Est-ce moi qui blasphème ton nom, seigneur ?
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1. panchaient des cascades publicitaires et ce fut sous une gicl e de teintes affriolantes que je la d couvris une fille demi d v tue croul e dans une encoignure d ombre On aurait dit une s quence de chromoporno vad e de la touffeur des salles obscures Je m approchai elle avait d abuser d une des multitudes de drogues qu on distribuait dans Cochise comme autant de mal dictions ou bien alors tomber aux mains des violeurs professionnels qui d s la nuit tomb e r daient inlassablement dans les rues tels des loups affam s Elle avait trop bu Quand je me penchai sur elle Senta me mit les bras autour du cou et me gratifia du sourire idiot des filles saoules Elle avait une haleine d testable mais son corps tait en tous points remarquable Je la remorquai donc jusqu mon h tel donnai des instructions pr cises l andro de de service et m enfermai avec elle dans ma chambre coucher Je la jetai sur le treillis de fibres souples et enfouis mes mains sous la chose minuscule et d risoire qui lui servait de v tement la partie inf rieure de son corps se tordit comme un abdomen de frelon Deux minutes plus tard je me trouvais au plus profond du corps de Senta Elle se mit vibrer comme la lame d une p e Je la chevauchai sans trop de style mais elle s accrochait moi exactement comme si j avais t Jupiter en personne Je me tordis sur ses seins entre ses cuisses tel un serpent l agonie2. mesur e Les astronefs de lumi re taient venus sautant le minuscule hiatus entre Terre et Mars d un bond de puce savante L officiant qui se tenait tout juste en face de moi au pied de la croix tait grand p le fortement barbu et il portait une sorte de vareuse pass e aux poches d form es Les bras lev s vers le ciel synth tique de la plan te rouge il continuait imperturbablement d invoquer la divinit En temps ordinaire voyant un tel spectacle l intervision j aurais t secou par une franche hilarit mais l la merci de ces gens dont j ignorais tout dans un d sert symbolisant avec pr cision la solitude et la mort je n avais plus envie de rire Je me fis tout petit derri re mon pan de mur maudissant le hasard qui m avait amen en ce lieu Peus l impression affolante que le regard du pr tre venait de rencontrer le mien a y est me dis je il va ameuter tout son monde Je suis fait Mais les yeux du pr dicateur n en voulaient qu au ciel et il ne cessait de l invoquer en phrases redondantes La croix en forme de T finit par exercer sur moi une sorte de fascination morbide qu entretenait le flot litanique des paroles de l inconnu Dis Seigneur toi qui r gnes sur la face cach e des choses est ce moi moi qui blasph me ton saint nom qui insulte ta sainte face Les fid les baissaient la t te avec cette dangereuse humilit des fanatiques
3. tel entre une bouteille de liqueur verte ses cigarettes violemment parfum es et ses vieux bouquins si p tris de sentimentalisme qu il bavait d entre les pages effrit es par le temps avec aussi un regret quand fermant les yeux sous les coups d pingle du faux jour de Mars je revis dans un clair le ventre ouvert tapiss d accueillante chaleur Elles avaient tout de m me quelque chose d inqui tant ces vieilleries acagnard es dans le giron des sables sans doute l aura d testable des charognes qui mettent toute l ternit pourrir Devant moi se dress rent des blocs de pierre obscurs comme une mal diction Je m arr tai les pieds viss s dans la poussi re me demandant si je ne ferais pas mieux de retourner la voiture et de me tirer de ces parages o un pass cagneux ne savait plus de quel c t se tourner pour mourir une bonne fois pour toutes Retourner Cochise faire lamour Senta r ver Mar de Sangre au bon vieux temps Et puis une force la fois molle et irr sistible comme un gros tentacule coul de l incertaine mouvance qui agitait le c ur des choses me saisit aux paules me poussa en avant vers les grands pans de murailles adoss s contre le n ant Le vent se leva soudain et fit cr piter contre ma trop luisante combinaison de touriste et mes bottes flambant neuves les cent mille aiguillons de ses abeilles de silice Puis je per us un bruit de voix mais non point de celle
