Mémoire - Hal-SHS
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1. humanit proc de elle m me d une externalisation la suite de Leroi Gourhan Bernard Stiegler a montr comment l homo sapiens se distingue par sa capacit d ext rioriser dans la tekhn non seulement son corps mais surtout ses fonctions m morielles Avec l outil l homme met sa m moire hors de lui ajoutant aux m moires g n tique et nerveuse de l esp ce et de l individu une troisi me m moire qui ouvre la possibilit d un h ritage et d une culture Qu il soit ou non destin garder une trace le moindre artefact incorpore en effet dans sa structure une information sur son usage et sa fabrication Silex ou ordinateur l outil est toujours un aide m moire d positaire d une cha ne op ratoire susceptible d interpr tation et d appropriation il transmet un savoir et un savoir faire Les supports externes sont par cons quent bien plus que des objets subsidiaires Sans eux l humanit ne pourrait s affranchir de la finitude des m moires individuelles Sans eux il n y aurait ni socialisation ni transmission car aucune exp rience ou connaissance ne serait mobilisable sur plusieurs g n rations Mais les proth ses m morielles n assurent pas seulement le partage et la p rennit d une culture elles en conditionnent aussi la disposition En mod lisant les grilles partir desquelles s externaliseront de nouveaux savoirs les mn motechniques laborent autant qu elles enregistrent2. C est la logique du suppl ment mise en lumi re par Derrida La mat rialit de la trace ajoute au sens de l inscription une courbure qui ne peut s liminer et c est dans cette courbure que la pens e se constitue De l oralit au num rique l histoire des raisons est celle des suppl ments qui re configurent notre m moire Jack Goody a ainsi montr que l apparition de l criture n a pas eu pour effet de m moriser la culture orale mais d introduire une rationalit graphique fond e notamment sur les cat gories conceptuelles in dites de la liste de la formule et du tableau De m me l invention de la photographie n a pas simplement ajout une m moire de l image celle de l crit Elle a engendr la vid osph re en recentrant l conomie des traces autour du paradigme de l indice Enfin on peut avec Bruno Bachimont faire l hypoth se d une raison computationnelle mergeant de la g n ralisation des documents lectroniques et des hypertextes t Andr Leroi Gourhan Le Geste et la parole Albin Michel 1965 Bernard Stiegler La Technique et le temps Galil e 1994 1998 3 vol Jacques Derrida De la grammatologie ditions de Minuit 1967 Jack Goody La Raison graphique ditions de Minuit 1979 Bruno Bachimont Du texte l hypotexte les parcours de la m moire documentaire Technologie Id ologies Pratiques TIP num ro sp cial M moires collective
3. rarchies sociales expertises et autorisations Chaque mn motechnique s adosse de fait une institution qui r gle les modes de classement d acc s et de distribution des informations Pas de livre sans cole corps professoral et programme scolaire pas de t l vision sans politique audiovisuelle r galisme ou strat gie de cha ne Ainsi port es par une organisation mat rialis e les traces mettent en uvre des r gimes d autorit s d alliances et de priorit s qui font de la m moire un enjeu de pouvoir et un vecteur de discriminations Plus fondamentalement la transmission n a rien de consensuel parce qu elle suppose toujours une s lection Au plan de la collectivit comme de la conscience la m moire proc de par oblit ration autant que par capitalisation Le pass commun qui fonde l existence d un nous n est pas seulement le fruit d un h ritage Il est aussi une production faite d inventions et d amn sies Tout dispositif m moriel engage en m me temps des techniques d oubli Lois d amnistie r vision des programmes ou d sherbage des biblioth ques inscrire et archiver c est aussi raturer pour d partager le p rissable du m morable Comme le d montre la fable de Borges kA tout retenir ce serait faire de la m moire un tas d ordures un monde surcharg de d tails presque imm diats Sans ces proc dures d effacement il n y aurait pas plus de communaut que de pe
4. HAL archives ouvertes M moire Louise Merzeau gt To cite this version Louise Merzeau M moire M dium 2006 pp 153 163 lt halshs 00488414 gt HAL Id halshs 00488414 https halshs archives ouvertes fr halshs 00488414 Submitted on 1 Jun 2010 HAL is a multi disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci entific research documents whether they are pub lished or not The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad or from public or private research centers L archive ouverte pluridisciplinaire HAL est destin e au d p t et la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche publi s ou non manant des tablissements d enseignement et de recherche fran ais ou trangers des laboratoires publics ou priv s Louise MERZEAU M moire Article paru dans M dium n 9 rubrique un concept L objet de toute m diologie Sil n y a pas d objet m diologique mais seulement des mani res m diologiques de croiser technique et culture la m moire pourrait bien faire exception et constituer le point focal de nos probl matiques D abord parce qu elle est un autre nom de la transmission opposant au pr sent communicationnel la profondeur du temps long celle des archives des appartenances et des rituels Ensuite parce que l outillage mn motechnique est ce qui permet d identifier des m diasph res c est dire d
