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Micro / Macro - micronouvelles

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1. Erika r quisitions maximales pour Total Avec une amende de 375 000 L armateur et le gestionnaire risquent 1 an de prison Ne bai Sont pA les bras EES C gyan La France rappel e l ordre sur les d ficits Hier le pr sident de l Eurogroupe a d clar Bruxelles que Paris doit pleinement se conformer au pacte de croissance et de stabilit Trois suicides chez PSA Peugeot en mai C est le 4e cas sur le site de Mulhouse depuis le d but 2007 5 e z e au gnrenue nous pouvons rh sa La notion m me de papier de verre est une d nomination g n rique lourde de connotations qui int gre certaines des qualit s textuelles des genres mentionn s ci dessus et cristallise plusieurs de leurs caract ristiques savoir le caract re friction nel ni fiction ni diction du texte qui d termine sa relation la r alit gt 8 Herv Le Tellier attribue ces textes un statut litt raire en dehors du journal en les publiant plus tard dans des volumes s par s2 Cette imbrication de multiples canaux m diatiques auxquels il aurait fallu ajouter la structure hypertextuelle de la check list du Monde qui d passe sa limite m diatique augmente consid rablement le potentiel du micror cit Ce dynamisme est renforc par la pragmatique complexe 20 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine r sultant de cette superposition de canaux m diatiques et de d
2. in S n que le P re Sentences divisions et couleurs des orateurs Paris Aubier 1992 p 15 Pour l association entre rien et res voir par exemple Pascal Quignard Petits traits I Paris Gallimard 1997 lt Folio gt p 186 5 Roland Barthes Le bruissement de la langue in Essais critiques IV Paris Seuil 1984 p 94 6 Ibid p 95 7 Pascal Quignard Le significe in crits de l ph m re Paris Galil e 2005 p 89 104 8 Pascal Quignard La haine de la musique Paris Gallimard 1997 lt Folio gt p 62 dor navant HM 9 Pascal Quignard Petits traits I p 79 10 L expression est issue d Une g ne technique l gard des fragments o elle d signe une description de La Bruy re lors de sa lecture op cit p 81 Des sc nes comparables figurent notamment dans le genre des petits trait s u Dominique Rabat M lancolie du roman in Po tiques de la voix Paris Jos Corti 1999 lt Les Essais gt p 271 293 12 Ibid p 275 13 Pascal Quignard Le sexe et l effroi Paris Gallimard 1996 lt Folio gt p 72 14 Pascal Quignard Rh torique sp culative Paris Gallimard 1997 lt Folio gt p 58 dor navant RS 15 Ainsi dans Albucius l crivain commente la pertinence des particularit s de vie pour le r cit biographique Le manteau de C sar est un de ces d tails que la vie qui se raconte comme les romans requiert l instar d un indice qui car
3. laquelle se combinent un discours et une id ologie souvent rendue invisible par la juxtaposition de ses parties et la vitesse laquelle celles ci se succ dent en derni re instance la fonction premi re de l information est sa r gularit et sa temporisation 2 c est dire moins son contenu que son rythme Le langage de Pag s n ob it pas cette logique Il fait du zapping un usage d hi rar chis le r instaurant dans sa pratique originelle d une prise de libert du t l specta teur sur les programmes qui lui sont impos s un peu l image d Internet dont l usage personnalis chaque utilisateur s oppose en th orie la passivit du t l spectateur ce propos un rapide retour F n on peut s av rer int ressant dans la mesure o cet auteur a justement connu un regain d int r t sur la toile gr ce l extr me concision formelle de ses Nouvelles en trois lignes Pierre Assouline dans Le Monde des Livres du 19 novembre 2010 remarque que leur format correspond exactement celui d un message sur Twitter ce dont un diteur am ricain a profit pour faire de ce r seau social le support de leur diffusion gr ce au compte Novelsinglines qui exp die chaque jour ses correspondants un fragment de F n on 30 Il s agit sans doute de la contrepartie g nante de cette lib ration du journalistique La nouvelle de F n on tournant la maxime et d tach e d s lors d une
4. lib rale et ultra d mocratique d tats structure m taphysique d pressive du monde dont le cap d Agde et ses camps de nudistes serait la m taphore les Microfictions font de l tre une particule l mentaire dans toute l acception dans le roman du m me nom dont le projet situ aux antipodes de l utopie mystique heureuse que peut d ployer sur cette m me question de l change La Vie sexuelle de Catherine M de Catherine Millet Comme ses contemporains comme Olivier Cadiot qui d cline en le renver sant le Je suis Roi de l crivain comme Antoine Volodine dont les romans d ploient des crivains aussi clownesques que le Bogdan Schlumm de Bardo or not Bardo comme le Thomas Pilaster du roman d ric Chevillard auteur de Mots confits mots contus et de la br ve tude de babouche pour la mort de Sardanapale R gis Jauffret ironise sur la litt rature en tant qu elle essaye de transcender les horizons limit s de nos vies homog nes mais se sert de l ironie litt raire pour devenir solidaire d autrui et de ses errances Ce qu autorise le cynisme vagabond de R gis Jauffret sa critique de l autorit litt raire de l ordre social pr tabli c est une morale sup rieure capable de partager au moins transitoirement la bizarreries souvent terrifiantes d autrui dans une forme d extension po tique de la morale d pict te pour qui comme on s en souvient tre un homme c est accepter q
5. 1 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 ric Chevillard Des crabes des anges et des monstres entretien avec Mathieu Larnaudie in Devenirs du roman ditions Inculte Na ve 2007 p 96 J ai contribu cette inflation cf Anne Roche D molir Chevillard colloque H g monie de l ironie 1980 2008 colloque d Aix en Provence 8 9 novembre 2007 en ligne sur Fabula ric Chevillard Des crabes des anges et des monstres entretien cit p 104 Entretien avec Emmanuel Favre Cheviller au corps Le Matricule des anges num ro 61 mars 2005 La Quinzaine litt raire num ro 836 1 au 31 ao t 2002 Seize sous titr s roman aux ditions de Minuit plus une dizaine de petites proses chez Fata Morgana Argol Dissonances L Arbre vengeur ric Chevillard Le caoutchouc d cid ment Paris ditions de Minuit 1992 D sormais LCD Rappelons que dans Au plafond les personnages vivent l envers Olivier Bessard Banquy La rh torique du loufoque in Jean Pierre Mourey et Jean Bernard Vray dir Figures du loufoque la fin du XX si cle Arts et litt rature Publications de l Universit de Saint tienne 2003 p 151 Entretien avec Emmanuel Favre op cit Olivier Bessard Banquy La rh torique du loufoque in Jean Pierre Mourey et Jean Bernard Vray dir Figures du loufoque la fin du XX si cle Arts et li
6. Beno t Reynaud Terrassa Rom an in Philippe Bonnefis et Dolores Lyotard ds Pascal Quignard figures d un lettr Paris Galil e 2005 p 99 119 Chantal Lapeyre Desmaison Pascal Quignard le solitaire Rencontre avec Chantal Lapeyre Desmaison Paris ditions Les Flohic 2001 lt Les Singuliers Litt rature gt p 50 Roland Barthes op cit p 168 Ibid p 167 63 Je est tout le monde et n importe qui Les Microfictions de R gis Jauffret R sum Les cinq cents r cits des Microfictions de R gis Jauffret qui sont autant d autofictions de deux pages consacr s des criminels des fous ou des d sesp r s sont l une des tentatives les plus extraordinaires de la litt rature fran aise pour exp rimenter les limites des possibilit s de compr hension d autrui En atomisant ainsi le je narratif la premi re personne de celui qui parle comme pulv ris e en des identit s terrifiantes et incompossibles les Microfictions me semblent organiser la liquidation de l unit du sujet dans la d couverte du caract re non seulement fugace et fragile mais avant tout arbitraire de notre identit et de notre tre au monde Abstract The five hundred stories in R gis Jauffret s Microfictions all two page long autofictions devoted to criminals insane or desperate people represent one of the most extraordinary attempts in French literature to explore the limits of the possibilities of understanding
7. Michael Sheringham Oxford University Angleterre United Kingdom Dominique Viart Universit de Lille III et Institut Universitaire de France Sauf indication contraire tous les textes et documents sont prot g s par une licence Creative Commons 120
8. Si cette entr e en mati re permet d indiquer une certaine conception de l criture le texte a aussi le pouvoir d offrir une r flexion m tatextuelle sur le projet d tudes de silhouettes Ou bien encore je serai vou jusqu ma mort ce genre de ou bien encore qui ouvre chacune de ces phrases me pousse sur des chemins de sp culations inutiles et me conduira ainsi de ou bien en ou bien jusqu mon dernier jour une 48 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose hypoth se parmi d autres hypoth ses ES 64 La sp culation correspond au motif central de ce livre une hypoth se qui par d finition s entend comme une fiction que se serait il pass si Kafka n avait pas arr t sa plume apr s ce mot apr s ce point Quels mots quelles phrases quels discours auraient succ d ces bribes qu il a abandonn es sur la page Toujours le texte ouvre des potentialit s envisag es il fait entrer le jeune homme il le reconna t ou ne le reconna t pas c est un parfait tranger ou un fr re ou un ancien camarade ou un ancien amant ou l amant de sa ma tresse 7 ES 76 On notera d ailleurs accompagnant la multiplication des d veloppements possibles le nombre souvent faramineux d incises de parenth ses et de tirets La potentialit en soi offre un espace immense l imaginaire et permet au lecteur de d velopper son imagination L exposition du fragment la microfiction en acte
9. criture il faudrait que l on puisse retrouver quelque chose de ces filles dans chaque morceau de nos phrases Que le dispositif formel par exemple le fragment le coup qui indiquera l criture le geste de l crivain ne semble jamais d une autre nature que la chair r elle de ces femmes le mot femme nue doit mordre Et cela passerait par une tension entre cet infiniment petit pelucheux ou cristallin et son d ploiement dans une mesure qui semblait l exc der au d part alors que non le corps vivant de ces filles Dans le roman auquel je travaille un joueur de tennis est un moment stopp par cette d couverte les intestins d un homme d pli s tal s sans m me tre tir s recouvrent l int gralit d un court de tennis Il pensait le terrain plus grand que lui et il d couvre qu il est la mesure exacte de ce terrain Mais non pas pour en venir dire que l infiniment petit est l image de l infiniment grand que l un contient l autre ce qui reviendrait dire que les approches micro et macro se valent que l on peut crire L Iliade et L Odyss e en d crivant trois amibes et deux puces de plancher Plut t pour se rapprocher des petites perceptions leibniziennes que Pierre Parlant ma fait conna tre Une cha ne d l ments indisso ciables par les sens qui concourent un m me v nement une m me perception par exemple les gouttes d eau dit Leibniz qui c
10. etc Le seul principe de classement du recueil est l ordre alphab tique des titres souvent nigmatiques de chacun des r cits Enferm s dans un individua lisme autarcique criminels d ments et d sesp r s sp culent sur leurs perceptions et leurs destin es se d battent en vain dans les rets de leurs psychopathologies particuli res soliloquent ou s adressent un lecteur tant t voyeur tant t magistrat tant t voisin de comptoir tant t psychiatre Ces mes en peine se lamentent s expli quent ou se justifient Si l instabilit du moi est peut tre la plus vieille affaire de la litt rature si l autofiction est peut tre l une des formes simples de la modernit si notre contemporain est tout entier hant par la s riation de l anonymat des romans de Houellebecq celui des r cits de Catherine Millet et s il existe dans la litt rature fran aise bien d autres r cits polyphoniques la premi re personne du singulier depuis l exemple fondateur de la Croisade des enfants de Marcel Schwob 1896 nul texte ma connaissance ne peut rivaliser avec de tels effets d chelle avec de telles disproportions Aucun autre ensemble que celui de R gis Jauffret n atomise m me degr le je narratif la premi re personne de celui qui parle comme pulv ris en des identit s terrifiantes et incompossibles Aucune autre voix que celle de l auteur des Microfictions ne cherche se d guiser sous autant d id
11. mais s applique l int grer une narration qui supporte l essentiel de l activit de lecture Suvin avec son concept d estrangement met l accent sur l nigme inaugurale qui lance la po tique de l alt rit Campbell avec son injonction de plausibilit mettait plut t l accent sur la conduite de sa r solution et son r alisme n cessaire Mais dans tous les cas la saisie de l id e frappante est d ordre inf rentiel et la comp tence de lecture science fictionnelle consiste laborer l hypoth se en m me temps qu on suit les actions et rebonds de l histoire C est pr cis ment l que se situe mon sens le potentiel po tique de la SF en mati re de microfictions dans le moment inf rentiel la performance d criture du r cit tr s court se combine la comp tence de lecture du r cit de SF Et si le fourmillant et silencieux travail de compl tion auquel se livrent les lecteurs de fiction Saint Gelaiss7 n est pas sp cifique ce genre Eco en a suffisamment d taill les points de fixation en termes d encyclop die ou de sc na rios y est aiguis en revanche ce qu on pourrait appeler un principe d ing niosit l attente ou la recherche d une id e originale Ce principe est particuli rement bien adapt au principe de r sonance de la tr s courte nouvelle et de son proc d majeur l effet de chute 35 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction Tout
12. par de vils plagiaires UF 16 17 ici encore nous retrouvons la juxtaposition burlesque d l ments de r alit et d l ments de pure fantaisie dont on a vu plus haut qu elle pouvait servir d samorcer la gravit de certains propos ce qui ne semble pas tre le cas ici Mais cette num ration h t roclite a pour effet de dissoudre la fronti re entre r ve et r alit on peut lui appliquer l analyse de Bruno Blanckeman sur Jean chenoz L ensemble de la description fonctionne en d calage par rapport au support r f rentiel qu elle est cens e accr diter et semble recomposer une tierce r alit composite farcissure d l ments rep rables par tron ons ou d v nements identifiables par segments Cette criture aspirateur 5 qui ne fait pas le tri dans ce qu elle aspire en accumu lant des l ments h t rog nes appartenant des registres et des plans de r alit diff rents emp che la formation d une histoire et interdit l mergence d un sens Du moins un premier niveau li au fait que Crab comme l enfant vit sous le r gime de la pens e magique il cherche la ville qui s tend dans son dos o ses moindres d sirs sont exauc s presque imm diatement UF 32 Mais retenons l pisode o Crab s empiffre d yeux comme s il craignait den manquer ce qui para tra ridicule tous ceux qui n ont pas souvenir des nuits de t n bres et de c cit qui
13. pos au loin comme un mirage muni d un fond pour citer l image paysagiste de Barthes Ainsi en tant que point de fuite de la jouissance le sens derri re le bruissement de la langue dit en r alit l absence de sens la transparence d un sens qui n efface pas la mati re sonore sous son poids Parall lement dans le bruissement du Verbe pictural les d tails pos s au fond de la toile se pr sentent comme la mati re m me de la peinture qui les regarde de 54 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail pr s et ainsi font transpara tre un sens qui ne passe pas par la langue D o le bruissement des d tails dans un silence paradoxal et plus signifiant que tout discours cens fournir un sens Le bruissement selon Quignard Dans les deux cas ces conceptions du bruissement ne sont pas tr s loign es de quelques principes fondamentaux de la pens e de Quignard Ainsi dans certains de ses premiers textes l crivain d signe le bruire comme une couche de la langue qui pr c de le significe c est dire aussi bien l clipse de l objet derri re les signes que le m me effacement de la mati re sonore sous l influence du sens que d nonce aussi la r flexion de Barthes sur le bruissement7 De m me que la langue en g n ral couvre le r el de m me que l image mim tique sur la toile obscurcit les coups de pinceau des d tails picturaux qui la constituent
14. y est pas intentionnelle mais elle est un fait pour nous aujourd hui Des crivains tablis s y sont attach s depuis long temps ainsi Tchekhov Kafka ou Beckett Plus peut tre dans le monde anglo saxon et hispano am ricain que dans l univers fran ais mais il faudrait une enqu te grande chelle pour en prendre la juste mesure Ce n est que r cemment avec les possibilit s de publication offertes par le Net que l on s est efforc d tablir un cahier de charge plus ou moins bien d fini du genre Certains y voient un genre d criture contrainte o l on s efforce de raconter une histoire dans un espace qui tient en 40 150 500 1000 mots parfois plus encore ou alors moins L ampleur est un crit re toujours arbitraire et inconfortable de sorte Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies qu il vaut mieux se borner dire que les microfictions sont la nouvelle ce que celle ci est au roman Les nouveaux supports de l criture am nent qu il existe aujourd hui des magazines et des sites d di s exclusivement ce type d criture ainsi Flash Fiction Online Quick Fiction ou encore Quimicamente Impuro Des sites semblables sont moins visibles dans l univers fran ais et francophone o l ouvrage de R gis Jauffret Micro fictions tend en outre craser dans les moteurs de recherche les sites consacr s aux fictions clair ou autres nanofictions Certaines microfictions sont
15. y plus penser d j renoncer en revenir aux principes d avant tout uniment moine en chartreuse et iguane en Cara be c tait si simple avant ah nous avons eu la vie belle ces questions ne se posaient pas restaient en suspens comme la poussi re dans l air danse dans un rayon de soleil nos soucis taient autres moindres l gers l gers survivre Tandis qu pr sent tracas tracas de pens e fil logique en pelote d parts incessants de questions nouvelles en reprendra t il qui quoi moine cabri On souffre oh comme Dans quel sac on a mis la t te Et pour l iguane donc Pour l iguane en chartreuse ce sera dur aussi plus dur encore peut tre de se soumettre la r gle fort rigoureuse et s v re chauffage sur hors gel et l hiver autour fr quents r veils en Pour citer cette contribution ric Chevillard Dix huit tentatives de po sie pr c d es d une note d intention en bon fran ais Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 2010 URL http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1 carte_ blanche _chevillard html 100 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie sursaut pour pri re soupe de haricot et quant la vie sexuelle nulle L iguane femelle qu elle tait belle un souvenir qui s estompe l iguane femelle Oui mais moine en Cara be vous vous y voyez vous moine en Cara be barbe e
16. 2010 Laurence Plazenet La blessure et la soif Paris Gallimard 2009 Mathias nard Zone Actes Sud 2008 Yannick Haenel Cercle Paris Gallimard 2007 Antoine Volodine Songes de Mevlido Paris Seuil 2007 Laurent Message Les veilleurs Paris Seuil 2009 Claro Cosmoz Actes Sud 2010 Pierre Senges Fragments de Lichtenberg Paris Verticales 2008 Marcel Schwob Spicil ge uvres Paris Les Belles Lettres 2002 p 891 R gis Jauffret Microfictions Paris Gallimard 2007 p 784 R gis Jauffret Univers univers Paris Verticales 2003 R gis Jauffret Microfictions op cit p 225 Dor navant MF Arthur Rimbaud Une saison en enfer D lires Il Paris Gallimard 1999 lt Folio gt p 192 Je pense l tonnante interrogation sur l identit dont proc de Anthropologie Allia 2006 Le philosophe Michel Djerzinski mis en sc ne par le romancier fran ais cherche remplacer une ontologie d objets par une ontologie d tats qui serait en mesure de restaurer la possibilit prati que des relations humaines en r duisant les tres des particules l mentaires indiff renci es et indiscernables Michel Houellebecq Les Particules l mentaires Paris Flammarion 1978 p 372 Catherine Millet La vie sexuelle de Catherine M Paris Seuil 2001 Olivier Cadiot Un nid pour quoi faire Paris P O L 2007 p 13 Antoine Volodine Bardo or not Bardo Paris Se
17. D une part cette notion exprime donc le potentiel de la litt rature vivre des moments bouleversants sans y assister pour de vrai dans le r el La suavitas c est l instant de mort mais c est l instant de mort auquel on participe m me quand il vous pargne 5 D autre part l aboiement autrement dit la substance sonore non s mantique des lettres indice du r el de la langue et quivalent du d tail pictural dans l art reste inaper u dans toute litt rature trop suave trop douce Elle caresse et n offense pas HM 78 contrairement l criture de l attaque et de l inattendu que Quignard ne cesse de revendiquer partout o qu il met en vidence ses id aux po tiques Dans Une g ne technique l gard des fragments par exemple o il expose une conception du fragment qui s appuie sur l origine tymologique du 56 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail mot fragment pour souligner le caract re la fois cass et cassant de la forme fragmentaire Ou encore dans Rh torique sp culative o il con oit le sublime comme une recherche de la nudit du langage avec le langage con u comme arme de jet et la litt rature d finie comme le souci atomique des litterae RS 44 Les lettres sont la substance mat rielle non repr sentative abo ou le bruissement m me de toute expression linguistique La litt rature trop
18. Or ce minuscule bateau surgit r guli rement tel un d tail insignifiant au fond des pages de Quignard comme un bref instant de songeart villant v cu par les person nages qu il a mis en sc ne un petit moment de reconnaissance de la mort Dans La fronti re par exemple l histoire qui est n e des d tails de quelques azulejos portugais le personnage de Mme Oeiras suit du regard par l interstice des volets le chargement d une barque sur le Tage Elle voyait au loin un minuscule marchand qui roulait un dernier tonneau C tait le roi de la mort 22 Nombreuses sont en effet ces vues de fleuves ou de mers devant lesquelles les personnages se tiennent comme des spectateurs devant une toile de mus e discernant des d tails au loin 59 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail dont le sens silencieux les bouleverse Ils y aper oivent l image du d tail du Lorrain reproduit sur la couverture de l dition Folio de Terrasse Rome un bateau lointain qui voque la fin de la vie Voire le d but ce qui revient au m me dans le tableau intitul Brouillard de Friedrich arrivent vers nous du fond de l espace consubstan tielles l invisible une caravelle et une petite barque Une grande chose vague et une toute petite impr cise Une m re et son petit Entre monde des songes et monde des morts C est la barque de Charon qui s est d doubl e en sc ne d origine montant du
19. l cran s mantique de la langue occupe habi tuellement le premier plan et non pas le fond pour dissimuler le mat riau des sons Le sens et la pens e linguistiques occultent donc le r el au dessous de la langue et assourdissent ce bruissement sp cifiquement quignardien qu est le tarabust qui d signe ce groupe des sons as mes qui toquent la pens e rationnelle l int rieur du cr ne et qui veillent ce faisant une m moire non linguistique 8 Ce sont les sonorit s qui datent d avant le langage tout comme le bruissement des d tails picturaux selon Arasse r v le un originel silence cr ateur LD 257 la diff rence pr s bien s r que l o Quignard renvoie l origine de l homme Arasse par contre s int resse celle de l uvre d art De surcro t ce bruissement originaire du tarabust trouve dans la pens e de Quignard un quivalent litt raire dans les sc nes de songeart villant auxquelles l crivain revient plusieurs reprises travers son uvre L expression emprunt e Chr tien de Troyes d signe les sc nes romanesques o le h ros s oublie un instant ce sont des petits moments fulgurants d oubli de trou de m moire de blanc de d possession et de d faillance que l crivain retrouve ailleurs aussi sous l image bien connue du nom sur le bout de la langue Dans un bref instant de reconnaissance extatique ils r v lent le v ritab
20. lancolie et opposition Les d buts du modernisme en France Paris Jos Corti 1987 p 15 Ibid p 16 On notera d ailleurs qu en plein centre du livre un hasard on trouve une microfiction o un personnage l tudiant Rense pr sent dans l incipit s autoanalyse et affirme se m fier des pi ges du r alisme il pluche la linguistique il passe son temps comparer le signifi au signifiant il conna t les figures de style et son maigre savoir fi rement d fendu l incite se m fier des pr cisions trompeuses comme petite pi ce donnant sur la cour il cultive sa cr dulit sans jamais se laisser s duire ES 74 A bon entendeur G rard Genette Palimpsestes Paris Seuil 1982 lt Po tique gt p 11 Ibid p 14 Devant la loi dans La M tamorphose Paris Gallimard 1972 1955 lt Folio gt p 136 Italo Calvino Commencer et finir dans D fis aux labyrinthes II Paris Seuil 2003 p 105 51 Pascal Quignard et le bruissement du d tail R sum L article propose une r flexion sur le minuscule dans l uvre de Pascal Quignard partir du point de vue sp cifique du d tail envisag dans une perspective essen tiellement picturale qui s appuie sur la th orie du d tail de Daniel Arasse Il vise relever une pratique du d tail qui cadre avec la pens e des origines de Quignard plut t que de s arr ter sur le d tail en tant que caract ristique d criture La
21. riode d intensit En termes de perspective de lecture cependant le personnage d Anna est tenu en permanence distance ce qui ne s explique pas seulement par une discr tion calcul e sur son pass et son identit En fait le romancier traite la jeune femme plus qu en sujet v ritable en instrument vou faire acc der le h ros une vie neuve Autrement dit son int r t pour Anna Kupfer est d abord fonctionnel et partant oblique et partiel Clairement donc le personnage masculin domine le texte C est son roman qu il nous raconte d autant que comme on a vu il le raconte lui m me On peut m me estimer qu il en fait beaucoup en ce sens rempli qu il est de ce qui lui arrive d in dit et d incroyable Or ce rapport entre partenaires ne manque pas de saveur dans la mesure o l exp riment e Anna a souvent l initiative et affranchit ce niais de Marcel C est ce qui se r v le d embl e avec la premi re relation physique dans laquelle la jeune femme a l initiative C tait Anna qui m attirait me faisait rouler sur moi m me p 857 En somme elle est sup rieure celui qu elle r v le lui m me et qui restera toujours le petit homme qu il tait Le contraste est si net que Simenon croit bon de r duire au nom de la vraisemblance l cart qu il a creus lui m me entre les amants Tous deux souligne t il ont connu l enfermement sana et prison tous deux fuient Marcel sa
22. se voit m me indirectement d fendue par un narrateur qui vante la concision de son style et des r sultats obtenus rapidement r sultats auxquels parviennent laborieusement des auteurs moins habiles dans des livres de cinq cents pages des romans fleuves coup de phrases de trente lignes chacune cinq subordonn es ES 98 Aux t cherons les romans monde on fait long simplement parce qu on ne sait faire court Le travail de Pierre Senges pourrait tre consid r comme une variation sur le principe de l hypertexte Non pas au sens qu on lui conf re dans lunivers virtuel mais selon la d finition de Genette indiquant toute relation unissant un texte B un texte ant rieur A sur lequel il se greffe d une mani re qui n est pas celle du commentaire tout texte d riv d un texte ant rieur 16 On peut certes y voir dans bien des cas une forme de commentaire mais qui s entrelace la fiction L id e d une d rive ou d une errance partir d un texte ant rieur se d fend cependant et peut tre en particulier dans la suite des microfictions qui reprennent le plus souvent le m me incipit de mani re cons cutive neuf reprises Les r f rences Kafka et son uvre s imposent de multiples reprises tout au long du livre Elles r sonnent de mani re particuli re avec cet incipit qui fait trangement cho un autre texte de Kafka Ils entraient par le portail ouver
23. suave par contre non sublime efface ces atomes constitutifs du langage comme un d tail iconique dont le spectateur ne se rapproche pas suffisamment pour en apercevoir l aspect purement pictural la mati re qui seule constitue le r el Or cette esth tique de l inattendu et de la surprise est aussi d cisive dans un aper u th orique du d tail que Quignard d voile dans le Gradus de Rh torique sp cula tive et qui pr cise son approche de effet de r el La mise en valeur mais la raret des d tails extr mement concrets et leur pr cision inattendue emportent avec elles plus d actualit que le bavardage des descriptions ou que la futilit des discours ou que la profondeur toujours adjectivale des r flexions On dit que le trait qui d finit l inconscient est la surprise L effet de r el dans le texte c est la pr cision verbale indocile RS 161 Une pr cision qui se manifeste notamment travers tout l uvre dans le go t du mot du nom de la couleur ou de la date exacts dans les petits indices d identification dans la tendance synecdochique en g n ral les textes de Quignard se caract risent en effet par une ind niable esth tique de la particularisation par une abondance de petits d tails surprenants Tout en cadrant donc avec une po tique de la non suavit ils ne seront pas davantage mis en vidence dans cette tude ci qui ayant abord le d tail part
24. 419 Roland Barthes Le plaisir du texte Paris Seuil 1973 Roland Barthes L empire des signes Gen ve Albert Skira 1993 1970 p 92 Roland Barthes La chambre claire Note sur la photographie Paris Seuil 1980 p 81 Roland Barthes La pr paration du roman I et II notes de cours et de s minaires au Coll ge de France 1978 1979 et 1979 1980 texte tabli annot et pr sent par Nathalie L ger Paris Seuil Imec 2003 p 17 dor navant PR Roland Barthes Longtemps je me suis couch de bonheur dans Le bruissement de la langue Paris Seuil 1984 p 334 Ibid p 336 Ibid p 337 Ibid p 346 342 Par ailleurs nous voyons ici quel point l interpr tation de Roland Barthes de l image de la ruine comme m taphore po tologique diff re de celle qu en donne Alain Robbe Grillet Pr sente chez ce dernier d s 1989 ce n est qu en 1994 dans Les derniers jours de Corinthe 1994 qu elle occupe une place centrale dans son projet des Romanesques Nous crivons d sormais joyeux sur des ruines Car il ne pourra plus jamais s agir d accepter le sommeil du Grand Architecte vaincu qui se r signe ne rien offrir au del des fragments pars non plus que de revenir repentants quelque ensemble rationnel et stable encore moins de geindre sur ses faillites mais bien de tisser des structures foisonnantes qui mesure se d robent Alain Robbe Grillet Les Derniers Jours de Corin
25. Arasse comme toile de fond th orique pour le pr sent article Beaucoup de ce qu Arasse met en lumi re d passe le domaine d une histoire technique de la mimesis picturale pour renouer avec des questions qui concernent la repr sentation artistique en g n ral et qui se posent aussi avec insistance dans l uvre de Quignard Le d tail selon Daniel Arasse d coupage et rapprochement Dans l approche th orique d Arasse le d tail se situe la crois e de l activit du cr ateur et du spectateur envisag du point de vue tymologique qui est plus r v la teur en italien le dettaglio est avant tout la trace visuelle d un geste de d coupage qui les engage tous deux Le particolare par contre d signe une petite partie d un ensemble minutieusement copi e dans un dessein mim tique et esth tique LD 10 Ainsi le d tail dettaglio fait v nement en tant qu instant dans lequel se cristallisent les actes de la cr ation et de la perception LD 15 Dans le cas de Quignard cette double dimension du d tail est tr s pr sente D une part l crivain s impose souvent comme peintre de petits tableaux d hypotyposes et d ekphraseis D autre part il se pr sente aussi comme spectateur qui regarde et enregistre les images d autrui notamment dans La fronti re Georges de La Tour et La nuit sexuelle o ces images accompagnent le texte ou dans le cadre romanesque de Terrasse Rome videmment les deux posi
26. Computer did we bring batteries Computer Eileen Gunn The baby s blood type Human mostly Orson Scott Card Gown removed carelessly Head less so Joss Whedon Dans la m me veine en Allemagne le site Kurzgeschichten organise r guli rement dans sa section Acht Wort Geschichten des Challenge in dem sich Autoren miteinander messen k nnen 2 Tous ces exemples mettent en lumi re l importance de la performance dans l art de la microfiction Elle est indispensable une saisie exacte de sa po tique y sont d terminantes en effet la tension entre l ph m re du flux et son archivage sous forme de listes l effet s riel joint au d fi singulier et cette dynamique de foule ou de multitude commune aux textes aux participants et aux lecteurs Car l acuit l art de la chute le sarcasme et l humour appris des ma tres s allient de nos jours des pratiques culturelles tr s diverses qui complexifient les proc d s Entre cent autres citons les entrecroisements issus de la culture m diatique cross over Filiation Bonjour monsieur c est l mission Perdu de vue Comme vous le savez certainement chaque semaine nous aidons des familles retrouver leurs membres disparus Et aujourd hui c est votre jour de chance J ai avec moi quelqu un qui souhaiterait vous parler Luke je suis ton p re 23 les d rivations parodiques ou non de corpus existants spin
27. Correspondance 87 Arno Bertina Pierre Senges Entretien 96 R gis Jauffret r pond aux questions de Dominique Rabat Carte blanche ric Chevillard 100 Dix huit tentatives de po sie pr c d es d une note d intention en bon fran ais 108 amp Triptyque autofictif Rejlire Jacques Dubois 109 Anna Kupfer et les limites du roman moyen Sauf indication contraire tous les textes et documents sont prot g s par une licence Creative Commons Micro scopies R sum Au del du r ve de totalisation m me contrari du grand roman europ en la multiplication des microfictions est un des ph nom nes marquants de l criture contempo raine D origine ancienne les flash fictions se sont multipli es et codifi es de mani res diverses gr ce aux possibilit s offertes entre autres par le Net S appuyant volontiers sur l intertexte elles semblent engager une perspective joueuse et joyeuse sur la vie qui n em p che toutefois pas l expression d une certaine forme de cruaut Situ es du c t de la liste elles invitent dire le multiple en appelant d passer la nostalgie du fragmentaire Abstract Apart from the unfulfilled dream of the great European novel the prolifera tion of microfictions is one of the most striking phenomena of contemporary writing Although they have a long history flash fictions have recently proliferated and have been codified in various ways through the possibilities
28. Experiment in Galaxy Science Fiction f vr 1954 en ligne dans le site du Project Gutenberg URL oct 2010 http www gutenberg org files 29948 29948 h 29948 h htm 2 Les s ries se trouvent dans le recueil Fant mes et farfafouilles Nightmares and geezenstacks traduction de J Sendy Deno l 1963 lt Pr sence du Futur gt 3 Quatri me de couverture de Une toile m a dit Space on my hands 1951 trad J Papy Deno l 1954 lt Pr sence du Futur gt 4 Quatri me de couverture de Lune de miel en enfer Honeymoon in hell 1958 trad J Sendy Deno l 1964 lt Pr sence du Futur gt 5 Quatri me de couverture de Fant mes et farfafouilles op cit r dition de 1993 lt Pr sence du Futur gt 6 Jacques Sternberg 188 contes r gler 1988 Gallimard lt Folio gt 1998 dor navant 188 CR 38 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 Jacques Sternberg Un dernier compte r gler pr face ajout e la deuxi me dition en Folio en 1998 de 188 contes r gler p 10 Ibid Jacques Sternberg Entre deux mondes incertains Deno l 1957 lt Pr sence du Futur gt dor navant EMI p 82 Jacques Sternberg Biographie Par l auteur ms fonds priv Lionel Marek p 4 cit par le site Jacques Sternberg en solitaire 2006 2008 URL oct 2010 http jac
29. Microrrelato y ciclo cuentistico dans El ojo en el caleidoscopio Las colecciones de textos integrados en la literatura latinoamericana Mexico City Eds Pablo Brescia y Evelia Romano 2006 p 79 113 David Roas El microrrelato y la teoria de los g neros dans La era de la brevedad El microrrelato hisp nico Irene Andres Su rez y Antonio Rivas eds Palencia Menoscuarto Ediciones 2006 p 47 76 Lafon Michel Pour une po tique de la forme br ve dans Formes br ves de l expression culturelle en Am rique Latine de 1850 nos jours vol I Paris Presses de La Sorbonne Nouvelle 1997 p 13 18 ou pour le domaine francophone Ir ne Langlet d Le recueil litt raire Pratiques et th orie d une forme Rennes Presses universi taires de Rennes 2003 Cf entre autres Roland Barthes Roland Barthes par Roland Barthes Paris Seuil 1975 Herv Bazin Ab c daire Paris Grasset 1984 Jacques Drillon Le livre des regrets Arles Actes Sud 1997 G rard Genette Bardadrac Paris Seuil 2006 et Codicille Paris Seuil 2009 Gilbert Lascault Encyclop die abr g e de l Empire Vert Paris Lettres Nouvelles 1983 Georges Perec Je me souviens Paris Hachette 1978 Pour une esth tique de num ration cf Sabine Mainberger Die Kunst des Aufz hlens Elemente zu einer Poetik des Enumerativen Berlin New York de Gruyter 2003 La minificci n es indudablemente la manifestaci n literaria m s caracter sti
30. Mots cl s Simenon roman moyen guerre de 40 45 pulsion groupale engagement Le Train relate une belle histoire qui est aussi une histoire de guerre et d amour Elle commence le 10 mai 1940 date de l invasion de la Belgique par l arm e alle mande Ce jour l un habitant de Fumay en Ardenne fran aise Marcel F ron prend avec sa femme enceinte et sa fillette le premier train qui se pr sente pour fuir vers le sud Il participe ainsi au grand exode qui a pr cipit de larges pans de population depuis la Belgique et le Nord de la France sur les routes et sur le r seau ferroviaire Dans le train tandis que femme et fille sont install es dans un wagon de voyageurs F ron se retrouve entass avec d autres dans un wagon de marchandises dit aussi en texte wagon bestiaux En cours de route ledit train se voit scind en deux et voil la famille F ron brutalement s par e Dans le wagon de Marcel la folie d un train qui vagabonde sans horaire et sans itin raire gagne certains passagers qui faisant fi du respect humain font lamour m me le sol Or une jeune femme d allure trang re s est faufil e dans le wagon Discr te et distingu e elle se tient aupr s du timide Marcel qui a pour elle des attentions On apprendra qu elle s appelle Anna qu elle vient d tre lib r e de la prison de Namur qu elle est juive et Tch que leur tour Marcel et Anna vont s aimer m me la paille du wagon dan
31. alors qu il a renou avec son existence banale le h ros entend laisser de lui l image d un tre qui a v cu une aventure hors 33 99 Pour citer cette contribution Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1 relire_dubois_fr html gt 109 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen norme durant laquelle il s est montr capable de passion et d autonomie Si cette id e de confession crite est introduite assez gauchement par l crivain elle donne n anmoins au roman valeur d aveu et m me d aveu double dans le premier temps j ai os dans le second j ai t l che Avec cette fin m lancolique et d risoire Je ne suis jamais retourn La Rochelle Je n y retournerai jamais J ai une femme trois enfants une maison de commerce rue du Ch teau p 916 Dans la production de Simenon Le Train est un r cit part2 la diff rence des autres romans de l crivain il prend en charge un pisode historique et un pisode que le romancier v cut de fa on particuli re puisque lors de l exode de 40 il fut charg par le gouvernement belge d organiser l accueil des r fugi s belges La Rochelle t che dont il s acquitta bien dit on Le camp o se retrouve
32. bonnes m urs journalistiques Pourtant et c est l que se r v lent les divergences entre le texte et son substrat journalistique on n a pas affaire au m me type de 81 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s zapping Car le langage des m dias est un langage hi rarchis plus forte raison le journal de 20 ou de 13 heures dont les nouvelles pour fragmentaires qu elles apparaissent ob issent tout de m me une logique d ordre laquelle s exprime travers quelques principes tacites tels que au hasard le national passe avant l international certains pays sont plus importants que d autres plus il y a de morts plus la nouvelle est trait e t t dans la file des informations etc je ne fais ici que supputer ces principes par ailleurs changeants L exemple de Jean Pierre Pernaut dont la mainmise sur le journal de 13h de TF1 s est justement traduite par un changement hi rarchique des choix des sujets et de leur ordre de traitement montre bien que le journal t l vis se fonde sur un ordre ditorial pr cis sous couvert de la fragmentation que les d p ches imposent la continuit du propos sous couvert m me d une forme d impr visibilit ostentatoire les fameux al as du direct Le journal t l vis ob it une trame narrative qui n a rien envier la fiction 8 Sa fragmentarit apparente est en fait sous tendue par une syntaxe tr s solide
33. caract re ouvert de la liste ou du paradigme qu elle propose imm diatement En ce sens la microfiction n est pas le fragment qui sugg rait avec force et nostalgie le tout m tonymiquement indiqu d sir Telle est du moins la version romantique du fragment qui a exerc un prestige durable sur la litt rature europ enne La micro fiction est d lib r ment du c t de la liste structure ouverte sans hi rarchie ni pathos du tout qui ne peut se rejoindre Car il y a toujours rajouter dans une liste Et sym triquement il y a toujours possibilit d enlever ou de sauter Comme chez Pascal Quignard ou Emmanuel Hocquard la liste est alors pens e comme une arme contre la mal diction romantique blanchotienne du fragmentaire Le monde est une table o brillent des objets qu il faut la fois s parer et r unir L espace de cette op ration est le texte La bri vet du texte peut justement servir ce dessein Bri vet qu on pourra si l on veut aussi bien dire po tique Car la micro fiction peut avoir des affinit s avec le ha ku dont on sait l extraordinaire floraison aujourd hui et la remarquable productivit Deux formes tr s r duites d exercices d criture dont les lieux m mes de publication se trouvent multipli s par les nouvelles technologies de la communication Deux fa ons peut tre de saisir sans le retenir le multiple dans son appara tre insaisissable dans son instantan it boule versant
34. ce d un puzzle chaque fragment d un univers poss de un sens en soi existe pour lui m me ce qui ne veut pas dire que le puzzle reconstitu n apporte pas d autres plaisirs L ensemble appara t parfois plus important que la somme des parties Mais cette r gle n est pas absolue Blanchot crivait que le fragment laisse intervenir fondamentalement l interruption comme sens et la rupture comme force 2 Si cette force peut s entendre dans une perspective parfois ludique avan ons que l uvre de Pierre Senges r pond pour une bonne part ce programme Son dernier livre tudes de silhouettes est particuli re ment significatif cet gard Mais avant de m arr ter ce r cent ouvrage je voudrais revenir bri vement sur l ensemble de ses publications pour montrer quel point cette uvre se pr te bien une r flexion sur microfiction et fragmentation La plupart des livres de Pierre Senges reposent sur l accumulation de moments brefs o se r v le une tension dialectique entre l anecdotique et le fantasme de la totalit qui conduit mettre le sujet en crise Pensons Ruines de Rome roman dans lequel le Pour citer cette contribution Jean Fran ois Chassay La m tamorphose in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1 chassay_fr html gt 41 Jean Fran ois Chassay
35. concourt donc en science fiction une exploitation ravie de la micronouvelle dans les cas o le patrimoine th matique du genre les l ments stabilis s de sa x no encyclop die pour reprendre le terme de Saint Gelais son m gatexte pour repren dre celui de Damien Broderick sert d appui l activit inf rentielle du lecteur qui tourne en quelque sorte bas r gime l effet de chute sera orient vers le calembour l humour le pastiche le recyclage ventuellement crois avec d autres l ments de la culture populaire genres ou personnages connus sc narios typiques blagues proverbes et dictons formules c l bres Dans les cas de figure plus autonomes la clausule d veloppe des effets toujours organis s en fonction d une surprise mais plus individualis s et parfois profonds En voici quelques exemples tir s du corpus du Prix P pin en commen ant par deux variations prim es en 2009 et 2010 sur le th me lectoral o se per oit tr s bien la diff rence entre les deux styles PR SID AC Attention lection L implant cervical me r veille en sursaut Pensez 1 pour Alex 2 pour Vic 3 pour L o Je n ai pas suivi la Pr sid Ac Pour qui voter Au hasard je pense 3 R sultat Vic pr sident Pas le temps de regretter mon choix L implant explose Comme pour des millions d opposants Patrice Robin concours 2009 Prix sp cial Proportionnelle Je suis le nouveau Pr sident
36. contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contem poraine org francais publications no1 turin_fr html gt 78 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s Jean Louis est n taciturne dans la banlieue de Bruxelles avant de s expatrier tudiant Paris 4 De F n on Pag s h rite d un travail de polissage du texte qui confine dans certains cas une v ritable autonomie de la formule Une criture qui en son temps se voyait qualifi e par Paulhan de nouvelle qui tourne la maxime s La forme en est ramass e et involut e Pag s interrompt son histoire quasiment au moment m me o son lecteur comprend de quoi il s agit cr ant un effet d imm dia tet sc naristique C est qu il s agit de circonscrire l anecdote au plus pr s et au plus vite afin de passer autre chose un autre portrait afin de constituer un difice textuel fond autant sur la concision de ses chapitres que sur l accumulation des existences pr sent es Dans l esprit de la fameuse assertion warholienne pr disant quinze minutes de gloire pour tout le monde Pag s fixe sur chaque destin un clairage violent et court Pag s est il un crivain privil giant la forme fragmentaire Oui et non Pour repren dre la terminologie labor e par Pascal Quignard Pag s figurerait plut t parmi les fragmentaires qui jettent des f
37. d couvrir un d sir neuf enivrant r para teur de tant de maux et de manques Et pourtant Anna Kupfer nous semble parfaitement plaisante et attirante d sirable Mais jusqu un certain point nous avons la r ver comme telle voire l inventer Tout d abord nous n avons pas besoin qu elle soit belle Elle est trange comme elle est trang re elle est h ro que la prison la r sistance elle est fatale de toute sa silhouette sombre Elle est aussi celle qui se tient seule au milieu des autres et qu isole sa distinction naturelle Et elle rayonne en somme de tout cela m me si c est au milieu d une lumi re tamis e Mais par del l ex prisonni re appara t en femme libre On la devine assumant avec courage son statut de proscrite juive et tch que Visiblement elle vit seule se d brouille seule On devine qu elle conna t la vie et jusque dans les petites d brouillardises qu impose une situation d exception Elle montre un grand naturel dans lamour tout en refusant les effusions sentimentales Elle poss de une conscience haute du bonheur qu elle donne son partenaire se posant tout ensemble en initiatrice et en bienfaitrice Objectivement prot g e par F ron elle se fait affectivement protectrice envers lui Anna Kupfer au patronyme de m tal Kupfer veut dire cuivre en allemand est une femme une vraie si nous la devinons bien Cette v rit de femme transpara t dans de petit