4. gr des courants interstellaires entre des m gasoleils en ignition Alors le soir venu je courais retrouver Senta me coulais entre ses cuisses par devant par derri re par au dessus par en dessous dans toutes les postures possibles et imaginables et je la poss dais rinforzando staccato sforzando tenuto crescendo fortissimo diminuendo puis da capo poco a poco et legato pour m ab mer au bout du compte dans un sommeil hant de cauchemars collants et naus eux comme des confiseries orientales Mais ainsi que je vous l ai d j laiss entendre par deux fois toutes ces belles et bonnes choses que je faisais avec Senta ne dur rent qu une soixantaine de jours terrestres au bout desquels vint la grande d sillusion Autour de Cochise s tendait une sorte de d sert rocailleux o l on avait essay de multiples reprises d acclimater une vari t d alfa et qui tait pour un exil comme moi le visage m me de la d solation et de l ennui Nulle forme de vie volu e n avait pu subsister sur le sol de Mars et si nous avions r ussi par la d risoire magie de notre science de carton p te redonner un semblant d atmosph re respirable la plan te nous avions chou dans toutes nos tentatives d adapter aux d serts de ce monde quelques unes de nos esp ces animales inf rieures Seuls rescap s d un temps o la plan te avait peut tre t un monde semblable notre Terre deux ou tr
5. me conseilla vivement de rester sur Mars o les adeptes de la Nouvelle Religion ne comptaient gu re qu une poign e de sympathisants Je songeai avec tristesse ma propri t de Mar de Sangre avec ses douze hectares de perversions mon toile vacillante et demandai r fl chir un jour ou deux Ce n tait pas un choix de tout repos Ce soir l j allai voir un chromoporno pour ne plus avoir supporter le ciel couleur framboise qui pesait sur ma t te pour ne plus entendre les p quenots de Cochise me fl ter aux oreilles des finesses de citadin Dans l obscurit laiteuse de la salle de projection se d roulait l ennuyeux kal idoscope rotique des volutes de fum e sculptaient lentement des couples et des groupes emberlificot s dans de savants entrechats orgasmiques des osmoses d bilitantes dont aucun d tail n tait pargn au spectateur Une musique d une inconcevable pauvret accompagnait ces gymnastiques de cauchemar de hal tements poussifs et de vibrations bestiales Au bout de deux minutes je lui pr tai une oreille plus attentive c tait la mienne Je me levai quittai la salle de projection retrouvai l ignoble ciel couleur framboise deux ou trois nuages verd tres y stagnaient comme des feuilles pourrissantes sur un tang de sirop Cochise un cauchemar de vieux chrome Cette nuit l au d tour de ma mauvaise humeur je levai Senta Tout fait par hasard Dans le ciel artificiel de Mars s
6. sommes jamais all s nous promener ensemble Toi qui connais la r gion dis moi est ce qu il n y aurait pas des excursions faire dans les parages La pression de mes doigts s accentua sur ses cuisses chaleureuses Les ruines par exemple Je la sentis vibrer l g rement On m en a dit grand bien Il para t Avec des artifices de chair et de peau dont elle connaissait tous les secrets elle essaya de d tourner le cours de la conversation Tu n as pas r pondu ma question dis je avec toute la froideur dont j tais capable Elle eut un petit rire de gorge qui sonna si faux que je fus tent d avoir piti d elle de la saisir bras le corps et de lui jouer une fois encore la com die de la passion Mais le souvenir de ma d convenue quelques heures auparavant me remit les id es en place Il para t d clarai je que nous allons avoir des ennuis avec les crypto chr tiens Ils auraient maintenant des flottilles enti res de spationefs des appuis en haut lieu et un arsenal inqui tant d armes perfectionn es Mais tu as d en entendre parler si tu as suivi les missions de l intervision Y a t il du nouveau Tout en parlant je m tais remis la caresser parce que de toute fa on il tait impossible de rester couch c t d une fille comme Senta sans se servir de ses doigts Elle se fit toute moiteur tout abandon avec de petits rauquements encourageants qui au lieu de m
7. sur le pauvre monde comme les cavaliers de Temudjin Quand ils avaient fait sauter une caserne ou une usine de mendionite ils plantaient leur T dans le sol sanglant et mettaient genou en terre pour prier tels jadis les glorieux soldats de Gustave Adolphe Une fois de plus la fin sanctifiait les moyens Le sacro saint gouvernement qui n entendait pas se laisser d tr ner sans jeter toutes ses forces dans la bagarre arma des dizaines de milliers de sp cialistes de la pacification d pensa des milliards de cr dits pour s assurer la complicit d innombrables z lateurs d nonciateurs espions et fabricants d incidents facilement exploitables mais ses efforts demeuraient assez vains Les arm es du Grand T s organisaient faisaient une propagande monstre et gagnaient chaque jour de nouveaux adeptes Sur l cran de l intervision Senta et moi suivions la marche des v nements Ici un groupe de paysans hirsutes mitraillant une colonne militaire L une femme d penaill e ouvrant une bouche noire et hurlant sans fin sur le seuil d un immeuble ravag Et l la camisole frapp e de l in vitable T de la r volte une escouade de crypto chr tiens mettant sac un b timent officiel Et puis tressant des phrases vides de sens une des nombreuses t tes claques du gouvernement faisant le point de la situation Alors Senta d clarait mollement a me court teins a veux tu Et elle se mettait me con
