L`HISTOIRE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
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1. tre consid r e comme la r paration d une injustice historique Voy aussi dans la m me affaire l opinion dissidente commune L WILHABER et cinq autres juges qui accordent une importance de premier plan au contexte historique ayant pr sid la conclusion de l accord relatif au retrait des forces arm es russes ex sovi tiques du territoire letton Pour ces juges dissidents 5 Jean Fran ois FLaUss 15 A vrai dire la Cour europ enne donne l impression de vouloir imposer aux Etats anciennement communistes engag s dans des poli tiques de lustration un devoir d oubli De la sorte d lib r ment ou non elle garantit par voie de cons quence aux anciens adversaires des valeurs d mocratiques un droit l oubli et partant l impunit A cet gard il est d ailleurs significatif et m me hautement symboli que que la Cour accorde un poids important voire m me d cisif la tardivet des mesures de lustration qu elles soient de nature poli tique 40 ou qu elles aient un caract re professionnel 41 Dans ce contentieux de la d communisation la r f rence au con texte historique tend devenir une formule rituelle presque d co rative qui ne p se plus r ellement sur l ampleur de la marge d appr ciation conc d e l Etat d fendeur 42 Derni rement la Cour a adopt peu ou prou une attitude comparable propos du refus d enregistrement en Roumanie d un parti politique afficha2. non seulement il doit proscrire toute insi nuation a fortiori tout propos qui porterait gravement atteinte la r putation d autrui mais galement respecter les r gles essen 52 Arr t pr cit supra note 49 Voy au premier chef G COHEN JONATHAN L apologie de P tain devant la Cour europ enne des droits de l homme Rev trim dr h n 38 1999 pp 366 et s 53 Req n 64915 01 20 Rev trim dr h 65 2006 tielles de la m thode historique 77 L historien se voit donc imposer une d ontologie professionnelle dont la Cour d finit les con tours par renvoi aux consid rations retenues par le juge national Celui ci avait reproch aux requ rants la place excessive faite un document in dit d origine douteuse le manque de hi rarchisation entre certaines sources l insuffisance manifeste de la documentation relative certains v nements le manque de critique interne et cer taines sources et documents le d laissement des t moignages des acteurs des v nements En soumettant la recherche historique un encadrement norma tif europ en la Cour europ enne ne s ing re pas dans la fond du d bat historique mais il fixe n anmoins au moins pour partie le mode d emploi L intrusion dans la discussion historique franchit un degr sup pl mentaire partir du moment o la Cour europ enne consacre somme toute charge des Etats une obligation de tol rance ceux ci do
3. Gr ce pr cit supra note 3 32 22 Rev trim dr h 65 2006 entend opposer aux Etats une d ontologie de la gestion de leur pass Une fois de plus la Cour de Strasbourg manifeste donc sa propension se comporter en v ritable Cour constitutionnelle 60 x 60 Le pr sent article ne constitue que le premier volet d une tude plus ample int grant l attitude de la Cour europ enne l gard des traditions nationales et de Pidentit nationale
4. c Gr ce Arr ts du 23 d cembre 2000 et du 28 novembre 2002 30 Arr t du 20 mai 1999 Actualit de la CEDH Actualit juridique droit admi nistratif 2000 p 540 Jean Fran ois FLaUss 13 p riode du r gime communiste 31 durant laquelle le parti commu niste exer ait une emprise quasi totale sur l action de la police 32 Les autorit s hongroises en l esp ce le constituant en personne sont habilit es au nom des le ons du pass exclure une cat gorie d agents de l Etat du b n fice de la libert d expression politique Dans ces conditions ne faudrait il pas conclure que le poids accord l Histoire est de nature conduire un d doublement du stan dard de protection garanti par la Convention europ enne B Le recul de la marge d appr ciation l gitim e par le poids de l Histoire Annonciatrice d une volution jurisprudentielle qui ne prendra forme que pr s d une d cennie plus tard la Cour europ enne avait opt en 1995 dans l affaire Vogt c Allemagne 33 pour une relativi sation voire m me par un gommage du poids de l histoire nationale dans un contentieux dans lequel ce param tre pesait traditionnelle ment lourd la requ te dirig e contre l Etat visait en effet les restric tions tr s amples frappant l exercice de la libert d expression politi que des agents publics En l occurrence la Cour avait rel gu au second plan la prise en compte de p riodes tourmen
5. pr sent la Cour a plut t eu tendance m nager la libert d appr ciation des Etats dans le cadre de l appli cation de l article 2 du protocole n 1 C est ainsi notamment qu elle a estim qu elle n avait pas se prononcer sur le choix des m tho des ducatives retenues par un Etat en vue d assurer la protection de la m moire historique aupr s des jeunes g n rations 59 X Au vu des consid rations qui pr c dent il est sans doute pr ma tur de conclure en l tat l existence dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg d une vision parfaitement syst matis e et ratio nalis e des rapports entre Histoire et protection des droits de l homme L apparent manque de coordination voire de coh rence entre certaines des solutions adopt es t moigne d ailleurs pleine ment du r le encore jou par les consid rations d opportunit dans l exercice du contr le europ en Un constat s impose cependant l vidence la Cour europ enne h site de moins en moins pratiquer une politique jurisprudentielle interventionniste dans la gestion par les Etats de leur Histoire Non seulement elle tend vouloir impo ser sa propre lecture des r alit s historiques mais au surplus elle 57 Ibidem 98 58 Voy cependant l arr t du 10 mai 2001 Chypre c Turquie dans lequel ce th me est tr s indirectement pr sent en filigrane 59 En ce sens l arr t du 18 d cembre 1996 Valsamis c
