La littérature comme espace d`apprentissage de l`altérité et
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1. apprendre comprendre d apprendre analyser et questionner A l heure o les enjeux pas uniquement symboliques d ailleurs imposent une loi d airain au langage via toutes les formes de politicly correct de langue de bois et d int grismes divers la litt rature constitue dans la classe de langue un espace de libert et d ouverture alors qu elle a t et est encore trop souvent per ue comme pas assez communicative R duite parfois n tre qu un support d apprentissage linguistique ou qu une repr sentation de faits de situations et de personnages pr sent s comme significatifs par rapport une culture le texte litt raire pourrait au contraire retrouver progressivement ses titres de noblesse comme vecteur d une approche humaniste de la communication Je rejoindrai en ce sens Italo Calvino 1998 99 qui pense que la litt rature est en mesure de cr er des anticorps qui s opposent au d veloppement du fl au fl au d fini par l auteur comme une peste langagi re qui se traduit par une moindre force cognitive et une moindre imm diatet par un automatisme niveleur qui aligne l expression sur les formules les plus g n rales les plus anonymes les plus abstraites qui dilue le sens qui mousse les pointes La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers expressives qui teint toute tincelle jaillie de la rencontre des mots ave2. au contraire plurielle Le clich culturel vient la rescousse du clich id ologique au nom d une lecture unilat rale Au contraire le roman est un excellent moyen de retrouver la diversit du quotidien de vivre l alt rit travers une fiction C est un prisme qui traduit la valeur exponentielle de la r alit Pour M Bataille une des fonctions du roman est de restituer la v rit multiple de la vie Bataille 1994 apud Laplantine 1986 37 d finition m me du roman inclut le principe de pluralit Peu importe la distinction entre l imaginaire et le r el ce qui compte c est de s initier la notion de point de vue de d centration d empathie avec les personnages Rappelons ce titre que les rencontres de la vie courante ne permettent pas de rencontrer des individus dans leur v rit profonde mais bien des formes de th tralisation de mise en sc ne de chacun d entre nous IL existe toujours entre la production et la r ception une zone d incertitude une n buleuse discursive pour reprendre une expression d Umberto Eco qui est r duite en fonction de l exp rience des individus de leur capacit de perception et d valuation des enjeux Il n y a pas de lecture ni d criture neutre hors de toutes conditions socio historiques qui interf rent sur la nature et la forme du message Le texte fonctionne comme une structure ouverte selon la formule d U Eco autant au niveau d
3. aussi sur celle de Jacques Derrida 1972 Marges de Jean Fran ois Lyotard 1972 L Art des confins G Durand 1980 L me tigr e sans oublier Le Tiers instruit de Michel Serres 1991 En conclusion que ce soit au nom de l exp rience intime de l trang it et de l alt rit de la projection de visions personnelles ou collectives de la volont de sortir des risques d enfermement li s aux descriptions ethnographiques la litt rature constitue une opportunit unique Apr s avoir vacu l imaginaire au nom de la scientificit c est au nom de la rigueur que l imaginaire retrouve par la m diation de la litt rature ses lettres de noblesse Alors que la rigueur s est dess ch e au nom de l objectivit le sujet implose et ne peut tre cern en toute rigueur que si l on fait appel la fluidit de l imaginaire La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers R f rences bibliographiques Affergan F 1987 Exotisme et alt rit Paris PUF Artaud Antoine 1971 Les Tarahumaras Paris Gallimard Bonn Charles Octobre D cembre 1983 La lecture de la litt rature alg rienne par la gauche fran aise le cas de Boudjedra in Peuples m diterran ens N 25 Bourdieu Pierre 1982 Ce que parler veut dire L conomie des changes linguistiques Paris Fayard Calvino Italo 1998 Le ons am ricaines Aide m moire pour le prochain mill naire Pari