8. L bas quelques centaines de pas un petit groupe d hommes montait la garde aupr s d un alignement tout militaire de faisceaux je ne suis pas un sp cialiste de l armement moderne mais je n eus gu re de peine reconna tre des fusils charges implosives Donne nous le privil ge Seigneur de ne pas oublier m me au plus dur du combat la supr me doctrine de l universel amour Peut tre n aurais je plus eu la volont de faire le moindre geste peut tre aurais je attendu stupidement que la c r monie voul t bien se terminer et que les crypto chr tiens me d couvrissent accroupi derri re mon ridicule morceau de muraille si laissant courir mon regard dans la foule recueillie je n y avais cru reconna tre soudain un visage familier Ce fut comme si on m avait jet au visage un plein baquet d eau glac e Je me retins de hurler et pris la fuite tel un voleur poursuivi par les litanies de l officiant Avec un ronronnement presque imperceptible la voiture des sables mit le cap sur Cochise L habitacle tait admirablement climatis mais je transpirais grosses gouttes englu de la t te aux pieds dans mon angoisse et ma col re C est lorsqu on veut vraiment tuer le temps comme on dit que l on se rend pleinement compte quel point les villes martiennes sont d sesp r ment provinciales Les distractions que l on vous y propose sentent toutes le lupanar de bas tage et la gaudriole grumele
9. Le personnage de Betali Sv n est apparu pour la premi re fois en f vrier 1973 dans le n 230 de Fiction avec la nouvelle Est ce moi qui blasph me ton nom Seigneur puis il a refait une apparition dans un chapitre du roman Happy End ou la Nouvelle Cit du Soleil Deno l Pr sence du Futur 1982 voir le chapitre Symphonie macabre contretemps et contre emploi Enfin deux autres pisodes de ce cycle romanesque ne sont pas in dits La Musique de la chair qui a t publi en fran ais en Allemagne et Manuscrit trouv dans un tui cigare paru dans le Lunatique sp cial Daniel Walther ons 2008 compilation due Richard Comballot ami attentif qui a tant insist pour que j ach ve les parties esquiss es depuis les ann es quatre vingt dix D W Est ce moi qui blasph me ton nom seigneur Je te hais me dit elle je te hais comme jamais je n ai ha Je secouai la t te un peu intrigu tout de m me Ces acc s de col re ne faisaient pas partie du caract re de Senta Senta c tait plut t le genre de fille sans probl me la cuisse l g re le cul facile Je m en servais comme on se sert d un article domestique d usage courant Mais comme il me restait au fond de ce qu on a coutume d appeler l me un soup on d altruisme je m employais lors de nos exercices rotiques la satisfaire de mon mieux c est dire de lui procurer les orgasmes n cess
10. Plus tard elle s endormit la bouche grande ouverte un peu de salive lui coulant aux commissures des l vres Mars ce n est vraiment pas grand chose des milliers de kilom tres de dunes et des collines Malgr les gros travaux entrepris pour en faire une plan te habitable en d pit des immenses capitaux investis dans d infructueuses tentatives de mise en valeur de ses ressources naturelles notre plus proche s ur du syst me solaire demeurait un monde d exil On y respirait un air chiche et ses habitants cultivaient leur ladrerie avec un soin jaloux Seuls v ritables jalons de la civilisation d abondance les bordels fleurissaient sur la plan te rouge languissantes girofl es du stupre engendr es par le sauvage et d vorant ennui qui hantait les plaines battues des vents Cochise ne valait gu re mieux 275 000 mes se r partissant comme suit quelques centaines de faiseurs de fric une soixantaine de hauts fonctionnaires du gouvernement un demi millier d artistes pourrissant doucement dans un Canaan de mauvaise drogue quarante deux mille flics espions sycophantes forces de l ordre et puis des fadas des pouffiasses des p d s des cr tins Et moi Moi et Senta Tout un programme Sur Terre les choses n allaient pas mieux les crypto chr tiens renon ant d finitivement leurs premiers principes de non violence pour la gu rilla et leurs slogans doucereux pour des mots d ordre saccageurs d ferlaient
