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Le travail comme expérience et les critères du taylorisme (Français

1. Th se Aix en Provence 1992 Le lecteur trouvera dans ces diverses publications une bibliographie plus compl te et diversifi e 12 du gouvernement de l entreprise dans des cercles dirigeants du capitalisme qu acc l rera ult rieurement la confrontation avec la productivit la japonaise La mont e en charge de l O S T a donc t tr s progressive et n a jamais concern qu une fraction non majoritaire du monde industrieux quoique tr s importante parce que strat gique dans la construction des rapports de force et des id es dominantes sur le travail Des formes nouvelles de qualification ouvri re se sont affirm es mais ambigu s parce que pertinentes seulement dans le milieu humain et technique de la grande usine taylorienne G NOIRIEL 1986 pp 210 sq constate que les cat gories manoeuvres et O S croissent encore de 1954 1974 de 41 5 54 9 ce qui t moignerait outre de l afflux de nouveaux ruraux dans l industrie d un recul tardif de l O S T dans le secteur manufacturier et du transfert des proc s tayloriens dans d autres branches d activit Des statistiques convergentes issues pour l essentiel de l enqu te MOLINIE VOLKOFF sur les conditions de travail de 1978 1981 valuent 18 le pourcentage d ouvriers soumis en 1978 une contrainte imm diate de cadence 1 3 millions de travailleurs vivent leur activit sous forte contrainte de temps VERRET 1982 p 35 NOIRIEL 1986 p 246 L Homme Producteur
2. L analyse conomique des conventions du travail Revue Economique n 2 Mars 1989 Schwartz Fa ta D L Homme Producteur autour des mutations du travail et des savoirs Editions Sociales 1985 Schweitzer S Des engrenages la cha ne les usines Citro n 1915 1935 Presses universitaires de Lyon 1982 Taylor La Direction des Ateliers 1907 in Organisation du travail et Economie des entreprises textes de Taylor Amar Belot Lahy Le Chatelier choisis et pr sent s par F Vatin La Direction Scientifique des Entreprises Dunod 1957 1912 Terssac G de L Autonomie dans le travail PUF 1992 Verret M Le travail ouvrier A Colin 1982 Sur les industries de process on pourra consulter pour son contenu et pour sa bibliographie G de TERSSAC 1992 On ajoutera R MONTREDON Op rateur de process l article ind fini 1986 33 Comprendre le travail pour le transformer Gu rin F Laville A Daniellou F Duraffourg J Kerguelen Editions de l Anact 1991 Etude sur l valuation des temps de confection publication du Centre d Etudes Techniques des Industries de l Habillement CETIH 1946 34
3. de l usage la ma trise des circonstances par DIDEROT qui y puise des l ments pour sa critique un peu provocatrice de l excessive suffisance des g om tres Pour TAYLOR c est l espace m me entre pratique et connaissance inop rative qui est contest proportion du degr d ach vement de la science du travail L auteur de La Direction des Ateliers estime que l organisation est galement destin e devenir plus qu un art et que beaucoup des l ments qu on croit encore en dehors du champ des connaissances exactes seront bient t ramen s certains talons class s accept s et employ s comme aujourd hui les nombreux l ments de la m canique 148 Cette dispersion des mani res de 15 faire que DIDEROT analysait comme une n cessaire correction des pr ceptes scientifiques pour ajustement aux circonstances TAYLOR au contraire en part comme d un scandale la scorie d un laisser aller dans les anciennes m thodes de direction En raison du fait que dans tous les m tiers les ouvriers ont appris les l ments de leur travail en observant ceux qui se trouvent imm diatement autour d eux il existe d une fa on courante de nombreuses fa ons d ex cuter le m me travail peut tre quarante cinquante ou cent fa ons d accomplir chaque op ration constituant le travail d une profession pour la m me raison il existe une tr s grande vari t dans les outils qui sont utilis s dans chaque genre de travail DSE p 31
4. on situe ici l exp rience dans son opposition classique l exp rimentation ce qui suppose de rappeler comment l une et l autre se lient l acte de conceptualiser La conceptualisation est cette activit intellectuelle qui rend possible tout jugement toute possibilit de faire rentrer des repr sentations singuli res dans des cadres g n raux pourvus de propri t s r guli res C est vrai des concepts simples du langage ordinaire comme des concepts plus complexes comme celui de maladie professionnelle Sans concept on ne sortirait jamais du strictement particulier et donc aucun langage aucune communication ne seraient possibles Le concept au contraire permet d anticiper des propri t s d op rer sur elles et par l il permet de tester par la mise au point de dispositifs exp rimentaux sa propre valeur comme jugement incitant regrouper de mani re coh rente certains l ments de l exp rience Exemple le concept de maladie professionnelle rend possible le jugement l asbestose est une maladie professionnelle Bien entendu cette possibilit de v rification n est pas isolable d un r seau aux dimensions plus ou moins circonscrites mettant en jeu simultan ment d autres concepts exemple ici l asbestose des observations et des tests multiples Dans le champ de la science c est l le travail f cond des sp cialistes du concept Du point de vue du rapport entre concept et domaine de r alit on voit
5. 32 cf aussi p 61 DA 2a 92 154 156 De ces principes on peut d duire une structuration spatiale hi rarchique gestionnaire de l entreprise ajust e cette r duction asymptotique de tout espace entre connaissance inop rative et fabrication en acte De nombreux ouvrages la d crivent aujourd hui dans leur recherche de formes organisationnelles qui se d finiraient en opposition elle Ici notre propos est de caract riser le taylorisme dans ce qu il pr suppose de l anticipation par concepts de l activit humaine dont d coulent pr cis ment les formes organisationnelles A cet gard nous aurions tendance caract riser le paradigme taylorien par quatre crit res qui d clineraient et synth tiseraient son ambition d annuler le travail comme exp rience Un texte dit en 1946 par le Centre d Etudes Techniques des Industries de l Habillement CETIH Etude sur l Evaluation des temps de Confection pourra servir d illustration en contrepoint des ouvrages de TAYLOR 1 Pr dominance du travail imm diat Un ingr dient essentiel d une organisation taylorienne nous para t la pr dominance du travail imm diat Ce concept issu de la sociologie du travail l poque des grandes concentrations usini res d crit les situations de couplage et proportionnalit entre rythme d activit machine et rythme d activit humaine La cha ne le travail sous contrainte et cadence de dispositifs m caniques donnent une repr sentation s
6. S soit fatale ces ouvriers qualifi s Cette comp tence concerne l tude des mat riaux produits industriels utilis s par exemple pour le graissage les propri t s pratiques des mat riaux les essais m caniques les traitements thermiques la normalisation industrielle la classification des m taux l tude des produits finis en m tallurgie des mati res d oeuvre la coupe mat riaux formes des outils les conditions de travail la protection des surfaces les constructions assemblages d montables rivetage agrafage soudage la transmission du mouvement l quipement des ateliers l tude des machines outils tau limeur perceuse enfin de l usinage par abrasion meulage rectification aff tage aux meules des outils 13 A F MOLINIE et S VOLKOFF Les Conditions de Travail des ouvriers et des ouvri res Economie et Statistique janvier 1980 Les contraintes de temps dans le travail Economie et Statistique mars 1981 13 combien de semi ouvriers paysans Les agriculteurs exploitants 11 5 de la population active en 1968 sont autour de 5 aujourd hui Mais en m me temps n est ce pas dans ces secteurs que s inscrivent certaines formes de taylorisme rampant L O S T refluant des secteurs classiques n a t il pas tendance investir insidieusement dans un climat qui lui est devenu d favorable des portions ou des secteurs d activit nouveaux De fait avant de se poser la question O en so
7. TAYLOR DA 46 49 50 53 57 63 Le travail individuel est sup rieur au travail en quipe DSE p 131 Parce qu il ne conna t et ne s adresse qu des individus on ne s tonnera pas que le taylorisme v hicule avec lui la psychotechnique et les tests d aptitude l embauche ou tel type de travail II faut que chaque ouvrier soit charg autant que possible du genre de travail le plus lev que lui permettent son habilet et ses aptitudes physiques DA 38 cf aussi p 93 DSE p 184 240 1 Ainsi un ouvrier pourra savoir effectuer une ou deux op rations l mentaires mais c est directement par la hi rarchie qu il re oit son prescrit La t che de faire appliquer des normes et d obtenir la coop ration des ouvriers appartient la direction seule DSE p 50 Se 1 De fait on verra 1 5 que cet espace n est jamais aboli L ouvrage de Marcel DURAND Grain de Sable sous le Capot 1990 crit par un ouvrier de Peugeot sur les cha nes de Sochaux abonde en re distributions clandestines de t ches segmentaires malgr et contre la prescription hi rarchique avec la signification subversive qu elles v hiculent Sur les quatre gars des planches il y en a toujours un qui est moins en forme que les autres surtout le lundi matin Son co quipier double le poste Au lieu de faire une voiture sur quatre il en fait une sur deux pendant que son copain s tant am nag un nid dans un container de mousse continue sa
8. c dent si l activit de travail se r duit une succession lin aire de gestes pour un corps machine l efficacit optimale de celle ci se traite principalement comme un probl me de cin matique de dynamique d nerg tique sur le m me mode de fonctionnement que le syst me de r f rence La conception de machines n est pas seulement d signation d op rations mais d termination et calcul des encha nements m caniques transmis par des mat riaux de cotes et de propri t s d finies Leur quivalent ce sont ici des consignes ou des gammes op ratoires tel micro geste accomplir en tant de temps Car le one best way s analyse imm diatement en norme temporelle La s quence temporelle est d compte strict d unit s de temps de plus en plus serr es Tant que le concept n anticipe que l ordre des actes faire le temps n est contrainte pour l acteur que comme principe de succession Mais d s lors que le mode op ratoire est en th orie int gralement anticip que la connaissance inop rative a norm les temps l mentaires requis pour chaque micro acte c est alors que comme disait MARX dans Mis re de la Philosophie l homme est tout au plus la carcasse du temps p 64 Je vends du temps disait il y a peu un responsable de la division emboutissage d un tablissement manufacturier fonctionnant encore selon des 18 modes tayloriens Ses clients tant int gralement actionnaires de l entreprise leur regard sur les
9. co ts de production est enti rement pur des aspects strat giques et financiers int gr s dans la gestion de toute firme investissements profits tr sorerie La MOD main d oeuvre directe ici peu pr s assimilable aux travailleurs imm diats du fait qu elle est encore relativement plus volumineuse qu ailleurs reste le noyau d affectation de tous les co ts la MOI main d oeuvre indirecte et autres frais annexes se trouvant distribu e sur les co ts de MOD par un syst me de cl ou de coefficient d imputation La MOD elle renvoie des gammes chronom tr es du genre op ration 1 couper la t le 0 27 un op rateur op ration 2 emboutissage double effet deux op rateurs pour entrer le flanc 0 20 deux op rateurs pour sortir le flanc 020 op ration 3 tombage bord 2 op rateurs 0 19 etc La sommation des temps multipli e par les taux de r mun ration horaire justifie cette expression je vends du temps On mesure mieux ici l ambivalence constituante de ce paradigme taylorien cette ambition de rationaliser le travail humain fond e sur une certaine philosophie de l activit industrieuse qu on pourra ventuellement reconsid rer de mani re critique ne se comprendrait pas hors de la configuration historique o elle se d ploie La postulation du one best way qui autorise la stricte mise en temps de la norme n est pas s parable du but de l entreprise industrie
