les vivants
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1. 39 Le masque mortuaire de l Inconnue de la Seine fit parler de nombreux crivains comme Rilke Aragon Nabokov la jeune inconnue a sombr dans la Seine mais son visage a perdur des ann es une sorte de muse au sourire trompeur Les visages font parler m me si l on as siste son naufrage son effacement partiel le visage perdure il est toujours repr sent mais diff remment Je m int resse aux visages depuis tr s longtemps ils sont source in puisable de traits d motions mais je les ai souvent malmen s M inspirant de gens que je voyais je couvrais leur visage d une chevelure paisse venant cacher totalement leur regard leur sourire ils n taient plus qu une masse informe de poils j aimais la d licatesse des cheveux venant se poser sur la peau de mes mod les Dans mes dessins d enfance il n y avait que des visages mais ils taient tous l envers et la t te ne collait pas vraiment au corps comme s il en tait d poss der Ensuite apr s avoir d voil la peau des millions de cheveux j ai entrepris un travail aussi minutieux en traitant la peau les yeux la bouche des sortes de fragments de visages tres d taill s Les visages que je dessine depuis quelque temps ont commenc ressembler alors eux aussi des masques mortuaires d poss d s de leur chevelure et du reste du corps l air endormi et apais mes visages taient entre la vie et la mort flottant sur mes feuilles comme la jeune inconnue dans2. de revenance de hantise Le montage et la composition des connaissances faits pour Mn mosyne interroge l inconscient du temps qu est la survivance Barthes et Sebald ainsi que l artiste Claudio Parmiggiani mettent en sc ne des sujets hant s dans leurs uvres Le rapport au pass est toujours probl matique il faut sans cesse chercher l clairer le faire revenir Ce retour se fait principalement par le biais de l image Roland Barthes comme Austerlitz le personnage de Sebald cherchent de mani re compulsive poss der une image de la m re et par l m me poss der leur pass l image a par son tymologie m me un rapport avec la mort l imago c tait ce moulage de la t te des morts que les Romains gardaient dans l atrium Spectrum c est justement le mot que Barthes choisit dans La Chambre claire pour d signer celui qui est photographi La photographie entretient l illusion d une pr sence fan tomatique des absents Austerlitz protagoniste ponyme du dernier roman de l Allemand W G Sebald trop jeune pour en avoir gard le souvenir avait fait partie des convois du kindertransport ces trains de la derni re heure amenant les enfants juifs en Angleterre les sauvant in extremis de l horreur des camps de la mort d Hitler Cet historien d architecture d couvre alors son pass graduel lement il apprend par le hasard du souvenir que le couple gallois qu il croyait tre ses parents n taient en fait que
3. 12 2 Les secrets de famille Les proches amis et famille ont t les premiers sujets photographiques d s l invention du m dium au d but du XIXe si cle De nos jours les adultes peuvent savoir avec exactitude quoi eux m mes leurs parents et leurs grands parents ressemblaient lorsqu ils taient enfants savoir inaccessible avant l apparition de l appareil photo l appareil photo donne la possibi lit de d tenir des archives compl tes couvrant tous les ges De la photographie post mor tem au simple portrait autour du g teau d anniversaire je m int resse aux portraits de famille aux secrets qu ils recelent Avec son uvre S urs Saintes et Sibylles Nan Goldin peint l histoire tragique de sa s ur par des photographies de leur famille d elle des endroits o elle a s journ en asile psy chiatrique des photos souvenirs d une vie semblant heureuse au d but mais en m me temps des commentaires lapidaires venant briser la nostalgie A 14 ans Barbara sa sceur fait une premiere exp rience asilaire et 19 ans elle s allonge sur des rails et attend la mort En pho tographiant les lieux fr quent s par sa soeur Nan Goldin s approprie une histoire elle fait des portraits et des autoportraits comme pour tisser la toile d une ceuvre Ensuite apr s avoir coup tout lien avec sa famille biologique elle engagea un projet qui lui prit seize ann es The Ballad of Sexual Dependency constitu de 800 diapositives le
4. A l angle des mondes possibles Paris PUF 2010 Chatwin Bruce Le chant des pistes Oeuvres compl tes traduit de l anglais par Jacques Chabert Georges et Marion Scali pr f de Jean Fran ois Fogel Paris Grasset 2005 Didi Huberman Georges G nie du non lieu art poussi re empreinte hantise Paris Edi tions de Minuit 2001 Lonrai Normandie Roto Impression 2002 Garat Anne Marie Photos de familles un roman de l album ouvrage publi sous la direc tion de Marie Catherine Vacher Arles Bouches du Rh ne Actes Sud 2011 Goldin Nan The Ballad of Sexual Dependency edited with Marvin Heiferman Mark Hol born Suzanne Fletcher dition New York Aperture 1996 Goldin Nan Soeurs Saintes et Sibylles dition Paris Editions du Regard 2005 Kubin Alfred Le travail du dessinateur traduit de l allemand par Christophe David Paris Allia 2001 Petite collection Michals Duane Ce que j ai crit What wrote s lectionn s par Robert Delpire et Annik Du villaret traduit de l am ricain par Val rie Rouzeau Edition Paris Delpire 2008 Collection Des images et des mots Pessoa Fernando Le livre de l intranquillit traduit du portugais par Francoise Laye dition Robert Br chon Eduardo Lourenco pr face Richard Zenith Paris Bourgois 2011 Le travail du dessinateur Alfred Kubin traduit de l allemand par Christophe David Paris Allia 2001 Petite collection Sebald W G
5. biblioth que nationale de France cette ann e l artiste am ricain est un grand collectionneur de culture pop et contre cultures am ricaines des ann es 1950 1960 Les collections illus trent souvent l univers et le caract re de chaque artiste American Prayer est le titre de son exposition la BNF et un hommage au po me ponyme de Jim Morrison leader des Doors l artiste nous emm ne alors dans sa biblioth que id ale qui l inspire tout autant pour son travail de photographe et de peintre Pour cette exposition il a s lectionn des livres rares de Rimbaud de C line des livres populaires appartenant la collection de la BNF il projette d intervenir sur ces collections ensuite Et il d voile pour la premi re fois des tr sors de sa collection personnelle sa biblioth que regorge en effet de documents des principales figures de la beat generation comme un exemplaire annot par William Burroughs du Festin Nu ou le rouleau manuscrit de Big sur de Jack Kerouac Sa d marche artistique consiste alors collecter et s approprier pour ensuite intervenir sur ses collections qui l inspirent pour ses peintures ou photographies Comme W G Sebald se promenant sur les c tes anglaises traversant les temps disparus voque de multiples histoires et r ves vanouis dont il ne reste rien sinon des signes devenus illisibles je parcours la ville les biblioth ques les maisons et les greniers la d couverte de vestiges