11. aires son panouissement animal Et pendant pr s de deux mois a avait t entre Senta et moi une harmonie toute physique certes mais quasi parfaite Il faisait bon entre ses jambes et je ne me privais pas d en profiter Mais aussi plaisant que cela risquerait de devenir pour vous mon propos n est pas dans ces lignes de vous livrer par le menu le r cit de mes copulations avec Senta Non Commen ons par ce qui ressemble un commencement Voici Je me nomme Betali Sv n et je suis g de trente deux ans Je suis compositeur de musique et avant l arriv e des crypto chr tiens je vivais sans trop de mal de mes travaux artistiques allant jusqu composer des uvrettes de circonstance dans lesquelles je louais les m rites des politiciens n o mat rialistes ou chantais les propri t s d mentielles d un nouveau r vulsif purgatif Les ma tres du monde pauvre monde me payaient tr s comme il faut pour chanter leurs illusoires m rites Quant aux officines purgeantes et r vulsantes elles me faisaient de v ritables ponts d or Le fichu gouvernement interplan taire uniquement compos d imb ciles tri s sur le volet de valets de torture et de sycophantes z l s qui s taient lev s dans la hi rarchie sociale la force du poignet me passait toutes mes orgies riait bonhomme toutes mes folies se r jouissait de toutes les merveilleuses petites horreurs que je commettais dans le secret de po
12. e d cider lui sauter dessus augment rent encore mon d pit Tu en rajoutes pensai je cette fois ci tu en rajoutes Senta Oui Non rien Je m allongeai sur elle Pour la derni re fois me dis je pour la derni re des derni res fois J aurais voulu tre de retour Mar de Sangre et laisser le temps couler sur moi vautr dans ma bienheureuse l chet L querre des jambes de Senta s ouvrit comme une paire de ciseaux et je me faufilai grossi rement dans sa belle toison odorante Et la chevauchant avec une violence concert e je blasph mai en silence le nom de ce dieu de pacotille auquel elle avait choisi de se consacrer Puis je cherchai ses yeux ils taient rest s grands ouverts et ils n exprimaient rien Et le charme fut d finitivement rompu Plus tard dans la nuit de la chambre elle me tendit un gobelet Cela te fera du bien dit elle tu n as pas l air d tre au mieux de ta forme Et peut tre parce que la plupart des choses m taient soudain devenues indiff rentes j avalai cette m decine d un trait CETTE NOUVELLE CONTINUE DANS LA MUSIQUE DE LA CHAIR
13. lichinelle de ma propri t Mar de Sangre Et ce fut lors d un court s jour que je fis sur Mars que les crypto chr tiens se mirent faire s rieusement les imb ciles Les crypto chr tiens Jadis une bande de pouilleux bavochant des phrases insupportables sur le respect de la vie le triomphe de l Amour et le pardon universel des offenses Les crypto chr tiens plusieurs millions de personnes m les ou femelles les yeux carquill s dans l attente du martyre la bouche grande ouverte sur des psaumes et des d clarations d amour Au d but le danger ne semblant pas tr s pr cis le fichu gouvernement interplan taire laissa faire laissa dire se contentant de faire fesser par la botte polici re quelques pr cheurs devenus trop outrecuidants Et les pr cheurs outrecuidants prenaient leur correction les yeux au ciel et b nissant leurs bourreaux Et dire qu on tait dans un monde organis structur nettoy tiquet st rilis aseptis d graiss o chaque chose tait sa place et le fichu gouvernement bien en place Dans un monde la Terre qui r gnait en ma tre sur une ribambelle de plan tes terraform es colonis es pacifi es inf od es Un monde o je gagnais confortablement ma dingue de vie gr ce aux munificences du fichu gouvernement qu une bande de braques d envap s s tait jur de faire sauter comme une fus e Entendons nous bien je n prouvais pas une once de sympathie