6. se fonder sur elles dans son raisonnement 47 De la sorte la Cour europ enne refuse juste titre de porter des jugements d ordre historique et d arbitrer des d bats historiques D ailleurs elle a eu l occasion plusieurs reprises de rappeler qu il existait des faits ou v nements historiques notoires c est dire clairement tablis et partant indiscutables N anmoins la Cour n exclut pas totalement au del de sa d n gation de principe de s immiscer dans la gestion du d bat historique par les Etats A L existence de faits historiques notoires R cemment la Cour a t conduite admettre l existence de r alit s historiques notoires Cette qualification a t appliqu e au caract re totalitaire et antid mocratique des partis communistes diri geants des Etats d Europe centrale et orientale avant 1990 48 Tou tefois la r alit historique notoire ne semble pas devoir b n ficier au regard de la Convention d un r gime de protection sp cial De prime abord la constatation d une telle r alit historique n chappe pas au champ d application de l article 10 1 de la Convention En d autres termes la remise en cause d une telle r alit historique peut s appuyer sur la protection europ enne de la libert d expression 47 Voy en dernier lieu l arr t du 17 juin 2004 Zdanoka c Lettonie Actualit de la CEDH Actualit juridique droit administratif 2004 n 3
7. sente dans la jurisprudence de la Commission europ enne des droits de l homme 50 la Cour ne justifie plus le recours l article 17 de la Convention au seul motif de la n ga tion d une v rit historique notoire elle en appelle aussi la m con naissance des valeurs fondamentales la Convention 51 49 Voy sp cialement la d cision du 24 mars 2003 Garaudy c France req n 65831 01 Actualit de la CEDH Actualit juridique droit administratif 2003 n 36 pp 1929 1930 Voy aussi l arr t du 29 juin 2004 Chauvy et autres c France l arr t du 22 septembre 1998 Lehideux et Isorni c France 50 Voy notamment en ce sens la d cision du 6 septembre 1995 Remer c Alle magne DR 82 B p 117 et la d cision du 24 juin 1996 Pierre Marais c France DR 86 A p 191 Sur la contrari t du r visionnisme ou de n gationnisme avec les valeurs fondementales de la Convention dans la jurisprudence de la Commission europ enne voy G COHEN JONATHAN N gationnisme et droits de l homme Rev trim dr h n 32 1997 sp c pp 577 578 P WACHSMANN La jurisprudence r cente de la Commission europ enne des droits de l homme en mati re de n gationnisme in J F FLAUSS et M DE SALviA dit La Convention europ enne des droits de l homme d veloppements r cents et nouveaux d fis Nemesis Bruylant Droit et Justice vol 19 1997 sp c pp 103 107 51 la contestation de crimes
8. trim dr h n 62 2005 pp 363 383 42 Il ne p se pas d ailleurs davantage semble t il sur les conditions de d termi nation du droit r paration de victimes de violations de la Convention qui par le pass s taient singularis es par des activit s ou actions fondamentalement aux anti podes des valeurs et des droits consacr s par la Convention A titre d exemple voy la position adopt e par la Cour dans l affaire Farbthus c Lettonie arr t du 2 d cem bre 2004 elle refuse de tenir compte du contexte historique d licat de l affaire au moment de l octroi du dommage moral Voy la critique sur ce point du juge ad hoc M BRIEDE 16 Rev trim dr h 65 2006 tifier la n cessit de l ing rence d autant plus que des partis com munistes ayant une id ologie marxiste existent dans plusieurs pays signataires de la Convention 43 En l occurrence elle aurait d ailleurs pu ajouter qu l occasion lesdits partis communistes par ticipent au gouvernement ou m me le dirigent et que ce faisant ils choisissent les trois candidats au si ge de juge la Cour 2 En ce qui concerne les anciens pays membres de la Convention la d valorisation du poids de l Histoire en tant que composante de la marge d appr ciation de l Etat a affect pour l heure le seul con tentieux des droits politiques mais de fa on tout fait clatante Certes la jurisprudence de la nouvelle Cour avait d j d
9. 2001 Prince Hans Adam de Liechten stein le statut international de l Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est assimil un contexte historique tout fait particulier et partant comme un but l gitime autorisant une privation du droit d acc s la juridiction alle mande s agissant de certains contentieux li s aux suites du conflit Voy galement l arr t du 20 mai 1999 Rekvenyi c Hongrie 41 l objectif de la d politisation de la police rev t une importance historique particuli re en Hongrie en raison de l exp rience que ce pays a d un r gime totalitaire qui d pendait dans une large mesure de l engagement direct de sa police aux c t s du parti au pouvoir 14 En outre la prise en compte du param tre historique peut l tre simplement en filigrane Voy en ce sens l arr t du 10 juillet 2003 Murphy c Irlande 73 le contr le de proportionnalit op r par la Cour relativement une mesure d interdic tion de diffusion d annonces religieuses sur les ondes pr te une attention attentive l histoire religieuse de l Irlande m me si l expression n est pas nomm ment utilis e 15 En ce sens voy par exemple Commission europ enne des droits de l homme D cision du 13 mai 1982 X c Royaume Uni req n 8873 80 DR 28 p 106 le r gime lectoral d rogatoire applicable Jersey en ce que concerne l lection des membres de la Chambre des Communes est avalis e a
