L`Euro-Méditerranée, impossible nécessité ?
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1. L Euro M diterran e impossible n cessit Henri R gnault Du Maroc la Turquie l arc des pays du Sud et de l Est de la M diterran e PSEM regroupe aujourd hui 200 millions d habitants et en comptera 800 millions en 2015 soit autant que les douze pays de la CEE actuelle L enjeu du d veloppement ou de la d rive des PSEM est consid rable pour les pays et les peuples concern s mais aussi pour l Europe qui se rend compte d s maintenant que la M diterran e ne peut pas tre une barri re tanche l isolant de son sud imm diat et qui s apercevra peut tre demain que ce d veloppement des PSEM constitue pour elle une condition et une opportunit de son affirmation en tant que force autonome sur la sc ne g opolitique mondiale Mais l Europe ne r coltera pas les dividendes du d veloppement des PSEM sans s tre investie auparavant sur ce vaste chantier car la CEE d tient une part des clefs de ce d veloppement par sa fa on de concevoir sa place dans le monde de g rer le d couplage entre ses proximit s conomiques et ses proximit s g ographiques qui s est instaur au fil des trente derni res ann es En effet il n y aura pas de d veloppement des PSEM sans approfondissement de l internationalisation de leurs conomies or l Europe constitue et restera leur principal partenaire conomique on peut raisonnablement penser qu il n y aura pas de rel ve significative dans un avenir pr visible ni dans des2. ou moyen terme ni d un nouvel endettement ni d un renouveau de l migration vers l Europe D s lors les PSEM sont confront s un double imp ratif d internationalisation accueillir des investissements directs accro tre les recettes courante d exportations de biens et services Ainsi par leurs caract ristiques les PSEM se distinguent aussi bien de l autre zone de proximit de la CEE les pays de l Est qui n a pas assumer la m me situation de croissance d mographique que de leurs voisins arabes du Golfe que leur immense rentre p troli re long terme rapport e des populations num riquement modestes dispense de toute n cessit de se cr er d autres recettes en devises Un d fi g opolitique l Europe M diterran e Les PSEM ne peuvent donc pas concevoir leur d veloppement sans un approfondissement de l internationalisation de leur conomie et sans un fort accroissement de leurs changes avec l Europe leur principal partenaire Il n est pas exclu que l Europe puisse tre tent e de favoriser une telle volution D une part elle voit un avantage s curitaire et esp re r duire la pression migratoire ses fronti res en fixant les populations dans leurs pays d origine par un d veloppement sans d racinement les craintes tout comme les espoirs de cette premi re logique d fensive sont peut tre aussi exag r s les uns que les autres D autre part la forte mont e du ch mage dans tous les pays
3. unions entre PSEM qui sont possibles mais resteront secondaires en termes de d bouch s mutuels ni dans une affirmation tous azimuts de PSEM sur la sc ne conomique mondiale comment ont pu le faire des pays asiatiques dans des conditions historiques donn es N 7 Et 1993 157 La construction d un ensemble conomique euro m diterran en qui ne peut tre con u comme une extension permanente de la CEE actuelle appara t donc comme la seule voie possible pour le d veloppement des PSEM et comme la seule option rationnelle et porteuse d avenir sans drames majeurs en M diterran e Mais l Histoire est plus friande de trag die que de rationalit elle est autant la fille du choc des cultures que des imp ratifs conomiques d cr t s l aune occidentale l Histoire longue en M diterran e se d cline beaucoup plus en termes de domination ou d affrontement que de coop ration L Euro M diterran e n est elle pas l arch type de l impossible n cessit Sans sombrer dans un pessimisme paralysant soyons lucides sur les r cifs de la navigation euro m diterran enne nous n en irons que plus loin et peut tre arriverons nous bon port celui d une M diterran e apais e jusqu aux temp tes suivantes car qui oserait imaginer la fin de l Histoire en M diterran e Deux concepts clefs PSEM et internationalisation Les premi res lignes de ce texte emploient deux concepts qui pourraient passer inaper