14. ni de respect pour le gouvernement interplan taire Je m prisais m me profond ment la plupart des pantins ras s de pr s qui le composaient et qui ne me laissaient flotter la bride sur le cou que parce que j tais devenu quelque chose comme le chantre officiel du r gime et que je leur servais de panonceau publicitaire J tais Cochise Mars h misph re Sud et je dirigeais l ensemble de musique contemporaine local une tripot e de t cherons aussi peu dou s que possible dans le maniement des spationdes et des vibreurs Monticelli dans une s rie de concerts officiels quand les mass m dia ordinaires nous apprirent la nouvelle Les crypto chr tiens s organisaient sortaient du d sordre pour entrer dans la voie de l organisation r volutionnaire Ils avaient choisi pour symbole la lettre majuscule T symbolisant la croix sur laquelle avait t clou le dieu d Amour C tait une vieille histoire qui n int ressait plus personne une histoire qui s tait pass e jadis quelque part dans une ville pourrissante sous un soleil de plomb fondu Une histoire de gendarmes et de voleurs Malgr cela les crypto chr tiens jaillirent des entrailles m talliques des villes agit rent non seulement des banni res frapp es du T de la r volte des microphones et des banderoles clamant leur soif de justice mais galement des armes de toutes sortes et de tous calibres Cela commen ait devenir s rieux si s rieux qu on
15. ois vari t s de cr atures serpentiformes hantaient encore la poussi re et la rocaille se nourrissant chichement de petits lichens la vie dure et tenace d animalcules incertains qui se reproduisaient en milieu quasiment ana robie Oui Mars avait t pour les hommes de science et les r veurs un immense sujet de d ception Seuls les faiseurs de fric avaient cru au d but pouvoir chanter leur p an la plan te regorgeait semblait il de richesses naturelles et les chercheurs de capitaux l tat natif n y taient pas all s de main morte On avait retourn de larges bandes de territoire avec une hargne et une endurance admirables Puis ils s taient rapidement aper us que Mars vendait trop ch rement sa peau Mais je m carte de mon sujet Autour de Cochise comme autour de la plupart des villes martiennes s tendait un vaste d sert rocailleux J avais pris place dans une voiture automatique histoire de me changer les id es de fuir le studio d enregistrement o mes musiciens s ing niaient reproduire le premier tiers de la Sonatine rouge de Pavel Defrovski Le petit engin de m tal argent filait majestueusement entre des monticules mouss s des l zardes zigzaguantes et ce qu on appelait tort les dunes Le dos bien cal contre le corbillon de fibres souples les narines remplies d une fum e la fois endormeuse et analeptique je laissais infuser en moi l impayable b
16. onheur de me ficher de tout De temps autre tandis que mon v hicule fon ait et louvoyait entre les pi ges naturels du d sert martien je revenais en songe Mar de Sangre aux nuits tumultueuses de mon existence de parasite Mais ce m taient plus que de brefs clairs dans mon cerveau des fulgurations de lumi re acide qui d sint graient un un mes remugles de souvenir On m avait recommand d aller voir les ruines Ce qui restait de ce que nous appelions de ce que les arch ologues appelaient l antique civilisation martienne quelques blocs d une mati re prodigieuse un vague entassement de moellons mimant un Cuzco d apocalypse deux ou trois vastes cercles de pierres dress es comme des Stonehenge de l espace En r sum plut t peu de choses Quant aux Martiens nous nous perdions en conjectures car il ne restait d eux nulle image nulle reproduction statufi e le grand vent issu de la nuit du temps et des sables endormeurs de l oubli tait pass sur la civilisation de la plan te rouge comme un rouleau compresseur Fant mes immat riels invisibles les Martiens d funts nous contemplaient peut tre dans nos furieuses all es et venues avec sur leurs l vres de vent et de sel vapor ce semblant de sourire que conf re l ironique et inutile sup riorit de la mort Vous me pardonnerez cette digression Pallai donc voir les ruines avec une vague pens e pour Senta qui devait s ennuyer l h
17. r de ce qui me regardait c est dire de ma musique et de mes octuors souffreteux En d sespoir de cause j envoyai par courrier rapide une lettre fleuve maill e de concetti et destin e mes bons amis du minist re des Arts et de la Culture J appris plus tard que mon p tre n avait jamais quitt Cochise on l avait jet e dans une oubliette des plus profondes o s accumulait depuis quelque temps d j le courrier destination de la Terre Par le truchement de l intervision et les comptes rendus des correspondants de guerre d tach s sur Terre nous parvinrent des informations alarmantes les crypto chr tiens tout entiers envahis par une fr n sie de pros lytisme avaient r ussi faire main basse sur un spatiodrome mal surveill et parlaient pr sent selon des sources bien inform es d envoyer vers les autres plan tes les autres bergeries du Grand Berger disaient ils dans leur ridicule jargon leurs astronefs de lumi re porteurs de la Parole de l Unique Dieu c ur j allais tous les jours m chiner inculquer mes clowns musicaux le mode d emploi des vibreurs Monticelli On continuait me donner du Cher Ma tre ou du Monsieur Sv n mais je sentais que j avais terriblement d gringol le long de l chelle sociale J tais un homme fini Sans la protection de mes bons camarades du gouvernement terrien je ne pesais pas plus lourd qu une m t orite lanc e au
