Du jardin secret au béton des origines
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1. Du jardin secret au b ton des origines Val rie de Roug Psychologue avons nous pas tous notre jardin se N cret Jardin secret que nous prot geons et qui par l nous prot ge son tour En effet et comme nous le rappelle son sens tymologique sacere s parer le bon du mauvais le secret a une fonction de filtre en triant ce que je veux partager avec d autres et ce que je veux garder pour moi je constitue une limite entre le dedans et le dehors d fi nissant ainsi mon espace personnel Le secret a donc un effet structurant dans la constitution de notre identit Trahir un secret peut constituer une forme de meurtre du moins une attaque profonde au sentiment d identit Les professionnels m decins psycho logues le savent bien eux qui encourent des peines qui peuvent aller jusqu trois mois d emprisonnement ferme s ils r v lent le se cret de leurs patients hors disposition excep tionnelle de la loi Une telle d marche les pla cerait en effet non plus en protecteurs vis vis du d tenteur du secret mais en des tructeurs Mais le secret n a pas toujours cet impact structurant Dans certains cas il peut avoir des effets pathog nes quand il est trop bien conserv par son porteur Int ressons nous au cas de Laura 16 ans qui demande une mesure ducative au juge des enfants suite une tentative de suicide Laura vit avec son beau p re et sa m re qui s2. Claude Latt s 3 Eliacheff C 1997 De l enfant roi lenfant victime Odile Jacob Enfin le petit enfant la troisi me g n ration ne per oit m me plus l existence du secret Ce qui est transmis par son parent c est le blanc le vide de repr sentation li l existence du secret Le secret est ici impossible penser et provoque un d faut de symbolisation impor tant C est d ailleurs la troisi me g n ration qu on voit appara tre chez les victimes de secrets des pathologies mentales telles la d bilit mentale la toxicomanie ou certaines formes de troubles graves de la personnalit On peut parfois retrouver dans les th mes de ces troubles des liens avec le secret qu ils ont subi leur insu voquons par exemple le cas d Alo s n de Maria Schicklgruber et de p re inconnu Six ans apr s sa naissance Maria se marie avec un d nomm Georg Hiedler qui ne vou dra jamais adopter l enfant Ce n est qu la mort de G Hiedler qu Alo s alors g de quarante ans et lui m me p re d un gar on affirme que d apr s sa m re G Hiedler tait son v ritable p re bien que ce dernier ne l ait jamais reconnu Il reprend alors le nom de Hiedler qu il orthographie Hitler et le transmet son fils Adolf Or on sait qu Hitler tait tr s discret sur son pass et que cette discr tion l a pouss envoyer des troupes de
3. soldats d truire int gralement son village d origine apr s avoir rendu m connaissable la tombe de sa grand m re Maria Cette filiation compliqu e donne r fl chir Peut on tablir un lien entre le secret de sa filiation paternelle et le combat qu Hitler a men toute sa vie pour la formation d une nouvelle race cr e de fa on artificielle et correspondant des crit res parfaits dont il serait le p re universellement reconnu Le flou qui entoure l histoire de cet homme ne nous permet pas d affirmer quoi que ce soit de cet ordre mais il reste int res sant de s interroger sur la port e qu a pu avoir le poids de cette filiation si longtemps cach e Souvenons nous que ce qui rend le secret de famille particuli rement pathog ne pour les descendants c est cette incapacit qu a l enfant de symboliser ce qui a trait au secret de son parent Or le symbole est bien notre lien au monde et taire l origine d un enfant qui m a mis au monde provoque une faille symbolique qui influence la personnalit dans sa globalit Selon Tisseron l uvre artistique et la composition d une mythologie familiale qui peuvent venir combler ce manque sont les deux formes que prennent les tentatives de re construction de l enfant qui subit un secret fa milial L invention d une race aryenne ne pour rait elle pas tre une forme de mythe familial compos par Hitler da
