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lettre ouverte à anselm jappe sur crédit à mort

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1. ou de na fs d fenseurs de la culture pour tout le monde Serge Daney en 1990 disait que la culture avait d vor l art et qu elle s appr tait subir le m me sort avec le tourisme Il ajoutait A elle seule la comm moration devient un art en soi C est l agenda planning des communicateurs qui nous souffle nos coups de c ur Nous sommes d accord Ceci pos a t on tout dit R pondre qu il ne s agit l que de l cume serait excessif et ne traduirait pas une forte tendance durant ces trente derni res ann es Pourtant en dehors de ces expositions ou manifestations culturelles qui font v nement promues grand renfort de publicit il existe des lieux plus modestes non m diatis s ne s adressant pas un public de consommateurs culturels La po sie par exemple permet ce type d changes et de rencontres Ces pr cisions pourraient para tre accessoires ou secondaires si par ailleurs afin de faire le lien avec ce que je relevais plus haut vous n criviez partant du refus narcissique pour le spectateur d entrer dans un vrai rapport objectal avec un monde distant du Moi De ce point de vue aujourd hui il n existe presque plus aucune diff rence entre le grand art et l art de masse On aimerait savoir ce qu est pour vous l art de masse Est il consubstantiellement li l volution de l art depuis la moiti du XXe si cle ou traduit il la tendance
2. autres encore d signent la naissance de la science moderne L un de ces auteurs dans un ouvrage intitul Apr s l effondrement conclut son avant propos par il l effondrement a commenc depuis longtemps et il n est pas excessif de dire que nous nous trouvons aujourd hui apr s l effondrement Le m me 5 vers la fin du livre page 204 nous annonce que cet effondrement est d j presque achev On en d duit que cet effondrement a eut lieu entre la fin de la r daction de l ouvrage et celle de l avant propos Voil au moins une donn e pr cise Je peux m me pr ciser l attention des lecteurs qui s en inqui teraient qu il s agit du premier semestre de l ann e 2000 Enfin tr ve de plaisanterie si quelque chose s effondre c est bien le concept d effondrement pour le coup Commentant Mich a pour relativiser l loge chez ce dernier du socialisme original vous lui demandez de ne pas oublier le r le que l antis mitisme a jou chez Fourier Une remarque d autant plus trange que Mich a se r f re presque exclusivement Marx dans ses diff rents ouvrages Vous avez une fa on tr s m diatico tendance d aborder Fourier 6 Je ne nie pas que ce dernier ait t antis mite la mode de son temps faut il le redire Et puis il s agit d un antis mitisme conomique non religieux non racial les autres peuples commer ants Arm niens Chinois A
3. mort se termine sur cette phrase Mais cela veut aussi dire que tout reste possible C est ce dont je me suis efforc de vous convaincre tout au long de cette lettre Mais y croyez vous encore Max Vincent juillet 2011 1 Cet ouvrage publi aux Nouvelles ditions Lignes r unit un certain nombre d articles publi s entre 2007 et 2010 dans diff rentes revues Il se divise en trois parties Pars DT destruens qui regroupe les articles La princesse de Cl ves aujourd hui Politique sans 3 o 5 6 politique La violence pour quoi faire Cr dit mort tous publi s dans la revue Lignes Do Pars costruens les articles Le cot obscur de la valeur et le don Common decency ou corporatisme observations sur l oeuvre de J C Mich a D croissants encore un effort D une utopie l autre Pars ludens les articles Le chat la souris la culture et 3O l conomie Est ce qu il y a un art apr s la fin de l art 2 Cela d ailleurs a d j t fait dans le dernier num ro de la revue Variations consacr la Haine par Didier Epsztajn Et tr s favorablement Il n est pas certain que nous ayons lu le m me livre lui et moi Epsztajn ne consacre que quelques lignes finales ce dont j entretiens Anselm Jappe tout au long de cette Lettre ouverte 3 De nombreux commentateurs pour fustiger le terrorisme
4. jadis accus d immoralisme d apologie du crime et de toutes les perversions sexuelles imaginables et m me inimaginables ou encore dans un second temps tax de pr curseur du fascisme reprend du service en ce d but du XXIe si cle sur les versants fasciste et nazi mais de surcro t fait nouveau son uvre devient l une des all gories du capitalisme Aujourd hui donc une nouvelle g n ration de d tracteurs repart l assaut avec de nouvelles munitions La post rit du marquis de Sade n aura connu qu une br ve et relative p riode de r pit entre la fin des ann es 60 durant lesquelles ses ouvrages qui circulaient auparavant sous le manteau furent publi s pourtant Jean Jacques Pauvert pour ce faire d contourner la censure en ne reprenant pas les titres d origine mais les sous titres et les derni res ann es du XXe si cle Sade n est certes pas le seul dans cette ligne de mire Ses contempteurs travers lui S en prennent ceux qui depuis Apollinaire puis les surr alistes la modernit les Modernes la French Th ory les intellectuels de gauche du moins certains et tutti quanti ont contribu c l brer peu ou prou le divin marquis Guy Debord insistez vous n aurait pas sa place dans cette liste Je vous cite Le premier film de Guy Debord Hurlements en faveur de Sade ne contient aucune image et aucune r f rence Sade en prenant ainsi un contre pied ironique sur le culte de Sade e
5. Claude Mich a Dany Robert Dufour pour citer des auteurs qui vous sont tr s proches sur ce terrain l font partie de ces d tracteurs et l ont fait savoir dans plusieurs de leurs ouvrages Un livre de Eric Marty Pourquoi le XXe si cle a t il pris Sade au s rieux sorti au printemps 2011 a t accueilli favorablement Ceci n tant qu un d but Voil qui devrait vous r jouir Vous pr tendez que les crits des admirateurs de Sade ne nous clairent pas beaucoup sur Sade Que dire alors de ses d tracteurs Vous accordez cependant un relatif cr dit Georges Bataille et ses consid rations sur Sade vous en citez quelques unes en pr cisant qu il s agit des arguments les plus s rieux en faveur de Sade lesquelles m riteraient une discussion approfondie Pourtant lorsque vous relevez chez Bataille la phrase suivante pas une seule ligne de Sade ne devrait tre prise au pied de la lettre vous ruez dans les brancards Vous ajoutez Dr le de mani re de s exalter sur un auteur que de d clarer en m me temps pour inessentiel ce qu il crit r ellement Ceci n est pas inessentiel mais essentiel pour le moins Une grande partie des malentendus et des contresens sur l oeuvre du divin marquis vient de l quoi bon reprendre alors votre argumentation dans le d tail puisque la perspective d ensemble se trouve ce point biais e Je vais pour vous r pondre plut t m attarder sur qu
6. bien inutile de discuter avec des gens qui veulent encore voter Dans un mouvement social d une certaine ampleur figurent majoritairement et tr s logiquement des personnes qui ont d j vot ou qui pourraient tre amen s le faire ou le refaire C est une r alit difficilement discutable Vous nous refaites le coup du renard et des raisins Cette maladie qui porte le nom d lectoralisme se soigne ou devrait se soigner la faveur de mouvements sociaux de ce type Il y a des rechutes je vous l accorde mais les r volutions ne sont pas uniquement faites par de beaux esprits d sali n s et contempteurs du suffrage universel Et puis les critiques que l on peut ou l on doit adresser un mouvement social ne sont pas index es sur la proportion de personnes ayant auparavant accompli leur devoir lectoral Pour revenir plus concr tement la d mocratie je vais reprendre un exemple d j cit ailleurs 8 celui dun change pol mique entre Jaime Semprun et votre ami Norbert Trenkle Le premier avait mis des critiques envers le Manifeste contre le travail publi en France l ann e 2002 par le groupe Krisis auquel appartient le second portant sur l attachement des auteurs du Manifeste une certaine orthodoxie marxiste travers l id e d une r appropriation possible des forces productives de la grande industrie sous la forme que leur a donn le capitalisme Semprun argue d
7. de Breton ont cit la phrase en question L acte surr aliste le plus simple consiste revolvers aux poings descendre dans la rue et tirer au hasard tant qu on peut dans la foule en se gardant bien citer la phrase qui suit pourtant indispensable pour savoir de quoi l on parle Qui n a pas eu au moins une fois envie d en finir de la sorte avec le petit syst me d avilissement et de cr tinisation en vigueur a sa place toute marqu e dans cette foule ventre hauteur de canon Breton m taphorise ici l expression m me de la r volte Ces deux phrases restent d actualit Et c est superbement dit 4 Inclus dans R flexions partielles et apparemment partiales sur l poque et le monde tel qu il va consultable sur le site L herbe entre les pav s 5 Le m me auteur a reproduit dans un autre ouvrage galement publi aux ditions de l Encyclop die des nuisances un change de lettres avec Anselm Jappe il y voque la lourdeur toute germanique de la fa on de penser de son correspondant Anselm Jappe qui pour le lecteur qui l ignorerait est n Bonn et a t membre de Krisis un groupe de th oriciens allemands Voil qui nous ram ne de nombreuses d cennies en arri re Il ny a pas si longtemps d ailleurs on parlait encore ainsi dans certains milieux musicaux hexagonaux de la lourdeur toute germanique de la musique de Gustav Mahler Mais certains clich s ont la vie
8. el une caract ristique de toute la lyrique moderne Une fois de plus le explicitement parait de trop Je renvoie Structure de la po sie moderne On y lit Ce qui est cependant propre la po sie moderne est que ce monde n de l imagination cr atrice et d une langue disposant en toute libert de ses pouvoirs est hostile au monde r el Je pourrais partant de cette constatation proposer une explication en tous points contraire la votre Auparavant dans le m me article vous vous r f rez probablement une autre phrase connue du Second manifeste du surr alisme quand vous pr tendez comme la marchandise la po sie moderne abolit toutes les diff rences entre le beau et le laid le haut et le bas l espace et le temps l int rieur et l ext rieur Si cela tait Breton crit Tout porte croire qu il existe un certain point de l esprit d o la vie et la mort le r el et l imaginaire le pass et le futur le communicable et l incommunicable le haut et le bas cessent d tre per us contradictoirement tout porterait croire que non seulement la po sie moderne vous est totalement trang re et incompr hensive mais qu il en va de m me pour toute pens e analogique 2 Revenons Cr dit mort Pour ce qui concerne le f tichisme de la marchandise je ne vois pas ce que je pourrais ajouter ou retrancher ce que vous en dites dans l article Est ce qu il y a un art ap