10. est souvent vivement ressentie et l h t rod termination officielle des normes op ratoires d nonc e non sans raison comme vexation bien taylorienne Mais cette r action critique s exprime d autant plus vivement que les industries de process ne peuvent tre gouvern es selon des principes strictement tayloriens et que l exercice de 30 l intelligence industrieuse y est en mineur requis convoqu alors qu il ne peut tre que clandestin et subversif dans une O S T de stricte observance Les crit res 1 et 4 n y ont de pertinence que tr s affaiblie un syst me demi taylorien a sa forme propre d instabilit qui requiert des sp cificit s correspondantes dans le gouvernement du travail Si l activit industrieuse n est plus d ouvraison mais de surveillance il n y a plus proprement parler de travail imm diat de contraintes pour le corps de s quences temporelles Sans doute on trouvera toujours des manuels de surveillance des kyrielles de consignes en cas de mais par d finition la surveillance et l anticipation de l al a ne se programment pas en s quences standard Et ce d autant plus qu il n y a de surveillance que collective toute d cision de tenir compte ou non de l volution d un param tre des indications d un capteur de modifier les proportions de tel r actif d arr ter telle installation ou de shunter tel dispositif ne peut r sulter que d une mise en synth se d informations r colt es dans l
11. id e comporte aussi ses limites externes elle ne peut rendre compte de sa propre n cessit Pourquoi faut il en un sens ind termin de l exp rience du travail comment celle ci s accumule t elle comme ressource dans l activit sinon pr cis ment parce que le travail est toujours quelque degr une exp rience Si tel n tait pas le cas o seraient la n cessit et la possibilit de mettre en oeuvre un h ritage pour satisfaire aux normes exig es C est seulement d velopper la th se philosophique g n rale le travail comme exp rience qu on pourra mettre en rapport le d faut partiel d anticipation du concept par rapport l activit avec la n cessit d un patrimoine construit individuellement et collectivement pour absorber ce qui fera de la situation toujours quelque degr une rencontre C est parce qu il y Cf par exemple Comprendre le Travail pour le transformer la pratique de l ergonomie Collectif Editions de l ANACT 1991 chap 3 3 aura traiter cette rencontre qu on comprend pourquoi peut et doit s accumuler chez tous acteurs un acquis r activer et recombiner chaque fois diff remment pour r pondre et produire une configuration m me infinit simalement nouvelle De ce point de vue l exp rience au sens du long temps pass dans un lieu d activit ne peut tre la seule ressource pour franchir efficacement l preuve du travail comme exp rience Concr tement qu
12. plut t dans une mesure sans cesse croissante m diatis e exclusivement par les lois abstraites du m canisme auquel ils sont int gr s 1960 p 118 Dans le document du CETIH sont tr s furtivement voqu s les phrases presque obsc nes o le geste ouvrier ne peut plus tre emp ch d effleurer son semblable humain d amont et d aval Mais ces points o se contre esquisse une muette soci t de la peine sont tout aussit t l objet d une tentative de neutralisation telle que soient aussi mu s en m caniques ces flux capillaires Nous supposons que les ouvri res sont les unes derri re les autres de chaque c t d une table et que toutes les pi ces du v tement sont plac es dans un carton qui passe de mains en mains Il faut tudier pour chaque poste 1 la meilleure fa on de placer les pi ces dans la caisse du convoyeur de fa on que l ouvri re n ait pas t tonner pour prendre son travail 2 comment elle doit replacer les pi ces dans la caisse pour que les ouvri res qui suivent retrouvent galement et facilement leur ouvrage CETIH p 4 et 21 Aucun motif ne devrait donc conduire l ouvrier e se lier dans l usine avec un e autre dans l ex cution de sa t che Il ne conna t que ses sup rieurs hi rarchiques qui ont comp tence sur sa charge de travail sa r mun ration Sans doute TAYLOR n assume t il pas son hostilit directe aux syndicats Mais il affirme la Commission d Enqu te de la Chambre des Rep
13. s aux ouvriers en d tail et par crit et afin de fixer la besogne de la journ e suivante et d organiser la marche compl te des travaux de l atelier les agents du service de r partition doivent recevoir des ouvriers des rapports journaliers indiquant exactement ce qui a t fait Avant qu un moulage ou une pi ce de forge arrive l atelier on doit avoir fix le chemin exact que suivra cette pi ce d une machine l autre une fiche d instructions pour chaque op ration sera r dig e en indiquant en d tail comment chaque op ration doit tre faite pour chaque pi ce et dans quel temps DA 154 Ce que nos entreprises baptisent Bureaux des M thodes destin s pr parer les gammes op ratoires les fiches et la Pr paration qui doit fournir aux ateliers des pi ces mat rielles des outils conformes aux gammes op ratoires ont bien pour vocation de d placer d finitivement l initiative des ateliers vers les Bureaux TAYLOR appelait le syst me de management ant rieur l O S T l Initiative et les Stimulants syst me o les dirigeants d pendent des conduites innovantes ou d efficacit que voudront bien manifester leurs ouvriers et qu ils ne peuvent que stimuler L O S T doit y mettre un terme L tude faite par le CETIH organisme d pendant du patronat de l habillement est en clair appel aux entreprises de la branche pour qu elles se dotent chacune de ces outils fonctionnels modernes Les temps qui sont indiqu s
14. 1985 p 46 48 Plus de dix ans apr s la situation a certainement sensiblement chang mais en quel sens Globalement comment le mouvement s est il d velopp de l automobile vers d autres secteurs manufacturiers En regard bien des secteurs d activit sont rest s l cart de ce ph nom ne l agriculture par exemple Mais rien n est simple sans doute le travail rural a mobilis plus de la moiti de la population active dans les vingt ou trente premi res ann es de ce si cle en France alors que le secteur dit secondaire n en repr sentait que le tiers en 1954 et seulement 46 8 de la population vivait en 1936 dans des agglom rations de plus de 5000 habitants 17 9 en 1851 Mais dans ces ruraux 12 Cf DEWERPE 1989 pp 141 150 En r alit le m tallo de 1910 1950 en sait moins que ses p res la machine lui a t on l a vu une bonne part de sa capacit non seulement produire une pi ce compl te mais encore g rer de fa on autonome le modus operandi Ce qui compte n anmoins c est la place sup rieure qu il occupe d sormais dans une chelle du travail et des savoir faire reconstitu e par la r gulation fordienne et taylorienne La ma trise d une technologie g n rale des fabrications m caniques demeure commune tous les m tiers m caniciens ajusteurs m caniciens d entretien tourneurs et fraiseurs elle est en r alit trop rarement ma tris e pour que la concurrence de la machine et de l O
15. Chapitre 14 de l ouvrage Le paradigme ergologique ou le m tier de philosophe Octar s ditions Toulouse 2000 Le travail comme exp rience et les crit res du taylorisme 1 1 Le travail comme exp rience Si on veut comprendre pourquoi l activit industrieuse humaine requiert et interpelle l exercice philosophique et instabilise tout savoir sur le social il n est que de tourner et retourner cette th se le travail est toujours quelque degr une exp rience Cette th se n a rien eu dans notre culture d une vidence Sugg r e confirm e par toutes les tudes de cas que nous avons eu conna tre nous la tenons n anmoins pour absolument g n rale elle prend d sormais pour nous la dimension d une th se philosophique ou anthropologique c est ne pas penser l activit humaine de travail que de ne pas savoir y lire en quoi des sujets y sont mis l preuve En m me temps ces l ments qui font de toute situation de travail le lieu d une exp rience pr sentent des variations et des degr s consid rables au cours de l histoire Si on veut bien nous suivre on verra alors que de cette th se on peut tirer comme more geometrico une s rie de d finitions et de cons quences clairant r troactivement la difficult de la philosophie penser le travail dans la mesure pr cis ment o elle a t r tive cette th se Deux remarques liminaires sur cette formulation A Pour donner tout son sens aux mots
16. GUILHEM du Normal et le Pathologique 1966 mais plus pr cis ment au si bel article de 1947 Milieux et Normes de l Homme au Travail consacr au grand ouvrage de G FRIEDMANN Probl mes Humains du Machinisme Industriel 29 d Contre exemple partiel les industries de process Pour valuer et faire fonctionner ces crit res nous prendrons le cas des industries dites de process Ces industries dites encore autrefois feu continu ne supposent en g n ral aucun contact avec la mati re transformer Il s agit le plus souvent de fluides que le jeu combin de variables thermodynamiques temp rature pression volume concentration via des r actions de type vaporisation distillation m lang s paration de phases transforme en produits nouveaux Dans ce domaine d lection de la physico chimie il n y a pas ouvrer ou usiner Alors que dans les industries dites au contraire manufacturi res dont s est empar l origine le taylorisme il y a segmentation du proc s de travail en de multiples op rations discontinues ajust es aux pi ces diff rentes dans les installations process il y a cr er les conditions thermodynamiques pour que les r actions se fassent en quantit s proportions qualit s et temps voulus et en s curit Le rythme des op rations n est donc pas scand par les op rations plus ou moins l mentaires du travail imm diat mais par le process qui r gle la circulation des flui
17. RIAT L Atelier et le Chronom tre C Bourgois 1978 A DONA GIMENEZ Travailleur collectif autonomie ouvri re crise du proc s de travail th se de 3 me cycle Universit des Sciences Sociales de Grenoble 1979 R LINHART L nine les paysans TAYLOR Seuil 1976 et sur le concept de production de masse M PIORE et C SABEL Les Chemins de la Post rit Hachette 1989 Voir aussi la th se de C CHATZIS La R gulation des Syst mes socio techniques sur la longue dur e le cas du syst me d assainissement urbain LATTS ENPC Paris 1993 11 tout est tendanciel qu aucun concept ne peut imposer la vie sans n gociations ses normes abstraites ne peut annuler le travail de l histoire sur elle m me En l occurrence il se pose ici la question de l acclimatation du taylorisme non seulement l humain en g n ral mais historiquement aux pays de vieille tradition industrielle on a souvent dit et probablement non sans raisons que l O S T convenait l int gration dans une conomie de productivit d cupl e partir de masses d immigrants ruraux venus vers le Nouveau Monde du Continent Europ en En Europe nous ne croyons pas disposer d tudes vraiment satisfaisantes de la progression des organisations tayloriennes dans les diff rents lieux et branches de production Que la forme des grandes usines se soit effectivement d velopp e en Europe autour de la premi re Guerre Mondiale avec ses figures classiques les banl
