La Presse marginale française et la drogue
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1. La presse marginale propose une autre conception de la sant et de la maladie Pour elle la maladie r side avant tout dans les limites et les barri res qu un individu s impose elle y voit des tabous des interdits des bloquages la r pression des instincts naturels L indice essentiel de la sant mthenti que selon la presse marginale r side dans la lib ration L individu lib r constitue le st r otype positif qui fait pendant au st r otype n gatif du bon jeune homme L individu lib r se doit de franchir toutes les barri res que la soci t impose aux d sirs IL se doit d avoir connu toutes les exp riences et en particulier celle de la drogue Le refus de tenter l exp rience est assimil une l chet l emprise d interdits sans fondement Deux formes de connaissance Pour la soci t il va de soi que la connaissance est un processus laborieux dont le meilleur exermle est donn dans l enseignement et que l ivresse constiius le contraire absolu de la connaissance travers l exp rience hallucinatoire se r v le une autre conception de la comaissance fond e sur la m fiance par rapport l enseignement aux certiiuces inculqu es L exp rience hallucinatoire favorise la mise en doute de toutes les structures mentales et des sch mas de perception Citant l appui Henri ifichaux et Aldoux Huxley on parlera d un d conditionnemnt psychique et social subversif ou artis tique Actu2. associer les drogues dures avec les institutions sociales la p gre vivant en symbiose avec l appareil pclicier les gros bonnets de la drogue On obtient ainsi une dichotomie entre une bonne drogue qui nane de l int rieur m me de la culture marginale et une mauvaise drogue qui y est introduite de l ext rieur pour la d truire et la corromore LES ELEMENTS D UN DEBAT a A propos de la campagne de_presse Pendant quelques ann es la plupart des articles publi s par la presse marginale au sujet de la drogue ont pris pour cibie la campagne de presse quenmrmisnt les journaux grand tirage Le plus souvent il lui suffisait de citer des extraits de reportages sensation pour atteindre son but ridiculiser aupr s de ses lecteurs une position la fois r pressive et alarmiste sur le fl au de la drogue On retrouve deux arguments principaux dans la critique de cette campagne D abord la presse obtient des r sultats contraires aux buts qu elle semblait devoir se fixer par le sensationnalisms elle se fait la propagandiste involontaire de la drogus fait d couvrir son existence de nombreux jeunes et leur donn envie d essayer Par ses erreurs ou ses exag rations elle entretient des malentendus dangera s A inventer de fantaisistes p rils d accout mance la marijuana on rise fort de ne plus tre cru lorsqu on d noncsra les effets tr s graves de l h ro ne Actuel VAT En second lieu la grande press
3. des drogues ou leur discr dit A lire Baudelaire Musset ou Gautier on ne croirait pas qu il s agisse de personnes tar es de Pqhes de fous et pourtant il faut se rendre l vidence ces gens se droguaient Donc Le _paum Une critique de la sant L individu sain tel qu il est repr sent dans les st r o types de la grande presse et de la publicit appara t comme un repoussoir pour les journaux marginaux La sant leur appara t comme synonyme de conformisme et de refoulement La presse margi nale reprendra m me son compte par ironie tous les termes que le discours adulte utilise comme insultes ou d signations ds la maladie O tar s marginaux et autres n vros s psychopathes repentis groulllots gauchistes de tout poil fascistes las dingues pervers anars guil s musiciens d biles illumin s homosexuels divers m lancoliques bouseux bucoliques mystiques maniaques nymphes imb ciles heureux impuissants individus sains du moment que vous la fermez ce canard est le v tre Vroutsch journal de Strasbourg C est nous qui soulignons VAT c Ou encore dans Le Paur journal de Cherbourg nous trouvons cette adresse aux beats du dimanche Ecoutez les conseils de papa maman n insultez pas les flics dans la rw ne go tez pas toutes ces saloperies qui vous ruineraient la sant soyez de bons jeunes gens llez l office le dimanche mais ne nous em rdez pas