9. et plus classiquement celle du syst me capitaliste et technologique dans son ensemble Quelques lignes plus haut vous crivez qu il s agit pas seulement de s manciper de la domination d un groupe d tres humains sur les autres Vous ajoutez que toutes justifi es soient elles ces exigences mancipatrices aboutissent en g n ral la poursuite du d sastre avec un personnel de gestion plus m lang et avec une distribution de ses avantages ou d savantages qui nest m me pas plus quitable mais qui change de type d injustice Exit l mancipation des prol taires alors puisque que vous les citez au passage cot des Noirs des hommes du Sud des d viants L mancipation ne peut concerner que le syst me capitaliste dans son ensemble crivez vous plus loin Certes mais rien n exclut rien L mancipation n est pas une et indivisible A vous lire toute volont mancipatrice dans les cas de domination d un groupe d tres humains sur les autres abouterait son contraire A croire qu il s agirait l de la derni re ruse du capitalisme pour perp tuer sa domination C est une bien curieuse dialectique Vous raisonnez comme si le capitalisme avait contre toute attente d j r alis la soci t sans classe Tout le monde en d finitive se trouvant log la m me enseigne Nous serions donc de surcro t d barrass de la lutte de classes On doit pousser des soupirs de soulage
10. lement moral dit rencontrer de plus en plus de personnes narcissiques dans ses consultations Ce qui parait trange de la part d une psychoth rapeute qui en raison de sa r putation et de son image de marque re oit surtout des victimes et donc peu d agresseurs Faut il alors en conclure que les hommes du moins les agresseurs et autres harceleurs choisissent d agresser et d harceler de pr f rence des femmes que l on rangerait dans la cat gorie personnalit s narcissiques Il y a quelque chose qui m chappe En revanche je vous suivrais plus volontiers si vous vous r f rez des observations sociologiques en passant sur l impr cision de votre formulation Malgr les tr s fortes r serves que m inspirent leurs ouvrages je ne nie pas que des Lipovetski et Maffiesoli pour la France et plus encore Lasch pour l Am rique traduisent ici ou l quelque tendance l oeuvre dans nos soci t s contemporaines en mati re de narcissisme Mais de l prendre certains effets induits par l norme d veloppement de l industrie du divertissement caract re narcissique donc pour la cause m me du processus de r gression autant au niveau collectif qu individuel c est vouloir prendre la plus belles de vos vessies pour une lanterne Le narcissisme est une explication parmi d autres il n est pas l explication Votre d monstration de surcro t s av re bien moralisatrice Il semble pour le mo
11. me chose Secondement Le narcissisme n tait pas plus rare l poque de Freud qu auparavant Par contre pour le concept il en va autrement Il faut attendre 1910 pour trouver une premi re fois le terme narcissisme chez Freud Quatre ans plus tard l article Pour introduire le narcissisme lui permet de forger ce concept et de l introduire dans la th orie psychanalytique Cet article d une grande richesse d montre combien le narcissisme dans sa complexit ne peut tre r duit aux d finitions simplifi es de certaines encyclop dies ou un freudisme pour les nuls voire m me la rubrique trouble de la personnalit narcissique du DSM IV ou au manuel de classification internationale des maladies de l OMS Troisi mement Qu est ce qui vous permet d affirmer que le narcissisme est devenu Tune des affections psychiques principales dont on pourrait voir les traces un peu partout Parlez vous toujours d observations cliniques Ayant travaill en milieu psychiatrique durant plusieurs p riodes s talant sur presque trente ans je nai rien observ de tel II y a des affections psychiques autrement plus graves que le narcissisme chez les patients venant consulter en CMP et ceux hospitalis s de leur propre chef ou sous contrainte Et je mai rien lu d un point de vue clinique qui vienne tayer votre affirmation une exception pr s cependant celle de Marie France Hirigoyen L auteure de Harc
12. messe soit dite On ajoutera m me cerise sur le g teau que c est la faute du capitalisme Ce capitalisme dont on s accommode sur de tr s nombreux autres aspects Vous l aurez compris ces derni res lignes ne s adressent pas VOUS Le monde aurait consid rablement chang depuis ces derni res ann es dites vous pour expliquer pareille mutation Moins que vous ne le pr tendez Ce changement je le rep re davantage dans votre propension reprendre sans trop faire preuve d esprit critique des analyses des th ses et des postures minemment critiquables de mon point de vue Et sur lesquelles j aurai l occasion de revenir Le d saccord ceci dit s av re encore plus patent lorsque vous crivez Les situations et les conflits du pass nous sont d un mince secours pour d cider de notre action aujourd hui Pourtant d une r volution l autre dun mouvement social l autre d un groupe d avant garde l autre d une pens e critique l autre l histoire nous enseigne le contraire C est dire que la mise en relation de l ancien et du moderne dans des conditions particuli res qui sont chaque fois d finir contribue mettre le feu aux poudres d placer les lignes vers d autres lendemains qu ils chantent ou d chantent la question n est pas l Et ceci ne serait plus de saison Nous vivrions quelque fin de l histoire Vous ne l crivez pas comme un vulgaire Fukuyama mais vous le su
13. pour voquer une quelconque volution En revanche depuis 2003 et 2004 dates de parution des Aventures de la marchandise et de L avant garde inacceptable de l eau a coul sous vos ponts Lorsque vous voquez ce monde qui a tellement chang j aurais simplement envie de vous r pondre pas tant que vous Cela vaut surtout pour les deux premi res parties de Cr dit mort Par contre en ce qui concerne la troisi me partie je rel ve plus de permanence dans vos id es l exception bien entendu du narcissisme Chacun d entre nous volue Seuls des esprits dogmatiques souvent religieux qui se soumettraient toute leur vie ou presque une quelconque table de la loi y chappent Malgr son fameux je ne suis pas quelqu un qui se corrige l volution de Guy Debord est perceptible Encore faut il pr ciser la nature de cette volution Et la direction qu elle prend La votre n a rien de spectaculaire compar e d autres br lant le lendemain ce qu ils adoraient la veille Pourtant dans ce cas de figure doit on encore parler d volution Le mot revirement semble mieux choisi On vous accordera le b n fice du doute Vous navez pas encore fait ce saut que d aucuns venant des milieux radicaux n ont pas h sit franchir A ce titre votre positionnement ce que j ai appel de cul entre deux chaises aurait peu d quivalents C est d ailleurs l une des raisons qui m ont incit vo
14. ralis e D ailleurs la postmodernit a partie li e avec la reprise id ologique qui accompagne les ann es 80 et qui se poursuit durant la d cennie suivante d clinant sur le mode de fin de celle de l art des luttes de classe des grands r cits de l histoire des id ologies Parall lement aux r volutions sociales du XIXe si cle la modernit participe de ce processus d mancipation que Rimbaud par exemple traduit par changer la vie Les id es et les pratiques li es l mancipation sociale d un cot celles associ es aux diff rentes expressions de la modernit de l autre constituent ou plut t constituaient les deux faces d une m me pi ce Sans vouloir parier ici sur la qualit du m tal ceci m riterait de longues explications les unes ne vont pas ou n allaient pas sans les autres Sur cette modernit qui je tiens le pr ciser remonte Baudelaire vous ne dites pas grand chose D ailleurs vous occultez cette dimension litt raire et artistique dans j insiste deux articles consacr s l art pour privil gier une approche philosophique proche de celle d un Dany Robert Dufour ou d un Jean Claude Mich a 12 Vous vous contentez d avancer que d s le d but le centre de la modernit travers le programme nonc par Descartes d couvrant dans l existence de sa propre personne la seule certitude possible s incarne dans la d n gation
15. rer toute vell it de transformation de ce monde laquelle vell it pr c derait et accompagnerait la seule transformation effective celle de ce monde par le capitalisme Et voil pourquoi votre fille est muette Dans cette perspective bien videmment ceux qui persisteraient encore critiquer le monde tel qu il va en aspirant celui auquel je faisais plus haut r f rence ne font que le renforcer etc etc Vous n en tes pas encore l Mais pour combien de temps amp Un nom manque dans Cr dit mort Un nom propre que l on pensait normalement raisonnablement logiquement laune du Jappe 2011 rencontrer sous votre plume celui de Donatien Alphonse Fran ois de Sade Comme repoussoir il va de soi Votre article Sade le prochain de qui confi en 2007 la revue Illusio n a pas t retenu par les Nouvelles ditions Lignes M me s il ne figure pas dans Cr dit mort j en dirai cependant quelques mots voire plus Je ne pouvais trouver meilleure transition avant d aborder la troisi me partie de votre ouvrage Vous ne manquez pas d air quand vous r f rant aux nombreux enthousiastes ayant crit sur le divin marquis vous ne voyez en revanche pas la queue d un d tracteur En ce d but de XXIe si cle bien au contraire les propos contributions articles et livres critiquant condamnant ou stigmatisant l oeuvre de Sade prennent largement le pas sur les autres Christopher Lasch Jean
16. sociologique observ e un peu plus haut Ne voulez vous pas plut t parler de culture de masse Votre art de masse ressemble par trop un oxymore Ces difficult s de d finition et donc de compr hension pour le lecteur font ressortir dans ce cas de figure l une des limites de votre d monstration Vous utilisez parfois rarement disons le terme postmodernit sans en faire l analyse ou sans le conceptualiser Cela vient comme a en passant partir du moment o l on aborde comme vous le faites des questions li es l art la culture la contemporan it et le monde tel qu il va il me parait difficile de faire ici l impasse sur un ouvrage aussi pr cieux que Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif de Fr dric Jameson L un des int r ts majeurs de ce livre est de mettre la modernit l preuve de la postmodernit et r ciproquement Ce qui signifie historiquement parlant que la modernit qui constituait tendanciellement une critique de la marchandise s efface ou c de la place la postmodernit c est dire la consommation de la marchandise comme processus Autre constatation essentielle la modernit qui dans le meilleur des cas repr sente l utopie d un monde lib r et mancip na jamais t h g monique contrairement la postmodernit laquelle a ce point absorb la sph re culturelle que tout devient plus ou moins culture dans un monde de l quivalence g n
