Terry Gilliam ou le triomphe de l`imaginaire postmoderne
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1. Le clin d oeil le plus vident est bien s r celui au film Le Cuirass Potemkine d Eisenstein Gilliam consid re cette allusion comme un simple joke mais la citation se veut pourtant insistante En plus de l allusion au carrosse d enfant Gilliam r utilise les Images de l oeil en gros plan atteint par balle et les plans de soldats descendant un escalier Ces plans sont con us et film s exactement comme chez Eisenstein Mais ici les l ments dont Gilliam se sert pour proposer l allusion ont t modifi s Le carrosse devenant un aspirateur et la m re remplac e par un nettoyeur de planchers Ces changements ces r visions sont importants dans l esth tique postmoderniste puisqu ils en constituent l essence m me lt is always a critical reworking never a nostalgic return Herein lies the governing role of irony in postmodernism Or pourquoi ce clin d oeil Est il gratuit ou simplement nostalgique Sert il exhiber la culture cin matographique de Gilliam Pas vraiment Primo ces retours nous venons de le voir sont surtout critiques Secundo Gilliam par ces plans fait appel au troisi me terme de Syberberg En effet dans Brazil ces allusions Eisenstein font partie de la s quence imaginaire de Sam Cette s quence est con ue en fonction d une grammaire propre au r ve et dans les r ves l association d id es et l intervention d l ments visuels per us durant la p riode veill e reviennent anarchiq2. Article Terry Gilliam ou le triomphe de l imaginaire postmoderne Carlo Mandolini S quences la revue de cin ma n 156 1992 p 42 44 Pour citer cet article utiliser l information suivante http id erudit org iderudit 50213ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 18 TERRY GILLIAM ou le triomphe de l imaginaire postmoderne Visionnaire enfant terrible m galomane po te maudit de l image anarchiste et quoi encore Terry Gilliam propose sur nos crans sa toute derni re psychanalyse The Fisher King La pr sente tude n est pas une analyse critique de ce dernier film mais une tentative de percer une partie de l imaginaire de Ter
3. ma de Terry Gilliam ne tient donc jamais en place parce que ses r f rences sont multiples et simultan es Gilliam par le d cor et les couleurs le cadrage et la fausse perspective de ses films permet une mise en abime non simul e et consciente de son r le critique dans The Fisher King une progressive contre plong e du ch teau du possesseur du Graal enl ve tout aussi progressivement toute r f rence la ville de New York pour nous propulser vers un pseudo Moyen Age Dans Brazil Gilliam utilise un trompe l oeil cette fois sp cifiquement pictural dans la s quence o Tuttle s chappe du balcon de Lowry Mais dans un cas comme dans l autre Gilliam ne tente pas de camoufler ces trues puisqu ils existent pr cis ment afin d illustrer le c t irr el plastique de la chose L image postmodeme aura donc servi d outil Terry Gilliam Un outil servant d noncer une soci t hyper burgaucratis e ou hyper gadg tis e Les nombreux disques lasers que consulte blas e la premi re compagne de Jack Lucas dans The Fisher King sont les symboles d une gadgetisation qui a refus l homme toute forme d humanit dont le r ve SEQUENCES No 156 Connaissant le mode d emploi de l expression postmoderniste Gilliam a su utiliser le langage filmique afin de soutenir avec vigueur son cri d alarme Dans ses Confessions Jean Jacques Rousseau crivait I faudrait pour ce que j ai dire inventer un langage aussi
4. nouveau que mon projet Gilliam sans pour autant inventer un nouveau langage est parvenu trouver les mots justes pour son projet de d nonciation et dont la port e est autant interne qu externe Pour l inteme nous avons d cel la d shumanisation la perte de valeurs les l ments profilmigues qui participent l vacuation du signifi et surtout la construction du r cit autour d un dialogue critique avec le pass autant artistique que sociologique Pour l externe le postmodernisme est plus vident pastiches citations m lange de styles et clatement des genres Brazil est la fois un film politique policier et de science fiction et The Fisher King un drame humain et fantastique Po te pour la port e de ses images et troubadour pour son habilet raconter des histoires et surtout les r actualiser par la nouvelle exploitation des citations cela tant une des caract ristiques du postmodernisme et du troubadour Gilliam v n re l image et semble faire du postmodernisme sa carte maitresse dans sa participation la red tinition d un nouveau cin ma baroque hautement graphique et personnel Terry Gilliam est de ces auteurs qui auront le mieux r ussi se d finir dans le postmodernisme et attribuer cette esth tique une raison d tre pr cise C est pourquoi ses films ne sauraient tre lus sans consid rer l aspect postmoderniste dans toute sa teneur Carlo Mandolini 51 Michel Ch