6. qui se fait le t moin g n ral et comme naturel de ce qui a t La chambre claire p 146 Il note aussi avec beaucoup de lucidit Et sans doute l tonnement du a a t dispara tra lui aussi Il a d j disparu J en suis je ne sais pourquoi l un des derniers t moins et ce livre en est la trace archa que Ainsi cette temporalit propre la photographie que Walter Benjamin d signait sous le terme d aura l apparition du lointain est selon Roland Barthes vou e dispara tre L tonnement la pr sence du pass dans le pr sent propre l exp rience photographique sa puissance de hantise en somme pourrait devenir caduque dans notre poque qui crit il ne parvient plus concevoir la dur e et d nie le m rissement 4 Du r el la fiction Tout au long de mes recherches et de mes projets artistiques je me suis d abord accroch e et r f r e la r alit c est dire au monde que nous connaissons tous et dans lequel nous existons Les choses de ce monde furent alors mes r f rences premi res afin de basculer dans d autres mondes ce qu on attribue au monde de l art Tout mon projet fut de passer du r el la fiction par le biais de l exp rience artistique pour mon cas le dessin Dans son ouvrage A l angle des mondes possibles la philosophe Anne Cauquelin se ques tionne propos de l existence d autres mondes y a t il un seul et unique monde ou d autres mondes possibl
7. elle est plus influenc e par les objets qui l entourent comme les plantes la nourriture les cartes encyclop diques mais elle est quand m me int ress e par les morts vivants et les gens ag s Tout ce qu elle voit tous les jours se confond avec ses r ves et les bribes de son enfance Des l ments disparates existent en parfaite harmonie dans ses paysages a c t de figures qui se m tamorphosent en objets elle cr e des sortes d anamorphoses comme M la nie Delattre dans ses compositions Dans sa s rie Je ne crois pas aux paysages pr sent e en 2010 pour l exposition DYNASTY au Palais de Tokyo et au Mus e d Art Moderne la dessinatrice M lanie Delattre s inspire d un manuel de cong lation des ann es 1970 Elle d tourne alors le sujet du livre la mani re dont il est r dig et les photographies l illustrant Tout ceci fut une mati re tr s riche transposer dans des compositions On retrouve alors les mains des doigts fins et fragiles qui manipulent avec d licatesse des fragments de nourriture des morceaux de viande un canard entier une t te de cochon Pendant la r alisation de cette s rie elle a d couvert un vinyle datant de 1976 de chansons d amour irlandaises interpr t es par un groupe folk italien Comme la couverture lui plaisait elle y a int gr des l ments dans ses compositions on peut voir alors des personnages de la couverture se m langeant des c tes de b uf g antes Tout ceci cr e une atmosph
8. maine au XX me si cle Cette exposition m a vraiment aid e c tait un moment o j avais besoin de r ponses et de r f rences pour mes recherches sur le visage et le portrait Le visage est le miroir de l humanit il ne peut tre d form transform sans remettre en question la notion de personne sans porter atteinte l homme La repr sentation du visage est une sorte de substitut de l tre on ne peut heurter l int grit de ses formes troitement surveill et prot g il est le dernier maillon de la cha ne qui nous relie la tradition humaniste Ainsi toute transformation du visage produit elle un effet imm diat et ne nous laisse t elle jamais indiff rent Mais au cours du XX me si cle surtout dans sa seconde moiti la repr senta tion du visage a radicalement chang s il fut consid r autrefois comme le noyau de toute ressemblance le visage y abandonne toute aspiration d sormais tre encore le reflet de l apparence qui est la n tre Miroir de l me ou miroir social toutes ces distinctions semblent s effacer On a donc affaire un naufrage du visage son effacement partiel cette dissolution est due une crise historique mena ant la possibilit d existence d un sujet D compos le visage a perdu son statut de monument qui fixe le temps jamais il n offre plus aucune garantie d ternit Une histoire se passant la fin du XIX me si cle m a beaucoup int ress dans mes recherches su
9. nouvelle photographie que je photographiais j avais l impression de tous les figer encore plus dans le temps une multitude de m mes visages pr sents et en m me temps absents J ai fait des agrandissements maintes reprises la mani re de Thomas le protagoniste du film d Anto nioni Blow Up signifiant d ailleurs agrandissement Thomas photographe de mode dans la ville de Londres des ann es 1960 passe un matin dans un parc et il est attir par la lumi re dans cet endroit d sert seul un couple se tient pos au loin le photographe prend alors un clich de cette scene La femme ne souhaitait pas que cette scene soit prise en photo et elle 16 N D d d AN UA x Vu AN Blow Up Michelangelo Antonioni 1960 17 r clame alors les n gatifs Thomas arrive s en aller Celui ci commence alors d velopper le clich le jour m me il r alise des agrandissements successivement et il d couvre alors qu il a t t moin d un meurtre Effectivement il rep re le point o se porte le regard de la femme l agrandit plusieurs fois et finit par d couvrir cach dans un buisson et derri re une barri re le visage d un homme plut t jeune qui tient un revolver Alors que j ai fait disparaitre les visages dans l album de famille le photographe lui fait apparaitre un meurtre il est donc confront une image de mort laquelle il ne s attendait pas De plus le clich qu il a pris dans le parc fait office de
10. re trange tout droit sortie d un r ve les mains qui se r p tent dans chaque dessin des fragments de choses diverses li es la nourriture et aux animaux La dimension onirique et le passage du temps sont tr s visibles dans cette s rie les formes qu elle dessine sont d licates les traits sont fins sa technique requiert surement beaucoup de temps et de patience Chacun de ses dessins me fait penser a une nuit enti re travers e par des fragments sensibles de r ves qu elle ajoute ses compositions inspir es par le manuel de cuisine Les fragments d l ments r els vus dans le manuel et les bribes de r ves se m langent en cr ant quelque chose d assez absurde sous les mains pr sentes dans la plupart des dessins de la s rie se pr parent une dr le de cuisine Le dessin aujourd hui a une place tres importante dans l art contemporain des expositions des foires des revues comme Roven ou la Revue Collection consacr es a cette pratique sont maintenant courantes par rapport au XX me si cle p riode o Kubin cherche revaloriser le dessin lui qui le consid rait comme une fin en soi Nombreux sont les artistes en France 30 Je ne crois pas aux paysages et vue de l exposition au Palais de Tokyo 2010 M lanie Delattre Vogt 31 comme dans le monde entier ne pratiquant que le dessin par sa mise en forme rapide il permet une grande spontan it une bousculade d id es un encha nement rapide de sens et de non se
