dynamique d apprentissage qui devrait les conduire comme l indique le titre de ce num ro surmonter les rat s de l apprentissage Quant aux l ves de 3 SEGPA bien que d clar s non aptes int grer le coll ge ils n ont pas quitt le syst me scolaire et ne sont pas en rupture de ban avec lui Ils ont suivi un parcours complet et tr s cadr mais d cal par rapport au cursus g n ral la fin du parcours leur formation est sanctionn e par un examen qu ils souhaitent r ussi et pour lequel ils se mobilisent Pourquoi ces l ves int ressent ils la recherche en lecture Tout d abord parce que leur profil exclut de recourir au motif de la d motivation pour expli quer l chec Ensuite parce que leur ge et leur histoire scolaire les situant en fin de parcours il est possible d appr hender avec eux les probl mes de mani re r trospective Ces l ves peuvent parler de l chec et du r le de l crit avec un certain recul Ils peuvent aussi en revenant sur
22. consacr e aux l ves consi d r s en chec scolaire soit parce qu ils n ont pas int gr un cursus g n ral soit parce qu ils en sont sortis Un consensus s est construit sur le fait que la maitrise des comp tences langagi res et plus particuli rement celles relatives l crit est d terminante dans la r ussite scolaire comme le mettent en vidence la fois le rapport final de l INRP sur la production d crits et la construction des savoirs dans les disciplines scolaires et les travaux de l quipe ESCOL De l certainement 4 Pour Daunay 2002 la lecture en r seau par exemple ne peut cr er un pont entre des pratiques scolaires et non scolaires que si la libert de lecture des livres du r seau est donn e aux l ves et si la diversit des supports de lectures livres ou non faciles ou difficiles longs ou courts litt raires ou non etc permet un ancrage dans les pratiques non scolaires de lecture p 68 5 INRP Production d crits et construction des savoirs dans les diff rentes disciplines scolaires gestion de l h t rog n it des l ves d cembre 1999 6 CHARLOT B BAUTIER E ROCHEX Y 1992 cole et savoir dans les banlieues et ailleurs Paris A Colin Rep res 35 2007 127 Catherine Frier et Marie C cile Guernier la pression mise sur la lecture comme on l a encore vu ces derniers mois avec le faux d bat sur les m thodes de lecture les discour
23. er r ver penser apprendre tout se tient ou devrait se tenir C est un peu ce que nous sugg rent ici ces l ves Et s ils n avaient pas tout fait tort Mais est ce le cas dans le cadre des activit s p dagogiques notamment en fran ais o les textes propos s exigent pourtant des comp tences textuelles et des accointances culturelles que sont loin de poss der tous les l ves Sans doute pas et c est peut tre l que se situe le probl me ces l ves savent lire mais ne savent pas lire ni appr cier ce qu on leur propose de lire Pour eux la lecture litt raire demeure hors de port e inaccessible non pas tant par manque de comp tences mais plut t par manque de pratiques permettant de lui donner corps et sens dans le contexte social culturel qui est le leur Il semble donc que pour ces lecteurs encore fragiles la lecture notamment litt raire ne puisse passer que par une mise en forme mise en voix mise en images en paroles en gestes pour r ellement s incarner dans le quotidien de la classe et entrer en r sonance avec d autres lectures d autres crits d autres paroles et de fa on plus fondamen tale avec l ensemble des pratiques langagi res 4 Cela nous ram ne la ques tion des outils de socialisation de la lecture et la probl matique non r solue des m diations culturelles 2 Lecture et chec scolaire les rat s de l cole La deuxi me partie de cette contribution est
24. erve je suis pas un passionn Cyrille a m ennuie de lire Antoine J ai horreur de a Cyrille Mais si on cherche d passer ce premier stade creuser ce cri du c ur on obtient des choses beaucoup plus nuanc es moins tranch es Lorsqu on leur demande par exemple d valuer leur comp tence en lecture si certains avouent connaitre quelques difficult s voquant par exemple le manque de rapidit J arrive pas trop lire aussi alors euh je vais pas je lis plus lentement que les autres m me dans ma t te des fois il pose des questions j ai pas fini de lire donc lisa Je lis pas tr s tr s bien je dois lire beaucoup moins vite que quelqu un qui lit plus souvent que moi Micha l la plupart consid rent qu ils savent lire Je sais lire je lis bien mais j aime pas j ai pas de dyslexie hein Beno t Depuis que je suis tout petit je sais lire Cyrille Mais a me d range pas de lire un texte d une page si la prof elle me demande y pas de probl me Micha l 120 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture Le fait de ne pas aimer lire n est donc pas spontan ment associ des probl mes de lecture d codage ou compr hension mais plut t un manque d habitude de pratique Maintenant je sais pas si c est une ducation ou si c est naturel euh le fait de pas pouvoir lire parce que moi mes parents enfin ma m re elle lit u