10. 3 p 1819 48 Arr t du 17 juin 2004 Zdanoka pr cit supra note 35 91 18 Rev trim dr h 65 2006 Mais les Etats sont naturellement en droit de lui apporter des restric tions sur le fondement de la clause des normes n cessaires dans une soci t d mocratique Il en va tout autrement des v nements histo riques consid r s comme des v rit s historiques notoires En effet la n gation ou la r vision de celles ci se voit soustraite par le jeu de l article 17 de la Convention europ enne la protection que cette der ni re assure au titre de l article 10 la libert d expression Jusqu pr sent le contentieux europ en a t aliment par des requ tes manent de r visionnistes ou de n gationnistes sanctionn s p nalement au plan national Partant la notion de v rit historique notoire n a pour l heure t express ment attribu e qu une cat gorie de faits la plus importante assur ment savoir les v nements constitutifs de l Holocauste proprement dit ainsi qu la pers cution des Juifs par le r gime national socialiste allemand et le proc s de Nuremberg 49 Mais l article 17 est applicable plus g n ralement comme la Cour l a reconnu la contestation de toute crime contre l humanit L interdiction de contestation concerne autant la r alit que l ampleur ou la gravit desdites v rit s historiques notoires Ambplifiant une orientation d j pr
11. 5 2006 municipal dict es par un Etat anciennement communiste la Letto nie l encontre de la dirigeante d un parti politique russophone ayant exerc avant le changement de r gime des fonctions au sein du K G B et ayant particip au d but de la p riode de transition d mocratique une tentative de coup d Etat la Cour europ enne des droits de l homme d veloppe un raisonnement r ducteur de la marge d appr ciation de l Etat d fendeur 35 En particulier elle n entend pr ter aucune attention r elle ni au pass de la requ rante ni aux v nements survenus au lendemain de l ind pendance et encore moins l Histoire tourment e de la Lettonie depuis 1940 La Cour europ enne se prononce comme si la Lettonie n avait pas eu le pass historique qui a t le sien Plus pr cis ment la Cour estime que ce pass est d j lointain il y a prescription et par cons quent il convient de ne plus appr hender la marge d appr ciation de l Etat dans le domaine des droits politiques ou lectoraux connexes au tra vers d un prisme d pass le poids de l Histoire mais au contraire sur la base d une interpr tation dynamique et volutive des prescrip tions de la Convention r gissant l exercice des droits concern s 36 La marginalisation pour ne pas dire l occultation de toute prise en consid ration du poids de l Histoire a suscit de vives critiques au sein m me de la Cour C est ai
12. L HISTOIRE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L HOMME PAR Jean Fran ois FLAUSS Professeur l Universit de Paris II Panth on Assas La Convention europ enne des droits de l homme est l vidence un produit de l Histoire Prioritairement elle a t adopt e pour loigner le spectre des atrocit s de la Seconde Guerre mondiale et pr venir leur reproduction Plus conjoncturellement elle a t la bor e pour r pondre et faire face la menace de propagation des r gimes d ob dience marxiste et sovi tique en Europe occidentale Pourtant le terme d Histoire qu il soit d clin avec une majuscule ou avec une minuscule n appara t gu re et il s agit en l occur rence d un euph misme dans les index des ouvrages consacr s au droit de la Convention et la jurisprudence de la Cour euro p enne 1 Or les consid rations d ordre historique sont l vidence loin d tre trang res au contentieux europ en des droits de l homme 2 En effet la Cour europ enne a eu conna tre d affaires aff rentes la comm moration d v nements historiques 3 Par ailleurs il 1 En revanche les tables du Recueil des Arr ts et D cisions de la Cour euro p enne des droits de l homme comportent depuis 1999 une rubrique intitul e Contexte historique 2 M me si l on carte d embl e du champ d investigation l appel aux circonstan ces ou et au conte
13. Lettonie requ te n 71074 01 8 Rev trim dr h 65 2006 Une telle prise en consid ration peut intervenir au niveau de l appr ciation de la l gitimit du but poursuivi par l Etat 13 mais g n ralement elle joue propos de l examen de la n cessit de la mesure restrictive prise pour celui ci L incidence du poids de l His toire sur l ampleur de la marge d appr ciation de l Etat ne r pond pas un sch ma unique 14 Deux cas de figure doivent tre envi sag s Tant t le poids de l histoire est un facteur d largissement de la marge d appr ciation de l Etat Tant t le poids de l histoire s efface au profit d un recul de la marge d appr ciation de l Etat A Le poids de l histoire au service de l largissement de la marge d appr ciation de l Etat Avant 1998 la d funte Commission et l ancienne Cour ont eu tr s net tement tendance pr ter au pass politique et constitutionnel d un pays pour ne pas dire ses traditions en ce domaine un poids d terminant pour reconna tre celui ci une large marge d appr ciation en particulier en mati re de r glementation de l exercice des droits politiques 15 Elles avaient adopt une attitude comparable propos du devoir de r serve politique susceptible d tre oppos des agents titulaires de postes de direction ou et de responsabilit s dans la fonction publique locale 16 13 Voy entre autres l arr t du 12 juillet
14. annexion en 1940 de la Lettonie par l Union sovi tique Arr t du 9 octobre 2003 Slivenko et autres c Lettonie 126 5 Voy par exemple en ce sens l affaire Brencrona c Finlande arr t du 16 novembre 2004 Le litige concernait la r vocation sans indemnit d un titre d occupation de caract re domanial quivalant un usufruit acquis au d but du 18 si cle et confirm depuis lors diff rentes poques 6 En ce sens voy par exemple la mesure de bannissement vie dict e par le Constituant italien l encontre de certains membres de l ancienne famille royale raison de leur comportement durant la Seconde Guerre mondiale D cision du 13 sep tembre 2001 req n 53360 99 Victor Emmanuel de Savoie c Italie Plusieurs autres Etats parties contractantes la Convention ont mis des r serves motiv es par la pr occupation de soumettre au contr le europ en les cons quences de certains v nements ou situations historiques voy en ce sens les r serves de l Autriche et de Chypre respectivement aux articles 3 ou 4 du protocole n 4 de la Convention euro p enne ou encore les r serves de l Autriche et du Luxembourg portant sur l article 1 du protocole additionnel 7 En ce sens voy l arr t du 22 juin 2004 Broniowski et autres c Pologne 8 Et plus encore la Commission europ enne de droits de l homme jusqu sa dis parition en 1999 Jean Fran ois FLauss 7 pr caution de faire c