5. tient pas en place Dans sa th se Parsifal de Hans Jurgen Syberberg un v nement postmoderne Jocelyn Desch nes d c le dans un grand nombre d oeuvres modernes l appel la Citation c est dire au clin d oeil Desch nes cite Syberberg dans un passage fort int ressant une imagination du type de la mienne n est pas de nature inventive sa particularit r side dans la facult des combinaisons de ce qu elle trouve comme d j donn de mani re veiller en nous un troisi me terme Sans l invention du cin ma je ne serais rien La s quence vers la fin o Sam Lowry le personnage principal s vade dans son imaginaire illustre parfaitement la citation de Syberberg Nous n irons jusqu dire que Gilliam ne serait rien sans l invention du cin ma non mais il nous semble vident que le cin aste exploite justement cette facult des combinaisons afin de cr er ce troisi me terme qui viendra souligner parall lement au r cit la d shumanisation de la soci t qu il d nonce dans pratiquement tous ses films l instar de Et vogue le navire de Fellini dont l ouverture raconte sa fa on l histoire du cin ma le film passe progressivement du muet au sonore et du noir et blanc la couleur Brazil proposera lui aussi une structure qui viendra rappeler certains grands moments et certains grands genres cin matographiques le film noir le film de guerre la com die le film sentimental elc
6. e terme traditionnellement r serv au jargon architectural surutilis mal aim mais toujours obstin ment vivant Ren Payant croyait qu on utilise le terme postmodernisme au septi me art pour indiquer le caract re actuellement tr s intertextuel d un certain cin ma des films cultiv s citationnels profusion et d une mani re assez souvent d brid er L cran est devenu ce miroir o Se refl tent des figures citant un film et qui sont d j du cin ma ajoute Marc Chevrie Mihaly Szegedy Maszak quant lui propose une d finition int ressante la strat gie postmoderniste implique distanciation d mystification et clectisme Elle comprend la mort de l individualit du style ainsi qu un culte du pastiche de m me que le mim tisme de l auto r f rentalit la m tafiction et la parodie Le posimodemisme selon le cin ma In Le Cr mes auounfhur Fims fM ones nouvelles approches sous la rection de Michel Larouche 4 InL innocence entre guillemets Cahiers du cmdma num ro 369 mars 1965 Ho din Enang Posimosermen sous la direction de Calinescu al Fokkema Mort de l individualit Brazil culte du pastiche The Adventures of Baron Munchausen voil ce qui s applique plut t bien l oeuvre de Gilliam Ainsi genres et styles se croisent et s emm lent un point tel qu une red finition du statut de spectateur et de sa participation au film est repenser car le nouveau cin ma ane
7. ion in Caters du cin mas num ro 369 mars 1565 6 Entretien arec Terry Gilliam par Jean Paul Chaillet in Caves du on ma num ro 368 mars 1985 Ti Linde Hu ch on in A Poetics of Posimadenem 8 Hous donnons Brompe l oeil un sens figur el non limit la peinture Cette esth tique du rompe Toeil cons ste ici donner l impression que la sc ne de ka lib ration se d route dans la sph re r aliste de Braun a qui n est bien s r pas le cas 9 Ch in Exploring Postmodernism 10 Linda Hutcheon Op cit traduction libre At Les Arenues du Baron Munchausen est probablement l exemple parta l pour ce qui trait la r gchualisstion d histoires et de mythes FILMOGRAPHIE And Now for Something Completely Different avec les Monty Python The Monty Python and the Holy Grail avec les Monty Python Hbbenvoc bb ky Monty Python s Life of Brion avec les Monty Python Time Bandits Monty Python s The Meaning of Life avec les Monty Python Brazil The Adventures of Baron Munchausen The Fisher King Sr s Python s The Meaning of Lite
8. ons accept s L univers du Baron par exemple est concret et logique M me le temps ob it au cours normal alors que Gilliam nous pr sente la s quence d ouverture pratiquement en temps r el L existence m me de ce baron extraordinaire et de ses amis non moins particuliers est ni e et repr sent e avec tous les artifices du th tre Giliam ne manque d ailleurs pas de nous montrer toutes les ficelles de ce th tre repr sentation artificielle de la r alit Tout comme l univers de Brazil qui est d un concret obs dant d o le besoin de fuite Quant l atmosph re post yuppie de The Fisher King elle traduit un d sir de r alisme pratiquement jamais atteint Chez Gilliam Les lois r gissant ces univers sont donc bien connues du spectateur Ce sont des lois physiques mat rielles tangibles tout comme celles qui r gissent notre monde Or les lois caract re fortement oniriques auxquelles ob it la sc ne de la fuite de Sam dans Brazil s ment le doute chez le spectateur le poussant se tenir sur la d fensive et faire appel un second degr de lecture Les films de Gilliam demeurent donc tr s fonctionnels et sages Tout simplement parce que malgr le baroque et le postmodemisme qui transpirent et malgr les m langes d iconographies le cin aste ne se permet jamais de juxtaposer deux s quences dont la nature el le traitement cin matographique seraient diff rents Lorsqu il le fait Voyez tous ces passage