25. est une l ve motiv e qui aime l cole parce qu elle aime apprendre et r fl chir comme elle le dit elle m me E Est ce que toi tu aimes bien l cole ou pas ou est ce que a t ennuie Laurine Non j aime bien l cole ben j aime bien apprendre des choses ben j aime bien les profs aussi ils sont sympa et puis je ne sais pas ben apprendre des nouvelles des nou veaux trucs des nouvelles m thodes E D accord alors par exemple qu est ce que tu aimes bien faire en maths L Ben des probl mes euh des op rations j aime bien un petit peu de tout en maths ben il fallait r fl chir et il fallait savoir ce qu il fallait faire j aime bien ben j aime bien un peu toutes les mati res Ainsi Laurine envisage les activit s scolaires dans leur dimension intel lectuelle apprendre r fl chir Il ne s agit pas seulement d accomplir des t ches ou des exercices mais bien d activer une comp tence intellec tuelle Par ailleurs elle a une pratique d criture personnelle elle crit chez elle dans un cahier des histoires des po mes des chansons Enfin elle aime lire lit beaucoup et pr sente toutes les caract ristiques de la bonne lectrice app tence autonomie elle fr quente la biblioth que municipale et le CDI du coll ge comp tence elle comprend connait les livres et les auteurs milieu porteur elle volue dans une famille lectrice o on change sur les livres
26. euvent elles favoriser ou au contraire g ner la continuation des apprentissages dans ce domaine L article rend compte des r ponses que des coll giens et lyc ens ont apport ces questions dans le cadre d entretiens semi directifs et vise d crire et analyser le rapport la lecture de ces l ves mieux comprendre certaines de leurs difficult s et leur manque d app tence vis vis de la lecture Ce texte n est que l amorce d une analyse portant sur un recueil de donn es r alis au cours de l ann e 2005 2006 dans le cadre d une enqu te sur le rapport aux crits disciplinaires des 15 18 ans Ce recueil de donn es a pris plusieurs formes observations comparatives de pratiques de lecture et d criture dans les diff rentes disciplines au coll ge et au lyc e enregistrements vid o de s ances entretiens d l ves et d enseignants questionnaires recueil de produc tions d l ves Nous avons enqu t dans deux tablissements de la r gion Rep res 35 2007 117 Catherine Frier et Marie C cile Guernier grenobloise le CLEPT o notre attention s est port e tout particuli rement sur les l ves de premi re et le coll ge Louis Mauberet de la Mure o nous avons enqu t aupr s des l ves de 3 g n rale 3 d insertion et 3 SEGPA L un des volets de la recherche portant plus particuli rement sur le rapport la lecture des l ves en fin de cycle de coll ge nous avons nature
27. ge qu on doit lire des gros livres a nous perturbe Dimitri qui de Rep res 35 2007 123 Catherine Frier et Marie C cile Guernier surcroit sont impos es Quand on nous a impos ce livre y avait d j la moiti des l ves qui taient pas enfin ils devaient lire parce qu il y avait une note la fin mais autrement Dimitri J tais oblig de le lire donc je l ai lu mais sinon Cyrille Je le fais par obligation je le fais parce que je devais le faire et que je l aurais pas fait de mon plein gr Micha l Je me force les lire Na m Enfin ils voquent la difficult lire seul ce type de texte qui n cessite une m diation C est chez moi que j aime pas Beno t Je les appr cie plus que si je devais lire les bouquins la maison parce qu on est tous ensemble c est toujours moins long en plus On doit les lire tous seuls Anthony et le manque de m diation C est juste avec un livre pais prenez des notes pour vous y retrouver mais sans plus quoi Dimitri En d finitive les propos des t moins donnent l impression que la lecture litt raire est per ue comme une activit livr e sans le mode d emploi ni le service apr s vente un objet d apprentissage non ancr dans un corps de prati ques susceptibles de les relier aux autres pratiques langagi res dans la classe Elle est pr sent e comme occupant un espace part coup des autres lectures une zone d abstraction faisant princip
28. iculi rement des textes litt raires qui ont un int r t didactique Ce faisant l cole a construit une conception de la lecture li e son ancrage lettr dans le syst me scolaire la lecture est le domaine des professeurs de fran ais ou de la discipline fran ais Cette conception est galement li e aux repr sentations sociales et culturelles r centes qui dans le courant du xx si cle font passer la lecture dans la sph re du culturel Or ces pratiques et conceptions scolaires sont en d calage avec les pratiques de certains l ves 2 3 1 Ne pas savoir lire ce que propose l cole Le rat des supports Revenons au discours de Mathias sur les pratiques scolaires de lecture Selon la typologie de l quipe ESCOL Mathias a construit un rapport pragmatique au savoir Ce qui est appris doit servir dans la vie quotidienne et en particulier celle de la ferme de laquelle Mathias est issu o il travaille quotidiennement et o il travaillera d finitivement temps complet sa sortie du coll ge Cette activit lui plait et lui apporte beaucoup de satisfactions la diff rence de l cole dont il dit qu il se passerait si c tait possible L cole n int resse pas Mathias non parce qu il n y apprend rien mais parce qu elle lui propose des choses qui ne l int ressent pas y compris en mati re de lecture E Et a tu n aimes pas faire lire et crire ce n est pas ton truc Mathias Non