15. ays a galement t omnipr sent dans les contentieux aff rents des p riodes de transition constitutionnelle et politique d mocratique aux fins de l gitimation des atteintes port es aux droits professionnels ou et p cuniaires d agents compromis avec l ancien r gime 28 ou aux droits de propri t de dirigeants du r gime d chu 29 Dans ce domaine la prise de position de principe et la plus embl matique demeure sans doute celle retenue par la Cour euro p enne dans l affaire Rekvenyi c Hongrie 30 En effet la marge d appr ciation reconnue l Etat d fendeur pour imposer un devoir absolu de neutralit politique aux agents de la force publique afin de d politiser son fonctionnement est justifi par r f rence la 27 Dans l affaire Sahin c Turquie arr t du 29 juin 2004 109 relative au port du foulard islamique dans les universit s publiques la Cour analysant la l gitimit du but poursuivi par les autorit s turques d clare que la lutte contre les mouve ments fondamentalistes dans le respect de la Convention europ enne se justifie au vu de l exp rience historique du pays Dans l affaire Refah Partisi et autres c Tur quie arr ts du 31 juillet 2001 et du 13 f vrier 2003 relative la dissolution d un parti politique pr nant le r tablissement de la charia et d un syst me multi juridique fond sur l appartenance religieuse la Cour se montre extr mement sensible aux enseigne
16. contre l humanit appara t comme l une des for mes les plus aigues de discrimination rendue envers les Juifs et l incitation la haine leur gard Le n gation ou la r vision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l antis mitisme et sont de nature troubler gravement l ordre public Portant atteinte aux droits d autrui ils sont incompatibles avec la d mocratie et les droits de l homme et leurs auteurs visent incontestablement des objectifs du type de ceux prohib s par l article 17 de la Convention d cision du 24 mais 2003 Garaudy c France pr cit e supra note 45 Jean Fran ois FLauss 19 La fronti re entre le r visionnisme par action et le r visionnisme par omission demeure cependant relativement sinueuse dans la jurisprudence europ enne Telle est du moins la conclusion partag e par la partie de la doctrine qui se refuse adh rer la distinction retenue par la Cour europ enne dans le tr s controvers arr t Lehi deux et Isorni c France 52 En l esp ce la Cour consid re que la port e exacte de la position adopt e par le Mar chal P tain en 19401 lors de sa rencontre Montoire avec Hitler continue rele ver d un d bat toujours en cours entre historiens sur le d roulement et l interpr tation de l v nement dont il s agit Par suite celui ci chappe la cat gorie des faits historiques clairement tablis do
17. de la mani re la plus clatante qui soit par l arr t rendu le 30 juin 2005 par la Grande Chambre dans l affaire Jahn et autres c Allemagne 23 En se servant du contexte histori que de la r unification allemande par ailleurs qualifi d unique comme d une grosse ponge pour laver l inconventionnalit d une privation de propri t grande chelle effectu e sans indemnisation aucune la Cour europ enne retient une option fortement controver s e en son sein et sans doute sujette caution de mani re plus g n rale 24 En l esp ce la Grande Chambre renverse la solution de la Chambre qui l unanimit avait estim que le contexte de la r u nification allemande ne saurait justifier une absence totale d indem nisation en cas de privation de propri t quivalant une expro priation pr judiciant plusieurs dizaines de milliers de personnes Pour statuer comme elle l a fait la Grande Chambre s est appuy e sur la jurisprudence Ex roi de Gr ce et autres c Gr ce 25 le con texte invoqu de la r unification allemande est r put r pondre l hypoth se des circonstances exceptionnelles validant par d roga tion une expropriation accompagn e d aucune indemnisation La 22 En l occurrence dans l affaire Gillot c France constatation du 15 juillet 2002 communication n 932 2000 23 Req n 720 99 72203 01 72552 01 Par un rappel des donn es de fait et de droit de l affair
18. e Jahn et autres voy nos observations sous l arr t de chambre du 22 janvier 2004 Actualit de la CEDH Actualit juridique droit administratif 2004 n 10 p 538 24 Jusqu alors la Cour europ enne s tait fr quemment r f r e au contexte his torique de la r unification qualifi g n ralement d exceptionnel ou de particulier pour appuyer la large part d appr ciation reconnue l Etat allemand dans le con tentieux de restrictions de biens ou de r glementation de l usage des biens Voy notamment cet gard l arr t du 12 d cembre 2002 Witteck c Allemagne l arr t du 20 f vrier 2003 Forrer Nicdenthal c Allemagne la d cision du 15 janvier 2001 Honecker et autres c Allemagne la d cision du 27 septembre 2001 Lenz c Allemagne la d cision du 2 mars 2005 Von Maltzen et autres c Allemagne req n 71916 01 71917 01 71260 02 Elle avait cependant d j une reprise au moins fait mention du contexte unique de la r unification allemande Voy la d cision du 10 avril 2001 Kuna c Allemagne Rec 2001 V p 542 25 Arr t du 23 d cembre 2000 x roi de Gr ce et autres c Gr ce Jean Fran ois FLaUss 11 pertinence de la notion de circonstances exceptionnelles a surtout t critiqu e par le juge allemand en ce qu elle d une part faisait la part belle la subjectivit du juge et d autre part tait pour la premi re fois utilis e contra victima En revanche les cinq juges di