4. conscience qu il vaut mieux tre la p riph rie conomique d un ensemble qui fonctionne et qui vous tire vers le haut que le centre d une absence de dynamique Cette prise de conscience est difficile parce qu elle implique un douloureux retour un principe de r alit et simultan ment n cessite la r affirmation d une dignit profonde dans une identit culturelle s re d elle m me et donc ouverte et tol rante En d finitive l Euro M diterran e est un double pari N 7 Et 1993 163 pari au nord que nous ne r glerons nos probl mes conomiques et sociaux ni dans la fermeture d un protectionnisme suicidaire ni dans l ouverture tous azimuts d un lib ralisme b at mais dans l ouverture cibl e nos zones de proximit en fonction de nos int r ts g opolitiques pari au sud que l int gration p riph rique est le seul compromis historique possible pour rebondir vers un destin meilleur que les phases r centes de l Histoire ont refus aux peuples du sud et de l est de la M diterran e Ce double pari est n cessaire non pas au sens d in vitable mais de condition indispensable du d veloppement des PSEM et de la rupture avec une Histoire longue en M diterran e lourde d incompr hension et d affrontements Cette n cessit est elle possible aujourd hui n est ce pas encore trop t t n est ce pas d j trop tard Une seule certitude l Histoire ne repasse pas les plats Henri R gnault est Ma t
5. de la CEE paradoxalement ne peut que la rapprocher d une zone fort potentiel de main d oeuvre travers une relecture des choix effectu s depuis la fin de la deuxi me guerre mondiale en mati re de commerce international La d rive des continents conomiques au cours des trente derni res ann es a loign l Europe de ses zones de proximit et l a rapproch e de l Asie conduisant une d m diterran isation de son syst me d changel Dans l in vitable d connexion de la phase post coloniale mais aussi dans sa na vet lib rale l Europe a d laiss le d veloppement de PSEM qui lui demandent pourtant de 40 80 de leurs importations pour favoriser le d veloppement de pays asiatiques qui ne lui adressent que 10 15 de leurs importations L Europe commence prendre conscience qu elle a beaucoup plus gagner au d veloppement et encore plus perdre la d rive de ses zones de proximit PSEM et pays de l Est qu ceux de l Asie ou de l Am rique latine Ainsi au carrefour des int r ts des PSEM et de l Europe peut na tre un projet g opolitique Confluences 160 de construction d un ensemble euro m diterran en qui s inscrirait dans la logique des grandes r gions conomiques que l on voit poindre associant des pays des stades de d veloppement diff rents A ce stade de raisonnement le projet euro m diterran en peut appara tre comme allant de soi pourquoi n y a t on pas pens plu
6. e et des activit s de service d localisables forte intensit en main d oeuvre Aussi au del des difficult s historiques de l Europe raisonner en termes de zones concentriques de proximit le consensus des acteurs publics europ ens en faveur d un projet euro m diterran en risque d tre difficile m me si les menaces concurrentielles sont mondiales et pas sp cifiquement m diterran ennes les r ticences resteront fortes et ralentiront au minimum la mise en oeuvre d un tel projet risquant en cela d en amoindrir son effet d annonce et son impact n cessaire sur les anticipations de tous les acteurs priv s notamment Les firmes europ ennes bien s r mais pas uniquement constitueront en d finitive les acteurs d cisifs d un projet euro m diterran en qui ne pourra prendre corps que pour autant que les productions intensives en main d oeuvre destin es au march europ en seront localis es prioritairement dans les zones de proximit europ ennes Or ces d cisions de localisation rel vent des firmes et non des Etats Au cours de vingt derni res ann es les localisations des investissements directs trangers ont vu leur logique profond ment boulevers e en r ponse aux volutions conjoncturelles li es aux chocs p troliers la crise de la dette et aux politiques d ajustement les grandes firmes mondiales ont entra n des bouleversements structurels en modifiant leur strat gie d investissement Elles sont pa
7. le Machrek concevoir sa position g opolitique dans le monde en se situant par rapport l Europe qui n est pas sans contradictions et sans faiblesses politiques et militaires notamment ou bien n est ce pas l un insupportable renoncement installer un jour sur la sc ne g opolitique mondiale un monde arabe qui serait en voie d unification interlocuteur direct et autonome des grands p les mondiaux Des trois c t s concern s Europe Etats Unis Machrek le d bat est loin d tre tranch d autant plus qu un quatri me larron voudra donner son avis le Golfe et qu il le donne d j souvent en soutenant les mouvements islamistes sans m me voquer l Iran qui ne peut pas ne pas tre concern par toute cette zone N 7 Et 1993 161 Les logiques d acteurs Un co d veloppement euro m diterran en ne peut que se situer l intersection de logiques d acteurs publics r gionaux nationaux et multinationaux et d acteurs priv s Les acteurs publics au Nord de la M diterran e n ont d j pas les m mes int r ts ni les m me craintes Les Etats et les r gions des zones p riph riques intra CEE peuvent l gitimement craindre qu une ouverture plus large aux PSEM n aggrave leurs difficult s sur les productions pour lesquelles les PSEM ont d j un avantage comparatif fort produits agricoles m diterran ens confection ou sont susceptibles d en d velopper toutes les s quences de l industrie manufacturi r