11. rester confidentiel est divulgu ou bien qu une situation au sein de la famille de la maison met mal l aise Freud suppose que cela correspond un retour du semblable du reflet La fiction se construit travers ces images les photos de famille contenues dans chaque album ob issent la m moire de soi et des siens interrogeant donc l autobiographie L album convoque l origine la filiation l appartenance et l identit L album est hant par le secret l absence et la pr sence Feuilleter l album de fa mille fait ressortir les fant mes c est toujours un moment mouvant Il assure la transmission g n rationnelle par l inventaire infini des visages et corps v tements meubles et immeubles regards J ai tout d abord t int ress par les photographies de ma propre famille mon his toire et celle de mes parents c est ce qui me touchait de plus pr s j avais dans l espoir de trouver des secrets et des histoires jusque l inconnus je menais mon enqu te travers ces vieilles photos peine class es parfois l gend es des fois seulement de dates ou de noms J ai alors photographi les photographies plusieurs reprises j ai agrandi j ai cherch dans les d tails les visages paraissaient de plus en plus inqui tants Les enfants semblaient plus vieux comme si les photographies s taient transform es elles aussi avec le temps certaines t tes ont m me disparu force de photographier nouveau sans cesse A chaque
12. sert d images de photographies arrach es l oubli Austerlitz P 218 Ces photographies ins r es dans le r cit jouent un double r le certaines sont des images d archives constituant les traces d un pass perdu des indices dans sa qu te du pass Et les autres sont des images documentant l enqu te r alis e au pr sent par le narrateur ce sont des photos des lieux qu il visite des lieux de l enqu te comme Tere zin mais aussi des documents d images de biblioth ques Sebald inc re autant de sources de traces de documents possible agenda journal intime album familial ce sont des pi ces conviction qu il reproduit dans son r cit pour l enqu te qu il m ne Pour trouver ses pi ces conviction il recueil des t moignages il retourne sur les lieux de disparition et recherche dans les archives priv es ou publiques Lorsqu il retrouve sa nourrice Vera Rysanova celle ci lui r vele l identit de ses parents et elle lui confie deux photographies r chapp es de la destruction des biens personnels de sa famille l une repr sente Austerlitz lui m me et l autre deux personnages sur une sc ne de th tre qui pourraient ressembler ses parents V ra a du mal s expliquer propos des photographies elle semble amn sique sur ce sujet l origine de ces photographies est bien myst rieuse Austerlitz se retrouve face une v rit violente un pass totalement r volu irr versible et disparu l usage des images
13. ses gardiens Il a besoin de savoir d o il vient 6 Citation extraite du G nie du non lieu page 16 Georges Didi Huberman 43 Photographie anonyme maison en feu 44 Entre poques diverses et ses d rives on m dite sur l identit le souvenir sur l importance de ce qui a t oubli mais autant de ce qui reste Ainsi dans ce r cit l allure de journal d errance la premi re partie est consacr e l enfance de Jacques Austerlitz et la seconde a ses origines aux recherches qu ils m nent de Prague a Terezin pour retrouver la trace de ses parents I ne me semble pas que nous connaissions les r gles qui pr sident au retour du pass mais j ai de plus en plus l impression que le temps n existe absolument pas qu au contraire il n y a que des espaces imbriqu s les uns dans les autres ineinander verschaltete Ra me selon les lois d une st r om trie sup rieure que les vivants et les morts au gr de leur humeur peuvent passer de l un l autre p 256 Austerlitz WG Sebald La hantise est la marque d un deuil non r solu le temps est hors de ses gonds pour Austerlitz la pr sence du pass est dans le temps pr sent Chez Sebald le temps intime rejoint le temps collectif Jacques Austerlitz est galement en proie une hantise collective Ainsi la Shoah semble pr sente chaque page mais le sujet est souvent abord de biais que ce soit dans le texte ou dans l image Effectivement Sebald se
14. Il y a quelques ann es en trouvant par terre dans une rue une carte postale repr sentant Amadeus Mozart j ai cherch rencontrer son destinataire J ai r ussi retrouver sa trace c tait une vieille dame habitant dans le centre ville de Caen elle m a accueillie dans son grand appartement Il y avait des tr sors de m moire partout toute sa vie tait inscrite dans toutes les parties du lieu Cadres photos tableaux portraits tapissaient les murs de grandes biblioth ques des collections de disques de la vaisselle plus vieille qu elle etc La pr sence des tres qu elle avait aim s et qui avaient habit s avec elle tait presque visible les murs taient charg s de souvenirs Pour Sebald les vivants et les morts coexistent c est l impression que j ai eu en visitant l appartement ce lieu charg d motion d un temps d j pass Cette dame cohabitait avec les absents Depuis que le nombre d tres vivants a tripl sur Terre il n y a plus cette peur face au peuple des morts Ces vestiges que nous transportons tous avec nous sans nous en rendre compte sont les t moins d un pass pas tout fait r solu nous sommes constamment en d calage avec le temps jamais vraiment dans le pr sent plut t dans un pass proche J interroge ce monde o le temps est incertain o les choses restent et deviennent nos fant mes c est cette vie que je repr sente que je tente de reproduire Un pass dans le pr sent La hantise
15. Les anneaux de Saturne Traduit de l allemand par Bernard Kreiss Paris Gal limard 2003 52 Sebald W G Austerlitz trad de l allemand Patrick Charbonneau Arles Bouches du Rh ne Actes Sud 2002 Sontag Susan Sur la photographie traduit de l anglais par Philippe Blanchard Bourgois 2008 Woolf Virginia Une chambre a soi essai pamphl taire 1929 53 Catalogues et Monographies Delattre Vogt M lanie Les existences texte de Dominique Radrizzani Paris Buchet Chastel 2011 Petrovitch Francoise La vie en rose texte de Dominique Mainard dessins de Francoise Pe trovitch Les ditions du chemin de fer avril 2007 Goldin Nan Soeurs Saintes et Sibylle Paris Editions du Regard 2005 Exposition Paris Cha pelle Saint Louis de la Salp tri re 2004 Expositions Psy k Off the Wall affiches psych d liques de San Francisco 1966 1969 Mus e de la pu blicit 9 d cembre au 27 mars 2005 Klimt Schiele Moser Kokoschka Vienne 1900 Grand Palais 2006 The air is on fire David Lynch Fondation Cartier 2007 Le visage qui s efface H tel des arts de Toulon 2008 R trospective Sonia Rykiel Mus e des arts d coratifs avril 2009 Elles centrepompidou mai 2009 N dans la rue Graffiti Fondation Cartier Novembre 2009 Personnes Christian Boltanski Grand Palais Monumenta 2010 54 Revues Roven revue critique sur le dessin contemporain Les presses du R el Frieze magazine d art contem
16. a morphose l avance en image La photographie cr e le corps ou bien le mortifie elle repr sente ce moment ou il n est ni sujet ni objet mais un sujet qui se sent devenir objet il vit alors une micro exp rience de la mort et devient un spectre C est une image qui produit la mort en voulant conserver la vie En tant que spectateur Barthes ne s int resse la photo que par sentiment il distingue deux th mes qui construisent la photographie le studium et le punctum le studium est le go t qu on a pour quelqu un ou quelque chose et le studium ce qui cr e une vie ext rieure l image Le punctum est ce d tail qui me point me blesse dans l image il ne fait aucune acceptation de la morale ou du bon go t pour Barthes c est ce d tail fascinant qui fait qu une photographie est plus que bien comme une photo ne poss dant qu un studium il faut une copr sence qu un l ment vienne perturber le studium Le punctum d une photo c est ce hasard qui en elle me point mais aussi me meurtrit me poigne Pour que je choisisse une photo parmi toute une collection ou dans un album il faut que quelque chose me fascine appelle mon attention qu un d tail m intrigue comme lorsque Barthes parle de photographies de sa m re qu il a retrouv es en rangeant ses affaires apr s sa mort l criture de la Chambre claire a en effet t marqu e par la mort de la m re en 1977 m me s il s agit d un texte