38. dans tudes de silhouettes une grande vari t de textes qui miment les mani res et les th mes de Kafka les plus tonnants et ils sont quantitativement assez 46 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose importants parviennent non seulement proposer une microfiction mais en plus une analyse de cette fiction mesure qu elle s crit Insistons sur l tranget du ph nom ne un narrateur analyse le texte qu il crit mais qui n est pas de lui En effet il s agit de penser en cours de route les probl mes narratifs pos s par l incipit ou d en remettre le contenu en question sans cesser d crire cette microfiction trange ruban de Moebius dont ma connaissance il existe peu d quivalents Quelques exemples permettront de voir de quoi il retourne commencer par un texte qui tr s t t propose une analyse lecturale en acte Soit l incipit La porte s entreb illa Un revolver apparut au bout d un bras tendu ES 24 Le texte se continue dans les phrases suivantes comme une br ve enqu te polici re o les diff rents t moins proposent une lecture contradictoire des v nements S agissait il vraiment d un revolver ou d un poignard le bras tait il vraiment tendu Puis un jeune d tective dynamique qui a tout d un enqu teur grammairien a fait remarquer la pr sence d un point peine visible entre la proposition la porte s entreb illa et la proposition un revolver apparut s
39. dans l acception la que du terme adress e aux lecteurs dans leur ensemble Cette convocation de personnages peut galement rappeler Perec qui dans le chapitre central de La Vie mode d emploi op re un rassemblement similaire 8 ou encore Olivier Rolin qui la fin de sa monumentale Invention du monde fait revenir comme pour un dernier salut au th tre la cohorte immense de tous ses person nages Il semble par contre difficile a priori de pr ter Pag s le m me maximalisme que ces deux auteurs chez qui se retrouve l ambition de faire monde que Lionel Ruffel pr te aux repr sentants de cette tendance Car si l entreprise de Pag s consiste rassembler sous sa plume les exploit s les pr caires et autres sans dialogue fixe de France et de Navarre ceux ci restent la 80 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s fois anonymes et innombrables chacun des syntagmes qui les d signe tant au pluriel Il serait virtuellement impossible de leur offrir tous une tribune et les recueils ainsi con us sont peu pais Contrairement un R gis Jauffret sa microfiction ob it une logique du digest la forme narrative microcosmique pour pouvoir tre consomm e doit tre succincte galement sur le plan de la somme des micro items qu elle engendre Si elle ne l tait pas elle courrait le risque de devenir l objet d une lecture plus consultative que s
40. dans le miel tous les alentours toutes les fleurs tous les arbres J en fais trop en parlant de bordel rien ne dit que ces filles taient la fois mod les et prostitu es je le sais on peut poser nue sans tre de mauvaise vie comme ils disaient en ce temps l mais que veux tu mon imaginaire de gar on a ses parties honteuses Arno Pour citer cette contribution Arno Bertina Pierre Senges Correspondance in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise con temporaine org francais publications no1 correspondance_senges_bertina_fr html gt 87 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Cher Arno Tu as bien fait de me soumettre ces figurines et tu fais bien encore de me rappeler leur bon souvenir Il y a sans doute dans cette galerie de quoi crire plusieurs pages surtout quand on est l aff t du moindre pr texte d criture et si jamais la galerie elle m me ne parvient pas devenir le point de d part d un long discours chacune des vignettes prises l une apr s l autre aura la g n rosit de se pr senter nous pour nous inciter parler Je suis myope une myopie physique devenue morale avec le temps tous les myopes en font l exp rience on se familiarise avec une nettet de proximit on se flatte tort ou raison d approcher les choses la maladresse passe pour une forme de connaissanc
41. de cin ma un instant En 1973 Pierre Granier Deferre a donn du Train une adaptation cin matographique dans laquelle Romy Schneider et Jean Louis Trintignant se partageaient les r les principaux4 Cela a donn un film assez emprunt et qui se termine de fa on sottement h ro que Marcel choisit de mourir avec Anna Mais Granier Deferre a au moins eu le m rite de r tablir une galit de traitement entre les amants tout en rendant belle et sans doute trop belle et trop visiblement bourgeoise Anna Kupfer Romy Schneider et cin ma obligent Puisque nous tablons sur un double jeu Anna faisant de Marcel sa caution tentons d entrevoir ce que cache ce jeu Et vaille que vaille reconstituons les choses comme suit Juive et Tch que Anna Kupfer n a gu re eu le choix elle a fui son pays vers 1939 au moment o la Tch coslovaquie dans sa partie tch que se voyait occup e par l arm e allemande et plac e sous r gime nazi Elle est pass e Ouest s est sans doute r fugi e en Belgique Si elle est emprisonn e Namur on peut supposer que c est pour raison politique On la voit bien en militante communiste dont l activisme inqui tait ou pouvait inqui ter les autorit s belges au temps du pacte germano sovi tique On peut m me l imaginer for ant la note en agent du Komintern assurant la liaison entre partis de diff rents pays En 1940 l exode la lib re cepen dant de sa ge le et lui fait f
42. de fous pour reprendre un titre R gis Jauffret et au pis une peinture du monde contemporain comme un vaste enfer un fatras pour reprendre une expression que l auteur emploie lui m me propos de son texte MF 612 fatras r sonnant de la confrontation d idiosyncrasies d r gl es et de r alit s socio conomiques crasantes R gis Jauffret semble en effet partager avec tous les crivains contemporains inquiets de la possible dissolution de nos r ves glorieux d autonomie et d originalit modernes dans l anomie de monades indistinctes je pense ici par exemple ric Chauvier 5 ou Emmanuel Carr re l id e que nos pr tentions la singularit se dissolvent dans le consum risme et se neutralisent mutuellement en une grisaille d mocratique que les crimes les plus violents ne parviennent m me pas r indivi 66 y Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui les Microfictions de R gis Jauffret dualiser le flux chaotique des univers d lir s de Microfictions se fond en une nappe informe d exp riences existentielles extr mes dont la monstruosit s indiff rencie dans le nombre Comme chez Michel Houellebecq chez qui l criture de la vie d autrui projet central des thiques litt raires empathiques de Pierre Michon de Pascal Quignard de G rard Mac est renvoy e univoquement l homog n it banale d une monade changeable linfini avec autrui dans une ontologie
43. en parler Imaginons que l on vienne de capter cette image distraitement sur l cran d un t l viseur muet dans un a roport Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies ou chez soi en zappant sur les cha nes de sa t l vision Elle vous arrive sans contexte mais avec la force ironique d un dispositif de redondance absurde Elle voque une sc ne d un film d Almodovar L on se met r ver d un ench ssement possible dans une fiction plus d velopp e Car quelque chose fait un pli dans le redoublement des visages circulaires dans la reduplication des identit s contrari es ces deux visages socialement antith tiques gauche un afro am ricain qui a r ussi puisqu il pr sente le JT et droite un autre qui est conform ment aux canons sociologiquement racistes un violeur dangereux Un pli lourd de sens possibles du c t du path tique ou de l id ologique Mais l image reste l unique sans suite le pli se replie sur lui m me Il fait un court circuit et dans cette contraction fait jaillir le rire lib r de toute signification qui surplombe La microfiction un art de notre temps pour saisir des images en les privant du r cit qui leur donnerait sens Une fa on d isoler et de couper Le plaisir de la multiplicit de l unique Cruaut s du micro Nous venons de voir une version joyeuse de la microfiction son potentiel d absurdit L exercice banal d une poch magn
44. entr e parmi d autres dans les usages et les ridicules de son temps8 Comme Brown Sternberg affiche en fait une inspiration tr s diversifi e sy m lent SF fantastique du quotidien r alisme psychologique morale caustique o l anticl ricalisme et l anticapitalisme se taillent la part du lion humour noir La comparaison de deux recueils distants de trente ann es 1957 1988 permet de mesurer quelques constantes de son traitement critique de la SF o les motifs 27 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction attendus du genre lui servent par exemple renverser le point de vue son astuce favorite Le malentendu Quand enfin les premiers Martiens d barqu rent sur notre plan te on dut se rendre l vidence qu ils se prenaient pour des Terriens qui venaient d arriver sur la plan re Mars Les complices Bons p res et bons chr tiens les cosmonautes v curent un grand moment d exaltation en abordant apr s tant de d ceptions m taphysiques sur un monde habit par des cr atures non seulement intelligentes mais profond ment catholiques Pourtant leur joie vira la consternation quand ils apprirent que l bas les textes sacr s parlaient d un J sus le P re et de son fils Jehovah crucifi pour la r demption de l Homme 188 CR 70 Ce renversement se fait de mani re parfois potache du reste L tonnement Quand les normes insectes venus d autre part viren
45. est au c ur non seulement d un mod le ditorial mais aussi par n cessit socio historique en France d un dispositif clairement subculturel de formation du go t et de transmission patrimoniale La pratique du fix up composition romanesque issue de plusieurs nouvelles ind pendantes liss es pour l occasion contribue faire pencher l art po tique science fictionnel vers l art de la forme br ve et de ses avatars au point que selon Klein Cette origine pour les fix ups conf ra ces textes un mordant qui fut parfois confondu avec le g nie propre de la Science Fiction Au lieu de se laisser glisser le long du fleuve tranquille d une intrigue uniforme l auteur se trouvait en effet oblig de rebondir avec un panache croissant une bonne douzaine de fois La nouvelle a m me sembl longtemps caract ristique de la Science Fiction dans la mesure o elle permettait de pr senter rapidement une id e frappante une exp rience conceptuelle sans avoir besoin de s embarrasser de tout un arri re plan plus ou moins labor s2 Trois id es retiennent l attention dans ce diagnostic de superposition d un genre et d une forme Ici le panache et le frappant d signent l effet po tique recherch 33 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction l une id e une exp rience conceptuelle rappellent le moteur de l inventio science fictionnelle Enfin par contraste est voq
46. et Institut Universitaire de France Directeur de la revue Pierre Schoentjes R dacteurs Ivan Arickx pour le fran ais Tara Collington pour l anglais Europe du Nord Europe du Sud Continent am ricain Pierre Schoentjes Dominique Rabat Barbara Havercroft D p d tudes fran aises French Department UFR LAC Victoria College Ghent University Univ Paris Diderot Paris 7 University of Toronto 73 Blandijnberg 2 Grands Moulins B t C Queen s Park Crescent 16 rue Marguerite Duras Northrop Frye Hall 315 9000 Ghent Belgium 75013 Paris France Toronto Ontario Canada M5S 1K7 Comit scientifique Didier Alexandre Universit de Paris IV Sorbonne France Wolfgang Asholt Universit t Ossnabr ck Allemagne Germany Bruno Blanckeman Universit Paris III France Tara Collington University of Waterloo Canada Dominique Combe Ecole Normale Sup rieure de Paris France Frances Fortier Universit du Qu bec Rimouski Canada Gianfranco Rubino Universit di Roma La Sapienza Italia Italy Barbara Havercroft University of Toronto Canada Ann Jefferson Oxford University Angleterre United Kingdom Jean Kaempfer Universit de Lausanne Suisse Switzerland Warren Motte University of Colorado at Boulder Etats Unis United States Michel Murat Universit de Paris IV Sorbonne France Dominique Rabat Universit Paris Diderot Paris VII France Pierre Schoentjes Gent Universiteit Belgi Belgium
47. et la cr ation La parabole la chanson le fragment la citation la publicit la blague l anecdote la liste est longue des pratiques concern es par la microfiction m me quand on ne retient que les microtextes qui participent de l univers de la fiction et pas de celui du savoir Ce qui est central dans tous les cas c est l conomie verbale c est elle qui donne au texte sa densit Dans les microfictions le sens na t du resserrement de l expression la bri vet parfois extr me des textes permet en outre une compr hension quasi imm diate impossible dans le roman fleuve qui ne prend son sens que pour qui consid re l architecture globale Andr Jolles qui a tudi un certain nombre d critures br ves dans Formes simples publi en 1930 notait d j la place centrale de la langue dans ces pratiques sous l emprise d une forme mentale d termin e des ph nom nes de m me esp ce quittent la diversit de l tre et de l v nement pour se cristalliser le langage les prend dans son tourbillon les choque les malaxe et leur donne une forme nouvelle 3 C tait souligner l importance du hasard cr ateur tel qu il prend forme dans les structures de la langue Gabriel Zaid dans l essai cit pr c demment et qui r fl chit aux microtextes dans leurs rapport avec l criture du moi va plus loin et observe qu une impulsion Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies
48. existentialisme Mais tenons compte de ce qui constitue le singulier d doublement du r cit D une part Simenon choisit avec nettet de figurer un pisode de la guerre travers une repr sentation paradoxale minimisant l horreur des v nements Nous avons fait cas de cette inversion ironique qui tient du d fi Mais d autre part il ne peut emp cher la vraie guerre de faire retour laissant se glisser en r cit l une de ses actrices Ainsi en contrepoint d un h ros qui puise dans le conflit un bonheur in dit et le transforme en v ritable f te surgit une clandestine qui est rappel sourd mais lancinant de ce qu il existe une tout autre guerre avec des enjeux consid rables des luttes implacables des violences douloureuses Retour clair du refoul Anna est fusill e en toute fin de roman quoi le brave Marcel ne peut rien Et l on se dit qu apr s tout s il n avait pas t le petit homme qu il est il aurait pu saisir l occasion d un amour durable et d une action r elle en suivant Anna jusqu au bout Mais ce faisant Simenon n e t plus t Simenon De plus sur la R sistance et la clandestinit il n avait sans doute rien de plus dire que ce qu il en dit dans Le Train Anna Kupfer s est gliss e dans nos esprits comme elle se glisse dans le roman Furtivement Partant de quoi et en croire certains indices du texte elle ne serait qu un personnage fonctionnel r v lant le h ros
49. faire des planches part enti re De surcro t l identification de Meaume avec Callot s appuie sur leur origine lorraine et sur l attribution de certaines innovations techniques de l artiste r el au graveur imaginaire 5 m me si quelques faits de la vie du personnage l assimilent aussi la figure de Georges de La Tour L identification para t d ailleurs d autant plus justifi e qu un savant du XIXe si cle du nom d douard Meaume a tabli l inventaire de l uvre de Callot 7 et tudi intensivement le ma tre et les autres artistes lorrains contemporains Petit d tail sans doute insignifiant et inutile r sultat d une myopie encyclop dique peu int ressante mais qui ind pendamment d une intention d auteur peut tre n gligeable pique la curiosit et incite l interpr tation comme le font d habitude les petits d tails Ainsi il renforce consid rablement une lecture de ce roman atypique comme une imitation de l criture rudite 8 L orf vre et le chandelier En d pit de toutes les ressemblances biographiques et artistiques le personnage de fiction Meaume se distingue aussi de fa on explicite du Callot r el et des autres artistes du XVII si cle la port e de ces diff rences para t avant tout symbolique et m taphorique En fait en regardant de plus pr s deux de ces d tails qui singularisent le personnage de Meaume il est possible de r sumer sch matiquement l essentiel du bruisseme
50. famille Anna les polices tous deux ont juste envie d un peu de bonheur Oui vus comme cela ils ne sont pas si diff rents l un de l autre Ils ont inventer ou r inventer leur vie et se soutenant l un l autre ne s y prennent pas trop mal 115 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen Il n emp che que nous ne conna trons pas vraiment les pens es et sentiments de la jeune femme Nous ne saurons pas non plus comment elle s exprime En fran ais sans doute mais avec quelle aisance et quel accent Nous ne cernons qu demi son style personnel Quant son apparence physique et aux formes de son corps nous en sommes r duits aux conjectures alors m me que le h ros la voit nue plus d une reprise Pour ce qui est du corps d Anna il est d ailleurs frappant qu apr s la premi re relation le narrateur n en donne qu un aper u tout ph nom nologique objectivant ce corps en tant que mati re Sa chair ne ressemblait pas non plus la chair de Jeanne Elle tait plus serr e plus dense avec des muscles capables de se tendre instantan ment la fa on des chats p 859 Ce qui porterait penser que si le sentimental Marcel aime Anna il ne la d sire pas au plein sens du terme Sans doute la prend il chaque jour et dans l euphorie des sens Mais ce qui obnubile cet homme invent par une femme de rencontre est son propre d sir celui l m me qu il vient de
51. fiction dans le fameux ghetto des mauvais genres de la litt rature populaire Cest par des anthologies que se fera pr f rentiellement la d fense et illustration du genre interpr table aussi bien comme une strat gie d opposition aux syst mes de l gitimation dominants critique litt raire universit que comme une solution l gitimante alternative La biblioth que de l honn te lecteur de science fiction peut ainsi s appuyer sur d impo santes entreprises anthologiques au premier rang desquelles en France la Grande Anthologie de la Science fictions o se trouvent r unis trois crit res pour une installation g n rique accomplie un corpus de textes un dictionnaire d auteurs et une bibliographie critique aucune anthologie ne se dispensant de p ritextes justifica tifs et celle ci leur ayant ajout de v ritables essais th matiques et historiques en pr faces En France trois facteurs accentuent le ph nom ne la division de la culture litt raire en deux zones litiste vs populaire est ancr e dans les mentalit s la science fiction y a pris son essor gr ce une acclimatation du mod le des revues am ricaines Fiction et Galaxie qui s est produite en m me temps que la r volution du livre de poche et la crispation acad mique sur des corpus l gitim s est nourrie par les concours de recrutement labor s par les grands corps de l tat La nouvelle de science fiction on le voit
52. force violents et nonciation d sabus e qui les prend en charge l ensemble tant domin par l ironie g n rale de la narration Le passage la limite qu op re souvent la chute des tr s courtes tranches de vie qui sont donn es lire et j entends bien dans ces tran Pour citer cette contribution R gis Jauffret r pond aux questions de Dominique Rabat in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1 entretien_jauffret_rabat _fr html 96 ENTRETIEN R gis Jauffret Dominique Rabat ches de vie tout ce que le mot peut connoter de saignant et de brutal fonctionne comme le d passement d une limite que pourtant toute la fiction raccourcie rend in luctable Tu as sans doute souvent entendu le mot de cynisme appliqu tes livres nergie paradoxale de ces textes tient en effet l ironie de leur nonciation insituable comme si tout le monde et n importe qui m avaient plus aucune possibilit de trouver r ellement un interlocuteur Posant en quelques phrases un espace de parole d rangeant la microfiction ne le stabilise jamais mais semble aller au bout de son fonctionnement jusqu quelque chose de gla ant et de d sesp r Est ce que pour toi le choix de cette forme volontairement r duite est en relation avec le constat d une noirceur du monde qui est le n tre D
53. le souffle Regarde les microfictions de Jauffret L paisseur du volume Le vent circule plus vite entre des pans de mur inventant de nouveaux chemins Le d braill du sens est plus qu une l gance c est une question 93 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges d hygi ne mentale C est le refus de s en tenir une vision du monde qui serait la traduction d un discours Jaime consid rablement cette nergie l C est l nergie de quelqu un qui n a pas peur de la mort qui l a dig r e Qui est donc nouveau capable de rire de jouer de mettre jour diff rents sens en mettant jour diff rentes vitesses J aime toujours cette citation de Norman Mailer que j avais plac e au d but d Appoggio Ce que j aime dans l obsc nit c est la vitesse laquelle elle v hicule le sens Ce qui nous ram ne nos filles en quelque sorte et m am ne aussi te proposer un rapprochement entre po sie et fragment ou micro fiction Je m explique Avec deux amis Jean Louis Giovannoni et Pierre Vilar nous en tions venus un soir o le vin rouge titrait quatorze degr s ranger la po sie du c t de la pornographie et le roman ou plus largement la prose narrative du c t de l rotisme Au sens o la po sie tente des raccourcis fulgurants pour donner voir imm diatement quand le roman lui a besoin d un immense d tour narratif pour donner voir de mani re donc dif
54. mieux c est neuf c est doux l ger plumeux on vole escaliers espaliers d gringolent on est chez nous jusqu au cou on rend nos coudes et nos genoux on est vivant sans poids ni quoi ni haletant dans le vent qui expire sans mourir infiniment Cessons avec la musique cessons allez cessons de nous en remettre elle comme a tout le temps et pour toute chose brisons les rythmes bougeons sans c est bon non de ne plus sentir ses coups de massue sur nos cr nes on fl ne c est bon cette r mission bon dieu c est bon enfin le corps retrouve son poids de forme son encombrement son vidence sa lourde sa gourde pr sence au monde il est bien l il n est plus cet agit ce sautillant criquet importune musique l che mon tibia veux tu qui n est pas ton pipeau non plus que ma peau n est un tambour pour ton poing sourd allez d campe va jouer dans ta chambre passer ta rage dans le garage tiens tu voulais la cave voici la cave et dessus la trappe et le verrou mais que cherchent encore tes mains t tons dans les fonds de tiroir des pianos j ai un plan pour ton solo de saxo il y a des lots au large d m nage avec tes hanches ton manche tes costumes ridicules tous les volts de ta r volte piti nous ne voulons plus t entendre ton gong ta song tes trilles des vrilles la casserole mon rossignol chut allez maintenant silence on a compris on rengaine la rengaine nos oreilles veulent redevenir creuses et plats nos pieds on se redresse folks
55. muane ni goine iguane et moine le premier en Cara be l autre en chartreuse Si donc tout dure ni m me ne se fissure en litt rature o vont se poser nos yeux las des choses oh comme qui n ont que leurs cils pour hacher trancher de ratures les mots qui les nomment Une qui s en fout c est la tortue la tortue s en fout d peu pr s toute chose sur le m me pied quatre fois se fout et se fout sans feinte sans passion s en fout vraiment et si bien qu ignore quel point et de quoi se fout politique litt rature sport la mort au bout s en fout allez oui la laitue un peu encore les premi res feuilles qu elle cueille de laitue oui quelques instants l arrachent cette extase d indiff rence s il serait trop dire pourtant que la laitue qui frise ou non la mobilise cre ou plus douce qu elle s y consacre qu elle s y met toute avec ses forces et ses doutes et qu en laitue elle trouve son compte qu laitue elle r pond oui et comment non s en lasse vite aussi et bient t s en d tourne et s en fout d elle aussi de la laitue m me la fin d s le d but s en fout se fout d tre ici ou l jadis ou nagu re et demain ailleurs c est la nuit ah bon c est l hiver je m enterre mon caille prolif re sur toute chose comme un lichen l art dites vous m en fous de l art dieu m en fous mon caille dessus mon caille sur tout mon caille encro te le globe enrobe la vo te caille caille m
56. o la pr carit n est plus synonyme d appartenance un tat social marginal mais d coule de la simple impermanence des contrats dur e d termin e qui forment une grande partie sinon l essentiel de la classe active contemporaine Le propos de Pag s pourrait faire l effet d une sorte de cul de sac rh torique dans la mesure o il se refuse envisager une reconfiguration du sensible qui inclurait ses personnages dans une soci t souhait e C est l qu intervient la fonctionnalit pragmatique qui rend la liste si puissante il va s agir de faire usage du silence qui remplace le mot d ordre de consid rer le double aspect que la liste instaure entre l accumulation des gagne pain boiteux et la vacance concomitante cette pr carit le ch mage pourrait on dire mais plus g n ralement l incertitude du lendemain Les listes de Pag s posent simultan ment une double question titre individuel que vont ils faire quel travail quel destin les attend et en tant que soci t qu allons nous faire d eux une double interrogation formul e ici la troisi me personne mais qui pourrait aussi bien se jouer sur la premi re R insertions Telle est sans doute la responsabilit d une certaine criture contemporaine qu elle ne peut parler que devant un mur blanc un vide un constant et apr s sans formuler de r ponse L absence de reconfiguration du social chez Pag s le
57. off Prescient Hier maman est morte Ou peut tre tait ce aujourd hui Ou demain Je vais l appeler pour le savoir 24 les variations sur des images objets plaisanteries ou sc narios la mode ou en r plication cr ative sur le r seau m mes A Little School Peace be with you Gulnaz I am an app I live in your phone Only you can hear me Gulnaz I am your teacher Don t be afraid You can banish me or call me at any time by using my name I know that girls aren t allowed teachers Some men think it s wrong that women learn Why would a woman need to think they say Their place is in the home men s place is in the world So they burn classrooms they throw acid at girls who go to school they shoot teachers But women should learn Gulnaz It is their world as much as men s I am Huma I am part computer and part real teacher I am a woman who developed a new way for women to learn a secret way I am one woman and thousands of apps Together we can go on wonderful journeys Learning is always a holy struggle against ignorance and those who desire ignorance If you re afraid to go I will 31 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction erase myself from your phone no trace will ever be found If you want to take this journey say the word and we will start right away Thank you Gulnaz What would you like to learn today 25 Il faudrait voquer aussi les sc narios de l gendes urbaines les bla
58. offered among others by the Net Often based on the intertext they seem to initiate a playful and joyful perspective on life which however does not preclude the expression of some form of cruelty Related to the list microfictions invite the enumeration of the multiple while encouraging us to go beyond the nostalgia of the fragmentary Mots cl s microfiction vitesse intertexte court circuit po sie Du multiple Le v u formul la fin du XXe si cle par divers crivains d une litt rature roma nesque apte dire la multiplicit du monde selon le mot qu Italo Calvino avait choisi de mettre en exergue la derni re de ses Le ons am ricaines est il toujours l ordre du jour Selon quelles voies nouvelles selon quels protocoles narratifs L ambition de construire et de repr senter la complexit de la r alit guide t elle toujours le romancier du XXI si cle Pour tenter de r pondre ce trop vaste questionnement la revue propose dans sa premi re dition de r fl chir aux fictions qui disent dans la bri vet l tendue du monde entre micro et macro entre obsession du minuscule ou du fragmentaire et fantasme de totalit moins que cette multi plicit ne soit devenue pour nous aujourd hui le signe ou le t moin d un irr m diable parpillement de la r alit d une pulv risation que l on trouvera selon l angle de vue r jouissante ou d courageante Au del du r ve de totalis
59. oie Les multiples personnalit s de Lichtenberg d autant plus marqu es qu elles sont ici syst matiquement s par es par des points se superposent dans un livre qui se sert d une vie pour exprimer un savoir universel le plus complet qu on ait pu poss der au XVIIIe si cle Le premier roman de Pierre Senges d j Veuves au maquillage d coup en 499 frag ments pr cis et num rot s proposait litt ralement une fragmentation du sujet Celle du corps d un homme qui aura besoin de six veuves six miroirs de lui m me pour penser sa fin se mutilant peu peu Peu il reste peu de moi criront les veuves me feront dire peine de quoi remplir une tasse une cuiller le d coudre comme neuf dont elles ne se sont jamais servies pour tirer le faufil ou tourner le point de croix 3 Le livre comme objet comme mode de savoir sur le monde se retrouve partout dans cette uvre Il ne faut pas s tonner que les crivains y soient aussi pr sents Lichten berg d embl e mais aussi Shakespeare dans Sort l assassin entre le spectre dont la premi re phrase expose tout un programme en devenir J ai t Macbeth je le sais j ai t Macbeth j ai senti sur le cr ne plusieurs heures durant ou plusieurs ann es le poids d une couronne de bronze aux rebords anguleux qui semblaient m peron ner 4 Au del du poids de la couronne il y a le poids de la personnalit de Macbeth qu il faut auss
60. on en ait perdu le mode d emploi travers ses portraits Pag s n tablit aucune cartographie sociale un tel geste instituerait pour l auteur et pour le lecteur de ces textes un surplomb malvenu du regard l inverse il pr f re se situer lui m me au sein de ce social tumultueux l avenir incertain Et le vide que la liste instaure l absence de mot d ordre sous l gide duquel elle pourrait se livrer le silence en lieu et place de r ponse aux questionnements sur l avenir de la soci t du travail ne laisse pas le lecteur orphelin mais bien plut t son tour int gr dans la masse des pr caires recycleur de d chets valorisables Gaspard Turin Universit de Lausanne NOTES 1 Yves Pag s Portraits crach s Paris Verticales 2003 et Petites natures mortes au travail Paris Gallimard 2007 lt Folio gt Verticales 2000 Dor navant PC et PNMT PC p 36 37 PC p 28 PNMT p 25 Jean Paulhan F F ou le critique Paris Gallimard 1945 p 59 N D a A O Pascal Quignard Sur le jadis Paris Gallimard 2002 lt Folio gt p 55 Cette r f rence peut para tre hors de propos le parall le entre ces deux auteurs tant pour le moins difficile justifier sur le plan th matique Pourtant on verra par la suite que Pag s et Quignard trangement ont plus en commun qu on pourrait le croire commencer par un titre celui de Portraits crach s Ceux de Quignard parus en pr face
61. on se tient droit babe on ne se laissera plus renverser comme a tout bout de chant par la musique et que r tissent enfin les oies dans le cornet des trompettes C est parti allez je me lance je me lance dans la po sie quarante cinq ans il est temps grands dieux et s il tait trop tard au piano je ne donnerai jamais rien de bon trop vieux gar on pour soudain prendre lhabitude de faire deux choses la fois main droite main gauche et parfois m me les pieds en font une troisi me mais me lancer en po sie faut voir je dois pouvoir encore rassembler mes restes risquer ce geste 102 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie obsol te t te en avant et laissant sous moi le sol rassurant jeter mon tre par cette fen tre sentir le ciel tout vent qui se d robe et toucher le fond de l espace voir ce qui se passe et comment et s il ne s agit encore que de choir oui je dois pouvoir risquer mon corps sur cette balan oire j ai ce souci dans l effort d tre assis jy suis allez me lance me balance et d embl e j y suis en free lance en frisbee dans la po sie croire que j tais fait pour a qui me demandais quoi lanc sans appui sans fa ons dans la po sie bon j y suis jy reste modeste affaire on ne fait que commencer mais d j je songe me d velopper d localiser en terra incognita recruter des petites mains agiles trier le grain tirer le fil dans des langues incompr hensibles o
62. par la m taphore du fractale7 Ce terme d signe une forme qui fait appara tre diff rents niveaux d agr gation et partant des chelles d observation diff rentes des motifs et structures similaires au del de toute logique subordinatrice Ce n est par cons quent plus l id e d une diff rence esth tique qui est au centre du d bat mais une logique susceptible de conceptualiser la r currence d l ments identiques sans recourir pour cela une vision cyclique de l histoire lit t raire le fameux retour Une s rie de microtextes sous forme d une collection d un recueil d une anthologie ou d un roman ob it selon ce point de vue un mouvement de r p tition de reproduction et de transformation de formes litt raires simples sans pour autant constituer n cessairement une forme plus significative que celle des textes c est dire des microfictions qu il inclut La question de l unit ou de la diff rence de la microfiction oscille de cette mani re entre la s rie de textes et le texte qui en constitue un l ment De cette ouverture th orique au del des limites impos es par l id e de genre litt raire ou celle d une unit formelle ou autre r sulte en Am rique latine une per ception double du microtexte selon une position dite narrativista 8 et une deuxi me transgen rica une dichotomie qui par ailleurs volue partiellement en parall le avec celle entre
63. peinture comme il est pr cis sur les quatri mes de couverture Ainsi les couvertures des deux volumes de Petits trait s pr sentent des femmes fragment es autour de 1535 pour rappeler le titre d un de ces petits trait s Des femmes fragment es ou plus exactement d taill es car fracture n est pas coupure comme cet article vise souligner en 1539 pour les jambes et une main cachant le sexe de la V nus d Urbin de Titien qui constituent l accroche all chante des Petits trait s I vers 1560 pour le demi visage le sein et la main de la Dame sa toilette du second volume Voil au moins pour les d tails d coup s du premier plan Les d tails rapproch s de l arri re plan se font encore davantage cho d un tableau l autre gauche un cran qui dissimule une grande partie de la toile au fond une servante qui cherche une chose invisible nigmatique dans un coffre C est justement partir de ces l ments que nous proposons de d velopper une r flexion sur le d tail Elle s appuiera en effet sur la peinture et l image omnipr sen tes dans les textes et la pens e de Quignard afin de relever les gestes de d coupage et de rapprochement qui mettent en lumi re la pr sence de certaines nigmes silen cieuses Pour citer cette contribution Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL l
64. peut en un ultime sursaut en retourner le sens in extremis C est la fonction de l exclamation finale O Shakespeare qui sonne comme une remar quable litote Cette fa on de regarder en minuscule r sulte d une thique du d tachement d une morale de la retenue et du sens des proportions comme s il s agissait en fait de ramener sa juste mesure ce qui est seulement un accident m me mortel d une existence accidentelle pas de quoi monter sur ses grands chevaux Cette ironie de la microfiction est l une de ses forces et ric Chevillard la pratique avec talent Car selon cet angle de vision o le microfictif est une perspective sur la vie c est le monde m me dans sa multiplicit quasi absurde mais joyeuse qui offre foison ces sc nes microscopiques d tonnement d effroi ou de ravissement passager clats de fictions momentan s bouff es de rire ou d angoisse que note le texte resserr sur lui m me Au bord du pli aper u mais conserv comme tel Avant de se mettre r ver ou d velopper partir de l amorce que constitue la sc ne arr t e A ww L APIST SEAR Pour preuve cette image un pr sentateur de journal t l vis en gros plan le visage tr s rond et assez ahuri parle sans que l on puisse entendre sa droite une image de violeur recherch Mais le portrait robot du pr sum coupable ressemble trange ment la t te de celui qui est en train d
65. pour lui le consid rable m rite de conjurer un pass douloureux 113 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen Dans ce contexte l pure trac e au fil d un parcours se leste de riches connotations Le train de l exode s y pr te bien Qu il se scinde deux reprises est cause et illus tration d une existence en rupture Une existence qui a gliss du plan d une existence sans joie celui une vie comme neuve c est le titre d un autre roman de Sime non tenant de la f erie Une existence qui tributaire du moyen de transport le plus vou aux itin raires et aux horaires bien r gl s se d r gle l image du chaos o l entra ne le convoi ferroviaire Mais non content de m priser horaires et parcours prescrits le train de Marcel F ron se moque des barri res sociales et des biens ances suscitant dans un vulgaire wagon bestiaux des promiscuit s quivoques mais b n fiques en fin de compte pour quelques uns Tout cela parce que la guerre comme la guerre un convoi ferroviaire s est mis errer sans destination claire couper les familles en deux s arr ter des endroits impr vus et suivre des trajets improbables Par ailleurs comprenons que l union charnelle entre les deux amants est comme un retour une animalit primitive compte tenu du lieu o elle se produit Pourtant elle sort tr s vite de cette bestialit apparente les
66. que tu me demandes quand je dis non c est non et je ne suis pas de ceux qui reviennent sur leurs d cisions girouette pas le genre de la maison d autant que jai longuement m ri celle ci dans ma t te j ai dit non il me semble que tu as bien entendu ma r ponse lapidaire mais qui fait sans en avoir l air le tour de ta question et maintenant pose la il est temps que l on en finisse pour de bon Attention je te d gonfle si je le veux je te d gonfle je sais de quoi tu es rempli j ai vu l endroit o tu respires dans quelle vall e si je vais avant toi moi respirer ses parfums d l t res de quoi auras tu l air je peux te friper fl trir flapir juste en dilatant mes narines avec le nez je peux te faire la peau mon beau t asseoir sur une punaise et tu d colles de ta chaise pour le plafond o tu fonds comme neige au soleil c est l autre nom du jus de citron alors s il te pla t tu te fais devant moi petit petit comme le poussin qui veut du grain ce sera du son mon gar on je garde le grain pour mon pain sa farine pour mes narines car je ne me nourris pas de vent moi je suis un peu plus consistant avec l ongle je te cr ve je te d gonfle quand je veux a me fera un peu de brise et a rel vera mon feu Et pourquoi soudain en moi monte une haine incommensurable du monde qui englobe celui ci de l enfantelet pia lleur sa mamie que les cris du gamin r jouissent comme si elle allait ensuite manger ce porcelet gorg cette hai
67. question du d tail sera par cons quent abord e la lumi re des principes visuels de d coupage et de rapprochement et exemplifi e en particulier dans l essai Georges de La Tour et le petit roman Terrasse Rome Abstract This article reflects on the minuscule in the work of Pascal Quignard from the specific point of view of the notion of detail adopting an essentially pictorial perspective based on the theory of the detail by Daniel Arasse Rather than dwelling on detail as a feature of writing it aims to capture a practice of detail consistent with Quinard s concept of origins The question of detail will therefore be discussed in light of the visual principles of decoupage and distance from the work as a spectator draws near in order to better appreciate its details strategies exemplified in the essay Georges de La Tour and the short novel Terrasse Rome Mots cl s Quignard d tail peinture r el fond Qu est ce que le d tail dans un texte de Pascal Quignard La question n est pas ano dine le d tail selon les lexicologues serait chose peu importante et pourtant la l gende litt raire nous apprend que le bon dieu est dans le d tail mais alors comment d celer le divin dans du presque rien Or une r ponse se pr sente avant m me que l on ait ouvert la plupart des livres de l crivain traditionnellement les couvertures de ses textes en dition Folio sont compos es de d tails de
68. r cit Il y a un aspect prototypique dans cette litt rature qui semble venue de la nuit des temps Si les microfictions semblent participer d une arch ologie de la litt rature elles s inscrivent toutefois simultan ment aussi dans la modernit telle qu elle a t pens e partir du Romantisme On sait que Fr Schlegel et le romantisme allemand accordaient une Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies place importante au fragment pratique dans laquelle ils trouvaient une libert nouvelle Une approche n gative Les microfictions participent elles par la vitesse qui leur est constitutive du mouvement d acc l ration g n ral qui est celui de notre poque quoi r pond pour l crivain comme pour le lecteur ce d sir de bri vet parfois extr me la vue de certains textes tr s brefs et volontiers joueurs il serait commode de r pondre ces questions en condamnant les microfictions travers l vocation d un lecteur et d un crivain paresseux une poque o Internet invite encha ner des sites un rythme de clics toujours plus rapide o des clips et des jeux vid o rapides sont devenus talon de vitesse et que dans les interviews t l vis es le temps de r ponse n exc de pas 20 secondes d aucuns pourraient voir dans la pratique une preuve suppl mentaire de l incapacit de notre poque prendre le temps Les fictions de l extr me bri vet seraient le fait d aut
69. sait que c tait un ami de Flaubert Tomorrow I will be going into Rouen for a funeral Madame Pouchet the wife of a doctor died the day before yesterday in the street She was on horseback riding with her husband she had a stroke and fell from the horse l ve been told I don t have much compassion for other people but in this case I am very sad Pouchet is a good man though completely deaf and by nature not very cheerful He doesn t see patients but works in zoology His wife was a pretty English woman With a pleasant manner who helped him a good deal in his work She made drawings for him and read his proofs they went on trips together she was a real companion He loved her very much and will be devastated by this loss Louis lives across the street from them He happened to see the carriage that brought her home and her son lifting her out there was a handkerchief over her face Just as she was being carried like that into the house feet first an errand boy came up He was delivering a large bouquet of flowers she had ordered that morning O Shakespeare 6 Par petites touches qui rejoignent des donn es connues de tous les lecteurs de Flaubert cette microfiction fait r sonner l ensemble de Mme Bovary Au del elle fait encore cho la correspondance d un Flaubert qui avouait avec un cynisme assum tre all enterrement de l pouse de son ami pour se documenter et avait not son retour que le grotesque
70. selon une tout autre voie le m me travail Je me souviens d avoir t tr s frapp par l une de tes r ponses dans l entretien que tu as fait pour Le Matricule des anges A rebours d un clich courant tu affirmais affirmation pour moi tr s tonique la fonction de destruction de la litt rature sa valeur de d molition pour faire place nette quelque chose de peut tre nouveau place nette pour voir Est ce que pour toi la microfiction est l une des armes de cette entreprise de d molition Tu vois que sans grand ordre j ai multipli les questions les remarques elliptiques ouvrant trop de pistes J esp re que mon bombardement ne te dissuadera pas de t engager dans cet entretien Tu auras compris que tes livres m importent et qu il me semble important d en entendre la force d rangeante aujourd hui Bien amicalement Dominique Rabat Quelques changes de mails en novembre et d cembre pour discuter des moments libres pour cet entretien 97 ENTRETIEN R gis Jauffret Dominique Rabat Le 21 12 2010 Cher Dominique Je suis tr s ennuy car pour tout te dire je ne sais absolument pas pourquoi j ai crit Microfictions pas plus que mes autres livres Si je le savais je te le dirais mais je n en sais rien Quant moi il n y a jamais de projet pour l criture d un livre part S v re et le prochain sur l affaire Fritzl car ils sont bas s sur un fait divers J ai crit Microfic
71. si ce d voiement de la monadologie est douteux il excite au moins l imagination Je crois l merveillement des premiers microscopes comme j aime croire le principe selon lequel aux yeux d un calligraphe le Coran tient tout entier dans la premi re sourate la sourate dans son premier vers le premier vers dans le premier mot et ainsi de suite jusqu au premier point Tu fais bien aussi de parler de continuum a me permettra d tre plus clair avec un peu de chance Je me souviens que l id e de continuum ou plut t de l absence de continuum a souvent t martel e par Arno Schmidt dont tu connais les livres fragment s selon lui la vie n est pas un continuum nos souvenirs n en sont pas il n y a aucune raison de composer un r cit continu Pas tr s loin se trouve ce cher Mikl s Szentkuthy chez qui on devine un homme ivre de correspondances presque au sens alchimique dans ce monde h t roclite il n a cess de tisser des liens de faire ce dont il se moquait lui m me des analogies passant son temps voquer Cette opposition un peu forc e rappelle la fracture entre le pictural qui morcelle en nous montrant des picture elements ceci dit pour faire le p dant et l iconique qui devine le visage compos de plusieurs taches videmment nous avons l intuition que la lecture et l criture se tiennent davantage du c t de la synth se que de l analyse quitte faire de la synth se un jeu d
72. sortent ni ce qu ils pr tendent tre et je ne tiens pas le savoir Pour une fois il s agirait seulement d aller vite avant que la langue son habitude ne prenne comme un ciment avant que son grand hypoglosse ne me paralyse pieds et poings comme le muscle constricteur du boa Pour une fois ne pas s parer les mots qui se bousculent ne pas retenir ceux qui se pr cipitent Voil bien en effet le paradoxe de l crivain il entend s arracher aux repr sentations communes en usant pour cela de l outil qui a le plus contribu les forger et les figer par quelque prodige extraire des sph res de la machine cubes Un jour arrive in vitablement o il va se battre et se d battre avec cet outil quitte le briser comme le cavalier brise sa monture trop cavaler dans l espoir insens peut tre de la prendre de vitesse Il lui casse les pattes et l chine elle s effondre et il s envole Moine en chartreuse c est aussi bien fort mal jouir de la Cara be d accord mais iguane en Cara be quelle incuriosit tout de m me pour la vie monacale Tenter alors moine en Cara be et iguane en chartreuse tenter cela pourquoi pas Moine carib en et iguane chartreux viable cette affaire Moine en Cara be saura t il y faire le ti punch en boira t il son so l et mangera t il sati t du cabri du crabe farci Ah mais oui mais c est que ce sont des questions qui tenaillent et tant m me que l on voudrait quelquefois n