19. gation faite aux parlementaires britanniques de pr ter serment au monarque sous peine de d ch ance de leur mandat D cision du 8 juin 1999 McGui ness c Royaume Uni Rec 1999 V p 495 J F FLauss Les serments d all geance l preuve de la Convention europ enne des droits de l homme Rev trim dr h n 42 2000 pp 269 271 d autre part le poids accord aux consid rations histori ques propres au pays pour valider l obligation faite aux candidats une lection parlementaire de conna tre la langue officielle dudit pays Arr t du 9 avril 2002 Pod kolzina c Lettonie 19 Voy supra I B 2 20 Soit en application de l article 56 de la Convention soit en vertu comme dans le cas de la France d une d claration sp ciale 21 Req n 66289 01 voy Actualit de la CEDH Actualit juridique droit admi nistratif n 10 2005 p 11 10 Rev trim dr h 65 2006 la Nouvelle Cal donie s explique sans doute par la volont de la Cour de faire preuve de retenue dans un contentieux particuli re ment sensible politiquement Mais elle est assur ment aussi motiv e par la pr occupation de ne pas entrer en contradiction avec la posi tion retenue sur la m me question par le Comit des droits de l homme des Nations Unies 22 Le recours au contexte historique aux fins de renforcer la subsi diarit du contr le europ en pour des consid rations d opportunit politique est illustr
20. happer nombre de situations litigieuses la comp tence ratione temporis de la Cour europ enne Si la pr sence de l Histoire dans le contentieux europ en des droits de l homme rev t parfois des formes relativement diffuses plus ou moins saisissables elle se manifeste n anmoins de mani re tr s voyante un double titre tant t comme composante du con tr le europ en tant t comme objet du contr le europ en I Le contexte historique le poids de l histoire dans le contr le exerc par la Cour europ enne Tout comme elle n admet pas le jeu d une exception constitutionnelle pla ant le droit constitutionnel institutionnel d un Etat hors du champ de contr le europ en 9 la Cour euro p enne carte aussi la pr tention des Etats exciper d une sorte d exception historique qui en soi l gitimerait de plano une entorse au droit de la Convention 10 En revanche les consid rations d ordre historique qualifi es selon le cas de contexte historique de pass historique de circonstances historiques particuli res de ten dance historique d exp rience historique habituellement invoqu es par l Etat d fendeur aux fins de justifier la conventionnalit d une ing rence dans l exercice d un droit garanti par la Convention sont prises en compte par la Cour europ enne au titre de son contr le sur la marge d appr ciation de l Etat 11 elles constituent un param tre parmi d autre
21. issant plus l Etat qu une certaine marge d appr ciation 19 Toujours est il que le poids de l histoire continue semble t il avoir une importance de premier plan voire m me d cisive dans les contentieux relatifs aux droits politiques concernant des territoires extra europ ens auxquels le jeu du Pro tocole n 1 et plus g n ralement celui de la Convention ont t tendus 20 C est du moins la conclusion qui ressort de l arr t du 11 janvier 2005 rendue dans l affaire Py c France 21 En l esp ce la Cour accorde une attention particuli re l histoire politique et institutionnelle tourment e de la Nouvelle Cal donie pour admet tre la compatibilit aux exigences de l article 1 du Protocole n 1 combin es avec celles de l article 53 de la Convention de la condi tion de r sidence de dix ans sur le territoire impos e aux citoyens fran ais pour participer l lection du Congr s du territoire L importance accord e l histoire politique et institutionnelle de 17 Force est cependant de convenir que la ligne de partage entre les deux moti vations n est pas toujours s par e par une cloison tanche 18 Encore vivace dans les premi res ann es de fonctionnement de la nouvelle Cour Voy notamment cet gard d une part l attention particuli re pr t e la tradition et l histoire constitutionnelle du Royaume Uni pour analyser la conven tionnalit de l obli
22. ivent admettre que des v nements historiques m me doulou reux et tragiques puissent ouvertement donner lieu discussion et controverse Cela participe des efforts que tout pays est appel fournir pour d battre ouvertement et sereinement de sa propre histoire 54 Dans une soci t d mocratique au sens de la Conven tion la reconsid ration de l histoire nationale doit donc tre garantie au titre de la libert d expression Elle doit l tre d autant plus largement que le temps a pass 55 La Cour attache d ailleurs une grande importance l coulement du temps dans les contentieux aff rents des d bats historiques Sur ce point la position adopt e par la Cour dans la tr s m diatique affaire Soci t Plon c France 56 est tout fait clairante Pour conclure au caract re disproportionn du maintien de la mesure d interdiction de diffusion oppos e l ouvrage du Docteur Gubler Le grand secret pendant plusieurs ann es apr s le d c s de Fran ois Mitterrand la Cour europ enne fait valoir que plus le temps passait plus l int r t public li l histoire des deux septennats 54 Arr t du 28 septembre 1998 Lehideux et Isorni c France pr cit supra note 49 55 55 les v nements voqu s dans la publication litigieuse se sont produits quarante ans avant celle ci M me si des propos tels que ceux des requ rants sont toujours de nature ranimer des
23. ments de l Histoire le contr le de proportionnalit qu elle exerce sur la dis solution du Parti de la Prosp rit prend en compte l Histoire europ enne contempo raine ainsi que l volution historique de l Etat d fendeur Ainsi pr s avoir rappel le souvenir des mouvements totalitaires organis s sous forme de partis politiques qui mettent fin la d mocratie apr s avoir prosp r sous le r gime d mocratique la Cour europ enne se r f re l int r t g n ral qu il y a de pr server le principe de la cit dans un pays qui a connu par le pass un syst me politique proche maints gards de celui envisag par le Parti de la prosp rit En d autres termes le para m tre exp rience historique sert justifier l largissement de la marge d appr cia tion d un Etat d mocratique aux prises avec un parti politique religieux fondamen taliste 28 En ce sens voy les arr ts du 22 novembre 2001 Petersen c Allemagne Volk mer c Allemagne Knauth et Bester c Allemagne ayant trait aux mesures de lustra tion professionnelle dict es contre des fonctionnaires de l ancienne RDA notam ment en raison des liens troits qu ils entretenaient soit avec le parti communiste est allemand soit avec la police secr te Stasi voire avec les deux la fois Voy aussi la d cision du 15 juin 1999 Domalewski c Pologne requ te n 34610 97 29 Sur ce point voy l affaire Ex roi de Gr ce et autres