4. sa propre libert qui est une conqu te et non pas une donn e imm diate En ce sens la pratique de la litt rature la proximit et la familiarit avec l uvre litt raire ne consistent pas chercher simplement d velopper l imaginaire ni m me rechercher des informations des indices susceptibles de porter une r alit tangible C est au contraire l occasion d une formation la vigilance en s arr tant sur les d tails Les doubles sens les implicites etc La litt rature comme espace d apprentissage de la distanciation Le romancier est un m diateur un initiateur qui favorise la d centration par le simple fait que son texte sugg re des interrogations et des hypoth ses La distance que le texte litt raire entretient avec le lecteur est certes une distance cr atrice mais c est aussi une distance qui permet au lecteur de voir et de se voir en oblique gt favorisant ainsi une objectivation de soi et du monde Les crivains ne cessent de dire sous des formes vari es la m me chose de d crire les m mes faits voire de dire et de se dire eux m mes et aux autres leur tranget et leur singularit L criture est cette lucidation permanente et renouvel e de soi et de soi par rapport autrui C est cette exp rience r fract e l infini qui autorise une appr hension de l universalit travers une perception d multipli e des singularit s Dans cette qu te ce qui importe c es
5. symboles etc ne sont que des pr textes nourrir son imaginaire en transcendant la r alit Les faits ne sont pas retenus pour eux m mes mais pour la charge affective motionnelle et ou po tique qu ils repr sentent ou qu ils peuvent susciter Ainsi la fascination d A Artaud 1971 pour les civilisations pr colombiennes lui sert de tremplin une expression totalement personnelle en lui permettant d habiller ses visions En ce sens la culture est pr texte au texte Les textes litt raires ne sont pas de simples descriptions mais aussi des syst mes de r miniscence qui permettent de lib rer les souvenirs et l imaginaire Le roman n est pas un t moignage M Kundera s insurge contre ce pr jug Il explique que dans La vie est ailleurs qui raconte l histoire d un jeune po te l poque du stalinisme le plus exacerb que le th me du livre n est pas de faire d couvrir le stalinisme mais au contraire que le th me du livre est le lyrisme le lyrisme r volutionnaire de la terreur communiste qui a jet une lumi re inattendue sur l ternel penchant lyrique de l homme gt Kundera 1993 De fait tudier les textes non pas seulement travers le temps qui les a vus na tre mais travers le temps qui les conna t permet d approcher l id e d universalit qui est constitutive d une ducation humaniste Litt rature et apprentissage de l alt rit Contrairement la tradition uni
6. La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers Martine Abdallah Pretceille Association Bernard Gregory R sum Les repr sentations sociales constituent un filtre dans l approche de l alt rit et de l trang it Plut t que de s appuvyer sur elles pour apprendre les d passer je vous propose de faire un d tour un d tour notamment par la litt rature L objectif est de tenter de d montrer comment l espace de libert et de cr ation que constitue le texte litt raire est un espace de formation et d apprentissage de la d centration et de d passement du soi Les liens entre litt rature et repr sentations sont complexes Ces derni res peuvent m me tre des pi ges si on tend les rendre monos miques alors qu elles sont par essence polys miques et ouvertes l interpr tation voire la r interpr tation l infini car fond es sur la dialectique entre le singulier et l universalit Mots cl s litt rature repr sentations alt rit universalit singularit diversit Resumo As representa es sociais constituem um filtro na abordagem da alteridade e da estrangeiridade Mais do que nos apoiarmos nelas para aprender a superd las proponho aqui fazer um desvio passando sobretudo pela literatura O objetivo tentar demonstrar como o espa o de liberdade e de cria o que o texto liter rio encerra um espa o de forma o e de aprendizagem do de
7. aubert Sartre 1972 Flaubert tait d une part Gustave comme n importe qui comme tout le monde mais il poss dait en plus la particularit d enfermer en lui dans ses livres l universalit tout enti re IL tait une sorte d homme monde et c est pour cette raison que Sartre a d cid de l appr hender sous l angle de l universel singulier C est sur ce type de concept que peut se construire une approche interculturelle car il permet de prendre en compte le fait que tout tre est la fois diff rent de moi et identique moi La litt rature incarne cette articulation entre l universalit et la singularit Les crivains s adressent tout le monde et sont re us diff remment par chacun d entre nous Ils traduisent la fois un v cu propre et une affectivit sans fronti res La litt rature parle chacun de nous et en m me temps tout le monde Elle cr e un espace d authenticit partag e un imaginaire contradictoire la fois commun et singulier Elle s adresse au lecteur en particulier comme un individu totalement incomparable et irr ductible et la fois comme tre humain en g n ral La litt rature partage d ailleurs ce pouvoir avec les uvres d art La litt rature c est l humanit de l homme son espace personnel Elle rend compte la fois de la r alit et du r ve du pass et du pr sent du v cu et de l imaginaire Pour la classe de langue le texte litt rai