29. investissement sur l crit elle pr f re le livre au film E Tu aimes bien lire L Oui E Qu est ce que tu lis alors par exemple L Je lis Chair de Poule des fois je lis des trucs d action enfin des livres d action E O tu les 8 GUERNIER M C 2000 Rep res 35 2007 131 Catherine Frier et Marie C cile Guernier trouves ces livres L Ben soit au CDI d ici la biblioth que de la Mure ou soit chez moi E D accord tu en empruntes beaucoup L Ben j en emprunte deux chaque fois et puis apr s une semaine je les rends et ainsi de suite E Tu lis beaucoup alors L Ben des soirs je lis avant de m endormir je lis toujours un quart d heure une demi heure E Et la biblioth que de la Mure tu prends des livres aussi L C est ma m re et mon fr re ils prennent et apr s moi je les lis E D accord donc ce n est pas toi qui vas les choisir la biblioth que L Si des fois ma m re elle me donne sa carte E D accord alors qu est ce que tu lis par exemple tu m as dit des Chair de Poule et puis quoi d autre encore L Des livres d action E Qu est ce que tu appelles des livres d action tu peux me donner des exemples L Comme dans Stephen King par exemple ou dans Harry Potter il y a de l action E Tu les as tous lus les Harry Potter parce que c est gros quand m me L Ben l je suis au 5 mon fr re est en train de lire le 6 E Ah d
30. ionnelle de leur propos Nous aurions pu pr senter nos r sultats sous forme de petites monographies tant chaque individu entretient avec cette activit une relation intime unique irr ductible des g n ralit s N anmoins dans un souci d conomie nous avons pr f r dans un premier temps pr senter les th matiques qui mergent la toute premi re lecture de ces entretiens Il n emp che que le lecteur pourra identifier au gr des citations dans les propos parfois contradictoires de ces l ves la complexit de ce rapport individuel la lecture Que disent ils de la lecture et comment interpr ter leurs propos Voici les grands axes de notre analyse 1 1 La lecture et moi Toute une s rie de questions de l entretien visait amener les l ves d une part donner leur point de vue sur l activit de lecture en g n ral d autre part s valuer en tant que lecteur Ils pouvaient s exprimer librement tant entendu que leurs propos n auraient aucune incidence ni sur leurs r sultats scolaires ni sur leur image d l ve Les propos recueillis font ressortir des r ac tions pidermiques fortement modalis s utilisant le lexique des sentiments ils t moignent en effet de cette volont de dire avec un certain exc s le rejet en bloc de l activit lecture La lecture j aime pas du tout c est m me une maladie Micha l J ai hor reur de lire j ai jamais aim a Na m a m n
31. le sugg re l emploi du couple arranger d ranger construit partir du mot ranger Comment entendre ce que dit Mathias Le terme de d ranger sugg re que pour cet l ve crire ne provoque pas de d sordre en lui voire qu crire produit le contraire du d sordre alors que lire d range En effet Mathias dit qu il lit quand a l arrange c est dire quand a lui est utile et que cela lui permet de mettre de l ordre dans ce qu il doit savoir en particulier pour faire fonctionner les machines agricoles Ainsi on peut faire l hypoth se que crire relevant d une expression personnelle l individu en contr le en partie le processus et peut construire en quelque sorte son propre ordre En revanche la lecture requiert une d centration de l individu par rapport lui m me pour prendre en compte l autre qui crit il faut entrer dans sa logique dans ses mots et son discours c est dire entrer dans un autre ordre Dans chacune de ces pratiques le rapport l crit qui se construit est diff rent et peut prendre pour l individu des valeurs antinomiques Ces aspects de la lecture de sa pratique et de son 130 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture apprentissage ne trouvent pas toujours place dans des d marches p dagogi ques qui privil gient l articulation d codage compr hension 2 2 Lire et r ussir l c
32. leur parcours scolaire identifier quels l ments ont pu constituer des obstacles l apprentissage v nements particuliers modalit s scolaires types d valuation Enfin ces l ves ayant un certain ge certains parmi eux font preuve d une maturit intellectuelle et psychologique suffisante pour expliquer et expliciter ce qui a provoqu l chec et quel r le y a jou leurs difficult s en lecture criture 128 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture Nous avons donc men avec ces l ves du CLEPT de Grenoble et de la 3 SEGPA du coll ge de La Mure des entretiens sur leur parcours scolaire avec l objectif de rechercher quelle pouvait tre la place de l crit dans l chec scolaire auquel ils ont t confront s Les th mes abord s lors de ces entretiens portent sur les points suivants perception des activit s de lecture et criture en classe dans les diff rentes disciplines et pas seulement en fran ais nature de ces activit s moda lit s fonctions int r t pour ces activit s place et r le de ces activit s dans les processus d apprentissage dans les diff rentes disciplines r ussites et difficult s avec l crit pratiques de lecture et d criture extrascolaires Nous choisissons ici de rendre compte des propos et avis de trois l ves Mathias Laurine et Marion que nous consid ron