24. ni toute port e au contexte historique lorsque la mesure restrictive du droit de vote tait constitutive d une privation de celui ci une atteinte la substance m me des droits de vote ou et d ligibilit au sens du protocole n 1 ne saurait tre l gitim e par des consid rations d ordre historique 44 Mais tr s r cemment la Cour est all e encore plus loin dans la neutralisation du poids de l Histoire au fur et mesure qu elle sou mettait l article 3 du protocole n 1 une interpr tation de plus en plus volutive et dynamique Ainsi dans l affaire Py c France 45 la marge d appr ciation plut t ample accord e en l esp ce l Etat d fendeur ne doit pas faire illusion En effet la Cour laisse claire ment entendre qu en principe c est dire pour des r gimes lecto raux ne relevant pas directement ou par ricochet de la clause figu rant l article 56 3 de la Convention une condition de r sidence de dix ans impos e pour l acc s l lectorat appara trait comme fort suspecte au regard de l exigence de proportionnalit laquelle doit satisfaire toute restriction au droit de vote Par ailleurs dans l affaire Hirst c Royaume Uni la chambre a tr s express ment affirm que l adh sion passive et automatique une tradition his torique ne constituait pas une justification de nature exclure sur le terrain de l article 3 du protocole n 1 le droit de vote des d te nu
25. nsi qu il lui a notamment t reproch de m conna tre les r alit s historiques 37 ou et d imposer aux Etats une gestion europ anis e uniforme et la limite jacobine de leur Histoire nationale 38 alors m me que les juges de Strasbourg n ont pas sauf exception une connaissance suffisamment av r e et ac r e de cette Histoire de ses tenants et aboutissants 39 35 Arr t du 17 juin 2004 Zdanoka c Lettonie 36 Pour des explications plus circonstanci es voy Actualit de la CEDH Actua lit juridique droit administratif 2004 n 33 pp 1819 1820 37 En ce sens l opinion dissidente au vitriol du juge BONELLO 38 En ce sens l opinion dissidente tr s circonstanci e et document e du juge Levirs En l esp ce le juge letton reproche la Cour sa propension se substituer aux autorit s nationales en mati re d appr ciation du contexte historique et somme toute imposer sa propre vision et version de l histoire nationale Plus g n ralement il d nie au juge europ en comp tence pour trancher des questions qu il juge d ordre politique et partant non destin es tre soumises un traitement judiciaire 39 En ce sens galement l opinion dissidente du juge MARUSTE dans l affaire Sli venko et autres c Lettonie arr t du 9 octobre 2003 Le juge estonien regrette vive ment que la Cour mait pas apparemment pr t attention au recouvrement par la Lettonie de son ind pendance qui doit
26. nt la n gation ou la r vision se serait soustraite par le jeu de l article 17 la protection de l article 10 B L immixtion dans le d bat historique La recherche de la v rit historique s agissant de la cat gorie des faits historiques non tablis fait partie de la libert d opinion et d expression Toutefois la libert de l historien n est pas incondi tionn e Tel est l enseignement principal de l arr t du 29 juin 2004 rendu dans l affaire Chauvy et autres c France 53 Pour avoir mis en cause dans un ouvrage vocation historique le comportement des poux Aubrac dans l arrestation de Jean Moulin les requ rants furent condamn s au p nal et au civil pour diffamation publique envers des membres de mouvements et r seaux de la R sistance Alors que les requ rants invoquaient un droit de relecture de l His toire officielle au vu de documents in dits les juridictions fran aises leur oppos rent leur manque de prudence et de soin dans le recueil des l ments historiques avanc s et les conclusions tir es de ces l ments Certes la Cour europ enne consid re que la recherche de la v rit historique fait partie int grante de la libert d expression et estime qu il ne lui revient pas d arbitrer la question historique de fond qui rel ve d un d bat toujours en cours entre historiens et au sein de l opinion 96 Mais pour autant la libert de l historien n est pas inconditionn e
27. nt un programme d lib r ment communiste pr conisant explicitement l limination de la contre r volution sous entendu le r gime tabli depuis 1989 et implicitement le r tablissement de la dictature du prol tariat m me si officiellement le maintien d un syst me lecto ral pluraliste restreint tait promis La position qu exprime la Cour europ enne est tr s r v latrice du poids relatif qu elle entend attri buer au param tre historique la Cour est aussi pr te tenir compte du contexte historique des cas soumis son examen savoir en l esp ce l exp rience du communisme totalitaire en Rou manie avant 1989 Toutefois lui seul ce contexte ne saurait jus la prise en compte de l objectif de cet accord en l occurrence surmonter les cons quences n gatives de leur Histoire commune constitue un l ment capital pour d terminer si une ing rence dans les droits de tel membre des forces arm es et de ses proches soumis l obligation de quitter de pays en vertu du trait tait justifi e 40 Arr t du 17 juin 2004 Zdanoka pr cit supra note 31 41 Arr t du 27 juillet 2004 Sidabras et Dziautas c Lituanie S GARCIA JOUR DAN De la transition d mocratique la cons cration du droit d exercer une activit professionnelle dans le secteur priv propos de l arr t de la Cour europ enne des droits de l homme Sidabras et Dziautas c Lituanie du 27 juillet 2004 Rev