73. subsister le doute Et plus nettement encore en r ponse l enqu te de La Quinzaine litt raire Quelle est la part de col re ou de rage dans votre geste d crire 5 On pourrait me prendre pour un gar on studieux Ma chaise croit que je suis notaire J ai bien travaill l cole J ai appris la langue docilement Je suis devenu un pion de la syntaxe Je suis ses ordres Je connais presque tous les mots Le syst me en vigueur n a rien redouter de moi Du moins semble t il Car le taureau est en moi Je le contiens Sa violence contrari e ne cesse de cro tre elle m habite Parfois pourtant je n en puis plus je c de je l che mon taureau Il charge Il distribue des coups de t te Il balance ses sabots dans les murs Il encorne deux ou trois pouvantails Mais bien vite je le rappelle Sa fureur se dilapide au dehors elle est presque sans effet Le monde est trop vaste Je ravale mon taureau Il m est plus utile dedans Je mets sa col re au travail J apprends celle ci la patience et la ruse Souvent il y a sa corne dans mon rire Ces d clarations qui s opposent la l g ret pourtant r elle de l criture dessinent un auteur double visage petit Poucet rageur autant que r veur Pour tenter de rendre compte de cette dualit et sans pouvoir dans le cadre d un article survoler la totalit d une uvre qui compte aujourd hui une vingtaine d ou
74. suivre Amiti Pierre 91 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Quelques heures plus tard Pierre prolonge avec un second courriel Je suis convaincu par l id e de ruse que tu voques la ruse appliqu e aux fragments j ai en effet le sentiment que le recours aux fragments dans l criture est une mani re de ruse permettant de louvoyer entre ces deux tats l ignorance na ve et le d sir mystique de connaissance permettant aussi de s en sortir vivant ou peu pr s dans un monde hostile hostile certaines formes de connaissance Nous avons le sentiment que la nature aime encore se cacher comme au temps d H raclite mais que cette dissimulation a chang elle n est plus l nigme livr e des philosophes ou des physiciens elle semble par moments plus agressive plus rev che comme si on avait remplac l nigme par le mensonge celui des d p ches d agence entre autres mais aussi le mensonge involontaire de l abondance et de l oubli Le fragment est une ruse s il nous permet de faire un pas de c t de nous tenir sur des fronts diff rents de faire le tour des choses pour en voir l autre bord et pour viter d tre plus vuln rable d couvert Si le fragment est un changement de point de vue et une mani re de jeter un il partout la fois par prudence autant que par curiosit alors il est une ruse ou un stratag me Il me fait penser cette maquerelle qui recomma
75. syntagmes faisant souvent eux m mes l objet d num rations Retournant son avantage le caract re paratactique et tr s hi rarchis du discours m diatique Pag s inverse la tendance Les notions de partage du sensible Ranci re et de syntaxe sociale Citton serviront de viatique pour observer en quoi Pag s fonde travers le microcosme du syntagme et des num rations un discours social la fois in dit apor tique et pourtant profond ment attentif aux particularit s sociales du monde contemporain Abstract In two of his books Yves Pag s sketches characters of precarious social status in brief chapters that he at times even shortens into mere nominal phrases often inserted in enumerations Turning to his advantage the paratactic and strongly prioritizing discourse of the media Pag s exploits these tendancies in his writing The concepts of the distribution of the sensible Ranci re and of social syntax Citton will help to discover how Pag s through the microcosm of nominal phrases and enumerations creates an innovative and contradictory social discourse one that is nonetheless alert to the social traits of the contem porary world Mots cl s Pag s F n on liste parataxe discours social Une tendance l accumulation Dans Portraits crach s et Petites natures mortes au travail Yves Pag s pr sente de mani re succincte des individus g n ralement aux prises avec une s
76. syntaxe g n rale de l information pour acqu rir un statut litt raire autonome voit son autonomie facilement r cup r e par linternaute avide de petits fragments insolites et gratuits au sens propre comme au sens figur Ce danger de l innocuit de l criture Pag s l vite pourtant en imposant comme en creux un discours global particulier comme on va le voir et indissociable de sa tendance la fragmentation Et si l on peut reconna tre travers le ton que Pag s adopte un pastiche et pour finir une satire des journaux t l vis s c est en majeure partie parce que ceux ci ses yeux sous couvert de parler du monde n en donnent qu un reflet trompeur duquel est exclue la masse toujours plus importante des individus pr caires qui peuplent la soci t et auxquels ses pages fournissent un abri Pag s cherche ainsi d manteler l illusion quotidiennement entretenue d une connaissance et d une compr hension du monde comme principes d lection et de participation la soci t 82 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s Parataxe sociale La notion labor e par Jacques Ranci re de partage du sensible nous aidera saisir ce qui est en jeu dans l criture fragment e de Pag s et j aimerais en rappeler ici la teneur Dans son ouvrage Politique de la litt rature Ranci re revient sur ce concept d velopp par lui au d but des ann es 2000 en l a
77. th ses r centes font le point sur cette question C dric Chauvin Statuts et fonctions de la r f rence pique en France depuis la Seconde Guerre mondiale 2008 para tre chez Champion Biblioth que de litt rature g n rale et compar e 2010 et Isabelle P rier Mythe et pop e en science fiction Technoscience sacr et id ologie dans les cycles d Herbert Simmons Banks Hamilton Bordage et Ayerdhal th se pr par e l universit Stendhal Grenoble 3 soutenance pr vue en d cembre 2010 J ai d velopp ailleurs avec Richard Saint Gelais quelques remarques sur cette hypoth se Sp culateurs d avenir Sauts quantitatifs et qualitatifs dans les conomies de science fiction in La voix du regard Paris n 14 automne 2001 p 150 156 en ligne URL oct 2008 http www voixduregard org economie htm G rard Klein Pr face Ian McDonald tat de r ve trad B Sigaud LGF 1997 lt Livre de poche n 7203 gt p 11 galement en ligne sur le site de l association Quarante Deux URL oct 2010 http www quarante deux org archives klein prefaces Ip27203 html a3 Cette entreprise monumentale a donn naissance une collection de 42 volumes publi s entre 1966 et 1984 au Livre de Poche sous des titres comme Histoires de mutants Histoires galactiques Histoire de voyages dans le temps etc Ses artisans et pr faciers furent G rard Klein Jacques Goimard et Dem tre Ioakimidis K
78. vie Tr s femme dans lamour mais avec ce qu il faut de virilit dans l action contre jour de Marcel F ron elle nimbe de son clat sourd l ensemble du roman Oui nous l aimons cette Anna qui nous est trop souvent d rob e par son cr ateur En un sens cette Anna Kupfer l ne d parerait pas une pi ce de Sartre du genre des Mains sales 1948 ou des S questr s d Altona 1960 On pense l Olga de la premi re de ces pi ces propos de laquelle quelqu un d clare Ils les r volu tionnaires pr f rent les louves aux cheveux noirs comme Olga s La Kupfer en louve Qui sait si la tendresse manifest e ne dissimule pas une duret quelque peu d vorante sa mani re elle capte et mange le brave F ron ne cessant de le tenir l il En tout cas en femme qui s engage Anna est de celles qui se jettent dans l action prennent des risques vivent leur vie Par l elle est typiquement de cette p riode o le mot r volution avait un sens et qui court de 1930 1960 Elle appartient l imaginaire de ce temps l qui aime mettre en vidence des femmes suffisamment autonomes pour entrer dans les luttes partisanes et mettre en question la domination masculine jusques et y compris parmi ceux de leur propre camp Reste qu il est tonnant de la trouver dans un roman de Simenon m me si l on sait que la vision du monde de ce dernier telle que traduite en romans doit quelque chose l
79. E Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie Eh oui le koala oh l l quoi oui j insiste le koala m rite consid ration et comment S il n y avait pas le koala l qu y aurait il on se le demande il y aurait qui il y aurait quoi en ses lieu et place vous peut tre En cas d absence du koala s il n est plus l qui se met o et qui fait quoi comment surtout on ne sait pas d un seul coup plus personne c est dire s il faut que le koala soit l Pour Catherine L Ainsi il faut qu il n y ait plus Lune il faut que Lune soit morte la chienne Lune qu elle ne soit plus il a fallu para t il que Lune meure quinze ans de bonne Lune noire un rayon de soleil dessus et voil Lune disparue partout o se trouva et jamais ne se trouva clips e par l cran de lumi re qui est son absence dilat e aux quatre coins du paysage sa mort affich e sur tout ce qui fait objet avant il y avait la chienne Lune ici et l taient emplis de pleine chienne de chienne amie sur le talus dans la prairie roulait la Lune chienne habitait le pays l o le vide se creusait dans nos vies soudain comme un puits tout aussit t elle y mettait l cho de son aboiement elle s brouait de toute l eau de notre canal lacrymal elle est morte aux pieds couch e apr s quinze ans le chien rapporte dans la fosse son os fid lement vieille chienne au bout de sa laisse laisse un veuf adolescent ni plus que son ombre mencombre de souvenirs ni de devoirs n
80. EVUE CRITIQUE DE FRAN AISE CUNIEMPURAINE IXXION REVUE CRITIQUE DE FRAN AISE CONTEMPORAINE FIXXION REVUE CRITIQUE DE FRAN AISE CONTEMPORAINE FIXXION REVUE CRITIQUE DE FRAN AISE CONTEMPORAINE ORAIN IPORA UE DE AISE CRITI RE FIXXI ua REVUE CRITI ie FRA CONTEMPORAI REVUE IXXION ORAIN PORA RAN A ONTEM RAN A TIQUE CRITI E RE RITIQU FIXXIO EVUE C FIXXI REVUE Penh FIXXION ORAIN IPORA RAN A ONTEM RAN A TIQUE CRITIC E RE RITIQU FIXXIO EVUE C FIXXI REVUE IXXION Micro Macro a IPORA dirig par edited by Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes RAN A ONTEM RAN AISE CONTEMPORAINE FIXXION REVUE CRITIQUE FRAN AISE CONTEMPORAINE FIXXION REVUE CRITIC E FRAN AISE CONTEMPORAINE FIXXION RE mimi Anr me PRARIPAICE CAAMTFrAARDNADAIMP PIVVIN Dans ce num ro tudes Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes 3 Micro scopies Andreas Gelz 12 Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine Ir ne Langlet 25 Les chelles de b ti de la science fiction Jean Fran ois Chassay 41 La m tamorphose Irina De Herdt 52 Pascal Quignard et le bruissement du d tail Alexandre Gefen 64 Je est tout le monde et n importe qui les Microfictions de R gis Jauffret Anne Roche 70 R veur rageur Gaspard Turin 78 Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s au service d un discours social contemporain
81. Journal de deuil Paris Seuil 2009 et les textes des Soir es de Paris J voque de mani re d taill e ces multiples projets d criture de Barthes parce qu ils repr sentent quantitativement le point culminant de sa recherche sur le roman et qu ils t moignent simultan ment dans leur h t rog n it comme dans leur caract re microtextuel de la difficult de cette recherche sur l innovation de la forme romanesque qu il entame en 1978 paradoxa lement avec une r flexion sur Marcel Proust Au moment d crire la Recherche cet auteur aurait comme le critique la recherche d une r orientation de son criture h sit entre diff rents types d criture la critique l essai et le roman La tierce forme ni Essai ni Roman 2 Barthes l exemplifie dans son analyse de l incipit de la Recherche elle serait caract ris e par la suppression de la chronologie de la causalit elle ferait surgir des fragments narratifs et intellectuels au del de toute logique narrative traditionnelle et se caract riserait par une dimension m tatex tuelle 3 Cette recherche d une Scienza Nova ou encore Vita Nova 24 qu exemplifie pour lui l uvre proustienne Roland Barthes la pousse jusqu au point o ce roman l ne ressemble plus gu re au roman m me pas dans sa version proustienne mais plut t et son criture de plus en plus courte nous le d montre une s rie de micror cits c est du moins dans ce s
82. La m tamorphose narrateur jardinier propose un v ritable guide encyclop dique sur les plantes et les fleurs tout en s appuyant sur le livre des livres la Bible La polys mie du titre est en soi r v latrice Ruines de Rome correspond au nom d une plante mais l apparition du mot ruine sur la page couverture signale d j le fractur le morcel le d bris n gativement ou l clat positivement Ruines et fragments se voient associ s l int rieur du m me champ s mantique On pourrait avancer semblable affirmation pour cette immense machine dont le titre annonce en partie la po tique qui rel ve de la mise en abyme Fragments de Lichten berg Fragments de la vie d un crivain reconnu surtout par la post rit pour son criture br ve ces milliers d aphorismes se mirent dans la m thode d un auteur pour en diffracter l existence comme l indique d j le premier paragraphe de la quatri me de couverture En peine plus d un demi si cle Georg Christoph Lichtenberg 1742 1799 a eu le temps d tre un bossu un math maticien un professeur de physique un amateur de p t de li vre un adversaire de la physiognonomie e un solitaire e un th oricien de la foudre un amateur de jupons un ami de George III d Angleterre e un asthmatique un d fenseur de la raison un hypocondriaque e un moribond e et l auteur de huit mille fragments crits l encre et la plume d
83. Les lectrodes plant es dans le cerveau j attends donc le r sultat des lections 32 9 Union Sociale Globale 23 5 Nouvel Avenir R publicain 16 8 Parti Radical de Droite 6 1 Mondiale Ecologie La reconstruction de ma personnalit va commencer Pascal Seyer concours 2010 P pin d Argent et Prix du Jury Les jeux de focalisation font toujours recette Microcosmos Ce matin 8h00 Lecomte a t r duit chelle subatomique On est sans nouvelle depuis 19h20 Lecomte nous transmet l instant qu il se trouve dans un monde semblable au n tre ceci pr s que ses habitants n ont que cinq doigts aux mains 38 tout en explorant des voies originales Triomphe Broadway Br ve th trale L andro de jouant le Novocello sous la direction de Brian Collins a t victime d un bug d s la deuxi me r plique Le technicien de maintenance est arriv apr s plus de deux heures d attente et a t rappel six fois Une premi re pour cette mise en sc ne 39 36 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction Et les jeux de logique paradoxale tr nent toujours en t te des effets de chute comme chez le Brown de Experiment Achille et la Tortue Le divin ordinateur avait statu sur le fameux paradoxe Achille ne rattrapera t jamais la tortue et cette nouvelle me bouleversait Nous n avions donc rien rien compris l Infini Je pris ma plus belle plume l approchai du cah
84. a peinture comme un Verbe pictural qui se manifeste justement dans le petit d tail silencieux En brusquant les attentes du spectateur il est l embl me de ce processus par lequel la peinture atteint son comble au point de faire entendre son originel silence cr ateur Par cet effet dislocateur le d tail met la fois le tableau et le spectateur en tat de d faillance du sens et de l intelligibilit jusqu au point de faire surgir la virtualit d un sens qui n aurait pas besoin des mots et de leur savoir pour se faire entendre LD 257 Arasse conclut en sugg rant que ce paradoxe d un Verbe pictural silencieux serait l quivalent en peinture d un bruisse ment chaque d tail jaillissant comme un petit bruit dans ce bruit confus fait de mille petits bruits ibid La r f rence barth sienne est claire et m rite un approfon dissement puisqu elle permet son tour de renouer avec certaines id es de Quignard Comme le bruissement en g n ral est d apr s Barthes le bruit de ce qui marche bien le bruit d une absence de bruit le bruissement de la langue en particulier est la situation utopique car rarement atteinte de la langue comme un immense tissu sonore dans lequel l appareil s mantique se trouverait irr alis 5s Le sens qui habi tuellement couvre et touffe le bruissement sonore ne s clipse pourtant pas compl tement il est rel gu l horizon
85. a res ou le r el la mati re m me de la peinture Cet effet de rien LD 183 des d tails picturaux est plus int ressant car plus propice la r flexion et l interrogation critique que le simple effet de r el qui mane des d tails iconiques et que l on conna t bien comme parangon d un r alisme d sormais d suet Il est d autant plus int ressant qu il est conforme une probl matique centrale dans toute l uvre de Quignard celle de l insaisissable r el la nudit des res que cache l in vitable robe linguistique 4 des choses On constate en effet une correspondance remarquable entre certains principes qu Arasse d voile dans un contexte esth tique de critique et d histoire de l art et plusieurs id es fondamentales de la vision du monde et de l existence que Quignard expose au fil de ses textes Pour gratuite qu elle soit premi re vue cette correspondance est fascinante justement en raison du r le fondamental que jouent l art et l image dans la pens e quignardienne et que la question du d tail permet d aborder sous un nouvel angle de vue Le bruissement silencieux du r el Afin de r v ler ce va et vient entre des principes tr s similaires il est n cessaire de pr ciser d abord le fonctionnement de l effet de rien selon Arasse Il explique com ment l exigence classiciste d une ut poesis pictura inversion du principe horatien a abouti une conception de l
86. a t te du photographe je parie qu il aura ton visage Amiti Pierre 95 micro ENTRETIEN change de mails R gis Jauffret r pond aux questions de Dominique Rabat Mots cl s Microfictions fait divers intentionalit fiction action pointillisme Le 11 10 2010 Cher R gis Jauffret Comme je te l ai expliqu Gu ret je dirige avec Pierre Schoentjes le premier num ro d une nouvelle revue en ligne internationale Le premier dossier que nous avons choisi y publier s intitule Micro Macro et s int resse la question des microfictions dans la litt rature aujourd hui A c t d tudes critiques cette revue entend faire une part importante aux changes avec les crivains Tu comprends donc pourquoi ton travail nous int resse particuli rement et je te remercie encore d avoir bien voulu accepter de r pondre quelques questions Deux de tes livres s imposent plus particuli rement notre attention Fragments de la vie des gens et Microfictions mais d autres participent sans doute du m me registre comme Univers univers Pour l un comme pour l autre la tension entre le pluriel du titre et le sous titre g n rique roman au singulier appara t centrale Un peu mais en inversant le sens de la relation comme Perec quand il avait caract ris La Vie mode d emploi comme romans au pluriel Au sens o il ne s agit pas du tout d une collection de textes brefs ou de nouvelles s p
87. act rise le h ros C est le panache blanc d Henri de Navarre ou la gorge trou e de Guillaume le Taciturne Pascal Quignard Albucius Paris P O L 1990 p 46 16 Pascal Quignard La nuit sexuelle Paris ditions J ai lu 2009 p 156 dor navant NS 17 Pascal Quignard Georges de La Tour Paris Galil e 2005 p 66 dor navant GLT 62 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 Pascal Quignard Albucius op cit p 12 Voir notamment Petits trait s I op cit p 32 Petits trait s II op cit p 220 p 354 La reprise r currente de cette expression de J r me constitue d ailleurs un bel exemple du fonctionnement du d tail citationnel comme il est expliqu dans Jean Louis Pautrot Pascal Quignard ou le fonds du monde Amsterdam Rodopi 2007 p 57 Le m me fragment figure aussi dans les Petits trait s IT op cit p 351 352 m me si pour rester dans la sph re du d tail la mention de Dieu la fin y a t omise Pascal Quignard Terrasse Rome Paris Gallimard 2005 lt Folio gt p 117 dor navant TR Pascal Quignard La fronti re Paris Gallimard 1993 lt Folio gt p 59 Un des dessins de Meaume figure une gal re noire sur l Arno entre le pont della Santa Trinit et le pont Alla Carraia Quatre rameurs se livrent des joutes nautiques TR 114 tandis que le narra teur biogr
88. aduis R gis Debray Vie et mort de l image Paris Gallimard 1992 p 374 Ces deux interpolations se rapportent deux chapitres de PNMT Cure Dur e Ind termin e p 51 54 et D sincarnation du gar on boucher p 85 87 L exercice auquel je me livre est d ailleurs au vu des titres cit s un peu redondant Jean Pierre Pernaut accomplissait chaque jour cette t che messianique consistant guider le t l spectateur terroris et stress vers les r gions idylliques d une campagne pr serv e o l homme vivait en harmonie avec la nature s accordait au rythme des saisons Michel Houellebecq La carte et le territoire Paris Flammarion 2010 p 234 John Fiske op cit p 293 308 Paul Beaud La soci t de connivence Paris Aubier 1984 p 282 Pierre Assouline De Montaigne Twitter l art du recyclage article en ligne sur http www le monde fr livres article 2010 11 18 de montaigne a twitter l art du recyclage_1441716_3260 html consult le 29 11 10 Paul Beaud op cit p 294 Jacques Ranci re Politique de la litt rature Paris Galil e 2007 p 12 Yves Citton Lire interpr ter actualiser Pourquoi les tudes litt raires Paris d Amsterdam 2007 p 146 147 Revue P riph ries entretien cit PNMT p 16 Lionel Ruffel op cit p 44 Jacques Ranci re op cit p 38 Au passage et pour faire bonne mesure avec le reste de ces notes l orientati
89. ail qui de cette fa on suspend le regard du spectateur signale l v nement originel et cr ateur dans un cadre uniquement esth tique En revanche dans le cas des petites sc nes blouissantes que Quignard rencontre dans le d tail de certains textes les enjeux sont v ritablement existentiels en fin de compte elles renvoient ces temps morts et perdus PTII 80 que sont le d but et la fin de l existence humaine Mais Quignard n est pas seulement le spectateur des sc nes de songeart villant il semble galement les peindre dans les minuscules sc nes de b atitude r cur rentes tant dans son uvre romanesque que dans ses textes plus r flexifs Il s agit de ces petits tableaux vus de l ext rieur qui comme l a remarqu Dominique Rabat constituent pour le lecteur un moment d arr t du temps d oubli de soi d extase comparable ce que ressentent les songearts villants de Chr tien de Troyes En tant que minuscules vanouissements temporels ils fascinent le lecteur et lui inspirent le r ve d une pure et impossible jouissance du pr sent Figurant souvent des sc nes d criture ou de lecture ils constituent des embl mes de l activit de Quignard lui m me et refl tent donc aussi le moment de la cr ation de l uvre d art La litt rature et l loignement des lettres Quignard pr cise toutefois que de telles sc nes de b atitude et de songeart vill
90. ait avec l insistance masochiste qu il met facilement dans la cr ation de ses personnages Ainsi que F ron ait vu un jour sa m re rentrer nue au logis et r pondre par des mots orduriers aux sarcasmes de ses poursuivants estampille le r cit d une image traumatique qui plane sur le comportement de F ron Pour le pr sent on comprend que le h ros n a trouv une stabilit personnelle qu au prix d une ritualisation forte de son existence au quotidien Rien ne lui arrive qui ne soit pr vu F ron parle ainsi de son emploi du temps qui s tait tabli de lui m me AE L petit petit fait d habitudes plut t que de n cessit s p 810 Clairement la manie guette cette existence myope tout gard Mais c est propos de l avenir que Simenon appuie le plus fortement sur la plume Sans craindre le clich il annonce la rencontre de son h ros avec le destin comme une affaire depuis longtemps entendue En somme lui qui a imagin nombre de ruptures entra nant des quinquag naires dans de tristes d rives nous alerte voici l histoire d une d viance qui emporte un homme jeune et sera pour lui b n fique F ron souligne d ailleurs que l arriv e de la guerre lui est un soulagement tant il se sent interpell par l v nement Or ce n est nullement la port e politique de ce dernier qui le requiert Je ne me suis jamais int ress la politique et je n y connais rien p 814 mais essenti
91. amoureux mettant dans leur relation fusionnelle beaucoup de d licatesse et d attention l autre Dans tous les cas l essentiel est que dans cette action deux tres se lib rent qui des titres diff rents furent les victimes d un enfermement d un c t la reprise de justice de l autre l ternel enfant de ch ur 3 c est dire celui qui non content de servir la messe s est toujours laiss coincer par la vie La collusion des deux n en est pas moins trange Mais la guerre produit ces situations paradoxales et ne voit on pas La Rochelle des soldats fran ais en d bandade mais encore arm s c toyer dans la rue les envahisseurs germaniques qui arrivent triomphants sur leurs chars Dans tous les cas un destin malicieux est l uvre qui pr side d un bout l autre l escapade de Marcel F ron Ironie du sort ou ironie tout court que celle qui jette un tre peu dou pour la vie dans les bras entre les jambes d une belle fugitive peut on voir Anna autrement que belle Pas mal en tout cas de la part d un Georges Simenon si peu port sur l humour l ordinaire Tant t roman insistant tant t claire pure Le Train est plus qu il n en a l air un r cit nigmatique Car qui est vraiment Anna Kupfer Juive et tch que au commencement et faisant partie d un r seau de r sistance la fin Mais pour le reste que faisait elle la prison de Namur quelle est sa v
92. ant sont rares dans la litt rature Tr s souvent celle ci s loigne consid rablement de l origine et de la mati re sonore du r el ce que l crivain explique par le biais d une petite citation extraite de l uvre de Lucr ce particuli rement int ressante en raison de sa dimension picturale La perspective de la litt rature serait en effet celle de la suavitas que le po te latin d finit comme le point de vue distant d o l on assiste aux v nements sans entendre ce qui se passe Il l illustre par des images de sc nes loign es au fond du champ visuel La suavitas est donc la cons quence sonore d un loignement dans l espace en tant que telle elle est caract ristique de la situation cr e par l criture qui touffe tout bruit sous le silence des atomes qui pleuvent dans l espace nocturne et les lettres muettes de l alphabet align es sur les paginae les sillons des volumen L auctor comme le lector n entendent pas crier ou aboyer les litterae La litteratura est le langage qui se s pare de laboi Telle est la suavitas HM 78 L exemple pictural que Quignard associe cette distance caract ristique de la situation de suavitas renvoie le lecteur aux peintures de Claude Gell e dit le Lorrain o on est toujours trop loin pour entendre et o les personnages sont perdus dans la lumi re Ils parlent vivement et nous n entendons que le silence et la lumi re qui tombe HM 83
93. aphe ne fait nulle part ailleurs tat d un s jour Florence Mais parmi les gravures de Callot on retrouve des sc nes semblables par exemple dans L ventail Selon la description du catalogue raisonn celle ci repr sente une f te ou joute sur l Arno donn e Florence le 25 juillet 1619 Cette joute a lieu entre la corporation des tisserands et celle des teinturiers La sc ne se passe entre deux ponts qui sont ainsi que les quais couverts d une multitude de personnages Dans le fond on voit la ville de Florence Description emprunt e http oeuvreclt free fr prof xml page consult e en octobre 2010 Voir par exemple L appr t du festin de Callot dans lequel on observe un homme qui d f que une femme qui accouche l gorgement de la volaille Tout comme Callot Meaume n utilise pas de couleurs TR 32 52 En outre le roman le cr dite d avoir eu recours le premier au vernis de luthier mais cette prouesse technique document e par Abraham Bosse doit en r alit tre attribu e Jacques Callot TR 123 Meaume ne serait pas seulement d origine lun villoise mais il aurait aussi tout comme le peintre perdu une grande partie de son uvre dans le feu Ensuite il se serait limit des gravures la mani re noire quivalentes des nuits dans la peinture tardive de La Tour TR 87 douard Meaume Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot Paris J Renouard 1860
94. ar es mais bien du m me projet d un ensemble con u pour former v ritablement un livre Pourrais tu me dire comment l id e de chacun de ces livres test venue et quoi ils r pondaient pour toi Avais tu des mod les ou des pr d cesseurs qui t ont guid Es tu toi m me amateur ou lecteur de microfictions chez d autres crivains Et en ce cas peux tu en donner une sorte de liste de r f rence La microfiction que tu pratiques dans ces livres en r duisant encore volontairement la taille de chaque texte dans le deuxi me me semble proposer une sorte de sc nario existentiel que ton texte pousse en tr s peu de place jusqu ses cons quences les plus extr mes Est ce que pour toi la vitesse du morceau implique pour ainsi dire cet effet de logique pouss e bout comme si tait interdit le d veloppement p ri ph rique ou la digression si ch re l art du roman Est ce parce que le sc nario des existences ordinaires des vies qui sont celles de n importe qui selon la formule de Microfictions est d une certaine fa on pr crit d avance Et l id e romantique si l on veut bien passer ce raccourci que nous serions les auteurs originaux de nos vies appartiendrait elle alors une poque r volue un espoir illusoire Car je suis frapp en te lisant du m lange tr s singulier entre la st r otypie des par cours de vie se r duisant des r les pr d termin s des rapports de
95. ar l inventivit technoscientifique l anticipation ou plus largement l hypoth se sp culative Ing niosit et vari t d brid e sont les deux l ments majeurs de la fortune de Brown en France comme en t moignent les accroches commerciales des recueils Que feriez vous si vous tiez le dernier homme vivant sur la Terre et si la der ni re survivante de notre plan te refusait de vous pouser Quelle serait votre attitude si votre chien tout coup vous adressait la parole Fredric Brown lui dans ces situations l n est jamais embarrass Mais ses solutions ont de quoi surprendre s La gageure est de taille mais il chevauche les difficult s avec un talent prodigieux Quel que soit le th me choisi il a un faible pour les machines traverser le Temps il reste fid le son raisonnement dont la logique rigou reuse d bouche toujours sur l improbable le plus inattendu La porte de son univers est ferm e quiconque est allergique l humour 4 Pince sans rire rabelaisien ou abominable selon les cas Brown a en outre la vertu rare de ne pas tirer sur dix pages une id e qui tient en dix lignes mais attention chaque texte est une bombe retardement un d fi votre perspi cacit Chacun de ces titres farfelus annonce un coup de poing mais impossible de pr voir o le poing va aboutir Rien ni le ton ni le sujet ne permet jamais de deviner avant la chute si l on est en train de lire une histoir
96. aracter sticas esenciales narratividad y brevedad aunque sta est acentuada al m ximo en el microrrelato En ambos todo depende de la intensidad narrativa de la imprescindible tensi n que debe estar en la sustancia misma del relato David Roas d Po ticas del microrrelato Madrid Arco Libros 2010 et David Lagmanovich El microrrelato hisp nico algunas reiteraciones dans Iberoamericana 2009 n 36 p 85 96 Pour la th se d un microrrelato transgen rico ou des generado cf Violeta Rojo El minicuento ese des generado Revista Interamericana de Bibliografia Inter American Review of Bibliography 46 nr 1 1996 p 39 47 David Lagmanovich op cit p 122 Ibid p 95 Rappelons que ces caract ristiques avaient t celles du roman tel que le concevait Friedrich Schlegel lorsqu il le d crit comme une progressive Universalpoesie Die romantische Poesie ist eine progressive Universalpoesie Ihre Bestimmung ist nicht blo alle getrennte Gattungen der Poesie wieder zu vereinigen und die Poesie mit der Philosophie und Rhetorik in Ber hrung zu setzen Sie will und soll auch Poesie und Prosa Genialit t und Kritik Kunstpoesie und Naturpoesie bald mischen bald verschmelzen die Poesie lebendig und gesellig und das Leben und die Gesellschaft poetisch machen Nur sie kann gleich dem Epos ein Spiegel der ganzen umgebenden Welt ein Bild des Zeitalters werden Und doch kann auch sie am meis
97. ation m me contrari du grand roman europ en l on est frapp en effet par la multiplication r cente des fictions courtes des microfictions Si les flash fictions ainsi que les appellent volontiers les Anglo Saxons connaissent une tradition ancienne la pratique a re u une impulsion nouvelle du fait des possibilit s offertes par Internet que multiplient encore les nouvelles formes de r seaux sociaux ou l utilisation des t l phones portables Le champ qu elles occupent aujourd hui est vaste puisqu il va de l humour la science fiction et il appara t travers de tensions fortes entre intuition et intellectualisme C est un tour d horizon critique et cr atif des raisons et des figures de cette attraction pour la fiction minuscule microscopique que nous invitons donc Pour citer cette contribution Dominique Rabat Pierre Schoentjes Micro scopies in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications nol rabate schoentjes_ fr html gt Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies Le temps qu il fait l incipit de L homme sans qualit s Robert Musil crit On signalait une d pression au dessus de l Atlantique elle se d pla ait d est en ouest en direction d un anticyclone situ au dessus de la Russie et ne manifes tait encore aucune tendance l viter ve
98. ca del siglo XXI y permite entender la transici n entre una creaci n fragmentaria moderna propia de la escritura sobre papel y una escritura fractal posmoderna propia de la pantalla electr nica Tal vez la est tica del fragmento aut nomo y recombinable a voluntad es la cifra est tica del presente en oposici n a la est tica moderna del detalle La fractalidad ocupa el lugar de fragmento y del detalle ah donde el concepto mismo de totalidad es cada vez m s inabarcable O Calabrese Lauro Zavala La minificci n bajo el microscopio op cit p 11 68 Cf galement Yvette S nchez Nano philologie fraktale Miniaturisierung dans Ottmar Ette d Nanophilologie Literarische Kurz und K rzestformen in der Romania T bingen Max Niemeyer Verlag 2008 p 9 19 idem Nanofilolog a Miniaturizaci n fractal dans Iberoamericana Madrid Iberoamericana Vervuert 36 2009 p 143 152 Cf David Lagmanovich El microrrelato Teor a y historia Palencia Monoscuarto Ediciones 2006 p 30 31 Pour Lagmanovich le microrrelato west rien de plus qu un l ment d une continuit de formes narratives El microrrelato forma parte de un continuum que abarcar a de mayor a menor el ciclo novel stico la novela la nouvelle novela corta el cuento y el microrrelato mismo Tal es la escala b scia de la narratividad Cf galement En conclusi n el cuento y el microrrelato tambi n comparten las mismas c
99. chapp j aurais mieux fait de respirer par le nez la bouche tu louvres a sort a fuse m excuse m excuse ne voulais pas si j avais su j aurais mis un b illon dessus du scotch douze ans d ge et d j des bavardages d ivrogne les politesses d usage la rogne tout le secret vent ces tirades ma parole l Iliade et l Odyss e chaque jour que dieu fait il fallait la fermer m cher de la colle pas celle aux amandes on en redemande du sparadrap vite l il y a une plaie a s coule sans discontinuer toutes les poules sont caqueter et le coq est le premier d s l aurore donner de la voix ce fat je le renie et retire tout le dire qui que quoi de surcro t je n en savais rien je peux bien l avouer je parlais comme on s te une dent comme on saute en parachute oh maintenant chut en esp rant ne pas m empaler sur un clocher ni me casser le nez sur un rocher c est arriv alors des plaintes d enrhum chuintent contus les mots confus v a e que v a e trouvent une issue comment faire pour se d dire d s lors pour se taire amen le silence est une pomme d or une golden les dents dedans Textes et photos ric Chevillard 107 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie Triptyque autofictif Photos ric Chevillard 108 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen RE LIRE Anna Kupfer et les limites du roman moyen Jacques Dubois relit Simenon
100. che d un degr z ro de l criture qui justement avait pris son point de d part dans la recherche d une forme litt raire et de la morale de la forme 1 recherche que continue en quelque sorte sa propre pratique microtextuelle partir du milieu des ann es 70 Quand on essaye de retracer ce parcours la recherche des figures de pens e qui lui servent conceptualiser la relation entre des l ments textuels premi re vue contingents il est int ressant d observer comment Roland Barthes oscille entre des approches extra et intralitt raires C est ainsi qu il conf re dans un premier temps l criture courte et fragment e la t che d une critique de l id ologie dominante et de ses formes d articulation l attribution d une dimension pragmatique au texte serait donc susceptible d assurer l unit sinon formelle du moins fonctionelle du ou des fragments textuels C est dans ce sens que dans Vingt mots cl s pour Roland Barthes 1975 il fait l loge de la syst matisation du go t de la forme courte pour d con struire la dissertation et le discours 5 C est dans le m me sens que dans La derni re des solitudes il parle d une esth tique de la bri vet d une d centration du sens 16 laquelle correspondrait au niveau de la lecture le go t de la lecture discontinue 7 Face la pr tendue cl ture id ologique du texte dogmatique Barthes pr conise l id e de la potentia
101. chimiedesmultitudes atelier fr chapitreo htm Louis Dandrel entretien pour l inauguration de la webradio R sonances de l universit de Limoges sept 2010 disponible en baladodiffusion sur le site R sonances URL oct 2010 http www resonances unilim fr spip php article16 amp id_ rubrique 2 Every Day Fiction URL oct 2010 http www everydayfiction com Projet 5 seconds films depuis 2008 USA URL oct 2010 http vimeo com fivesecondfilms Voir si l on y tient deux nouvelles en ligne sur le site du Prix P pin 2009 le Prix Sp cial Sauce qui peut http prix pepin monsite orange fr page2 index html et surtout le n 23 M phitique ttp prix pepin monsite orange fr page7 index html 40 La m tamorphose R sum Le dernier livre de Pierre Senges tudes de silhouettes propose 92 micro fictions qui sont toutes inspir es de lignes parses laiss es par Franz Kafka dans ses carnets Ces phrases amorces de brouillons forment autant d incipit pour les histoires d velopp es dans ce livre Cet article propose une analyse de diff rentes modalit s de narrations utilis es en particulier le cas singulier de textes o un narrateur entre en dialogue avec l incipit commentant le texte mesure qu il l crit Abstract Pierre Senges last book tudes de silhouettes offers 92 microfictions all of which are inspired by short lines scattered in Franz Kafka s notebooks These
102. climax le d coupage de la salade de tomates cho lointain n en doutons pas du quartier de tomates des Gommes Tout cela r p tition forc e des vieux refrains vieilles figures vieux encha nements du vieux programme que pr sentaient d j nos anc tres LCD 10 Pour tenter de casser la r p tition la langue morte du st r otype Chevillard pratique une prise la lettre du langage donnons en un seul exemple On aurait entendu une mouche voler bien s r laquelle ne laisse pas s exprimer ceux qui vivent sous son toit la plume d un chroniqueur dramatique tracer le mot four puis grincer son fauteuil et son pas r sonner dans l all e il ouvrait la bouche pour r clamer son vestiaire lorsque Zeller LCD 26 L op ration on le voit est double apr s l apparition attendue de la mouche emprisonn e dans les parenth ses apparition inattendue d un autre comparant la plume du chroniqueur puis le chroniqueur lui m me lequel tout 72 Anne Roche R veur rageur coup prend vie devient un personnage et pourrait m me prendre la parole quand l auteur d cide d en revenir au r cit premier et voil une m talepse de la plus belle eau Comme le note Olivier Bessard Banquy Le travail du clich est bien au fondement du travail po tique de Chevillard car le st r otype dans son esprit est bien plus qu un truisme c est un v ritable corset qui emp che l imaginaire de se d ployer c e
103. contemporaine fran aise et internationale on en vient vite voquer la distinction entre roman et microfiction la forme totalisatrice du roman constituant l un des p les de cette opposition la microfiction forme discontinue tant situ e ses antipodes Cette dichotomie invite r fl chir sur la mani re de penser la relation dia ou synchronique entre micro et macro microfiction et roman D aucuns vont jusqu postuler une succession des genres litt raires en question l re postmoderne ayant eu raison des grands r cits la microfiction se serait substitu e au roman moderne et selon l avis de certains m me postmoderne dont elle aurait pris la place au sein d une hi rarchie des genres litt raires r flexion qui appara t comme l cho lointain d une po tique d avant garde d une esth tique de rupture Une deuxi me figure d interpr tation essaye de projeter cette relation l int rieur de la seule histoire du roman et nous parle de son volution vers sa fragmentation voire son fractionnement d niant par l la microfiction son statut de genre litt raire autonome Tr s nombreux sont en effet les travaux qui traitent de la fragmentarisation de la discontinuit progressive voire de la contingence des formes lementaires du roman contemporain sans pour autant Pour citer cette contribution Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise con temporaine i
104. contraire l tirement mortif re du quotidien ainsi l invention des engrenages qui d composent geste par geste nos actions les plus routini res les ralentissent et parfois m me c est pr vu ils coincent ils calent ils se grippent Ainsi cahin caha atteignons nous le soir C 72 Ce n est pas le chronom trage fordien de l industrie mais c en est l envers dialec tique tuer le temps pour viter de regarder en face le vide de sa vie D j le rose est mang par les ombres C 203 Le lecteur malgr la pirouette finale du roman a du mal rire et sans doute est ce le propos de notre rageur La haine de ce qui existe d j pr sente dans Le caoutchouc d cid ment 1992 s est elle aggrav e dans ce dernier texte ou est ce notre lecture qui sensible d abord la fantaisie ludique des romans s avise de plus en plus de leur ostinato de t n bres Seul l auteur peut tre pourrait r pondre Mais cette rage envers les souffrances de l humanit n est pas exempte de compassion bien au contraire On peut dire de Chevillard ce que lui m me dit de Beckett dont la compassion n est surtout pas une esp ce de connivence mis rabiliste avec l homme pitoyable ou souffrant Elle est au contraire un consentement plein de noblesse et d ironie l irr m diable 2 Ce constat de l irr m diable appelle deux r ponses l une symbolique l autre qui voudrait bien ne pas tre que s
105. d un recueil de contes japonais et bien qu ils se diff rencient de ceux de Pag s par l extr me anachronisme des sujets portraitis s pr sentent galement une galerie de personnages historiques ou issus de contes et la tendance num ration est galement tr s pr sente dans ce d fil d apories Pascal Quignard Portraits crach s pr face Histoires d amour du temps jadis Dominique Lavigne Kurihara trad Arles Eds Philippe Picquier 1998 p 23 7 Pour Quignard le fragment est un objet rare dans la litt rature parce qu il fait presque toujours l objet d une laboration concert e alors que la plus pr cieuse de ses caract ristiques serait d tre grossier au sens mat riel du terme Dans les meilleures pages fragmentaires on chercherait avec avidit quelque chose qui serait non seulement cass mais qui aussi serait cassant Une g ne technique l gard du fragment Montpellier Fata Morgana 1986 p 60 8 Chez La Rochefoucauld l art de la maxime est le plus strict et obs d d une coh rence profonde Ibid p 15 9 Yves Pag s Le th oriste Paris Verticales 2001 p 133 10 Ibid p 141 u Ibid p 143 12 Ibid p 16 13 Ibid p 16 17 14 On peut penser au magasin d antiquit de Mme Marcia parmi d autres descriptions ou pisodes de La Vie mode d emploi Paris Hachette 1978 lt Livre de poche gt p 136 139 15 Par exemple dans Les
106. d une bri vet extr me et l on cite souvent les vers de Mattina d Ungaretti M illumino d immenso Je m illumine d immense C l bres sont aussi El Dinosaurio Le Dinosaure de l crivain guat malt que Augusto Monterroso Cuando despert el dinosaurio todav a estaba all Quand il se r veilla le dinosaure tait encore l et L migrant El Emigrante du Mexicain Luis Felipe Lomel Olvida usted algo iOjal Oubliez vous quelque chose J esp re bien que oui L autofictif le blog de Chevillard propose un grand nombre de fictions d une bri vet extr me ainsi tout r cemment Houellebecq du toucan qui fait tout ce boucan qui raconte la rentr e litt raire 2010 dans un univers th matique et formel imm diatement reconnaissable comme tant celui de l auteur du H risson Dans chacun de ces exemples l on constate qu travers les jeux formels et ou sonores la langue tient une place centrale La bri vet peut sans doute aller plus loin encore Gabriel Za d avance dans Le secret de la renomm e qu on pourrait m me dire qu il existe des tissus conceptuels textes cr s par un seul mot cologie Haeckel en 1869 eug nisme Galton en 1883 g nocide Lemkin 1944 cybern tique Wiener en 1948 2 Ces mots ne sont sans doute pas des fictions mais ils racontent incontestablement une histoire chaque fois lourde de sens La langue
107. d passait de loin tout ce qu il avait pu imaginer En laissant le lecteur imaginer ici un Flaubert sensible l harmonie de la vie du couple et sinc rement touch par ce d c s sentiments qui peuvent passer pour con ventionnels Davis pince sans rire double Flaubert comme crivain impassible chez qui ironie et sinc rit restent en suspens jusqu ce que le lecteur se d cide en faveur de l une ou l autre alternative La microfiction embraye sur un univers familier Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies au plus grand nombre de sorte que l histoire ne s arr te pas au bout des 196 mots mais s ouvre sur tous les possibles qu inspire la connaissance de Mme Bovary Le pli et le court circuit Dans la microfiction un double mouvement paradoxal semble souvent l uvre comme le r v le aussi Pouchet s wife Quelque chose se referme aussit t inter disant le d veloppement le frappant du sceau d une banalit connue d avance Le code activ par le lecteur en m me temps qu il lit joue plein r gime pour remplir les blancs du texte pour les saturer presque par avance La vitesse fonctionne gr ce cette complicit qui est l une des forces de la microfiction quand elle r ussit Au lieu du roman attendu au lieu d en faire toute une histoire comme dit si bien la langue commune une sorte de politesse retenue acc l re tout le d roulement pr visible Jusqu la chute qui