8. c des circonstances in dites La litt rature n est pas r serv e aux litt raires et aux enseignants de litt rature ceux ci n en sont que les d positaires et non les propri taires Chacun b n ficie dans le domaine litt raire d un droit d inventaire notamment les enseignants de langue Les sciences humaines et sociales ont pendant longtemps cart la litt rature de leurs investigations Or le retour du sujet la valeur accord e l tude des repr sentations le recours la compr hension la reconnaissance de la pluralit des points de vue et d une certaine forme de relativisme m thodologique constituent autant de raisons qui justifient le retour du texte litt raire comme t moignage de l exp rience individuelle et de l apprentissage de l alt rit et du divers L imaginaire et la cr ativit ne repr sentent pas un obstacle plus insurmontable l analyse que les m canismes de d fense et de fuite mise en place par les observ s et les interview s dans le cadre des enqu tes sociologiques Plusieurs arguments plaident en faveur de la r int gration de la litt rature dans les classes de langue dans une perspective d un apprentissage de l alt rit au service d un humanisme du divers qu il s agit de concevoir et de mettre en uvre travers des pratiques ducatives et sociales La question est de savoir quelle exp rience de l alt rit nous permet la litt rature et comment il est
9. discours comme b tons rompus et le dessin trac en toute libert sans intention naturaliste et nous ajouterons sans intention culturaliste s av rent plus efficaces que la mani re descriptive commune la plupart des sp cialistes du r cit de voyage genre certes attrayant mais que son caract re de vue prise du dehors sans m me parler du trop tentant coup de pouce rend bien souvent fallacieux Leiris 2992 90 Les regards crois s et multiples le principe de l ethnologie en retour sont autant de points d appui de cette diversification des points de vue On ne compte plus les analyses de presse les ouvrages les articles qui auscultent soi et les autres et r ciproquement Ils constituent une base de donn es intarissable Atitre d exemple je mentionnerai l ouvrage de La folle et le saint de Catherine Cl ment et S Kakar 1993 dans lequel les auteurs rapprochent deux biographies celle d un saint hautement reconnu objet de v n ration collective et celle d une pauvre d lirante enferm e la Salpetri re gt C est par un jeu de miroir que les auteurs analysent ces jumeaux spirituels qui voluent dans des environnements radicalement diff rents mais qui connaissent des extases semblables et vivent des situations de marginalit sociales et mentales admises diff remment en France et en Inde C est le registre de l identit et de lexil que Nancy Huston et Le la Sebbar 1986 chan
10. e l criture que de la lecture IL est toujours en instance plurielle d explication et d interpr tation Or il est int ressant de constater que tr s souvent d s qu il s agit de culture l interpr tation fait l conomie du contexte d nonciation oubliant que le destinateur et le destinataire font des changes constants On ne peut que soutenir F Affergan 1987 247 quand il affirme qu un discours sans pratique nonciative et sans r f rence circonscrite finit par ne parler de rien mais ce qui est plus grave en anthropologie annule sont propre objet l Autre L Autre est le corollaire asym trique mais r ciproque du sujet nonciateur gt Mettre en uvre un apprentissage de l alt rit et de la diversit repose en fait sur l apprentissage de la lecture et de la capacit d interpr tation L uvre litt raire est une uvre ouverte autant dans l criture que dans la lecture Loin des cat gorisations et des classifications elle permet donc d appr hender l Autre travers ses variations et ses modulations Synergies Br sil n sp cial 2 2010 pp 145 155 Martine Abdallah Pretceille L exp rience de l alt rit suppose de savoir lire c est dire pour M Leiris apud Sollers 1994 de vivre le monde l histoire et sa propre existence comme un d chiffrement permanent et l objet de la litt rature est justement de nous apprendre lire c est dire fabriquer