17. LETTRE OUVERTE ANSELM JAPPE SUR CR DIT MORT La lecture d un ouvrage peut susciter des sentiments contradictoires C est le cas de votre dernier livre Cr dit mort 1 Mais il y a fa on et fa on d en rendre compte Chamfort crit ceci La mani re dont je vois distribuer l loge et le bl me disait M de B donnerait un plus honn te homme l envie d tre diffam Je ne voudrais pas que cette Lettre ouverte tombe dans ce travers Votre livre referm pour le dire trivialement vous donnez l impression d avoir le cul entre deux chaises Avant de m en expliquer je tiens pr ciser que je n entends pas discuter ici le bien fond ou pas de cette critique de la valeur dont vous tes sans doute le principal repr sentant et th oricien aujourd hui en langue fran aise Je laisse des lecteurs davantage concern s ou plus comp tents le soin de vous r pondre 2 Ceci pos l affirmation selon laquelle crivant les articles rassembl s dans Cr dit mort vous avez mis cette th orie l preuve en l utilisant comme grille de lecture pour mesurer si elle permet mieux que d autres approches de comprendre le monde tel qu il va m appara t r trospectivement comme un argument rh torique Ces articles peuvent tre comment s sans se r f rer explicitement ou implicitement cette th orie Pour ma part au fil des pages de Cr dit mort d autres grilles de lecture me sont ap
18. La production industrielle de bien culturels ce qui n tonnera personne Tous les d tails concernant la r daction de La dialectique de la raison figurent dans l excellente biographie de Stefan M ller Doohm Adorno Sade est tr s peu pr sent dans l oeuvre d Adorno La mention la plus d velopp e consiste en quelques lignes de l article R flexions sur Kafka publi dans Prismes Adorno y crit Chez Sade et Kafka en revanche la raison est soucieuse de faire appara tre par le principum stilisationis de la folie la d mence objective A des degr s diff rents l un et l autre font partie du rationalisme mancipateur des Lumi res 11 Sade sert galement d indicateur d volution Le meilleur exemple tant celui de Michel Foucault Vers le milieu des ann es 70 Foucault volue vers des positions autant philosophiques que politiques davantage discutables du point de vue exprim ici La r f rence sadienne auparavant positive devient n gative chez l auteur de La volont de savoir Autant que je sache Jappe n avait pas crit la moindre ligne sur Sade avant l article Sade le prochain de qui publi en 2007 mais l indication parait significative 12 Dans L empire du moindre mal Mich a d crit la modernit comme une trange civilisation qui la premi re dans l Histoire a entreprit de fonder ses progr s sur la d fiance m thodique la peur de la mort et la conviction qu aimer et donne
19. ces productives et rapports de production tente de d finir le cadre ou l espace qui permettrait de mettre la science et les technologies l preuve des choix par lesquels nous aspirons vivre dans une soci t plus libre plus juste plus solidaire plus riche en potentialit s diverses d sali n e communiste et libertaire Dans la soci t que nous appelons de nos voeux l usage des sciences techniques et technologies devient l un des l ments d une discussion plus globale sur ce qui serait utile ou pas pour l humanit Nous voil revenu notre point de d part la d mocratie Je ne vais pas vous faire un dessin sur les formes qu elle pourrait prendre dans un contexte d affrontement global En tout tat de cause mancipation sociale et d mocratie sont indissolublement li es La premi re je le r p te n est pas une et indivisible Comme l crit Jacques Ranci re il parait pr f rable de la repenser non pas comme la lev e d un grand corps collectif mais comme la multiplication des formes d exp rience qui peuvent tisser une autre forme de communaut Je remarque que vous vous r f rez implicitement dans plusieurs pages de Cr dit mort au livre de Luc Boltanski et Eve Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme explicitement en tout cas dans l article La princesse de Cl ves aujourd hui Je ne vais pas traiter en trois quatre lignes d un ouvrage aussi touffu autant foisonnant que discutab
20. chie de valeurs qui puisse contester la hi rarchie du pouvoir et de l argent laquelle au contraire r gne sans partage l poque o l on nie toute hi rarchie culturelle L vous mettez le doigt sur un facteur important qui touche la nature m me de l art Tout en partageant un mot pr s j y reviendrai cette analyse je choisirais une autre mani re de l aborder D abord en faisant une distinction entre culture et culturel Entre autres d finitions le culturel pr cise les attentes en mati re de culture A savoir une culture dite vivante dont nous serions le cas ch ant les usagers Soit une culture dispens e au plus grand nombre avec la possibilit pour les int ress s de se livrer une activit culturelle D o l importance du mot activit l usager n tant pas seulement un consommateur de produits culturels il participe devient cr atif la cr ativit autre mot f tiche Et puis priori le culturel n tablit pas de hi rarchie le rap vaut la musique classique qui vaut la danse moderne qui vaut l atelier th tre qui vaut l activit poterie etc Contre ceux qui d fendraient une conception litiste de la culture celle de l art pour simplifier le culturel a toujours raison d mocratiquement parlant Les discussions alors porteront sur les politiques institutionnelles et la question des moyens celle des investissements financiers des subventio
21. drich montrent involontairement que la po sie partir de Rimbaud et Mallarm ainsi que toutes les autres techniques et proc d s de l art moderne n a pas combattu la logique de la marchandise et de la science mais au contraire la imit e voire anticip e je me demande si nous avons lu le m me livre Votre involontairement ne passe pas et vous trahit en quelque sorte II prouve mieux qu un long commentaire combien vous sollicitez le texte de Friedrich pour lui faire dire ce qu on n y trouve pas m me implicitement Ensuite vous jetez p le m le l appui de votre d monstration une s rie de propositions certes pr sentes chez Friedrich mais qui m riteraient d tre chaque fois reprises et discut es depuis l argumentation de l auteur Vous plaquez sur la grille de lecture propos e par Structure de la po sie moderne votre propre grille de lecture sans vous soucier de savoir si les deux correspondent L important pour vous tant de d montrer moindre frais que po sie moderne et marchandise c est kif kif bourricot D o des raccourcis pour le moins surprenants lorsque vous comparez chez Mallarm son d sir d an antir le monde et celui quivalent qui anime la soci t marchande Un po te de la complexit de Mallarm m rite quand m me mieux que cette grotesque comparaison Vous avancez en guise d explication que Friedrich fait explicitement de l an antissement du r
22. dure n est ce pas 6 La meilleure r ponse serait cette savoureuse chanson de Brigitte Fontaine Comme Rimbaud Je suis sale comme Rimbaud Je suis l che comme Villon D bauch e comme Hugo Syphilitique comme Baudelaire Mais peut tre apr s tout N aimez vous pas la po sie Au couplets qui suivent sur la litt rature la peinture la musique les femmes on pourrait ajouter celui ci Je suis p d comme Foucault Je suis pervers comme Pascal Constip comme le vieux Kant Antis mite comme Fourier Mais peut tre apr s tout N aimez vous pas la philosophie 7 Signalons les indispensables et pr cieux commentaires de Simone Debout sur l oeuvre de Charles Fourier 8 Dans Du temps que les situationnistes avaient raison et en partie dans R flexions partielles et apparemment partiales sur l poque et le monde tel qu il va 9 En faire le cheval de Troie du lib ralisme actuel ne manque pas de sel En tout cas cela s duit un public la recherches de nouvelles certitudes De mani re plus insidieuse Le nouvel esprit du capitalisme s en prend travers cette critique artiste mai 68 et aux auteurs de la soi disant pens e 68 et autre french th orie tous coupables d avoir confectionn un tel cheval 10 En r alit le chapitre Juliette ou Raison et morale a t crit par Horkheimer apr s discussion entre les deux auteurs Adorno se chargeant de r diger le chapitre
23. e de ce rappel de 1988 par la voie pistolaire Parmi ceux que l on appelait les pro situs d aucuns confondaient d passement de l art et mort de l art excipant de propos tenus par Debord sur l absence d artistes dignes de ce nom dans la seconde moiti du XXe si cle A la fin de sa vie dans un passage de la Th orie esth tique Adorno n exclut pas l hypoth se de la mort de l art sans pour autant pouvoir en apporter la v rification sur le plan esth tique Il s agit de pr server la teneur de l art du pass d une possible disparition ou d une poursuite dans le d sespoir d un art r duit l tat de culture Celle ci avance t il pourrait survivre l art dans une soci t qui aurait t lib r e de la barbarie de sa culture Soit un glissement de l art vers la culture qui signerait le d clin de l art et des uvres d art Ce qui pourrait tre l une des d finitions de la postmodernit En tout tat de cause il parait difficile d aborder la question de l art aujourd hui sans pr alablement se r f rer la fois au concept h g lien d Aufhebung et au questionnement d Adorno que je r sumerai par l art a perdu son caract re d vidence Mes r serves et d saccords pour en revenir Cr dit mort portent d abord sur l art et la po sie moderne ce qui n cessite un retour L avant garde inacceptable ensuite sur la notion de narcis
24. e genre de raccourci Je me souviens que Jaime Semprun dans L abime se repeuple pas moins averti que vous pourtant s tait livr des amalgames comparables Alors Ma troisi me remarque concerne votre mani re de lire les textes Dans l article La violence mais pour quoi faire vous consacrez plusieurs pages au Comit invisible auteur de l ouvrage L insurrection qui vient Vous crivez que m me sur le plan de la litt rature leur apologie du crime gratuit manque un peu de fra cheur soixante ans apr s qu Andr Breton eut reconsid r ses id es sur lacte surr aliste le plus simple 3 lors d une interview de 1948 vous le mentionnez reproduite dans les Entretiens Cela m tonnait En relisant cet entretien accord Claudine Chonez je mai retrouv nulle reconsid ration chez Breton Ce dernier explique qu on ne cesse de lui remettre en m moire la phrase en question Mais il ne s en trouble pas outre mesure Et tant pis pour l expression paroxystique qu elle a pu prendre ajoute t il D cid ment nous ne lisons pas de la m me fa on Breton dans le texte Dans un autre entretien Andr Breton revient il est vrai en mettant des regrets sur quelques unes des pages du Second manifeste du surr alisme Il mentionne alors une certaine vV h mence dans l expression envers Artaud et Desnos mais nullement la phrase incrimin e Ne me dites pas que ceci et cela pour les exemp