108. d veloppement romanesque et met en question la synth se causale et temporelle qui le caract rise en le soumettant une combinatoire dont l articulation n est pas n cessairement transparente Le micror cit semble tre pris entre le postulat d une coh rence minimale indispensable toute narration et la contiguit de fragments textuels et r flexifs pars sans que cette dia lectique puisse tre n cessairement synth tis e comme ont tent de faire les mod les d histoire litt raire pr sent s ci dessus La pluralit du texte consid r e dans un premier temps comme une simple m taphore pour d signer la polys mie du texte litt raire d terminant les processus de sa r ception paradoxale comme unit litt raire est devenue ensuite une cat gorie de sa structure interne fractionn e en une multitude d l ments textuels dont la coh rence a t syst matiquement d sint gr e Transformant le texte lisible en un texte scriptible de la litt rature en criture du roman en texte puis en romanesque Roland Barthes cette pluralit du texte en est venue aujourd hui pr senter une r alit tangible Le d fi que doivent relever tant la pratique que la th orie litt raire c est Carpentari Messina qui en a eu l intuition Il est apparu clairement qu on ne peut enfermer la bri vet ni dans un genre ni dans une forme Une fois arriv ce point qu on peut mais qu on ne doit pas partager ce serait n
109. dt Pascal Quignard et le bruissement du d tail l avons d j signal repr sentent le mode m me de la repr sentation et qui d masquent la mimesis picturale en la portant son comble De toute fa on elle est un motif r current dans la peinture l poque de La Tour avec un statut polys mique qui va du trompe l il r aliste au memento mori LD 82 C est dans cette derni re qualit qu elle appara t aussi Meaume le graveur protagoniste de Terrasse Rome dans une v ritable minuscule sc ne de b atitude Meaume agonisant entame une conversation avec une mouche qui comme si elle sortait tout droit d une toile de son contemporain La Tour se pose sur le bord de son assiette et souligne qu elle est r elle et vivante contrairement l homme fant me face elle au seuil de la mort Les paysages vides de Geoffroy Meaume En g n ral tous les aspects d loignement et de rapprochement de d tail ou d absence de d tail de lumi re et d obscurit qui jusqu ici ont t mis en lumi re dans des textes essentiellement r flexifs sont galement tr s pr sents au sein du contexte romanesque de Terrasse Rome Encore une fois l criture de Quignard y omet premi re vue les d tails tant dans la narration qui raconte de fa on discontinue et fragmentaire la vie du graveur Geoffroy Meaume que dans les nombreuses descriptions de ses dessins et gravures En effet les objets les person
110. e rire ou frissonner s La r ception de Brown en France co ncide peu de choses pr s avec le succ s de Jacques Sternberg 1923 2006 dans le m me cr neau une science fiction humoris tique satirique recourant la courte nouvelle une trois pages On trouve m me d s le premier recueil Entre deux mondes incertains 1957 une succession de trois listes de micronouvelles intitul es Contes brefs Contes tr s brefs et Contes encore assez brefs 6 Sternberg reconna tra d ailleurs Brown beaucoup plus tard comme l une de ses idoles 7 Le bon accueil du public lui fera retrouver cette veine concurrente de ses romans exp rimentaux apr s les checs de ces derniers en librairie L ensemble trace son profil de nouvelliste avec des recueils comme Futurs sans avenir 1971 Contes glac s 1974 ou 188 contes r gler 1988 Et c est finalement par ce biais qu il d veloppe la dimension essayiste voire pamphl taire qui compl te sa bibliographie avec par exemple Lettre ouverte aux Terriens 1974 Cela se comprend ais ment l art de la chute ici encore donne au r cit le mordant de l pigramme l ambigu t du paradoxe et accentue sa pensivit Le terme de contes choisi par Sternberg signale d ailleurs son attachement la tradition de l apologue ou l exemplum philosophique bien plus qu la science fiction dont il indiquera explicitement avoir fait un support une
111. e textuel se met en place qui ne s apparente ni la po sie ni au po me en prose mais une approximation de la narration toujours renouvel e et toujours d ue Dans Jours le jour un texte qui fait alterner des morceaux textuels d une demi page portant pour titres des indications topographiques Entr e passage du Ponceau rue des Solitaires galerie du Caire Cit Berg re etc ce rythme na t du choix de cer tains titres d signant des connexions la fois topographiques et m tatextuelles Passage Trajets Ensemble Vue cavali re etc Deux livres plus r cents sont d une facture nettement plus radicale Calendrier des po tes 2001 et Calendrier des f tes nationales 2003 compos s de textes extr mement courts parfois de moins d une ligne forment un calendrier dont le caract re monumental potentialise aussi bien la fonction m morielle que la fonction narrative du texte c est dire des microtextes qui le constituent Et l on pourrait se demander si la dimension microfictionnelle la tension entre micror cit et roman ne se radicalise pas dans le cas de l Oulipo si l on consid rait la simple contrainte c est dire la r gle de production textuelle selon l Oulipo comme une esp ce de micror cit cf par exemple le texte de Raymond Queneau Un conte votre fa on de l ann e 1967 ou les nombreuses contraintes que l on trouve sur le site de l Oulipo oulipo net Et n est ce pas galem
112. e et banale Sortant de la narration ou touchant volontairement ses limites la microfiction se rapproche de ce qu avait pu tenter Henri Michaux savoir l essai extr mement rapide et provisoire d une autre forme aussit t abandonn e pour une autre exp ri mentation Un essai o le figural prime sans doute sur la constitution imaginaire d une identit Pour reprendre la suggestion de Laurent Jenny propos de Michaux justement s indique alors une limite o les figurations du Moi comptent plus que les fictions du Moi Avec la carte blanche donn e et qu il a accept e tr s g n reusement pour cette premi re parution de la revue ric Chevillard c est sans doute cette limite que nous touchons c est un moment de rencontre tangentielle entre la bri vet du po me et la contraction du narratif que nous invite alors le micro Dominique Rabat et Pierre Schoentjes Universit de Paris I Ghent University Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies NOTES 1 2 3 4 Robert Musil L homme sans qualit s trad Ph Jaccottet Paris Seuil 1965 t I p 9 Gabriel Za d Le secret de la renomm e trad Chr Defoin Paris Les Belles Lettres 2009 p 151 Andr Jolles Formes br ves trad A M Buguet Paris Seuil 1972 1930 p 211 Gabriel Za d Le secret de la renomm e trad Chr Defoin Paris Les Belles Lettres 2009 p 155 Des crabes des anges et des monstres i
113. e intime ce qu elle n est pas toujours et chaque d tail tr s pr cis prend place dans un univers fumeux Sans doute au nom de cette myopie je me suis approch de ces figurines en me les imaginant aussi petites qu elles devaient tre gliss es dans les paquets En collant mon nez dessus je me suis souvenu du livre de Daniel Arasse intitul Le D tail et qui se pr sente comme une histoire myope de la peinture Arasse distingue l iconique du pictural savoir l image elle m me reconnue pour ce qu elle repr sente un portrait par exemple et la peinture comme geste ou comme mat riau la couleur tal e sur la toile C est encore une affaire de distance mesure qu on s approche d une toile l iconique c de la place au pictural et ce qu on prenait pour un reflet dans l il d un brave type la Rembrandt est une touche de blanc dans une touche de noir Il y a peut tre quelque chose de cet ordre dans la volont na ve de s approcher de ces figures afin de se d faire des premi res impressions Alger Oran les ann es 30 les manufactures les cigarettiers une masculinit de caserne et de fumoir l orienta lisme les colonies les associations d id es qu on ne peut s emp cher de faire entre ces vignettes triviales et le grand art des mus es depuis la V nus de Titien En s approchant davantage en s approchant un peu trop d une certaine mani re on s attend voir cette V nus
114. e m taphores d analogies douteuses de confrontations comiques de coq l ne fa on Robert Walser Ce que j ai souhait voquer dans le Lichtenberg c est bien videmment cette facult naturelle humaine d tablir spontan ment des liens y compris l o ils ne se trouvent pas selon quoi l interpr tation jusqu au d lire parano aque est dans notre nature L image des visc res appliqu s un court de tennis convient bien dans ces circonstances elle fait le lien entre l organique et le g om trique d plie absurdement ce qui tait pli pour en chercher un sens et recycle l ancienne id e de corps humain consid r comme un microcosme Nous nous tenons mi chemin entre d un c t le constat de nos limites de nos ignorances de notre pr sence partielle dans un monde qui se dissimule d un autre c t le d sir d en savoir un peu plus ou d atteindre comme un mystique une connaissance absolue Ce d sir rend l criture et le livre leur tour d sirables Cette immensit et le constat de l troitesse particuli re de notre point de vue me fait penser au vertige de De Quincey dans la biblioth que face au nombre des livres ce vertige Szentkuthy encore lui r pond qu il a toujours voulu tout voir tout lire tout avaler L criture toujours morcel e se tient peut tre quelque part entre l ignorance na ve et la connaissance mystique Je te laisse avec cette pigraphe
115. e portraits et un registre tonal allant du path tique d chirant au cynisme le plus abject les Microfictions de R gis Jauffret semblent organiser la liquidation de l unit dans la d couverte du caract re non seulement fugace et fragile mais avant tout arbitraire de notre tre au monde arriv ce point ni la morale ni la loi ne r sistent l ordre de la rationalit lib rale ni le moi ni la communaut ne survivent la d flagration du r cit l atomisation des univers de lunivers et l autonomisation d un je ici maintenant autarcique et indiff rent propre la parole des ali n s que nous sommes Peu importe que je sois n Blanc en 1976 J aurais pu na tre Peau Rouge en 1804 jaune prostitu sous la dynastie des Ming dans un bordel de P kin ou Noir dans un zoo humain au d but du XXe si cle La roulette des races des sexes et du temps nous a distribu s au hasard On ne peut pas demander des num ros tir s au sort d tre solidaires les uns des autres ou d prouver de la compassion pour les chiffres les plus faibles Je suis ma seule patrie MF 300 Alexandre Gefen Universit de Bordeaux 68 Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui y les Microfictions de R gis Jauffret NOTES 1 Oa A O N 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 H di Kaddour Waltenberg Paris Gallimard 2005 Maylis de Kerangal Naissance d un pont Paris Verticales
116. elle elle m me qui se consume pour produire de la lumi re Telle est l extraordinaire le on de t n bres de cette derni re page de Georges de La Tour Plus on s approche du feu plus on contemple qu il se r sume la quantit de mati re qui vient manquer dans la flamme Ce qui fait la flamme plus br lante est ce qui devient davantage rien en elle C est ce plus rien qui crie dans le cr pitement C est ce plus rien qui est blanc au c ur des flammes et dont on ne peut approcher le visage sans hurler de douleur C est Dieu GLT 71 2 Pour Quignard le bon dieu n est pas dans le d tail Dieu est le rien m me c est la m taphysique du n ant laquelle conclut Georges de La Tour Encore une fois le fait de se rapprocher et l image d un rien qui repose au c ur m me du visible se font donc l cho existentiel des principes esth tiques et critiques qu Arasse a tudi s dans l histoire du d tail en peinture Mais l aussi la mouche de La Tour n est pas un simple petit d tail anodin elle constitue galement un bel exemple de la difficult d interpr tation qui est inh rente au d tail Il est en effet impossible de d cider si elle s est pos e dans l espace fictif de la toile sur l instrument du vielleur ou si elle a t fictivement plac e sur la toile LD 144 Dans le dernier cas la mouche fonctionne comme un de ces d tails embl mes qui nous 58 Irina De Her
117. ellement une signification bien plus large que l on qualifierait presque d anthropologique Je n tais plus Marcel F ron marchand d appareils de radio dans un quartier presque neuf de Fumal non loin de la Meuse mais un homme parmi des millions que des forces sup rieures allaient ballotter leur gr p 818 En fait avec ce qu il a de signal tique le chapitre premier du Train vaut comme protocole de lecture auquel il ne sera plus trop utile de revenir par la suite Le lecteur sait o il va m me s il ignore par o il s y rendra Une derni re indication pr liminaire va tout de m me montrer la voie Elle se glisse au chapitre II avec une discr tion pareille celle du personnage voqu Des resquilleurs n en sont pas moins parvenus se glisser contre voie entre autres une jeune femme aux cheveux sombres la robe noire couverte de poussi re qui ne portait aucun bagage et n avait m me pas de sac main p 828 Silhouette sombre anonymat pas de sac pas de papiers intrusion abusive la figure m me d une envoy e du destin Anna Kupfer vient d entrer en sc ne Nous 112 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen tarderons savoir qui elle est et d ailleurs ne le saurons jamais vraiment En revanche elle se fera tr s vite la m diatrice du d sir et de la volupt D s lors le r cit aura trouv son rythme et son allure pour pr
118. embl mes qui disloquent le tableau et suspendent le regard sous le signe du paradoxe LD 146 Sur le plan de la peinture le mode du paradoxe se manifeste galement dans le lien entre le d tail et l interpr tation tout en invitant le spectateur l interpr tation le d tail la fois fascinant et incertain a aussi tendance le r duire au silence La m me remarque vaut pour les d tails mis en lumi re par le chandelier Quignard dans sa recherche de l origine M me s il faut essayer de la reconstituer grain grain au travers des tamis NS 15 elle demeure en fin de compte toujours une nigme c est dire ce qu on laisse entendre sans le dire GLT 31 et qui caract rise aussi la peinture de Georges de La Tour ou d autres artistes Nous ne pouvons voir ni savoir ce que la servante dissimul e derri re la V nus d Urbin et la Dame sa toilette petit d tail au fond de la toile aper oit dans le coffre mais comme toujours le plaisir de la recherche compense la distance et l ignorance Irina De Herdt Ghent University Ph D fellowship FWO Flanders NOTES 1 Cf Une g ne technique l gard du fragment Paris Galil e 2005 2 Noami Schor Reading in Detail Aesthetics and the Feminine New York Methuen Press 1987 3 Daniel Arasse Le d tail Pour une histoire rapproch e de la peinture Paris Flammarion 1992 dor navant LD 4 Pascal Quignard Pr face S n que le P re
119. endre visible l existence de certains corps parlants qui demandent tre compt s parmi nous mais se trouvent en r alit exclus de ce compte par la syntaxe dominante C est bien d une antaxe ou d une syntaxe n gative que rel ve le geste politique tel que le th orise Jacques Ranci re s3 Il s agit donc de restituer au langage son pouvoir de critique et de cr ation sociales N anmoins le geste de reconfiguration que proposent Ranci re et Citton laisse entre voir un syst me fond sur une dialectique impliquant ordre transgression de cet ordre et imposition d un ordre neuf qui peut ne pas convaincre surtout lorsque le discours li la reconfiguration du social passe par le langage st r otyp de la gauche prol tarienne dont Pag s malgr le versant politique de gauche auquel ses textes l affilient dit se distancier la question Vous d finiriez vous comme un militant il r pond Ah non surtout pas Bien s r je connais des mots d ordre plus sympathiques que d autres mais comme disait Deleuze ce sont quand m me des mots d ordre ce qui pose un petit probl me Pag s propose une alternative ce mouvement de syntaxe vs antaxe une alternative dans l esprit de laquelle le terme d j entrevu dans une pr c dente citation de postmoderne peut s av rer pertinent s il s agit de se d sengager d une orni re dialectique il fournit au discours social u
120. endre la forme d une pure narrant une double exp rience ferroviaire et rotique Au long de cette pure le malheur n aura pas sa place en d pit des m faits sporadiques de la guerre qui accompagnent le cheminement chaotique du convoi Avec Anna envoy e d un ciel pourtant gros de menaces Marcel F ron prend pour la premi re fois de sa vie des vacances Elles sont printani res impr vues presque touristiques Elles suivent la courbe croissante d une euphorie amoureuse que rien ne semblerait devoir arr ter Cette courbe s origine dans le moment de gr ce du chapitre III au cours duquel Anna et Marcel sont l un l autre Comme sont simples les gestes de l amour sur la paille d un wagon bestiaux Gestes d autant plus naturels que d autres telle cette Julie juste c t d eux accomplissent les m mes actes dans un unisson d nique Contre mon corps moi un corps de femme se pressait tendu vibrant une main glissait pour relever la robe faire descendre la culotte jusqu aux pieds qui s en d barrassaient d un dr le de mouvement La respiration de Julie devenait plus haletante l instant o Anna m aidait s installer en elle o je me trouvai brusquement p 857 La machine libidinale est lanc e qui de gare en gare et de chapitre en chapitre va fonctionner uniment Au long de leur errance Marcel et Anna s abandonneront la pure effervescence du pr sent Ils sauront videmm
121. eneurs de l vriers au grand air stagiaires tous les tages recycleurs de d chets valorisables 16 La forme de ces syntagmes est extr mement travaill e en t moigne l extr me richesse stylistique des figures et des jeux de mots qu ils occasionnent ou qu ils constituent en particulier le zeugme billettistes d expositions temporaires la synecdoque photographes jetables ou l hypallage afficheurs sauvages de publi cit qui jouent syst matiquement sur le raccourci que permettent les sens variables des mots et permettent ainsi une contraction extr me du propos esquissant avec la plus grande conomie le r cit de destins entiers La convocation ante portas des personnages par la liste est un proc d que l on pourrait qualifier de th tral ou plus pr cis ment de didascalique pourtant la liste ne fait pas ici partie du p ritexte m me si elle pr pare le lecteur un mode particulier d appr hension du texte en un jeu sur la forme p ritextuelle PC s ouvre ainsi Pri re d ins rer ces sans dialogue fixe omis de la premi re heure caract res jamais imprim s 7 Le pri re d ins rer l origine destin aux seuls critiques litt raires qui l on demandait de faire une place dans leurs colonnes aux livres dans lesquels il tait gliss se charge du sens suppl mentaire que le qualificatif de social am ne au terme insertion voire se fait effectivement pri re
122. ens qu on pourrait lire ses textes suivants depuis L Empire des signes 1970 en passant par Roland Barthes par Roland Barthes 1975 Fragments d un discours amoureux 1977 et la s rie de textes voqu s ci dessus Le point de d part de cette recherche r side nous l avons vu dans une figure dialectique qui voudrait inscrire la tierce forme dans la continuit de l histoire litt raire dont le roman On verra quelles difficult s entra ne un point de vue pareil Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine Dans son cours dont la conf rence sur Proust constitue une esp ce d introduction Barthes retrace la voie qu emprunte le roman entre d sint gration et r int gration potentielle travers de nombreuses stations de l histoire litt raire dont je n aimerais relever que deux exemples la tradition japonaise du Ha ku dont il a d j t question ainsi que la vision mallarm enne d un livre absolu repr sentent les deux p les de son argumentation Le Ha ku constitue pour Roland Barthes une esp ce de microtexte Ha ku forme exemplaire de la Notation du Pr sent acte minimal d nonciation forme ultra br ve atome de phrase qui note marque cerne glorifie dote d une fama un l ment t nu de la vie r elle pr sente concomitante PR 47 Le Ha ku comme forme litt raire de l ph m re est aux yeux de Barthes anti all gorique proche des discours du
123. ent que l piphanie d une rencontre aussi al atoire que la leur ne sera que suspens dans le cours de leurs vies Il n emp che qu elle a pour eux tout son prix lui donnant son amour Anna sent bien qu elle aide Marcel racheter son existence qui n avait t jusque l que d ception morne Il en va ainsi dans tous les romans de Simenon qui repr sentent des h ros en d viance Une vie m diocre s y d passe dans un d pouillement de soi Toutefois le r sultat est rarement heureux comme il vient d tre rappel Ainsi dans L Homme qui regardait passer les trains le brave Kees Popinga apr s avoir r ussi rompre avec sa vie de bourgeois m diocre en prenant lui aussi un train ne tire aucun bonheur du lien qu il noue avec une prostitu e de rencontre Il se perd dans l aventure et se retrouve en fin de course dans un asile Le F ron du Train conduit bien autrement son exp rience r demptrice Il r ussit pour sa part transfigurer avec le soutien d Anna sa d viance en grand moment de bonheur Comme pour nier la honte d une m re bafou e la fin de la guerre 14 18 il fait de cette guerre ci une aventure quasi glorieuse Comme pour racheter son emprisonnement en sana il se livre la joie des corps Comme pour oublier l obsession de sa myopie il se remplit les yeux des paysages d couverts Par avance il sait que ces exploits ne lui procu reront qu une lib ration passag re Mais ils ont
124. ent sur l cran Je me disais que peu de gens auraient la patience de le lire en entier et que m me en ne lisant que quelques histoires les journalistes pourraient en parler Cela je me le suis dit apr s l avoir termin Je me suis dit aussi que finalement ce serait assez pratique pour lire dans le m tro une fiction par station J ai surtout un souvenir de d tente de facilit de plaisir pouvoir raconter tout ce qui me passait par la t te sans avoir des d boires au niveau de la construction comme dans un roman C tait un peu comme tenir un journal On peut tre s r de tenir la route sans quitter la courbe Aucun probl me d quilibre en perspective on surfe sur la poudreuse En fait l criture ne me pose jamais beaucoup de probl mes C est la vie quotidienne qui west p nible et muse L criture je sais que je finirai toujours par en venir bout 98 ENTRETIEN R gis Jauffret Dominique Rabat m me jour suite En r alit quand j crivais ce livre j avais l impression que chaque histoire faisait entrer plusieurs personnages qui gonflaient la foule c est dire le livre tout entier qui devenait une foule C est la raison pour laquelle j ai crit Roman sur la couverture et non nouvelles Il s agissait vraiment d un ensemble d un roman d une histoire compl te constitu e de fragments comme certaines toiles de points ou de touches de pinceau de couleur Le 22 12 2010 Avec Mic
125. ent une esp ce d all gorie du micro r cit que la publication de textes oulipiens qui mettent en sc ne pour ainsi dire le fait de renoncer la litt rature Je pense ici aux textes de Marcel B nabou Pourquoi je n ai crit aucun de mes livres Paris Hachette 1986 Jette ce livre avant qu il ne soit trop tard Paris Seghers 1992 Nous avons vu que le microtexte fait souvent partie d une constellation interm diale 7 c tait d j le cas dans certains des textes de Roland Barthes L exemple des papiers de verre de Herv Le Tellier nous parle peut tre le mieux de cette strat gie textuelle et nous permet peut tre aussi de noter la fin de notre r flexion des diff rences entre l criture microtextuelle de Roland Barthes et la pratique contempo raine du micror cit Il s agit dans le cas des papiers de verre d Herv Le Tellier de textes extr mement courts pas plus de 25 mots des textes d un statut g n rique hybride oscillant entre l aphorisme la sentence la chronique le journal voire la miniature autobiographique D j le m dia de publication la Lettre check list du journal Le Monde envoy par courrier lectronique et qui s apparente donc la cor Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine respondance tout en imitant une page de journal permet de mesurer la complexit interm diale de cette production de microtextes Sy ajoute bien s r galemen
126. entit s intenables les cinq cents microfictions sont autant d hypostases inhabitables autant de m tempsychoses dans des vies monstrueuses d r gl es ou cyniques de celle du p dophile celle de la vieille salope de celle de la m re incestueuse celle du forcen de celle du parricide celle du suicid de celle de l diteur saoul celle de R ge de la Gaufrette crivain auxiliaire pr pos la post rit et promis au n ant goinfre libidineux alcoolique drogu locataire d asiles psychiatriques impuissant st rile sans enfants laid derri re laid devant cheveux gras dents jaunes de vieux loup diseur de riens crapule assassin voleur de bites de vagins et de seins crivain peut tre image de l auteur pour lequel la litt rature est un crime en s rie Je est tout le monde et n importe qui proclame la quatri me de couverture des Microfictions Un tel projet d ali nation volontaire remonte aussi loin que le r ve de ventriloquie de la modernit telle qu elle s est constitu e la fin du xIx si cle face lindustrialisation la d mocratisation et au sentiment d anonymat propre aux grandes villes H ritier du go t des faits divers atroces propre aux nouvelles de F lix F n on ou aux Crimes exemplaires de Max Aub R gis Jauffret rejoint une tradition marqu e autant par la cruaut fin de si cle que par le r ve de d sindividuation po tique d un Rimba
127. er une maison chaque pi ce chaque placard les caves les greniers le jardin le garage La nouvelle vous invite observer l int rieur par une fen tre ouverte La micronouvelle par le trou de la serrure 33 La formule imaginative met en valeur la sp cificit majeure de la nouvelle au del de la bri vet sp cificit que pour le coup le fandom per oit avec la m me finesse que la critique l gitim e L art de la nouvelle est souvent indissociable de l art de la chute qui s apparente au mot d esprit et suscite lorsqu il est accompli une jubilation sans pareille crit Klein Ainsi sont apport s les deux derniers l ments d un mod le po tique complet au niveau de l effet elocutio la jubilation le panache le mot d esprit l clat au niveau des structures l art de la chute narrative o se dessine en creux le storytelling du r cit suspense jouant sur la tension narrative et le retard strat gique d information compositio au niveau des matrices imaginatives l id e frappante l exp rience conceptuelle inventio Ce dernier point sans doute le plus sp cifique la science fiction donne lieu toute une gamme d approches d finitoires exploitant toujours le proc d du parall le avec le roman mais s attachant d signer le noyau irr ductible de la nouvelle the point pour prendre le terme invariable du Bon Docteur Asimov dans les pr faces des recueils dit s sous
128. es donner m me par provision un sens moral positif la vie humaine au nom d une mystique holiste Au contraire ce besoin d parpillement et de dissolution cette haine de soi et de la litt rature en g n ral consid r e comme une forme inf rieure d histrionisme Je ne suis pas ridicule je suis crivain pro clame un Gougnafier MF 42 dessinent l ombre d un auteur la recherche une s rie d impersonnalisations terrifiantes qui vacueraient radicalement tout espoir d une remise en consonance des identit s clat es N ayant comme perspective existentielle que d uvrer comme veilleur de nuit la protection du n ant pour reprendre une m taphore la microhistoire d Arthur Monin ne pouvant que ressasser sa vacuit identitaire homo viator des Microfictions sp cule sur son incapacit tre soi m me Dans une forme extr me de bovarysme tel personnage se vit la place de Balzac oblig d crire ses livres par incapacit rentrer chez lui par peur de son obscure identit de Gabriel M hat MF 42 ailleurs une voix bavarde peut tre celle d un enfant s imagine en un dieu vide MF 64 soldant jamais son pass elle appelle juste ne jamais garder souvenir de son nom Convoquant la fois un syst me formel une fatrasie par ordre alphab tique une formule nonciative un soliloque trop court pour constituer une nouvelle et trop vari pour relever d une galerie d
129. escaliers de Chambord Paris Gallimard 1991 lt Folio gt p 19 20 16 PNMT p 13 14 17 PC p 11 je souligne 18 Georges Perec op cit p 281 286 19 Olivier Rolin L invention du monde Paris Seuil 1993 lt Points gt p 524 85 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 Lionel Ruffel Le d nouement Lagrasse Verdier 2005 p 76 C est aussi le cas dans une mesure moindre des Microfictions de Jauffret Paris Gallimard 2007 qui prises toutes ensemble poss dent leur dose d illisibilit la derni re d entre elles Zoo o l auteur se met en sc ne ainsi que son livre qui serait pass directement de l imprimerie au pilon p 1010 voque la difficult voire l impossibilit de lire d un bout l autre un ouvrage aussi volumineux Allan Bell The Language of News Media Oxford Blackwell 1991 p 79 je traduis Je suis parti Rome la Villa M dicis et j ai t amen travailler la forme courte parce que je tenais une chronique d essayiste dans Il Manifesto quotidien communiste italien ndlr Propos tir d un entretien d avril 2000 pour la revue P riph ries en ligne http www peripheries net article247 html consult le 13 10 2010 John Fiske Television Culture Londres New York Routledge 1987 p 105 je tr
130. esp ces On ne pourrait souhaiter meilleure m taphore l uvre de l un fertilise l imagination de l autre D cid ment on n crit jamais seul Plus le livre approche de son terme plus les allusions la maladie se multiplient avec m me une allusion directe la tuberculose ES 127 Le corps de Kafka p se de son poids de souvenirs d histoire sur ce livre silhouette parmi des silhouettes n es de son uvre se ramifiant pour mieux s vanouir Commencer crivait Italo Calvino constitue toujours le moment crucial propos d un cycle de conf rences qu il ouvrait mais l affirmation reste videmment valable pour toute forme g n rique il crivait C est le moment du choix la possibilit de tout dire de toutes les mani res possibles s offre nous et nous devons parvenir dire une chose d une fa on particuli re Le point de d part de mes conf rences sera donc ce moment d cisif pour l cri vain le d tachement de la potentialit illimit e et multiforme pour rencontrer quelque chose qui n existe pas encore mais qui ne pourra exister qu en acceptant des limites et des r gles 18 L auteur de microfictions s offre des r gles qui permettent justement de rester attach aux potentialit s La fiction n a pas tre une Ce qui ne signifie pas qu il n existe pas d autres r gles au poids contraignant Pour Pierre Senges la contrainte se nommait Kafka On ne saurait dire
131. essay de proposer une continuit pour ces fragments proposant des pistes pour r inventer le perdu et comme souvent dans tes livres je pense La r futation majeure l entreprise est la fois valoris e et disqua lifi e folle et magnifique Folle parce que tu dis dans ta lettre que le fragment te permet de ma triser ton ignorance la fa on d une mani re noire il y aurait donc quelque forme de folie s avancer au dessus de ce qui est ignor en s en remettant la magie magnifique parce si ce d sir de tendre des liens tait seulement fou tr s vite l uvre se r duirait une peau de chagrin elle toufferait Le fragment est une ruse de sioux je m avance en me racontant des histoires je men tiendrais au connu et explicitement ou pas n endormant que le lecteur ou endormant aussi ma propre vigilance je tisse des continuit s en reliant ces fragments par une enqu te Les fragments de Lichtenberg ou par des s ries d chos tudes de silhouettes en tra vaillant des obsessions en organisant le retour de certaines figures le tout finissant par d plier une logique tout le moins ou constituer un monde proposant par exemple une ligne une continuit dans le changement qui partirait de Kafka pour les tudes de silhouettes pour passer par Pierre Senges et se prolonger dans quelqu un d autre ensuite En ce sens le fragment ne peut pas tre l image d une tota lit
132. et la n gation de l ordonnan cement syntaxique dont la liste constitue le point de perspective n aboutit de mani re flagrante que dans les deux ouvrages dont il est question ici En effet dans les deux cas Pag s choisit de faire pr c der ses portraits d une liste de syntagmes reprenant les caract ristiques des personnages auxquels il consacre ensuite de courts chapitres pour PNMT ou quelques paragraphes pour PC En voici un aper u Petits rats d op rette en retraite pr cipit e billettistes d expositions tempo raires formateurs mercenaires de mercenaires formateurs masseuses de cinq sept afficheurs sauvages de publicit recenseurs de taux de f condit crieurs de mauvaises nouvelles sur papier journal effaceurs d encres murales esclaves compressibles d ateliers clandestins ch meurs d figur s dans germinal mi trons enfarin s d s minuit bac 9 sans emploi avouable buralistes mobiles en stocks d opiac s n gres pour litt rateurs mal inspir s agents de duplication vid o plagistes pour ao tiens solaris s aides soignantes domicile non fixe vacataires sans facult particuli re goals volants jamais titularis s plongeurs ph m res d arri re cuisine photographes jetables call girls sur bo te vocale cyclistes anabolis s d s trente ans travesti pluto que rien marne la vall e pions d chec scolaire vendangeurs la petite semaine filles aux p res made in thailand prom
133. et fragment e Il est en effet int res sant de voir que dans l horizon de cette opposition interculturelle trouvent place et se voient l gitim es toute une s rie de dichotomies litt raires autour desquelles Barthes organise sa vision sinon d une volution litt raire vers l criture br ve du moins une oscillation entre macro et microforme longueur bri vete description apparition langue langage rh torique notation cf pour cette derni re opposition La chambre claire etc Vient s y ajouter au fond partir de L empire des signes une autre dichotomie entre le texte et ce qui lui est ext rieur et qui pourtant a un effet r troactif sur l criture c est celle entre le texte et d autres m dias dont la photographie D j dans Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine L empire des signes la photographie tenait le m me rang que le fragment textuel dans l organisation du texte mais c est notamment dans La chambre claire que nous voyons comment la r flexion sur la photographie clipse celle sur le texte La r flexion sur la notion de bri vet l instant photographique le punctum la red fini tion de l aventure romanesque en un moment qui ad vient moment d intensit affective voire de pr sence est en m me temps une r flexion sur les contours du livre venir que Barthes pense partir de la microfiction Ceci rapproche la Photographie certai
134. eurs qui n ont pas le temps d crire et qui s adressent un public qui n a pas le temps de lire Ce serait aller vite en besogne car les microfictions ne sont pas n cessairement d acc s facile loin s en faut En outre les crivains ont une tendance marqu e multiplier les textes brefs les juxtaposer ou les organiser dans des ensembles plus vastes Les Microfictions de R gis Jauffret l illustrent comme les Fragments de Lichtenberg de Pierre Senges il s agit dans les deux cas de tr s gros volumes dans lesquels le micro et le macro se rejoignent Dans une perspective diff rente encore c est aussi ce que font L invention du monde d Olivier Rolin ou les Petits trait s de Pascal Quignard qui r unis font de gros livres Le bref le fragmentaire ne prend en effet de sens que s il est mis en rapport avec un ensemble plus vaste textuel ou contextuel c est ce que montrait d j une entreprise comme La vie mode d emploi de Perec qui constitue avec les proses br ves de Samuel Beckett un des mod les auxquels se r f rent aujourd hui le plus volontiers les auteurs de microfictions La tradition Si l on choisit de se cantonner la tradition litt raire l on peut faire remonter l origine du genre aux Fables d sope mais on pourrait consid rer aussi ces textes antiques dont nous n avons connaissance que de mani re fragmentaire bribes de r cits dont l ensemble est perdu La bri vet n
135. exploratrice semble inh rente au processus d appropriation des mots Les concepts de lapsus linguae et lapsus calami reconnaissent la cr ation involontaire parler et crire avant de savoir ce qui se dit 4 L criture automatique le jeu du cadavre exquis des surr alistes explorait en effet d j les possibilit s de hasard cr ateur dont la bri vet tait une condition n cessaire C est du nombre limit d l ments qui entrent en jeu qui peut surgir un un sens paradoxal ou non Chevillard dont la po sie publi e dans ce num ro participe de ce type de cr ation dans lequel la langue se trouve au premier plan voque ce sujet les n cessaires catastrophes s produites par le court circuitage du langage conventionnel lorsque la m taphore ou l humour entrent en jeu Ouvertures et intertexte L implicite et l allusif sont constitutifs des fictions tr s br ves Souvent et c est clairement le cas chez les auteurs abord s dans ce num ro elles s ouvrent sur l intertexte Lydia Davis est une des plus grandes crivaines contemporaines de microfictions c est aussi une des meilleures traductrices des classiques fran ais en anglais et ce titre elle vient de publier une nouvelle traduction de Mme Bovary S inspirant de ce r cent travail de traducteur Davis publie une s rie de microfictions inspir es par Flaubert Dans Pouchet s wife elle voque la mort de la femme de M Pouchet dont on
136. f r e par la longueur du voyage lecture qu il aura fallu faire et la distance qu il impose avec le c ur br lant de ce qu il cherche des visions qu il traque Le fragment traquerait les m mes vitesses ou peu pr s que le po me Il en aurait l nergie libidinale par cons quent What do you think Je t embrasse Arno Arno Bien bien j ai encore une fois l impression de devoir courir apr s plusieurs li vres la fois en r pondant ton message dans l espoir ensuite de ramener ces li vres une unit au moins app tissante comme un p t Juste avant de lire le nom de Carpaccio m tait venue l esprit cette image de repr sentation simultan e quoi une criture bris e peut esp rer ressembler en modifiant fr quemment les points de vue les chelles les fa ons de dire et son vocabulaire Szentkuthy que j ai pos en face de Schmidt de mani re un peu artificielle pour le plaisir de la disputatio celui l je l ai plac est l un des auteurs les plus synth tiques disons plut t syncr tiques ou holistiques qu on puisse trouver en librairie je me demande si sa volont de rassembler les contraires ne trouve pas son origine dans une crise religieuse ou mystique par la m me occasion Mikl s est rest tr s religieux jusqu son dernier souffle priant chaque jour il explique tr s bien dans En lisant Augustin comment sa foi cohabite sans aucun probl me avec le positivisme le p
137. fiques comme texticules De plus Le Tellier rend perm ables les limites entre roman et micror cit en incluant des textes peu Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine pr s identiques simultan ment dans les deux cat gories Ainsi La chapelle sextine 2005 une combinatoire sexuelle d un certain nombre de personnages appara t sous le label roman tandis que des textes comparables comme Cit s de m moire 2003 un hommage au Citt invisibili de Calvino ou Sonates de bar 1991 figurent sous le concept de nouvelle et sous la cat gorie Fragments amp texticules on trouve un texte strictement de la m me facture Les Amn siques n ont rien v cu d inoubliable ou Mille r ponses la question quoi tu penses 1998 une variante des Je me souviens de Georges Perec Michelle Grangaud pour citer encore un troisi me auteur de l Oulipo op re elle aussi avec des d nominations qui rivalisent avec le roman je ne mentionne que deux de ses travaux que l on pourrait qualifier de micro textes Geste Narrations 1991 et Jours le jour Chronique 1994 Le premier texte met en sc ne la singularit du geste multiple mais non pas r ductible dans une trame ou une histoire Caract ris par des bribes textuelles de trois lignes dont les deux premi res sont constitu es d l ments de phrase d un cinq mots et la derni re plus longue d environ 9 mots un rythm
138. fond de l eau NS 157 Mais le narrateur de Terrasse Rome pr cise aussi que Meaume outre ces paysages vides recopiait encore parfois des combats de musiciens ou des le ons de musique pour le grand public TR 62 Moins singuliers ces sujets voquent l art de la gravure effectivement caract ristique du XVIIe si cle certaines descriptions des uvres de Meaume semblent tre constitu es de fragments et de d tails extraits de diverses gravures d poque assembl s toutefois de fa on radicalement moderne et originale Il est notamment possible de reconna tre la pointe du graveur lorrain Jacques Callot derri re les sujets des gravures non rotiques de Meaume comme les joutes nauti ques 3 ou les vues panoramiques de Paris TR 116 En g n ral les planches r elles du Callot historique qu elles repr sentent des foires des sc nes de guerre ou des vues urbaines se caract risent par de nombreux d tails de sc nes ordinaires de la vie quotidienne En fin de compte ils ne sont pas tr s loign s de ces choses qui taient consid r es par la plupart des hommes comme les plus grossi res qui apparaissent ailleurs dans l uvre de Quignard sous le nom de sordidissimes et que Meaume se r jouit de peindre dans une mani re tr s raffin e TR 51 24 Mais au lieu de les int grer l instar de Callot comme des d tails en marge d un sujet englobant le graveur les d coupe et les isole pour en
139. fragmentation ce qui fait de la t l vision le plus ouvert des textes puisqu elle chappe toute tentative de cl ture 24 Il faut pourtant apporter cette observation une pr cision qui en amoindrira singuli rement la port e le zapping n est pas n est plus l apanage du t l specta teur Au fil du temps ses habitudes ont t comprises et int gr es par le m dia lui m me qui op re en son sein propre les changements de sujet et d images par lesquels le zappeur constituait jadis seul son collage L un des exemples les plus vidents et les plus anciens de cette tendance concerne le journal t l vis dont les sujets et les reportages sont soumis au raccourcissement hyst rique des dur es au d triment des continuit s explicatives et des remises en perspective de l accidentel 5 Car s il fallait rapprocher le langage de Pag s de celui du m dia t l visuel c est avec les actualit s que l on trouverait le plus de convergences ne serait ce que parce que chacun de ses portraits s apparente une nouvelle au sens journalistique du terme Chacun d eux pourrait tenir sur l espace d un gros titre ou d un libell le r sumant La cure de d sintoxication tourne l overdose Apprenti boucher licenci pour cause d insuffisance cardiaque 25 et parfois comme pour le portrait cit plus haut trouve t on dans le corps m me du texte la formule qui le r sume Attentat aux
140. gner le r el Mais les rem des apport s par Furne sont ils la hauteur de la situation Certes les bombardiers largueront d sormais des bombyx LCD 99 et on ne peut qu approuver le plan de paix perp tuelle consistant notamment r concilier l huile et le vinaigre et rouvrir sans d lai ambassade canine au royaume des chats LCD 107 M me si le vaste projet de r novation universelle de Furne n aboutit pas du moins les derni res pages du roman comportent du futur Il est sugg r que Furne devrait crire des romans mais autant chercher dans le sable l oubli du sable l imagination m me reste assujettie au syst me en vigueur et ne sait que le reproduire encore et toujours structurellement identique ce monde id al n tant finalement qu une d pendance de l autre LCD 124 On n est donc pas sorti de la r p tition du moins sur le plan narratif La le on du texte r side toutefois plut t dans la mani re boudeuse et pour tout dire dans le mauvais gr avec lequel Chevillard sacrifie aux exigences du genre en les sabotant description de l enfance de Furne de son ennui ennui prolonge lorsque les porcelaines y seront sujettes elles n auront plus redouter la brusquerie des d m nageurs LCD 15 description explicitement convenue de la gouvernante C leste LCD 22 de l idylle bauch e avec Clara LCD 65 67 excursion jusqu la ferme LCD 77 94 pique nique avec en
141. gues et ou les r pliques c l bres du cin ma ou de la t l vision les acronymes et abr viations des petites annonces puis du langage usenet puis SMS Tout cela compose un stock in puisable de matrices narratives et dessine les contours mouvants mais identi fiables d un v ritable art collectif o s affirme aussi un discours critique C est ce dernier qui garantit aux pratiques multiformes leur nom de genre et sa lecture n est pas moins riche d enseignements que celle des micronouvelles elles m mes Il y aurait en effet de bonnes raisons d envisager la science fiction plut t en terme de macro que de microfictions l une des plus int ressantes approches de ses matrices fictionnelles collectives a ainsi pu forger le concept de m gatexte 2 Broderick 1992 1995 cependant que l une de ses pr dilections th matiques va ce qu il est convenu d appeler des m gastructures ascenseurs spatiaux sph res de Dyson arcologies dont une sous cat gorie nigmatique est le BDO ou Big Dumb Object acronyme difficile traduire puisque dumb y d signe aussi bien le caract re imp n trable incompr hensible l effet stup fiant au sens propre que la connotation l g rement ridicule attach e des artefacts allant du monolithe de 2001 A Space Odyssey l Excession de Iain M Banks On aurait tort bien s r de ne voir dans ce go t des choses massives que la pulsion infantile d un lectorat essent
142. he la pose au centre de sa construction la reconna t comme signifiante J attire cependant l attention dans la citation pr c dente sur l id e d une filiation nos anc tres et nous m mes La figure de la filiation traverse l ensemble du livre de diff rentes mani res commencer bien s r par celle qui conduit de Kafka Pierre Senges Quant cet incipit de nombreuses fois r it r il attire par la force des choses l attention davantage que les autres Il rappelle l importance des seuils chez Kafka Gregor Samsa ne pourra jamais sortir de sa chambre par exemple et notamment dans une courte nouvelle qu on retrouve justement en fran ais dans le recueil La M tamorphose Devant la loi s ouvre avec les phrases suivantes Devant la loi se dresse le gardien de la porte Un homme de la campagne se pr sente et demande entrer dans la loi Mais le gardien dit que pour l instant il ne peut pas lui accorder l entr e 7 L homme attendra des ann es avant de demander au gardien alors qu il n est plus qu un vieillard cacochyme pourquoi personne d autre ne se pr sente depuis des ann es devant la porte de la loi Le gardien lui r pond alors que cette porte n existe que pour lui Alors que chez Kafka on ne parvient pas franchir le seuil chez Senges le portail est ouvert et le contact se produit sans cesse pour le meilleur et pour le pire entre des individus de toutes natures et de toutes
143. i lirr versibilit du temps l autorit paternelle la gravitation universelle 8 griefs que nous partagerions volontiers mais aussi bien la couleur invariable du lait ou le mutisme du poisson LCD 18 19 ces touches d humour ou de loufoque seraient elles destin es faire passer la gravit des premiers Le loufoque chez Chevillard est toujours au service d une id e inattendue d une opinion audacieuse d un nihilisme joueur Le nihilisme en l occurrence se m le au non sens comme pour obliger la plume recr er le monde Peut tre s agit il seulement de rappeler au lecteur que l crivain ne peut rem dier tout ce qui le met en rage dans le monde sinon sur le mode de la fantaisie de l invention verbale Ce syst me en vigueur est une dr le de chose o se confondent la situation politique dans laquelle nous vivons et les lois l mentaires auxquelles nous sommes soumis le fait que la vie est br ve que nous sommes clou s au sol L crivain se d bat confus ment contre tout ce qui l opprime Il refuse d admettre que les choses ne peuvent tre que ce qu elles sont parce que notre pens e manque de fulgurance et d efficacit Dans ce monde invent par le langage il y a certainement moyen d agir sur la langue pour changer un peu les choses et se donner un petit peu d air Plus d cid que l crivain Furne lui quoique simple tre de papier tente d empoi