11. gent pendant deux ans des lettres en fran ais L une vient du Canada la seconde d Alg rie mais elles vivent toutes les deux Paris Elles disent et se disent leur exil leur trang it qui interdit la transparence et qui prot ge contre l intrusion de l autre mais qui explique leur complicit Les imaginaires sont de plus en plus m l s Une analyse sur Les Am riques latines en France Leenhardt Kalfon et al 1992 s attache faire fonctionner le m tier tisser dans l autre sens savoir mettre en valeur ce que la France doit aux Am riques latines en contrant leur regard sur cet effet de retour gt Synergies Br sil n sp cial 2 2010 pp 145 155 Martine Abdallah Pretceille Un travail sur les biographies m tiss es dans les parcours et ou dans les productions litt raires permettrait la mise en relief une sociologie de la bigarrure qui est une des caract ristiques de la modernit au sens anthropologique du terme A titre purement indicatif nous pouvons mentionner quelques extraits significatifs de la probl matique Mon p re s appelle Abraham et comble d ironie s est toujours fais appeler Adolphe pour se fondre dans la masse Ma m re fut d clar e apatride pendant la Seconde Guerre mondiale Notre patronyme d clenche toujours la m me sempiternelle question quant la prononciation et ses origines En France chaque nouvelle rencontre on m affuble de toutes sorte
12. ingularity diversity Le monologue exige l autre Gr ce l autre il est possible de s exprimer On ne retient souvent de l autre que ce qui permet de poursuivre le monologue Le vrai dialogue ne peut na tre qu entre deux trangers Chacun attend de l autre ce qui l veillera lui m me gt Jarbes 1989 Plaidoyer pour la r introduction du texte litt raire en classe de langue Le primat de la dimension fonctionnelle du langage a engendr un enseignement d fini essentiellement comme une instrumentation et une technicisation y compris dans le domaine culturel du langage et de la communication La question de la finalit des apprentissages linguistiques et culturels est pos e Faut il apprendre conna tre une ou des langues une ou des cultures une ou des litt ratures ou faut il chercher comprendre l autre communiquer avec lui travers notamment sa langue sa culture son histoire sa litt rature Atravers la ma trise d une ou plusieurs langues d une ou plusieurs cultures c est la compr hension des usages du Monde qui est en jeu Malgr l incontestable effet de panache produit par l laboration de toutes les grammaires de comportements culturels les dictionnaires relatifs au non verbal les tableaux synoptiques des comparaisons culturelles la question de leur pertinence demeure car l ensemble rel ve simplement d un largissement factuel des connaissances alors qu il s agit d
13. possible de l utiliser dans les classes de langue Le texte litt raire production de l imaginaire par excellence est un genre in puisable pour la rencontre de l Autre rencontre par procuration certes mais rencontre tout de m me La litt rature permet d tudier l homme dans sa complexit et sa variabilit Elle permet d explorer une pluralit de personnages de situations Elle est la fois actualisation mais aussi anticipation de visions du monde et du genre humain En ce sens elle est un point d appui pour l tude des repr sentations condition de ne pas rechercher une repr sentativit statistique et de tenter de saisir les faits et les situations partir de leur profondeur la fois subjective et universelle Selon P trone le monde entier joue la com die C est donc sur le registre du masque et de l apparence qu il convient d appr hender la question des repr sentations Les individus changent du sens et non pas seulement des signes que ces derniers soient linguistiques ou culturels Les messages n ont pas comme seule fonction l information D autres enjeux d autres rapports se jouent Il est m me rare selon P Bourdieu 1982 que l information soit le but ultime de l change langagier La recherche de profit symbolique justifie souvent la communication Les indices linguistiques et culturels les repr sentations mutuelles deviennent alors des sympt mes d une relation et porte
14. r de lire le texte litt raire peut tre pr texte une approche anthropologique approche qu il ne faut pas confondre avec une approche ethnographique L anthropologie s int resse l homme dans sa globalit et sa diversit selon le principe de variation Elle correspond une d marche qui consiste partir du particulier pour construire une th orie de l homme L ethnographie cherche identifier les diff rences culturelles S appuyer sur une analyse culturelle ne consiste pas rechercher une v rit culturelle susceptible de produire des images des repr sentations objectives suppos es repr senter la r alit mais consiste appr hender l trange familiarit de l alt rit Que la rencontre avec autrui se fasse directement par contact dialogue ou change ou par la m diation d un support film article de presse texte litt raire etc la plus grande difficult consiste viter d riger une repr sentation port e par l imagination de l auteur en une g n ralisation abusive Dans un texte litt raire comme dans tout discours d ailleurs les allusions culturelles n ont pas d autonomie propre elles ne prennent sens que dans un contexte Le nominalisme et le culturalisme ne sont en ce sens que des maladies infantiles des tudes culturelles effectu es partir des repr sentations En substituant la r alit culturelle sa repr sentation le lecteur ou le r cepteur s in