25. elques unes des raisons qui font que l on ne sait ou ne veut pas lire Sade en ce d but de XXIe si cle Il y en d autres il va de soi Mais je ne retiens que celles que votre article remet en perspective Vous n tes pas le premier ni ne serez le dernier vous r f rer au chapitre Juliette ou Raison et morale de La dialectique de la raison de Max Horkheimer et Th odor Adorno comme analyse je vous cite de sa contribution celle de Sade la mise en place du totalitarisme de la marchandise sous le nom des Lumi res Ce chapitre de La dialectique de la raison argumente en ce sens mais s av re plus complexe plus contradictoire et plus hypoth tique que ce que vous et d autres en retenez Peu de commentateurs ont voqu le retournement dialectique pourtant bien pr sent dans Juliette ou Raison et morale Le propos suivant En tant que protestation contre la civilisation la morale des seigneurs repr sente indirectement les opprim s la haine l gard des instincts atrophi s d nonce objectivement la v ritable nature des tyrans qui ne se manifeste que dans leurs victimes l annonce en quelque sorte Ensuite le rapprochement entre Sade et Nietzsche s av re judicieux Tous deux ne sont ils pas des adversaires irr ductibles du christianisme D o les longs d veloppements des auteurs de La dialectique de la raison sur la notion de piti ric Marty qui n est nullement un admirateur de Sade ne
26. ettes Le caviar et la vache enrag e Le malheur et l imbecillit La fringale et le coup d fourchette Les g n raux et les po tes On ne peut s emp cher d associer ici en l occurrence votre attitude celle du quidam revenu d un certain nombre d illusions frissonnant d aise devant des rapprochements pour le moins incongrus qui r v leraient cependant selon lui quelque v rit sur l tat actuel de la soci t Ceci pr c d de ce ton inimitable du type il faut se rendre cette vidence peu confortable que par mim tisme vous empruntez vos nouveaux mod les En tout cas vous tiez tellement satisfait de votre trouvaille sur La princesse de Cl ves que vous lui avez donn le titre de votre article Apr s cette malheureuse citation j en viens un amalgame Vous nous entretenez toujours dans l article La princesse de Cl ves aujourd hui du poids bien excessif que les courants radicaux des trotskistes jusqu aux situationnistes ont toujours attribu la trahison des dirigeants Un propos assorti de commentaires qui valent pour les trotskistes mais que l on s tonne le mot est faible de retrouver pour ce qui concerne les situationnistes Vous seriez bien incapable d apporter la moindre preuve cette assertion Ceci me parait bien d sinvolte surtout venant d un auteur ayant crit un ouvrage sur Guy Debord et dans lequel on ne risque pas de trouver c
27. euse coinc e dans son tas de ferraille Cela suppose que l on utilise il va de soi un v hicule tr s diff rent de ce qu est une automobile aujourd hui C est vouloir dire travers cet exemple qu une confiance absolue envers les sciences techniques et technologies la position technophile est tout aussi condamnable que l affirmation d un refus pareillement absolu la position technophobe Une soci t lib r e poursuit Trenkle devra examiner chaque fois concr tement la technologie et la science que le capitalisme a engendr es sous une forme f tichiste et largement destructive pour savoir si et dans quelle mesure elles pourront ou non tre transform es et d velopp es pour le bien de tous Ce cadre ainsi d fini la discussion peut s engager Il parait cependant n cessaire d en exclure les manipulations g n tiques de nombreux proc d s de l agriculture industrielle tout comme la totalit de l industrie nucl aire Ce sera alors en fonction de divers crit res qualificatifs sensibles et esth tiques qu ils les membres de la soci t d cideront de ce qu ils acceptent et de ce qu ils refusent On voit bien ce qui s pare fondamentalement Semprun et Trenkle L o le premier tient un discours catastrophiste les forces productrices transform es en forces destructrices pour en conclure l impossibilit de transformer le monde comme il va le second partant des contradictions entre for
28. gg rez implicitement Vous citez comme seul exemple du fait que ni les mouvements sociaux ni les contestations culturelles pass es ne nous instruisent utilement sur ce que nous pouvons faire aujourd hui celui du surr aliste belge Louis Scutenaire faisant scandale en 1963 parce que le livre propos Gallimard contenait l aphorisme suivant Relu hier soir La princesse de Cl ves Avec mon cul tout en ajoutant que Sarkozy plus de quarante ans plus tard dit la m me chose Vous ne saisissez donc pas la pluralit de sens ou le caract re polys mique de cet aphorisme Dire qu il s agit de la m me chose rel ve d un abus ou d une bien trange candeur chez un philosophe Dans ce m me ouvrage Mes inscriptions figure cet autre aphorisme l un de ceux que j aurais aim crire J cris pour des raisons qui poussent les autres d valiser un bureau de poste abattre le gendarme ou son ma tre d truire un ordre social Parce que me g ne quelque chose un d go t ou un d sir On s loigne vertigineusement de Sarkozy Votre exemple parait bien mal choisi ou contre productif pour parler contemporain La r volte anarchiste d un Scutenaire ne sera pas de sit t dissoute dans l inf me brouet sarkozyste R f rence pour r f rence je vous renvoie la chanson Point de vue cr e cette m me ann e 1963 par Jean Arnulf Faudrait voir pas m langer Les torchons avec les servi
29. ins curieux que dans ces deux articles consacr s lart vous nayez pas relev que le narcissisme plus ou moins important des artistes crivains musiciens n tait pas tranger la singularit de leurs productions picturales litt raires musicales ou autres Lou Andr as Salom qui savait de qui et de quoi elle parlait avait not lors de sa d couverte du freudisme l poque justement o Freud forgeait le concept de narcissisme Le narcissisme au sens cr ateur n est plus un stade franchir c est plut t un accompagnement durable de toutes les exp riences profond ment vitales d une part toujours plus pr sent de l autre encore tr s au del de toutes les possibilit s de creuser partir de notre conscience divers stades de notre inconscient Jai parfois l impression comme pour Mich a que votre d couverte tardive de la psychanalyse si j en crois vos crits ant rieurs ferait clater une digue dont votre relation Marx vous prot geait en quelque sorte au point de vous laisser ici emporter par un courant vous conduisant dieu sait o votre prochain ouvrage nous l apprendra peut tre Vous en tes pas encore comme Mich a flirter avec l ordre symbolique mais vous en prenez le chemin Le narcissisme sous votre plume devient un f tiche Vous m voquez ces explorateurs qui croient d couvrir un continent alors qu ils viennent d aborder une le dont ils feront plus ou moins rapidement le to
30. isible appartient au premier p le Ses th ses font cho ce maximum de force relative en tant que force violente et de la destruction identifi par Nietzsche au nihilisme actif Le nihilisme passif lui se traduit chez le philosophe par Les buts et les Valeurs jusqu alors pr valants sont d sormais inappropri s inad quats et ne trouvent plus de croyances Ce qui dans un langage plus moderne et travers l imp ratif cat gorique suivant On ne peut plus rien faire et de toute fa on c est d j trop tard s applique excellemment aux ouvrages publi s par les t tes pensantes de L Encyclop die des Nuisances et aux th oriciens du courant anti industriel plus g n ralement Que les uns le Comit invisible vouent aux g monies les autres l EdN et r ciproquement est accessoire Ils repr sentent les deux faces certes diff rentes du m me Janus nihiliste A reprendre vos articles et en particulier celui auquel je viens de me r f rer La violence mais pour quoi faire on s tonne d une absence celle de toute r f rence aux meutes de l automne 2005 dans les banlieues fran aises Il y avait pourtant mati re disserter Jean Claude Mich a non plus men dit mot Il semblerait que tous deux encore aujourd hui vous ne vous d cidiez effectuer un certain saut Celui que Jaime Semprun d s 1997 n avait pas h sit de faire en appelant barbare la jeunesse san
31. le et ambigu plus probl matique que ne le laissent supposer des commentateurs int ress s press s ou peu vers s dans la nuance Opposer une critique sociale une critique artiste appartient au rayon des fausses bonnes id es D ailleurs le concept de critique artiste parait peu pertinent 9 Et ce que vous en retenez encore moins Le faire remonter aux surr alistes ne prouve que votre m connaissance du surr alisme La th se centrale du Nouvel esprit du capitalisme traite du processus de r cup ration par un capitalisme new look Cette capacit du capitalisme tout r cup rer sinon l essentiel de surcro t sur un mode inusit apr s mai 68 reprendrait les aspirations des soixante huitards En terme par exemple de critique du travail laquelle d boucherait vingt ou trente ans plus tard sur la flexibilit II s agit d un raisonnement sp cieux r visant mai 68 selon des crit res que l on trouvera tr s discutables chez Mich a pour qui mai 68 a jou un r le d cisif dans l laboration d un capitalisme moderne Vous tes plus prudent Pour conclure sur ce point je constate que le discours critique tourn dans un premier temps vers un objectif d mancipation se retourne contre lui m me pour affirmer qu en r alit toute mancipation devient impossible en raison de la capacit du capitalisme revu corrig et r g n r par ses opposants r cup
32. les pr c dents n est qu un d tail sans grande importance Il y a comme une d sinvolture dans votre expression qui entre bien en r sonance avec l poque Ce n est pas exactement le fait du hasard si cette d sinvolture s exerce aux d pends d un po te anarcho surr aliste des situationnistes et enfin d Andr Breton Je faisais r f rence un certain ton plus haut Il pourrait tre mis en relation avec ces raccourcis ou l absence de rigueur que je viens de relever Je ne discuterai pas votre analyse sur l affaire de Tarnac et ses suites M me si je partage en partie vos appr ciations sur L insurrection qui vient celles ci ne doivent pas entra ner passer par pertes et profits la responsabilit du gouvernement en place de sa police et sa justice dans cette m me affaire Je veux bien admettre que l on trouve dans les th ses du Comit invisible des r f rences heideggeriennes et schmittiennes Elles sont d abord et avant tout tout comme la plupart de ces th ses l expression d un nihilisme contemporain Nietzsche aurait t en peine de d crire celui l Cependant la d finition propos e dans les Fragments posthumes de 1887 n a pas pris une ride Nihiliste est l homme qui juge que le monde tel qu il est est ne devrait pas tre et que le monde qu il devrait tre n existe pas Dans ces m mes fragments Nietzsche distingue un nihilisme actif et un nihilisme passif Le Comit inv