18. a dur e et au sein de l quipe L quipe est cet gard directement fonctionnelle et encore moins que la surveillance individuelle la mise en commun d informations ses modalit s le choix des pertinences la qualit de la validation collective ne se d cr tent ni ne se programment La qualit du collectif est un l ment beaucoup plus pr cocement identifi comme facteur d efficacit dans les industries de flux ou de process que dans les industries discontinues ou manufacturi res Ce n est pas un hasard si Antoine RIBOUD PDG de BSN avant de g n raliser sa remarque en 1987 s interrogeait sur les effets pervers du salaire individualis dans les industries de process comment obtenir une coop ration efficace si on op re l aveugle des d nivellations et des cassures au sein de l quipe Parce que le gouvernement de l entreprise capitaliste trouve sa pente naturelle dans cette individualisation des rapports hi rarchiques conforme aux principes de TAYLOR il y a sans cesse des contre tendances contrecarrant des solidarit s internes mais ce n est pas sans risques cf A RIBOUD 1987 p 97 98 P MESSINE 1987 p 92 L Homme Producteur p 235 240 Pour ces raisons une industrie de process ne peut tre dite globalement r gl e par une O S T de stricte observance m me si certains secteurs peuvent localement sur des postes isol s respecter assez bien les quatre crit res Les relations professionnelles ne peuvent s y d p
19. activit au concept donc neutraliser les aspects singuliers de la situation tres humains inclus Notre objet n est pas de traiter ici de l histoire du taylorisme Notre propos est d en voquer assez pour tre la hauteur des deux raisons historico culturelle et anthropologique qui justifient de le consid rer comme une sorte de pr ambule toute sp culation philosophique sur le travail et comme point d aboutissement ultime d une ambition bi s culaire de simplifier le travail Les textes qui ont servi de base au syst me TAYLOR puis au taylorisme et l O S T sont pour l essentiel La Direction des Ateliers traduction fran aise en 1907 de Shop Management de 1902 et Les Principes d Organisation Scientifique des Usines 1912 traduit de Principles of Scientific Management 1911 La pens e de TAYLOR a surtout t connue en France apr s guerre par La Direction Scientifique des Entreprises publi chez Dunod en 1957 nouveau tirage en 1971 et republi en collection Marabout en 1967 Cet ouvrage rassemble les Principes de 1912 et le t moignage de TAYLOR devant une Commission de la Chambre des Repr sentants janvier 1912 R cemment une r dition comment e de La Direction des Ateliers incluant des commentaires critiques des contemporains fran ais de TAYLOR a t tablie par Fran ois VATIN Organisation du Travail et Economie des Entreprises 1990 TAYLOR est l origine d un mouvement l O S T avec aux Et
20. ats Unis la Taylorian Society qui aura ses disciples aux Etats Unis Ainsi F B GILBRETH qui dans la logique de l analyse et de la d composition des actes productifs a tent de codifier des unit s l mentaires de mouvement analogues en quelque sorte aux phon mes D autres l ont prolong ailleurs comme Charles BEDAUX en France 1887 1944 qui devait donner son nom l unit de mesure de la quantit de travail qu un travailleur manuel peut fournir en une minute pendant huit heures par jour Par la suite des syst mes de plus en plus perfectionn s de mesure des temps se sont d velopp s un peu partout dans les pays industriels M T M MODAPTS atteignant le cent milli me d heure soit 0 036 seconde et ce jusque dans la d cennie soixante dix Dans cette histoire de l O S T et notoirement de son attention hypertrophi e la d pense en temps de travail humain Henry FORD 1863 1947 est un cha non de taille La marche pied n est pas une occupation r mun ratrice dit il dans son autobiographie 1925 p 90 avec lui la rationalisation va se d ployer sur l organisation des flux de mati res Apporter le travail l ouvrier au lieu d amener l ouvrier au travail Les convoyeurs le d placement des pi ces usiner devant des ouvriers en ligne bref la cha ne et au del l organisation architecturale et hi rarchique de la grande usine classique pour la production de masse avec la tendance la standardisation d
21. comment s enrichissent de mani re concomitante un ensemble coordonn de concepts et le contenu m me de l exp rience du secteur de r alit vis par ces concepts Mais cette exp rience qui se structure dialectiquement avec le travail de conceptualisation fait sur elle comment faut il la concevoir Ou plus pr cis ment quelle est sa teneur en composants singuliers quelle importance accorder au fait que toute exp rience s inscrit un certain moment de l histoire ici et maintenant Lorsque la conceptualisation est un moment de l activit proprement scientifique sous le terme exp rience il y a alors deux temps qui s articulent il y a le protocole exp rimental par lequel des questions formalis es sont pos es la r alit tudier travers un dispositif technique bien ma tris par la th orie Et il y a la mise en oeuvre du protocole comportant notamment les lectures de r sultats C est l que l exp rience commence diverger de l exp rimentation seul concept vraiment appropri cette d marche On voit bien en effet que l ambition de g n ralisation propre la vis e scientifique pousse neutraliser au maximum les aspects singuliers qu on a coutume d attribuer toute exp rience Objectif qu elle atteint presque la perfection dans les sciences de la nature L l exp rience tend se r duire des situations standards codifi es de part en part et donc indiff rentes ses aspects d historic
22. ction On voit mal par exemple dans le dispositif de JOULE le refroidissement du fluide faire remonter les poids leur hauteur initiale ce qui contraindra articuler cette relation d quivalence une relation d in galit dans la transformation des formes de l nergie sauf dans le cas purement id al de transformations r versibles second principe de la thermodynamique Ce serait aussi le cas du concept de simultan it absolue remis en chantier avec la relativit Soit il s agit de l appareillage technique dont on ma trise mal les marges de variabilit normales ou anormales Soit c est la mise en oeuvre du protocole qui est d fectueuse comme lorsqu on parle en probabilit s d chantillon non repr sentatif Dans nombre de cas ces effets de singularit se combinent et c est pr cis ment de la difficult d imputer une hypoth se une proposition un appareillage particulier les discordances entre la th orie et les r sultats que P DUHEM a fortement argument contre l id e d exp rimentum crucis d exp rience cruciale en physique La Th orie Physique chapitre VI Mais la vis e de neutralisation reste claire Critiquer cette derni re reviendrait rendre impossible le concept scientifique Mais la question qui va se poser nous sera la suivante comment ajuster comment pond rer la vis e de neutralisation en fonction du secteur de la r alit tudier Et comment viter que le mod le de la domina
23. dans la pr sente tude permettent de pr senter des exemples et facilitent ainsi l expos et la compr hension de la dite m thode Mais ils ont t relev s dans des ateliers qui ont leurs caract ristiques particuli res On ne peut donc en tirer aucune conclusion d ordre g n ral en ce qui concerne les temps de fa on moyens Chaque industriel devra donc pour appliquer cette m thode avec une pr cision suffisante tablir lui m me des temps de base dans ses propres ateliers avec son mat riel et son personnel p 3 C est l o la question devient comme disent les sociologues soci tale si la pens e au travail est explicitement fonctionnnellement d plac e vers les cat gories minoritaires des bureaux comment les soci t s o germent ces organismes immenses ne seraient elles pas affect es en leurs d bats immanents par ces distributions massivement programm es d intelligence et de d bilit industrieuses Quelle vision d elles m mes de leur cr ativit sociale des processus historiques peuvent elles v hiculer De fait pour voquer un aspect plus parlant de cette question jamais l histoire de l ducation n a purement et simplement enregistr cette coupure dans les structures scolaires et les politiques de qualification travers es et c est heureux par des rapports de force plus complexes Mais pour tre viable l O S T ne r clamait elle pas et ne fallait il pas que satisfaction partielle lui soit do
24. des dans les r acteurs tuyauteries colonnes de distillation filtres cf la sid rurgie les cimenteries l agro alimentaire la papeterie la p trochimie et l industrie chimique en g n ral Il arrive souvent que les travailleurs de ces industries qualifient eux m mes de taylorien le syst me de travail auxquels ils sont soumis Deux des crit res que nous avons voqu s ont en effet longtemps pes et continuent limiter l espace de leur activit ce qui notre sens permet de rendre compte de leur jugement les crit res 2 et 3 le one best way et la distinction conception ex cution Jusqu aux r centes exp riences de d marche projet et d association des futurs op rateurs la conception ergonomique des installations la conception du process a toujours pour l essentiel t livr e cl en mains aux utilisateurs et notamment aux quipes d op rateurs qui ont l appliquer c est dire surveiller l volution de param tres cens s r guler scientifiquement et optimalement la circulation et la transformation des produits Parce que les installations se pr sentent comme la traduction directe de savoirs physico chimiques et technologiques et que le respect des normes appara t l crucial pour des raisons de s curit le one best way y trouve une tr s forte l gitimation r cuser la dispersion des modes op ratoires et tre monopolis par les experts du concept cet gard la coupure hi rarchique
25. e produire des essais partiels de r ponses aux difficult s qu a engendr es l O S T le d placement tendanciel des probl mes qui s op re aujourd hui dans la sph re de l entreprise et qui affecte les relations professionnelles sociales l histoire notre histoire bref de ne pas tre le contemporain de notre pr sent Tout change rien ne change la vieille question philosophique du changement se repose sur ce terrain o est en jeu beaucoup plus qu un probl me de management Si par exemple on identifie le taylorisme aux crit res conomiques dominants on conclura en effet au maintien du m me Il y a chance alors qu on ne soit gu re capable de se saisir des opportunit s r elles de changement dans la gestion des hommes et des choses En m me temps cette d finition l che de l O S T ne permettrait pas de comprendre en quoi s affronter l activit sociale de travail oblige r valuer le panorama philosophique repenser le r gime de production des savoirs dans les dites sciences humaines Dans le texte de l Encyclop die que nous avons voqu l espace entre la pratique de l art et la connaissance inop rative n tait pas hi rarchis ou tout prendre l tait au b n fice de la premi re Mais il est ce me semble d exp rience qu un artiste se passe plus facilement de la g om trie intellectuelle qu un homme quel qu il soit d une certaine g om trie exp rimentale L accent est mis sur la variabilit
26. e fait pas encore norme puisque ces formes de virtuosit ouvri res manifestent quelque chose comme un jeu partiel avec la norme re ue et impos e mais le projet est d en faire une norme c est dire de la transformer en moyenne d finissant le temps standard pour tel type d op ration Ce jeu entre norme et moyenne nous para t essentiel pour articuler travail concret et travail abstrait au sens de MARX de telle sorte que soit compr hensible une histoire des normes sociales de production cf notre Exp rience et Connaissance du Travail 20 9 Marc BARTOLI a minutieusement tudi cette captation des variabilit s individuelles positives 1980 p 279 sq 21 Cf cette excellente synth se p 372 En d finitive on retrouve les principes expos s pr c demment le plan de chargement des postes de la cha ne va se traduire par l affectation des ouvri res aux postes en fonction de la variabilit inter individuelle des activit s maximales escompt es de sorte qu aux divers niveaux d activit requis 27 Alors l homme moyen du taylorisme est ce le surhomme pour une fonction productive de d tail De fait TAYLOR admet que l tude des temps n est en aucun cas le chronom trage d un homme quelconque dont le temps serait d cr t n cessaire l ex cution du travail Interrog en ce sens par une commission de la Chambre des Repr sentants il r pond Nous recherchons d abord un bon ouvrier et non un o