33. llement t concern es par la probl matique relative aux rat s de l apprentissage de la lecture La question de l valuation de la maitrise de la lecture est complexe Il est peu pr s acquis aujourd hui que les r ponses rel vent de paradigmes divers cognition repr sentation sociale et culturelle psychologie et psycha nalyse acculturation didactique Cependant une chose est sure pour mieux comprendre comment la comp tence lecturale se construit il est en effet ind niable que m me le lecteur qualifi de faible a construit une comp tence dans le domaine de l crit le chercheur doit s int resser au sujet lecteur lui m me son activit et ce qu il y investit intellectuellement psychiquement socialement et culturellement Dans cette perspective nous sommes loin d avoir investi toutes les pistes La didactique de la lecture telle que nous la concevons est une didactique centr e sur le sujet et qui prend en compte son rapport l crit Barr De Miniac 2000 La conqu te de la langue crite est un acte impliqu relevant d une appropriation individuelle et c est pourquoi nous pensons que seul ce parti pris de l apprenant Delamotte et al 2000 peut favoriser la r ussite des apprentissages dans ce domaine Cette tude en cours de r alisation devrait permettre d identifier les l ments concernant l apprentissage de l criture et de la lecture qui dans le parcours scolai
34. lytique plus experte vis vis de laquelle beaucoup se sentent d munis Je me demande si c est le fait de pas lire assez ou si vraiment j ai un manque de com pr hension avec les crits euh parce que y a des auteurs mais je comprends pas du tout Je peux comprendre tout ce qui se dit mais apr s bon on a vu en cours qu y avait d autres trucs qu il fallait lire entre les lignes y a une critique g n rale enfin y a une histoire d origine et y a un truc c t pour euh enfin comment dirais je faut lire entre les lignes quoi Micha l Lire en fran ais au coll ge c est aussi tre confront des textes de plus en plus complexes du point de vue linguistique Ben le vocabulaire quand il y a des choses qu on comprend pas par exemple l on doit lire Rhinoc ros et y a beaucoup de mots que je comprends pas mais en fait c est pas tellement le vocabulaire c est plut t la formulation en fait et puis dans les dialogues on se trompe de personnage Laurent un langage inconnu peu familier non pratiqu qui entrave la compr hension Ce qui m nerve aussi dans les livres qui sont assez anciens le langage il est assez compliqu et puis c est souvent la m me chose y a des phrases faut vraiment calculer chaque mot pour comprendre le sens sinon deux trois mots la suite c est des mots qu on n utilise pas maintenant on comprend pas la phrase donc il faut le relire deux ou trois fois donc j aime bien lire un livre sans
35. n pe tit peu enfin rien de bien extraordinaire mais euh mon p re lui il lit pas donc y a pas trop de lecture dans la famille donc je me demande si a vient de a si du fait que j ai pas t trop enfin si c est le fait que je suis pas tr s destin lire Micha l Ben mes s urs elles lisent beaucoup mais moi non peut tre parce que elles elles ont lu beaucoup ben en fait eux ils lisent par plaisir ils ont t habitu s lire quoi et moi ben j ai jamais t habitu lire Laurent Ben par rapport d autres que je vois et qui sont toujours avec leur bouquins moi je lis presque pas Roselyne Le message est donc le suivant en gros je sais lire le probl me ne se situe pas l et pourtant je ne lis pas d abord parce que contrairement d autres je n en ai jamais pris l habitude Comment ces l ves se repr sentent ils le bon lecteur Pour nos t moins celui qui lit bien sait lire voix haute Quelqu un qui lit normalement qui bute pas sur les mots tout le temps qu on arrive comprendre quand il lit un texte quoi pas qui s arr te qui laisse un blanc quand il lit un texte lisa Quelqu un qui h site pas Antoine Ben d j quelqu un qui b gaie pas qui sait ce qu il dit Cyrille De ce point de vue l mise part lisa tous se consi d rent comme performants C est aussi Quelqu un qui lit vite Cyrille Antoine En comprenant l histoire Antoine Or certains avouent conn