33. ment dans certaines officines Je ne vous caricature nullement Cette argumentation est implicite dans votre avant propos Vos articles ensuite ne le confirment ni ne l infirment En tout tat de cause la notion d mancipation se d lite sous votre plume Ce ne sont pas tant des pr cisions d ordre conjoncturel la crise actuelle favorisant par exemple davantage un sauve qui peut que les tentatives d mancipation qui en apportent la confirmation que votre mode de raisonnement Vous me faites l effet d tre assis du mauvais cot d une branche celle de l mancipation que vous vous efforceriez de scier avec constance Vous n en tes pas encore admettre que l mancipation humaine aujourd hui tient du leurre ou de l impossibilit mais vous le sugg rez ici ou l Enfin votre livre referm le lecteur ne sait toujours pas ce qu il en est des nouvelles bases du projet d mancipation humaine voqu es dans l avant propos Les auteurs appartenant au courant anti industriel que vous citez dans Cr dit mort ont en revanche franchi ce pas Pour eux l mancipation n a plus lieu d tre dans le monde qu ils d crivent comme tant devenu le notre Ce projet reste au c ur des pr occupations de ceux qui pour parler comme Andr Breton n ont pas renonc transformer le monde et changer la vie Et les raisons pour lesquelles il ne peut en tre autrement n ont pas fondamentalement chang es quoique
34. nglais ne sont pas mieux trait s que les Juifs On ne peut r duire l oeuvre de Fourier par des propos caract re antis mite relev s dans quelques pages de La th orie des quatre mouvements C est absurde Dans l article D une utopie l autre votre mise distance la fois des penseurs utopistes et de leurs contempteurs vous entra ne voquer une utopie capitaliste laquelle aurait t effectivement r alis e dans les deux derniers si cles C est forcer le sens des mots On ne risque plus vous lire de savoir ce qu est effectivement l utopie Vous ne vous attardez pas sur Fourier mais le peu que vous en dites plut t caricatural t moigne de votre incompr hension l gard de ce penseur La question de l mancipation se trouve pourtant implicitement au c ur de la pens e de Fourier Il est vrai que ce philosophe pla ait la barre une hauteur que beaucoup estiment inaccessible Mais je sortirais du cadre de cette lettre en prolongeant ici mon propos puisque vous n voquez Fourier qu incidemment 7 L mancipation sociale nous y revenons Au d but de cette lettre d j je my r f rais en m interrogeant sur votre mani re de l aborder Ce projet doit tre repris sur de nouvelles bases dites vous Mais lesquelles Votre propos oscille entre un flou tout juste artistique ce saut dans l inconnu sans filet de s curit que serait l mancipation pour le Jappe 2011
35. ns des budgets afin de permettre au plus grand nombre davantage encore d acc der la culture Il s agit l d intentions parce que dans la r alit cela peut se traduire diff remment Le lib ralisme conomique s inscrit d ailleurs tendanciellement en faux contre ce principe travers les restrictions budg taires que l on sait M me en restant au niveau des intentions celles par exemple du meilleur des mondes d mocratique les questions li es la culture ne sont pas puis es par le culturel Et plus particuli rement celles qui rel veraient de l art Celui ci ne peut tre rabattu sur le culturel Ce dernier fondamentalement ou tendanciellement pour nuancer n a pas grande chose voir avec l id e d mancipation nous sommes davantage et principalement avec le culturel dans l expression Cependant pour revenir votre livre je pr f re pour ma part utiliser le verbe distinguer que hi rarchiser En distinguant il va de soi parmi les disciplines artistiques et dans chacune d elles plus encore pour les uvres celles repr sentant une promesse de libert d humanit d mancipation d aspiration une vie meilleure A vrai dire ce n est pas tant l aspect litaire implicitement pr sent dans votre analyse qu il faudrait ici discuter que l absence de relations dialectiques entre l art la culture et la soci t induite en quelque sorte par la terminologie hi rarchiser Mais je
36. ommon decency et quelques unes de ses cons quences L je ne comprends plus puisque je viens de le relever vous pr cisez ensuite dans votre article en quoi ce concept de common decency vous semble discutable et insuffisant Il y a une explication peut tre Vous distinguez dans les crits de Mich a une partie pol mique avec laquelle vous affirmez votre accord d une autre dite de proposition o il faudrait ranger la common decency et le populisme D abord cette distinction me parait artificielle et sp cieuse Ensuite la common decency se trouve au c ur de la pens e de Mich a Tout le reste en d coule Et en premier lieu la d fense et illustration du populisme cher l auteur Les pages les plus pol miques chez Mich a concernent principalement ce qu il appelle lind cence rapport e au capitalisme la gauche la sociologie d tat aux cologistes aux gauchistes etc Vous trouvez cette partie largement convaincante Moi pas en soi certes mais pas selon la grille de lecture l ind cence propos e par Mich a Je ne vais pas reprendre cette discussion l o je lai laiss e plus haut J ajoute juste que la critique du lib ralisme chez Mich a reprend une antienne bien connue la d linquance l ins curit l cole les m urs en des termes d analyse peu loign s de ceux pour ne citer qu un seul exemple qui ont concouru l lection de Sarkozy au printem
37. ontraire qu une contradiction dialectique Cette oscillation relev e dans l article La princesse de Cl ves aujourd hui est galement perceptible dans Politique sans politique Ce d saccord passe aussi par des cat gorisations barbarisation mutation anthropologique que je discuterai ci dessous En d coule in fine une relecture de l histoire qui peut prendre des aspects insolites chez un auteur se r clamant encore de Marx Il sera temps alors d en venir la question centrale celle de l mancipation Celles li es la culture et l art la troisi me partie de votre ouvrage n cessitent une autre approche Elles seront d velopp es dans un second temps ind pendamment de mes r ponses aux deux premi res parties de Cr dit mort Entre les deux un petit interm de sadien servira de lien Enfin pour conclure je ferai quelques rapides remarques sur votre volution en lui donnant une signification plus globale Il semble difficile de ne pas associer ce que vous appelez d une part barbarisation et de lautre mutation anthropologique nomm e galement r gression anthropologique ou r volution anthropologique D ailleurs vous crivez que cette r gression va jusqu la barbarisation Pourtant vous n aidez pas le lecteur soucieux de savoir ce que recoupe cette double terminologie On a l impression que plus aucune analyse ne devient recevable face la chute du capi
38. ouverte Mes d saccords portent sur les pages qui se r f rent d une mani re g n ralement implicite aux th ses des th oriciens du courant anti industriel ou de fa on plus explicite aux crits du philosophe Jean Claude Mich a Ceci pouvant s largir aux ouvrages de Christopher Lasch le mentor de Mich a voire la lecture que vous faites apr s d autres du Nouvel esprit du capitalisme de Boltanski et Chiapello A vrai dire je ne m attendais pas trouver pareilles r f rences chez l auteur de Guy Debord celui des Aventures de la marchandise ou de L avant garde inacceptable Elles constituent parfois comme un texte dans le texte qui irait jusqu contredire ou relativiser ce socle de pens e bri vement r sum plus haut que le lecteur de vos livres pr c dents ou connaissant votre itin raire rattacha it votre nom Vous vous laissez ainsi aller ici ou l une s rie de constations d sabus es pessimistes catastrophistes d finitives sur effondrement de la civilisation capitaliste pour quelques lignes plus loin nous assurer que tout n est pas perdu qu il n y a pas pour autant lieu de se r signer que les m mes nergies qui auparavant taient dirig es vers la r volution commencent s orienter d sormais pour viter la chute dans la barbarie qu une soci t mancip e reste toujours possible etc C est davantage vous lire dire une chose et son c
39. parues qui n ont rien de commun avec la critique de la valeur Mais n anticipons pas Disons que le lecteur de Cr dit mort de mon point de vue n a pas besoin d avoir auparavant lu Les aventures de la marchandise pour une nouvelle critique de la valeur pour savoir de quoi il en retourne dans votre dernier ouvrage En mettant de cot la th orie de la valeur je partage grosso modo plusieurs de vos analyses depuis la d finition de sujets r volutionnaires jusqu aux limites des actuels th oriciens de la d croissance en passant par le refus de l lectoralisme la critique de l conomie en pointant les lacunes des contempteurs du capitalisme qui ne s en prennent qu aux aspects financiers de la chose ou au n olib ralisme la lecture de la crise de ces derni res ann es le leurre populiste les critiques adress es Multitude ATTAC ou l extr me gauche lectorale Enfin plus g n ralement la critique globale du capitalisme travers le travail l argent la marchandise le Capital l tat etc Ce qui vous situe si l on s arr tait l dans une tradition la fois marxienne et anarchiste voire dans la filiation situationniste on sait que vous avez consacr un ouvrage Guy Debord Vous crivez dans votre avant propos ll n y a pas d autre choix que de reprendre le projet d mancipation humaine sur de nouvelles bases Ce qui tait d j vrai hier l est toujours aujourd h
40. pr f re pour l instant en parler au conditionnel Lorsque vous aborder cette question sous un angle plus historique en voquant les situationnistes et leur rapport l art en terme de d passement j abonde toujours dans votre sens C est ce que Debord toujours en 1988 dans une lettre adress e Annie le Brun continue d exprimer Et quant ce qu avaient voulu dire les situationnistes en souhaitant le d passement de l art je ne craindrai pas d employer des mots c l bres pour rappeler que dans le concept h g lien d Aufhebung d pass et conserv cessent d tre per us contradictoirement Ce rappel parait indispensable En ceci les surr alistes except s les situationnistes se distinguaient des habituelles avant gardes Et puis l histoire qui se faisait leur donnait raison les conflits des ann es 60 et les formes in dites qu ils prenaient r actualisaient la question r volutionnaire l aune des exigences de lI S Ensuite avec le reflux amorc vers la fin des ann es 70 il devenait plus difficile de tenir le discours d une promesse de l art se fondant dans la vie une promesse battue en br che puisque seule la R volution pouvait r aliser cet ambitieux programme Debord se taisant d sormais sur le sujet laissait entendre que la question avait t r gl e sur le plan th orique Mais il n tait pas certain qu elle leut t dans le sens indiqu vingt ans plus t t D o l importanc