5. coup le fantasme d une m moire int grale que chaque mn motechnique ranime para t pouvoir se r aliser La croissance exponentielle des capacit s de stockage incite ne limiter les fonds qu en fonction du seul crit re de leur rentabilit L oubli n est plus concevable que comme l effet accidentel d un bug ou d une saturation momentan e des r seaux L automatisation des traces ach ve cette d responsabilisation de la s lection m morielle D l gu e aux machines le tri des item retenir et effacer chappe toute politique comme si devoir de m moire et m diation technique pouvaient s ignorer En s industrialisant la m moire a par ailleurs largement d borde les lieux traditionnels d une gestion autoris e monument cole biblioth que mus e De l institutionnel au particulier chaque d tenteur de savoir dispose aujourd hui des outils lui permettant d administrer ses propres archives De pyramidale l architecture m morielle devient rhizomique pousant l toilement des informations sur les r seaux Plus que jamais l organisation de la m moire requiert donc des politiques de normalisation mais aussi des dispositifs de connexion d change et de traduction Louise Merzeau M moire M dium n 9 Plus fondamentalement la num risation produit une d localisation m morielle parce que le num rique d couple la vue logique des contenus de leur implantation physiq
6. es milieux de transmission manant d un m me syst me d organisation des traces Enfin et surtout parce que dans les tableaux que la m diologie aime construire la m moire est toujours des deux c t s du c t de la culture traditions et comm morations comme de la technique supports et syst mes d archivage du c t de la mati re organis e la trace comme de l organisation mat rialis e institutions et politiques m morielles C est cette transversalit de la m moire que la m diologie doit mettre en vidence pour prolonger les apports respectifs de la psychologie et de la sociologie Si on la r duit une capacit psychique d enregistrement de l exp rience v cue par le sujet on lui d nie toute dimension collective et on s interdit de penser les ph nom nes de r fraction entre la m moire du groupe et celle de l individu Or comme l a soulign Maurice Halbwachs la m moire est moins le produit d une saisie que d une construction o l assemblage des fragments n cessite le relais des cadres sociaux du langage de l espace et du temps Mais la m moire n est pas qu une affaire de repr sentations fussent elles collectives Pour tre effectives celles ci doivent s incarner dans des lieux des figures et des rites dont Pierre Nora a montr la dimension performative Panth on Marseillaise ou Mur des F d r s la nation ne pr existe pas la m moire nationale et le
7. ns e S il n est pas de tra abilit qui ne soit politique c est enfin parce que la m moire engage toujours une anticipation Tout enregistrement s effectue en fonction d une restitution future qu il prescrit En m morisant une pratique la trace permet d effectuer de nouveaux gestes tout en contraignant la mani re de les effectuer Du format typographique au disque vinyle et du mus e la banque d images en ligne les supports et organes m moriels ne conservent pas Frances A Yates L Art de la m moire Gallimard 1975 10 Cf Les Cahiers de m diologie n 9 Less is more strat gies du moins Gallimard 2000 EE Borges Funes ou la m moire Fictions Gallimard 1957 Louise Merzeau M moire M dium n 9 seulement des contenus Ils fixent des modes de lecture d coute et de visualisation qu ils constituent en m me temps qu ils en t moignent C est ce qui fait de l indexation et de la normalisation les vecteurs sous jacents de toute culture Beaucoup plus qu un guide d acc s l index a la port e critique et programmatique d une glose et d un mode d emploi Par les cat gorisations qu elles mettent en place les notices descriptives conditionnent les analyses qu on pourra faire d un fonds anticipant ainsi questions jugements et appropriations Qu elles concernent le codage le transfert ou l agencement des traces les normes ne se contentent pas non plus d ent
8. perarchive Elle n a plus pour fonction de contenir un stock mais seulement d en garantir un acc s document et diff r Finalement c est l ensemble des flux qui se transforme en un gigantesque stock sous l effet de la logique d autor f rencement qui caract rise le num rique Instables les contenus se doublent d une information sur l information destin e instruire et anticiper leur utilisation Gr ce aux m tadonn es et aux hyperliens chaque s quence devient une cl d acc s pointant vers une autre r gion du flux Parall lement celle des documents les r seaux favorisent ainsi une prolif ration des outils documentaires Annuaires moteurs de recherche index d index les r pertoires se multiplient au m me niveau que ce qu ils r pertorient faisant de l hypersph re une vaste mn motechnie On assiste donc une v ritable redistribution de la fonction archivale Jadis confin e dans des territoires et des dispositifs sp cialis s la m moire affleure d sormais dans chaque v nement informationnel Et c est d une hybridation entre le temps long de la culture et le temps court de la technique que d pend maintenant la transmission http www merzeau net http www mediologie org