8. omp titivit des PSEM le risque d y investir les possibilit s d un acc s pr f rentiel au march europ en partir de ces pays C est dire que la CEE et les PSEM devront r ussir proposer aux firmes un subtil dosage de demande europ enne pr f rentielle d affermissement de la comp titivit de l offre de visibilit politique et sociale On peut se demander si la mise en oeuvre d un co d veloppement euro m diterran en ne suppose pas au pr alable sa propre r ussite qui seule pourrait assurer une telle visibilit Au minimum un effet d annonce fort est indispensable que pourrait assurer par exemple une conf rence euro m diterran enne pour le d veloppement bien pr par e d bouchant sur des propositions fortes et des engagements cr dibles rude t che mettre en oeuvre apr s la conclusion de l Uruguay Round L int gration p riph rique Qu avons nous proposer aux PSEM Rien d autre qu tre notre p riph rie pr f r e fabriquer nos chaussettes nos moulinettes nos bicyclettes et en contrepartie nous acheter nos machines outils nos avions et nos produits agricoles temp r s Il n y a l rien de tr s exaltant pour des pays et des peuples qui connaissent aussi le ch mage des dipl m s et qui plus fondamentalement sont fiers juste titre de leurs racines d une culture et d un pass brillants C est dire qu un projet euro m diterran en suppose de la part des peuples des PSEM la prise de
9. ories du d veloppement sont ainsi pass es de l import substitution de la distanciation et de la rupture avec le march mondial la promotion des exportations l insertion au march mondial la mise en avant de r ussites asiatiques th oris es id alis es d form es la mode lib rale et donn es en exemple par le FMI ou la Banque mondiale aux pays du Tiers Monde au point qu il existe aujourd hui une v ritable orthodoxie si ce n est un f tichisme de l internationalisation Ce passage de l import substitution la promotion des exportations n est pas sans raisons au carrefour des checs de nombreuses politiques d import substitution d bouchant sur une sous comp titivit de la crise de la dette du contre choc p trolier Mais en mati re d analyse g opolitique le probl me n est pas de se situer par rapport des th ories du d veloppement qui ne sont que des extrapolations r trospectives monodisciplinaires atemporelles et aspatiales partir de cas d pouill s de leur r alit sp cifique Le vrai probl me est de se situer en termes de strat gie de d veloppement d une zone pr cise du monde dans sa r alit concr te et complexe donc relevant d une analyse pluridisciplinaire dans une p riode historique donn e caract ris e notamment par la fin de la diabolisation de la p riode coloniale par la fin de l id alisation du d veloppement auto centr et de la coop ration Sud Sud
10. qui ont bien montr leurs limites Les PSEM ou l imp ratif de l internationalisation Compris non en termes de nouvelle orthodoxie du d veloppement mais en termes de strat gie de d veloppement d une zone donn e le concept d internationalisation claire pr cise et l gitime le concept de PSEM En effet les PSEM ont en commun en plus de leur proximit par rapport l Europe une s rie de caract ristiques qui leur imposent d accro tre tr s fortement leurs ressources en devises s ils veulent ne serait ce que maintenir leur niveau de vie actuel La croissance d mographique d aujourd hui et de demain inscrite dans les taux de f condit d hier et la structure par ge qui en r sulte rend illusoire une autosuffisance alimentaire combin e la modification des habitudes alimentaires la d mographie implique une augmentation des importations agricoles l exception notable d une Turquie exc dentaire et d un Maroc pouvant pr tendre l quilibre De m me les PSEM doivent assurer les ch ances d une lourde dette acheter les nombreux biens d quipement que dans le meilleur cas de figure ces pays ne peuvent pas esp rer produire r gler leur facture nerg tique lorsqu ils N 7 Et 1993 159 n ont pas la chance de disposer de p trole ou de gaz Aucun PSEM n chappe moins de trois des quatre exigences ci dessus Face de tels besoins en devises des ressources cons quentes ne pourront provenir court