9. ry Gilliam car se contenter de classer l oeuvre de Gilliam post Monty Python sous la simple tiquette du cin ma fantastique serait incomplet Certes le cin ma de Gilliam n est rien moins que fantastique Mais peut tre plus que tout autre cin aste Gilliam su faire de son oeuvre une parodie magnifique de l univers dans lequel nous vivons et une mordante et ironique analyse de l tre humain Son outil une esth tique ouvertement postmoderne au service d un imaginaire clat mais paradoxalement d une logique implacable Postmodernisme est aujourd hui aussi na f que cin ma v rit Et pourtant dans le milieu de la critique le terme continue se faufiler Il se dessine d un trait rapide et honteux sur la feuille du critique Il hante les couloirs des universit s attendant l tudiant qui le r habilitera Nous proposerons donc une lecture de l oeuvre de Terry Gilliam selon une optique qui tentera de cerner la probl matique du 1 Ce terie est compos partir d un essal r dig dans le cadre d un s minaire l Universit da Wortel SEQUENCES No 156 postmodernisme au cin ma Pour ce faire nous insisterons sur le flm Brazil 1985 Ce film semble en effet avoir pr par un virage dans une cin matographie qui de Jabberwocky The Fisher King se voit toujours plus centr e sur une tude de l tre humain et sa solitude Mais revenons notre sujet Que veut on signifier au juste par posimodernism
10. s qui pr c dent une s quence de r ve il sent le besoin de se justifier un moment ou un autre L exemple le plus clair est ce moment o l on passe de l expressionnisme lourd The Fisher King presque noir et blanc du bureau d Sam la sc ne de son vol magnifique empreinte d un tr s grand lyrisme et de couleurs dans les tons pastels d azur et de rose l aide de ce que nous avons d j appel trompe l oeil cin matographique Gilliam donne ses films ce cachet indescriptible et insaisissable gr ce leur caract re hybride l int rieur m me du plan Le postmodernisme de Gilliam est intrins que au plan et l oeuvre tout enti re il agit de l int rieur C est ce qui en fait sa force Prenons simplement comme exemple ce passage dans Brazil o Jack s approche de Sam afin d op rer le lavage de cerveau Cette s quence qui renferme une tr s grande tension accentu e par cet impressionnant travelling arri re et par le danger imminent est d samorc e simplement par le profilmique par certains l ments rebelles l int rieur de l image m me C est dire qu l instar du film dans son ensemble l image nous parle elle aussi avec un double langage la vue de la balle de caoutchouc et la perceuse qui se trouvent parmi les instruments du m decin lui m me portant un ridicule masque de poupon joufilu Ces images rebelles nous font poufer de nire malgr le drame Brazil comme tout le cin
11. uement les apparitions du chevalier rouge dans The Fisher King fonctionnent selon ce m me principe Sam tant un grand amateur de films classiques nous le voyons lui et ses coll gues regarder Casablanca et autres classiques ses derni res images mentales auront la saveur de ses plaisirs cin matographiques Si Kurosawa dans Dreams r ve qu il se retrouve dans un tableau de Van Gogh dans Brazil Sam Lowry en songe se voit au coeur d une situation gisensteinienne Mais faut il ajouter non seulement dans l escalier d Odessa puisque galement au Coeur d un western d un film noir ou d aventure La citation devient alors autant interne qu externe Mais la richesse de cette s quence finale provient en grande partie du glissement du d coupage vers une grammaire du songe pouss e ses limites Une toute autre logique un troisi me terme donc qui servira Gilliam lorsqu il viendra r cup rer cette s quence pour la ramener vers une sph re plus r aliste et que le spectateur d couvrira la nature onirique des images qu il vient de percevoir Cette esth tique du trompe l oeil se veut d ailleurs une caract ristique du postmodernisme Par contre ce ph nom ne dans le cin ma de Gilliam est dilu par un glissement progressif dans la grammaire et au niveau de la lecture Car malgr leur caract re clat les films de Gilliam refl tent des univers facilement identifiables ou du moins relativement une fois que nous les av
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