15. raphiques et historiques La litt rature constitue une source d informations souvent irrempla able d j largement utilis e par les historiens Duby Leroy Ladurie Chartier Ari s etc mais aussi de plus en plus par les anthropologues Laplantine etc Le discours litt raire comme tous les discours d ailleurs v hicule des images des repr sentations qu il convient de diss quer au m me titre que celles recueillies par le biais de questionnaire ou de tests projectifs Le niveau microscopique toujours difficile s rier est par excellence le registre du romancier Avec la production litt raire s ouvre donc une mine consid rable de lieux d observation et d analyse d autant que le mode de connaissance litt raire met en vidence des significations voil es ou occult es voire interdites dans une culture et lib re le langage des conventions des clich s et des st r otypes Laplantine 1986 34 Si toute connaissance est repr sentations la litt rature a sa place dans les discours sur l homme Certes il ne s agit que de repr sentations fictionnelles maisenr alit existe t ilune diff rence de nature avec les autres repr sentations sociales ou psychologiques individuelles ou collectives Ce qui compte ce qui prime ce sont les pr cautions d analyse et d interpr tation Sans vouloir remettre en question l int r t des analyses textuelle et esth tique sans oublier la gratuit du plaisi
16. re est une chair linguistique vivante qui vit de l imaginaire et qui malgr sa totale singularit est compr hensible travers le temps et l espace Qu est ce qui fait demande Philippe Hamon 1982 que Balzac traduit reste Balzac que Balzac au cin ma reste Balzac et que la litt rature chappe toute d finition ferm e Toute uvre litt raire est comme l anthropologie la fois particuli re et universelle Particuli re au sens o elle s appuie sur des faits sp cifiques tr s souvent biographiques qui font cho chez les lecteurs par leur caract re pr cis ment universel par leur pouvoir de signifier travers une mise en situation singuli re dramatique comique ou encore humoristique des ressemblances 148 La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers profondes Ainsi A Breton qui d couvrit le Mexique en 1938 consid rait que ce pays tait l expression m me du surr alisme Le contexte romanesque enracine et individualise des universaux J P Sartre consid re qu il y a toujours une mani re de comprendre l idiot l enfant le primitif ou l tranger pourvu qu on ait les renseignements suffisants En ce sens nous pouvons dire qu il y a universalit de l homme mais elle n est pas donn e elle est perp tuellement construite Je construis l universel en me choisissant Sartre 1970 70 Pour l crivain les items culturels croyances rites
17. s Gallimard Ed or 1988 Chedid A 1976 Fraternit de parole Paris Flammarion Cl ment C Kakar S 1993 La folle et le saint Paris Seuil Derrida Jacques 1972 Marges Paris Ed de Minuit Durand G 1980 L me tigr e Paris Deno l Gonthier Glissant Edouard le 4 novembre 1993 Strasbourg in Conf rence inaugurale du Carrefour des litt ratures europ ennes Le Monde 5 Novembre 1993 Hamon Philippe 1982 Po tique Paris Hegel G W 1944 Ph nom nologie de l esprit Paris Aubier Huston N Sebbar L 1986 Lettres parisiennes Histoires d exil Paris Ed J ai lu Jabes Edouard 1989 Un tranger avec sous le bras un livre de petit format Paris Gallimard Kundera Milan 24 Septembre 1993 Le Monde Laplantine Fran ois 1986 Anthropologie de la maladie Paris Payot p 34 Leenhardt Jacques Kalfon P et al 1992 Les Am riques latines en France Paris La D couverte Gallimard Leiris Michel 1992 Zebrage Paris Gallimard Folio Essais Lyotard Jean Fran ois 1972 L Art des confins Paris Ed Galil e Sartre J P 1970 L existentialisme est un humanisme Paris Nagel 1972 L idiot de la famille Paris Gallimard Serres Michel 1991 Le Tiers instruit Paris Fran ois Bourin Sollers Philippe 11 F vrier 1994 Le Monde