27. en tente de r v ler une dimension thico sociale dans le projet rationalisateur Il reste notre sens une articulation tr s probl matique dans l organisation scientifique du travail entre individualisation et moyenne La gestion individualis e de la main d oeuvre est d abord condition du respect du crit re 4 voqu ci dessus Elle permet de dissoudre ces pr tendus temps moyens foment s par les solidarit s informelles d fendant leur droit la fallacy Mais elle n est pas seulement cons quence de l diction du one best way elle est aussi coh rente avec la d tection de diff rentiels de performance qu on essaiera de commuer en standard impos priori Mais ce dernier vaudra d autant mieux comme loi qu il appara tra ult rieurement comme acte sans qualit ou presque non performance accessible tout ouvrier normalement constitu l homme moyen La r solution formelle de cette d licate articulation passe on l a vu par la cat gorisation des types de t ches l existence de telles cat gories justifie les pratiques de s lection tests en accord avec l individualisation des pratiques de commandement cf D A 33 38 L id e de moyenne se r introduit dans chaque cat gorie en essayant de tirer celle ci vers l optimum que les variabilit s et inventivit s humaines offrent en cadeau au rationalisateur taylorien Mais cette solution reste formelle car s il y a v ritablement production de masse conce
28. es m mes r gles L art est ici ce qui distinguait chez les Grecs la fechn de la Nature ou plus exactement la fabrication humaine la poiesis au sens d ARISTOTE Dans cette formule riche mais f conde d ambigu t s parce qu ouvrant des d veloppements historiques oppos s lt cf infra Texte n 16 gt DIDEROT en d finissant la connaissance inop rative c est dire qui n op re pas ne manipule pas elle m me laisse ici un espace industrieusement cr ateur ou culturellement subordonn entre elle et une pratique comme exp rience II y a dans tout art un grand nombre de circonstances relatives la mati re aux instruments et la manoeuvre que l usage seul apprend L avanc e du taylorisme ses bonds de productivit ont voir avec le souci de ne pas laisser cet espace aux irr gularit s de l empirie Mais s il y a aujourd hui reflux profond du taylorisme du moins dans les antres o il est n c est certainement pour avoir cru pouvoir non seulement renverser l ordre logique et hi rarchique sinon chronologique la connaissance inop rative d abord mais supprimer tout espace d v nements entre l inop ratif et la mise en oeuvre L id al de l O S T n est pas l exp rimentation au sens du 1 1 car il s agit de produire en s rie des marchandises non de tester une hypoth se Mais le paradigme taylorien entend bien comme l id al de l exp rimentation ma triser les conditions initiales subordonner l
29. es produits et des op rations le fameux mod le T passe par le fordisme et les usines de D troit De l ing nieur TAYLOR au capitaine d industrie FORD les liens entre usage planifi du travail humain et consommation niveaux de vie march conditions sociales ad quates prennent une dimension nouvelle La rationalisation est une v ritable m thodologie de gouvernement de l entreprise dont les liens avec les autres formes de gouvernement ne sauraient plus tre secondaires On peut penser aux enjeux de la r mun ration du travail une Nous ne partageons pas tous les points de l introduction de F VATIN Pour autant cet ouvrage peut tre un outil pr cieux tant par la r dition d un texte peu diffus que par les r f rences bibliographiques et notamment sur la r ception du taylorisme en France et les recherches sp cifiques qui s y d veloppaient l poque Les extraits d AMAR BELOT LAHY et LE CHATELIER sont judicieux et clairants 5 A ces unit s on a donn le nom de therblig soit l envers de son nom De fait cette d composition reste g n rique par rapport une diversit d ex cution du m me l ment et ne touche au fond que le sens de l acte exemple saisir la cl cf A G HAUDRICOURT Gestes et Mouvements 1959 in 1987 Cf Marc BARTOLI dans L Homme Producteur 1985 p 141 sq Voir sa th se sur l intensit du Travail chapitre 1980 7 L ampleur sociale d un tel dispositif d exploitatio
30. gie entre les s quences du travail et l tendue cart sienne les unes et l autre doivent tre pens es partes extra partes sans r sidu d opacit d imp n trabilit de recouvrement de substances ou de formes pour la seconde d actes ou de gestes pour les premi res C est cette condition que l on pourra conna tre les propri t s aper ues dans l univers comme r sultant du mouvement de ses parties Principes de la Philosophie Il 23 op rer et calculer sur des s quences op ratoires b Taylorisme langage et activit industrieuse Le temps de travail socialement n cessaire note LUKACS en vient avec le taylorisme s opposer au travailleur en une objectivit achev e et close Ses propri t s psychologiques sont ramen es au concept calculateur 1960 p 115 Les organisations tayloriennes produisent des instances l gitim es et habilit es dire normativement ce que le travail doit tre donc ce qu il est La pr supposition d anticipation exhaustive des actes par les concepts en annulant th oriquement le travail comme exp rience institue une configuration particuli re de poids et d enjeux extr mement forts entre le travail et le langage Id alement le travail prescrit est totalement codifi d crit en phrases cf les gammes op ratoires construites par des instances ext rieures l activit elle m me Dans cette structure d h t rod termination le dire du travail est externalis par ra
31. humaine pourra mimer la d pense m canique si et seulement si son usage peut tre pur comme seul usage du corps soumis une succession d op rations se d roulant lin airement dans le temps Aussi bien m me si la cha ne exemplifie au mieux cette requ te celle ci doit pouvoir prendre sens m me en l absence de dispositifs techniques scandant les contraintes gestuelles et temporelles Nous voquions le cas c l bre de la manutention des gueuses de fonte c est le cas aussi chez TAYLOR du pelletage ou de la pose d un mur de brique c est dire de s quences pr fordiennes L ambition rationalisante exige donc une analyse d op rations d compos es en segments l mentaires visant l ind composable ultime Moins en effet l analyse est pouss e autant subsiste infiltr e une pens e des encha nements des formes d anticipations et de superpositions possibles des segments donc des zones irr ductibles d opacit non subsum es Et ces d tails infimes non ma tris s deviennent des germes de d stabilisation de la l gitimit indissolublement rationalisante et sociale de la norme organisatrice La parcellisation du travail est l envers de cette Aufkl rung particuli re Ce proc d oblige faire l analyse de la fabrication couture par couture cette d composition faite il devient tr s facile d obtenir une division du travail CETIH p 3 L annulation du travail comme exp rience implique donc d abord massivemen
32. i l affronte elle s inscrit donc comme moment formateur d formateur d un itin raire Affirmer que le travail est toujours quelque degr une exp rience est donc pr tendre que toute situation humaine de travail comporte en partie ces caract ristiques d une non d finition exhaustive de ses conditions aux limites B En second lieu il convient de distinguer exp rience du travail et travail comme exp rience L id e que les op rations industrieuses soumises des normes conomiques ou sociales ne sont possibles et efficaces que gr ce l accumulation et la mise en oeuvre d un stock d exp riences chez les acteurs est totalement inscrite dans les th ses que nous pr sentons ici Ces derni res ann es des plans de restructuration de mise la retraite anticip e ont r v l a posteriori des dirigeants fonctionnant trop exclusivement aux ratios mon taires classiques ce qu il en co tait l efficacit conomique d introduire brutalement des ruptures de g n ration c est dire des pertes de savoir faire des discontinuit s dans les processus formatifs internes on commen ait pourtant parler du m tier de l entreprise L inh rence d un horizon d h ritage extr mement complexe non r ductible aux seuls apprentissages cognitifs ou psycho moteurs mais les r appropriant son usage profond ment op ratif dans les actes les plus quotidiens est certainement une donn e fondamentale de toute approche intel
33. ieues et faubourgs ouvriers que se soit situ en ces alentours vers 1920 le tournant taylorien DEWERPE 1989 p 141 est incontestable Mais quelle proportion de la population active Et en ces grandes concentrations usini res quel d veloppement de la rationalisation quel pourcentage de main d oeuvre concern Diverses tudes ont tent de cerner la progression de la rationalisation en France les dispositions des diverses parties concern es dirigeants industriels Renault Citro n Peugeot les ing nieurs les ouvriers leurs organisations et leurs r actions Nous aurions tendance penser que l akm des formes d organisation taylorienne dans les industries manufacturi res se situerait en France entre 1960 et 1970 les mouvements de 1968 en Europe les gr ves des O S dans les ann es qui ont suivi marquent le d but contraint d une r valuation des strat gies Dans ce domaine tout usage de concept qui ne se saurait pas lui m me aux neuf dixi mes nous para t de l usurpation cf notre Exp rience et Connnaissance du Travail 3 10 10 De 1926 1954 le pourcentage de la population active employ e dans l industrie et travaillant dans des tablissements de plus de 500 salari s cro t lentement de 18 9 24 8 DEWERPE op cit p 140 Dans le m me temps la population active industrielle passe de 6 1 million 6 8 Il Nous pensons notamment aux travaux de Patrick FRIDENSON partir des usine
34. imple de ce concept Une acc l ration de la cha ne entra ne th oriquement une acc l ration des gestes humains et une croissance de la productivit sous forme d intensification du travail Plus g n ralement le taylorisme exige une pr dominance du travail imm diat dans la mesure o il pr suppose un rapport de soumission du corps au concept et au temps comme s quence C est la condition d une 14 Il ne s agit pas de critiquer la rationalisation taylorienne de mani re unilat rale encore moins toute rationalisation du travail Encore une fois la productivit du travail a norm ment augment cr ant avec succ s la production de grande s rie cf NOIRIEL op cit p 130 L Homme Producteur pp 84 sq 5 Exemples LORINO 1989 CROZIER 1989 16 rationalisation qui pr tend investir l activit industrieuse et supprimer en elle la dimension d exp rience Sans doute la m taphore du boeuf lourd la fois d esprit et de corps DSE p 299 du gorille intelligent id p 85 ne renvoie t elle chez TAYLOR qu la cat gorie de t che la plus rudimentaire exemplifi e par la manutention des gueuses de fonte et en g n ral l ouvrier n est pas pur automate id p 97 Mais ce n est qu att nuation d une th se qui pour liminer l anarchie implique que l ouvrier n ait pas penser son usage de lui m me C est donc l id al asymptotique du m canique qui doit r gler la pens e de l activit ouvri re la d pense