9. riner des pratiques existantes En imposant des standards elles renforcent ou disqualifient certains modes de lecture et d criture Autrement dit elles mod lisent les profils et les logiques d usage qui dessinent les contours d un espace public de la m moire L info m moire Loin d tre rel gu e au rang des valeurs obsol tes la m moire est l un des principaux enjeux de l hypersph re Au c ur de l innovation technologique comme des affirmations identitaires elle y r affirme son r le de m diation tout en subissant de profondes transformations En s organisant autour d une valeur index e sur le temps la soci t de l information tend convertir nos structures cognitives l ph m re Diffus s en flux tendu les contenus se p riment au rythme de l actualit Une information chasse l autre et toute trace est d sormais une marchandise qui d pend d une industrie de la m moire Sous l emprise des injonctions de mise Jour et de l obsolescence programm e inscription et conservation semblent donc devoir se disjoindre Mais parall lement l activit informationnelle entra ne un d veloppement sans pr c dent des m moires externes Dans un environnement lectronique toute instruction aussi temporaire soit elle s enregistre n cessairement quelque part Carte bancaire t l phone mobile courrier lectronique navigation sur Internet on ne peut pas ne pas laisser de trace Du
10. s 1999 Louise Merzeau M moire M dium n 9 Op rations m morielles Les d placements op r s par chaque nouvelle mn motechnique montrent que la m moire est moins un syst me de signes qu un syst me de traces qui informent l espace et le temps avant d articuler un sens Plus qu un acte d expression la premi re des op rations m morielles est un geste d inscription Celui ci a d abord pour fonction d effectuer une fixation Gravure typographie g latine ou chloroforme la mise en m moire est toujours la mise en arr t d un continuum Des palais de m moire antiques aux lieux de m moire de la R publique la trace assigne un site aux id es cr ant ainsi la diff rance ou l espacement n cessaires des acc s parcours ou appropriations L inscription proc de ensuite une r duction Abr viation sch matisation compression toute m moire ob it un principe d conomie visant trans mettre le plus dans le moins Condition de son efficacit cette conversion d chelle marque toute transmission du signe de la perte la trace ne peut survivre sans une d pense et il n existe pas de m moire strictement mim tique Toute mise en traces suppose par ailleurs une mise en ordre Rassembl es crois es et combin es les inscriptions rel vent d une organisation qui affecte aussi bien l agencement des stocks et la classification des connaissances biblioth que que les m
11. travail de s dimentation qui sature ces unit s de valeurs symboliques fa onne le collectif autant qu il le refl te C est parce qu elle est ainsi incorpor e que contrairement l histoire la m moire se transmet mais ne s enseigne pas Ni facult individuelle ni simple projection du groupe elle fa onne du lien Pourtant la m moire ne semble pas davantage assimilable un processus communicationnel Les sch mas de la communication ne lui assignent de fait aucune place pr cise Fait elle partie des r pertoires communs qui permettent l change entre metteur et r cepteur coutumes des bruits qui parasitent cet change conflits identitaires ou du canal Sur les concept de transmission et de m diasph re voir notamment M dium n 2 et 4 2005 Maurice Halbwachs Les Cadres sociaux de la m moire 1925 r dition Albin Michel 1994 Pierre Nora ss la dir Les Lieux de m moire Gallimard 1984 1987 4 vol Louise Merzeau M moire M dium n 9 qui v hicule les messages manuel d histoire ou album de famille C est le point aveugle des th ories de l information comme de la relation d s lors qu elles s parent rapport et support Pour appr hender la r cursivit de la m moire la fois organisante et organis e 1l faut une pens e de la double m diation outils organes Le principe d externalisation Aux yeux du m diologue la m moire est toujours exferne parce que l
12. ue Dans la m moire analogique la p rennit des traces d pend de la r sistance physique du support duret homog n it photosensibilit magn tisation Mais quelle que soit cette r sistance les cycles de r g n ration effacent progressivement l inscription n gatif disque vinyle et bande vid o s usent mesure qu on les lit l inverse le signal num rique peut se dupliquer se d couper et se reconstituer sans subir d alt ration tandis que ses supports sont de plus en plus fragilis s par les rythmes courts de l innovation technologique et du march Dans ces conditions c est la dispersion ma tris e des unit s d information qui est un gage de r sistance La continuit de la m moire n est donc plus garantie par des proc dures de fixation mais par l organisation syst matique de cycles de migration d un support l autre En hypersph re la p rennit est entretenue par la vitesse de rotation de l information conserver signifie d sormais mettre en mouvement C est d autant plus vrai que de plus en plus les contenus m moriser sont eux m mes des flux Les projets d archivage du web montrent ce titre que les institutions m morielles doivent d sormais concevoir des syst mes ouverts capables d enregistrer l information avec son instabilit Ayant g rer des corpus o les unit s se renouvellent et s interp n trent constamment la m moire est vou e l hy
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