144. i m me qu on peut s amuser d couvrir C est ainsi que les erreurs stylistiques potentielles de l auteur se voient non pas excus es mais justifi es par les besoins de l intrigue Lev de table d un bond mon gobelet la main je pourchasse l ennemi qui surgit en face de moi de dessous la table ES 58 ne pourrait on reprocher l auteur la r p tition inutile du mot table dans la m me phrase Que non Un d cor bien tabli jai pris soin de mentionner deux fois la table notez le ce n est de ma part ni une erreur ni une maladresse ni une gratuit de style ou le go t de l insistance il faut que le mot table par deux fois apparaisse dans la phrase comme deux piliers ou deux jalons ou les deux jambes de la marche une premi re fois pour servir de support mon redressement la seconde pour servir de cachette l ennemi ES 58 De la m me mani re qu un bon lecteur s av rait n cessaire dans l exemple pr c dent pour noter le point s parant les deux phrases et cons quemment la possibilit logique qu elles puissent tre dissoci es dans ce cas un bon lecteur doit tre m me de comprendre la l gitimit de la r p tition Parfois le narrateur magnanime se justifie pleinement pour le b n fice d un lecteur curieux et attach aux d tails Dans une cour violemment clair e par le soleil deux chiens venant de directions oppos es couraient la rencontre l u
145. i supporter et travers lui celui de Shakespeare Shakespeare Lichtenberg bien d autres noms pourraient tre ajout s cette liste la re lecture des ouvrages de Pierre Senges On n crit jamais seul mais accompagn par la th orie des crivains qui forment notre encyclop die au sens o l entend Umberto Eco Rarement cependant l affirmation n aura t aussi forte dans l uvre de Senges mais galement dans la litt rature mondiale que dans tudes de silhouettess 42 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose Les 92 microfictions qui le composent sont toutes n es de Kafka Ni reprises ni parodies ni pastiches elles continuent un travail textuel peine amorc par Franz Kafka dans les premi res ann es du XX si cle L crivain pragois a laiss dans ses carnets de nombreuses bauches de quelques lignes parfois une seule qui forment autant d incipit Pierre Senges a d cid de donner vie ces microfictions en devenir Un bel exemple de litt rature potentielle qui a attendu longtemps son heure On peut donc parler d un travail hybride quatre mains mais o la connexion aura eu lieu pr s de 100 ans d intervalle distance consid rable entre Paris et Prague Le projet appara t suffisamment original pour que l on s arr te d abord au sens qu on peut lui donner puis la forme particuli re prise par le livre Claude Duchet r fl chissant nagu re sur l Histoi
146. iellement masculin adolescent comme certaines hypoth ses sociologiques ont pu le sugg rer sans grand succ s il est vrai gt 7 L chelle pique peut tre scrut e attentivement par des travaux r cents la justifie davantage 8 une expansion cognitive de type quantitatif certainement2 On aurait tort aussi de ne voir qu une collection de mod les r duits dans les microfictions qui fleurissent galement dans le genre rabattant ainsi sur ces microcosmes les qualit s suppos es des macrocosmes qui leur serviraient de mod les Les micronouvelles de SF ne sont pas des pop es minia tures Tout invite pourtant leur appliquer une pens e de ce type notamment un discours convenu sur la forme br ve relais et prolongement d une sorte d histoire officielle du genre et de sa structuration ditoriale entre 1910 et 1980 Dans cette pens e collective du genre litt raire la nouvelle a toujours occup une place d honneur On y souligne juste titre l importance cruciale prise par les journaux populaires bon march pulps dans la diffusion de r cits qui furent donc par n cessit contraints la bri vet L histoire insiste beaucoup sur l interaction triangulaire des directeurs de revue des auteurs et du public sollicit par le biais du courrier des lecteurs c est l acte de naissance d s les ann es 1920 du fandom communaut d amateurs int ress s et participatifs dont les r actions souhaits critiques e
147. ient de ce qu elle transpose cet imaginaire au vivant heurtant le vitalisme implicite de la symbiose organique Toutes proportions gard es cette erreur cognitive est parfaitement significative d une tendance persistante du discours critique science fictionnel illustr e d j par Asimov Brown ou Sternberg relay e par Klein et essentielle pour comprendre pourquoi la microfiction y pros p re pour une immense majorit de ses lecteurs la SF repose avant tout sur un concept une exp rience de pens e C est un genre sp culatif une litt rature d id es qui fait de chaque texte une enveloppe o se cache un noyau id e g niale inven tion fantastique On a pu faire diverses analyses de ce c ur conceptuel de la SF et de la textualit vanescente ou pour le moins insaisissable qui s en d duit jai d velopp ailleurs une tentative d articulation de ce fondement du genre avec une po tique de ses narrations3 Rappelons seulement ici les deux aspects indissociables de la question l ing niosit de l hypoth se sp culative et l art de son encodage d codage dans le r cit Qu on l appelle estrangement comme Suvin ou tout simplement plausibilit comme Campbell le souci de cet encodage signale que le r cit science fictionnel ne se contente jamais d une exposition didactique de son invention moins de s enliser dans un de ces tunnels explicatifs d test s des lecteurs
148. ier mais jamais jamais ne l atteignis 40 Dans les derniers exemples on fr le le witz ce mot d esprit jubilatoire tr s juste ment voqu par Klein et dont la forme tr s courte permet d exalter la port e une concr tion de savoir non th orique mais sp culatif d humour de pensivit saisie dans une occasion unique et fugitive une analogie ph m re un calembour plus profond qu il n y para t bref toute occasion d exercer un jeu s rieux avec le sens des mots des choses et de l existence Dans ses Cosmicomics Italo Calvino a donn quelques extraordinaires exemples de cette pensivit souriante chaque texte y d veloppe en quelques pages l inscription d une loi d astrophysique dans un r cit loufoque et rigoureux loufoque parce que rigoureux La SF poss de un avantage dans cet exercice gr ce la conjonction de sa tendance sp culative de son inscription dans la culture populaire et m diatique et du regain que la forme courte y conna t C est bien l en effet et non dans un parall le quantitatif avec les galaxies tr s tr s lointaines que le roman de SF r ve encore peut tre de saisir dans leur totalit sous les esp ces de l Empire Hegemon l Ekumen de la Culture entre cent autres exemples c est l que le regard doit se d porter pour conclure sur les scifi flash fictions dans la culture populaire m diatique de la bande dessin e du cin ma de la t
149. iff rentes instances narratives le narrateur des papiers de verre Herv le Tellier comme leur auteur la r daction qui envoie les courriers lectroniques celle qui compose les informations journalistiques ainsi que de la repr sentation de genres textuels multiples Ce n est pas le lieu ici d expliciter les diff rentes caract ristiques textuelles des papiers de verre qui me semblent pourtant paradigmatiques pour bon nombre de microtextes la paradoxie l opposition l analogie le jeu de mots le pastiche l allusion intertex tuelle interm diale et d autres encore Mais ce qui est s r et cela me semble constituer Pun des l ments caract ristiques du micror cit c est qu elle th matise intrins que ment travers les figures que je viens de mentionner non seulement le probl me de sa signification mais aussi celui de son organisation textuelle de sa connectivit traduit ici par de nombreuses figures logiques et stylistiques le plus souvent elliptiques et qui demandent tre compl t es la s rialit du papier de verre li e au rythme de publication du journal comme principe constitutif et autopo tique du texte s ajoute dans ce sens une autre con trainte celle de la contigu t de la pr sentation des papiers de verre sur la page du journal impliquant la question de son rapport intratextuel la check list et aux informations qu elle renferme ainsi qu aux dessins qu elle contient Parmi les
150. ifiquement reposante du sens et de sa tyran nie narrative Mais cette contraction du microscopique peut aussi aller dans le sens d une certaine cruaut Rien n interdit de la lire dans l image du pr sentateur du JT Et la mort de la femme de Pouchet n est pas ce qu il y a de plus gai Acc l ration du sc nario narratif et existentiel mobilisation imm diate des codes de reconnaissance ces deux ph nom nes fonctionnent aussi bien comme des mani res d craser toute poten tialit imaginative Tout serait jou d avance tout serait dit en peu de mots toujours les m mes selon le catalogue des r p titions du quasi m me C est l impression que peuvent donner les microfictions de R gis Jauffret o la vie semble r duite son codage pr crit femme quitt e mari tromp p re trop int ress par sa fille enfants maltrait s ennui des existences p trifi es violence des rapports de force incessamment reconduits La vie de n importe qui comme le rap pelle l exergue sign J R de Microfictions Je est tout le monde et n importe qui est livr e une d sesp rante banalit banalit que d un tour de vis suppl mentaire l crivain tire vers le maximum de cruaut possible La microfiction est bien le mode de la multiplicit mais une multiplicit de la s rie ou du clonage du simulacre de masse En elle peut s indiquer une m lancolie latente d un tout qui manque ou sym tr
151. il mais en exploiter la force connotative au maximum pour am nager la chute v ritable lieu de la nouvelle The first time machine gentlemen Professor Johnson proudly informed his two colleagues True it is a small scale experimental model It will operate only on objects weighing less than three pounds five ounces and for distances into the past and future of twelve minutes or less But it works The small scale model looked like a small scale a postage scale except for two dials in the part under the platform Professor Johnson held up a small metal cube Our experimental object he said is a brass cube weighing one pound two point three ounces First I shall send it five minutes into the future He leaned forward and set one of the dials on the time machine Look at your watches he said They looked at their watches Professor Johnson placed the cube gently on the machine s platform It vanished Five minutes later to the second it reappeared Professor Johnson picked it up Now five minutes into the past He set the other dial Holding the cube in his hand he looked at his watch It is six minutes before three o clock I shall now activate the mechanism by placing the cube on the platform at exactly three o clock Therefore the cube should at five minutes before three vanish from my hand and appear on the platform five minutes before I place it there How can you p
152. ime pas les combats de coq J essaie de com prendre comment pr server l id e que j aime infiniment d un monde appelant lui chacune de ses parties sans saut qualitatif car le propos d Arasse que je mai pas encore lu dans Le d tail me semble brouiller cette nature consubstantielle le mouvement de zoom faisant passer comme tu cris de l iconique au pictural moins que l on puisse dire ceci les peintures l huile ou la gouache vernies ou non se fendillent dessinent de toutes petites formes g om triques qui sont les m mes que celles qui strient la surface de la peau moins que l on puisse dire qu en approchant de ces filles pour les embrasser ma peau contre la leur je d couvre qu il s agit non d une peau de p che mais d un papier buvard ou un ch taignier pelucheux et je ne verrais plus alors que la barbe du papier qui est doux et soyeux comme le duvet d une femme Je ne perds donc pas la fille le fait qu il s agisse encore de mati re de bois pour le papier de min raux pour les sels d argent de la photo ou les pigments de l encre me rassure on est encore dans la mati re on n en est pas sorti on est encore dans le monde physique o nous voluons ces filles et moi Pardon Pierre ces filles et nous Je retrouve donc la peau de ces filles sur le moindre support a fait corps Les images n arrivent pas se d lester du poids de chair Transpos l
153. impossible ou perdue Tu cris que le fragment est une fa on de te prot ger de ce que tu ne connais pas mais il me semble mettre nu l envie que tu as de te battre avec ce que tu ne connais pas En esp rant que ce courriel te trouvera en grande forme Arno Salut Arno Oui j approuve ton commentaire au sujet de cette lecture myope inspir e de Daniel Arasse je te donne raison sur ce point le risque de perdre l ensemble en se tenant un peu trop pr s il y a une part moins noble dans cette approche trang re toute curiosit scientifique un int r t de myope pour l rotisme le plus candide En proposant de faire ce mouvement j avais l espoir de ne rien perdre de l ensemble mais de me d faire des premi res impressions des premi res associations d id es de ce qui pourrait si facilement devenir mes propres lieux communs et en plus de a constater qu l origine de nos images se tient toujours la mati re et l application d un savoir faire 90 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Mais je ne tiens surtout pas l cher ce monde qui te tient c ur au nom d une quelconque abstraction je suis comme tout le monde irr cup rablement tent par l anthropomorphisme et je verrais un visage dans une tache d humidit Je suis ravi de voir Leibniz s inviter notre table dans ce mouvement de myope le nez coll au papier il y a aussi l espoir de retrouver le tout dans la partie
154. iomphale ment jusqu au centre de la Terre 188 CR 147 L identification de cet auteur comme ma tre de la nouvelle en France ne renvoie que partiellement au genre de la SF G rard Klein estime dans la pr face de Futurs sans avenir que le d sir de distinction litt raire le rendait r ticent au genre Sternberg lui semble avoir plut t craint et on voit un peu pourquoi de tomber dans le proc d Il me suffirait de me laisser au portant dans la SF pour bricoler une carri re mais mon aburde cosmique risque de tourner aux tics et l espace me para t soudain trop restrictif trop marqu par le label SF 10 Environ quarante ans apr s leur premi re publication force est de constater que Brown s est mieux install dans la galerie des patrons de la micronouvelle de science fiction fran aise que Sternberg comme en t moigne la n buleuse d auteurs amateurs et d fenseurs du genre actuellement actifs C est plut t Brown que l on convoque ici pour proposer une d finition et une premi re d fense de la micro nouvelle fran aise Bastin l pour d signer les anc tres de Twitter Cyroul 2 ailleurs encore pour commenter les petits recueils du Prix P pin Ces trois exemples sont significatifs des modes actuels de pr sence et de diffusion de la tr s courte fiction de genre Dans le premier la micro dition permet des passionn s et auteurs d butants de lancer leurs recueils sur
155. ion de formuler des hypoth ses divergentes de faire des exp riences d prouver de nouvelles fa ons d tre d clarait ric Chevillard dans un entretien de 2007 Depuis Mourir m enrhume jusqu Choir l auteur n a cess d exp rimenter mais de fa on paradoxale s il s empare des litt ratures de genre pour les saper roman policier roman d aventures science fiction les exp rimen tations qu il se propose se d marquent des processus d autodestruction qu il constate dans la plupart des romans classiques ou contemporains Il s agit au contraire pour lui d instaurer un temps hors de l Histoire propice une m ditation po tique et toutes sortes de sp culations De fait la critique a jusqu ici insist sur les proc dures r flexivit m talepses parabases bref tout ce qui est de l ordre de l auto ironie ou plus exactement de l ironie vis vis du genre romanesque entre autres le pastiche ou la parodie Ces proc dures sont si attendues aujourd hui qu on pourrait soutenir qu elles sont l quivalent de ce qu tait au XIX si cle l exigence de l illusion r f rentielle s en exemptent certes les romans de gare mais non la litt rature blanche que nous lisons Or ces proc dures sont certes pr sentes dans l uvre de Chevillard et ne sont pas pour rien dans le plaisir de lecture que nous y trouvons L auteur lui m me le fait remarquer La r flexi
156. iquement le regret d une unicit h ro que au sens strict de h ros celui qui servait de support aux immenses r cits d aventures sans fin pour un personnage qui aurait d tre dans sa singularit triomphale le con traire de n importe qui La microfiction h site entre un r gime de potentialit maximale par l clat du bref et la projection crasante et cras e d un r cit qui se trouve d avance r duit Elle tire peut tre de cette h sitation sa force paradoxale Une r alit toujours conditionnelle se donne entrevoir dans la multiplication des identit s de passage je suis X puis Y et Z et encore A B selon une liste infinie sans autre ordre que la contingence d une Dominique Rabat amp Pierre Schoentjes Micro scopies machine fabriquer des incarnations incessantes Mais peine saisi par l exaltation de l incarnation le sujet sent le masque social sexuel tomber sur son visage et le sc nario de la vie possible devient le cauchemar d une fin d j programm e Le rapport la po sie Entre suspension et acc l ration les formes et les effets de la microfiction sont donc multiples Et l on comprend l int r t de ce qui ne peut se penser que comme une forme parce qu elle offre peut tre d abord son in puisable capacit plastique pouser les intentions contraires Et l une des raisons de l attraction de la micro fiction peut tenir cette mall abilit au
157. ir des notions de d coupage et de rapprochement se concentre plut t sur le d tail dans un contexte visuel et pictural Car quelque manifeste que soit la pr sence de certains d tails au niveau de la forme et dans l criture les aspects de fond r v lent aussi une pr dilection prononc e pour les uvres d art aux arri re plans noirs qui engloutissent tous les d tails et pour les vues de brouillard ou de brume qui dissimule et clipse tous les d tails Le brouillard avance sur les hommes comme la nuit Le brouillard enveloppe les hommes comme la mort La suite baroque d images aux sujets incertains intitul e Georges de La Tour ainsi que le petit roman Terrasse Rome mettent justement en vidence de telles images Il s agit respectivement de peintures nocturnes et de gravures la mani re noire dont la mort est le fond et dans lesquelles les d tails meurent d vor s par la m choire de la mort et son ombre GLT 21 Le noir quivalent pictural du tara bust sonore exemplifie l effet de rien tant dans le sens existentiel de Quignard que dans le sens esth tique d Arasse qui souligne comment les fonds noirs dans les sc nes de memento mori jouent un r le la fois iconique et pictural LD 183 Aussi peut il tre int ressant d interroger de plus pr s le maniement du d tail dans la profusion d images de ces deux opuscules en y d coupant justement quelques petits
158. isite aux voisins car la joie vite propageons la il est vil de la garder pour soi Le mimosa mais c est beau a le mimosa j en veux en permanence chez moi et non seulement mi f vrier dans le massif du Tanneron ici aussi d but novembre il en faudra parce que c est beau le mimosa a me pla t moi c est jaune voyez vous ces boulettes car le jaune on l apprend cette occasion peut former des boulettes des boulettes de jaune car le jaune se met en boulettes qui sont les fleurs du mimosa dont les feuilles aussi tonnent en cela qu elles se subdivisent en ramilles feuillues elles m mes qui reproduisent l identique mais en miniature donc la feuille premi re ah a nous assistons l une mise en abyme dont le monde v g tal est avare quoique moins rare dans le roman contemporain mais bien avant ce petit malin n matin d une pluie acide sur la terre aride la culture existait dans la nature quel casse t te ou casse noix on wose plus parler de nos t tes sans voquer d abord les noix qui taient l bien avant elles et dont la cervelle con oit l huile de noix le brou de noix l alcool de noix pour n en citer que trois que l on e t t bien en peine de produire en ne comptant que sur soi h las on ne sait pas ni davantage fleurir mimosa on ne sait pas pour les boulettes de jaune comment faire du coup on conquiert la lune puis on meurt les bras en croix parce que la noix ne le peut pas 105 CARTE BLANCH
159. ituation profes sionnelle ou sociale pr caire Voici un exemple type parmi les plus concis de l un des chapitres que pr sentent ces deux textes En trois d cennies de vente la cri e Barnab a d j liquid une centaine de chefs d tat trangers et ajout ce charnier people un tas de footballistes deux toiles PDG p re amp fils ing rants humanitaires divas du play back gourous apostoliques ministresses paritaires VIP carc raux clones du mannequinat cumulards d h micycles tous et toutes pass s de vie tr pas d une phrase assassine N importe si le quotidien du soir que Barnab vend la terrasse des caf s apporte un d menti aux morts violentes qu il colporte Ne serait ce qu un bref instant son coup de bluff lanc la cantonade fait l effet d une bombe Et cet attentat aux bonnes m urs journalistiques le venge du labeur routinier qui sans annonces mensong res perp tuerait le non v nement de son peu d existence 2 La forme et le ton de cette criture rappellent souvent celui des Nouvelles en trois lignes de F n on par exemple dans l attaque de certaines de ces tr s courtes nouvelles Sylvain h mipl gique de naissance n en est pas moins casse cou s cece Pour citer cette contribution Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s au service d un discours social contemporain in Revue critique de fixxion fran aise
160. l Anna de l pisode final sera le v hicule ainsi qu on verra Sexualit et pulsion groupale les deux th mes sont exemplairement mis en uvre par l exode et le voyage en train Comme si la conversion de F ron une lib ration du d sir ne pouvait s op rer favorablement que dans l lan d une locomotion d brid e Nous allons ainsi traverser la France de part en part avec toutes sortes de haltes improvis es et nous la verrons avec les yeux d un homme qui ne conna t pas son pays aper oit des paysages qui l tonnent et s merveille de se retrouver au bord de la mer Inversion encore du mal en bien dans le chaos des villes sont aper ues qui poursuivent leur petit trantran Toujours est il que la mobilit du train participe plein pour les amants de l piphanie que l on a dite Ils naissent un monde toujours neuf n h sitant pas lors des arr ts se d nuder en pleine nature En douce l aventure amoureuse tourne m me la robinsonnade ferroviaire D pourvus de moyens Anna n a plus rien avec elle et Marcel n a emport que peu d argent les deux partenaires ont inventer leur vie chaque moment 110 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen L opposition bonheur malheur ou amour guerre telle que le roman la dialectise se double de celle qui oppose un couple en fusion au groupe hirsute dont ils font partie ou la foule en d bandade Tout po
161. l histoire l orientalisme s effacer pour c der la place quelque chose d autre je ne dis pas de plus vrai ni de plus sinc re mais de pictural c est dire plus intime une intimit fallacieuse mais satisfaisante et ne cachant rien de ses artifices Je ne sais pas si le diable g t dans les d tails si le monde ou un quelconque sens de ce monde se trouve dans les d tails et je ne sais pas non plus si s attacher avec la maniaquerie de Visconti des queues de cerises permet de saisir le monde du moins de donner l illusion de le faire mais en men tenant des fragments j ai le sentiment de ma triser mon ignorance je crois savoir ce qui m chappe en l occurrence chacune de ces dames Il s agirait alors de se comporter plus ou moins comme le s ducteur de Kierkegaard selon le souvenir que j en ai faire plus ample connais sance au moment de laisser les choses s chapper Bref tout a pour te redire que j accepte ta proposition avec plaisir Pierre 88 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Cher Pierre Ce que tu d tailles partir d Arasse m int resse infiniment Parce que je tai d crit le mouvement inverse de loin des jeux de formes et de contrastes avec les fonds devant lesquels posent ces dames de pr s la chair de ces femmes Je me retrouve donc peser le pour et le contre J organise un bras de fer ma droite ta vision ma gauche la mienne Je blague je na
162. l ments qui au premier abord semblent insignifiants Les peintures coites de Georges de La Tour En raison de leurs fonds noirs rappelant la mort et de leurs sujets silencieux et nigmatiques Quignard consid re toutes les peintures nocturnes de Georges de La Tour comme des natures mortes c est dire dans le parler plus authentique qu il 57 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail pr f re des peintures coites Obscures et d pourvues de d tails elles prennent le contre pied de l art lumineux et color du Lorrain le paysagiste contemporain dont les vues panoramiques sont embl matiques de la suavitas Comme elles sont quittes du langage 8 et constituent par cons quent une r miniscence du r el au fond de la langue les peintures coites se taisent jusque dans leur sens GLT 60 et sont centrales aussi bien dans l histoire du d tail en peinture LD 93 que dans la pens e de Quignard tant tellement qui tes que l on en reste coi elles inqui tent parce qu elles charrient dans toute leur simplicit et trivialit les id es les plus fondamen tales et bouleversantes Aussi les peintures coites dont La Tour est un ma tre in gal peuvent elles tre consid r es comme un autre moyen de rapprochement du r el au m me titre que le tarabust et les sc nes de songeart villant Le r el merge par exemple dans le tableau de La Tour d une femme qui s p
163. l vision et d internet o la science fiction prosp re en tant qu industrie culturelle et art visuel accomplit ses mutations en tant que genre litt raire et entretient sa dynamique en tant que pratique communautaire C est une culture de flux BD suivre pisodes des feuilletons TV rotation des films au cin ma cycles et s ries fils d informations daily dose des contenus de sites web c est aussi une culture commerciale et concurrentielle o la publicit n est que la forme la plus structur e d un habitus amenant tout un chacun se faire remarquer titrages recourant syst matiquement aux calembours culture de type papier dont le crible est l il humain ou certains mots cl s culture de type num rique dont le premier crible est le scannage automatis par les robots des moteurs de recherches provocations rivalit s ou alliances strat giques toutes ces pratiques ordinaires se cristallisent dans ce qu on a pu appeler L alchimie des multitudes C est donc une culture de la multipli cit beaucoup plus que de la totalit une culture du zapping et de la consommation culturelle atomis e par un temps lui m me morcel essentiellement par les temps de d placement en contexte urbain et un management de modulation du temps travaill mais o la vitesse et la bri vet des contacts sont compens es par la r gularit de ceux que les sous groupes organisent et par la puissance rh toriq
164. la date de ce roman de West 1989 l ann e de sa publication 1816 l ann e pendant laquelle se d roule la narration ou 1818 l ann e de la publication de Frankenstein On peut dire tout le moins que West n aurait pu crire son livre sans une connaissance historique de l histoire v nementielle et de l histoire litt raire que n cessitait le passage du temps Son livre rel ve d une arch ologie du litt raire qui conduit de 1816 1989 La m me ann e en 1989 Fruttero et Lucentini publiaient L Affaire D 7 roman de Dickens c l bre surtout parce que l crivain meurt avant de l achever et laisse ouverte une enqu te polici re De mani re assez amusante les deux auteurs italiens ne vont pas compl ter le roman mais inviter dans leur narration des noms d enqu teurs c l bres Dupin Holmes Maigret Poirot etc qui devront d couvrir le coupable de cette sale affaire Comme chez West les auteurs sont redevables d une histoire litt raire et surtout d une histoire du crime litt raire o un fil historique impose un parcours de Poe Christie en passant par Doyle et Simenon ces figures servant clairer le myst re Dickens Dans ces deux exemples pourtant les dates s inscrivent dans un cadre narratif historique assez traditionnel Si les dates se superposent elles restent intelligibles Le cas d tudes de silhouettes se r v le plus trouble et d autant plus int ressant Certes le li
165. lace it there then asked one of his colleagues It will as my hand approaches vanish from the platform and appear in my hand to be placed there Three o clock Notice please The cube vanished from his hand It appeared on the platform of the time machine See Five minutes before I shall place it there it is there His other colleague frowned at the cube But he said what if now that it has already appeared five minutes before you place it there you should change your mind about doing so and not place it there at three o clock Wouldn t there be a paradox of some sort involved An interesting idea Professor Johnson said I had not thought of it and it will be interesting to try Very well I shall not There was no paradox at all The cube remained But the entire rest of the Universe professors and all vanished Un proc d s riel accentue les effets de chute tout en les d viant vers l humour noir ou la satire dans des regroupements comme les six cauchemars en couleur Cauche 3 ce 3 ee mar en rouge Cauchemar en bleu Cauchemar en jaune ou celui des Grandes 26 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction d couvertes perdues 2 L ensemble compose un tonnant m lange o l ing niosit de la chute est bien videmment pr f r e la puret de l inspiration science fictionnelle qu on d finisse cette derni re p
166. lammes aussi vives qu elles sont sans dur e que parmi les sermonnaires composant des textes qui se sont d vou s un feu plus faible et persistant pourtant si l on approfondit cette r f rence force est de con stater que Pag s ne proc de pas selon l esth tique v ritable du fragment telle qu elle est consid r e par Quignard et dont La Bruy re est l exemple mais plut t comme celle d un La Rochefoucaulds polissant ses phrases jusqu les rendre autonomes microcosmiques Car Pag s et le premier paragraphe de l extrait ci dessus le montre bien tend r duire encore ses r ductions avec en point de mire le syntagme minimal qui racon terait lui tout seul toute l histoire de ses personnages La logique de compression qui r git PNMT et PC trouve dans ces syntagmes leur expression la plus aboutie Par le pass d j l criture de Pag s accusait en germe cette tendance la forme micro cosmique puis au raccourci Les gauchers son deuxi me roman Julliard 1994 contenait d j de tr s courts chapitres centr s chacun autour d un personnage mais dont les faits et gestes parvenaient au lecteur sous le mode de la focalisation interne Dans Le th oriste une manifestation de femmes laisse libre cours l inclination de l auteur pour la formule courte on lit des choses comme viol de nuit terre des hommes sur les banderoles des manifestantes lesquelles s arr
167. le r el et donc cette res qui en fran ais a abouti au rien Lors de ces moments le r el se manifeste justement sous forme de signes qui signifient le fait de signifier lui m me l absence m me le vide qui se fait en celui qui s efface pour d signer ce qui n est pas sans rappeler la fa on dont Arasse compare le Verbe de la peinture pr sent dans les d tails de la toile ce qui se formule dans le blanc du discours LD 257 Non porteuses de sens ces petites sc nes sont donc purement sonores HM 59 de m me que le bruissement de la langue ou que certains d tails purement picturaux et dislocateurs en peinture ces derniers s ajoutent aussi les d tails embl mes qui condense nt localement le processus de la repr sentation et disloquent l unit de la peinture puisque petits d tails brillants qui se d tachent de l ensemble de la toile ils constituent des d coupes au sein d une d marche mim tique qui se fonde d j sur la d coupe du r el LD 151 Interven ant comme un moment fulgurant qui provoque un suspens du regard et de son errance une stase ou extase LD 160 autrement dit produisant un m me effet que les petites sc nes de songeart villant ces d tails embl mes inscrivent dans le pr sent du regard la temporalit originelle de la cr ation 55 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail videmment dans le cas de la peinture le d t
168. lein art cit p 9 Vincent Bastin Pour une d finition et une premi re d fense de la micronouvelle fran aise sur son site MICRONOUVELLES et nouvelles br ves URL oct 2010 http www vincentb sitew com MICRONOUVELLES F Jacques Sternberg pr face ses Contes glac s Marabout 1974 Kathy Kachelries site cit Voir La science fiction Lecture et po tique d un genre litt raire A Colin 2006 Richard Saint Gelais La fiction travers l intertexte colloque en ligne Fronti res de la fiction groupe de recherche Fabula 1999 URL oct 2010 http www fabula org forum colloque99 224 php Concours 2010 liste des finalistes pour le prix du public n 39 Ga l Pruvat concours 2009 liste des finalistes n 11 Nicolas Martinelli finaliste Prix P pin 2005 Italo Calvino Cosmicomics Le Cosmicomiche 1963 trad J Thibaudeau Seuil 1968 Pour voquer dans l ordre le cycle de Fondation d Isaac Asimov le cycle des Cantos d Hyp rion de Dan Simmons le cycle de la Ligue de tous les mondes d Ursula Le Guin le cycle de la Culture de Iain M Banks Robots param tr s pour rep rer aussi d ailleurs l activit r guli re des sites modifications et ajouts de pages ce qui permet de comprendre incidemment le mod le daily dose Francis Pisani L alchimie des multitudes Pearson Education France 2008 265 p Disponible en t l chargement format PDF sur le site http www al
169. les termes de microficci n et de microrrelato Est ce que le microrrelato comme g nero prot ico comme g nero omnivoro caract ris par une hibridaci n gen rica est n cessairement de nature narrative Une des cons quences de cette mise en perspective du microrrelato pourrait tre l introduction dans l analyse de la litt rature fran aise contemporaine de la notion de micror cit qui compl terait celle de microfiction notion qui non seulement accentuerait un parall lisme vident du d veloppement de la litt rature fran aise contemporaine avec celui de la litt rature dans d autres pays mais qui en plus rendrait justice au d veloppement de la litt rature fran aise de la seconde moiti du XX si cle plus particuli rement du roman qui voit des microformes litt raires se d velopper notamment partir de et dans la r flexion th orique sur le roman ou la narration R flexion th orique elle m me de plus en plus fragmentaire comme celle par exemple de Maurice Blanchot qui pr f re la notion de r cit celle de roman ou de narration ou celle de Roland Barthes et d autres et qui finit par se confondre avec une pratique litt raire actuelle Si au cours de la discussion sur le micror cit aussi bien sur un plan national qu international surgit quelque r f rence des auteurs fran ais c est le plus souvent de Roland Barthes et du groupe litt raire Oulipo qu il est question raison
170. lit du texte fragmentaire toujours pr t prendre un nouveau d part un nouveau sens Mais cette ouverture pose en m me temps probl me quant la conception d un ensemble textuel probl me qui entre progressivement dans son horizon de r flexion se traduit dans sa propre criture et continue de l occuper jusqu la fin de sa vie En dehors de sa vision d une fonction critique du texte fragmentaire Roland Barthes a recours d autres logiques pour constituer un cadre conceptuel aux critures tr s br ves L exemple qu il choisit depuis L empire des signes 1970 jusqu son dernier cours sur le roman pour critiquer le roman comme paradigme du texte moderne est le ha ku japonais Cela place son argumentation qui est au fond litt raire dans un cadre conceptuel plus large englobant celui d une logique interculturelle comme suppl ment et figure de l gitimation d un raisonnement litt raire entre micro et macro Il construit une double dichotomie enchev tr e le poids d une tradition litt raire et id ologique fran aise apparemment obsol te d un c t le centre vide d une culture japonaise de l autre et celle entre po sie et prose Aussi le ha ku semble donner l Occident des droits que sa litt rature lui refuse 18 Cette logique interculturelle comme une esp ce d apriori sert donc compenser ce que tient de perturbateur l id e d une contingence d une criture fragmentaire
171. litt rature devra miser sur une concentration maximale de la po sie J aimerais rassembler une collection de r cits tenant en une seule phrase voire en une seule ligne si possible Mais je n en ai trouv aucun ce jour qui surpasse celui de l crivain guat malt que Augusto Monterroso Cuando despert el dinosaurio todav a estaba all Calvino Italo Le ons am ricai nes Aide m moire pour le prochain mill naire Paris Gallimard 1989 1988 p 88 Cf galement Lauro Zavala La minificci n bajo el microscopio op cit p 47 Ra l Brasca Prologo dans Dos veces bueno Cuentos brev simos latinoamericanos Buenos Aires Desde la Gente 1996 p 48 Edmundo Valad s Ronda por el cuento brev simo dans Paquete Cuento La ficci n en M xico Ed de Alfredo Pav n M xico Univ Aut noma de Tlaxcala 1990 p 196 Andreas Gelz Microfic tion et Romanesque dans la litt rature fran aise contemporaine dans Wolfgang Asholt Marc Dambre ds Un retour des normes romanesques Le roman fran ais contemporain Eine R ck kehr romanesker Normen Der franz sische Gegenwartsroman Paris Presses Sorbonne Nouvelle sous presse Roland Barthes Roland Barthes par Roland Barthes Paris Seuil 1975 p 98 Roland Barthes Le Degr z ro de l criture Paris Seuil 1953 p 15 ric Marty d Roland Barthes uvres compl tes Paris Seuil 2002 1975 vol IV p 851 sv Ibid vol V p
172. lle anticipe les pens es de Marcel et le contr le qu elle exerce sur la situation la grande discr tion enfin qu elle observe l endroit de sa propre identit L hypoth se interpr tative que nous faisons ainsi ne trahit pas le texte Elle en infl chit le sens et dans une direction qui a le m rite d attirer l attention sur Anna Kupfer Car au nom de quelle exigence narrative et ou id ologique cette femme attirante et que l on devine remarquable est elle ainsi oblit r e par le r cit Allons m me jusqu nous demander pourquoi l tre assez m diocre qu est Marcel F ron peut l clipser de la sorte m me si l on veut bien admettre par ailleurs qu Anna est justifi e d tre secr te sur elle m me dans la mesure m me o elle doit veiller ne pas se trahir face aux autres F ron compris Mais lecteur j accepte mal cette rel gation d autant que je trouve Anna Kupfer int ressante et attirante Comment d s lors la conna tre mieux entrer en connivence avec elle Deux possibilit s soit chercher dans les d tours du texte ce qu il nous dit d Anna malgr tout soit r ver sur Anna par del ce texte On adoptera ici une d marche et puis l autre S agissant d Anna Kupfer le roman est rus En apparence il met les deux amants sur pied d galit m me leur passion fusionnelle Il les fait appara tre dans une relation de possession r ciproque propre toute liaison amoureuse dans sa p
173. lmanach trouv dans un fourneau recopi leur mani re sans comprendre le sens qui se cachait l int rieur comme si R gis Jauffret avait voulu montrer la fois l incroyable libert de la narration fictionnelle vis vis de la chronologie et de la v rit et la puissance d oppression du monde social Les sophismes de la folie post rimbaldiens des Microfictions qui r citent leur mani re l almanach ordinaire des crimes et des d bordements psychiques du r el ne sont sans doute pas seulement pour R gis Jauffret l exploration exp rimentale des limites de la conscience ils disent assur ment la volont de penser toute existence non comme un tout homog ne mais comme une cartographie schizoanalytique o toute existence est d placement diff rentiel aux fronti res de la psychose Selon un mod le inspir par Deleuze et Guattari la subjectivit cherche se lib rer des attaches sociales et des d terminations identitaires univoques par l exp rience de la folie ou plut t des folies Les Microfictions refusent la fois le partage entre la raison et la n vrose le moi et autrui la parole et l action la r alit et la fiction au profit d un nomadisme imaginatif conduit chroniquer par une s rie de sayn tes int rieures fulgurantes l instabilit du moi Mais loin de constituer une entreprise mancipatrice heureuse les Microfictions de R gis Jauffret sont au mieux un cabinet th rapeutique un asile
174. lui m me et donnant son destin un lan impr vu Mais le lecteur que je suis ne se r sout pas s accommoder de ce r le m diateur conf r la d sirable Anna Pour peu qu on laime l h ro ne fait penser bien autre chose et aur ole de sa silhouette en surplomb depuis une position d cal e en r cit une belle histoire de guerre et d exode Jacques Dubois Universit de Li ge 118 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen NOTES 1 Le Train dans Simenon Romans II Paris Gallimard lt Biblioth que de la Pl iade gt 2003 Toutes les r f rences cette dition se feront par le seul num ro de page dans le texte Le Train est un roman de Simenon diff rent un autre titre encore Il s agit d un r cit que contrairement ses habitudes le romancier a port en lui pendant pr s de vingt ans avant d en venir l criture Beno t Denis voque la gen se du roman dans sa belle pr sentation de l dition Pl iade de Simenon voir Notice pp 1604 1614 dans Romans II 2003 Par ailleurs j ai propos une lecture du Train dans Simenon un train nomm d sir in Feuilles de rail Les litt ratures du chemin de fer sous la dir de G Chamarat et CI Leroy Paris Paris M diterran e diteur 2006 pp 234 245 Ce texte est diff rent de la pr sente relecture C est l une image que Simenon a maintes fois utilis e et notamment pour se q
175. lus s v re ou l obsc nit ou le mat rialisme ou m me le nihilisme comme si foi et nihilisme appartenaient deux parties distinctes de son cerveau toutes viables Bref le syncr tisme de Szentkuthy commence par vouloir marier le ciel et la terre les anges et les filles le saint Esprit et les organes g nitaux etc Ceci a lair d une parenth se mais je me demande si cette volont de syncr tisme baroque n e d une crise morale intellectuelle ne ressemble pas certaines tentatives modernes n es d autres crises morales et d autres d chirements Ce serait en somme un syncr tisme tenant compte des fractures les n tres celles de ce monde 94 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Mais l criture de Szentkuthy a quelque chose galement de morcel l uvre par laquelle on le d couvre en France se pr sente comme un recueil de deux cents notes en marge des m moires de Casanova des notes qui entrent dans le corps du texte comme allons y gaiement des banderilles ou des sp culums Nous avons l chez ce supp t du syncr tisme il y a des pages passionnantes de Serge Gruzinski sur la pens e m tisse dans lesquelles il fait du syncr tisme l enfant du m tissage a doit tre le cas pour Mikl s aussi un bel exemple d criture en facettes Je veux bien croire que chez lui comme chez Pynchon ou d autres le d sir d une criture h t roclite ne signifie pas la r signation l abando
176. multi ples interpr tations que l on pourrait donner cette dialectique qui inclut par ailleurs celle du roman lui m me cho intertextuel dans le micror cit des papiers de verre il en est une qui me semble primordiale savoir celle de la dynamique transformative qui mane du micror cit par rapport aux v nements culturels politiques et conomiques quotidiens c est dire par rapport la repr sentation m diatique de la r alit et qui place celle ci sous le signe d une relativisation esth tique point de d part d une litt rature d un roman potentiel Andreas Gelz Albert Ludwigs Universit t Freiburg NOTES 1 Cf Francisca Noguerol Micorrelato y Postmodernidad textos nuevos para un final de milenio dans Revista interamericana de bibliograf a 1996 n 46 1 4 p 49 66 idem Inversi n de los mitos en el microrrelato hisp noamericano contempor neo dans Las formas del mito en las literaturas hisp nicas del siglo XX Ed de Luis G mez Canseco Huelva Universidad 1994 p 203 218 et Lauro Zavala Cartograf as del cuento y la minificci n Sevilla Editorial Renacimiento 2004 p 6 Ce n est pas un hasard si en Am rique latine la r ecriture de mythes europ ens est l un des th mes majeurs du microrrelato Une autre forme de r critures d intertextes sont les nombreux bestiarios f bulas etc Cf Julio Cort zar Bestiario Buenos Aires Editorial Sudamericana 1994 1951 August
177. munaut s virtuelles ou non en esquissent l archive dans les fils des forums les archives des blogs ou les biblioth ques virtuelles Aux po ticiens de souligner que les formes br ves comme les flash fictions les feuilletons t l vis s de petit format et de forte audience ou les films de 5 secondes n y d veloppent gu re le fantasme d une totalit Ce serait la le on principale des micronouvelles de science fiction qu on s en r jouisse ou qu on s en m fie elles sont loin d tre des ruses destin es atteindre obliquement un macrocosme trop complexe pour tre abord de face ou des actes de gu rilla narrative sur le front du Grand R cit Disparu Les scifi short short stories s panouissent dans la multiplicit et la r ticulation font leur miel de la pensivit vanescente qui suit leur consommation pr f rent la s rialit et l effet de liste plut t que la distinction d une apparition isol e s accommodent tr s bien de l h t rog ne et du disparate en m lant la potacherie la plus crasse48 au witz le plus subtil C est en cela et non parce que ce seraient seulement des petites formes faciles qu elles sont significatives de la culture contemporaine ce sont seulement des points de d part des bases de donn es pour l imaginaire du XXI si cle et non des n o mondes balzaciens Ir ne LANGLET Universit de Limoges CRLPCM E A EHIC NOTES 1 Fredric Brown
178. muniqu l ETA accuse le gouvernement d avoir r pondu au cessez le feu par la poursuite des d tentions des tortures et des pers cutions Le 30 d cembre 2006 l ETA avait commis un attentat tuant deux personnes mais affirm que le cessez le feu tait toujours en vigueur Lundi El Pais avait voqu la possibilit d une attaque avant ao t Le plus probable est que l ETA commette un attentat spectaculaire sans victime pour montrer sa capacit op rationnelle et accro tre sa capacit d intimidation et de chantage 10 bless s hier dans un attentat Beyrouth C est le 4e frapper la capitale libanaise en 15 jours Les combats se poursuivent au nord dans le camp de Nahr Al Bared FARC Granda lib r la demande de Sarkozy Uribe l a rel ch pour qu il devienne un interm diaire de la paix Granda aurait refus Les USA d plorent les critiques de Poutine Sur le projet de bouclier antimissile Des propos pas tr s constructifs estime Washington En Irak la mort des trois GI revendiqu e Un groupe d insurg s li Al Qaida a affirm dans une vid o avoir tu les soldats US enlev s en mai Taylor absent au 1er jour de son proc s hier Accus de crimes de guerre il d nonce un proc s in quitable 93 MAM a r uni les dirigeants de la police Elle minimise l analyse accablante de l Inhes sur les rapports police population en notant les progr s faits depuis 2006