35. iser les moments productifs permettre leur it ration ind finie L image culturelle si r manente du travail comme routine comme activit m canique r p titive renvoie cette distinction fonctionnelle majeure entre conception et ex cution Les modalit s historiques de cette distinction peuvent varier plus ou moins dans les entreprises les services organiquement hi rarchis s pr senter des d nominations variables des courants intellectuels divers comme le Fayolisme en France Henri FAYOL s int ressant davantage au d but de ce si cle aux circuits de commandement et de programmation dans l organisation conforter cette tendance majeure cf DEWERPE 1989 p 140 145 Mais une coupure s institue fondamentalement entre ceux qui pensent le travail des autres et ceux qui l ex cutent sans l avoir en th orie pens La R publique de PLATON permettait la philosophie de lire grossie dans la cit la tripartition de l me humaine La s paration conception ex cution r p t e l envi dans les grandes entreprises des pays industrialis s n a pas donn lieu de telles sp culations Et pourtant A c t des Bureaux d Etudes o se trouvent d sormais centralis s les services techniques TAYLOR ne doute plus que les Services de r partition commis aux tudes de temps aux fiches d instruction et de fabrication ne se g n ralisent dans les entreprises modernes cf DA 154 157 21 Tous les ordres doivent tre donn
36. it Le protocole est enti rement domin par les concepts par la th orie et peu importe qui le met en oeuvre et lit les r sultats puisqu est neutralis l aspect occasionnel de l v nement Cette r duction f conde renvoie une pratique d exp rimentation Que l on prenne par exemple l exp rience classique de JOULE montrant l existence d une proportion fixe l quivalent m canique de la calorie entre l chauffement par friction d une quantit donn e de fluide et l nergie m canique qui en est la source Reports British Association 1847 pt 2 page 55 Des poids en tombant font mouvoir par l interm diaire d une poulie une roue palettes horizontale qui par friction chauffe le liquide dans lequel elle est immerg e Standardiser l op ration c est tenter d purer la situation d effets de singularit de ph nom nes annexes quoique li s la particularit du proc d invent de telle sorte que ceux ci n entament pas l interpr tation des r sultats fournis par le protocole Outre le respect de conditions que les physico chimistes appelleront justement les conditions standard de temp rature et de pression ambiantes il s agit dans le cas pr sent de d crire tr s exactement le dispositif de telle sorte qu chappant au hic et nunc l op ration soit r it rable l identique dans toute autre circonstance et par quiconque c est tenter de neutraliser ce paradoxe d un dispositif singulier agenc pour prouver
37. lectuelle du travail humain Dans sa riche indistinction cette id e comporte n anmoins ses limites internes quels sont les ingr dients majeurs de cette si n cessaire exp rience Quel en est le r f rent essentiel o se construit son efficacit Est ce l exp rience d un atelier d un service d un bureau particulier D une entreprise d un m tier d une branche Des relations professionnelles des rapports sociaux de la vie au travail Le flou sur la formule peut ventuellement se retourner contre sa r elle f condit Plus le point d application sera pr cis mieux on pourra d tailler l avantage du temps pass dans l installation ou le lieu d activit Un rondier habitu d une entreprise p trochimique saura mieux o diriger ses pas son regard son attention se construire des rep res sur l oc an de tuyauteries de joints et de vannes que le jeune ouvrier nouvel arrivant sur le site cf F Daniellou 1986 fiches 24 31 64 En m me temps la dimension de patrimoine de l exp rience n inclut elle pas justement son pluriel Accumuler de la ressource en m moire des r serves de r action sur un seul terrain n est ce pas aussi manquer d exp riences A glorifier l exp rience en ce sens indistinct ne risque t on pas de privil gier voire de justifier un usage segmentaire r p titif des affectations humaines dans le travail Et retourner ainsi l exp rience en relative privation d exp riences Par ailleurs cette
38. liste Aubier Montaigne 1975 rapport l anticipation taylorienne des actes op ratoires 32 Ford H Ma vie mon oeuvre Payot 1925 Friedmann G Probl mes humains du machinisme industriel NRF 1947 O va le travail humain Gallimard 1950 Le travail en miettes Gallimard 1956 Haudricourt A G La technologie Science Humaine Recherches d histoire et d ethnologie des techniques Editions de la Maison des Sciences de l Homme 1987 Kuhn T S La structure des r volutions scientifiques Flammarion 1972 Le Chatelier H Le taylorisme Dunod 1934 Lorino P L conomiste et le manageur La D couverte 1989 Lukacs G Histoire et conscience de classe Editions de Minuit 1960 1919 1922 Marx K Mis re de la philosophie Editions sociales 1968 Messine P Les Saturniens La D couverte 1987 Montredon R Op rateur de process l article ind fini in Technologies Id ologies Pratiques Vol VI 1986 Moutet A La rationalisation industrielle en France au XX me si cle Etude sur les rapports entre changement d organisation technique et probl mes sociaux 1900 1939 Th se Paris 1992 Noiriel G Les ouvriers dans la soci t fran aise XIX XX si cle Points le Seuil 1986 Oddone et alii Red couvrir l exp rience ouvri re Editions sociales 1981 1977 Riboud A Modernisation mode d emploi Rapport au premier ministre Collection 10 18 1987 Salais R
39. lle comme lieu d accumulation de profits pour ceux qui y ont des titres de propri t ll arrive tr s souvent qu une entreprise soit oblig e avant toute mise en fabrication d indiquer un client quel serait le prix d un v tement conforme au mod le qui lui est soumis Dans ce cas il convient d estimer les divers l ments du prix de revient et notamment le temps de confection n cessaire la fabrication de l article chiffrer chacune des op rations effectuer permettant ainsi non seulement d obtenir le prix total cherch mais aussi le temps th orique de chacune des phases de la fabrication Cette m thode conduit chronom trer les temps l mentaires d composer chaque geste de l ouvri re tablir des temps de base pour les diff rentes longueurs et les diff rents genres de couture CETIH p 1 Cette lutte contre l opacit conduit donc se retourner contre les producteurs non int ress s directement aux profits de l entreprise En beaucoup de cas d plore TAYLOR 18 Voir galement M BARTOLI 1980 p 233 sq Comme le dit l conomiste Robert SALAIS 1989 p 223 4 la conception du travail est restreinte au temps imm diatement productif rentable ce qui lie de fa on tr s sp cifique aux organisations tayloriennes ce qu il appelle convention de productivit et convention de ch mage 19 l employeur est peu pr s certain qu un travail donn pourrait se faire plus rapideme
40. loyer sur le plan des principes exactement comme dans des usines cha ne et convoyeurs Que dans les faits des rapprochements assez fondamentaux s op rent aujourd hui entre ces deux types d activit ouvri re c est une donn e des transformations actuelles Mais au plan id al les rapports de la pens e au corps l activit au temps aux autres l exercice du langage y sont th oriquement Proc dures automatisant le diagnostic et la manipulation ou syst me d aide la d cision Le d bat aujourd hui sur l usage des syst mes experts tourne largement autour de la distance prendre par 31 tendanciellement diff rents Au partes extra partes de la stricte O S T s oppose ici une opacit partielle une zone rebelle l h t rod termination o le paradigme taylorien comme ambition rationalisante et main s culi re id ale du gouvernement capitaliste de l entreprise trouve ses limites Toute organisation maintenant les crit res de gestion existant les imp ratifs de rentabilit profit des lignes hi rarchiques marqu es des secteurs dits d ex cution ne peut tre dite ipso facto taylorienne ou n o taylorienne La question n est pas ici de savoir si l O S T a t ou est en r alit ce qu elle a pr tendu tre et notre r ponse est ici partiellement mais tr s profond ment n gative mais si des principes qu on peut appeler ou non tayloriens r glent officiellement ou non les processus de travail si et q
41. mement tenue si on veut viter d s le d part de se d fausser du vrai poids philosophique qu implique l essai d intelligibilit du travail humain Reste justifier la g n ralit de la premi re des deux expressions la l gitimer comme th se anthropologique A cette fin le passage par le paradigme taylorien s impose 1 2 Le paradigme taylorien Avant tout faut il utiliser ici propos du taylorisme le terme de paradigme terme b n ficiant d une nouvelle et f conde existence depuis les travaux de T S KUHN notamment 1972 mais aussi marqueur souvent assez l che d une ambition pist mologique in galement contr l e N anmoins il peut tre utile propos du taylorisme pour indiquer ce qu il fut ce qu il est un tissu coh rent et articul de pens es r ellement organis es et de proc dures r ellement op rantes relatives au gouvernement de l entreprise capitaliste De par cette coh rence le taylorisme a pu devenir une v ritable disposition spontan e une seconde nature pour une majorit de dirigeants et d organisateurs incapables de concevoir d autres fa ons d utiliser efficacement le travail humain et pourvoyeurs de ce fait d un certain type de regard culturel et philosophique sur l activit humaine de travail Cette relative inconscience des r gles r gissant leurs choix a bien quelque chose voir avec la d finition kuhnienne du paradigme Quant aux connotations ant rieures du mot que cette d fi
42. mmes nous avec le taylorisme il appara t n cessaire de se donner des crit res de d finition Sinon la r flexion devient l che et l on perd le sens profond de l preuve du taylorisme comme pens e ou non pens e partielle de l activit humaine dans ses implications historico culturelle et philosophique 1 3 L ambition taylorienne proposition de crit res L ambition taylorienne est d abord quelque chose qui concerne les rapports du concept et de l activit du concept et de la vie Si sa d finition s en tient des peu pr s on perd la substance historique et philosophique de cette confrontation Nous distinguons ces deux l ments interpellation philosophique et intelligibilit historique mais ils sont ins parables si du moins on pose en termes pr cis l preuve de r alit du taylorisme Que si le taylorisme r gle comme il l ambitionne la question de la subsomption de l activit industrieuse sous le concept organisateur les tres r gl s par ce dispositif ne peuvent que fa onner l histoire en ce mode qui correspond l annulation de leur vie industrieuse comme exp rience ou plus exactement l histoire devrait logiquement enregistrer leur non contribution son processus sinon comme ext rieurement leur vie de travail mais de quelle pr sence historique et culturelle peuvent tre des hommes dont la vie sociale serait pour l essentiel h t rod termin e par le concept A l acceptation philoso
43. n de la force travail qui travers les salaires implique l habitat la consommation la reproduction donc les politiques tatiques et publiques a largement 10 industrie bas salaires est toujours en p ril dit FORD ibid p 145 quand il justifie sa politique des five dollar s day Ces principes qui vont progressivement s identifier l id e d introduire enfin la science dans l organisation de la production c est dire comme rationalisation vont peu peu investir partir de 1910 les conceptions les dispositifs institutionnels et les entreprises industrielles mais aussi indirectement les champs socio politiques et culturels Ils le feront de fa on in gale selon ces ordres de r alit selon les pays et dans le temps Et parce qu en d pit d un reflux certain au niveau des id es manag riales dominantes cette histoire se poursuit encore partiellement sous nos yeux il est au fond tr s difficile de se faire un bilan philosophique et historique de cette forme d usage industrieux des hommes Nous avons dit que la philosophie n a gu re t la hauteur y a eu quelques exceptions remarquables comme G FRIEDMANN 1947 1950 1956 et G CANGUILHEM le lecteur si lucide et perspicace de Probl mes Humains du Machinisme Industriel 1947 FRIEDMANN fut l analyste engag document critique de cette nouvelle configuration du travail humain D autres comme P NAVILLE ont port un regard averti sur ces r alit s