36. naboutis ou au bord de la lecture Ces premiers constats nous am nent consid rer la lecture comme une comp tence inachev e au coll ge si les l ves manifestent un certain nombre de savoir faire lire voix haute de fa on relativement fluide tre capables de r pondre des questions portant sur un texte l apprentissage est loin d tre enti rement termin et beaucoup de choses restent encore construire dans ce domaine partir de ces constats nous avons eu envie d interroger la question de l apprentissage continu de la lecture au coll ge apprend on encore lire au coll ge Quoi et de quelle fa on Doit on consid rer que la scolarit l men taire r gle tous les probl mes relatifs la compr hension la m diation au livre Les l ves sont ils suffisamment outill s pour affronter les textes notamment litt raires qui leur seront propos s au coll ge Et qu en disent ils Dans quelle mesure les pratiques p dagogiques mises en uvre peuvent elles favoriser ou au contraire g ner la continuation des apprentissages dans ce domaine Et quels en sont les objectifs explicites ou implicites L objectif ici est donc de d crire et d analyser le rapport la lecture de ces l ves de mieux comprendre un certain nombre de leurs difficult s et de scruter leur manque d app tence vis vis de la lecture Pour r pondre ces questions nous avons fait le choix une fois n est pas
37. ole Maitrise de l crit et r ussite scolaire sont fortement li es Il est ind niable que les diff rents apprentissages disciplinaires prenant appui sur l crit l l ve en difficult avec l crit risque d tre en difficult scolaire Pour autant construire le rapport maitrise de l crit r ussite scolaire principalement dans ce sens ne permet pas d en explorer toutes les implications p dagogiques On peut en effet bien savoir lire et rater l cole Parmi les l ves rencontr s deux ont r ussi leur apprentissage de la lecture et ont suivi une scolarit primaire satisfaisante puis elles ont connu l chec au coll ge Quel enseignement tirer de cette situation dans laquelle se trouve un certain nombre d l ves 2 2 1 Laurine Aimer lire et rater l cole Laurine a suivi un parcours en primaire plut t satisfaisant mais n a pas franchi les obstacles du coll ge Elle se retrouve donc orient e en SEGPA o au bout du compte elle ne r ussit pas mal puisqu elle obtient en 3 une moyenne g n rale de 18 Son professeur pense qu elle pourra int grer une classe de BEP sans probl me et qu elle y r ussira Ces succ s scolaires ne doivent pourtant pas faire oublier que Laurine n a pas trouv sa place dans le cursus g n ral et qu elle a t d clar e en chec Or son profil d l ve et de lectrice contredisent la dialectique rapport au savoir rapport l crit chec r ussite En effet Laurine
38. on identifi une mati re aux contours un peu obscurs o l on ressasse l infini des choses des trucs sans mobile apparent C est juste des textes lire et apr s un truc un contr le Beno t Des tudes de documents pour arriver un but pour arriver quelque chose quoi un point de grammaire ou un truc comme a Dimitri et dont ils ont du mal cerner les enjeux Venons en pr sent aux difficult s que les l ves voquent propos de la lecture litt raire en fran ais Autrement dit quels sont les principaux obstacles embuches rencontr s par les l ves dans ce domaine Beaucoup voquent la difficult planter le d cor J arrive pas imaginer les personnages comment ils sont en r alit par exemple comme Harry Potter si on lit qu il a des cheveux bruns tout a mais on sait pas comment il est r ellement les paysages j arrive pas m imaginer j arrive pas rentrer dans le livre Cyrille Quand il crivent il faut vraiment se mettre dans le contexte etc et a j ai du mal arriver me mettre dans le m me contexte qu eux savoir dans quel contexte ils taient quand ils posaient la question C est le d but de l histoire en fait a m int resse pas Micha l Ici les l ves semblent souffrir de ce que l on pourrait appeler un manque de mise en sc ne comme si rien de concret ne les aidait laborer mentale ment le cadre imaginaire n cessaire
39. per u de mani re tr s positive par certains l ves pour qui la t l vision est le premier ou l un des premiers vecteur culturel C est encore le cas de Dimitri qui dit concernant l tude de Dracula Tout le monde en a entendu parler la t l ou quelque part d autre donc on avait envie de savoir mieux ce qui se passait M me chose pour Cyrille qui voque lui aussi l aide apport e par ce support dans le cadre des lectures faites en fran ais Une fois qu on a vu le film j ai bien aim mais sinon j aimais pas Le livre que j ai assez bien compris c est Le voyageur sans bagages au d but j y comprenais rien et la page 50 peu pr s on a regard le film et l je suis bien arriv lire et je suis rentr dedans la premi re chose que j ai faite apr s avoir fini mes devoirs le soir c est finir le livre alors qu avant le livre il tait au fond du tiroir et Un livre c est beaucoup diff rent quand m me du film y a beaucoup plus de choses dans le livre donc m me si on fait des contr les sur le livre et qu elle pose des questions un peu difficiles si on n a pas lu le livre on peut pas r pondre m me si on a vu le film mais on pourrait regarder le film avant de lire le livre comme a on pourrait se faire une id e C est pour voir l ambiance le caract re des personnages voir comment ils r pondent parce qu on lit mais on met pas le ton si on lit dans notre t te et apr s on arriverait se me