28. oire de la Cour via le contr le exerc sur la validit d une r serve la Convention europ enne formul e par l Etat d fendeur en relation avec des circonstances historiques troubl es 6 Il arrive galement que la Cour soit amen e prendre en compte une s rie de faits historiques pour d finir avec pr cision l objet du litige qui lui est soumis autrement dit l Histoire est mise au service de la compr hension factuelle de l affaire juger 7 Durant les quarante cinq derni res ann es la Cour europ enne tant l ancienne que la nouvelle 8 ont eu conna tre de nombreux contentieux troitement li s d importants v nements historiques tels entre autres ceux cons cutifs la Seconde Guerre mondiale des changements r volutionnaires de r gime politique des occu pations ou des actions militaires Les contentieux de ce type auraient encore t plus nombreux si les Etats n avaient pas pris la 4 A titre d illustration de ce cas de figure voy par exemple l arr t du 12 juillet 2001 Feldek c Slovaquie Actualit de la CEDH Actualit juridique droit administra tif 2001 p 1074 Cette affaire a donn la nouvelle Cour l occasion de prendre posi tion sur la notion de pass fasciste d un individu en l esp ce un membre du gouver nement de l Etat d fendeur Voy aussi mutatis mutandis la r f rence l histoire familiale des requ rants li e aux cons quences de l
29. r unification de l Allemagne dans son contexte unique avait pour finalit le r tablissement de l Etat de droit Dans ces conditions ne conviendrait il pas d voquer le german paradox du contexte unique de la r unification 2 Aux fins d assurer la stabilisation ou le renforcement d un r gime d mocratique ainsi que la sauvegarde des valeurs et droits prot g s par la Convention la Cour europ enne a t amen e conc der aux Etats d fendeurs une marge d appr ciation largie par rapport au standard normalement applicable dans deux s ries de domaines En premier lieu l occasion des contentieux dirig s contre les mesures restrictives la libert d association politique et la libert religieuse adopt es par la Turquie en vue de lutter contre le fonda 26 Arr t de Grande chambre du 8 juillet 2004 voy G COHEN JONATHAN et J F FLauss Cour europ enne des droits de l homme et droit international g n ral Annuaire fran ais de droit international 2004 p 785 12 Rev trim dr h 65 2006 mentalisme religieux islamique la Cour europ enne s est r f r e avec insistance deux r alit s antinomiques de l Histoire turque d une part l exp rience historique de l empire ottoman et du califat d autre part la pratique de la cit constitutionnelle suivie depuis l instauration de la r publique 27 En second lieu l appel au con texte historique ou l exp rience historique du p
30. s sidents se sont accord s des titres divers pour reprocher la Cour de vouloir assimiler tout prix la r unification allemande un contexte historique unique et partant lui pr ter un poids d me sur En d autres termes la r unification allemande ne serait pas plus unique que la dissolution de l ex URSS ou de l ex Yougosla vie A tout prendre le contexte tourment et in dit de l affaire Ilascu et autres aurait tout autant m rit le qualificatif d unique 26 En pr tant une port e absolutoire au contexte historique unique de la r unification la Cour europ enne renoue avec le spectre du double standard en l occurrence dans le contentieux des privations de biens sans indemnisation et tout le moins cr e un risque de contradiction avec sa propre politique jurisprudentielle En effet comme l affirme juste titre l opinion dissidente des juges Costa et autres l ex roi de Gr ce apr s avoir perdu son tr ne suite un r f rendum apr s la chute d une dictature a b n fici d une indemni sation substantielle alors que les modestes requ rants dans l affaire Jahn et autres n ont droit rien Ces derniers sont d ailleurs enclins penser que le contexte historique unique qui leur a t oppos s apparente un paravent de la raison d Etat Ils auront galement le sentiment d tre victimes d un manquement aux r gles de l Etat de droit alors que pr cis ment la
31. s de d termination de l ampleur de celle ci 12 9 Arr t du 30 juin 1996 Parti communiste turc c Turquie Revue fran aise de droit constitutionnel n 44 p 844 observations J F FLAUSS 10 En ce sens voy par exemple la tentative avort e du gouvernement fran ais dans l affaire Kress Arr t du 7 juin 2001 70 11 Le contexte historique constitue galement un param tre d appr ciation du d lai raisonnable au sens de l article 6 1 de la Convention Voy cet gard le poids pr t au contexte exceptionnel de la r unification allemande pour admettre la conven tionnalit de la dur e d une proc dure juridictionnelle laquelle tait partie prenante la Cour constitutionnelle Arr t du 16 septembre 1996 S ssman c Allemagne Revue fran aise de droit constitutionnel n 30 1996 pp 384 386 Cette solution a t confir m e depuis lors plusieurs reprises Le recours au contexte historique pu de m me jouer un r le d cisif pour juger du caract re excessif ou non de la charge de la preuve impos e au requ rant Arr t du 11 janvier 2005 Bl cher c R publique tch que 12 Tel est du moins le sc nario ordinaire Par exception le contexte historique constitue l l ment unique faisant varier l amplitude de la marge d appr ciation En ce sens voy l arr t du 22 juin 2004 Broniowski et autres c Pologne pr cit note 7 163 ou encore la d cision du 7 d cembre 2004 Mentzen c
32. s p nitentiaires condamn s des peines de longue dur e 46 De 43 Arr t du 3 f vrier 2005 Partidul Communistilor et Ungureanu c Roumanie 58 44 Arr t du 18 f vrier 1999 Matthews c Royaume Uni Arr t du 22 juin 2004 Aziz c Chypre les donn es historiques propres au conflit chypriote ne sauraient tre invoqu es pour fonder l exclusion du droit de vote en application de l article 3 du protocole n 1 d un Chypriote turc r sident permanent dans la partie chypriote grec que de l le 45 Voy supra I A 46 Arr t du 30 mars 2004 41 Jean Fran ois FLaUss 17 son c t l arr t de la Grande Chambre dans la m me esp ce se livre une utilisation boomerang du param tre de l Histoire alors que le gouvernement d fendeur revendiquait une ample marge d appr ciation tenant notamment compte de l volution historique et politique du pays la Cour lui oppose l Histoire parlementaire du Royaume Uni ou d autres pays illustrant la pr somption selon laquelle l octroi du droit de vote doit jouer en faveur du plus grand nombre II La v rit historique l attitude de la Cour europ enne l gard des d bats historiques Par principe la Cour estime qu elle doit s abstenir dans toute la mesure du possible de se prononcer sur des questions d ordre his torique qui ne rel vent pas de sa comp tence toutefois elle peut accepter certaines v rit s historiques notoires et