4. e disputent souvent dans leur langue ma ternelle que Laura ne comprend pas Elle ignore qui est son p re et ses de mandes r p t es sa m re restent infruc tueuses ce qui provoque des disputes d une violence telle que le juge propose un place ment dans un lieu de vie M M pr tend ne pas savoir qui est le p re de sa fille et d ment les rumeurs familiales selon lesquelles le grand p re maternel de Laura serait son propre p re Si la situation l heure actuelle est loin d tre claircie la lecture attentive du dossier laisse n anmoins supposer que M M bien qu elle refuse de la r v ler conna t l identit du p re de sa fille D autre part les investiga tions dans la famille de M M montrent qu il y existe effectivement un climat quelque peu incestueux Ces deux l ments ne nous renseignent pas plus sur la personne du p re de Laura mais ils veillent un soup on n y aurait il pas sous ces cachotteries un secret de fa mille On comprendrait ais ment si c tait le cas que la m re ait dissimul tous et sur tout sa fille sa filiation incestueuse On retrouve ici la raison d tre des v ri tables secrets de famille ceux qui ne sont r v l s que plusieurs g n rations apr s le por teur Ils touchent toujours la filiation et s appliquent un v nement v cu comme honteux Si ce secret a des implications importantes pour celui qui le constru
5. it il peut avoir des ef fets graves sur les g n rations post rieures Comment le secret se transmet il et qu est ce qui est transmis Pour en comprendre les m canismes re portons nous l tude de Serge Tisseron psychiatre et psychanalyste Pour lui le porteur du secret que nous pla ons dans une g n ration 1 est partag entre le d sir de r v ler le secret pour int grer l v nement concern sa vie et le d sir de s en d barrasser de faire comme si cet v nement n avait jamais exist c est dire de le taire Un clivage na t donc de ces deux mouvements contradictoires clivage qui va se r percuter sur les attitudes verbales et in fraverbales de l adulte en effet les tentatives de refoulement du d sir de dire le secret ne sont jamais totalement efficaces Des signes des attitudes vont trahir non pas son contenu mais seulement le contenant C est cela que l enfant g n ration 2 va ressentir l existence du secret sans rien soup onner de son essence l enfant ne peut donc pas se repr senter le secret Ce qu il doit refouler c est son d sir de comprendre Alors qu il tait indicible pour le parent le secret devient innommable pour l enfant on ne peut pas en parler MELAMPOUS 1 Tisseron S 1987 Secrets de fa mille mode d emploi Marabout 2 Rosenbaum R 1998 Pourquoi Hitler Enqu te sur l origine du mal Jean
6. ns un travail de symbo lisation De m me Herg n a t il pas tent travers ses Aventures de Tintin de recoller les morceaux de sa propre histoire Nous pensons aussi aux cas de maltrai tances qui se r p tent de g n ration en g n ration et qui font dire certains qu un enfant maltrait a de grandes chances de devenir un parent maltraitant Caroline Eliacheff dans son ouvrage De l enfant roi l enfant victime reprend cet adage en soulignant l importance de la mise en mots qui permet d acc der au symbole La grande majorit des parents maltraitants ont t abus s sexuellement dans leur enfance par des parents ou des proches sans que cela soit jamais dit reconnu sanctionn Cette exp rience a t scell e par le secret voire m me pas verbalis e ou ni e de sa m moire donc ni e de la r alit C est donc bien dans l incapacit labo rer cette exp rience que r side le risque de r p tition transg n rationnelle Le secret de famille est souvent un secret d amour impossible d amour trahi Et plut t que d en faire le deuil on pr f re l illusion et on le transmet tel un abc s in crev et increvable obstacle majeur la ma turation identitaire de l enfant C est une donn e importante laquelle on ne pense peut tre pas assez mais qui de vrait rester dans l esprit de tous les profes sionnels au contact d enfants ou d adole
7. s cents en souffrance De fait la violence de certains jeunes que l on rencontre au tribunal pour enfants ne dissimulerait elle pas une douloureuse question Dites moi d o je viens Comment puis je me d tacher de ma fa mille pour tre autonome si je ne sais pas qui elle est comment savoir qui je suis et qui je veux tre si je ne sais pas d o je viens On dit qu un arbre est d autant plus fertile et r sistant que ses racines sont nombreuses et profondes Si une chappe de b ton tait cou l e la base de son tronc l arbre ne serait pas viable Tout enfant a besoin pour se construire et devenir autonome de conna tre la terre de ses origines de casser le b ton trop lourd des secrets transmis par ses ascen dants
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