4. pour reconstruire la fa on dont ils vivent et r fl chissent leur exp rience Le trait le plus caract ristique de la presse marginale consiste minimiser la distance entre les lecteurs et les r dacteurs viter dans la mesure du possible le point de vue journalistique Pour parler des urogues les r dacteurs voqueront leur exp rience personnelle ou publieront des lettres et des t moignages de lecteurs Notre travail repose sur l analyse de trois types de journaux en premier lieu Actuel un magazine mensuel paraissant depuis l automne de 1270 En second lieu de nombreux p riodiques irr guliers le plus souvent ron otyp s en provenance de villes de province et r alis s par des lyc ens ou des r dacteurs tr s jeunes Enfin nous y avons ajout le magazine mensuel Rock amp Folk l origine une publication consacr e la musique qui au cours des trois derni res ann es a incorpor tous les th mes de la culture marginale Dans tous les pays o elle s est d velopp e la presse margi nale a connu un essor limit dans le temps quatre ou cinq ans au maximum qui cofncide avec le boom de la consomation de drogue en milieu jeune Nous n avons pas tenu compte dans notre etude de son vo lution interne notamment parce que cette volution est loin d tre termin e en France L tude sur la presse am ricaine compl tera ce d faut L tude se divise en trois parties en premier lieu un tableau des m
5. Distribution limit e EPDAY 3b Paris Ao t 1973 Original Fran ais ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L EDUCATION LA SCIENCE ET LA CULTURE SEMINATRE SUR LES JEUNES ET L USAGE LES DROGUES DANS LES PAYS INDUSTRIALISES S vres 10 15 Septembre 1973 DOCUMENT DE TRAVAIL LA PRESSE MARGINALE FRANCAISE ET LA DROGUE par Jean Picrre LENTIN Los vues exprim es dans ce texte la s lection des faits qu il rassemble et leur interpr tation demeurent de la responsabilit des auteurs et ne refl tent pas n cessai rement le point de vue de l Unesco Ce texte constitue une contribution une libre discussion o de nombreux points de vue seront repr sent s ED 73 CONF 718 4 Re a 4 ue ie Ga Au moment o la consommation de certaines drogues connaissait une aug ntation spectaculaire chez une g n ration de jeunes occidentaux et o la presse adulte lan ait ses cris d alarme cette meme g n ration donnait naissance sa propre presse dite underground parmi les traductions possibles enr fran ais nous avons choisi le term de presse marginale Il serait abusif d tablir une cofncidenc exacte entre les usagers des drogues et les lecteurs de la presse marginale Nous consta tons simplement un large recouperment entre les deux groupes D s lors l analyse de la presse marginale constituera un instrument pr cieux pour expliciter le point de vus et les motivations des usagers ces drogues eux m mes
6. e et politis e de la presse marginale Enfin le principal argumer t avanc par la grande presse contre le cannabis savoir la th orie de l escalade l usage du cannabis m nerait d autres drogues et inalement l h ro ne est unanimement combattu et refus par la presse marginale les hallucinog nes De mani re g n rale les hallucinog nes sont pr sent s comme posant peu de probl mes d abus mais comme comportant des dangers certains en particulier pour l usager n ophyte L exp rience n est pas sans risques comm toutes les exp risnces Actuel La presse marginale d crira donc les accidents possibles bad trip pisodes psychotiques dommages corporels Toutefois par rapport aux mises en garde parues dans la presse adulte on note deux diff rences essentielles En premier lieu la presse marginale se garde de brosser 1 im ge effrayante et cauchemardesque qu on trouve fr quemment dans la presse adulte Bien s r cette image poss de un pouvoir de dissuasion accru mais poss de l inconv nient suivant g l exp rience hallucinstoire produit un tat d extr m suggestibilit En parti culier le sujet est sensible ses propres pr conceptions sur l exp rience Si on sugg re la probabilit de visions horribles et d actes irresponsables voire mutriers on risque bsl et bien de les provoquer artificiellement Il convient donc de fournir une information soigneusement pes e La presse margi
7. e il est utile de fair l exp rience des drogues en particulier des hallucinog nes pendant quelques ann es mais qu il faut ensuite d passer ce stade On peut apprendre beaucoup de choses avec la drogue Mais aujourd hui j essaie de dominer mon esprit seul interview d Eric Burdon parue dans Rock et Folk c L h rof ne et les drogues dures Tous les journaux marginaux ont consacr des articles la mise en garde contre l h ro ns Ils font largement appel des t moignages des r cits autobiographiques et des lettres de lecteurs Je me shoote depuis bient t un an et demi avec tout que a veut dire Overdose manque combine trafic arrestation claques dans la gueule angoisses et cafards normes Aujourd hui j en ai vraiment marre j cris pour me soulager Actuel NET III On retrouve les m mes th mes que dans la presse adulte l escla vage de la d pendance la d g rescence physique les risques de mort certaines m taphores le suicide petit feu la descente aux enfers 1e vampirisme de la drogue Pourtant une diff rence essentielle r sida dans l absence de jugement mcrel Les t moignagz ne sont pas utilis s comme une d monstrati a de l abjection humaine mais comme des appels l aide Quand tu vois un junkie aide le Et ce n est pas facile Actuel Dans un but de pr vention les journaux marginaux d veloppent souvent l argumentation suivante ils s efforcent d