41. ps 2007 Ceci il va de soi chez Mich a au nom d une critique du capitalisme Les ouvrages de Jean Claude Mich a ne sont pas sans entretenir la confusion sur un mode qui porte tr s pr cis ment la marque de l poque Ceci me parait corrobor par le large spectre du lectorat de Mich a o aux deux extr mit s campent d un cot Anselm Jappe et les anarchistes de la revue AContretemps de l autre des r actionnaires du type Finkielkraut Excipant d une pr tendue critique sociale tr s originale chez Mich a vous affirmez que cette pens e ouvre de v ritables perspectives nouvelles pour la compr hension de l apocalypse de notre temps Sans doute faites vous l un rapprochement avec les penseurs de la critique anti industrielle Cela appara t de mani re plus flagrante lorsque vous pr cisez quelques pages plus loin que la soci t industrielle s est impos e comme seule forme possible d existence dont la sortie n appara t plus imaginable autrement que sous la forme d une catastrophe d finitive C est un refrain connu On peut le rapprocher de cette notion d effondrement pris e par les auteurs des ditions de l Encyclop die des Nuisances A vrai dire nous ne savons pas bien de quoi l on nous entretient quand l un des ces auteurs voque l effondrement chaotique mais d j durable de la soci t industrielle un autre le seuil historique franchi au cours du XXe si cle d
42. r taient des actes impossibles Comprenne qui pourra 13 Nous ne sommes pas tr s loign si j en crois G rard Raulet de ce qu en pense Heidegger pour qui la modernit est indissociable de la m taphysique de la subjectivit et de la question d un savoir totalisant absolu Modernit commenc avec Descartes et achev e l poque de Nietzsche toujours selon Heidegger 14 Une autre fois les limites de cette Lettre ouverte ne permettent pas d y r pondre Mais le propos suivant d Henri Meschonnic pourrait servir d introduction C est le sens de l acte de modernit qui est sans cesse r inventer Les adversaires de la modernit confondent le sens de l acte avec l acte lui m me Quand le sage montre la lune l imb cile regarde le doigt 15 Dans une lettre du 19 d cembre 1986 adress e Jean Fran ois Martos et reproduite dans le tome 6 de Correspondance
43. r s la fin de l art En revanche je serais circonspect pour ne pas dire plus lorsque dans la foul e vous crivez quivalent du f tichisme de la marchandise dans la vie psychique est le narcissisme Cette quivalence formul e ainsi peut se r v ler s duisante la lecture Pourtant en y r fl chissant il parait difficile d y souscrire La notion de narcissisme devient l un des ponts aux nes contemporains Le succ s qu elle rencontre et l utilisation qui en est faite l affadissent autant qu ils en oblit rent le sens Vous en faites un large usage dans la troisi me partie de Cr dit mort Quand vous affirmez ensuite toujours dans le m me article que cette forme de psychose rare l poque de Freud est devenue au cours du si cle l une des affections psychiques principales on peut en voir les traces un peu partout permettrez moi d tre sceptique pour rester poli Premi rement sur le plan clinique il semble imprudent de ranger le narcissisme parmi les psychoses Freud a pu y tre tent dans un premier temps alors qu il appelait paraphr nies ce qu il nommera ensuite du nom de psychoses mais il y est revenu par la suite Dans l article N vroses et psychoses de 1924 Freud distingue la n vrose narcissique correspondant un conflit entre le moi et le surmoi de la psychose o le conflit est entre le moi et le monde ext rieur Ce qui n est assur ment pas la m
44. r solue de l existence d un monde ind pendant de nos actions et de nos d sirs 13 Nous ne parlons pas vous et moi de la m me chose On en est r duit aux hypoth ses Vous plaideriez pour un art classique ant rieur Descartes Dans l article Les situationnistes ont ils t la derni re avant garde de L avant garde inacceptable vous remontez au quattrocento pour avancer que un sonnet ou un buste de Donatello repr sentent peut tre le v ritable art subversif Pourtant dans Cr dit mort vous ne vous d cidez pas abandonner l esp rance de apparition d oeuvres qui laissent entrevoir la possibilit d arr ter la d rive vers linhumain et qui sauvegardent l horizon ultime d une r conciliation future entre l homme et le monde l homme et la nature l homme et la soci t Pourquoi pas m me si le mot r conciliation ne me convient gu re On peut cependant rester sur sa faim quand pour pr ciser vers quoi pourrait s orienter cette r conciliation vous voquez des uvres qui pr tent une v ritable attention leur mati re que ce soit la pierre le tissu l environnement la couleur et le son Dites donc Jappe ne d fendez vous pas en quelque sorte l mergence d un art bio Et puis cela entre d une certaine fa on en contradiction avec ce que vous crivez sur l art deux pages plus loin dans des lignes o j abondais largement dans votre sens j ai plus haut dit en q
45. rtain nombre de critiques mais pour l ensemble nous divergeons sensiblement Notre accord d ailleurs recoupe grosso modo quelques unes des th matiques expos es au d but de cette lettre celles relatives nos convergences de vue Vous relevez tr s justement les limites de ce concept de common decency emprunt par Mich a Orwell Nous adressons ce sujet les m mes remarques critiques au philosophe montpelli rain en nous r f rant aux poques nazie et stalinienne Vous pr cisez galement que cette common decency pratiqu e l int rieur d un groupe humain se trouve souvent refus e un autre Tout comme dans un autre domaine la mani re dont Mich a se focalise sur les richesses ind centes pr suppose l acceptation de richesses d centes et reste dans le cadre d une critique acceptable du capitalisme Vous pointez galement les insuffisances de Mich a et de quelques autres penseurs se leurrant sur la capacit du capitalisme dissoudre les modes d expressions autoritaires dans la soci t bourgeoise Vos exemples sur la religion et la famille lesquelles n ont pas pour autant disparu sont ici concluants Pourtant j en viens mes d saccords vous crivez que la grande force de Mich a c est d insister sur la n cessit d une r forme morale pour sortir du bourbier de la soci t marchande Mais cette r forme morale si je sais lire passe d abord chez Mich a par la c
46. rtant l aucun myst re Le d tour s appelle Finkielkraut ou d autres noms par le biais de celui ci Le candidat Sarkozy lisait un discours crit par Guaino ou Buisson qu importe Le r dacteur du dit discours se r f rait tr s certainement Finkielkraut ou l un de ceux qui avaient trouv cette citation chez celui ci Je ne vais pas vous expliquer pourquoi Finkielkraut fait volontiers sienne une telle formule vous le savez aussi bien que moi Et cela vaut pour de nombreux penseurs ou m diatiques qui en d autres termes que les v tres certains parlent plus volontiers de crise de civilisation trouv rent dans les discours du candidat Sarkozy un fid le cho de leurs analyses alarmistes voire apocalyptiques sur l tat de la soci t et en particulier sur cette jeunesse souvent d origine immigr e vivant en banlieue les fameux barbares sans avenir des cit s dont ils pensent pis que pendre Et ne croyez pas qu Alain Finkielkraut r cup re ainsi Jaime Semprun II ne fait qu exprimer d une diatribe l autre la profonde v rit de cette formule J ai plusieurs fois cit le nom de Jean Claude Mich a depuis le d but de cette lettre Il parait curieux que nous ayons consacr la m me poque en 2009 vous un article reproduit ensuite dans Cr dit mort moi un sous chapitre Mode d emploi pour torpiller la flottille mich enne 4 ce philosophe Nous partageons son gard un ce
47. rticles Comme si cette terminologie vous tait devenue obsol te moins que les adjectifs tardif et impr vu renvoient quelque ruse de l histoire ne pouvant qu tre d crypt e un si cle plus tard Il faut revenir votre pr c dent ouvrage L avant garde inacceptable pour avoir le d but d une explication plus pr cis ment l article Les situationnistes ont ils t la derni re avant garde crit en 2003 Cet article se r f re notamment l ouvrage de Hugo Friedrich Structure de la po sie moderne Ce livre analyse finement l apport de Baudelaire Rimbaud et Mallarm la po sie moderne et propose dans sa partie la plus d velopp e la po sie europ enne au XXe si cle plusieurs interpr tations sur cette m me po sie moderne dont certaines peuvent tre discut es voire contest es Friedrich reconna t dans sa pr face qu il se sent plus l aise aupr s de Goethe que de T S Eliot Ce qui ne l emp che pas de poursuivre une r flexion sur la po sie moderne de mani re g n ralement convaincante m me si des limites sa compr hension apparaissent ici ou l dans des pages o pour paraphraser le vieux Goethe une injustice serait pr f rable un d sordre J exag re dessein pour en venir votre lecture de Friedrich Tout d abord en les formulant diff remment vous faites part des m mes constatations Cependant quand vous ajoutez les observations de Frie
48. s avenir des cit s Ce terme fait flor s dans certains milieux vous ne l ignorez sans doute pas Vous tournez autour du pot votre barbarisation ou cette mutation anthropologique tout en mettant en garde qui proposerait des rem des efficaces court terme On finit par ne plus trop savoir de quoi vous parlez quand vous voquez ces deux ph nom nes r currents dans Cr dit mort Le second la r gression anthropologique serait g n ralis et concernerait donc tout le monde Tandis que le premier la barbarisation s av re g om trie variable Pourtant vous les associez r guli rement l un et l autre Dommage que vous n ayez pas cru utile de nous donner votre avis sur les meutes de l automne 2005 On pourrait penser compte tenu de ce qui a t rapport plus haut que pour vous ces v nement s inscrivent d lib r ment dans ce processus de barbarisation Mais comme vous n en dites mot je ne vous ferai aucun proc s d intention Et je reste avec mon interrogation Bien entendu pour revenir quelques fondamentaux vous avez raison de pr ciser que l aggravation g n rale des conditions de vie dans le capitalisme ne rend pas les sujets plus aptes le renverser comme le laissait entendre une certaine vulgate marxiste condition d ajouter l adverbe n cessairement apr s ne rend pas Il n y a l aucune fatalit On sait que dans l histoire des hommes ce