44. nition int gre le taylorisme a bien pu se pr senter comme un exemple un mod le un id al de perfection dans son domaine En m me temps il y a eu des fondateurs explicites TAYLOR des th oriciens un courant l O S T l organisation scientifique du travail des tapes consciemment assum es de passage la rationalisation c est dire l O S T donc une l gitimation codifi e du projet ce n est plus exactement le cas de la bonne conscience du savant normal chez KUHN pour qui il n y a pas d autres formulations l gitimes des questions scientifiques que celles qui gouvernent sa pratique Ces r serves faites pourquoi le paradigme taylorien est il aujourd hui un incontournable de la mise en demeure r ciproque de la philosophie et du travail Il y a lieu de le comprendre sous deux motifs articul s D abord le taylorisme caract rise une poque historique du travail social et travers lui de la culture du d veloppement contradictoire des civilisations comme pens e dominante de l usage productif des hommes c est dire de nos dis semblables comme syst me organisant r ellement les grandes entreprises en Occident quoique progressivement in galement et sans jamais et de loin liminer d autres formes organisationnelles A cet gard parce que des millions d hommes nos semblables ont v cu mes us d eux m mes consomm procr pendant quelques d cennies sous ce r gime d exploitati
45. nn e un 22 tagement des niveaux sociaux de savoir compatible avec le gouvernement taylorien de l entreprise Le cadre conceptuel qui a investi l activit de travail est issu de l autonomisation de cette fonction organisatrice et prescriptive et sera stable jusque dans les ann es 1970 cf Comprendre le Travail p 41 4 L individualisation de la t che et les rapports hi rarchiques Un dernier crit re nous para t particuli rement important pour juger si des situations pr sentes prolongent ou r activent certaines formes tayloriennes l O S T r cuse tout ce qui ressemble une quipe au niveau de l ex cution Les trois crit res pr c dents n excluent pas une r partition par des collectifs des op rations segmentaires avec leurs temps allou s Mais qui dit r partition horizontale admet l ouverture possible de n gociations entre ouvriers donc gen se d un champ de r flexion et de jugement sur la d composition op r e par les bureaux avec le risque de d saccords internes ou au contraire d accords tacites pour augmenter les temps r els par rapport aux temps allou s et donc reconduction d une force collective de r sistance la rationalisation Chaque fois que l O S T laisse un espace pour des r partitions horizontales on voit de tels processus se d velopper La fallacy est une pratique qui sourd des exp riences et des accords informels elle est issue de et renforce les solidarit s horizontales cf
46. nouvelles et dans des champs diff rents A GRAMSCI ou Charlie CHAPLIN Sur la rationalisation des rationalisateurs le cr ateur des Temps Modernes 1936 porte le regard d un tre qui a pourtant lui aussi sa raison et notamment d tre et de vivre On dispose aujourd hui d ouvrages nombreux plus ou moins historiques techniques ou critiques outils d un bilan qui ne peut rester que provisoiref Tout en m me temps il faut se garder d un autre risque Autant l inaptitude penser l ambition et l chec du taylorisme appauvrit l horizon de la philosophie autant elle subirait un appauvrissement sym trique et inverse en manipulant ce type de concept comme cl universelle caract risant l activit industrieuse de l poque Aucune conception aucun concept n a le pouvoir d effacer c est dire de d figurer des h ritages imm moriaux Ce que la r flexion sur le travail et du travail comme exp rience a pist mologiquement nous enseigner c est penser la complexit des rapports entre le concept et l activit humaine c est qu en ce domaine fonctionn comme point de consensus des conomistes r gulationnistes du rapport salarial rapport salarial qui entrerait en crise dans la d cennie 1970 cf R BOYER 1986 p 86 Le lecteur trouvera dans l dition VATIN de TAYLOR une bonne bibliographie On peut mentionner Le Tavlorisme actes d un colloque dit par M de Montmollin et O Pastr La D couverte 1983 B CO
47. nt qu il n est fait mais il a rarement la pr caution de prendre les mesures n cessaires pour forcer les ouvriers faire le travail dans le minimum de temps DA 61 cf 92 A maintes reprises TAYLOR critique ce management inadapt incapable de justifier son sentiment d un gaspillage DSE Pr face organis de travail humain remarque qui montre bien que les ambitions ant rieures de simplification taient loin d avoir atteint leur objectif La postulation du one best way soutient la d nonciation de la fallacy ouvri re tromperie sur les temps qu on peut traduire par fl nerie cf DA p 92 95 DSE p 75 sq Tout salaire aux pi ces sans tude des temps est incompatible avec une ma trise sociale de la productivit Le leit motiv d une tude des temps coupl e une connaissance rigoureuse des moyens techniques et de leurs conditions d usage comment allouer des temps corrects si la diversit ou l impr cision affectent les outils Cf propos de la coupe des m taux DSE p 177 et sq le tout pouss jusqu l extr me d tail cf DA 149 154 156 260 261 est une croisade ambig e dont la force de frappe sociale se d ploie sous la banni re de la rationalisation Il est vrai que la pens e de TAYLOR est cet gard coh rente fl nerie paresse freinage sont des penchants naturels peut tre mais irrationnels Certes et la cons quence en est norme la d monstration d irrationalit fait
48. ntinuit 17 machinique mais o pr dominent encore des contraintes de s quences pr programm es d actes l mentaires accomplir th oriquement disjoints les uns des autres comme la saisie d informations sur clavier avec une succession de oui non de cases cocher 2 The one best way La seule meilleure mani re de faire Une chose est de programmer la chronologie d une s quence d op rations unitaires discr tes autre chose est de pr tendre anticiper exhaustivement leur mode d ex cution nommer les op rations n est pas encore les faire int gralement passer sous la domination du concept et l exp rience chass e de la s quence temporelle peut se survivre dans l ex cution C est en ce point que l O S T r cuse d finitivement l espace de jeu r serv dans l Encyclop die entre la pratique et la connaissance inop rative Or parmi ces m thodes vari es et ces outils divers employ s pour accomplir chaque l ment de travail dit TAYLOR voquant l apparente anarchie op ratoire tol r e par les entreprises il existe toujours une m thode et un outil qui permettent un travail plus rapide et meilleur que tous les autres DSE p 32 Ce postulat consid rable fait passer TAYLOR d une clairvoyante vision des variabilit s op ratoires son d passement dogmatique au nom d une pr tendue norme rationnelle unique Ce postulat n en est d ailleurs pas vraiment un dans la mesure o il se d duit du crit re pr
49. nuit Il dort jusqu la fin du casse cro te puis il double le poste son tour p 26 23 d veloppent des concepts qui vont marquer toute analyse du travail venir la sociologie la psychologie du travail l ergonomie la t che le poste de travail cf Comprendre le travail p 41 42 TAYLOR l avait bien vu Peut tre l l ment le plus important de la direction scientifique est l id e de t che Le travail de chaque ouvrier est pr vu dans son entier par la direction au moins un jour l avance et chaque ouvrier re oit dans la plupart des cas des instructions crites et compl tes d crivant dans le d tail la t che qu il doit accomplir et lui indiquant les moyens qu il doit employer pour ex cuter son travail Le travail pr par ainsi en avance constitue une t che qui est accomplie ainsi que nous l avons expliqu d j par l action conjugu e de l ouvrier et de la direction DSE p 80 M me si pour l ouvrier le canal hi rarchique est pluriel DA 234 en th orie la t che l isole de l ant rieur et du post rieur Le poste de travail cherche cr er un solipsisme industrieux o nul n a savoir ce que fait son voisin tant du moins qu il tient les temps La m canisation de la production observait LUKACS vers 1920 fait d eux cet gard aussi des atomes isol s et abstraits que l accomplissement de leur travail ne r unit plus de fa on imm diate et organique et dont la coh sion est bien
50. on aucune proposition th orique de l ordre de l histoire et de la culture ne peut pr tendre se d velopper sans porter l empreinte ambigu de cette configuration de vie Si vraiment des masses d hommes et de femmes ont t sollicit es de travailler sans penser quelque qu ait t leur rapport r el cette contrainte comment le syst me d ducation la vie quotidienne l habitat la densit intellectuelle les limites du pensable des nations concern es n en auraient elles pas t marqu s Et c est pour le m me motif que la question de savoir o nous en sommes aujourd hui avec le taylorisme est cruciale pour nous comprendre nous m mes comme citoyens d un pays d un monde g rer dans notre h ritage et nos possibles De ce point de vue la philosophie n a pas t la hauteur ou elle a pris trop de hauteur pour traiter des questions qu elle estimait pourtant siennes Pour comprendre notre pass imm diat ou nous situer dans l actuel le paradigme taylorien est interroger Mais la mise en organisation du travail humain n a pas commenc TAYLOR le ph nom ne consid rable qu on a appel la r volution industrielle l avait pr c d e d un si cle et demi en Angleterre et de trois quarts de si cle sur le Continent D elle nous sommes aussi les h ritiers comme de la r volution n olithique qui remonte au VIll me si cle avant J C au Moyen Orient un peu plus tard en Europe Il y a donc un second argumen
51. on introduise dans un atelier ou un service un dispositif technique nouveau une machine commande num rique qu on utilise de nouveaux mat riaux de nouvelles proc dures des tres naturels nouveaux biotechnologies de nouveaux langages informatiques des formes de gestion de comptabilit s d centralis es des indicateurs manipuler que l entreprise s attaque des march s nouveaux que des clients trangers viennent poser en leur langue jusqu au plus pr s de la fabrication ou du service leurs exigences de performance et de qualit l vidence des jeunes acc dant ventuellement leur premier emploi plus ou moins familiaris s par leur scolarit ant rieure avec ces dispositifs et ces langages ici impliqu s auront jouer leur r le propre dans la construction de r ponses efficaces Certes livr s eux m mes sans l aide des plus anciens ils n viteraient pas selon toute probabilit d normes g chis d investissement Le domaine de l activit industrieuse n admet pas de g n ration spontan e de v ritable mutation au sens strictement local du terme de la biologie de la duplication des g nes Et apr s que le mythe des mutations technologiques ait conduit nombre de dirigeants conomiques et politiques au d but des ann es 80 proph tiser sur l obsolescence d un certain monde du travail les managers les plus clair s sont revenus plus de lucidit Pour autant cette seconde remarque fai