8. e vise au del du simple ph nom ne de la drogue D une part elle fournit ses lecteurs un prand sujet politiquement insignifiant qui les d tourne de certaines questions pr occupantes du moment D autre part en cr ant l image repoussoir du drogu elle exorcise les r voltes de la jeunesse et discr dite du mm coup les gauchistes et les fcontestataires de toutes sortes b La drogue ou les drogues Dans son ensemble la presse adulte ainsi que la loi pratiquent l amalgame entre les drogues Pourtant entre le cannabis les hallucinog nes ou l h rofne la presse marginale tablit plus qu une diff rence de degr une diff rence de nature Elle parlera de drogues douces et de drogues dures Englober toutes les drogues sous la m me opprobre et sous les m mes sanctions l gales revient selon la presse marginale faciliter le passage des drogues douces aux drogues dures les seules r ellement dangereuses c Une critique de la r pression La presse marginale tient une chronique permanente des injustices et des ahsurdit s du syst me Elle s empare de quelques affaires retentissantes Carol Berger actrice am ricaine morte en prison en Italie pour un gramme de haschich John Sinclair militant am ricain condamn dix ans de prison pour deux joints ou d autres faits divers plus obscurs qui r v lent une constante disproportion entre les sentences et ls caract re b nin du d lit Plus profond ment on
9. el Celui qui voyage ne se laisse pas prendre dans les st r otypes Il ne cesse pas de s tonner et dans l tonnement r side le facteur d terminant de la r flexion lettre de lecteur cit dans Actel PTE II Une autre r f rence litt raire les po tes am ricains de la beat generation Ils vont largir leur champ de conscience l aide des 3 hallucinog nes des stup fiants On voit ici que l acte de se droguer n est pas pour eux de tourner le dos au monde pour s enfermer dans un paradis artificiel mais bien au contraire de l accepter davantage de le ressen tir le mieux possible Enfin cette form de connaissance privil gie au d triment du savoir scientifique tourn vers le monde physique et msuetile la recherche int rieure intuition plus profonde de la psychologie inter individuelle approches de l inconscient th mes religieux et m taphysiqes mysticisme Une illumination int rieure sans doute comparable un tat de gr ce Rock et et Folk UNE POLITIQUE DE PREVENTION La presse marginale n a jamais adopt vis vis des drogues une attitude irresponsable D une part elle ne dissimule pas les contre indigations et les dangers des drogues qu elle consid re comme b n fiques en derni re analyse D autre part elle fait un effort syst matique de dissuasion et de pr vention en ce qui concerne les drogues dures surtout 1 h rofne et les amph tamines L
10. mettra en question toute r pression polici re et judiciaire propos de la drogue Les jeunes ne peuvent pas admsttre d 6tre mis en prison pour un joint alors qu aucune police ne traque les buveurs m me alcooliques confirm s D autre part jamais les juges ne devraient mettre en prison m ne pour un jour un toxicomans s c est toujours dommageable pour lui Rock et Folk d Un d placement du probl me Bien que la toxicomanie soit consid r e g n ralement comme une maladie par la presse marginale les efforts de traitement entrepris par les institutions m dicales lui inspirent peu de sympathie Elle les suspecte de paternalisme quand ce n est pas css e 9 de collaboration avec la police En ce qui concerne la toxicomanie et les drogues dures elle fait l loge des free clinics ou des efforts entrepris par les communaut s pour s organiser elles m mes par exemple l viction des pushers par des militants dans les ghettos noirs am ricains La presse marginale se contente g n ralement d vacuer le probl me Il n y a pas pour elle de probl me de la drogue mais un probl me de la soci t qu il convient de traiter globalement Elle fait toujours d vier la r flexion sur la toxiconanie vers une critique des conditions de vie faites aux jeunes Elle s efforce dans ses colonnes d loigner ses lecteurs des drogues dures mais n a rien proposer ceux qui en sont d j d pendants Une a