40. plein d autres choses faire c t et que d s que je rentre chez moi j essaie de bosser au maximum le reste c est vrai que je ne prends pas le temps de lire parce que c est vrai que tu peux toujours trouver un moment pour lire E Et le bouquin sur le photographe tu as fait pareil ou c est parce que c est Candide qui est un peu M Non le bouquin sur le photographe c est quelque chose qui m int ressait d j plus plus simple lire c est dire tu t arr tes une page bon tu peux reprendre facilement sans avoir faire tout le cheminement E Et en plus des bouquins qu on vous conseille ici ou que Madame A vous impose tu lis comme a chez toi ou ce n est pas une activit qui fait partie de tes habitudes M Ce n est pas une des activit s la plus d velopp e mais de toute fa on pendant les 2 ans qu il me reste tenir on en a un peu parl avec Madame A on n aura pas le temps de lire enfin part si je d vore la chose ce qui n est pas mon cas on n aura pas le temps de lire et Candide et quelque chose qui me plait c t l je vais rentrer en L il faut que je me mette fond dans tout ce que je vais avoir pour le Bac enfin je veux dire elle nous donne par exemple 3 bouquins lire ma s il y en a 5 c t qu il faudrait lire aussi pour pouvoir avoir une plus grande ouverture E Et l tu te dis que a va se passer comment alors M Je ne crains pas parce que moi si je suis en L c est parce
41. que je d sire lire et justement appren dre lire entre guillemets m enrichir de tout a mais l a fait longtemps que je n ai pas lu un bouquin pour moi On retrouve dans les propos de Marion ce qui est apparu dans l entretien de Mathias la question de l int r t pour ce qu il y a lire On ne peut donc pas consid rer que ce point n est pas n vralgique Mais pour Marion cette lecture m me peu int ress e est possible parce qu elle est motiv e par le projet scolaire En revanche Marion d crit aussi explicitement le paradoxe de la lecture scolaire m me pour les classes de litt raires et qui consiste devoir lire sans avoir les moyens de mettre en uvre cette lecture n cessaire Par ailleurs dans cet entretien le paradoxe est en quelque sorte pouss son paroxysme dans la mesure o tous les acteurs du syst me scolaire y compris les profes seurs l ont int gr On en vient donc affirmer que la caract ristique de la lecture scolaire est qu elle est la fois n cessaire et impossible Il est difficile de ne pas se demander comment les l ves peuvent int grer cette dialectique et on voit la n cessit d en mesurer les effets contreproductifs sur les repr sen tations de la lecture Conclusion g n rale L analyse des propos de nos t moins qu il s agisse de coll giens ordi naires d l ves raccrocheurs ou en SEGPA interroge les pratiques p dagogi ques En effet tous ces l ves savent
42. re de ces l ves ont pu constituer un moment donn des obstacles Elle devrait galement nous aider rep rer quels moments sp cifi ques du parcours ces obstacles se sont r v l s et dans le cadre de quelles moda lit s d apprentissage de l crit cole maternelle et d couverte du code CP et apprentissage de la lecture cycles 2 et 3 coll ge et approche litt raire lyc e et exercices formels L article tout en rendant compte des r ponses des l ves pr sentera et analysera leur profil de lecteur ainsi que leur rapport la lecture Cette analyse devrait nous permettre de mettre en vidence les l ments li s l crit en milieu scolaire et per us comme sources de rat s de l apprentissage et causes de l chec 1 Lire au coll ge ils savent faire mais n aiment pas a Dans cette partie du texte nous allons nous centrer sur une cat gorie d l ves qui a retenu notre attention mais dont on parle finalement assez peu il ne s agit ni des 4 d l ves en grande difficult de lecture la fin de la scola rit l mentaire suspect s d illettrisme ou de dyslexie ni des l ves tr s bons lecteurs leur entr e en 6 capables d interpr ter des textes de nature diff rente de relier les informations entre elles de comprendre les informations 1 CLEPT Coll ge lyc e litaire pour tous tablissement qui accueille des coll giens et lyc ens raccrocheurs 118 Rep
43. rendre que quand on lit il faut comprendre Discours ordinaires d enseignant sur la lecture Les Cahiers du Fran ais contemporain n 7 Lire pour comprendre pratiques de lecture et fractures du sens dir Dab ne M PENLOUP M C 1999 L criture extrascolaire des coll giens des constats aux perspectives didactiques Paris ESF PRIVAT J M 1993 L institution des lecteurs in Pratiques n 80 p 7 34 VIALA A 1995 Demandez le programme in Seibel B dir Lire faire lire Des usages de l crit aux politiques de lecture Les ditions Le Monde p 319 333 138 Rep res 35 2007
44. rent j appelle pas a de la lecture Rapha lle Pourtant les lectures sont nombreuses la plupart du temps reli es un centre d int r t privil gi et font l objet d un investissement important Quand je lis c est pas pareil c est pas une histoire parce que je lis des trucs de self d fense ou l encyclop die des arts martiaux sur ce qui me plait quoi mes loisirs J ai 2 PENLOUP M C 1999 124 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture plein de livres sur a Des fois je sors pas de chez moi je vais m me pas voir mes copains quand je suis dedans j en sors plus Beno t Des romans j en lis pas tellement parce que je sais pas trop mais c est souvent sur Internet que je lis des textes des petits textes des paragraphes qui parlent de l histoire sur la guerre sur les armes comment taient les bunkers comment ils se cachaient tout a a m int resse les diff rents al li s Cyrille Les livres euh qui expliquent des trucs d informatique comme a j aime bien je lis comme a sans h siter j arr te pas Anthony Les revues de p che chasse des choses comme a c est des choses pas li es au coll ge J ai lu un gros livre sur la chasse donc tout ce qui est gibier a a m int resse Na m Deuxi me constat les l ves voquent la n cessit de relire de revenir sur certaines lectures qu ils n ont