17. dessinateurs contemporains comme M lanie Delattre ou Ryoko Aoki semblent tre influenc s par ce monde imaginaire m l la r alit M lanie Delattre comme Alfred Ku bin s int ressent aux hallucinations hypnagogiques ces visions qui apparaissent au moment de l endormissement dans cet tat interm diaire o nous sommes tr s fatigu s et o la raison n intervient plus Place alors aux visions aux r ves qui font apparaitre des r miniscences du pass de la m moire erron e par des visions Kubin aime le ph nom ne de balance entre deux mondes celui o l on dort et lorsqu on se r veille d s les premi res secondes il ne reste plus que des bribes de notre nuit Le dessin est comme une retranscription directe de notre pens e de ce qu on a vu entendu ou r v une appropriation quasi imm diate des choses du monde C est une pratique intense et indispensable pour moi on plonge dans une autre temporalit dans ces moments l se perdre dans les pens es les r ves ou le pass est presque normal lorsqu on passe des heures cr er un autre monde que le notre des formes incertaines et imaginaires apparaissent sans le vouloir 3 citation extraite de Le travail du dessinateur Alfred Kubin traduit de l allemand par Christophe David Paris Allia 2001 Petite collection 26 Sorci res Alfred Kubin 1899 dessin l encre de Chine et lavis 24 1x18 4cm 27 Ci dessus Paysage Ryoko Aoki 2007 et dro
18. du secret le d voile petit petit par bribes car l humain est ainsi fait il ne peut pas s emp cher de mettre des mots des images sur ce qu il prouve l enfant alors n en sait pas assez et fait des hy poth ses qui sont souvent plus graves que le secret en lui m me En faisant cela la famille cherche pr senter une image parfaite tant aux autres qu ses proches c est ce qu on re trouve tr s souvent dans les albums de famille des visages sereins des regards et des gestes affectifs la famille parfaite qui pose devant l objectif cr ant un faux moment de qui tude et de bonheur Ce que j essaye de montrer depuis un certain temps dans mes dessins d apr s photographies de famille ce sont les secrets je m int resse au c t tragique de la repr sen 18 Ci dessus Barbara Soeurs Saintes et Sibylles Nan Goldin droite Chapelle Saint Louis de la Salp tri re Festival d Automne 2003 Nan Goldin 14 15 tation familiale quand tout parait calme je veux enlever ce masque heureux de leur visage que nos semblables veulent garder tout prix pour garder une trace erron e de leur vie pass C est l effet que m a fait un film de Thomas Vitenberg quand je l ai vu il y a quelques ann es Festen qui traite du secret de famille et le poids monstrueux que celui ci fait peser sur ceux qui le respectent Quand le secret clate au grand jour personne ne se doute du s isme qui dort Pendant la c l bration des soixant
19. e ans de son pere Christian est charg de dire quelques mots le discours vire au drame Tout le monde est venu pour l occasion cousins oncles il manque la sceur jumelle de Christian qui s est suicid e un an auparavant Chris tian r vele alors au grand jour que leur pere les a viol s lui et sa soeur dans leur enfance on comprend alors pourquoi elle s est tu e Pour les convives il n y a aucune chappatoire ls subissent cette d claration insupportable Ce qui importe pour Christian c est de r v ler l in ceste drame familiale mais aussi de montrer que cela ait pu exister sans obstacles les gens sont en effet capable d enfouir au plus profond d eux m mes les choses les plus abominables Dans ce film le protagoniste fait ressortir de terre ce qui a t cach depuis longtemps par la famille qui a entretenu le secret C est ce que r v le Anne Marie Garat dans son ouvrage r cent Photos de famille Roman de l album l album de photo de famille cele un r cit violent d amour et de mort La Photogra phie de famille occupe tout son temps de travail d crivain elle s approvisionne de ces rebuts d images anonymes dans les brocantes les vides greniers ou les marchands de papiers La photographie de famille est en effet le support des projections les plus diverses de l intimit rassurante l inqui tante tranget de nos semblables l unheimlich l inqui tante tranget ce concept Freudien c est lorsqu un secret qui devait
20. eaucoup d l ments sont manquants et m me s il retrouve des traces incontestables de son pass des photographies ce n est pas suffisant il ne cesse de s interroger sur la m moire Son installation a la Monumenta 2010 du Grand Palais a Paris nomm e Personnes repr sente des montagnes de v tements dispos s en tas sur le sol comme vid s de leur corps ce sont l des traces significatives de vie de mort et de m moire En 1990 il s tait aussi servi de v tements pour son installation R serve Dans une piece blanche les murs taient recouverts de ces vieux v tements de tissus r partis sur plusieurs tageres en m tal et clair s par des lampes de bureau R serve donne un sentiment de nostalgie morbide la faible lumi re qui claire les murs touff s par la masse de tissus fait penser des guirlandes de no l Il nous montre des objets du quotidien et s int resse alors la petite m moire ou m moire af fective pour parler d un plus grand drame la shoah qui appartient la m moire collective Pour cette installation ainsi que les autres il a recours a l archive et aux t moignages les liens entre l histoire et la fiction Pour Tacita Dean ce sont les voyages qui l ont amen rechercher des images des sons rares le mat riau de ses ceuvres Les objets ou les lieux abandonn s et leur inscription dans le pass l inspirent Le caract re cyclique du temps ainsi que les processus de dis
21. emps passer dans les images que je cr e des corps et des esprits flottent et se d placent jusqu a disparaitre parfois rien n est fig l espagnol Antonio Lopez Garcia peintre et dessinateur n a pas produit norm ment d ceuvres dans sa vie puisqu il revient aussi sans cesse sur ses tableaux Une seule ceuvre peut donc durer des ann es l image se cr e dans le temps il est connu pour passer des ann es finir une seule petite peinture Dans El sol del membrillo Le songe de la lumi re Victor Erice le r alisateur montre Antonio plantant un arbre pour le peindre au fil des ann es Ce film traite des peintres et des cin astes qui n ont jamais cess de chercher capter la lumiere la n cessit originelle d aller au del du temps par le biais de la p rennit des formes le d sir totalement psychologique de remplacer le monde ext rieur par son double Le fait de prendre et de laisser le travail est in vitable dans la peinture de paysage parce que la lumi re change la nature et change donc le caract re de ce paysage Le dessin est aussi une question d empreinte faite par le temps dans notre m moire mais l empreinte marque aussi la disparition l artiste Claudio Parmiggiani du mouvement de l arte povera fait un rapport avec la question de la m moire et de la destruction Il cr e en effet des lieux Delocazione en 1970 des lieux interm diaires entre le sensible et le suprasensible des vocations po tiques du m