179. n dait sa fille dans un petit livre d Alessandro Piccolomini d avoir la t te apparemment un endroit mais de la tenir secr tement ailleurs Il me fait penser aussi au peintre Emil Nolde class parmi les d g n r s il avait choisi de peindre de tr s petits formats des tableaux non peints pour chapper la censure Passer des grandes huiles aux petites aquarelles c tait une ruse comme pour Walser abandonner la plume pour crire au crayon et se sentir l aise dans l esquisse Sans le savoir j ai voulu retrouver dans tudes de silhouettes cette mani re d crire au crayon papier dont parle si bien Walser elle fait du texte quelque chose de toujours fragile de changeant de suspendu comme si son caract re inabouti tait un gage de mobilit Peut tre qu on retrouvera dans cette id e d esquisse rempla ant le trait l encre quelque chose du pictural dont on parlait au d but et c est peut tre l occa sion de se r concilier avec lui Pour en revenir ces filles ce qui m int resse c est cet aspect de catalogue d risoire comme si on avait affaire au registre de Don Juan un peu rat et p rissable Elles ont beau reprendre quelques poses inspir es de la grande peinture permanente elles sont elles aussi un peu fragiles parce qu une part de leur identit nous chappe parce que ces vignettes sont p rissables et que ces demoiselles en avaient conscience Bien s r questi
180. n de l album au livre Le Livre Mallarm le Livre Total Le Livre Somme Le Livre Pur L Album Circonstance Rhapsodique Journal L attitude de Barthes face cette opposition est ambivalente et nous le voyons mon sens progressivement renoncer transformer cette opposition en une dialectique de formes litt raires ce qui avait t son intention au d part Tant t faisant r f rence Baudelaire et Edgar Allan Poe il revalorise l album comme la forme de la repr sentation du monde qualifi d inessentiel PR 251 de non un non hi rarchis parpill pur tissu de contingences sans transcendance PR 252 Tant t il essaie de r soudre cette aporie par un mod le cyclique qui repose sur la notion de ruine l autre bout du temps le Livre fait redevient Album l avenir du Livre c est l Album comme la ruine est l avenir du monument PR 258 image ambigu car la ruine la citation le fragment transmis est d un point de vue esth tique une image productive ou comme dit Barthes germinative 25 Finalement il reste sceptique et irr solu face ces deux options fondamentales du choix d une forme litt raire irr solution que traduit sa notion d incident situ e la limite d une forme litt raire signifiante Mon deuxi me exemple le groupe litt raire Oulipo qui nous l avons vu est galement un des points de r f rence dans le d bat international s
181. n posture qui conduit le po te affirmer que la morale est la faiblesse de la cervelle Se r vant en un surhomme r dim par sa capacit subsumer par la langue une infinit de sous hommes le moi cherche retrouver la limite du dicible une sorte de coh rence dans la projection dans des formes extr mes amorales et choquantes de humanit au risque de la fatrasie et de l clatement chaque tre plusieurs autres vies me semblaient dues Ce monsieur ne sait ce qu il fait il est un ange Cette famille est une nich e de chiens Devant plusieurs hommes je causai tout haut avec un moment d une de leurs autres vies Ainsi j ai aim un porc Aucun des sophismes de la folie la folie qu on enferme n a t oubli par moi je pourrai les redire tous je tiens le syst me 4 s enorgueillit l auteur de Alchimie du verbe qui re oit dans l un des tr s rares textes la troisi me personne et relat au pass des Microfictions Paul Verlaine et Arthur Rimbaud l trange hommage d une fiction biographique la fois contrefactuelle et ironique puisqu on y voit le po te transform en clochard par la soci t bourgeoise mourir d un coup de froid dans les bras de Verlaine l h pital de la Salp tri re t te b che dans le m me lit MF 706 Selon cette microfiction faussement rudite Rimbaud et Verlaine n auraient pas eu le temps de produire autre chose que la retranscription d un a
182. n Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications nol1 gelz_fr html gt 12 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine mettre ce d veloppement en rapport avec celui d autres micro formes litt raires contemporaines comme s il s agissait de conserver le cadre esth tique du roman qui serait en m me temps un cadre pist mologique celui du maintien d une certaine vision d ensemble On pourrait pour cette deuxi me variante mentionner les nom breuses m taphores structurelles cens es expliquer le mode de fonctionnement textuel en mettant l accent notamment sur le rapport entre la partie l l ment et l ensemble du texte romanesque images de la mosa que du puzzle du tissu de la galaxie de la constellation pour n numerer que celles dont la succession permettrait elle seule d crire une esp ce d histoire litt raire du roman contemporain partir des ann es 60 L on pourrait envisager une autre lecture Le micror cit comme genre litt raire constitue selon cette interpr tation une mise en question du genre romanesque c est dans le texte ultra bref que se cristallisent certaines questions majeures d une po ti que du roman Le micror cit pr sente un d fi pour le roman parce qu il le r duit une extension minimale qui lui fait perdre son
183. n apr s midi de dimanche Ils taient au lit dans les bras l un de l autre C tait l hiver la pi ce n tait pas chauff e ils taient tendus sous un lourd dredon de plumes Non d cid ment dit le premier rien faire j aurais beau te serrer contre moi pendant une ternit enti re tu ne me r chaufferas jamais Fais comme bon te semble r pond le cadavre pour ma part je ne te l che pas ES 28 La r v lation de ce tandem provoque une chute magnifiquement calibr e qui situe le texte entre macabre et fantastique le cadavre parle ou du moins l autre croit l entendre non sans une pointe de grotesque qu on a trop longtemps oubli e chez Kafka et pourtant bien pr sente songeons La Colonie p nitentiaire Dans l exemple suivant le renversement d une situation psychologique en apparence banale tient son tranget d une acc l ration subite du temps qui pourrait nous introduire l univers onirique du conte s il n y avait la chute bien prosa que non exempte d ironie Deux amis faisaient une promenade cheval le matin le temps de s aperce voir que leur amiti n en tait pas une mais seulement la surveillance r ciproque de deux jaloux bient t ennemis de sang et le matin tait devenu l apr s midi puis le soir puis le lendemain et le surlendemain l ann e suivante puis un demi si cle quant au cheval il est mang depuis longtemps ES 62 S il existe
184. n de l autre pourquoi fallait il que la cour soit clair e violemment et pourquoi violemment et pourquoi clair e peut tre pour justifier la pr sence des chiens ES 32 etc Le reste du texte prend la forme d une d rive partir de cette justification bien orchestr e qui vite toute forme de didactisme en plongeant dans un tourbillon di g tique o chiens chats et propri taires se croisent et croisent une r flexion aussi philoso phique que m lancolique Pourtant il arrive que l ouverture du texte conduise une autocritique o le narrateur s panche sur son manque de pr cision On pourrait croire en r alit dans l exemple qui suit que Senges se sert de Kafka pour d fendre une conception de l criture qui ressemble la sienne l autocritique devenant la d fense d une po tique Quelqu un vint me tirer par mon v tement mais je me d barrassai de lui a pourrait para tre incongru mais encore aujourd hui il m est impossible en relisant cette phrase pour la centi me fois de savoir si je me suis d barrass de mon v tement ou de cet inconnu Quelle erreur d crire sans exactitude on ne devrait pas livrer un moment de sa vie une grammaire aussi l che il doit y avoir dans ce monde une force venue d en haut ou d en bas pour s appesantir ou nous attirer nous obligeant tre pr cis quitte donner nos paroles une majest et une lenteur embarrassantes ES 62 63
185. n du r cit ou le sentiment d quoi bon Sans m tre pench vraiment sur la question j ai le sentiment que des r flexions comme celles de Lyotard dont tu parles suivi ou accompagn par d autres reposent sur un ensemble de textes n cessairement incomplet le syndrome de De Quincey et sur des postulats intimes pas toujours justes Il suffirait de comparer L Homme sans qualit s Don Quichotte ou Tristram Shandy pour se dire moiti sinc re que la foi dans une criture totalisante fait partie du XX si cle et que la mise en sc ne de l illusion ou de l impossibilit d crire appartient au pass J avais t frapp par une m taphore utilis e par Pynchon celle du d mon de Maxwell en allant chercher du c t de la thermodynamique selon son dada Pynchon aborde directement ces questions de la connaissance ou de l impossibilit d une connais sance totale du monde un instant donn Mais je ne suis pas s r que le constat de nos limites entra ne en g n ral la d rision le second degr d sesp r et vain ou la perte de soi dans le dandysme de la forme on constate au contraire l ironie ou l humour la place de la d rision le jeu la place du second degr hautain et bien souvent une admirable conscience professionnelle celle de ravir le lecteur J aime cette comparaison de la forme prosa que l rotisme parce que je suis volontiers convaincu par l id e de d tour dont Gadda est le g
186. n une enqu te r cente r alis e en Angleterre nous passerions six mois de notre vie dramatiser le paysage Le ciel est mena ant aujourd hui jouer sur des effets d anticipation On annonce de la pluie ou exploiter les possibilit s du suspens Est ce que le beau temps va tenir Toute la panoplie des techniques de la narration se trouvent d ploy es dans ces r cits brefs que nous tenons dans l ascenseur ou devant la machine caf L ventail est large du banal mais d j m taphorique constat du froid de canard ou du temps de chien au tr s litt raire Beau temps n est ce pas nonc alors qu il pleut verse et qui d tourne l inter locuteur du temps d plorable pour l inviter regarder du c t de l nonciation Fiction d j que cette phrase qui fait surgir en lieu et place de la pluie un paysage ensoleill qui n existe pas ce moment C est d ailleurs pr cis ment sur l ironie que Musil s appuie pour prendre contre pied simultan ment les clich s des bulletins m t orologiques et ceux de notre conversation de tous les jours En 160 mots sa petite histoire est close mais elle donne le ton qui sera celui de l ensemble du roman L exemple permet de rappeler que les microfictions que nous tudierons ici dans un contexte litt raire trouvent leur origine dans l oral et qu ce titre elles participent des manifestations les plus anciennes de l art du
187. ne perspective nouvelle et inusit e qui est celle de la parataxe La parataxe le refus de lier entre eux les termes du texte se traduit chez Pag s par une forte inclinaison pour l criture de la liste Celle ci n est pas comme chez Quignard le r sultat d une langue qui se d lite mais celui d une extr me concen tration du format microtextuel de chaque chapitre ou portrait d bouchant sur les syntagmes dont on a parl Cette parataxe ne reconfigure rien Elle dit il y a Elle 83 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s pointe les d fauts de cuirasse de la syntaxe sociale elle propose un chantier asyntaxique constitu de laiss s pour compte n ayant pas leur mot dire Pag s n oublie pas au passage d individualiser ses personnages leur offrant par le microcosme de la formule qui les identifie l quilibre et la coh rence qui les d finit comme sujets discrets mais hi rarchiquement et id ologiquement non affili s la fin de la liste inaugurale de PNMT figure en note de bas de page l assertion suivante En d pit des apparences ceci n est pas une p tition Juste le contraire la liste des signataires tenant lieu de mot d ordre s5 Il est donc conf r aux personnages de la liste une autonomie de pens e politique il s agit moins de rendre justice aux sans grade que de d noncer l instabilit et la vanit de tout grade dans un univers
188. ne n e de rien et qui trouve enfler grandir dans l extr me difficult qu il y a tout de m me doubler le lent ob se sur le trottoir il va falloir le contourner la vie n est elle point si courte que le temps pass contourner l ob se ne lui soit plut t qu moi d compt puis ce lent ob se contourn a y est demain j aurai des courbatures aux mollets pourquoi n ai je pas pris ma voiture je fulmine encore en croisant un petit caniche mantelet tricot qui trottine comme on pianote trois notes sans savoir jouer en passant devant le clavier aupr s d une vieille grincheuse qui ne grinche pas si bien que cette haine mienne toujours en qu te d une proie nouvelle pour sa fl che et d j se pourl che cette hy ne d une jolie demoiselle qu elle est sotte rien ne sort de sa t te que ses jambes pour se fourrer dans leurs bottes oh comme ces gens sont aga ants et comme mon semblable sait se montrer ind sirable aussi ai je vite fait en empoignant mon nez de le lui tordre 104 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie T chons pour une fois t chons de rester dignes dans le feu ce doit tre tout de m me possible avec un peu de volont de ne pas nous embraser comme chandelle la premi re tincelle comme si nos os n taient que le fagot du b cher pr par pour r tir dessus notre chair nue sur le fin squelette de l horloger ou du po te ce gros cochon de viande avec
189. nes ou les paysages repr sent s dans les estampes et les cartes de l artiste imaginaire Quignard les d crit de fa on g n ralement s che et imperson nelle la fa on d un inventaire en omettant les techniques conventionnelles de l ekphrasis rh torique voqu es dans des paroles sobres et d tach es les cr ations de Meaume dont l art est syst matiquement oppos celui de son ami Claude le Lorrain donnent une impression d pouill e et trangement moderne Elles sont aussi dot es d un rotisme ouvert qu on a quelque mal imaginer au milieu du XVIIe si cle devan ant ainsi la collection des images imm moriales magdal niennes arch typiques idol tres irr sistibles hallucinantes involontaires NS 13 rassem bl e par la suite dans La nuit sexuelle Les enjeux du d tail concernent donc de nouveau avant tout les questions de fond d loignement et de rapprochement de ce rien qui est ind niablement le mat riau m me de l art de Meaume puisque c est exactement ce qu il r pond avec emphase lorsqu on lui demande ce qu il lui faut pour travailler Rien Rien TR 48 Cest le m me rien qui au fur et mesure que son art volue s impose dans ses plan ches pr f r es Pour son go t c taient toujours des paysages de plus en plus vides des ruines de plus en plus nocturnes des mers avec un minuscule bateau au loin le plus loin possible comme la barque de la mort TR 62
190. nes photographies du Ha ku Car la notation d un ha ku elle aussi est ind veloppable tout est donn sans provoquer l envie ou m me la possibilit d une expansion rh torique L o la production actuelle des auteurs de microfiction concerne plut t l interf rence ou l adaptation de la litt rature au contexte m diatique caract ris par une combinaison de m dias et par un processus transformateur qui carte toute dimension r f rentielle la r flexion de Barthes sur la bri vet et le micror cit quant elle porte sur le dualisme entre l art et la r f rence symbolis e par la photographie m me si au premier coup d il elle prend l aspect d une r flexion interm diale C est en 1978 la m me ann e de la publication de La vie mode d emploi de Georges Perec dont il sera question plus tard que Roland Barthes entame un cours au Coll ge de France ayant pour sujet I a pr paration du roman 1978 1980 cours qu il double de nombreux travaux qu on pourrait qualifier de micror cits une chronique dans le Nouvel Observateur s rie de textes brefs pr sent s comme des bouts d essais pour un roman un projet de roman qui l occupera d s l t 1979 et auquel il donne par allusion l uvre de Dante le titre provisoire de Vita Nova une s rie d instantan s et de r flexions litt raires br ves crite apr s la mort de sa m re en 1977 et publi e de mani re posthume sous le titre
191. nt Anna et Marcel est donc un peu le sien Mais cette double inscription dans une r alit m morable est trait e elle m me de fa on singuli re C est que du grand mouve ment collectif et tragique qui marqua en Belgique et en France le d but de la guerre Simenon fait une aventure euphorique pour deux tres perdus dans le nombre Certes en cours de voyage la guerre se manifeste dans son horreur travers des attaques a riennes faisant quelques victimes Mais elle n en est pas moins pour Anna et Marcel source d un grand bonheur tout temporaire qu il risque d tre Ainsi le romancier choisit d inverser le sens de l Histoire au profit d une figure narrative toute paradoxale Comment l entendre Il s agit bien d un refoulement de cette r alit monstrueuse que fut la guerre 40 45 un refoulement qui concorde bien avec la mani re tr s en retrait dont Georges Simenon v cut les v nements Mais c est surtout que l auteur entend dire par l que des forces pulsives m nent hommes et femmes forces qui peuvent agir rebours de ce qu impose ou semble imposer l Histoire Ainsi de la sexualit en ce qui touche aux individus isol s et de certain sombre mouvement vers l avant qui peut emporter les collectivit s Toutefois si le message est bien tel il n emp chera pas que se produise avec la complicit de l crivain une mani re de retour du refoul De ce retour Anna Kupfer et tout sp cialement
192. nt du d tail dans les textes de Pascal Quignard 60 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail La premi re diff rence concerne la technique adopt e pour susciter l illusion d ombre dans les gravures la taille simple de Callot s oppose aux lettres minuscules TR 122 que Meaume esquisse en guise d ombre et que le spectateur ne discerne qu en se rapprochant consid rablement des estampes En tant que d tail pictural mati re m me de l uvre d art au m me titre que les coups de pinceau dans une peinture ces traits comme des tranges lettres d alphabet TR 52 mettent en vidence la proximit de l art de Meaume avec celui de l crivain et renforcent l image de Terrasse Rome comme une v ritable qu te po tique 22 Le graveur dans l ex cution de son art tient un miroir oblique l crivain qui son tour esquisse par le biais de ce petit livre le portrait dissimul du savant Dans le contexte du d tail les lettres minuscules rappellent surtout l importance du r el c est dire de la mati re qui fascine au fond de la repr sentation et dont il faut se rapprocher pour l apercevoir Si Arasse a mis en lumi re au sein de l histoire de la peinture la dimension essentiellement esth tique et critique de ce rapprochement les textes de Quignard l associent plut t aux enjeux existentiels qui sont le moteur m me de son criture Souvent illustr s par des renv
193. nt le d fi crire et le palmar s de la production La short short story stylise le code g n rique avec astuce humour motion ou pensivit Son volution r cente s appuie sur l mulation interm diale du cin ma de la rh torique des r seaux sociaux des r cits urbains Tout cela compose une matrice tr s active visant plut t l criture de la multitude que celle la totalit macrocosmique Abstract Microfictions are thriving in science fiction Some authors have become classics critical discourses have gradually defined its poetics and competitions have given structure both to the challenges of writing and to the ranking of writings The short short story is giving the genre s codes a stylisation which can be shrewd humorous emotional or thoughtful Its recent evolutions draw on the intermedial emulation of the cinema of the rhetoric of social networks and of urban narratives All this makes for a very active matrix whose aim is rather the writing of the many than the writing of the macrocosmic whole Mots cl s Brown Sternberg micro dition science fiction nanonouvelles La microfiction est bien repr sent e en science fiction o la pratique est stabilis e depuis les ann es 1950 des auteurs font figure de classiques et servent de r f rence ou de mod le une r flexion initi e d s les d buts du genre enrichit ce cadre patrimonial et a progressivement d fini une po tique enfin des appels con
194. nterview d E Chevillard par M Laraudi in Devenirs du roman Inculte Na ve janvier 2007 Le texte est disponible sur le site de Chevillard http www eric chevillard net e_ descrabesdesanges php consult le 15 octobre 2010 Lydia Davis Pouchet s Wife in Ten Stories from Flaubert The Paris Review 194 automne 2010 http www theparisreview org fiction 6038 ten stories from flaubert lydia davis consult le 15 octobre 2010 Voir son tude Fictions du Moi et figurations du Moi in Figures du sujet lyrique dirig par Dominique Rabat PUF Perspectives litt raires 1996 11 Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine R sum L apparition du pr fixe micro ou mini appliqu la litt rature et aux arts est r cente en France R gis Jauffret publie son roman Microfictions la rentr e litt raire 2007 et en septembre 2008 se termine l exposition Micro narratives Divers autres v ne ments confirment l actualit de cette criture proche du microrrelato dont on sait le succ s dans le domaine hispanophone L article voudrait partir de textes de Roland Barthes et de l Oulipo enqu ter sur la position des textes minuscules en France en mettant l accent sur les rapports entre roman et microfiction Le micror cit peut il tre consid r comme une mise en question du roman en tant que forme et genre litt raire C est dans le texte bref que se cristallise
195. o Monterroso La oveja negra y dem s f bulas Madrid Punto de Lectura 2007 1969 Juan Jos Arreola Confabulario M xico Fondo de Cultura Econ mica 1952 Bestiario M xico Joaquin Mortiz 1985 1972 etc 2 Simone Carpentari Messina Avant Propos dans La forme br ve actes du colloque franco polo nais Lyon 19 21 septembre 1994 Paris H Champion p 7 Cf galement Susanne M hner La forme br ve in der zeitgen ssischen franz sischen Literatur Th se M A Freiburg 2009 3 Cette vision des choses rompt galement avec l id e d une esth tique de la transgression laquelle semble cependant l assimiler Simone Carpentari Messina qui pr conise une analyse non plus de genres litt raires mais de modes litt raires comme la mise distance la discontinuit et la rupture 21 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine 10 Pour donner une id e du succ s de la microfiction en Am rique latine il suffit de rappeler quelques chiffres j ai pu r pertorier pour le domaine hispanophone plus de 100 anthologies de micror relatos il y a des sites Internet des concours publics des revues sp cialis es des th ories du microrrelato et en 2008 a d j eu lieu le cinqui me Congreso Internacional de Minificci n Cf Lauro Zavala La minificcion bajo el microscopio Bogot Universidad Pedag gica Nacional 2005 Laura Pollastri Desordenar la biblioteca
196. ois la peinture ou exemplifi s dans des perspectives tr s picturales ces enjeux ont ici t relev s la lumi re sp ci fique du d tail voire de l absence galement significative de celui ci Les lettres minuscules l arri re plan des gravures ne sont donc pas seulement les atomes constitutifs de l uvre d art elles font aussi cho aux id es de bruissement de tarabust d aboiement r currentes dans l uvre de Quignard et loign es de la suavitas silencieuse des paysages ensoleill s du Lorrain Deuxi mement le personnage de Meaume se d marque aussi par le fait que son p re n aurait pas t orf vre comme c tait le cas pour plusieurs graveurs historiques tels que Callot ou Poilly mais chandelier TR 28 Ce petit d tail n est pas si insignifiant qu il ne para t puisque les deux occupations pourraient facilement fonctionner comme deux paradigmes divergents du d tail Le premier embl matiserait alors de fa on exemplaire toute tendance produire des d tails ornementaux des petites choses de luxe 3 et sans fonction apparente autre qu esth tique L image du chande lier en revanche est susceptible de repr senter la conception du d tail comme un geste la fois de d coupage et de rapprochement qui diff rents niveaux s est av r e pertinente aussi bien dans l histoire de la peinture que dans l uvre de Quignard Dans l art d un Georges de La Tour d
197. omposent une vague se fracassant contre la jet e Pour en venir dire ou montrer que l h t rog ne se tient Pour d busquer le continuum Je ne peux pas m tendre ici sur ce point malgr l envie que j ai de te parler de a mais c est pr cis ment tout l enjeu de mon prochain livre En m invitant travailler avec lui pour un volume de Folioplus Philosophie consacr la pr face aux Nouveaux Essais sur l entendement humain 89 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges car d busquer le continuum les continuit s cest inviter regarder autrement le monde en ne prenant plus appui sur des syst mes d oppositions c est faire la nique au n gatif et c l brer la complexit de ce que l on vit Une des plus belles pages de la litt rature fran aise se trouve mon sens dans Le palace quand Claude Simon passe de la description des papiers peints histori s des berg res du grand h tel la description d un paquebot surgissant de la brume dans un seul mouvement de phrase le paquebot surgissant in fine de cette description par un syst me de relais et d encha nements qui annule toute fronti re entre les dimensions micro et macro entre le pictural et l iconique Est ce que tu te retrouves dans ce d sir Je ne peux pas l affirmer n tant pas me miserum Pierre Senges Mais tu as crit Les fragments de Lichtenberg qui dresse la liste des coles critiques qui auront
198. on me ma conscience caille et de n tre plus m en fous vivante ou morte qu importe mon caille dessus 101 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie L herbe ne serait ce que l herbe nous n allons pas ternellement laisser a comme a sur le sol partout l herbe toutes ces tiges ternellement n allons pas marcher rouler dans d jeuner sur pourrir sous mon id e la voici on d sherbe on enl ve l herbe brin brin alors ce que l on trouve au dessous ou bien nous convient parquets superbes de bois anciens ou bien non ah non c est trop laid ce qu il y a dessous cette boue alors on pose autre chose de moins verdoyant la place de moins vivace sans gouttelettes p querettes m che romarin vaches ni lapins selon notre go t nous un tapis pour le pied fait main un lopin d autre chose enfin Parce que le ciel est trop loin on le rapproche on se hisse dedans on s y accroche on s y suspend nos mains saisissent bien les savons les lapins nos doigts dans lazur se croch tent on le tient puis on le tire attire a vient a vient c est l sur terre et l on s y meut comme sur la mer sans r teau sans bateau comme c est vide c est beau comme on est bien sans a ni rien ni bois ni quoi le ciel est l moins bleu que dans ces pubs c rul ennes espagnoles ou italiennes pour dieu jaune et blanc plut t comme dans l uf avec un il qui nous regarde et que l on cr ve voil c est
199. on fragments il est tr s tentant d imaginer pour chacune une vie br ve Amiti Pierre Cher Pierre Tu as bien le droit de faire le p dant mais tu devrais tre plus audacieux quand tu t aventures de ce c t l car j ai une longueur d avance avec mon me miserum Au mieux l anglais pourrait te rendre tendance hype Je te sugg re si tu veux qu on rivalise sur ce terrain d aller plut t du c t du guarani ou pourquoi pas du sum rien 92 CORRESPONDANCE Arno Bertina Pierre Senges Plus s rieusement comme j aurais voulu crire a je verrais un visage dans une tache d humidit Et dans le vif maintenant en utilisant Arno Schmidt tu m am nes pr ciser ceci lorsque je parle de continuum sensible ce n est pas en imaginant que la traduction formelle de ce continuum est un r cit traditionnel continu Comme toi je sais que le continuum exc de le continu Et puisqu il l exc de il peut s en passer On pourrait m me dire que le continu traditionnel un roman l organisation temporelle classique tait une censure du continuum Une amputation Le continuum perturbe tant les repr sentations les classements tanches qu il fallait fixer une grammaire du temps propre au livre de fa on s en pr server mais les exemples abondent ailleurs dans la peinture qui utilise aussi le r cit par exemple d uvres qui font jouer le continuum contre le contin
200. on quignardienne de plus en plus suspecte je signale que cette liste d Arthur Rimbaud est galement cit e par Quignard dans Sordidissimes Paris Grasset 2005 p 257 dans un esprit tr s proche des affirmations de Ranci re 86 CORRESPONDANCE entre Pierre Senges et Arno Bertina Du 01 au 07 10 2010 Mots cl s amplification zoom textuel pictural iconique Szentkuthy Scarlett Johansson Bonjour Pierre Te souviens tu de ces filles que je tai montr es nues lascives et rieuses Je ten reparle car Gilles Fage me propose de r fl chir un livre qui permettrait de publier cette trange collection de coupons rectangulaires qui taient offerts par les cigaret tiers Bastos Oran et M lia Alger vers 1930 une image par cartouche achet e soit la version adulte des figurines Mokarex ou du cadeau gliss dans un baril de lessive Pourquoi te proposer qu on crive ce livre ensemble pourquoi penser toi Parce qu elles sont nues ou parce qu elles sont rieuses Parce qu elles sont toutes petites peine plus grandes qu un timbre poste Lorsqu il m a donn les quatre pages A4 qui rassemblent la collection j ai r alis que je passais mon temps les regarder de pr s individuellement et de loin quatre pages quinze filles par page font soixante filles soit un immense bordel pour l poque De loin c est un jeu de formes de lignes Je me rapproche et a remet de la chair sur ces ligne
201. on seulement la notion de genre qui subira it l effet diss minateur de la bri vet sous forme de la microfiction mais la notion de forme elle m me ce qui situerait la dimension micro logique de la bri vet de l autre c t au del ou plut t en de a de la litt rature et de son histoires Il est int ressant d observer dans ce contexte qu en Am rique latine4 on discute du microrrelato moins dans sa correlation avec le seul roman mais avec d autres formes narratives synth tiques proches comme les series narrativas no secuenciales que seraient les novelas por entregas novelas fragmentarias minificciones integradas series de minificciones series fractales etc s cette liste pourraient tre s ajouter en ce qui concerne le domaine francophone des textes qui eux essayent de rallier n cessit et contingence formelles comme les ab c daires les dictionnaires les listes etc 6 Il s agit de textes qu on interpr te parfois et cela me semble un indice pour une approche nouvelle dans la fa on de penser l volution de la forme litt raire dans le temps et l espace non plus par le concept pist mologique et esth tique de fragment lourd de connotations romantiques et ou modernes totalisatrices auquel appartien draient la plupart des m taphores po tologiques num r es ci dessus comme celle 13 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine du puzzle entre autres mais
202. ond ment d l t re qui peut trouver une r sonance en nous m me si notre vie quotidienne ne ressemble pas celle de Choir Insatisfaction instabilit Nous avons des jardins de portes o nous circulons avec fracas car il faut qu elles claquent dans notre dos pour que nous nous sentions partir enfin et tout quitter Et sit t une porte franchie nous courons vers la suivante tant ce nouveau s jour nous afflige C 54 55 Les cataclysmes sont si fr quents que nous n y pr tons plus gu re d attention qu la moindre des choses Nous vaquons dans le raz de mar e nos petites affaires C 57 allusion notre indiff rence devant les catastrophes plan taires que la t l nous apporte domicile De m me le culte d Ilinuk sorte de culte du cargo comme le diraient les ethnolo gues qu est ce d autre que l attente d on ne sait quelle parousie historique ou non Cet espoir nous donne le vain courage de supporter notre condition au lieu d organiser notre disparition en laissant tout naturellement s teindre notre esp ce inadapt e C 99 C est un espoir purement passif qui ne construit rien l image de la vie en boulis des habitants peut tre de la n tre nous autres qui ne savons pas 75 Anne Roche R veur rageur encha ner qui chaque instant recommen ons repartons de z ro C 59 La seule inventivit des indig nes de Choir r side pr cis ment dans son
203. ont les toiles nocturnes sont l qui valent pictural des gravures la mani re noire caract ristiques de Meaume mais aussi dans l art descriptif d un Pascal Quignard la chandelle d cide de la visibilit des corps et des attributs elle claire certaines parties et les d coupe du noir environ nant qui figure le v ritable r el Jusqu un certain degr une telle distinction entre les d tails d orf vre et de chandelier recouperait aussi celle du particolare et du dettaglio qu Arasse propose partir des deux approches du d tail en langue italienne Il est vrai que l uvre de Quignard ne contient gu re de barom tres bourgeois pour reprendre le fameux embl me de l effet de r el selon Barthes3 ni d autres particolari qui fonctionnent comme la petite partie orf vr e d une repr sentation objectif mim tique et que l on retrouve dans les toiles du Lorrain et non pas de La Tour Son criture empreinte d un classicisme qui fait l conomie des d tails superflus et r alistes semble avoir h rit de sa pr dilection pour les contes le refus du d tail non motiv Les ind niables effets de particularisation sont conformes une esth tique englo 61 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail bante de l attaque et du paradoxe c est dire de l inattendu tout comme Arasse inscrit le fonctionnement des d tails picturaux et des d tails
204. otre m moire Lune voici ta hutte de lierre ton beau tombeau ma belle ce sanglot sans glotte cette grotte de silence dans la terre o j irai quelquefois avec toi me taire Mes livres crits jaccumule pour plus tard quand je serai grand vieux mes livres crits il n y aura qu eux alors les lirai et saurai qui j tais quand vivais ce que j ai v cu quand tais comment la vie ai travers dans quel corps et quel p ril je fus ce que je fis et quand quel jour je fis cela pourquoi dans mes livres accumul s tout sera n aurais fait que cela et c est pourquoi je prends garde aujourd hui ce que j cris puis de ne rien faire d autre qui m chapperait et ne serait cons quemment pas retenu par mes lignes de tra ne dont chaque lettre est un hame on courbe choisi pour se crocheter dans la l vre de mes sourires rictus grimaces et me ferrer comme un poisson chaque instant de ma vie tout fr tillant dans le soleil mon dos argent mon ventre blanc mon il extraordinairement gros si bien que ma t te est dedans avec la bille de mon cerveau et voil ainsi continue d accumuler cumuler mes livres crits pour bien plus tard quand serai grand vieux vieillard et bien curieux de me conna tre les lirai avec mon gros il chassieux et mon cerveau dedans noy et n y comprenant rien alors comprendrai tout 106 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie Je retire tout ce que j ai dit maman papa tout ce qui s ensuit m a
205. oulignant que rien ni la logique ni la grammaire ni nos paresseuses habitudes de lecteurs de romans policiers ne nous permet d tablir un lien a priori inexistant entre porte et revolver ou b illement et bras tendu encore moins d affirmer que tel revolver tienne dans une main une seule m me si l expression bout de bras tendu le laisse supposer ES 25 Voil que s instaure un dialogue entre texte ancien et texte r cent Ce d tective auquel on peut associer par analogie les herm neutes des textes litt raires propose ici une analyse textuelle Or d un point de vue r aliste point de vue auquel s astreint g n ralement le roman policier ce qui se trouve en jeu est une situation d crite par des t moins et non un texte On lit bien que cet incipit correspond au point de vue d une moiti des t moins contredit par l autre moiti ES 24 je souligne sur un v nement singulier qui se serait produit Soudain le r alisme de la sc ne s vanouit puisqu on glisse vers l analyse d un texte Il ne faut pas s tonner que ce malin d tective ait une allure fougueuse comme on voit dans quelques livres ES 25 je souligne car l enjeu de ces microfictions repose moins sur la fonction narrative que sur la fonction textuelle qu il faut comprendre comme une sorte de prise en charge mutuelle d un texte et de son lecteur ou mieux d une lecture et d une criture 2 Mais tudes de silhouettes fo
206. ouvoir p se de tout son poids sur la vie des individus on peut d celer les forces d un totalitarisme qui n existait pas encore sous cette appellation l poque o il crivait En effet Le mot est invent en 1923 pour caract riser le fascisme mussolinien Sil faut un mot nouveau c est que le ph nom ne est in dit Les hasards de la vie font en sorte que le totalitarisme se d finit au moment o Kafka meurt pr cis ment en juin 1924 Dans cette perspective quelle meilleure fa on de relire Kafka qu en offrant un livre sous forme de fragments microfictions ouvrant la voie de multiples interpr tations de l uvre et de la po tique de l auteur et se refusant justement la totalisation comme le propose tudes de silhouettes Totalisation ne signifie pas totalitarisme bien s r mais le livre qui se pr sente sous forme de fragments interdit l interpr tation globale syst matique et sugg re plut t un d chiffrement aussi infini que parcellaire Se laisser mener par Kafka travers une suite de microfictions qui le r v lent autant qu elles le masquent pose aussi une question pist mologiquement f conde celle consistant se demander comment lire ces fragments 44 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose Le livre se compose de 92 microfictions 92 fragments formant un ensemble complet se d veloppant sur 136 pages mais partir de 70 incipit diff rents En effet trois incipit reviennen
207. peti tion winners html et Sci fi special The fiction of now n sp cial de sept 2009 extraits en ligne URL http www newscien tist com special sci fi the fiction of now Wired Very short stories nov 2006 en ligne sur le site de la revue URL http www wired com wired archive 14 11 sixwords html Une traduction fran aise de cette nanofiction s est retrouv e finaliste du Prix du public sous le num ro 310 du concours P pin 2010 du reste Voir le Blog du prix P pin 2010 billet du jeudi 10 juin 2010 URL oct 2010 http prix pepin blog mongenie com index php idblogp 940207 URL oct 2010 http www kurzgeschichten de vb showthread php t 32323 Merlin Jacquet nouvelle n 34 du concours 2009 en ligne sur le site du Prix P pin URL oct 2010 http prix pepin monsite orange fr page8 index html Xavier Dollo P pin d argent 2005 ditions R pliques 2005 ISBN 2 7085 0199 2 Ian McDonald in New Scientist Sci fi special The fiction of now art cit Damien Broderick Reading SF as a Megatext in The New York Review of Science Fiction n 47 July 1992 repris dans son livre Reading by Starlight Postmodern Science Fiction Routledge 1994 P 5954 On peut parcourir par exemple Alexandre Hougron Science fiction et soci t PUF 2000 39 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 Deux
208. pour laquelle j aimerais leur consacrer les quelques r flexions qui suivent Quel est sur fond de ce que nous venons de d velopper le rapport entre la narration voire le roman et la forme tr s br ve tel que le con oivent cet auteur ou ce groupe litt raire Quand on suit le raisonnement de Roland Barthes sur la notion de bri vet sur l criture courte aussi bien sur un plan th orique que dans sa propre criture c est une inversion de perspective qui attire tout d abord l attention S il parle de la forme litt raire courte c est plut t de sa discontinuit de l interstice ou de l interruption de son d roulement et de son encha nement spatial et temporel qu il est question La perspective de Roland Barthes pourrait se r sumer dans sa question quant l esth tique du fragment chez Schumann centrale pour tout roman et a fortiori pour tout micror cit il appelait le fragment intermezzo tout ce qu il produisait tait finalement intercal mais entre quoi et quoi Que veut dire une suite pure 14 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine d interruptions 53 Ce type d argumentation part d une r flexion non pas sur la forme mais sur l absence de forme Se pla ant en dehors de l criture et non pas dans une quelconque logique volutive de celle ci Roland Barthes revient dans les ann es 70 aux sources de sa r flexion litt raire celle de la recher
209. ppliquant au domaine de la litt rature Pour lui le geste politique est celui par lequel une communaut d cide qui lui appartient qui a voix au chapitre et en somme qui peut faire ou d faire cette communaut en lui imposant les limites qui la d finissent c est dire et dans le m me mouvement en excluant de celle ci tous ceux qui ne lui appartiennent pas Reprenant la diff renciation aristot licienne entre l animal et l homme le premier n tant capable que du cri tandis que le second est dou de parole il d finit l activit politique par un conflit pour d cider de ce qui est parole ou cri C est cette distribution et redistribution des places et des identit s que Ranci re appelle le partage du sensible Le discours social qui s articule derri re cette conception du commun consiste en une redistribution du sensible au b n fice des cat gories de la population qui en ont t exclues afin de donner une voix ceux qui n ont qu un cri Yves Citton a r cemment repris la r flexion de Ranci re dans un sens tr s f cond pour mon propos il ajoute et amalgame la notion de partage du sensible celles d une syntaxe et d une antaxe sociales Alors que la syntaxe positive tend nous laisser penser que chacun peut tre sa bonne place en se conformant aux cat gorisations et aux pratiques en usage la revendication politique reconfigure le champ perceptif pour r
210. qu il s agissait d une solution de facilit Mais qui ne risque rien n a rien Jean Fran ois Chassay Universit du Qu bec Montr al 50 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose NOTES 1 D OO A O 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Cit dans Pierre Jourde La Litt rature sans estomac Paris L esprit des P ninsules 2002 lt Pocket gt p 205 Maurice Blanchot La pens e et l exigence de discontinuit L Entretien infini Paris Gallimard 1969 p 9 Pierre Senges Veuves au maquillage Paris Verticales 2000 p 263 Pierre Senges Sort l assassin entre le spectre Paris Verticales 2006 p 9 Id tudes de silhouettes Paris Verticales 2010 Dor navant ES Paul West Lord Byron s Doctor New York Doubleday 1989 Carlo Fruttero et Franco Lucentini L affaire D ou le crime du faux vagabond traduction de Simone Darses Paris Seuil 1991 Cf ici m me Dominique Rabat et Pierre Schoentjes Micro scopies Christian Rioux entrevue de St phane Courtois Le Devoir Montr al 15 novembre 2010 p A8 Claude Duchet Pour une socio critique ou variations sur un incipit Litt rature 1 f vrier 1971 p 12 Pierre Popovic Le Diff rend des cultures et des savoirs dans l incipit de Bonheur d occasion dans Marie Andr e Beaudet dir Bonheur d occasion au pluriel Lectures et approches critiques Qu bec Nota Bene 1999 p 18 Ross Chambers M
211. ques sternberg free fr P s amp au 337 Quelques exemples d crivains et amateurs francophones actifs dans le domaine des litt ratures de l imaginaire Jacques Fuentealba Espagne France auteur de Invocations et autres lucubrations Ediciones Efimeras 2008 et de Tout feu tout flamme ditions Outworld 2009 animateur de projets collaboratifs sur Facebook Au bord du gouffre essayiste Nanofictions la taille ne compte pas dans la revue DeliciousPaper n 7B d c janv 2010 p 13 15 ou Micronouvelles le poids des mots petits mais costauds dans le fanzine Black Mamba n 18 sept 2010 Vincent Bastin Belgique auteur du site de d fense et illustration MICRONOUVELLES et nouvelles br ves URL http www vincent b sitew com MICRONOUVELLES F Olivier Gechter France nouvel liste dans des fanzines webzines et revues dont on peut lire plusieurs textes sur le blog Imagination la demande URL oct 2010 http gechter org blog Laurent Berthiaume Qu bec auteur diteur et animateur d ateliers d criture et initiateur du groupe Oxymorons voir des extraits du recueil Cent onze micronouvelles sur le site de Vincent Bastin Cyroul Les ha kus F n on et Brown anc tres de Twitter sur le site Cyroul Strat gies digitales et exploration de la Zone Autonome Temporaire billet du 20 janv 2010 URL oct 2010 http www cyroul com tendances feneon haikus twitter On trouve des e
212. quotidien sans contour ni signification PR 127 Barthes voit le roman contemporain une nouvelle crois e des chemins D autre part comment passer de la Notation donc de la note au Roman du discontinu au flux au napp PR 46 ou plus pr cis ment comment pourrait on s imaginer le passage de la micro technique de Notatio au roman d une Notation fragment e du pr sent dont nous avons pris le ha ku pour la forme exemplaire un projet romanesque PR 137 Pour ce faire Barthes introduit le concept de l incident en tant qu v nement imm diatement significatif PR 153 ph nom ne situ la limite de ce qu une forme litt raire en tant que syst me de repr sentation peut exprimer et dont l authentification appartient plut t au domaine de l affectif De son propre aveu depuis Le plaisir de texte 1973 son criture tend vers la cat gorie de l incident Cette cat gorie extra textuelle non plus dialectique ne r sout pas pour autant les probl mes d organisation et de coh rence textuelle qui avaient amen Roland Barthes construire une nouvelle dialectique historique de formes litt raires la tierce forme La vision de Mallarm d un livre absolu fascine Barthes parce qu elle constitue elle aussi une r ponse la question soulev e l exemple du ha ku celle du passage probl matique de la notation fragment e du pr sent l unit d un roman ou dans le vocabulaire mallarm e
213. raie personnalit pourquoi s attache t elle aussi facilement au h ros que devient elle quand elle quitte Marcel Son opacit premi re qui consonne bien avec ses cheveux sombres et sa robe noire demeure jusqu au bout Il y a un secret d Anna qui ne sera pas perc jour Simenon pourrait s en justifier en invoquant l abandon des partenaires de la br ve rencontre au seul plaisir de l imm diat Mais la partie n est pas gale Sans cesse Anna pressent Marcel et le devine en retour F ron ne pose pas de question sa compagne dont la pr sence devrait pourtant l intriguer Que cache Anna Un pisode tardif aide lever un coin du voile Nous sommes la fin du chapitre V Marcel vient d tre travers par l id e que tout au long du p riple il n a peut tre t rien d autre qu une caution pour la fugitive Anna s offense de cette mauvaise pens e Elle pleure Marcel se repent Et pourtant s il en tait bien ainsi Apr s tout on concevrait facilement qu Anna ait song sauver sa peau par tout 114 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen moyen d t le romantisme en souffrir Bien des choses s claireraient d s lors La d cision rapide avec laquelle Anna Kupfer se choisit un compagnon de voyage la promptitude avec laquelle elle se donne l attachement de chien sans ma tre qu elle manifeste son camarade d exode la mani re dont e