33. souffrances dans la population le recul du temps entra ne qu il ne conviendrait pas quarante ans apr s de leur appliquer la m me s v rit que dix ou vingt ans auparavant arr t du 28 septembre 1998 pr cit 56 Arr t du 18 mai 2004 Jean Fran ois FLAUss 21 accomplis par le Pr sident Mitterrand l emportait sur les imp ratifs de la protection des droits de celui ci au regard du secret m dical 57 Elle refuse n anmoins de valoriser les exigences du d bat historique un point tel qu elles seraient de nature d lier un m decin du secret m dical A plus ou moins br ve ch ance l encouragement apport la libre discussion historique g n rera sans doute des contentieux por tant sur la teneur des programmes officiels d enseignement de l his toire nationale notamment tels qu ils sont arr t s dans certains pays et tels que les manuels destin s aux l ves les reproduisent Jusqu pr sent une telle question n a pas t r ellement abord e par la jurisprudence europ enne 58 Faut il s attendre ce que la Cour europ enne aille jusqu consacrer la charge des Etats une obligation positive de r criture de certaines pages erron es de leur Histoire officielle Si telle devait tre son intention il lui fau drait se livrer une interpr tation constructive de l article 2 du protocole n 1 qui constitue la seule base conventionnelle directe ment utilisable Or jusqu
34. t es de l Histoire allemande r put es d j anciennes R publique de Weimar R publi que f d rale des ann es cinquante et a fortiori r gime national socia liste pour privil gier l volution r cente de l Histoire de l Allemagne et par suite r duire la marge d appr ciation des autorit s allemandes Depuis peu deux ans peine la Cour europ enne a amorc l vi dence un virage important sauf exception 34 elle ne semble plus dispos e pr ter une port e pr gnante au poids de l Histoire A tout le moins cette constatation se v rifie dans les contentieux relatifs l exercice des droits politiques professionnels ainsi qu la libert d expression ou d association politiques que ces contentieux soient d ailleurs dirig s contre des Etats appartenant la cat gorie des nouvelles d mocraties europ ennes ou qu ils le soient contre des pays relevant du cercle des anciens Etats parties contractantes 1 Appel e pour la premi re fois en 2004 statuer au fond sur des mesures de lustration politique en l esp ce in ligibilit un mandat 31 En l esp ce la Cour se r f re au contexte historique pr cis de la transition d mocratique 48 32 Pour une critique de cette justification voy J CALLEWAERT De la fausse vraie neutralit politique Rev trim dr h n 41 2000 p 119 33 Arr t du 26 septembre 1995 34 Voy supra I A 1 14 Rev trim dr h 6
35. u motif qu en ratifiant le protocole n 1 le Royaume Uni n a certainement pas entendu modifier un r gime constitutionnel vieux de plusieurs si cles Arr t du 1 juillet 1997 Gitonas et autres c Gr ce Revue fran aise de droit constitutionnel n 44 2000 p 873 observations de J F FLauss l imposition de r gles d in ligibilit rigoureuses aux fonctionnaires candidats l lection au parlement grec r pond un contexte et une tradition politiques propres ce pays 16 Arr t du 2 septembre 1998 Ahmed et autres c Royaume Uni Actualit de la CEDH Actualit juridique droit administratif 1998 n 12 pp 995 996 Jean Fran ois FLaUss 9 Pareille politique jurisprudentielle se retrouve dans la pratique de la nou velle Cour Toutefois importante marge d appr ciation accord e l Etat au nom du poids de l Histoire n est pas justifi e par une motivation unique tant t elle est principalement fond e sur des consid rations d opportunit politique au sens large du terme tant t elle s appuie essentiellement sur l imp ratif de d fense ou et de consolidation de la soci t d mocratique 17 1 La traditionnelle autolimitation du contr le europ en dans le contentieux des droits politiques ou et des activit s politiques 18 tend certes depuis peu s amenuiser s rieusement d s lors que les d veloppements jurisprudentiels r cents traduisent le passage un contr le normal ne reconna
36. xte historiques ayant entour l adoption de tel ou tel article de la Convention sur cet aspect voy entre autres l opinion des juges Lorenzen et autres sous l arr t du 12 juillet 2001 Ferrazini c Italie 3 En ce sens voy l arr t du 18 d cembre 1996 Valsamis c Gr ce 31 la Cour reconna t que les comm morations d v nements nationaux servent leur mani re la fois des objectifs pacifistes et l int r t public La pr sence ventuelle de mili taires ces c r monies comm moratives est consid r e comme ne changeant pas leur nature Voy aussi l arr t du 2 octobre 2001 Stankov et Organisations mac donnienne unie Ilinden 106 la Cour d finit les limites du pouvoir d interdiction susceptible d tre exerc par un Etat l encontre d une manifestation historique auquel une par tie seulement de la population nationale attache une signification particuli re 6 Rev trim dr h 65 2006 n est pas exceptionnel que la Cour europ enne puisse tre amen e relier le pass individuel des requ rants des v nements histori ques plus ou moins anciens auxquels ces derniers ont pu tre direc tement ou indirectement parties prenantes 4 Occasionnellement la Cour a aussi t saisie de litiges portant sur des situations li es des d veloppements chronologiques anciens et complexes qualifi s parfois d historiques 5 Parall lement l histoire a pu p n trer dans le pr t
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