18. s de nationalit s hors la fran aise et en Allemagne j ai appris que j tais typiquement fran aise tellement parisienne Andr e Ch did Fraternit de parole Chedid 1976 54 L ancien Secr taire g n ral de l ONU Boutros Boutros Ghali d clarait dans un hebdomadaire Mes parents me grondaient en fran ais pour pargner mon amour propre devant les domestiques On parlait en fran ais entre amis anglais au Guerigeh Club arabe l office Sadate m appelait Boutros quand il tait de bonne humeur Pierre quand il tait f ch ou si quelque chose n allait pas dans une n gociation 1993 Le Nouvel Observateur Le fait d admettre que les repr sentations culturelles s inscrivent dans un espace social et relationnel n cessite d avoir recours une science qui s int resse la compr hension des processus et aux dynamiques En effet les r f rences ne sont plus seulement celles du stable et de l homog ne mais du changement et du complexe A l imaginaire de l identit racine unique gt est substitu l imaginaire de l identit relation gt qui conduit au chaos monde gt qu Edouard Glissant 1993 d finit comme le choc des cultures dont nous n avons pas encore commenc saisir ni le principe ni l conomie Plus que le m tissage des cultures c est la culture du m tissage qu il convient de d velopper en s appuyant non seulement sur l uvre d Edouard Glissant mais
19. scentramento e da supera o de si Os v nculos entre literatura e representa es s o complexos Estas podem at se tormar armadilhas se tentarmos torn las monoss micas na medida em que elas s o por excel ncia poliss micas e abertas interpreta o at mesmo re interpreta o ao infinito pois fundam se na dial tica entre o singular e a universalidade Palavras chave literatura representa o alteridade universalidade singularidade diversidade Abstract Social representations constitute a filter in the approach of the otherness and strangerness Rather than rely on them to learn to overcome them I propose to you to make a detour a particular detour by literature The aim is to try to demonstrate how the area of freedom and creation that is the literary text is also an area of training and learning of the decentration and overcoming of the self The links between literature and its representations are complex These may even be traps should one tend to make said representations monosemic i e to give them only one meaning whereas they are in essence polysemic i e of various meanings and open to interpretation or even 145 Synergies Br sil n sp cial 2 2010 pp 145 155 Martine Abdallah Pretceille to infinite re interpretations because based on the dialectic between that which is singular and that which is universal Keywords literature representations otherness universality s
20. scrit dans une posture qui d finit a priori une intentionnalit communicative en dehors m me de son auteur La premi re d rive d une utilisation des textes litt raires dans le cadre de l enseignement des langues et des cultures serait d op rer un amalgame entre le particulier du texte et le g n ral de l anthropologie de se pr ter l illusion La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers r aliste qui consiste croire que la litt rature est un simple reflet de la r alit L exemple embl matique de ce type d erreur est la repr sentation de la mine et des mineurs partir des textes de Zola Il ne faut pas prendre au premier degr une production discursive et culturelle IL convient de se m fier de toute utilisation du texte litt raire comme t moignage ou description de la r alit Charles Bonn notamment a maintes fois d nonc cette tentation de c der l illusion r f rentialiste et regrett par exemple que la litt rature alg rienne d expression fran aise ait t tudi e essentiellement comme des documents sur leur soci t d origine ou comme des prises de positions politiques diverses C est dire dans les deux cas comme un contenu Bonn 1983 3 Le texte est alors trait non pas comme un objet complexe et polys mique mais uniquement au premier degr oubliant que la dimension r f rentielle du texte n est ni d finie a priori ni unique mais
21. t moins l aboutissement que la d marche elle m me Par rapport une approche descriptive statique et ferm e du texte on privil giera l approche interpr tative dynamique et ouverte Curieusement face un v nement face une situation les individus ont tendance privil gier le registre des certitudes et des affirmations rel guant le doute alors que celui ci est essentiel toute interpr tation toute analyse tout apprentissage La fiction litt raire justement par son statut de fiction impose au contraire une d marche de prudence et d expectative La polys mie du texte est propice une formation l analyse polyphonique et polychrome qui constitue les points d appui de toute re connaissance d autrui dans sa singularit et dans son universalit L ducation la d centration peut tre illustr e par de nombreux romans que l on ne peut tous citer n anmoins je me permettrais d voquer titre indicatif seulement La vie mode d emploi de George Perec ainsi que Les enfants de Sanchez d O Lewis On ne restera pas insensible au titre tr s vocateur de J Cort zar Le Tour du jour en 80 mondes ainsi que Marelle de J L Borges ou encore Le Singe grammairien d Octavio Paz Ainsi paradoxalement les textes susceptibles de provoquer une distanciation par rapport soi m me ou autrui ne sont pas n cessairement ceux qui sont fortement marqu s par des r f rences culturelles On s at