22. ene Villette 2012 Conclusion La qu te du pass la frustration de ne plus se souvenir rechercher des preuves de ce qui a t fut l origine de mon projet Lorsque se rappeler ou bien conna tre la v rit devient une investigation indispensable nous tres humains mettons tout en uvre pour trouver ce qui nous manque Je voudrais que l ensemble de mes dessins forment une boucle de cette qu te incessante un cycle d une multitude de vies et d instants des moments ind finis entre pass et pr sent dans laquelle chaque individu vit rencontre et oublie Ce cycle de vie est fragilis car chaque fragment de nos existences est amen disparaitre et n en laisser que des traces des em preintes sur les autres sur ce qui a v cu avec nous J voque dans mes dessins et dans mes collections des sortes de strates existentielles perdues dans le temps et l espace Des souvenirs La hantise La survivance Le temps nous rattrape toujours il prend de l avance sur nous constamment et quoi qu il arrive nous deviendrons nous m me des fragments C est ainsi la beaut fragile de notre existence 51 Annexes Bibliographie Bailly Jean Christophe l instant et son ombre essai Paris Seuil 2008 Fiction et Cie Barthes Roland La chambre claire note sur la photographie cahiers du cin ma Gallimard 1980 Bolloch Jo lle Post mortem introduction Edition Arles Bouches du Rh ne Actes Sud Cauquelin Anne
23. es expositions villes que nous visitions avec ma famille j ai aussi une tr s grande collection de cartes postales qui datent de mes premiers anniversaires Selon Proust on ne peut pas poss der le pr sent mais on peut poss der le pass Le pass se rait pour lui le lieu o le pr sent devient r el c est dire susceptible d tre poss d Je distingue deux sortes de collections les collections r elles et les collections mentales c est dire celles que je peux avoir physiquement comme les objets les photographies Ft les autres immat rielles comme les souvenirs les histoires les r ves J ai d cid de m atteler au projet qui me tient coeur depuis longtemps se conserver tout entier garder une trace de tous les instants de notre vie Christian Boltanski Boltanski utilise les t moignages d humanit les plus familiers photographies d cole ou d identit bo tes de biscuits et partir de 1988 il commen a collecter des v tements II int gre ces l ments son ceuvre Il imagine une vie se l approprie et tous les objets de ses dossiers livres collections sont les d positaires de souvenirs Il reconstitue ainsi des instants 2 La petite m moire Christian Boltanski Derni res ann es catalogue du Mus e d art moderne de la ville de Paris 1998 de vie avec des choses qui ne lui ont jamais appartenues En 1969 il entreprend de recons tituer son enfance et il se rend alors compte que b
24. es et r els Dans le chapitre Du monde r el au monde de l art Anne Cauquelin explique que l art partir de son propre domaine ouvre un autre monde que celui o il existe lui m me c est dire le monde d ici Le monde de l art se situerai hors de la r alit de l uvre mat riellement pr sente Diff rentes sortes de mondes s ouvrent par l art et vont au del 23 Fragmentation et disparition dans le dessin IMAGO tymologie latine image li e la mort l imago latine d signe ce masque mortuaire que les familles patriciennes portaient en procession dans les rues avant de l installer dans l atrium au foyer des anc tres l image dit le philosophe F Dagonet est ce qui reste quand l objet a disparu l image est le double immobile fixe et stable d une r alit changeante fugitive et ph mere Elle est seconde de ce r el qui lui pr existe pour son observateur c est une trace un fant me un simulacre 25 5 Le dessin et le r ve Ce qui a t contempl a une poque r volue se m le a des fragments de choses que l on a peut tre rencontr es hier pour la premiere fois Ecrivait Alfred Kubin cet crivain et dessinateur connu pour tre un songeur faisait un lien tres important entre le dessin les visions et le r ve Il a consacr de nombreux articles au r ve qu on peut lire dans son recueil de textes Le travail du dessinateur Entre vie et r ve des bribes de visions du pas
25. evendra Ban hart Raymond Pettibon font des dessins ou des ceuvres sur papier presque exclusivement le dessin peut exister par lui m me et pas seulement servir d bauche a d autres mediums Des institutions importantes comme le Drawing Cecnter a New York fond en 1977 ont contri bu a montrer l essor et le pouvoir du dessin a travers des expositions historiques de maitres comme Duchamp ou Michelangelo Le Drawing Center a m me donn l opportunit d ex poser au d but de leur carri re a des artistes comme Kara Walker Chris Ofili ou Jack Pierson 4 Citation d Emma Dexte dans un article The Big draw d Hilarie M Sheets dans Artnews Janvier 2006 32 Villette 2011 ene cup r H l Crayon papier papier r cup r Paysages imaginaires 33 34 PA 35 6 Le naufrage du visage De temps en temps le soir il merge un visage qui soudain nous pie de l ombre d un mi roir j imagine que l art ressemble ce miroir qui soudain nous r v le notre propre visage Jorge Luis Borges l art po tique R fl chir sur le visage le portrait c est s engager dans une r flexion sociale spirituelle et humaine sur la vie la m moire la singularit irr ductible de chaque existence En 2008 Itzhak Goldberg pr sentait l exposition le visage qui s efface l H tel des arts de Toulon elle tait consacr e la transformation radicale de la repr sentation de la figure hu
26. iers Fleurs s ch es Horloges Images diverses papier ou num rique Journaux Journaux Lettres Listes de courses Magazines Objets diverses Papillons Photographies Photographies Plumes de faisan Pochettes de vinyle Prospectus en tout genre Recueils de po mes Reproductions de tableaux Sacs plastiques V tements fripes Montres Le mus e imaginaire de Malraux EVERYTHING I HAVE Th een ee oe KA CEA IUSSETVWEUSNMT TUI TTRITFO MMA AAA TANT ADD O55 eo DDD ROM ADMD DM BANBRAZA FASASCABIZ ALAAANTANNNANANTANANNAN MA MESITA AS IAS Bai sersersognankeiacsscbeis ALS CETER CA Set Biet ME OC een End ESOO hai Sne LAA A LEG enigt s smegfsums ehrsetijildlegej 6ry vzign eeeceeectellgjutl U 9o2o002090c eeoeccuoeoowB A AAA 13282 5 gelil diietertigiRT Uu 5s esspilligst ctititulililitt as sl 7 LrtilGLiBOd G bit dAdmamamia sea SEL TEI al abe Le TEST ELO E jr ise opor Z8 1 6o99gmwlj o 0 00 ris HRelQaecuri1 6N QUS Emi sina eb98mEc xO ae ssrB Hudas tE AO ORO TEO E LESA hdd LULL LEE EET eet yl TT Pee READERS Apo pat ET ADORA EO 4 BeBe SHIRES ERN ROSES OR S VERMEER EEO M mSmEHBUXHOw feecoosliiveut EIEL Ba lasMa lt m 4o Ale 1 1BERZ2 HABET RC Benen icekbsewtci mbilbeiton uim B EA i lied CHBIIBELEO HEBINH seimelllldocz cri Rs DRAG RIVALIDAD CHA cemteeteolil sl aieiat BSCR NE TR D TT 02e SS STENRENMNNEUR Z ss p re Bars retrerereseslest Ci dessus 1000 thing I have Si