214. raient selon cette hypoth se certaines questions majeures d une po tique du roman contemporain confront e la logique textuelle d une combinatoire apparemment contingente de fragments textuels et r flexifs pars Abstract In France the use of the prefix micro or mini as applied to literature and art is relatively recent R gis Jauffret published his novel Microfictions in 2007 and Septem ber 2008 saw the closing of the exhibition Micro narratives Tentation des petites r alit s at the Museum of Modern Art of Saint Etienne M tropole Other events also confirm the perti nence of this writing practice similar to the microrrelato in the Spanish speaking context Inspired by the work of Roland Barthes and by the Oulipo group this article will explore the state of the micro text in France focusing on the relationship between the novel and microfiction Does the micro narrative call into question the novel as a literary form and genre If so then the short text would seem to crystallize certain pertinent questions concern ing the poetics of the contemporary novel as critics are increasingly confronted with a textual logic residing in the apparently random combination of brief and scattered narrative fragments Mots cl s Barthes Oulipo Herv Le Tellier micror cit m dias Si l on tend la distinction abstraite et polyvalente entre micro et macro au domaine litt raire notamment au panorama de la litt rature
215. rand serviteur le devoir de la litt rature si devoir il y a est dans certains cas de ne pas appeler un chat un chat autrement dit de parler avec ambages une poque o tant de corbeaux affirment nous parler sans Quand la Rapha lle de Piccolomini conseille la courti sane d avoir la t te secr tement ailleurs on peut y lire une strat gie morale mais aussi une ruse rotique en prenant le mot t te au sens propre et ailleurs comme une donn e anatomique ce qui est all chant Je suis plus dubitatif pour ce qui concerne la po sie compar e une pornographie directe et efficace je ne suis pas du tout s r que la bri vet po tique disons sa fulgurance ou son attachement l instant soit de l ordre de l imm diat et donne comprendre tout de suite En mati re de po sie je pourrais reprendre ce que dit Jean Bollack on y trouve un caract re r flexif et nigmatique qui se distingue de la spontan it premi re et Bollack voit dans l nigme une forme particuli re d artifice comme un artifice au second degr mais enfin c est une autre histoire Pour voquer les filles des vignettes bien s r je serais tent de recourir la prose multiple histoire de gloser et de ne jamais wen tenir la tautologie selon quoi un chat est un chat une fille une fille et une cigarette une cigarette Je ferais volontiers le tour de ces demoiselles plus ou moins respectueusement ne serait ce que pour voir enfin l
216. rangera t donc aux c t s de ces crivains du d nouement dans l uvre desquels Lionel Ruffel remarque la r currence des fant mes et des restants 36 les personnages de Pag s en sont assur ment On trouve chez Ranci re encore un passage qui illustre parfaitement cet tat sus pendu mais prometteur que la liste instaure Citant Rimbaud il observe Pour op rer l alchimie du verbe qui doit permettre le chant nouveau de la communaut le po te n a en fait que le bric brac d antiquaire qu il num re au d but du po me homonyme enluminures populaires enseignes litt rature d mod e latin d glise livres rotiques sans orthographe petits livres de len fance refrains niais et rythmes na fs Le chant de lavenir doit tre fait avec les d bris de la vie ordinaire et les fossiles de l histoire collective rassembl s au hasard dans le magasin de l antiquaire Mais il n y a pas de voie qui conduise de l inventaire des signes muets crits sur les choses et de la po ticit des refrains d mod s la po sie du futur et l hymne du corps collectif s7 84 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s Qu il n y ait pas de voie ne signifie pas que tout espoir de la tracer ait disparu comme en t moigne le ton plut t emphatique de Ranci re Que l on ne sache plus ou que l on ne souhaite plus reconfigurer la vie n implique pas que l
217. ravail forc et toutes sortes d exactions leur mort est une bonne nouvelle on paye au prix fort un tourmenteur jur pour qu il vous torture C 34 le tour le plus rude qu il puisse infliger est de fermer boutique dans ce cas on le paye double C198 le candidat l lection s engage s il est lu quitter Choir sur le champ C 133 enfin lamour est fait de l vitement de la rencontre Je prot ge farouchement notre amour j ai r ussi ne jamais la voir C 63 mon amante ma jamais vue C 83 Cet univers n est pourtant pas totalement d sesp r les habitants attendent le Messie c est dire le retour d Ilinuk La geste d Ilinuk est un roman d apprentissage canonique un typique r cit de vocation voir par exemple l invention du ballon C 109 Le r cit emprunte des motifs christiques Ilinuk marche sinon sur les eaux du moins sur les sables mouvants il nourrit de carpes ses compatriotes affam s C 220 On ne cesse donc de l invoquer il sera le salut l vasion loin de Choir On ne peut qu tre insatisfait de cet affreux s jour alternant sables mouvants mar cages et banquises d o il est impossible de s vader et o les sentiments les plus hargneux s vissent entre les habitants Ma s ne pensons pas que nous sommes au fond mieux lotis que les indig nes de Choir Ce qui est propos ici sans tre exactement une all gorie ou une utopie c est une ambiance prof
218. re non ait cette proposition que je reprends mon compte un nonc litt raire sans date n est pas un nonc litt raire un texte n est complet qu avec sa date On peut en tirer une conclusion claire et une question dont la r ponse ne coule pas de source D abord qu une date renvoie l Histoire et qu un texte litt raire se pense difficilement en dehors de celle ci et de la soci t qui l a vu na tre L affirmation ne semble pas trop pol mique Ensuite se pose une question plus complexe qui concerne le sens donner cette date Ici celle de la premi re criture de l incipit originel celle de la publication La date de mise en fonctionnement quand le texte commence faire sens socialement Celle de la rencontre de Pierre Senges avec l uvre de Franz Kafka Prenons deux exemples en guise de comparaison Le roman Lord Byron s Doctors de Paul West imagine le journal de Polidori le m decin de Byron qui l accompagnait partout essentiellement pour soigner ses maladies v n riennes Il existe bel et bien un journal publi par la famille de Polidori apr s son suicide mais expurg de tous les passages obsc nes Ce sont ces pages absentes que West imagine dans son roman qui raconte par la m me occasion la naissance du Frankenstein de Mary Shelley alors que celle ci son amant P S Shelley George Byron et sa ma tresse Claire Clairmont jouaient se raconter des histoires d horreur Quelle est
219. rme de ce point de vue encore une fois un tonnant ruban de Moebius Lecture et criture sont la fois celles de Pierre Senges lecteur de Kafka et de Pierre Senges crivain partir de Kafka Lecteur et crivain travaillent d un commun accord pour le b n fice d un lecteur extradi g tique qui a droit finalement deux auteurs pour le prix d un Sommes nous dans une g n tique de textes de Kafka ou dans une herm neutique de la po tique de Kafka Rien faire tout bien consid r on ne doutera pas que nous nous trouvons devant un livre kafka en Si on peut affirmer la suite de Ross Chambers qu aucun geste interpr tatif n est plus ais que celui qui consiste lire le texte comme un commentaire sur lui m me en tant que production textuelle on a droit ici un ludique brouillage entre un auteur et un autre qui conduit se demander en quoi consiste ce lui m me que serait le texte La figure bifide de Janus convient bien ici dans la mesure o cette divinit romaine pr sidait aux commencements et aux passages Kafka commence Senges fait passer et le livre n existe pas sans l un et l autre 47 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose Cette enqu te propos e par un fougueux d tective on peut croire qu il la m ne travers diff rents incipit et diff rents doubles refusant dor navant de se d voiler Ou plut t il se laisse voir sous diff rents masques dont celui de l auteur lu
220. rofictions j ai peut tre r pertori l poque telle que je la ressentais en 2006 quand j crivais ce livre L poque vue par un crivain une sorte d oisif vivant Paris cette ville qui n est pas plus la France que New York n est les tats Unis La bourgeoisie boh me ou pas vue de l int rieur et la vie imagin e des autres qui travaillent re oivent des ordres de leur hi rarchie vivent dans la crainte de la d ch ance conomique ou dans la pr carit le besoin Une tentative de passer la soci t au scanner l illusion de le faire en tout cas L absurde folie de se croire t moin de tout ce qu on n a pas vu et qu on ne verra jamais c est dire les profondeurs insondables du psychisme d autrui 99 CARTE BLANCHE ric Chevillard Dix huit tentatives de po sie pr c d es d une note d intention en bon fran ais Po sie je ne sais pas et d ailleurs peu m importe je me garderai bien de red finir le terme et le genre une fois de plus afin de m en assurer trop jouer avec les lastiques on se les prend dans l il Au reste cette revendication de po sie concer nant les pi ces donn es lire ci dessous serait d une cuistrerie impardonnable si elle n tait on l aura not nuanc e par la qualification de tentative que je lui attache prudemment timidement humblement c est dire bien l chement pour me couvrir Car je ne sais trop en somme ce que sont ces textes d o ils
221. rs le nord Les isothermes et les isoth res remplissaient leurs obligations Le rapport de la temp rature de l air et de la temp rature annuelle moyenne celle du mois le plus froid et le mois le plus chaud et ses variations mensuelles ap riodiques tait normal Le lever le coucher du soleil et de la lune les phases de la lune de V nus et de l anneau de Saturne ainsi que nombre d autres ph nom nes importants taient conformes aux pr dictions qu en avaient faites les annuaires astronomiques La tension de vapeur dans l air avait atteint son maximum et l humidit relative tait faible Autrement dit si l on ne craint pas de recourir une formule d mod e mais parfaitement judicieuse c tait une belle journ e d ao t 1913 Cette histoire tr s br ve qui s apparente celles que nous nommons pr cis ment microfictions ouvre un des romans les plus totalisants qui soit Elle t moigne de mani re exemplaire comment le ponctuel se trouv li au g n ral le fragment l ensemble le micro au macro Le paragraphe est int ressant d j parce que Musil y joue sur un genre d histoire que partout dans le monde les hommes racontent sans doute le plus volontiers elle porte sur la pluie et le beau temps M me si ce sont ceux qui ont gard un rapport troit aux travaux de la terre qui en parlent le mieux le temps qu il fait continue offrir des opportunit s de r cits quotidiens jusqu aux plus citadins parmi nous Selo
222. s pisodes qui sont comme les recoins du texte Soit ces deux exemples faciles apparier Un trait psychique d abord aux manifestations r currentes Anna anticipe sur ce que veut ressent pense Marcel Elle lit en lui livre ouvert Mais donnant donnant voici l acte physique de d voile ment de soi qui est comme un contre don Anna se met nue avec aisance en pleine nature en bonne amante qu elle veut tre Souci de transparence r ciproque chez Anna visant la sinc rit d une vie improvis e Oui on peut le deviner la jeune femme en a fini avec la commune hypocrisie qui alimente les divisions les oppressions les guerres 116 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen Ainsi divination et nudit forment couple dans une sc ne d nique au chapitre V Anna a pressenti que son compagnon aimerait passer une nuit avec elle hors wagon et de pr f rence dans la nature Elle r agit presto emm ne son partenaire se met nue sans retard et assume tout son r le La cigarette est la note affranchie qui connote bien la situation et fait cin ma Je revois Anna jetant sa cigarette qui continuait br ler dans l herbe retirant sa robe d un geste que j observais pour la premi re fois puis son linge Elle s est approch e alors nue surprise par la fra cheur qui l a fait frissonner une fois ou deux et m a doucement entra n sur le sol p 880 Parlons d ailleurs
223. s et cette chair est nue on entre dans l image mes yeux sur son corps et ma bouche se met raconter l histoire de cette femme et par capillarit celle des hommes qui se sont mis la fantasmer en fumant des cigarettes etc La petitesse de l image participe de l rotisme plus encore que la pose et les quelques rares v tements port s par ces dames Ce va et vient m a fait penser certains de tes livres Ruines de Rome d abord puisque le jardinier fou de ce roman passe son temps se pencher comme s il tait myope sur certaines des plantes qu il d couvre cultive Il en d taille la vie microscopique tout en connaissant parfaitement le travail de sape organis par ces m mes plantes patiemment de mani re microscopique qui fragilise la ville enti re Est ce que l on ne pourrait pas imaginer que nos belles plantes travaillent la ville en la fragilisant sur ses bases aussi Est ce que l on ne pourrait pas imaginer travailler le livre en fonction d une ligne qui partirait de l infiniment proche coller leur corps amoureux compl tement myopes pour se ramifier et gagner progressivement un autre point focal on suivrait des lignes qui m neraient hors du studio du photo graphe pornographe pour l poque d roulant le parcours de cette femme leur insertion dans la ville c est dire un ensemble plus vaste un autre corps pour montrer le bordel comme une ruche au bout du compte o se retrouvent
224. s 1949 et plut t de type policier puis revues comme The Magazine of Science Fiction and Fantasy partir de 1950 Avec quelques auteurs comme Sheckley Pohl ou Kornbluth il contribua au succ s de la revue Galaxy Science Fiction concurrente de la pr c dente et misant d lib r ment sur le filon parodique dont ces auteurs se faisaient une sp cialit Les potentialit s de la tr s Pour citer cette contribution Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications nol langlet fr html gt 25 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction courte nouvelle ou short short story et bien vite short short y furent exploit es intensivement dit es en France dans des collections de science fiction sous des titres comme Fant mes et farfafouilles Une toile m a dit ou L univers en folie les short short de Brown se caract risent en effet par leur comique et leur nonsense imperturbablement logique autant que par leur forme ramass e Une des plus connues et des plus repr sentatives est Experiment qui tourne en d rision le voyage dans le temps l un des sujets les plus s rieux du genre On y remarquera que l art de la concision ne consiste pas du tout ter du texte toute caract risation et toute notation dite de d ta
225. s habitants dans diff rents appartements d un immeuble par la mobilisation de la m moire r sum e dans la m taphore topographique de la maison et d un projet artistique celui du peintre Val ne qui voudrait fixer sur sa toile l histoire de la maison et celle de ses habitants projet dont Perec nous montre l chec puisqu la fin du livre lorsque Val ne meurt la peinture s av re vide L autre projet pour ainsi dire avant gardiste mis en sc ne dans le roman le projet de Bartlebooth conna t le m me chec En incorporant dans son roman la faillite de deux projets totalisateurs de la litt rature moderne troitement li s l histoire du roman Perec met en question l unit m me de son propre texte de la multiplicit des narrations romans et micror cits qui le constituent Ce faisant il anticipe la probl matique du micror cit qui selon la lecture que je propose ici est celle du roman probl matique qui porte entre autres sur l unit formelle et s mantique d une pluralit de textes leur combinaison et contextualisation et les r gles de leur reproduction Il ira jusqu nous pr senter la version la plus radicale d un micror cit la narration d une ligne je m appuie ici sur l une des annexes du livre Rappel de quelques unes des histoires racont es dans cet ouvrage une liste de plus d une centaine de titres d histoires qui dans La Vie mode d emploi ne sont souvent qu voq
226. s le titre elle voque aussi l uvre de Kafka dans la mani re dont Senges d plie et tend l incipit Une silhouette inachev e C est irr futable je l avoue je mai jamais su exactement comment finir et dois men tenir depuis des ann es cette forme incompl te si l gante quand il s agit de rhapsodies ou de quatuor beaucoup plus embarrassante s il est question de notre corps ou notre moi ou du m lange incertain de l un et de l autre ES 13 Cet inach vement cette forme incompl te n est ce pas celle des nombreux textes que Kafka n a pas pu ou pas voulu terminer et dont ces incipit sont un exemple qui confine l absurde de ma ni re kafka enne J e voudrais ne pas en rester l ces d buts trop brefs inachev s comme l est ma silhouette sous la pluie ES 13 on pourrait croire que l auteur Senges se d douane ou se justifie et on peut y voir une forme de perversion 45 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose d utiliser des textes de Kafka en mettant dans la bouche d un narrateur qui ressemble ce dernier l espoir que les textes auront une suite un appel continuer la narration On le sait l incipit cette phrase seuil ouverture du texte est une fronti re privil gi e entre texte et hors texte Il devient le moment et le lieu o le lecteur accepte ou non de basculer avec le texte et quelquefois contre lui dans l imaginaire Ici ils servent de fron
227. s non raccord s entre eux Le non sens absolu Mais lorsqu ensuite tu lis les textes cens s illustrer cette critique tu es frapp du contraire Pynchon en premier lieu sid re tout le monde par le souffle dont il est capable Le rire dans Mulligan Stew Sorrentino n est pas un rire fin de si cle noir gris ou jaune mais un rire franc conqu rant Dans un essai auquel je travaille quand je peux j essaie de montrer a partir d une certaine litt rature fran aise Un peuple en petit par exemple d Oliver ndlr Rohe dans lequel se font entendre trois voix ou personnages dont les rapports semblent impossibles Mais au fil de la lecture le lecteur tisse des liens comme autant d hypoth ses qui toutes fonctionneraient Ces hypoth ses sont la fois de l ordre du r cit Personnage 2 est peut tre le fils de l acteur allemand dont la voix ouvre le livre et th matique de la question de la voix et du verbe telle qu elle se pose un grand acteur au d sordre langagier qui monte et submerge Personnage 2 en passant par l effroi li une enfance c est le troisi me r cit v cue pendant la guerre civile libanaise Au r sultat le roman embrasse beaucoup plus large qu un r cit qui assumerait une position de surplomb et pr tendrait fa onner et r gir un monde S il existe des ruines que l on peut dire ou baptiser postmodernes mon id e est que ces ruines cette fragmentation ont lib r
228. s une treinte qui se r p tera par la suite Leur rencontre de hasard va m me se muer en passion heureuse et le r cit de l exp dition ferroviaire travers la France sera celui de leurs amours Pour Marcel qui a eu une enfance douloureuse et m ne Fumay une existence terne cette liaison avec Anna est une chance impr vue une piphanie v cue en pleine libert Pour Anna les choses sont moins claires En attendant le train finit son p riple La Rochelle o un camp de r fugi s belges accueille le couple L F ron apprend que sa femme a accouch dans une maternit proche Anna le conduira jusque l o ils se s pareront sans phrases Mais la belle histoire finit mal Nous sommes pendant l hiver 41 42 L existence des F ron a repris son cours au milieu des privations de la guerre Un soir Marcel est abord en rue par une femme transie de froid C est Anna on s en doute qui pour suivie par la Gestapo demande asile son ex amant Marcel se d robe Plus tard il lira sur un placard mural qu Anna a t fusill e Notons encore que le r cit du Train est fait la premi re personne C est Marcel F ron qui narre et commente son aventure d exception en l opposant son pass triste et terne En plus le roman nous apprend que bien apr s les v nements F ron a choisi de consigner ceux ci dans un crit destination de ses enfants de son fils en particulier C est le texte que nous lisons Ainsi
229. sa houlette tels One Hundred Great Science Fiction Short short Stories ou Microcosmic Tales une fois qu on en a t toute la masse romanesque lire inutile Sternberg lui m me sacrifia l exercice crire un roman de plus de 250 pages est la port e de n importe quel crivain plus ou moins dou Mais crire 270 contes g n ralement brefs c est une autre histoire Ce n est plus une question de cadence mais d inspiration cela demande 270 id es 34 34 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction Kathy Kachelries fondatrice du projet 365tomorrows propose quant elle la variation suivante This is the acid test of art Imagine a beautifully eloquent story and imagine a vat of hydrochloric acid The hiss the sound of destruction as everything you wrote is submerged The disintegration chemical reactions and bubbles as air returns to air What remains when everything superfluous has burned away Flash fiction 35 La complaisance de l image est saisissante le pr suppos critique plus encore La beaut d un roman son style son loquence ne reposeraient ils que sur du vent air returns to air En fait cette id e relativement fr quente que l uvre s organise autour d un squelette dont la chair peut sans mal tre supprim e rel ve d un imaginaire critique celui de la construction du b ti La violence de l image choisie par Kachelries v
230. sa propre vie n auront apais une qu te identitaire qui ne trouve son aboutissement qu aux confins des territoires de la mort Le g tisme m a permis jusqu son d c s de dialoguer fr quemment avec Arthur Monin et juste avant de mourir il s est l gu moi avec la m me d sinvolture que s il avait t une masure au fond d un jardin MF 28 67 y Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui les Microfictions de R gis Jauffret Le seul acc s soi m me est offert par la violence consentie ou non semble avancer le narrateur de S v rez ce roman consacr ce milliardaire suisse dont ennui et le doute ne pouvaient trouver r paration que dans des pratiques sadomasochistes Quoique les Microfictions de R gis Jauffret ne soient pas sans souvenir de La Bruy re et que la n gativit et le cynisme y dominent le b n fice de la bri vet extr me n est pas ici le plaisir infiniment renouvel des chutes la d clinaison des types ou la prosopop e moralisante des vices individuels et sociaux quoique la galerie puisante du recueil voque les cercles de l enfer dantesque et que l ensemble dessine une sorte de journal autobiographique par fragments chaotiques la recherche de soi travers autrui n est peut tre pas l ultime signification d un ensemble qui au contraire para t vouloir interdire tout bricolage identitaire et toute projection dans des v rit s narratives qui seraient apt
231. sarriette avec amandes avec marrons fameuse grillade qu une persillade assaisonne je ne dis pas non mais j avais de ma personne plus haute opinion je la croyais meilleure encore piment e de fortes pens es et baignant dans la cr me de mes excellents sentiments j aime les fleurs les enfants les faons une saveur sucr e sal je me croyais or voil que l on me trouve un l ger go t de br l et des fa ons de r chauff voil que l on s pare mon me de mes cendres avec des gestes pinc s que l on me chasse par la fen tre comme un nuage de fum e eh bien c est fini d sormais je me tiendrai mieux dans les flammes je ne les laisserai pas attaquer mon int grit je ne suis suif ni cire ni de bois ni d toupe on saura que je wai pas de gras de baleine sur moi peine la loupe un peu de bedaine pour tenir mes pantalons bonne distance de mes talons je vais concentrer mes forces incombustibles les flammes je les prendrai pour femmes si p nibles soient elles dans le train train quotidien et si leurs ardeurs sont telles que perle la sueur mon front je les accompagnerai dans les for ts et nous y redoublerons de vigueur il vous en cuira de ne pas entrer dans mes cat gories l incendie aussi veut un toit o passer la nuit le chaume du home sweet home il laura je m inviterai dans vos foyers si mal nomm s avec mes nouvelles amies et nous danserons jusqu au matin en buvant l eau de votre puits et le vin derri re les fagots avant la v
232. se succ d rent pendant une bonne dizaine d ann es Seuls les autres pourront comprendre Crab ceux qui ont r ellement v cu l enfance UF 87 Sans nous demander ce que cette id e de l enfance peut devoir la vie de l auteur remarquons seulement qu il s agit nouveau d inverser un st r otype mais cette fois de fa on nullement ludique beaucoup plus grave l enfance n est pas un vert paradis c est un monde de t n bres rapprocher de cette incidence en forme de refus La litt rature quand elle se refuse n tre qu une vocation nostalgique ou rancuni re de l enfance 16 173 Anne Roche R veur rageur On voit donc que sans du tout quitter le r gime ludique qui le caract rise aux yeux de la plupart des lecteurs l auteur invite chercher des harmoniques moins joueuses plus noires Dans l avant dernier roman Sans l orang outan les m canismes d inversion carnavalesque d j souvent d crits sont nouveau l uvre il s agit d envenimer les querelles de se r jouir des deuils de s parer gar ons et filles pour tenter d arriver l extinction de l esp ce d organiser un bal en r alit un massacre pour rem dier la surpopulation d appeler les conqu rants ennemis pour annihiler cette patrie mar tre Mais cause ou cons quence le fait est que les orangs outans ont disparu Il y a d sormais un trou au centre de toute chose un
233. sentences mere primers of drafts serve as incipit for the stories developed in the book This paper analyses the different narrative modalities used by Senges putting a particular emphasis on the case of those texts where a narrator starts a dialogue with the incipit commenting the text he is writing while writing it Mots cl s Senges Kafka hypertexte potentialit Le soleil est nouveau chaque jour H raclite Devant la loi se dresse le gardien de la porte Franz Kafka Voici un mod le de microfiction peut tre l exemple idoine du genre Marcel devient crivain Il s agit selon G rard Genette d un r sum bref mais complet d la recherche du temps perdu de Marcel Proust Difficile de contredire l auteur m me si comme l crit sobrement Pierre Jourde on sent qu il manque quelque chose Il est vrai que si Proust examine ses personnages au microscope il lui faut un nombre consid rable de pages pour rendre compte de ce qu il voit La proposition narrative de Genette a le m rite d exprimer quel point une microfiction poss de la capacit d ouvrir la voie une uvre immense multiple Admettons que Genette offre son lecteur un cart particuli rement spectaculaire il n emp che une narration micro fictionnelle peut offrir un fantasme de totalit Georges Perec l avait d montr l envi en 1978 avec La Vie mode d emploi utilisant cet gard la m taphore id ale chaque pi
234. st une voie sans issue sur le chemin de l inventivit Cela implique toutefois que le lecteur doive en rabattre sur ses attentes il est nouveau confront la virtuosit critique de son auteur aux acrobaties post postmodernes qu il est d sormais habitu r clamer mais qu en est il de la rage de Furne contre le monde tel qu il est de ses projets de le transformer Ensabl s en route dans le sable des romans que Furne n crit pas D Un fant me la critique a en g n ral soulign la plasticit infinie du faut il dire personnage Mes personnages Crab ou Palafox par exemple sont plut t des figures de rh torique incongrues ou des pronoms personnels nouveaux qui viennent parasiter la langue et profitent en effet de ses extraordinaires ressources de son efficacit terrible pour se d velopper selon leur loi propre Crab est en effet un anti h ros plus m me un fant me il est dot de quantit de caract ristiques contradictoires laideur beaut b tise lucidit de r actions inad quates aux stimuli du monde ext rieur Ses cheveux noircissent avec le temps Le savon grossit entre ses mains UF 13 Il a invent avant Archim de Gutenberg Kepler et d autres le levier l imprimerie la lunette astronomique UF 15 mais il a aussi d montr l influence de la Lune sur le sens des caresses ou replac le cercle parmi les triangles d monstrations dont il a t spoli
235. t bure sous le soleil fixe au bord du lagon interdit barbe et bure et tous ces fruits d fendus trop charnus sur tout le corps bure et barbe sur le visage oh videmment vu comme a mais pendant ce temps l quoi de l iguane en chartreuse Pendant ce temps l en chartreuse l iguane s ennuie oh comme il a froid faim le petit monstre d p rit lourdement se tra ne couloirs vous ne coulez pas marches vous ne marchez pas mensonges pauvre ti crapahute crapahute et l bas de m me rampe maintenant le moine dans sa barbe bure sous le feu du soleil en bave Barbe bure ponge Or la fin l iguane arrive dans l atelier du moine tailleur pour moines et parmi les rouleaux de barbe bure avise une pani re emplie de chutes de tissu barbe bure bien s r a froid t guane s y fourre dedans s y roule et ressort v tu tandis que moine en Cara be l bas a tomb barbe bure et par dessiccation dans la chaleur sa peau nue s caille R capitulons jamais assez t t faute de quoi ainsi se perdit le r cit de l origine et depuis bon dieu a patine avons donc pr sentement en chartreuse sous clo tre prostern un individu membres gr les lourde panse emball dans bure ce qui s appelle un moine et en Cara be autre individu celui ci cailleux rampant baveux c est iguane le mot idoine tout comme devant notre audacieuse substitution interversion voici l ordre r tabli restaur par la fatalit des r actions adaptations ni
236. t de place en place l ensemble toujours tr s exact et toujours sous la pluie la pluie variant la pluie variant rapidement c tait bien a de place en place ES 12 et 14 L effet de r sonance entre la phrase de l un et la phrase de l autre entre incipit et excipit ne rel ve pas du hasard Il faut habiter le texte comme Pierre M nard Borges encore Mais l o M nard ne peut s investir que dans quelques fragments d un texte monumental le Quichotte Senges doit d velopper des textes trop courts lambeaux de phrases ou phrases en lambeaux Il est souvent question d eau dans ces microfictions et pour facile qu elle soit l image d une plong e dans la po tique de Kafka vient naturellement l esprit Je m engloutissais pour de bon pour de bon pendant 136 pages Un autre texte plus loin dans le livre commence par Je sais nager comme les autres seulement j ai plus de m moire qu eux ES 78 Une bonne m moire textuelle n cessaire pour naviguer dans la prose de Kafka qui fait sans cesse retour dans le livre Et lorsqu on lit dans le texte de Pierre Senges quelques lignes plus bas il y a eu une poque pas si lointaine avant ou apr s mes cours de natation on ne peut s emp cher par effet paronymique d entendre narration Quant la silhouette inachev e entr aper ue au d but d un des textes cit s plus haut si elle rappelle d s les premi res page
237. t deux fois d autres sont utilis s trois quatre sept et m me neuf occasions Nous avons l autant de jardins aux sentiers qui bifurquent pour reprendre le c l bre titre de Borges Il faut noter galement l effet circulaire de l ensemble puisque la premi re et la derni re microfiction s ouvrent sur le m me incipit J entrai avec une barque dans une petite baie naturelle ES 11 et 136 Comme le rappelait Claude Duchet le verbe entrer vs sortir est un st r otype de mise en texte un clich de louverture On peut penser que Pierre Senges n utilise pas cet incipit particulier par hasard et qu il constitue une invite l accompagner chez Kafka En ce sens l utilisation de ce premier incipit aurait d embl e une valeur m tatextuelle D autant plus qu en terminant son livre en sortant du livre avec la m me entr e il indique en quelque sorte qu on n chappe jamais l uvre de Kafka Ajoutons cela que dans les deux premiers textes la finale fait cho la phrase d ouverture J entrai avec une barque dans une petite baie naturelle je m engloutissais pour de bon alors seulement la planche est redevenue une barque et un million de m tres cubes d eau saum tre une petite baie naturelle ES 11 et 12 Passant par l avenue une silhouette inachev e un lambeau d imperm able une jambe le bord de devant d un chapeau une pluie variant rapidemen
238. t et nous allions leur rencontre Nous changions des nouvelles r centes Nous nous regardions dans les yeux ES 90 Les neuf microfictions qui en d coulent permettent d aborder le spectre complet des modes de narration utilis s au long du livre Sans surprise pour le lecteur qui a lu jusque l la neuvi me variation s interroge sur la formulation de incipit et d rive vers les pouvoirs du langage Ainsi il y aurait une confusion entre le ils et le nous irr ductible un simple accident de langage m me s il pouvait se trouver parmi nous ou parmi eux assez de sp cialistes de la chose parl e pour nous rappeler une fois de plus sans en d mordre comment l ensemble de nos peines vient des faillites de notre langue inadapt e des circonstances sans cesse renouvel es beaucoup trop pres et floues quand nos anc tres et nous m mes en enfance ne connaissions que la tranquillit des choses rang es leur place pour l ternit ES 97 Flaubert crivait lui m me en son temps qu on ne pouvait croire au r alisme parce qu il existe trop de choses et pas assez de formes les id es tant trop vagues face des langues circonscrites et pr cises Le hiatus entre langue et r el ne semble pouvoir tre combl mais c est aussi dans cette br che que la litt rature trouve son sens et la 49 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose fragmentation des microfictions repr sente aussi cette br c
239. t http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1l deherdt_fr html gt 52 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail L arri re plan th orique Quignard n a jamais exprim de r ticences l gard du d tail c est dire du tout petit contrairement aux r serves manifestes dont il fait preuve envers le petit tout qu est le fragment Mais cela appartient peut tre la nature m me de ces deux entit s minuscules que d tre respectivement un sujet privil gi de r flexion du romantisme la modernit et un sujet apparemment insignifiant quelque peu en marge du discours th orique Roland Barthes l a effleur dans L effet de r el comme une marque du r alisme et un pi ge de l analyse structuraliste tandis que Naomi Schor a l abord comme trait distinctif d une esth tique f minine Daniel Arasse plus significatif pour nos propos a c l br le d tail dans sa dimension picturale en l identifiant avant tout comme un instrument de l interpr tation des uvres d arts Il est le petit lieu o se concentrent le plaisir et la n cessit mais parfois aussi l chec de chercher un sens la peinture Or la pr pond rance de la description sur la narration dans tous les textes de Quignard de m me que ses nombreuses ekphraseis d uvres d art r elles ou imagi naires justifient peut tre l int r t de l tude d
240. t int ressante Si on peut d celer de mani re in vitable des traces de l uvre de Kafka tout au long du livre il s agit moins d un exercice intertextuel que d un nouveau genre auquel j accolerais le nom de pousse au texte comme on dit pousse au crime Mais alors que le pousse au crime consiste en quelque chose qu en principe on ne doit pas faire le pousse au texte s av re une n cessit il faut continuer l uvre de Kafka laisser sa silhouette flotter encore aujourd hui faire la d monstration qu une grande uvre n est jamais termin e Ainsi on le devine la bri vet de la microfiction ne signifie en aucune fa on une absence de complexit surtout quand elle s impose dans un livre entier comme dans ce cas avec des ramifications qui ouvrent de multiples significations et une totalit qui tient en un nom Pour prendre sens le fragmentaire doit s inscrire dans un tout plus vaste Cet ensemble textuel et contextuel se nomme ici Kafka son uvre bien s r mais davantage Pour suivre Gabriel Za d qui imaginait des microfictions en un mot osons poser Kafka en tissu conceptuel 8 dont la date encore une histoire de date serait d terminer On pourrait en proposer une titre d hypoth se Il serait long et inutile de chercher d montrer l immense influence de Kafka sur la litt rature contemporaine Je me limiterai souligner ceci dans son univers absurde et ali nant o le p
241. t le genre d une check list d une liste de contr le des choses faire dont le caract re performatif constitue un commentaire ludique sur la relation entre texte et r alit Se Monde fr EDITION ABONN S CHECKAUISE mardi 5 juin 2007 papi r de verre Herv Le Tellier La nouvelle vague Sarkozy dit Fran ois Fillon Pour Le M pris et Les 400 Coups on voit bien les auteurs mais qui est A bout de souffle et qui est La Jet e sur mesure 7 milliards C est le montant en dollars r clam par le gouvernement nig rian qui a port plainte hier contre Pfizer Le groupe pharmaceutique am ricain est accus d avoir r alis en 1996 sous le couvert d une action humanitaire et sans autorisations des essais d un m dicament responsable de la mort de nombreux enfants sur coutes L id e est que tous les sans papiers de Buffalo Grill sortent du bois Raymond Chauveau membre de l union d partementale CGT en soutien une cinquantaine de salari s sans papiers de Buffalo Grill Venus de 18 restaurants d Ile de France ils occupent depuis le 29 mai celui de Viry Ch tillon Essonne pour obtenir leur r gularisation LA TOILE Espagne LES ENVIES l ETA annonce la fin du cessez le feu L organisation s paratiste basque a pr venu ce matin qu elle mettait fin partir de mercredi minuit au cessez le feu permanent annonc le 22 mars 2006 Dans un com
242. t ou m diatique pour compl ter l nonc du tr s bref texte litt raire Mais peut tre aussi le micror cit en tablissant ce rapport avec d autres m dias satisfait il de cette mani re toute exigence d unit s mantique de signification ou de l gitimit sociale en subver tissant simultan ment les m dias audiovisuels et lectroniques qui l incluent Pour ces cat gories voir G rard Genette Fiction et diction Po tique Paris Seuil 1991 11 41 Ottmar Ette Roland Barthes Eine intellektuelle Biographie Frankfurt am Main Suhrkamp 1998 p 308 312 Friktionale Texte sind hybride Texte die zwischen den Polen von Fiktion und Diktion st ndig hin und her springen Friktion ist eine vom Text selbst inszenierte und den Text selbst inszenierende Hybridit t p 312 Cf Andreas Gelz Pico publications fragments amp texticules K rzesttexte in Frankreich am Beispiel der papiers de verre von Herv Le Tellier in Ottmar Ette d Nanophilologie Literarische Kurz und K rzestformen in der Romania T bingen Niemeyer 2008 p 141 150 Cf le volume co dit avec le dessinateur Xavier Gorce Guerre et plaies 2003 ainsi que Les opossums c l bres 2006 24 Les chelles de b ti de la science fiction R sum Dans la science fiction les microfictions prosp rent des auteurs font figure de classiques une r flexion a progressivement d fini une po tique et des concours structu re
243. t pour la premi re fois des hommes de la Terre ils not rent stup faits et tr s effray s Ce sont d normes insectes EMI 76 Le v g tal Quand les carottes pensantes venues du fond des lointaines galaxies virent pour la premi re fois des tres humains de la Terre o elles venaient de d barquer elles not rent stup faites Ce sont des l gumes volu s 188 CR 343 La SF est galement bonne fable pour pousser l exag ration Les langoustes On avait souvent dit que tout ce que l on imagina it finissait par arriver Les absurdes langoustes a l es venues d ailleurs si souvent d crites dans de pi tres r cits de science fiction finirent en effet par envahir la Terre Et comme elles voluaient dans les airs aussi ais ment qu elles voluaient dans les mers l homme put enfin se livrer sur une seule cr ature ses deux sports de pr dilec tion la chasse et la p che Tout en satisfaisant ses go ts de goinfre gastronome sans d bourser un centime 188 CR 191 Elle autorise galement perturber uchroniquement une sc ne d but e tr s logique ment o l on verra la n cessit paradoxale de faire durer un tant soit peu la tr s courte nouvelle si l on veut que la chute fonctionne bien Le pass L affrontement entre les manifestants et les C R S risquait d tre violent Ceux ci s align rent pour passer l attaque Pr ts la d tente ils empoign rent le
244. t qu il a perfectionn e sa carri re durant Il s agit de ce que l on nomme parfois le roman moyen et que d finissent diff rents traits bri vet relative du r cit et des chapitres clart de l nonc r alisme de l imm diatet mais en particulier un contr le narratif serr qui sans recourir aux ficelles du feuilleton veille ce que la ligne du r cit soit d un rythme uniforme ne s gare pas et indique m me tr s t t o elle va Ainsi dans Le Train on voit Simenon programmer son h ros d s l entame comme pour tre s r que nous prendrons toute la mesure de la rupture qui va suivre que nous l anticiperons aussi 111 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen D s le premier chapitre le romancier va par exemple et en un tournemain procurer son h ros un pass un pr sent et un avenir Pour le pass il est lourd d une suite de malheurs F ron n a pas t g t par la vie Sa m re a t tondue la fin de la guerre 14 18 pour complaisances envers l occupant puis a disparu de chagrin son p re est devenu alcoolique et s est d sint ress de son fils adolescent Marcel a fait une cure de quatre ans en sanatorium accabl d une forte myopie et gauche dans ses mouvements il s estime heureux d avoir trouv se marier C est beaucoup pour un seul tre Simenon mise ainsi sur un personnage de malchanceux presque de rat Il le f
245. t suggestions sont r percut s sous forme d injonctions r dactionnelles aux crivains Ces injonctions se trouvent profitablement traduites dans une grille de r mun ration qui est en m me temps un r pertoire de formes ainsi que le rappelle G Klein dans sa plus longue pr face consacr e la nouvelle v ritable essai d histoire et de critique 32 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction Ce sont les revues am ricaines qui ont d fini progressivement toute une gamme de modules allant de la short short de moins d une page la novelette roman court en passant par la short story de dix trente feuillets et la novella de cinquante cent feuillets 3 Si on cherchait comprendre ce qui fait de la science fiction une industrie culturelle on en aurait ici un bon indice car une telle conjonction de l approche conomique du r glage po tique et de la performance de lecture est rarement aussi nette La l gitimation du genre en est facilit e les formes br ves alimentent la pratique de l anthologie o un palmar s d auteurs est nonc en m me temps que se constitue le r pertoire de textes promis au rang de classiques Deux ph nom nes favoriseront ensuite plus encore les anthologies de nouvelles l invention du livre de poche qui fait se rejoindre les mod les conomiques du livre et de la revue et les met en concurrence et le progressif enfermement de la science
246. te peut tre pas une alternative mais le souvenir d une sorte de pr histoire dont l humain a perdu la trace 74 Anne Roche R veur rageur Les animaux ne sont pas des tres de culture Ils ignorent le progr s et les gran des mutations Ce sont donc les seuls t moins de la vie telle qu elle a toujours t de la vie dans sa plus simple expression Du coup on a l impression d une sorte d ironie animale qui regarde l homme s activer alors qu il est si simple de se contenter d tre Ensuite a subsist chez moi un go t enfantin pour les animaux Les formes cocasses d une girafe ou d un l phant rappellent nos premi res cr atures en p te modeler Donnez une boule de glaise un enfant il invente imparablement l hippopotame Choir l aboutissement actuel de l uvre est apparemment la description d un monde lugubre qu il suffise pour le caract riser de dire que les habitants disposent de trois cent douze mots pour dire gris C 15 La description en est faite dans le style de l exploration g ographique puis ethnologique quoique le narrateur soit lui m me un indig ne Mais ce qui fonde sa position d ext riorit c est sa haine pour sa patrie Notre seul projet quitter Choir Ce qui r gne sur l le de Choir c est toujours le m canisme de l inversion d j maintes fois rep r chez Chevillard une naissance est une catastrophe C 17 les enfants sont soumis au t
247. te avec les autres travers son populisme tardif et tout personnel Simenon manifeste son soutien non au prol tariat mais une couche sociale plus flottante En gros dans le cas pr sent une tr s petite bourgeoisie de l artisanat et du commerce qui au moment de la guerre conna t des frustrations et redoute de tomber dans la pauvret Marchand et r parateur de postes de radio dans une petite ville Marcel F ron est le parfait repr sentant de ce groupe plus vaste qu on ne croit Et les vicissitudes de sa vie dont il va tre question ne semblent tre l que pour aggraver sa situation de classe Toutefois il n est pas sans int r t que le romancier l ait dot d un m tier qui loin de le rejeter vers le pass le relie certaine modernit Comme si Marcel en tant qu agent social avait encore tout un r le jouer Et le p riple ferroviaire va lui permettre de jouer ce r le mais sur un plan tout symbolique Quelle revanche nous dit en somme le roman S il est donc une revanche du petit homme qui est surtout homme de la classe moyenne F ron la trouve avant tout dans la place de h ros qui lui est assign e sans qu il le veuille plus que cela Et c est un peu comme si Simenon revendiquait un droit au roman pour quelqu un par ailleurs peu dou pour la vie Et ici l crivain met au service de son personnage toutes les ressources d une formule romanesque qu il a mise au point d s ses d buts e
248. ten zwischen dem Dargestellten und dem Darstellenden auf den Fl geln der poetischen Reflexion in der Mitte schweben diese Reflexion immer wieder potenzieren und wie in einer endlosen Reihe von Spiegeln 22 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 vervielfachen Friedrich Schlegel Athen umsfragmente 1798 dans Kritische und theoretische Schriften Andreas Huyssen d Stuttgart Reclam 1978 p 90 Lauro Zavala La minificci n bajo el microscopio op cit p 52 Lorsque l on recherche dans la discussion sur le microrrelato hispanophone des r f rences la litt rature fran aise elles se rapportent presque toujours l Oulipo et plus particuli rement son membre italien Italo Calvino et sa po tique Lezioni americane Sei proposte per il prossimo millennio 1988 o il fait de la bri vet l une des enseignes de la litt rature du XXIe si cle Cepen dant c est un exemple latino am ricain que choisit Calvino pour illustrer sa vision de l avenir de la litt rature il s agit du microrrelato le plus c l bre El dinosaurio d Augusto Monterroso je me bornerai vous dire que je r ve d immenses cosmologies de sagas et d pop es encloses dans les limites d une pigramme En un temps de plus en plus congestionn comme celui qui nous attend le besoin de
249. tent un moment donn devant un cin ma pornographique occasionnant ainsi une liste de titres constitu s de calembours douteux Saintes qui touchent Chauds les teutons etc plus loin on peut observer toute une s rie de graffiti revendicateurs galement fond s sur des jeux de mots des ut rophones aux allumeuses de r verb res 1 Cette tendance la synth se verbale trouve son expression finale dans l num ration et l criture de la liste est tr s pr sente chez Pag s en g n ral ainsi Le th oriste commence par un inventaire constitu par sa m re et accompagn d une traduction des premiers mots du narrateur Cette liste servira de prol gom nes la description de la vie de famille de ce dernier conditionn e par la profession scientifique d un p re qui garde compulsivement en les tiquetant jusqu au moindre d chet une habitude qui fera dire son fils Je suis n dans l exposition permanente d un mus um Ainsi le lieu de l origine de la parole est il caract ris comme un lieu de collection ou comme un d potoir la diff rence n tant pas toujours vidente ce qui rapproche l atmosph re du th oriste de celles que l on observe plus fr quemment en ce qui concerne l criture de la liste chez Perec ou Quignards 79 Gaspard Turin Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s Pourtant cette propension la r duction du propos