11. re de conf rences la Facult de Droit d Economie et de Gestion de l Universit de Pau Notes 1 R gnault H La M diterran e dans la division internationale du travail in la M diterran e inqui te sous la direction de X GIZARD Datar Edition de l Aube 1993 2 R gnault H Libre change mondialis ou r gionalis quels enjeux pour l Europe et ses zones de proximit G opolitique n 41 Printemps 1993 p 43 Confluences 164
12. s t t Une analyse plus approfondie en r v le les immenses difficult s et le fait appara tre comme un v ritable d fi conomique politique et id ologique pour les PSEM et pour l Europe au coeur de rivalit s mondiales qui ne faciliteront pas la t che Sans pr tendre tre exhaustif nous clairerons ces difficult s ou limites dans trois directions non ind pendantes quels PSEM seraient concern s par une zone r gionale euro m diterran enne peut on concilier les logiques des acteurs priv s et publics autour d un co d veloppement en M diterran e les PSEM peuvent ils assumer le pari de l int gration p riph rique que repr sente pour eux une zone r gionale euro m diterran enne La place du Machrek Le projet euro m diterran en pose probl me quant son champ g ographique La n cessit d une coop ration renforc e CEE Turquie et CEE Maghreb semble clairement per ue par les partenaires concern s Par contre le champ g ographique entre la Turquie et la Maghreb donc le Machrek pose probl me des deux c t s faut il pour l Europe venir y disputer l influence des Etats Unis voire la r duire La paix au Proche Orient peut elle tre le dernier grand acte des Etats Unis dans cette r gion Il est permis de douter que les Etats Unis d minent le terrain du Proche Orient pour laisser l essentiel des cons quences positives du d veloppement de cette zone l Europe faut il pour
13. ss es d une logique de multinationalisation se traduisant par des localisations en vue d alimenter les march s nationaux l abri des barri res de l import substitution une logique dominante de globalisation fond e sur le double crit re du co t unitaire de production et du risque de l investissement en vue d approvisionner des march s mondialis s dans lesquels les PVD repr sentent bien peu de chose La logique des localisations industrielles s est donc partiellement d connect e des march s nationaux incitant les Etats r orienter les politiques Confluences 162 conomiques de l industrialisation par import substitution ISI vers l industrialisation par promotion des exportations IPE Mais si au jeu de l ISI chaque pays peut s assurer le monopole de son propre march et attirer les firmes surtout si ce march atteint une taille notable au jeu de l IPE tous les pays sont en concurrence et les firmes n en lisent que quelques uns aux avantages comparatifs les plus remarquables Globalement les PSEM ont mal su ou pu n gocier ce virage soit en restant au stade de l ISI cas de l Egypte soit en s ins rant dans l IPE cas de la Tunisie d une mani re mono sectorielle dans une branche tr s traditionnelle faible potentiel de croissance de la demande confection Il n y aura pas de co d veloppement euro m diterran en sans une profonde modification de l appr ciation que les firmes portent sur la c
14. us apparemment anodins ou vidents en r alit lourds d impr cisions d ambigu t s et demandant tre sp cifi s et situ s l un par rapport l autre PSEM une cat gorie faussement vidente Rien n est plus tranger aux pays concern s que le concept de PSEM un pays situ au Sud ou l Est de la M diterran e ne se con oit pas PSEM il est per u comme tel par l Europe dans ses efforts de classification ou de r flexion sur ses zones de proximit L Europe elle m me et encore plus les pays qui la composent h sitent d ailleurs entre plusieurs espaces de r f rence pr nant ici la coop ration euro maghr bine l le dialogue euro arabe excluant la Turquie mais incluant le Golfe La cat gorie PSEM ne s impose pas premi re analyse quelques caract ristiques communes mais partag es par d autres pays telles que la dominance de la religion musulmane sunnite ou l existence de minorit s ethniques ou religieuses s oppose la singularit de deux mondes arabe et ottoman et d une dizaine de situations nationales Internationalisation mode d emploi Il s agit d un concept tr s la mode il refl te c est vrai la r alit des conomies contemporaines v rifiable notamment en M diterran e et Confluences 158 dans les PSEM Cette internationalisation n est pas avanc e dans une logique purement descriptive au contraire elle est tr s valoris e comme vecteur de d veloppement Les th
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