27. ire que je compare et que j assemble la mienne Je m inspirerai de l oeuvre bouleversante de Nan Goldin pour pouvoir parler de la photographie de famille et des secrets qu elle rec le Une explication sur le punctum de Roland Barthes conclura cette premiere partie Et une seconde partie Fragmentation et disparition dans le dessin Cette partie portera sur la m moire personnelle et intime qui rejoint la m moire collective fra gile venant disparaitre travers mon travail du dessin Le monde imaginaire et onirique que je cr e partir du r el devient le plus souvent inqui tant car il est tourment par la hantise 1 Intranquilit n ologisme d signant l inqui tude dans Le livre de l Intranquilit de Fernando Pessoa 1982 Employ galement par Henri Michaux dans un po me La source 1 l art de collectionner Au quotidien les objets de la vie de tous les jours s entassent ils appartiennent d j au pass d s le moment o nous les avons entre les mains Ils sont vou s mourir dans des greniers ou bien pire pourrir dans des poubelles J ai le d sir compulsif de tout garder avec moi de peur que toutes ces choses avec lesquelles j ai v cu soient perdues dans le n ant Ils portent en eux la trace d un moment d histoires d instants de vie Cet attachement affectif pour ces l ments cass s vieux inutilisables ou bien sans int r t m est venu tr s t t en collectionnant tous les prospectus de mus
28. ite Circle triangle square dition Ryoko Aoki 2007 28 29 C est une sorte de graphisme du r ve les motions proviennent d un terreau d exp riences lointaines de l enfance la jeunesse des r miniscences d un pays moiti oubli Les espaces et les lumi res n existent nulle part dans les compositions que je cr e des influences de la vie quotidiennes des choses du monde impr gn es d l ments tranges et fantoma tiques Le temps me pousse a creuser au plus profond des choses a r v ler les plus infimes asp rit s je con ois le travail du dessin sur la dur e je peux passer plusieurs jours sur un m me dessin m me s il ne fait que 5 centim tres sur 5 les jours et les heures pass s rajoutent des sentiments des images dans nos t tes des d tails s ins rent alors l image de d part Plus je creuse dans le dessin plus je le rends inqui tant et dramatique des dessins a premiere vue sympathiques des personnes dessin es avec d licatesse sur des petits formats l air heureux qui r velent en fait des secrets tragiques Les paysages tout droit sortis des r ves de la japonaise Ryoko Aoki sont magnifiques des micros v nements imaginaires fabriqu s par son subconscient Ses dessins faits avec peu de moyens forment des r seaux de v g taux des fleurs d licates des formes g om triques et des traits fins de couleur vive Son univers n est pas autant marqu par la hantise que celui de Kubin
29. la Seine Apr s avoir tudi de plus pr s l uvre de Zoran Music les yeux sont apparus dans mes dessins des yeux g ants des yeux exorbit s effray s les siens ont vu l horreur des camps la repr sentation humaine a bascul ce moment m me l humanit a t bafou des bouche b antes des mains les os recouverts d une peau blanche presque diaphane Music s ac croche tous ces d tails pour ne pas devenir fou il parvient dessiner durant les derniers jours Dachau cette beaut tragique Celui qui a vu l tre plong sombr dans le n ant finit sa vie avec des troubles importants de la vue c est sa lumi re int rieure qui claire l image des personnes qu il peint La figure est sensible je lui c de une place tr s importante dans mes ceuvres je pense qu on peut en explorer ses facettes pendant de tr s longues ann es sans trouver ce qu elle cache r ellement Je l ai cach ratur abim retourn photographi dessin la photographie de la photographie sans jamais trouver une r ponse claire Elle n a aucune limite Du portrait anonyme au portrait intime en passant par les enfants les adolescents et puis les vieux je n ai jamais cess d observer les changements d apparence dans la vie des gens 40 Le troisi me ceil stylo bic noir H l ne Villette 2010 41 Nous ne sommes pas les derniers Zoran Music 1970 42 7 Le temps hors de ses gonds Si les choses de l art commencent
30. les vivants H l ne Villette DNSEP 2012 Option art domaine communication mention interm dias Introduction Pendant des ann es j ai regard j ai cout j ai t fascin par les choses qui m entouraient J ai trouv coll r pertori et j ai fait des liens entre toutes ces choses qui force ont nourri ma vie et mes exp rimentations r centes Mon processus de cr ation est assez lent pr cis et remplit la fois de contraintes et de possibilit s qu offrent le dessin ma principale activit Dans la lenteur de mes gestes je me suis parfois perdue dans un flot d images d histoires de lignes et de traits en traversant des paysages imaginaires j ai rencontr des enfants sans visages des personnages d form s enferm s dans des espaces vides Le monde nigmatique du r ve m int resse des figures nocturnes apparaissent ainsi que des sentiments inconnus et bizarres Une pesante intranquilit marque donc mes dessins depuis le d but C est dans deux grandes parties que je vais exposer mes recherches qui m ont men e dans mes projets l une sur La source Les choses de la r alit les collections me servent inventer des moments et des histoires Je m int resse au moment o la r alit est perturb e par le monde imaginaire En m appuyant sur les ceuvres d artistes collectionneurs comme Christian Boltanski ou Tacita Dean je vais tenter de montrer comment je m approprie les souvenirs des autres leur m mo
31. miroir tendu de sa g n ration sa vraie famille confront e alors aux probl mes de violence de drogues des th mes comme le sexe la f te et l angoisse de la mort sont voqu s Elle traite de la vie de la condition humaine et de la douleur de vivre dans cette soci t Chez Nan Goldin la famille ce sont les amis Apres le suicide de sa sceur elle commence photographier sa famille puis ses amis pour former de v ritables albums de famille Ce que cache l album de famille ce sont souvent des histoires et des secrets heureux ou bien tragiques nos semblables que se soit la famille les amis ont des choses cacher comme dans la vie de Nan Goldin dont les parents ont pouss leur fille la folie et la mort Derri re les visages tranquilles de nos parents il existe peut tre un drame Serge Tisseron docteur en psychologie parle de cela tout d abord avec Tintin et les secrets de famille il y aborde les secrets de famille travers la vie d Herg cr ateur du personnage de Tintin En effet il a d couvert qu la seule tude des albums de Tintin un secret douloureux parcourt les aventures du personnage celui d un enfant non reconnu par son p re Ensuite Serge Tisseron a publi le premier ouvrage th orique consacr aux secrets familiaux Secrets de famille Mode d emploi explique alors que les secrets de famille apportent tr s souvent des traumatismes et troubles important l enfant surtout lorsque le d tenteur