52. par suite plus s re que la d duction m me R gle IIl pour la Direction de l Esprit Pl iade p 44 analogues aux therbligs de GILBRETH cf supra 1 2 les suppos es unit s simples et ultimes de mouvement Des analogies il y en a donc mais il serait peu licite pour autant de parler de filiation sauf faire de DESCARTES l inspirateur de toute ambition m thodique et rationalisante Dans le cadre d une exigence conomique g n rale de comptabilisation des capitaux investis et des produits qu ils permettent d obtenir et des rapports nouveaux tiss s entre ressources des sciences et processus industriels le taylorisme manifeste ses enracinements historiques r els par exemple dans le rapport entre le simple et le temps Le simple taylorien codifi comme the one best way n existe que sous la contrainte de temps comme optimum le m me geste plus alangui ou l g rement vari ne cesse d tre simple qu au regard d un infime g chis de productivit donc de profit mais il ne sort pas brutalement de la lumi re de la raison industrieuse comme serait pour DESCARTES une id e confuse prise pour une nature simple 2 On consultera l dessus les bonnes remarques de Jon ELSTER LEIBNIZ et La Formation de l esprit capitaliste 1975 p 19 25 La division et parcellisation taylorienne a donc une signification sociale tout autant que rationnelle La convergence des ambitions se ferait peut tre plus nettement sur l analo
53. phique de cette possibilit de rapports entre concept et activit ne peut que r pondre une certaine interpr tation des d veloppements historiques et r ciproquement Histoire et philosophie se trouvent en cette configuration extr me compl tement nou es et comme responsables l une de l autre si la philosophie valide comme non probl matique cette subsomption l histoire pourra s crire avec cette pr somption d humanit appauvrie si l histoire ne d couvre pas mille contradictions concr tes entre pr suppos s et r alit s de l O S T la philosophie se verra justifi e de porter ailleurs ses regards et de penser sur un certain mode les rapports du savoir de la culture et de la vie sociale 14 D un autre c t rester plut t imperm able aux changements r els de notre poque consid rer sur le mode d sabus ou proph tique que l essentiel taylorien r appara t sous de superficiels d guisements c est risquer a d assumer de fait les principes philosophiques et historiques selon lesquels le taylorisme a t possible comme r alit industrieuse puisque c est seulement s il est effectivement annulation du travail comme exp rience qu on peut comprendre comment il perdure se survit Annulant l histoire du travail il peut chapper aux prises de l histoire sans g n rer des d fis dont son d veloppement porterait t moignage b de ne pas saisir en manquant reconna tre dans les transformations des mani res d
54. pport son passage de la puissance l acte L activit industrieuse n a th oriquement plus vocation ni lieu pour se dire elle m me Les r sidus langagiers ne peuvent tre que d viances puisque le one best way a t consign dans les fiches les gammes les instructions ge sombre pour les rapports entre le langage et le travail c Norme et moyenne Dans une tude critique du chronom trage taylorien reprise dans l dition par F VATIN de la Direction des Ateliers p 168 J M LAHY un des p res de l ergonomie fran aise met en cause en 1913 l usage des temps moyens W TAYLOR choisit toujours d excellents ouvriers actifs volontaires qui d sirent gagner beaucoup Il se d duit de son texte m me que ces ouvriers sont lev s au dessus d eux m mes par des primes all chantes C est d ailleurs sur 26 des records de temps de travaux ant rieurement faits qu il fixe le temps et le prix convenables La norme des temps l mentaires conduit la double figure de l athl te industriel et ou de l homme moyen ex cutant interchangeable Quelle reconnaissance quel statut est fait la variabilit humaine dans le syst me TAYLOR Partir sur un pr suppos de stabilit routini re du mat riel humain qu on pourrait croire en un premier temps ad quat la normalisation des gestes se retournerait contre le projet taylorien lui m me de recherche de l optimum Il y a bien dans le paradigme taylorien reconnai
55. pt que nous contestons en partie avec la standardisation des produits des mat riaux et la reproduction statique des diff rences individuelles le syst me devrait se stabiliser De fait la v ritable r solution est dynamique grosse de toutes sortes de contradictions Le cercle individualisation optimale moyenne standard est une spirale en instabilit permanente Mais on touche l au continent cach des organisations tayloriennes et la confirmation par l preuve de leur histoire de la th se philosophique que le travail est toujours quelque degr fut il infime une exp rience Le processus de d normalisation renormalisation de la norme productive est permanent m me inapparent comme on le dira plus loin l histoire ne cesse de s infiltrer dans toutes les situations de travail m me les plus stables et ceci par les deux bouts celui des dispositifs mat riels et des produits celui des hommes qui les mettent en oeuvre Continent cach parce que les organisations tayloriennes n ont quelles que soient les suggestions qu on trouve ici ou l chez TAYLOR aucune fonction ni philosophie implicite qui aient vocation enregistrer ces processus dialectiques Ce qui ne les emp che pas d avoir une histoire 7 Cf l dessus B DORAY 1981 p 100 101 3 Ce jeu entre norme et moyenne dramatique v ritable de toute activit industrieuse donne celle ci toute sa substance philosophique On pensera tr s juste titre au G CAN
56. r sentants en 1912 Je veux simplement vous dire que quand les principes de 24 direction scientifique ont t appliqu s nous ne nous sommes jamais trouv s devant la n cessit d un marchandage collectif des conditions de travail DSE p 215 1 4 Quelques commentaires a Un id al cart sien A propos de la rationalisation taylorienne on a souvent voqu une filiation cart sienne voir par exemple LE CHATELIER 1934 On peut certes admettre des analogies entre l nonc de r gles guidant l itin raire d approche des connaissances certaines et la codification d une d marche de conceptualisation du flux d activit Dans les deux cas on trouve un pr cepte m thodique diviser chacune des difficult s que j examinerais en autant de parcelles qu il se pourrait et qu il serait requis pour les mieux r soudre DESCARTES Discours de la M thode 2 me partie Pl iade p 138 Cette d composition faite il devient tr s facile d tablir une division du travail Il n y aura plus qu contr ler les op rations de chaque poste de travail pour s assurer qu aucun d tail n a t omis Texte CETIH p 3 Pr cepte qui se soutient d une certitude ontologique comme terme de la d composition et base d une recomposition rationnelle Conduire par ordre mes pens es en commen ant par les objets les plus simples et les plus ais s conna tre ibid objets con us par l intuition plus simple et
57. r ex cuter le travail est incapable de comprendre cette science soit qu il manque de connaissances appropri es soit que son intelligence ne soit pas assez d velopp e TAYLOR DSE p 169 L anticipation par le concept que supposent les crit res 1 et 2 est dans le taylorisme fondamentalement h t rod terminante id p 32 184 D s lors que le one best way ne s tablit que gr ce aux ressources de la science cin matique m canique les tres pr suppos s incapables de s approcher de ces ressources sont mis hors jeu des dispositifs qui gouvernent leur propre activit Ainsi appara t l un des termes d une distinction majeure de la pratique ergonomique le travail prescrit l autre terme le travail r el supposant le constat ult rieur et interpr ter de certains rat s du taylorisme on peut d finir le travail prescrit comme la t che con ue d compos e et consign e par l instance qui commande l ex cution A la suppression vis e de l espace entre la connaissance inop rative et l usage r pond l rection d une stratification imp rative des r les avec l entr e du calcul les experts m thodes vont s articuler entre les Etudes et les ateliers Se justifie l ambition de rapprocher la fabrication sinon d une exp rimentation scientifique du moins d une op ration dont les variables singuli res seront neutralis es cf supra 1 1 L O S T va se doter d un corps de sp cialistes aptes standard
58. s Renault et au groupe de recherches le GERPISA qu il anime l EHESS cf Histoire des Usines Renault 1 Naissance de la grande entreprise 1898 1939 Le Seuil 1972 et l importante th se d Aim e MOUTET La rationalisation industrielle en France au XX me si cle Etude sur les rapports entre les changements d organisation technique et probl mes sociaux 1900 1939 Paris octobre 1992 A propos de la rationalisation chez Peugeot dans le pays de Montb liard on pourra lire les diff rents travaux d Yves COHEN dont Ernest MATTERN les automobiles Peugeot et le pays de Montb liard avant et pendant la querre de 1914 1918 Composition sur une pratique d organisateur Th se de 3 me cycle Universit de Besan on 1981 et Ernest MATTERN chez Peugeot 1906 1918 ou comment peut on tre taylorien dans Le Taylorisme 1984 op cit Pour Citro n voir Sylvie SCHWEITZER Des Engrenages la Cha ne les Usines Citro n 1915 1935 Presses Universitaires de Lyon 1982 On ajoutera divers num ros du Mouvement Social octobre d cembre 1972 octobre d cembre 1975 octobre d cembre 1982 des Annales ESC septembre octobre 1987 de Recherches septembre 1978 o l on trouvera notamment des contributions de P FRIDENSON Aim e MOUTET Le lien entre industrie de guerre et passage la taylorisation est un th me r current particuli rement dans les travaux d A MOUTET Voir aussi Y CLOT Le Travail entre Activit et Subjectivit
59. ssance de la variabilit inter individuelle voire intra individuelle diff rence de performances en cours de la journ e de travail Le texte du CETIH voque de mani re r currente cette dimension Notons en passant que le temps d enfilage est tr s variable il oscille entre 10 et 20 suivant la dext rit de l ouvri re et son acuit visuelle p 4 Telle machine perfectionn e permet l emploi d une ouvri re moins exp riment e tout en r alisant un travail plus soign p 21 L allocation des temps suppose d abord la d tection de discriminations positives Comme dans l industrie m canique il est n cessaire de joindre au bureau de pr paration des ouvri res qualifi es qui seront des d monstratrices La mise en s rie brutale d ouvri res consid r es comme interchangeables ne va nullement de soi cela va assez bien dans les ateliers o le personnel est d j rompu au travail en s rie mais il n en est pas de m me dans ceux qui n en ont pas l habitude La cha ne n est efficace que si les ouvri res constatent que la d monstratrice arrive tr s facilement dans les temps donn s sentent qu apr s ducation elles ont chance d y parvenir sans surmenage et sous r serve de primes en contrepartie du respect des temps allou s Autrement dit la variabilit est constat e mais pour tre r cup r e voire neutralis e il s agit de saisir une diff rence positive de dext rit c est dire ce qui n
60. t comprendre pourquoi la th se g n rale du travail comme exp rience la fois claire l exigence de quelque chose comme l exp rience du travail sans l identifier un loge unilat ral de l anciennet A propos de la dimension collective du travail on peut d j pr voir pourquoi des quipes v ritablement efficaces devront mettre en synergie des parcours professionnels humains g n rationnels vraiment pluriels L exp rience dont il s agit ici est multiforme et inclut ses modalit s plus proprement sp culatives et conceptuelles Cf A RIBOUD Modernisation Mode d emploi 1987 notamment le chapitre 3 Il s agit d un rapport remis J CHIRAC Ce dernier alors Premier Ministre avait demand ce dirigeant d une tr s grande firme de l agro alimentaire de lui fournir des l ments de r flexion sur la fa on dont les nouvelles technologies s introduisaient dans les entreprises fran aises et quelles cons quences ces transformations pouvaient entra ner pour les salari s On ne pouvait demander un grand patron de remettre en cause l imp ratif de rentabilit financi re ni les formes capitalistes du gouvernement de l entreprise A l int rieur de ces limites ce rapport avance une analyse et des propositions tr s lucides stimulantes plus ou moins accept es et acceptables par ses pairs voire par ses propres entreprises Cette distinction entre travail comme exp rience et exp rience du travail doit tre fer