18. s qu on prend pour tenir une conversation il s agissait je m en rendis compte presque imm diatement d une esp ce de r citation litanique Je m arr tai pour mieux entendre La voix disait Est ce moi qui blasph me ton nom Seigneur en ce cercueil de l me ce corps mis rable avec des pens es inqui tes des capitulations des faux semblants des chappatoires Est ce bien moi qui blasph me ton nom Seigneur par mes atermoiements ma lassitude Ne laisse pas retomber notre bras Seigneur mais remplis nous apr s la bataille de l immense amour du monde En ce cercueil de l me mes pens es inqui tes Un bourdonnement sinistre envahit mon cr ne brouillant mes perceptions auditives Pourquoi n ai je pas tourn le dos la pierre obscure pris mes jambes mon cou fonc comme un perdu vers le d me iris de Cochise L air t nu que l on respirait sur Mars produisait un petit sifflement grotesque en p n trant et quittant mes voies respiratoires Je demeurai l un long moment ancr dans le sable telle une pave d risoire chou e sur les hauts fonds d une mer de poussi re et je devais avoir l apparence de mon propre reflet Puis je parcourus rapidement la dizaine de m tres qui me s parait d une sorte d ar ne ovale Il y avait l un bon demi millier de femmes d hommes et d enfants entourant un T de bois fich dans le sable et la rocaille une querre d
19. use Je m ab mai par d pit dans une ivresse b gayante et racontai sempiternellement les m mes histoires aux conclusions quivoques des barmans impassibles ou des videurs doucereux nageant sans fin dans mes arguments comme un poisson dans une mare En fin de compte j allai vomir dans un lavabo profond de dix pieds avant de me payer un douche et massage dans un institut sp cialis Quand je rentrai l h tel je n avais pas l air tr s frais mais je tenais sur mes jambes Senta tait l fid le au poste me souriant de fa on engageante Je lui souris en retour et elle fit semblant de ne pas remarquer l tat d plorable dans lequel je me trouvais Beaucoup de travail demanda t elle et je mourus d envie de lui flanquer ma main la figure a d pend Et toi qu as tu fait de ton apr s midi Pas grand chose Balad e en ville bouquin comme d habitude Comme d habitude vraiment Est ce que tu ne vas pas finir par t ennuyer ferme entre tes balades tes m langes euphorisants et tes vieux bouquins bouff s aux mites Elle haussa les paules Je suis faite ainsi Et puis entre mon existence d auparavant et celle ci c est comme le jour et la nuit Entre le caniveau et cette chambre d h tel il y a un monde Je m tendis c t d elle sur le lit et lui caressai doucement les cuisses C est dr le nous nous connaissons depuis deux mois et nous ne
20. vaincre du bout des doigts que le sort de la vieille Terre ne valait pas la peine qu on s y attard t outre mesure Je vous l ai dit au d but de cette comment dire confession pendant deux mois Senta et moi nous sommes entendus comme larrons en foire Nos d bordements me permettaient de supporter le climat effroyablement provincial de la plan te rouge Je passais mes journ es vouloir inculquer aux artistes du cru les rudiments de la disharmonique et je n attendais qu une chose de l coulement au compte gouttes des heures de pouvoir rentrer mon h tel pour sentir sous mes doigts les seins durs le ventre plat les cuisses lisses et la chaude toison de Senta Pourtant je maudissais le foutu gouvernement n o mat rialiste de son imp ritie a valait bien la peine d avoir conquis le monde pour se le laisser arracher par un ramassis de pr dicateurs pouilleux Toujours mes souvenirs chagrins me ramenaient Mar de Sangre et ses douze hectares d impunit Mars qui depuis longtemps lorgnait un lambeau d ind pendance r solut de r duire ses relations avec la plan te m re au strict minimum vital ce qui revenait dire qu elle se retranchait derri re ses fronti res comme un avare derri re sa porte close J tais fait comme un rat et j eus beau courir les antichambres des minist res on me renvoyait avec des excuses des sourires polis qui dissimulaient mal les premi res lueurs du m pris me m le
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