32. mon Evans a droite Mn mosyne Aby Warburg L accumulation est au centre de mes recherches j aime quand les images et les objets de toutes sortes proliferent A force de collecter des que je trouve une image par hasard qui m int resse je fais obligatoirement des liens avec d autres choses que je garde Le hasard a une grande importance dans la d couverte d images Je ne cherche pas forc ment la surprise de d couvrir une image est plus attractive Je trie je classe je fais des listes et des sch mas je prends des notes et je forme des sortes de planches la mani re de l historien d art Aby Warburg avec son atlas Mn mosyne Aby Warburg avait en effet un projet d atlas de la m moire nomm Mn mosyne qu il nommait lui m me une histoire de fant me pour adultes Ce projet comporte des milliers de photographies des sujets iconologiques de la recherche accroch es sur toiles noires Cet ouvrage est d int r t majeur pour l histoire de l art et l his toire de la photographie en particulier Chaque planche met en vidence par des th matiques successives les liens qu entretiennent diff rentes ceuvres entre elles au niveau de la forme et du sens Les collections sont mes sources d inspiration pour mes dessins et mes compositions 11 Et on peut voir dans les expositions actuelles que la collection chez les artistes est tr s im portante et que c est une pratique a part enti re Richard Prince a expos ses collections a la
33. ns de contradictions d oxymores C est l une des empreintes les plus contem poraines de ce qui se fait artistiquement aujourd hui par la simplicit du medium sa proxi mit presque corporelle Le dessin est juste au bout de la main il est moins d pendant des contraintes de production Emma Dexter conservatrice en chef de la Tate Modern a Londres directrice des expositions la Timothy Taylor Gallery femme influente dans le monde de l art contemporain publie en 2005 Vitamin D New Perspectives in Drawing livre traitant du dessin sur la sc ne artistique internationale Artists use it to inscribe the personal the subjective the intimate That s one of the reasons why drawing still speaks to us today so powerfully and why artists always go back to it It can get under your skin It s part of our DNA Hilarie M Sheets cite Emma Dexter dans l article The Big Draw paru dans le magazine Artnews en janvier 2006 disant que le dessin entretient une relation sp ciale avec l esprit humain qu il fait partie de notre ADN C est pour cela que les artistes reviennent toujours au dessin c est leur premier medium Vitamin D r unit les travaux de 109 artistes internationaux qui ont fait du dessin un moyen d expression majeur Ces artistes ont t s lectionn car ils repr sentent sublimement l tendue du champ des possibles de ce medium Les artistes pr sent s incluant Marcel Dzama Ernesto Caivano Paul Noble Chloe Piene D
34. onde qui cherchent sugg rer les merg es et l infini myst re Dans ces lieux psychologiques il d sire rendre sensible l invisible l image lui dicte une pr sence l historien Georges Didi Huberman porte un regard sur l uvre cet artiste italien dans G nie du non lieu air poussi re empreinte hantise Plus pr cis ment sur deux s ries Delocazione d placement et Luce Luce Luce Lumi re lumi re lumi re Des ceuvres qui sont des lieux mais aussi des d placements dont la mati re principale est la poussi re et la cendre la forme une empreinte La premi re Delocazione a t cr e en 1970 des objets dans une pi ce poussi reuse furent d plac s laissant appara tre leur trace sur le mur puis replac s par l artiste qui enfuma alors la pi ce puis enleva les objets ne laissant que leur trace Les choses disparaissent et ne laissent donc que des traces des empreintes poussi reuses sur les murs le sol sur les gens et sur nos vies Didi Huberman nous am ne r fl chir sur ces notions de lieu ou de non lieu et les rapports entre les pouvoirs du lieu du temps et de la hantise Il ne s agit en rien d une nostalgie du pass d un retour aux sources ou d un retour du pass mais plut t d un pass qui resurgit un pass qui est de l ordre de la r p tition comme diff rence 48 Photographie de trois dessins de la s rie des Vivants H lene Villette 2012 49 R union de famille feutre rotring H l
35. parition sont au centre de son ceuvre En 2001 elle r alise une monographie intitul e FLOH elle y arrange des photographies retrouv es dans des brocantes travers l Europe et l Am rique Elle donne une nouvelle existence des portraits des photos de vacances des vues banales ou bien spectaculaires Ces photographies gardent en elles le silence des objets trouv s Elle s inspire aussi de t moignages en 1996 elle a d but une s rie Disappearance at sea sur des histoires remarquables de gens qui ont v cu des choses avec la mer La figure cl de cette s rie est Donald Crowhurst un homme d affaires anglais passionn de voile qui fut port disparu durant la course autour du monde Sunday Times Golden Globe Race Il ren contra rapidement des difficult s et abandonne secr tement la course tout en transmettant de fausses positions pour faire croire qu il effectuait r ellement le tour du monde pr vu On d couvre apr s sa disparition qu il avait manifestement sombr dans la folie et fini par se suicider L artiste s inspire alors de faits r els pour r aliser ses vid os Au dessus expostion Personnes Monumenta Grand Palais Christian Bolstanski 2010 en bas Floh Tacita Dean monographie 2001 J ai commenc a collecter toute sorte de choses tr s t t Albums photo Boites d allumettes Cadres photos Carnets a dessin Cartes g ographiques Cartes postales Dessins Disques Etiquettes Feuilles et pap
36. porain et culture fond en 1991 Art Press revue mensuelle internationale de r f rence dans le monde de l art contemporain Filmographie Antonioni Michelango Blow up r al Julio Cortazar aut adapt Vanessa Redgrave act David Hemmings act Jane Birkin act Goldwyn Mayer 1966 Guzm n Patricio Nostalgia de la luz Nostalgie de la lumi re r al Patricio Guzm n voix Paris Pyramide vid o 2011 Loach Ken Family life 1971 Trier Lars Von Melancholia 2011 Wenders Wim Pina Bausch r al Paris France Television Distribution 2010 Musique Cocorosie La maison de mon r ve 2004 Glass Philip Bande Originale de The Hoors 2002 Cat Power You are free 2003 55 Web http theburninghouse com http desanciensetdesmodernes wordpress com 201 1 02 1 7 de la possibilite du roman apres la destruction austerlitz de w g sebald http www fabula org atelier php Photographie_et_sortie_du_temps http www rmg co uk explore art new visions tacita dean disappearance at sea http fredericmagazine free fr IN htm http drawingsandnotes blogspot com www dazeddigital com www fecalface com www nieves ch www ubu com www novaplanet com www itsnicathat com 56
37. pour Sebald est trange car les photographies qu il utilise dans ce livre ne sont pas toutes fictionnelles une partie des photographies est en effet authentique Cer taines de ces images proviennent des photographies d enfance de l historien d art d autres des albums de famille de Sebald lui m me Le fait de se servir d images fictionnelles et non fictionnelles d tournent la fonction documentaire de la photographie Je m int resse toutes ces formes de traces que laissent le pass dans le pr sent et la re cherche incessante de ces traces lorsqu elles nous manquent J volue dans mes dessins comme dans la vie superposant des p riodes de temps ensemble les espaces et les temps s imbriquent par hasard suivant les moments et les souvenirs je peux revenir sur un m me 7 Citation extraite d Austerlitz page 256 W G Sebald 45 Ci dessus The table 1971 80 89x101cm Antonio Lopez Garcia a droite Home of Antonio Lopez Torres 1972 75 crayon sur papier Antonio Lopez Garcia 46 47 dessin plusieurs fois et longtemps apres pour supprimer une partie ou en rajouter d autres comme si le temps intervenait Le dessin est vivant il repr sente le temps pour moi un seul dessin peut avoir diff rentes strates temporelles un v nement une trace du pass des pho tographies pour mes projets r cents me poussent a dessiner d abord un fragment d image puis d autres au fur et a mesure des heures et des jours Je vois le t