11. nale fait d ailleurs souvent appel pour fournir un compte rendu quilibr de l exp rience hallucinatoire des travaux de chercheurs scientifiques ou des rapports officiels comms celui de la comuission canadienne sur l usage non m dical des drogues fo Si les gens qui ont pris de l acide font savoir aux autres aussi simplement et honn tement que possible en quoi consiste leur exp riences les gens trouveront eux m mes leur chemin si ousquandsils se sentiront pr ts interview du psychiatre Ronald Laing paru dans It Grande Bretagne et dans Actuel En second lieu le but de la presse marginale n est pas de dissuader les usagers ventuels en leur faisant peur mais compte tenu du fait qu ils feront l exp rience quoi qu on leur prescrive d viter que l exp rience finisse mal Elle fournira donc des conseils et des recettes pour cr er de bonnes conditions l exp rience et pr venir les accidents L usage de l acide peut galement tre positif si employ dans de bonnes conditions d environnement et apr s une longue pr paration mentale Rock et Folk A propos du cannabis et des hallucinog nes il faut mentionner le double r le que joue le personnage du musicien pop Dans une premi re tape il contribue susciter un int r t pour les drogues et propager lesur usage Cependant un stade ult rieur il tend a exprimer une position de renoncement aux drogues Il propage l id e selon laquell
12. otivations et des changements de comportements qui expli quent l usage rassif des drogues par une g n ration tels qu ils s expriment dans sa propre presses en second lieu les efforts de pr ven tion tent s par la presse marginale face l abus des drogues enfin quelques arguments qui d finissent une critique par les usagers des drogues eux m mes de la position que la soci t adopte leur gard Joss I CANJABIS ET HALLUCINOGNES e UNE AUTRE VISION D LA DROGUE A travers les commentaires et les prises de position favorables aux drogues couces dans la presse marginale on peut tudier les motivations qui poussent une g n ration consid rer comme d sirable l usage des drogues ainsi que les attitudes sociales qui sous tendent ces motivations a b Un loge de l imaginaire L exercice de l imagination la cr ation artistique une sensibilit po tique ou romantique sont valoris s au d triment de la conscience rationaliste et positiviste On cite souvent en exemple des artistes et des po tes qui ont fait usage de drogues en particulier de haschich Nous peuple d herbe peuple cheveux barbe nous n avons derri re nous que Rimbaud le freak Nous regardons le ciel et nous y voyons des toiles roses et vertes Nous saluons Rimbaud notre seule famille lettre de lecteur parue dans Actue De plus la validation culturelle dont jouissent ces auteurs fournira un argument contre l interdiction
13. ttitude r aliste La presse marginale appara t sans illusion sur les possibilit s d influencer les jeunes Elle consid re la consommation des drogues come un fait accompli qu on ne peut ni encourager ni combattre Elle fait remarquer que l usage des drogues est profond ment ancr dans notre soci t et souvent de mani re socialement autoris e alcool tabac tranquillisants Elle milite pour une attitude neutre de la soci t Une r publique d mocratique devrait en principe conform ment la D claration des Droits de l Homme se garder de r gler les d tails de la vis priv e des gens Actuel Si elle accepte le fait acoompli elle tente d en r gler les dimensions ct les modalit s d viter ses cons quences les plus destructrices Cette position suppose une information sans moralisme ni jugement sur les diff rentes drogues leur qualit leur mode d emploi la valorisation d lib r e du cannabis coma la drogue id ale afin de r duire l attirance vers les drogues dures ds conseils d utilisation afin que l usage ne se transforme pas en abus et que l exp rience laisse un b n fice pour la personnalit Militer pour un usage r fl chi de la drogue afin de pouvoir en profiter en tant qu l ment lib rateur Le Parapluie telle est la t che que s assigne la presse marginale
14. tude des arguments et du langage qu elle emploie peut se r v ler d un grand int r t pour d finir une politique de pr vention Emanant de l int rieur mm de la drug culture les nises en garde parues dans la presse marginale ont de bonnes chantes de toucher les jeunes drogu s ou les jeunes susceptiblins de stint resser aux drogues dures Elles seront en tout cas plus efficaces que les articles de la grande presse encombr s d exag rations de moralisme et d agressivit envers les jeunes a Le cannabis Dans l ensemble l usage du cannabis est plut t encourag dans la presse marginale Mais elle distingue entre usage et abus L abus du cannabis fait l objet de mises en garde sans quivoque On insistera sur les effets d bilitants d une consommation excessive l inaction la passivit l affaiblissement intellectuel ss b ER E TIL est vrai que le haschich lui m m peut mener un avachissement complaisant Actuel Chez pas mal de marginaux apr s une ou deux arn es de d rives une immersion dans le n ant la v n ra tion du joint le culte de la paresse un quotidien mis rable Actuel I faut galement mentionner une critique plus radicale de l usage du nnabis corme une fuite une fausse solution des probl mes qu on pourrait r soudre r ellement On reprocw ra aux fumeurs cannabis leur apolitism et leur d sengagement Mais cette critique n est exprim e que par uns frange particuli r
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