45. rire et apr s si tu veux faire quelque chose de correct 132 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture c tait pour moi tr s dur oui oui moi a me soulait la mise l crit je rentrais chez moi je n avais pas envie d crire des trucs quoi je rentrais je n avais qu une seule envie c tait de poser mon sac d couter de la musique de faire autre chose tout sauf du scolaire quoi E Et cette poque l est ce que tu crivais pour toi toute seule comme tu le fais maintenant M Non non pas du tout je faisais vachement de sport vachement de dessin mais l criture non Dans ce contexte scolaire que Marion d crit comme stressant la pratique de l crit perd son sens et paradoxalement il faut quitter l cole pour renouer avec l crit et la lecture E Et la lecture pareil M Et la lecture non c est au moment o j ai d croch que j ai commenc lire vu que les cours ne me plaisaient pas il y a quand m me un manque les cours c est quand m me quelque chose qui te rentre dans la t te enfin et l une envie de me nourrir de litt rature de phrases enfin de quelque chose et l a m a fait vachement de bien de pouvoir rester chez moi et de passer des journ es lire l par contre mes bouquins je les d vorais assez vite alors j ai lu Le voyage en Iran de Betty Mahmoody a me plaisait parce que c tait une histoire
46. s alarmistes le comptage des illettr s des faibles lecteurs des dyslexiques On ne peut bien videmment pas nier que certains l ves ont des difficult s avec la lecture et qu il faut les aider surmonter leurs rat s de l apprentissage de la lecture Pour autant tout ne va pas de soi et il parait n cessaire de continuer questionner certaines r ponses construites trop h tivement y compris par les chercheurs et certaines explications tablies aujourd hui comme des vidences afin de mieux cerner le rapport entre l chec scolaire et la maitrise de l crit et plus particuli rement la lecture Ne pas savoir bien lire conduit il forc ment l chec Et inversement bien lire conduit il forc ment la r ussite scolaire Dans quelle mesure l cole ne construit elle pas de l chec langagier et scriptural Ainsi osons explorer cette id e que les rat s de l apprentissage de la lecture ne sont peut tre pas forc ment les rat s de la lecture et osons nous demander si ce n est pas l cole qui rate quelque chose en mati re d apprentissage de la lecture avec certains l ves Cette partie vise donc construire un contre point en regardant la question de l apprentissage et de la pratique de la lecture selon deux prismes construits partir de deux groupes d l ves d une mani re r trospective partir du point de vue des lyc ens d crocheurs d une mani re d cal e partir du point de vue des
47. s comme repr sentatifs de profils d l ves pour lesquels le lien qui s est tiss entre lecture et chec scolaire questionne les pratiques p dagogiques On peut consid rer que ces l ves constituent des exceptions nous ne le croyons pas dans la mesure o nous avons retrouv dans les propos de leurs camarades des questionnements similaires Par ailleurs mieux comprendre le rapport entre chec scolaire et lecture passe par la voie de la centration sur le sujet l ve et lecteur pris dans son individualit et sa singularit et sur ce qu il construit et comprend de son activit de lecteur et de son apprentissage de la lecture Enfin l enseignant travaille avec des individus et pas avec des groupes sociaux Certes ce qu il sait des pratiques socioculturelles l aide lire et d coder les pratiques individuelles mais il a surtout d coder des individus pour leur proposer des d marches d apprentissage adapt es Les r ponses que nous avons obtenues lors des entretiens nous montrent qu en mati re d apprentissage de la lecture et de recherche sur ce qui le favo rise ou y fait obstacle il pourrait tre profitable de d coupler des paradigmes consid r s jusque l comme fortement li s savoir la lecture et l criture la pratique de lecture et la r ussite scolaire la lecture scolaire et la lecture extra scolaire Ces analyses se pr sentent davantage comme des hypoth ses pour affiner la r flexion sur la lecture