38. r la repr sentation humaine et sur le visage plus particuli rement En 1875 le corps d une jeune femme est rep ch dans la Seine l employ de la morgue saisi par la beaut de la jeune femme fait un moulage en pl tre de son visage La reproduction de son visage devient un ornement macabre la mode dans le Paris boh me Son visage est source d inspiration pour les artistes et les crivains en France et l tranger Comme pour le sourire de La Jo conde de nombreuses sp culations sont formul es quant ce que l expression heureuse de son visage peut r v ler de sa vie sa mort et sa place dans la soci t 36 Masque et mains crayon a papier et aquarelle H l ne Villette 2011 37 Photographie anonyme du masque de l inconnue de la Seine 38 Une adolescente aux yeux clos mais vivante par un sourire si d li si fortun qu on e t pu croire qu elle s tait noy e dans un instant d extr me bonheur Maurice Blanchot Le mouleur que je visite chaque jour a deux masques accroch s pr s de sa porte Le visage de la jeune qui s est noy e que quelqu un a copi la morgue parce qu il tait beau parce qu il souriait toujours parce que son sourire tait si trompeur comme s il savait Ecrivit Rainer Maria Rilke dans Les carnets de Malte Laurids Brigge en 1910 5 5 Citations propos de l inconnue de la seine Maurice Blanchot et dans Les carnets de Malte Laurids Brigge Rainer Maria Rilke 1910
39. s se confondent avec le pr sent Le dessin est pour lui une mani re de repr senter cela il est une fin en soi imm diate pas seulement une bauche pr paratoire plut t un comportement spontan une impulsion qui ne tient pas de sa raison mais plut t de ses visions r v es de ses bribes de m moires Le dessin lui permet de retenir les formes fra giles et inconcevables de ses visions depuis l enfance Fixer l image en mouvement perp tuel Il a d ailleurs r alis Nuit claire en 1922 un dessin r alis partir d un r ve Kubin s est beaucoup int ress la folie dans l art tat tr s proche du r ve elle isole le ma lade dans un monde imaginaire comme les schizophrenes par exemple qui perdent la m moire et changent d identit Ces personnes peuvent avoir l impression d tre sous hypnose comme dans un r ve Leurs dessins le plus souvent faits avec peu de moyens comportent des textes concis dans la marge ou traversent l image par le milieu ils n ont aucun sens il n y a aucune r gle La folie serait donc une issue pour le dessinateur Le monde onirique est une source in puisable d images et de sentiments C est un monde nigmatique o des figures nocturnes apparaissent ainsi que des sentiments inconnus et bi zarres La force du dessin r side dans cela l imm diatet et la spontan it permet au dessina teur de cr er une ceuvre d art incontestable avec peu de moyens en tr s peu de temps Kubin ainsi que des
40. souvent au rebours des choses de la vie c est que l image mieux que toute autre chose probablement manifeste cet tat de survivance qui n appartient ni la vie tout fait ni la mort tout fait mais un genre d tat aussi paradoxal que celui des spectres qui sans rel che mettent du dedans notre m moire en mouvement l image serait penser comme une cendre vivante D j Nietzsche affirmait que notre monde tout entier est la cendre d innombrables tres vivants refusant par cons quent de dire que la mort serait oppos e la vie p 16 Le g nie du non lieu Didi Huberman Le visage s efface les espaces sont inconnus et quasi inexistants la photographie est fragment et les r ves ne nous laissent que des bribes de m moire au r veil Nos vies sont confront es la perte la disparition des tres des choses de la m moire et ne nous laissent seulement des traces d histoire Les traces les apparitions provenant du pass sont des sortes de fant mes D s les mythes fondateurs de la peinture il y a la volont de garder pr sent l absent de se souvenir des disparus d en pr server la trace l empreinte En traquant les ressemblances dans les images pour son projet d Atlas de la m moire Aby Warburg cherchait rendre visible la survivance de l antiquit dans la culture occidentale La d marche heuristique de cet historien d art nous introduit aux paradoxes de l image sa nature de fant me sa capacit
41. sur la photographie Qu est ce que la photographie pour moi le texte s affronte aussi la question de l absence et au deuil Au d but en d couvrant toutes les photographies il n est pas d cu il sait qu il ne la retrouvera pas il n attend rien de ces photographies d un tre devant lesquelles on se le rappelle moins bien qu en se contentant de penser lui crivait fatalement Proust dans A a recherche du temps perdu Barthes voque l impossibilit de retrouver les traits d une personne aucune r surrection du visage C est l histoire qui semble s parer Barthes des photos de sa m re le temps o elle a v cu avant lui C est en regardant attentivement les photos de sa m re une une remontant le temps avec elle qu il d couvrit la v rit sur le visage qu il avait aim Telle tait La photogra phie du jardin d hiver une image vraie donnant Barthes un sentiment si sur Il avait remont le temps l image est monument Roland Barthes est sensible aussi une temporalit d ordre plus col 21 Roland Barthes et sa m re 22 lectif m me s il voque la red couverte d une photographie de sa m re il prend acte des changements instaur s par l apparition de la photographie dans le rapport au pass au paravant c est le Monument qui servait de substitut de la vie et qui prenait en charge la m moire du pass mais la soci t moderne y a renonc C est pr sent la Photographie mortelle
42. t moignage il red couvre par hasard la capacit d enregistrement de l image photographique Thomas fait une enqu te sur la sc ne de meurtre gr ce aux agran dissements d un seul clich Une seule image peut raconter tellement d histoires partir d un simple album de ma famille j ai cr e un drame Apr s ces d couvertes j ai laiss un moment mes propres photos pour oublier et me tourner vers des images et albums d ano nymes 18 Photographies d album de famille H l ne Villette 2012 Photographies et agrandissements de photographies et famille H l ne Villette 2012 20 3 Le punctum de Roland Barthes M int ressant l image photographique comme point de d part de mes dessins et composi tions je fus amen e faire des recherches partir de l uvre magistrale sur la photographie La Chambre Claire de Roland Barthes critique et s miologue fran ais C est un lisant cet ouvrage que je peux expliquer maintenant comment je peux passer de mes sources photo graphiques au dessin quelle est l impulsion dans l image qui me permet d en cr er une ou plusieurs autres et comment choisir les images qui vont me pousser dessiner Roland Barthes fait aussi un rapport tr s important entre la photographie et les spectres celle ci produirait la mort cela en ferait un art spectral Barthes explique que le sujet qu il choisit de d signer par le mot Spectrum en train de poser se fabrique un nouveau corps se m t
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