49. se contente pas de retenir comme vous et votre ami Kurz uniquement ce qui l arrangerait Il crit Et cest peut tre alors autour de la piti de sa critique absolue par Sade qu Adorno 10 peut mettre en vidence la possibilit du retournement vers le positif Sade devient paradoxalement le levier permettant de sauver la raison de son embourbement totalitaire le secret de la domination est r v l il a pour horizon des montagnes de cadavres et le lien cach qui unit la raison et le crime ce lien que le progressisme nie est l maintenant gr ce Sade sous nos yeux simultan ment dans le texte sadien et dans le r el politique europ en Alors Sade comme Nietzsche sauve paradoxalement la foi in branlable en l homme trahie chaque fois qu est mise une affirmation consolatrice Votre mani re d luder l ath isme de Sade et sa r futation sans appel du christianisme m rite d tre mise en parall le avec la fa on dont vous abordez le Sade de la p riode r volutionnaire Dans votre grille de lecture bien videmment Sade redevenu libre ne peut tre qu un vil opportuniste Un fait s inscrit d lib r ment en faux contre cette th se L int ress au sein de la section des Piques se fit l avocat de l abolition de la peine de mort au p ril de sa vie Voil qui devrait faire r fl chir qui prend au pied de la lettre ou au ras du bitume le texte sadien Quel est le vrai Sade alors l apologiste d
50. sisme omnipr sente dans vos deux articles enfin sur la relation art contemporain industrie culturelle ou celle du postmodernisme l une ou l autre 1 On est tonn de lire sous votre plume La complicit ouverte ou cach e avec les pouvoirs en place et avec les modes dominants a toujours caract ris une grande partie des uvres culturelles m me les plus lev es Vous confondez les uvres et ceux qui les cr ent Votre constatation parait recevable concernant les artistes mais devient discutable d s lors qu il s agit des uvres Et tr s discutable dite sur ce ton l le toujours D ailleurs vous affirmez le contraire ou presque dans d autres pages de Cr dit mort Deux lignes plus loin par exemple vous reconnaissez ces m mes uvres la capacit d ass ner des chocs existentiels de mettre en crise l individu au lieu de le consoler et de le confirmer dans son mode d existence habituel A la page suivante partant de constatations sur lesquelles je reviendrai au sujet de l art contemporain dont une bonne partie s est jet e dans les bras de l industrie culturelle vous en concluez C est le r sultat tardif et impr vu de l largissement de la sph re de l art et de l esth tisation de la vie entrepris il y a un si cle par les artistes eux m mes Si l on sait lire vous voquez ici la modernit Curieusement ce terme est quasiment absent dans vos deux a
51. socier l art et la po sie C est la perspective d ensemble qui doit tre revue La votre d bouche n cessairement sur une impasse Il ne pouvait en tre autrement Changer de perspective demanderait parmi d autres incidences de mettre la modernit une autre place que la votre Et pr alablement de s entendre sur sa d finition 14 Comment plus g n ralement faire la part des choses sans c der au relativisme culturel ambiant et sans brader la capacit critique d fendre ce qui m riterait de l tre Cependant en terme de relativisme culturel justement cette tendance m me g n rale m me dominante m me susceptible de d sarmer quelques certitudes critiques traduit plus la place de l art et de la po sie assign e par le culturel qu elle n exprime une indication du type d p t de bilan D ailleurs en se r f rant cette tendance cela s av re plus ou moins vrai plus ou moins pertinent plus ou moins flagrant selon les disciplines observ es de l architecture au cin ma en passant par la musique les arts plastiques les arts vivants ou la litt rature Mais ceci est une autre histoire Dans la note liminaire de L avant garde inacceptable vous voquez en l espace de dix ans une certaine volution de mes id es Une volution certes sensible mais que dire ce sujet de Cr dit mort La p riode durant laquelle trois ans ces articles ont t crits parait trop courte
52. t les attentes du public Pas de chance la correspondance de Debord d ment cette interpr tation pour le moins hasardeuse L int ress voque dans une lettre du 28 f vrier 1990 adress e Annie le Brun son int r t pour Sade Il cite Heine Apollinaire et Breton parmi les passeurs et ajoute Depuis je savais vaguement par la rumeur publique que l on trouvait Sade trop nazi chez les staliniens ou trop grand seigneur chez les socialistes mais je ne lis jamais ces gens l Je crois donc facilement que vous avez raison en renvoyant tant d autres experts la Litt rature ou m me la niche des glapisseurs de Dieu En associant ensuite Sade et Machiavel Debord conclut par On n oublie pas ces beaux rapaces Certes votre article a t crit un an avant la parution de ce tome de Correspondance Cependant ce contresens sur Hurlement en faveur de Sade parait plus pr judiciable pour votre gouverne que celui relev plus haut au sujet de Bataille Je ne sais pas si vos propos autant caricaturaux que d risoires sur Sade comme forme marchandise ou apolog ne de la soci t marchande de son temps auraient fait rire Debord ou juste occasionn un haussement d paule mais ceci suffit vous classer parmi ces tant d autres experts La conclusion de votre article laisse entendre que Sade sert surtout de repoussoir pour fustiger la modernit et son absence de bornes Ceci auparavant au prix d
53. t en 1998 et publi dans L avant garde inacceptable y consacre une plus large place Vous critiquez la d mocratie en reprenant la m me terminologie que ceux qui s en font les thurif raires Je veux dire par l que vous omettez soigneusement d accoler l adjectif repr sentative au nom d mocratie Les b n fices secondaires ne sont certes pas les m mes chez nos d mocrates ou chez vous Il est vrai que votre d monstration se trouve en partie biais e par la mani re dont vous appr hendez le concept de politique Ce dernier s av re plus polys mique que vous ne le laissez entendre Mais revenons la d mocratie La discussion redevient possible lorsque vous relevez les limites de la notion d autogestion Encore faut il replacer l une ou l autre de ces exp riences l nous en venons aux Conseil ouvriers dans son contexte historique Mais comme vous ne citez pas d exemple j en resterai l Sur la d mocratie vous auriez t plus avis de vous r f rer ce que Debord crit dans Cette mauvaise r putation L histoire r elle de la d mocratie qui est en effet tr s fragile ne passe pas par Tocqueville Elle passe par les r publiques d Ath nes et de Florence par les moments de r volution des trois derniers si cles C est la victoire de la contre r volution totalitaire en Russie et certaines des intentions apparentes de la combattre qui ont pu rassembler autour de l h ritage intellectuel de Tocq
54. talisme dans la barbarie expression dont je vous laisse la responsabilit Selon vous la barbarie peut surgir de partout sans ajoutez vous que l on puisse pr dire la r action de personne Cependant devant ce tableau pour le moins apocalyptique l unique exemple concret de barbarisation que vous citez concerne ces adolescents qui fiment en riant avec leur t l phone portable une compagne de classe qui vient d tre tu e par un autobus pour mettre ensuite les images sur y tube Un exemple un peu trop court pour un si grand mot Il en va de m me avec la r gression anthropologique Vous n tes pas le premier vous y r f rer Mich a et d autres avant vous sans que l on sache exactement de quoi il en ressort Cette posture n est pas sans avantages Elle permet de jeter le discr dit sur qui persisterait vouloir analyser de mani re un tant soit peu rationnelle les causes des comportements d lictueux voire criminels ou de modes d ali nation tr s contemporains En reprenant au passage un petit couplet antisociologique l o justement la sociologie du moins certains travaux permet de comprendre en quoi et comment nos soci t s contemporaines fabriquent de la d linquance de la criminalit de l incivilit ou encore de l addiction aux f tiches modernes Il suffit que l on jette en p ture les termes barbarisation et r gression anthropologique pour que la
55. tte m me aggravation a provoqu des effets inverses J entends votre r ponse hier c tait hier et aujourd hui c est aujourd hui Ce qui vous entra ne crire ensuite que nos contemporains n ont pas la capacit de trouver en eux m mes les ressources n cessaires pour une vie diff rente ou seulement des id es diff rentes Vous ajoutez ils n ont jamais connu rien d autre Voil un bien curieux raisonnement Mais j imagine que c est l l un des effets de votre mutation anthropologique Comme d habitude les exemples qui vous viennent alors sous la plume sont significatifs Je veux dire par l qu ils apportent plut t de l eau mon moulin qu au votre Je vous cite Au lieu de nous demander comme le font les cologistes quel monde laisserons nous nos enfants nous devrions nous demander quels enfants laisserons nous ce monde comme l a si bien dit Jaime Semprun La formule est brillante s duisante C est l l un de ces retournements marxistes qu affectionnaient les situationnistes Sauf qu ici compte tenu du succ s remport par cette formule largement au del du cercle habituel des lecteurs de Semprun le lecteur un peu averti fait preuve de circonspection D ailleurs vous mangez pour ainsi dire le morceau en ajoutant la note de bas de page suivante Et comme l a r p t Nicolas Sarkozy en campagne pr sidentielle par un d tour rest myst rieux Il n y a pou
56. u crime des romans ou le citoyen secr taire de la section des Piques Mais les deux mon capitaine Vous ne dites pas un mot des admirables Lettres de prison crites au donjon de Vincennes et r dig es pour la plupart avant l criture du premier roman de Sade C est pourtant par l qu il faudrait commencer Comme l crit Sade son pouse Quand on fait trop bouillir le pot vous savez bien qu il faut qu il verse Sade va alors s atteler la r daction des 120 journ es de Sodome Dans ce livre effroyable Sade renvoie ses ge liers ses pers cuteurs la soci t au monde entier l abjection dont on l accable Il le fait la mesure de la r volte qui l habite d une rage indescriptible d un orgueil d mesur d une voix tincelante L extrait suivant traduit en quelque sorte l un des principaux enseignement du texte sadien Est il possible de commettre des crimes comme on les con oit et comme vous le dites l Pour moi j avoue que mon imagination a toujours t sur cela au del de mes moyens j ai toujours mille fois plus con u que je n ai fait et je me suis toujours plaint de la nature qui en me donnant le d sir de l outrager m en te toujours les moyens Une th matique combien r currente dans les romans qui suivront le hiatus entre le r alisable et les pouvoirs de l imagination celui ci s effa ant toujours devant ceux l On en aura jamais termin avec Sade Le divin marquis