22. tachera mon avis davantage aux textes inducteurs aux textes pr textes gt Dans Le ons La litt rature comme espace d apprentissage de l alt rit et du divers am ricaines Italo Calvino 1988 voque un de ses ouvrages Si par une nuit d hiver un voyageur et explique que son intention tait d offrir l essence du romanesque concentr e en dix amorces de roman qui d veloppent de mani re tr s diff rente un th me commun et agissent dans un cadre qu elles d terminent autant qu il les d termine lui m me Fournir des chantillons de la multiplicit potentielle des r cits possibles L auteur poursuit en pr cisant que ce m me principe est l uvre dans Le ch teau des destins crois s qui veut tre une sorte de machine multiplier les r cits partir d l ments figuratifs interpr tables en divers sens en l occurrence un jeu de tarots Dansun contexte d internationalisation du quotidien l heure des variations des acculturations r ciproques seule une lecture ouverte permet de multiplier les perspectives et donc de d velopper une comp tence pragmatique de d codage en fonction des points de vue et des enjeux La modernit se caract rise par le m tissage les m andres les parcours en chicane et les bricolages C est en ce sens que l on suivra encore une fois M Leiris qui consid re que pour exprimer les traits essentiels d un pays la po sie le
23. urs d enjeux qu il convient d apprendre d coder Les repr sentations ont une double dimension ce sont des saisies cognitives du monde mais ce sont aussi des m canismes de d fense et de justification d attitudes et de comportements Tout travail sur les repr sentations devrait 147 Synergies Br sil n sp cial 2 2010 pp 145 155 Martine Abdallah Pretceille se faire la fois sur les plans cognitif et psychosocial d autant que les repr sentations ne sont jamais les reflets de la r alit mais une interpr tation Et cette interpr tation est en m me temps un l ment interne une condition de la production et de la reproduction des rapports sociaux La reconnaissance de la culture en didactique des langues loin de s inscrire dans une logique de transparence entra ne au contraire l irruption de la complexit et l obligation d analyse avant toute justification culturaliste Apprendre suspendre nos certitudes culturelles tel est une de nos obligations La litt rature comme r fraction de L universel singulier Le concept d universel singulier forg par Hegel 1944 exprime la synth se possible entre un individu une particularit une singularit et le principe d universalit Un universel singulier c est l incarnation concr te de l universalit dans une personne pr cise et vivante Sartre a refond l universel singulier en l appliquant notamment Fl
24. versitaire qui cherche construire des objets homog nes stables et observables la litt rature comme la vie d ailleurs est un m lange d irrationnel et de rationnel de v rit et de mensonge d imaginaire et de r alisme d id ologie et de pragmatisme et c est justement dans ces interstices que peut se glisser l apprentissage du divers et de l alt rit Les variations sont constitutives du r el et la diversit est par nature polycentrique alors que la diff rence est duelle et induit presque toujours des in galit s Le texte litt raire est un des modes d acc s la compr hension du monde c est un des moyens d investigation car il est lui m me criture du monde Miroir d formant certes mais miroir quand m me il est un des r v lateurs privil gi s pour coder et d coder le monde La litt rature permet de conna tre des arch types des id aux gt de faire l exp rience de l alt rit et de l trang it Dans la mesure o le texte litt raire n est pas un objet sacr il peut tre largement investi comme outil d apprentissage car riches notamment en repr sentations et histoires de vie qui ne sont en fait que des formulations litt ralis es des tudes de cas largement tudi es en psychologie sociale Synergies Br sil n sp cial 2 2010 pp 145 155 Martine Abdallah Pretceille Ce regain d int r t pour le v cu correspond aussi la vogue des romans autobiog
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