250. the other In atomizing the narrative T which is broken up into terrifying and incompatible identities Microfictions orchestrates the dissolution of the subject s unity through the discovery of the fleeting fragile and above all wholly arbitrary nature of our identity and our being in the world Mots cl s Jauffret Rimbaud autofiction ali nation schizoanalyse cynisme Rien n est assur ment plus faux que d affirmer que le roman fran ais contemporain a renonc l ambition de totalit au go t de faire des mondes et au gigantisme qui va de pair le r cit choral la fran aise H di Kaddour Waltenberg ou l am ricaine Maylis de Kerangal Naissance d un pont les longs romans n o sentimentaux la Pascal Quignard comme La blessure et la soif de Laurence Plazenets les odyss es de Mathias nard Zone ou de Yannick Haenel Cercles les r ves veill s d Antoine Volodine Songes de Mevlidof de Laurent Message Les veilleurs7 ou de Claro Cosmoz8 en t moignent autant que les machines formelles tranges d Alain Fleischer ou de Pierre Senges je pense aux Fragments de Lichtenberg Aucun de ces monstres plus ou moins imp rissables n gale pourtant le gigantisme invasif des Microfictions de R gis Jauffret dont le syst matisme autodestructeur et l humour noir proc dent d un proc d nonciatif unique d clin sur mille pages cinq cents histoires class es par ordre alphab tique no
251. the Paris Minuit 1994 p 17 Citons titre dexemple suppl mentaire le cas de R gis Jauffret qui en 2007 a re u deux prix litt raires Prix de l humour noir Xavier Forneret 2007 Prix France Culture T l rama 2007 pour son roman Microfictions Sa mani re paradoxale de qualifier une s rie de microfictions de roman et de choisir pour titre ce roman le nom d un autre genre litt raire d montre une volont de red finir ce qu est un roman voire d y substituer un genre litt raire nouveau Parler du micror cit dans la litt rature fran aise revient donc entre autres tenter d tablir une g n alogie des possibles origines 23 Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine 27 28 29 de cette production litt raire actuelle Et c est donc encore du roman f t ce d une mani re indirecte qu il s agira de parler On pourrait se demander si ce recours d autres m dias la t l vision le cin ma les journaux et le dessin n est pas aussi un effet de la miniaturisation du texte litt raire qui permettrait une codifica tion une articulation et une repr sentation de l criture dans d autres m dias voire m me la gen se d une constellation de diff rents m dias C est peut tre le caract re s mantique n cessairement lacunaire du microtexte m me qui provoque cette combinaison de diff rents m dias faisant appel un compl ment s mantique e
252. ti re entre le fonctionnement de deux critures renvoient un hors texte qui est la figure de Kafka et ouvrent la voie un tonnant dialogue entre deux auteurs par del la tombe Car souvent les microfictions comme on le verra tr s bient t deviennent des micro analyses Si les phrases attribuables Kafka n taient pas imprim es en caract re gras saurait on o se termine le texte de l un et o commence celui de l autre Dans plusieurs cas la microfiction se d roule de mani re fluide se d veloppe sans rupture et le lecteur peut se dire que Pierre Senges a fortement investi le texte de Kafka au point d en devenir une sorte de double D ailleurs la pr sence intertextuelle de l uvre de Kafka est souvent manifeste Il ne sera videmment pas possible d en faire une d monstra tion exhaustive On peut d j en donner un exemple l incipit Champs mornes plaine morne derri re des nuages le vert blafard de la lune s encha ne la phrase suivante d ici la fin de la f te la fin des noces la campagne on aura beau ajouter des lampions rouges pour compenser le vert blafard ES 59 Les Pr paratifs de noce la campagne sont achev s et la f te elle m me semble en voie d ach vement Dans d autres microfictions la proposition textuelle renverse l attendu de l incipit quoiqu on puisse imaginer Kafka conduire le texte vers la conclusion macabre qui suit par exemple C tait u
253. tions en onze mois J avais commenc crire plusieurs histoires courtes et je me suis dit que ce serait int ressant de continuer J crivais d abord une phrase et les autres suivaient un peu comme une formule entra ne une d monstra tion math matique C tait facile sans angoisse j en crivais deux trois ou quatre par jour et je les corrigeais au fur et mesure J en ai crit 500 pour me donner une limite et ne pas passer le reste de ma vie crire ce livre Je nai m me pas relu les preuves le livre tait trop long et je m occupais autre chose ce moment l Que dire d autre Je ne me pose jamais de question avant d crire apr s non plus et quand j cris non plus car je suis en train d crire et je pai jamais ressenti la fiction comme autre chose que de l action un saut dans le vide et on ne r fl chit pas quand on tombe Je me sens vraiment fort peu th oricien je suis d sol de n avoir pas grand chose dire sur mon criture J aurai peut tre des id es l dessus quand je n crirai plus mais pour l instant je n en ai pas Bien toi R gis Le 21 12 2010 suite En fait ce livre me semble lointain Depuis j ai crit cinq livres dont deux ne sont pas encore publi s l poque je me disais aussi que ce serait une sorte de dictionnaire d histoires et j ai mis les histoires dans l ordre alphab tique car c tait l ordre dans lequel elles m apparaissai
254. tions sont inextricablement li es dans un contexte litt raire o les termes d crivain et de lecteur se substituent facilement ceux de peintre et de spectateur et o les pratiques citationnelle et rudite de Quignard bien connues illustrent merveille le geste de d coupage Elles font cho l action du spectateur qui fascin se rapproche des d tails de la toile le pr sent article se concentrera toutefois uniquement sur la pratique et le r le du d tail visuel et non pas sur le d tail citationnel Dans la peinture le d coupage du d tail doit en outre s accompagner d un geste de rapprochement aussi Arasse souligne t il dans cette histoire rapproch e de la peinture qu est l histoire du d tail le r le de la distance entre le spectateur et la toile Le d tail cause litt ralement une dis location de l espace et de la vue d ensemble 53 Irina De Herdt Pascal Quignard et le bruissement du d tail d s le moment o le spectateur se d place et se rapproche de la toile sid r par certains d tails Plus il se rapproche du tableau plus les d tails iconiques c est dire les aspects minuscules de la repr sentation mim tique s estompent pour devenir des taches de peinture qui sont pr sentes sans repr senter et qui montrent l artifice de l art Ces d tails picturaux ne repr sentent rien ou plut t ils repr sentent le rien c est dire tymologiquement l
255. tout se tient je suis lanc quarante cinq ans je peux tre encore m t ore ou com te comme un po te mort il n y a d autre vie que celle ci On me fait un nez quand je dis que je suis n dans le Devon en 1910 et pourtant voici un document qui l atteste sans conteste lisez c est crit noir sur blanc comme le hennissement du z bre imprim un grand nombre de fois alors ma foi il doit y avoir du vrai l dedans d autant qu on le lira encore dans vingt ans et au del Ha Quelle ponge s il vous pla t pour effacer cette preuve Et quel relaps inventerait un mensonge si durablement inscrit dans le laps imparti sa vie r sistant l preuve du temps sans tre d menti par l enqu te diligemment ou non men e sur lui ou pas Ha Devon 1910 c est l origine attest e par le pr sent document de l homme qui signe ces lignes Je hoche je hoche j ai d cid aujourd hui de hocher de ne faire aujourd hui que hocher c est d cid peu m agiter ne remuer ni bras ni jambes hocher bonnement et simplement mais hocher sans discontinuer pour appr cier les cons quences de ces hochements r p t s sans autres gestes ni d hanchements que hocher toujours et encore hocher de la rose aurore au couchant exclusivement hocher plut t que me v tir hocher plut t que travailler plut t hocher que me nourrir hocher pour jouir et pour mentir s duire avec mes hochements me laver de cette seule fa on hochant hochant en ville a
256. tribution concours et laur ats structurent p riodiquement le d fi produire et le palmar s de la production Dans la short short story peu publi e par les diteurs professionnels mais tr s pratiqu e par les amateurs l astuce l humour l motion ou la pensivit sont un effet de retomb e de la stylisation du code g n rique et de ses motifs Deux figures ma tresses en dominent le mod le litt raire Fredric Brown et Jacques Sternberg mais son volution r cente est plut t rechercher dans l mulation interm diale non seulement des formes courtes composant la rh torique des r seaux sociaux mais aussi des formes lapidaires issues du roman noir des dialogues de cin ma de l humour urbain et des sayn tes t l vis es L ensemble compose une matrice extraordinairement active dont il n est pas certain on le verra que la vis e macrocosmique soit le caract re essentiel Face aux deux re p res r alistes toujours cit s que sont le F n on des nouvelles en 3 lignes et le Hemingway r el ou suppos du fameux For sale Baby shoes never worn les genres de l imaginaire ou du fantastique se r clament de quelques fortes uvres comme celles de Kafka ou Lovecraft et la science fiction moderne reven dique avec fiert le patronage de Fredric Brown 1906 1972 salu dans tous les genres Cet crivain am ricain a crit des centaines de fictions courtes destin es aux journaux pulps d abord d
257. tt rature Publications de l Universit de Saint tienne 2003 p 152 ric Chevillard Un fant me Paris ditions de Minuit 1995 D sormais UF ric Chevillard Des crabes des anges et des monstres art cit p 98 Bruno Blanckeman Jean chenoz d rapages contr l s in Jean Pierre Mourey et Jean Bernard Vray dir Figures du loufoque la fin du XX si cle op cit p 129 Ibid crire pour contre attaquer entretien avec Olivier Bessard Banquy Europe n 868 869 ao t septembre 2001 ric Chevillard Sans l orang outan ditions de Minuit 2007 D sormais SLOO ric Chevillard Choir ditions de Minuit 2010 p 260 D sormais C Entretien avec Emmanuel Favre op cit Ce motif de l animal est galement tr s pr sent dans l uvre d un auteur amicalement proche d ric Chevillard Antoine Volodine cf Tout ce que l on voudra mais pas homme entretien avec Anne Roche Europe n 940 941 ao t septembre 2007 Entretien avec Emmanuel Favre op cit crire pour contre attaquer entretien avec Olivier Bessard Banquy op cit Ibid Ibid T1 Caract res jamais imprim s Les petits formats d Yves Pag s au service d un discours social contemporain R sum Dans deux livres d Yves Pag s les courts chapitres esquissant en quelques traits des personnages aux statuts sociaux pr caris s tendent se raccourcir jusqu prendre la forme de
258. u il n y a plus l orang outan Que sommes nous devenus en effet De tristes larves au dernier stade de notre m tamorphose demeurant larves croissant dans nos ruines SLOO 129 Tel l Alceste d Euripide le narrateur est pr t s offrir la mort en change des orangs outans SLOO 47 Mais la mort n accepte pas ce marchandage Aussi entreprend il de recr er des orangs outans avec ses cong n res il les incite grimper aux arbres y dormir non sans de nombreuses chutes fatales qui ne le d couragent pas si elles refroidissent l ardeur des autres Pas d inqui tude toutefois Choir nous apprend que Les grands singes aussi sont de retour Drallivehe pr tend qu ils sont fruits de nos uvres 8 C est bien possible puisque la fin de Sans l orang outan la compagne du narrateur acceptait d tre f cond e par des spermatozo des simiesques Il serait facile d interpr ter cette fable avec de gros sabots de couleur verte Notons n anmoins que l animal est ici une sorte de sage qui r cuse le progr s technique l orang outan refusait de reconna tre la beaut et l utilit de nos r alisations les plus fabuleuses et ne manifestait aucune curiosit pour celles ci ni la moindre impatience d en profiter son tour N tait il pas pourtant en l absence de dieux ou de Martiens av r s notre seul public SLOO 174 Plus s rieusement l animal en effet repr sen
259. u un art du roman confondu avec Tembarras d un arri re plan plus ou moins labor C est donc tout un discours critique qui se forme ainsi dans l opposition structurante de la forme longue et de la forme br ve au b n fice de la forme br ve Pour convenu qu il soit en apparence reproduisant apparemment sans finesse des oppositions terme terme qui n ont r sist aucune enqu te pr cise de po tique de la nouvelle ce discours renseigne fort bien sur d une part les axes d une po tique populaire peut tre moins grossi re qu il n y para t et d autre part les conditions de prolif ration de la microfiction dans la science fiction Que promeut en effet ce discours de la nouvelle science fictionnel Une pens e diff rentielle d abord mise au service d une esth tique de l clat de lillumination L une des diff rences fondamentales entre la nouvelle et le roman tient pr cis ment leur rapport au temps la nouvelle inscrit la fiction dans le temps dans sa fugacit m me tandis que le roman introduit le temps dans la fiction Un roman exige du labeur une bonne nouvelle un tat de gr ce s L exigence de performance de panache s applique aussi au discours critique il faut non seulement expliquer analyser mais convaincre et faire mouche En t moi gne cet autre parall le conduit par Vincent Bastin d fenseur actuel de la micro nouvelle Le roman vous fait visit
260. u es mais que le lecteur peut reconstituer partir des 67 pages que comporte l index Chez deux autres repr sentants de l Oulipo l on retrouve une oscillation g n rique semblable qui montre premi rement quelles cons quences peut avoir la pratique encore peu codifi e du micror cit sur la diff renciation du syst me g n rique des textes narratifs et deuxi mement comment elle peut catalyser sa transformation La pr sentation des travaux d Herv Le Tellier sur le site officiel de l Oulipo et plus particuli rement les genres litt raires l aide desquels il organise ses publications dispense de recourir aux principes th oriques de l Oulipo savoir la combinatoire pour expliquer une relation avec le micror cit C est lui m me qui tablit ce rapport quand parmi les diff rentes cat gories litt raires le roman les nouvelles l essai la po sie l uvre graphique etc qui regrouperaient ses travaux les reconfigurant en quelque sorte il fait galement figurer la cat gorie BO amp pico publications rappro chant de la sorte l Oulipo et le micror cit Une cat gorie semblable porte le titre Fragments amp texticules C est de cette mani re que des mots cl s de la discussion du micror cit apparaissent dans l autoportrait po tologique d un membre de lOulipo la cat gorie de la bri vet les pico publications la notion de fragment ainsi que des termes g n riques sp ci
261. u se structurant autour d un autre rapport au temps la concomitance par exemple dans Le martyre et les fun railles de sainte Ursule de Carpaccio o l on voit deux sc nes successives repr sent es dans le m me espace c est dire simultan ment Carpaccio s appuyant sur la possibilit parce que la toile est tr s grande de multiplier les points de fuite Regarde c est l http www wga hu art c carpacci iursula 2 80omar tyr jpg Cela ne nous loigne pas du sujet tu le sais je suis un peu obs d par les questions de polyphonie par le surgissement des voix qui mettent mal n cessairement une forme gale continue Les livres chorals me passionnent et une bonne partie de la litt rature am ricaine dite postmoderne Coover Pynchon Sorrentino etc J ai lu Lyotard laborieusement mais je crois en avoir compris les grandes lignes il constate la fin des grands r cits scientifiques proposant une lecture t l ologique du monde On a beaucoup dit que la cons quence de cette fin tait partout lisible dans l illisibilit de certaines uvres artistiques ou dans une forme d humour autor f rentielle dans le go t pour le jeu avec les codes en sous entendant qu il y avait l quelque chose de vain une option d cadente Dans le fait que cette fin ne permettait plus que des s ries de lignes bris es un regard incapable de surplomb des miettes des objets des d tails Des signes ou des signifi
262. ualifier lui m me comme dans ce volume de dict es qu il intitule Je suis rest un enfant de ch ur 1979 Sur ce film voir Claude Gauteur D apr s Simenon Simenon et le cin ma Paris Omnibus lt Carnets gt 2001 p 193 194 Sartre Th tre complet Gallimard lt Biblioth que de la Pl iade gt 2005 p 270 119 Revue critique de fixxion fran aise contemporaine ISSN 2033 7019 Comit de r daction Didier Alexandre Universit de Paris IV Sorbonne France Ivan Arickx Wolfgang Asholt Universit t Ossnabr ck Allemagne Germany Bruno Blanckeman Universit Paris III France Vicky Colin Universiteit Gent Belgi Belgium Tara Collington University of Waterloo Canada Dominique Combe Ecole Normale Sup rieure de Paris France Frances Fortier Universit du Qu bec Rimouski Canada Gianfranco Rubino Universit di Roma La Sapienza Italia Italy Barbara Havercroft University of Toronto Canada Ann Jefferson Oxford University Angleterre United Kingdom Jean Kaempfer Universit de Lausanne Suisse Switzerland Warren Motte University of Colorado at Boulder Etats Unis United States Michel Murat Universit de Paris IV Sorbonne France Dominique Rabat Universit Paris Diderot Paris VII France Pierre Schoentjes Gent Universiteit Belgi Belgium Michael Sheringham Oxford University Angleterre United Kingdom Dominique Viart Universit de Lille III
263. uce clomme un papillon ou un scarab e qui r tit ses ailes la chandelle ou autrement dit comme un symbole de memento mori typique des peintures coites Dans le silence de cette sc ne on entend le gr sillement du silence qui tel le bruissement paradoxal qui sert de mati re sonore la langue provoque chez le spectateur une attention inexplicable GLT 60 La derni re toile de La Tour que Quignard d crit repr sente un vieux vielleur aveugle qui v ritable visualisation de l oxymore du silentium loquens GLT 70 crie sans tre entendu et est vu sans voir l origine une expression de J r me ce silence parlant est le fondement m me de l criture litt raire telle que Quignard la con oit Or dans le d tail iconique d une petite mouche gar e sur la vielle et visible seulement force de se rapprocher Quignard d chiffre galement ce bruissement apparemment d pourvu de sens mais en r alit embl matique de l origine et de l existence humaines Une grosse mouche bleue s est pos e sur la vielle C est le papillon qui se br le la chandelle Comme les enfants qui naissent ils sont plus attir s par la passion de la lumi re que par la souffrance o ils hurlent GLT 70 En fait cette progression de l homme dans le temps en route pour la souffrance et la destruction n est pas seulement l image du papillon fascin par la lumi re mais aussi de la chand
264. ud Pour la tradition litt raire de r veurs et de visionnaires laquelle R gis Jauffret semble appartenir l crivain est par d finition celui qui peut embrasser l identit d autrui au point de perdre la sienne nous laissant au demeu rant penser qu il se doit de faire ce d tour par autrui pour devenir lui m me moi l histoire d une de mes folies on se souvient du mot du d but de Alchimie du verbe la seconde scansion des D lires d Une Saison en enfer formule dont pourrait proc der le gigantesque dispositif de diffraction et de d r glement des Microfictions qui rappelle le principe d Univers univers premier roman somme de R gis Jauffret o d j le monde ne semblait tre que la projection mentale transitoire d un cerveau h sitant entre des myriades d existences possibles 2 Dans une microfiction sous titr e crivains l tat de compost R gis Jauffret parle d un crivain clown qui pulv rise les caillots engendr s par l orgueil la pr tention les croyances il partage la fois l hyst risation rimbaldienne Je devins un op ra fabuleux je vis que tous les tres ont une fatalit de bonheur l action n est pas la vie mais une fa on de g cher quelque force un nervement et son amoralisme tout 65 y Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui les Microfictions de R gis Jauffret droit issu du Spleen de Paris baudelairie
265. ue individuelle de chaque contact De la recherche d une station de radio sur la bande FM au calembour quotidien des twitteurs s est d velopp e une rh torique redou table d efficacit destin e marquer les sens et les esprits qui entrent et sortent 37 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction sans cesse 4 et une motion esth tique organis e autour du couple pic d intensit latence pensive On est aussi pass une diffusion multipolaire et autonomis e o chacun peut tre r cepteur et metteur de messages de produits ou d uvres culturels Tous les exemples examin s plus haut qu ils datent des ann es 1960 ou d aujourd hui sont adapt s cette donne contemporaine qui est bien plus celle d une sociabilit narrative en nuage de points que celle d une totalit romanesque en forme de puzzle Les concours de nouvelles de grands magazines am ricains New Scientist Wired ou d un petit fandom francophone Prix P pin les projets comme 365tomorrows ou Every Day Fiction les micro ditions voire auto ditions de Bastin Berthiaume ou Fuentealba croissent fort bien dans cette culture et sont l un des vecteurs de son enrichissement et de l intrication de ses subcultures par le destin des m mes les cross over ou les extensions transfictionnelles La sociologie et les sciences de la communication montrent bien que les flux organisent l ph m re et que les com
266. ue qui a donn une nouvelle vigueur r cente la microfiction les textes prennent forme comme des documents imprim s fasci cules PDF ou livres auto dit s et la diffusion la promotion la critique s organisent autour de ces documents Les moyens num riques sont comme des substituts ou des prolongements des m thodes physiques impression sur papier r union d amateurs La plate forme de microblogging Twitter a popularis sous le nom de twitt rature une autre forme d existence des tout petits r cits celle du flux continu la micro nouvelle y est l vidence en terrain favorable et s y d veloppe bien Mais on ferait sans doute une erreur en rapportant ce d veloppement la seule contrainte de bri vet du message 140 caract res maximum et une suppos e impatience ou inconstance du lecteur Le propre des sites web de flash fictions ant rieurs Twitter d ailleurs est en effet de proposer un flux r gulier une dose quotidienne daily dose de microfiction l instar de grosses entreprises Internet cot es en bourse misant sur une strat gie de retour r gulier fid lisant plut t que de r tention et allongement du temps de visite L exemple le plus spectaculaire dans le domaine de la science fiction est celui de 365tomorrows A New Free Flash Fiction Scifi Story Every Day Le site fonctionne depuis 2005 a lanc plusieurs auteurs accepte les soumissions libres des interna
267. ue rien ne vous est tranger homo sum et nil humani a me alienum puto mais c est avant tout un constat infiniment pessimiste sur la prison que constituent la fois le langage et l individualisme moderne C est en effet en vain que les personnages des Microfictions cherchent pouser leurs identit s de r les et de statuts Je suis Arthur Monin car je suis n Arthur Monin et en d finitive j ai fini par le devenir proclame un des plus embl matiques personna ges du recueil dans le r cit ponyme L trange Arthur s puise rester devant une armoire glace jusqu deux heures du matin regarder Arthur Monin j essayais m me de me confondre avec lui mais chaque fois il se d robait MF 27 explique une voix dont l inqui tude schizophr nique semble faire la consternation de son entourage mais dont l autor flexivit pathologique offre au lecteur une m taphore possible de la condition humaine selon R gis Jauffret Tu seras fier de moi lorsque je serai enfin Arthur Monin explique le personnage son p re qui lui conseille de devenir veilleur de nuit avant de lui r torquer j aviserai quand je serai Arthur Monin seul l puisement arrivera r concilier l tre avec une identit vide que ni la nomination ni la repr sentation ni l action n avaient pu parvenir saisir et stabiliser Ni les m canismes de la transmission familiale ni ceux de la mise en intrigue de
268. uil 2004 ric Chevillard L uvre posthume de Thomas Pilaster Paris Minuit 1999 p 182 183 R gis Jauffret S v re Paris Seuil 2010 69 R veur rageur R sum La plupart des critiques sur l uvre de Chevillard insistent sur les proc d s formels qui visent une d construction ironique du genre romanesque et des illusions qui le sous tendent Sans minimiser ce versant essentiel de l uvre notre article se propose plut t d en souligner la base motionnelle un sentiment de rage de col re qui anime avant tout les personnages Furne de Le Caoutchouc d cid ment ou les narrateurs de Choir mais qui n est sans doute pas tranger leur cr ateur Abstract When considering Chevillard s works most critics insist on formal approach es which aim at ironically deconstructing the novel as a genre as well as its underlying artifices While this perspective is essential this article will instead examine the emotional basis of Chevillard s creation a feeling of rage or anger which primarily motivates the fictional characters for instance Furne in Le Caoutchouc d cid ment or the narrators in Choir but may be shared by the author as well Mots cl s Chevillard rage r flexivit Choir inversion Je reproche depuis longtemps au roman de s inscrire dans l espace id al du songe en se conformant pourtant au principe de r alit alors que nous tenons avec la litt rature l occas
269. uir nouveau le nazisme En 1942 elle a rejoint un r seau de la R sistance le Front Fran ais de l Int rieur C est dans ce r le que nous la retrouvons en fin de roman portant le b ret typique et se souciant de cacher un aviateur anglais sans doute tomb en parachute Telle est l Anna s rieuse et organis e c t de laquelle Marcel F ron passe sans rien y voir isol qu il est dans sa myopie Vers cette militante en butte au nazisme et dress e contre lui vers cette Anna qui ne peut qu en appeler la fraternit des hommes et des femmes convergent diff rents traits du r cit Anna est la g n rosit y compris dans le don qu elle fait d elle m me comme elle est la franchise m me si elle est loin de tout dire Avec F ron elle cr e en un tournemain les conditions d un amour partag Mais soyons attentifs encore son calme au long du trajet la justesse des gestes du quotidien qu elle pose cette capacit mettre la situation sous contr le Il ne faut gu re solliciter le texte pour comprendre qu Anna Kupfer est quelqu un qui tout ensemble a un id al et une ligne Elle poss de de surcro t certaine beaut de la militante ou de la r sistante comme on se pla t les imaginer Chevelure sombre et tenue sobre elle a rappelons le la chair 117 RE LIRE Jacques Dubois Anna Kupfer et les limites du roman moyen ferme et le corps souple un corps aguerri aux rudesses des conditions de
270. uivie c est ce qui arrive toute liste non litt raire qu il s agisse d un dictionnaire d un livre de cuisine ou d un bottin de t l phonez Dans cet esprit warholien d ouverture une forme n cessaire de consommation il appara t que le langage m diatique et plus encore t l visuel sert de mod le obscur cette criture qui n est pas trang re au ph nom ne de zapping par lequel l attention du destinataire n est sollicit e que peu de temps sur le m me objet M dias Comme le montre Allan Bell dans un ouvrage par ailleurs totalement d pourvu de sens critique sur la question la nouvelle m diatique impose un discours extr me ment retravaill et lagu dont la valeur est maximis e 2 On ne s tonnera pas que Pag s lors de l criture de PNMT ait t pr cis ment en train d crire pour un journal le travail de polissage de la formule en t moigne galement La t l vision n est pas en reste de cette appropriation du m dia journalistique qui influence la composition du texte Celui ci impose la lecture un mode de traitement de l infor mation discontinu qui rel ve de la logique de zapping Le zapping permet au spectateur de construire une exp rience t l visuelle fragmentaire un collage postmoderne d images dont l int r t ressortit leur discontinuit leur juxtaposition et leurs contradictions La segmentation y est pouss e au point le plus extr me de la
271. un march du livre parall le celui des grands diteurs o l objet imprim n est parfois qu une d clinaison parmi d autres de l uvre diffus e fichiers PDF t l chargeables ou consultables en ligne livres lectroniques sous licence Creative Commons extraits r guli rement post s sur des sites web ou des forums de discussion La critique s en fait sur les blogs ou dans la 29 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction presse sp cialis es le discours g n rique se structure peu peu par les sites les commentaires des billets de blogs et les forums o s changent les arguments des discussions qui prennent naissance notamment lors de concours d criture comme ce Prix P pin Initi par Pierre G vart directeur du fanzine G ante Rouge et devenu par la suite r dacteur en chef de la revue Galaxies ce concours jouit d un int ressant succ s depuis 2005 le prix est attribu lors de la Convention annuelle de science fiction r union d amateurs de fans apr s un vote des lecteurs selon un r glement assez d sinvolte d ailleurs 5 Les textes finalistes sont auto dit s dans de petits fascicules illustr s vendus 5 euros Cette configuration conjugue ainsi le d fi de l criture br ve mulation du concours la sociabilit communautaire de la r union annuelle des amateurs Ici on reste dans un mod le interm diaire entre la culture du livre et la culture num riq
272. un monde o nous renoncerions nos fables sentimentales et consolantes Une microfiction n a pas de sens par elle m me mais joue bien s r de l effet de s rie Puis je te demander de revenir sur la r gle qui a pr sid au nombre 500 de microfictions r unies dans le livre qui porte ce titre tait ce pour toi une r gle pos e d s le d part Et cet effet volontaire d accumulation qui oblige une lecture tr s singuli re comme par rafales de textes comment l as tu v cu en crivant le livre comme une sorte de carburant positif ou parfois comme une contrainte p nible D autant que les m mes principes alternance du r cit et des lignes de dialogue conditionnent l criture de chaque microfiction Dans la composition s rielle des discours c est moins l effet d une polyphonie qui s impose que celui d une trange uniformit au del de toute transgression je pense aux personnages violeurs incestueux violents ou meurtriers Une multitude de voix mais galis es dans le m me rapport de faire tenir toute une existence par les quelques circonstances qui ne suffisent plus dire une singularit Quelle id e te fais tu aujourd hui de la liste et de sa productivit litt raire Comment con ois tu cette capacit de l crivain la ventriloquie et comment fonctionne pour toi cette vitesse d incarnation de chaque voix peine individualis e Tes derniers livres poursuivent ils en ce sens mais
273. ur le micror cit nous permet comme dans le cas de Roland Barthes de r unir dans une m me analyse de l volution de la litt rature contemporaine la vision diachronique le groupe a t fond en 1960 et l on pourrait citer les Exercices de style 1973 de Andreas Gelz Microfiction et roman dans la litt rature fran aise contemporaine Raymond Queneau comme l un des premiers micror cits embl matiques du groupe et synchronique Pour les membres du groupe se pose non moins que pour Roland Barthes la question de la production de textes partir de micro l ments textuels de leur combinatoire de leur s rialit qui n est pas sans rappeler la constellation de Roland Barthes d un c t comme de l autre on trouve l insistance sur la potentialit des d buts contre l id e d une cl ture du texte la discontinuit Pour Roland Barthes comme pour l Oulipo la th orie et la pratique de la litt rature sont gale ment importants Un autre parall le plus important pour notre propos me semble cependant l oscillation g n rique qu on trouve dans quelques travaux de l Oulipo o interviennent simultan ment roman et micror cit ou ce que l on pourrait interpr ter comme tel Un exemple en est La vie mode d emploi 1978 de Georges Perec que l auteur con oit comme un romans au pluriel Ce texte essaie de raconter dans une s rie de textes ultracourts et selon un proc d combinatoire la vie de
274. urs boucliers de protection abaiss rent la visi re de leur casque ce qui leur 28 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction donnait une vague allure de guerriers du Moyen Age Ils avanc rent en bon ordre sur un seul rang et re urent de plein fouet une meurtri re vol e de fl ches ac r es venues du fond des temps 188 CR 230 Elle permet aussi rebours de conduire jusqu son terme logique une pr misse loufoque dont la chute assure le d voilement r cursif bien entendu Le probl me Tout coup distrait le professeur qui au tableau expliquait ses l ves les lois essentielles de la chute des corps dans l espace commit une erreur Assez grossi re d ailleurs Et cet instant pr cis les avions qui sillonnaient le ciel tomb rent comme des objets de plomb non pas vers la Terre mais du ciel dans le gouffre de l espace EMI 79 L erreur Passant ses examens il y avait plus d une heure que le cancre de l cole cherchait en vain la solution d un banal probl me de physique sur la chute des corps dans l espace Soudain il crut voir clair il griffonna quelques chiffres qui donnaient en fin de compte une grossi re erreur Au m me moment dix kilom tres de l la base de lancement d un centre de recherches spatiales on d clencha it le signal de d part d une fus e vers Mars Et la fus e dans un impressionnant nuage d apocalypse s enfon a tr
275. us offrent autant d autofictions d une page et demie men es chacune par un personnage diff rent De petites pages comme frott es de cigu entre lesquelles ont s ch des brins d ancolie sem es de mots suraigus et bl mes des perversit s promptes et ac r es et qui entrent en agonie d s qu elles ont t con ues un monde minuscule de drames brefs haletants qui tournoient follement ainsi que de petites toupies dans leurs derniers circuits notait Schwob propos des Proses moroses de R my de Gourmont description qui convient admirablement au Microfictions de R gis Jauffret embarqu s dans une gigantesque nef des fous cinq cents r cits la premi re personne dessinent de brefs et nigmatiques autoportraits au pr sent portraits souvent pr c d s d un fragment de discours direct comme sorti du quotidien qu ils viennent gloser Je suis oblig de te dire la v rit Je t ai aim pour te faire plaisir De nos jours la psychanalyse Pour citer cette contribution Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui Les Micro fictions de R gis Jauffret in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications no1 gefen fr html gt 64 Alexandre Gefen Je est tout le monde et n importe qui les Microfictions de R gis Jauffret est d su te
276. usse les amants faire bande part l int rieur du wagon comme du camp de r fugi s Cela ne les emp che pas cependant de participer de l esprit collectif dont ils savent confus ment qu ils sont le produit Le groupe la foule sont comme le milieu naturel et l horizon de tout acte Ici fait retour une tendance d j ancienne de l esth tique du romancier m me s il ne l a jamais pleinement assum e Au temps de Pedigree par exemple publi en 1948 et l image de ce que la guerre avait manifest Simenon songeait c l brer les foules en mar che et faire voir comment un mouvement vaste et confus entra nait les petites gens vers un but ind fini Il s agit comme on voit d un populisme unanimiste de caract re vague qui nous renvoie une tendance de la litt rature d entre deux guerres et dans lequel tout loign qu il se soit tenu du monde litt raire Simenon n a pu que ba gner Le piquant est que dans le cas pr sent la tendance l unanime vaut surtout pour une pratique sexuelle qui se collectivise dans la lib ration des tabous Pas une nuit ne s est coul e sans que j entende des corps se mouvoir avec pr caution des souffles pr cipit s et des plaintes amoureuses p 898 Fa on pour les amants de se mettre l unisson d une foule en d sarroi Toujours est il que s ils ne songent qu former une soci t deux c est tout de m me en consonance troi
277. utes et d veloppe un discours fortement th oris sur la microfiction l mulation du concours s ajoute ainsi la fid lisation d un public plus large que celui de la communaut de fans ou fandom et m me une ambition sociale assum e ouvertement par les fondateurs et articul e au discours po tique In this modern digitized world the gap between readers and those who can t allow time for such a luxury continues to grow they can t even find a moment to stop at a bookstore between meetings What they can do however is click on a link offered by a friend coworker or website This is why flash fiction one of the most ancient forms of prose has found new life in the digital era 18 Quant l mulation c est une pratique qui semble ins parable de la scifi flash fiction la revue New Scientist a lanc son concours en 2009 avec un doubl confiant une superstar de la SF Stephen Baxter le soin de choisir les meilleures et une autre Kim Stanley Robinson d inviter ses coll gues en crire une Wired a demand en 2006 des crivains de SF d crire des nouvelles en 6 mots leurs nanonouvelles composent une sorte de m ta palmar s un d fi des d fis2 dont voici 3 exemples qui montrent comment ces textes stylisent des sc narios classiques du genre sans se limiter la tradition humoristique des Brown et Sternberg 30 Ir ne Langlet Les chelles de b ti de la science fiction
278. ux champs hochant et ne faisant qu hocher quoi qu il m arrive r pondre par des hochements or au soir encore me vive on dit vivre on peut dire hocher vivre ou hocher quelle diff rence je men doutais c est d montr et demain pour changer hacher La grenouille sera notre main et nous l aurons au bout du bras pr te l emploi au lieu de nos vieux doigts cass s en trois ce gant de chirurgien d une propret impeccable au moment de passer table voil c est fait on l a hourra sa bouche est la louche qu on voulait pour avaler sans jouer des coudes des roues de fromage pareilles aux souches de l arbre mouches main grenouille que rien ne souille ni la houille ni rien ne mouille ni ne rouille pas m me le rhumatisme articulaire et qui sans effort saute en l air pour mettre ton cou la rivi re qui scintille et te d salt re l eau dans ton verre reste vive et au bout de ton bras s active une main verte extraordinaire la pelouse 103 CARTE BLANCHE Eric Chevillard Dix huit tentatives de po sie dans ton salon c est ton paillasson qui prosp re cette fois on l a hourra la main grenouille on ne la l che pas lennemi qu on zigouille se tord sous nos chatouilles puis une id e en encha ne une autre deux crapauds pieds ce serait mieux pour avancer dans les marais C est non et maintenant gar on pose ta question tu sais quoi t en tenir ma d cision est prise et je ne m arr terai pas au d tail ni au fond de ce
279. vide aspirant tourbillonnant Nous pourrions bien notre tour choir dans ce gouffre et dispara tre SLOO 30 Disparition qui pourrait ne d soler que quelques cologistes mais la situation est grave l orang outan tait un principe d alt rit il introduisait de l autre et mainte nant D j nous n avons plus commerce qu avec nous m mes un commerce troit incestueux consanguin Ma ressemblance avec mes parents s est encore accrue SLOO 38 Ressemblance prendre la lettre les parents morts tels des vampires ou l incarnation aquatique de Terminator surgissent du miroir s emparent du visage et du corps du narrateur le mod lent leur semblance maternelle paternelle ou les deux la fois Le narrateur d couvre avec horreur qu il n est plus libre que ses com portements calquent ceux de ses parents Ma rage et mes fulminations ressemblent beaucoup trop aux col res de mon p re SLOO 41 La disparition des orangs outans a pour r sultat une d gradation g n rale du monde et des conditions de vie qui pr figure Choir ennui t dium vitae amour interdit beaut mutil e la vie est devenue si horrible que les r ves nocturnes loin de compenser tendent liminer plus encore Par la pens e nous vidons le monde de sa mati re et des cr atures qui le peuplent encore Le pays rena t avec le jour et nulle perspective ne nous en d livre SLOO 69 Tout cela parce q
280. vit est une mani re de d montage de cette illusion roma nesque l auteur et le lecteur sont pr cipit s t te la premi re dans la fiction Ils en deviennent de fait les principaux acteurs En cela je suis le plus r aliste des crivains 3 Mais trop les souligner on risque de rater l enjeu des textes et peut tre aussi de ne pas en interroger l volution au fil du temps Il y a une noirceur de Chevillard et ce n est pas un hasard si un des auteurs auxquels il se r f re est Beckett Il nous en avertit d ailleurs Pour citer cette contribution Anne Roche R veur rageur The furious dreamer in Revue critique de fixxion fran aise contemporaine n 1 d cembre 2010 URL lt http www revue critique de fixxion francaise contemporaine org francais publications nol roche fr html gt 70 Anne Roche R veur rageur L criture est pour moi une r action tout ce qui est de l ordre de l agression Je suis dans une contre attaque permanente lorsque j cris Si ces col res ne grondent pas n cessairement dans le langage connu de la col re et appr t pour la col re c est parce qu il me para t plus int ressant de d caler les mani res de dire et les contenus pour cr er des effets de sid ration Il ne faut donc pas trop se laisser prendre l apparence l g re de mon criture En disant cela je vais d ailleurs contre mon principe de ne jamais faire cet aveu pour laisser justement
281. vragesf j examinerai d abord un roman parmi les premiers parus Le caoutchouc d cid ment Ce roman est relativement plus narratif que ceux qui suivront il comporte une sorte d intrigue dot e de progression et un personnage Furne moins plastique que Crab ou Palafox Psychiquement parlant il n est m me pas du tout plastique en ce sens qu il est guid par une sorte de monomanie il hait tout ce qui existe depuis les giboul es de mars premi re ligne du roman jusqu au moteur qui pousse son dernier hoquet la derni re ligne Mais Furne n est pas simplement un esprit n gateur il a quantit d id es pour rem dier cet tat de choses d solant un remaniement s impose une r organisation globale et m thodique du syst me en vigueur puisqu il ne r pond pas nos besoins les plus l mentaires et contrarie nos r ves les plus l gitimes r visons le LCD 7 Opportun ment un m c ne un certain professeur Zeller le recueille dans la soupente o il mourait de faim et va lui donner les moyens de mettre en uvre ses inventions pour am liorer le monde La fondation Zeller ressemble bien un h pital psychiatrique ou une prison preuve les tentatives de certains pour y faire admettre leurs proches LCD 46 Quoi qu il en soit Furne y trouve la disponibilit d esprit n cessaire pour d abord faire la liste de ses griefs Au 71 Anne Roche R veur rageur ee nombre de ceux c
282. vre est bien publi en 2010 sous le nom de Pierre Senges Mais chaque microfiction est initi e par un auteur l incipit en gras permet au lecteur de savoir ce 43 Jean Fran ois Chassay La m tamorphose qui vient de Kafka et continu e par un autre On peut parler d un d doublement de personnalit textuel Il existe deux narrateurs qui en viennent parfois se confondre Existe t il aussi deux auteurs Dans quelle mesure Pierre Senges devient il Kafka force de travailler sur les incipit de ce dernier Et d ailleurs il va de soi qu il transforme ces amorces de brouillons ES 9 mais rien ne permet d affirmer que Kafka ne vouait pas ces petites phrases un autre r le que celui consistant amorcer un texte Une phrase abandonn e au milieu d une page ne signifie pas n cessairement le d but d une histoire Et m me si l tait leur fonction au moment o il les a crites rien ne peut garantir qu elles n auraient pas t utilis es en d finitive dans un autre but et peut tre m me produire plut t l excipit du texte Que Pierre Senges reste lui m me ou non en crivant ces textes formule un peu b te d ailleurs nous ne sommes jamais tout fait nous m mes dans l criture posons l hypoth se qu il multiplie les Kafka en offrant travers ces microfictions un vaste spectre des potentialit s litt raires de l auteur du Proc s La nature de ce travail s av re prodigieusemen
283. xemples de livres lectroniques sous licence Creative Commons sur le site In libro veritas URL oct 2010 http www inlibroveritas net V Bastin propose son recueil auto dit Mort et r surrections du sergent grenadier Lazare en t l chargement sous format PDF URL oct 2010 http www vincent b sitew com LES_ LIVRES _ G Voir par exemple la critique du recueil de Jacques Fuentealba Tout feu tout flamme d Outworld 2009 sur le magazine Yozone URL oct 2010 http www yozone fr spip php article9171 R glement en ligne sur le site du Prix P pin URL oct 2010 http prix pepin monsite orange fr page1 index html Le prix Hugo prix litt raire le plus populaire de science fiction qui peut promettre son auteur des chiffres de vente en centaines de milliers d exemplaires est d cern ainsi chaque ann e lors de la Convention mondiale de SF WorldCon Voir par exemple Sean Hill VeryShortStory URL oct 2010 http twitter com VeryShortStory Voir aussi le blog quasi s rieux de l Institut de Twitt rature Compar e URL oct 2010 http twitter blogs sudouest fr Kathy Kachelries What is flash fiction sur le site 365tomorrows URL oct 2010 http www 365tomorrows com 03 23 what is flash fiction New Scientist Flash fiction competition winners n du 17 dec 2009 extraits en ligne sur le site de la revue URL http www newscientist com blogs culturelab 2009 12 flash fiction com
284. ymbolique La premi re s enracine dans un regret je n ai pas pu d molir mon cole En cho l enfance sinistre que nous avions entrevue propos de Crab et de son festin d yeux s esquisse ici l image souvenir d un colier rebelle dont la r volte impuissante dans l enfance a trouv une issue gr ce au sabotage de la litt rature Car si le monde n offre que peu de prise ma hargne le roman oui en revanche qui n en est que la projection une r plique complaisante ou une redondance d risoire une miniature que je peux briser Dans cet espace l j ai les moyens de r agir de riposter J cris donc des romans que je m ing nie simultan ment d molir de l int rieur Je les sabote Mes livres sont aussi chaque fois le r cit de cette mise sac Le roman en tant que genre institu r glement et presque r glementaire d sormais paye pour le reste parce que je wai pas pu d molir mon cole 2 Mais l enfant qui r vait de d molir son cole n a pas tout fait fini de r ver d autres d molitions j esp re toujours un peu apr s avoir fini un livre qu il va se produire un effet de retour dans le r el Je me frotte les mains Je ris tout seul Je prends des airs louches Tout va sauter je me dis J attends quelques jours Puis comme rien ne se passe je commence un nouveau livre 33 Anne Roche Universit de Provence 76 Anne Roche R veur rageur NOTES

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