61. t des situations de travail imm diat c est dire la programmation d une succession lin aire de gestes ou d op rations pour un corps machine support de ces actes Ce crit re laisse ainsi ouverte la question peut on parler de taylorisation dans un environnement qui n est plus strictement 15 Sur ces questions on lira avec grand profit l ouvrage de B DORAY Le Taylorisme une folie Sur le perfectionnement de la s quenciation norm e de la tabl e la cha ne cf p 89 17 Cf l dessus notre Exp rience et Connaissance du Travail p 809 811 Sur l aspect n vralgique de ces questions d encha nement cf ODDONE et alii 1981 p 154 sq Un exemple des convoyeurs a riens balancelles acheminent dans une ligne la FIAT divers l ments du bloc moteur dont le diff rentiel Des ouvriers doivent les d charger r guli rement pour alimenter en continu les convoyeurs du montage terre Or il y a des vides des discontinuit s dans l arriv e des diff rentiels aux postes de montage Selon les ouvriers de la ligne les causes taient autres les vides taient mettre en relation avec les modifications que l ouvrier peut apporter au d roulement des op rations Prenons un exemple les normes de l analyse pr voyaient que l ouvrier prenne deux mains le diff rentiel 6 kg pour le d poser sur la ligne Or l ouvrier pour conomiser du temps prenait un diff rentiel dans chaque main ce qui augmentait les vides et la disco
62. t qui justifie ce privil ge donn au taylorisme dans son succ s prodigieux mais plus encore dans sa pr somption excessive voire folle est donn e comme une formidable machine penser le travail humain cette fois ci dans ses dimensions universelles L O S T fonctionne comme l norme dispositif d un raisonnement a fortiori au del duquel il est peu probable qu on puisse aller propre introduire aux consid rations les plus fondamentales sur toute subjectivit industrieuse Raisonnement a fortiori le taylorisme peut se d finir comme tentative totalement assum e d annuler le travail comme exp rience c est dire comme opposition terme terme la th se dont nous sommes partis 1 1 et dont nous avons propos le caract re universel C est en cela que le destin historique du taylorisme peut appara tre comme la mise l preuve de cette th se Comme on n imagine pas de contre preuve plus radicale que la sienne Cf B DORAY Le Taylorisme une folie rationnelle 1981 l analyse qu on pourra faire de l ad quation entre ses principes et les r alit s qu il pensait se subordonner se pr sente donc comme le moment exp rimental d une hypoth se th orique Tout art a sa sp culation et sa pratique dit DIDEROT dans l Encyclop die 1753 article ART sa sp culation qui n est autre chose que la connaissance inop rative des r gles de l art sa pratique qui n est que l usage habituel et r fl chi d
63. te nouvelle communaut thique que cherche laborer dans l usine tayloris e la rationalit de l ing nieur comme en th orie des jeux il faut sortir d un quilibre sous optimal entre salari s et direction engendr par l opacit des proc dures de travail Dans ce syst me d information incompl te les anticipations des intentions des uns et des autres se d ploient dans une atmosph re de d fiance r ciproque cf DA 57 65 L ing nieur appara t alors comme l arbitre et le p dagogue qui va s attaquer cette opacit contre productive Cela passe d abord par la fracture de la communaut d appartenance des ouvriers qui g n re r sistances obstructions fl neries cf DA 46 pour la reconstituer selon les normes d une solidarit d int r t Chacun y est situ sa juste place avec t ches et objectifs clairs et un juste salaire correspondant Chacun a galement int r t respecter les performances pour assurer la r ussite du nouvel quilibre de cette communaut productive pilot e par le haut cf DA 292 et sq par l quilibrage sur la chaire puissent correspondre des ouvri res qui soient chacune individuellement satur es en activit ce qui constitue bien une logique de maximisation de chacune des astreintes individuelles c est dire de la charge relative de travail pour toute ouvri re sur une dur e de travail donn e 28 Cette restitution originale du r le de l ing nieur taylori
64. tion des sp cialistes du conceptuel sur le protocole exp rimental standard ne diffuse unilat ralement sur tous les champs conna tre Comment savoir jusqu o dans quelle mesure la neutralisation doit aller Le concept d exp rience tendanciellement fait entendre par opposition que l intelligence humaine ne ma trise pas enti rement les d veloppements d une situation Elle ne peut le faire parce que dans ce cas de figure il n y a pas de moment origine dont les conditions pourraient tre circonscrites d termin es mesur es partir desquelles les v nements se d rouleraient comme cons quence des virtualit s codifi es de cet tat initial Faire une exp rience suppose la mise en rapport de protagonistes d objets dont une part au moins chappe l anticipation par le concept ou pour dire autrement continue dans la situation vivre une histoire qui n a pas attendu ce signal de d part pour commencer d tre Aussi bien l ambition de neutraliser la singularit de la circonstance occulterait ici ce processus toujours en partie risqu aventureux consistant surmonter l preuve d un impr vu Et si on a coutume de vanter l avantage de l exp rience par rapport au seul v cu de situations st r otyp es c est bien parce qu un certain degr elle sollicite de l intelligence requiert des choix que la r alit revigorante ou vuln rante valuera cette rencontre ne laisse donc pas inentam le sujet qu
65. uel point le travail est ou non re u comme exp rience La subsomption de l activit sous le concept anticipateur avec la philosophie sur le travail humain qu elle v hicule requiert les quatre crit res D s qu ils s affaiblissent alors on verra se d velopper d autres discours sur le travail humain on parlera de gestion des ressources humaines et c est le processus historique lui m me qui s en trouvera affect dans des directions impr visibles Bibliographie Bartoli M L intensit du travail Th se Universit des Sciences Sociales de Grenoble 1980 Canguilhem G Milieux et normes de l homme au travail in Cahiers internationaux _ de sociologie vol Ill 1947 Le Normal et le Pathologique PUF 1966 Chatzis C La r gulation des syst mes socio techniques sur la longue dur e le cas du syst me d assainissement Th se Latts Ecole des Ponts et Chauss es 1993 Clot Y Le travail entre activit et subjectivit Th se Universit de Provence 1992 Crozier M L entreprise l coute Inter Editions 1989 Daniellou F L op rateur la vanne l cran Editions de l Anact 1980 Descartes Oeuvres et Lettres Edition Pl iade NRF 1958 Dewerpe Le monde du travail en France 1800 1950 A Colin Doray B Le taylorisme une folie rationnelle Dunod 1981 Duhem P La Th orie Physique son Objet sa Structure Vrin 1981 1905 Elster J Leibniz et la formation de l esprit capita
66. une croix sur les ouvriers comme producteurs pour s adresser eux uniquement comme consommateurs Mais cette r duction faite le raisonnement a sa coh rence la rationalisation d veloppe la productivit l histoire a donn pour un temps raison TAYLOR donc les salaires et le niveau de vie Les h t rod termin s de la norme temporelle ne devraient pas plus y avoir redire que les prescripteurs l tablir 3 La coupure conception ex cution Peut on imaginer une configuration productive o le one best way ferait loi mais o les individus en seraient successivement les prescripteurs et les ex cutants Se redouble ici la difficult penser le paradigme taylorien sans r f rence aux rapports de pouvoir et de propri t dans l entreprise capitaliste On imagine mal en effet des producteurs libres se proposant dans une syst matisation f roce de nier en eux la dimension d exp rience de leur vie au travail de l exorciser comme oeuvre de fallacy De fait le crit re trois qui vient compl ter le pr c dent s appuie sur une th se d in galit fonci re entre humains Si elle n est pas facilement compatible avec les principes d mocratiques re us l poque elle est en forte coh rence avec un syst me in galitaire de propri t dans les entit s conomiques investies par l O S T Dans tous les arts 20 m caniques la science qui explique chaque acte des ouvriers est si complexe que l ouvrier le plus dou pou
67. une relation universelle minimiser et quantifier si possible la chaleur dissip e en frottement dans les axes poulies rotation des palettes sp cifiquement li e au mat riau utilis cuivre la qualit des transmissions C est galement prendre en compte et tendre contrecarrer des effets de rayonnement ou de conduction de chaleur non lisibles sur le thermom tre C est enfin au lieu de subir la variation la programmer la retourner au b n fice de la g n ralisation en modifiant les fluides du dispositif mercure huile de baleine JOULE constate une variation du travail absorb et de la chaleur produite mais le rapport entre les deux restant constants la situation standard se trouve tre ainsi largie quoique tout autant ma tris e par rapport au protocole initial Certes cet objectif de neutralisation ne s approche qu asymptomatiquement de la perfection et selon les domaines vis s il s en loigne plus ou moins De ce fait l exp rimentation n annulera jamais sa confraternit d origine avec l exp rience Il y a une histoire des connaissances scientifiques entre autres parce que subsistent ou se recr ent dans le travail de conceptualisation des effets de singularit non sus ou non per us Soit les concepts eux m mes qui commandent le dispositif exp rimental renvoient par leur pr supposition excessive de g n ralit par m connaissance de leurs limites de validit aux conditions historiques de leur produ
68. uvrier quelconque nous cherchons toujours de trouver un ouvrier bien adapt son travail DSE p 224 L homme base du chronom trage n est donc jamais un ouvrier moyen tout venant de l embauche Mais l usage de la moyenne au sens d galisation statistique reprend n anmoins ses droits sous divers aspects en th orie le temps retenu est cens consacrer non une performance mais le rythme reproductible donc moyen de plus TAYLOR ajoute des coefficients suppl mentaires pour tenir compte des incidents ou de l ventuelle inexp rience de l ex cutant ibid Enfin la l gitimit convertir l optimum en moyenne se soutient du postulat selon lequel on peut trouver pour chaque individu un type de t che auquel dans ce cadre il soit bon La psychotechnique dispositif imp rativement compl mentaire de l organisation taylorienne rend th oriquement normalement possible qu il n y ait nul ouvrier quelconque dans chaque type de t che mais un ex cutant capable pour cette t che de temps inf rieurs celui que consommerait pour la m me tous les autres ouvriers affect s toutes les autres cat gories d activit Postulat qui rappellerait la sorte d harmonie suppos e par PLATON dans La R publique Il 374 b c entre la diversit des besoins et l ventail des aptitudes naturelles autorisant une saine division sociale du travail Dans la premi re partie de sa th se K CHATZIS attire l attention de fa on originale sur cet

Le travail comme expérience et les critères du taylorisme (Français

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