57. ueville la pens e de la recherche ostensible d une d fense de la libert Tocqueville ne garantissait pas de son vivant que la libert aurait r ellement sa place dans les futures soci t s lib rales Il parait souhaitable de faire l indispensable distinction entre cette histoire l et celle de la d mocratie repr sentative ou du d mocratisme si vous pr f rez La d mocratie est loin d tre fig e inscrite dans le marbre institutionnalis e elle est toujours r inventer Je partage en grande partie vos critiques l gard de certains courants politiques d ATTAC Multitudes en passant par l extr me gauche lectorale Mais enr ler ceux qui ne mangeraient pas de ce pain l sous la banni re de l anti politique me semble un peu court Vous d finissez dans L avant garde inacceptable la politique comme la forme sp cifique dans laquelle s effectue au sein d une soci t de march les rapports entre les sujets de march Les pages de Cr dit mort consacr es cette question ne contredisent nullement cette d finition quelque peu restrictive Cela toujours dans L avant garde inacceptable vous amenait d finir la d mocratie comme la forme la plus achev e de la politique En tout logique pr cisiez vous La votre bien entendu C est une logique comparable qui vous entra ne crire dans Cr dit mort que dans un contexte d intervention directe il parait
58. ui et le sera encore certainement demain ajouterais je Ceci pour le principe Vous pr cisez ensuite juste titre que l mancipation ne peut pas tre le simple r sultat du d veloppement du capitalisme et vous en rappelez les avatars Cependant emport par votre lan vous concluez ce paragraphe par L mancipation sociale si elle doit advenir sera un saut dans l inconnu sans filet de s curit non la r alisation d une sentence mise par l histoire Il ne s agit pas d une sentence mais d un projet auquel nous sommes aujourd hui encore redevables Ce projet certes doit tre remodul d une poque une autre Et puis ce monde a t il ce point chang tellement chang que vous le pr tendez De quoi alors faudrait il Ss manciper Quand vous citez en reprenant un exemple classique mancipation de la domination d un groupe humain sur les autres votre bilan s av re mitig voire plus La question th orique principale doit demeurer celle de l mancipation sociale lit on en quatri me de couverture de Cr dit mort Je le pense galement Pourtant j y reviendrai dans le d tail lorsque vous la d clinez au travers de modalit s chaque fois diff rentes l mancipation sous votre plume devient ce point restrictive que l on se demande s il s agit toujours d une question th orique principale Mais venons en aux raisons qui m ont incit crire cette Lettre
59. un seuil historique franchi au XXe si cle quelque part entre Hiroshima et Tchernobyl dans la transformation des forces productrices en forces destructrices pour avancer que la naturalisation de la n cessit du travail n est plus seulement id ologique comme le d nonce le Manifeste elle est pass e dans les faits elle s est mat rialis e sous la forme de la catastrophe en cours Donc r sultat des courses c est un leurre de croire qu on pourrait retrouver intactes une fois d barrass es de leur forme capitalisme valeur d usage et technique mancipatrice En r sum Semprun reproche aux auteurs du Manifeste de rester attach s au f tichisme productiviste du vieux mouvement ouvrier et leur oppose une critique de la soci t centr e sur la remise en cause de la technologie moderne Trenkle dans sa r ponse prend l exemple du trafic automobile Celui ci empoisonne lair et g n re par cons quent des probl mes de sant d vaste l espace public et contribue au processus d associalisation de sujets automobilistes tout la fois massifi s et isol s La suppression indispensable de ce trafic ne signifie pas pour autant la suppression de l automobile comme mode de d placement Il s agira plut t d inventer des syst mes de circulation permettant chacun d aller partout o bon lui semble sans d truire ni la nature ni les paysages et sans avoir se transformer en monade furi
60. une fiction le Sade revu corrig et reconstruit pour les besoins de votre d monstration devient le dernier avatar d un genre promis plus de c l brit encore dans les ann es venir 11 amp La troisi me et derni re partie de Cr dit mort Pars ludens comporte deux articles qui prolongent et parfois nuancent ceux regroup s en 2003 dans L avant garde inacceptable A priori je serais ici moins critique quoique Disons que je partage votre conception d un art exigeant difficile se positionnant contre son temps anticommunicationnel non consolateur Vous avez raison de pr ciser que Tune des fonctions de l art a toujours t de montrer aux individus un monde sup rieur o l on trouvait la libert et l intensit dont l absence se faisait sentir si cruellement dans la vie de tous les jours Et l on peut ceci pos s interroger avec vous sur la capacit aujourd hui de l art de s y conformer L exemple de l urinoir de Marcel Duchamp et la r p tition ternelle de ce geste paraissent bien choisis pour illustrer l une des impasses de l art de notre temps D ailleurs Duchamp n tait pas dupe comme le prouve le propos que vous rapportez de 1962 l adresse de l ancien dada ste Hans Richter J abonde galement dans votre sens lorsque vous demandez en vous r f rant l intelligence au go t la sensibilit au talent que l on reconnaisse l existence d une hi rar
61. uoi et travers lesquelles un art digne de ce nom pour r sumer tait peu aimable et non r conciliateur Le cul entre deux chaises encore A chacun son Donatello le mien s appelle Rimbaud Ce nom je pourrais en citer d autres me permet d avancer ceci Aucune volont de transformer le monde selon le processus r volutionnaire h rit des luttes ouvri res du XIXe si cle ne peut en d pit des garanties pr sent es sur le plan d mocratique v ritablement changer la vie sans quant l action qui r sulterait de cette volont prendre en compte les dimensions artistique et po tique C est aussi vouloir affirmer en retour que l art et la po sie ne peuvent in fine tre d pass es alors qu ils infl chiraient l imp ratif changer la vie vers des perspectives voqu es par les penseurs utopistes sans tre en m me temps l un des l ments structurants de cette volont de transformer le monde n cessit e par le processus de r volution sociale Si vous n avez pas fait d finitivement la peau de l Anselm Jappe du si cle pr c dent ces lignes devraient veiller quelque cho en vous Mais comment pour les expliciter voquer par exemple le surr alisme puisque ce mouvement inaugure selon vous cette critique artiste que vous jugez totalement r cup r e par le capitalisme Et il en va du surr alisme comme du reste D ailleurs pour savoir de quoi l on parle je pr f re pour ma part as
62. ur Mais certains s y installent certes 3 Nous entrons dans un autre domaine plus vaste plus contradictoire aussi sous certains aspects Je partage g n ralement vos critiques sur l art contemporain ou celles que vous adressez l industrie culturelle Adorno serait ici une r f rence commune Pourtant ici ou l dans le d tail jai parfois envie de vous reprendre Quand par exemple vous affirmez qu il faut une ducation pour appr cier une musique de Bach ou une musique arabe traditionnelle contrairement aux musiques rock et cie Jen parlerai autrement Si j en crois mon exp rience personnelle et celle de quelques amis cette appr ciation ne passe pas n cessairement par une ducation C est l question d oreille et de sensibilit musicale pas donn e tout le monde il est vrai de rencontres et d changes de mise en relation entre diff rente disciplines artistiques de passeurs surtout pour Bach et Jacques Loussier et les Swingle Singers De m me pour la musique arabe traditionnelle Vous soulignez le poids de la machine culturelle dans la volont affich e de mettre la port e du plus grand nombre les uvres du pass expositions et restaurations spectaculaires en t moignent Vous d crivez un processus de marchandisation et de consommation culturelle maintes fois voqu Ce constat sociologique n est discut que par les promoteurs et organisateurs de cette culture spectacle
63. us crire cette longue lettre Ce que je critique vous l aurez compris correspond chez vous cette tentation tr s forte d adh rer des discours qui je m en suis expliqu se font indirectement les complices du monde comme il va Les certitudes d hier s tant transform es en constatations d sabus es sur l tat de nos soci t s contemporaines quand elles ne laissent pas le plus souvent la place d autres certitudes selon lesquelles ce monde ne peut tre transform ni m me r form que l mancipation est un leurre que parler d affrontement ou de r volution sociale na plus aucun sens Des discours donc qui entrent parfaitement en r sonance avec l id ologie dominante et toutes les transformations du capitalisme que l on rel verait n y changent rien Il importe de citer ici le mot de Guy Debord datant de d cembre 1986 alors qu il se livrait aux recherches qui d boucheront sur Commentaires sur la soci t du spectacle Le travail de la critique r volutionnaire n est assur ment pas d amener les gens croire que la r volution deviendrait impossible 15 Je crains cependant qu il ne soit trop tard pour ce qui vous concerne On constate que pareilles critiques du type de celles que je vous adresse ne sont g n ralement pas prises en consid ration Ou plut t elles inciteraient le critiqu rench rir dans la direction oppos e Toute r gle comporte des exceptions L avant propos de Cr dit
64. vous en disiez Sur la carte de l ali nation les vieux massifs religion famille patrie ont perdu de leur superbe mais peuvent le cas ch ant reprendre du poil de la b te la famille avec l ordre symbolique la patrie avec les comp titions sportives la religion dans sa dimension plurielle Le travail fait figure de volcan en perp tuelle bullition Nous sommes au moins d accord l dessus Des montagnes jeunes sont apparues dans le paysage depuis une trentaine d ann es Elles circonscrivent un territoire celui de la d gradation de l air de l eau des aliments et leurs cons quences Un territoire qui s largit au p ril atomique la nucl arisation du monde et lessor des nouvelles technologies Ces montagnes jeunes ne cachent pas pour autant les anciennes Il faut s manciper de ce tout bien entendu Mais de la fa on dont vous vous exprimez le lecteur se demande si cette mancipation sociale serait encore de saison Vous semblez oublier que ce sont les hommes qui font l histoire C est en se r appropriant leur existence que les hommes s mancipent de ceci ou de cela Et comment ne pas lier alors mancipation et r volution Vous ne voyez rien venir manque sans doute une carte dans votre jeu celle de la d mocratie Cette derni re n aurait pas bonne presse chez vous Elle se trouve peine mentionn e dans Cr dit mort L article Politique du spectacle et spectacle de la politique cri

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