48. ttre une petite histoire dans notre t te mettre en sc ne Cyrille voit aussi un lien entre lecture et jeux vid o Enfin a a pas trop voir avec la lecture mais si quand m me c est que dans les jeux vid o juste avant de faire une bataille y a deux ou trois pages qui expliquent comment a va se d rouler et y a des jeux qui sont assez r els j en ai trois et j aime bien suivre l histoire je fais pas b tement le jeu comme a l je suis bien passionn je sais pas pourquoi mais j aime bien Entrer en lecture sous toutes ces formes implique donc d avoir du temps de pouvoir relire de pouvoir faire le lien entre les lectures faites en classe ses centres d int r t et les m dias les plus familiers en l occurrence la t l vision ou Internet par exemple L entr e en lecture implique aussi un certain partage une invitation qui passe par la parole s ils ont franchi le cap ou sont en train de le faire c est parce quelqu un les y a invit s verbalement Ce passeur de lecture est souvent le professeur de fran ais mais pas toujours Ce peut tre une personne proche en qui on a confiance avec qui on a tiss des liens affectifs Y en a un que j ai bien aim c est ma s ur qui m avait dit de le lire Moi Christiane F 13 ans drogu e prostitu e celui l il est bien parce qu en fait c est une bio graphie elle raconte son mal tre Beno t Ben en fait je savais pas du tout quoi m attendre et j avais pl
49. tuation de la vie professionnelle Mathias admet que ce travail sur les textes est utile pour avoir le CFG et aller en apprentissage cependant cela ne suffit pas les rendre int ressants Pour lui l utilit scolaire ne fonctionne pas comme un motif suffisant En m me temps il consid re que l cole est utile et qu elle lui apporte quelque chose Ce qui lui pose probl me c est le d calage Ainsi Mathias est d accord pour apprendre mais des choses qui le concernent Si on lui faisait lire des manuels d entretien des machines agricoles alors il serait int ress L avis de Mathias et des l ves qui pensent comme lui induit forc ment une interrogation pourquoi l cole n utilise t elle pas ces supports qui int ressent les l ves D autant que ces livres ont autant d int r t linguistique que les autres Ne peut on pas consid rer qu il y a l un rat de l cole quand elle r duit la lecture un type de texte et une modalit de lecture On peut conclure que l cole cr e le non investissement sur la lecture scolaire 2 3 2 Quand l cole emp che de lire En d pit du support dont l int r t ne rencontre pas toujours l adh sion de l l ve lecteur il arrive aussi que se construise ce paradoxe que la prescription scolaire de lecture aboutisse la non lecture comme le montrent les propos de Marion En effet l cole prescrit des lectures consid r es comme faisant partie de la formation Le pl
50. us souvent ces lectures sont en rapport avec l enseignement du fran ais mais pas seulement Par exemple dans le cadre de sa participation un atelier photographique Marion doit lire un ouvrage sur un photographe Ces lectures devant se faire la maison l l ve est renvoy e une pratique personnelle et solitaire de la lecture non accompagn e qui n est pas sans lui poser de probl me m me quand le lecteur est capable d une lecture longue et difficile comme c est le cas de Marion E Est ce que dans votre formation au CLEPT vous avez beaucoup de moments o vous lisez pour lire Marion Ben des bouquins en fran ais qu on doit lire mais a a se fait la maison donc a apr s c est personnel bon moi j arrive mais je ne d vore pas le bou quin en deux soirs Madame A nous impose des livres elle nous en conseille aussi 10 GUERNIER 1999 Rep res 35 2007 135 Catherine Frier et Marie C cile Guernier plusieurs ensuite dans l atelier on a un bouquin aussi lire sur un photographe E Il faut que vous lisiez Candide en entier vous avez beaucoup de temps pour lire Candide M Oui voil bon g n ralement deux trois semaines oui a me parait beaucoup de temps si je respectais la chose mais moi c est dire je sais qu il faut que je lise ce bouquin j ai un d lai de 10 jours donc moi je le lirai d s que j y penserai enfin 4 5 jours avant la date fatidique parce que j ai
51. usieurs amies qui m en parlaient en me disant que c tait super bien super bien super bien et comme c est deux amies avec qui je m entends super bien et qu on a les m mes gouts j ai dit pourquoi pas je vais essayer et finalement ouais je sais pas ce qui m accroche exactement mais j aime Rapha lle partir de l le rapport la lecture peut basculer l image de l l ve r frac taire se fissurer le lecteur devenir plus confiant laissant pr sager bien d autres lectures encore Par exemple moi je prends l ann e derni re y avait des livre qui m int ressaient pas du tout je m en rappelle plus et on a lu le livre de Robinson ou la vie sauvage non 126 Rep res 35 2007 Paroles de lecteurs et si les usages scolaires emp chaient de pratiquer la lecture Vendredi ou la Vie sauvage et il m a bien plus celui l et je l ai fini en beaucoup moins de temps que je fais normalement et je pense que c est partir de l si on trouve un bon livre L o L analyse empirique du rapport personnel la lecture des l ves qui vient d tre pr sent e montre bien le d veloppement de comp tences et d habitudes de lecture mais ces pr mices de passages la lecture sont finalement peu relay es ou investies par l enseignement Or la lecture n est pas coup e des autres activit s langagi res Jouer regarder la t l lire chercher de l informa tion sur Internet chatter parler couter imagin
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