Perec et l`exposition - Jean
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1. aurait t un espace sans fonction a n aurait servi rien a n aurait renvoy La Vie mode d emploi Hachette 1978 r d dans Romans amp r cits Paris Le Livre de Poche coll La Pochoth que 2002 p 1240 10 Sur cette exposition cf Denys Riout Impr gnations sc narios et sc nographies Yves Klein Corps couleur immat riel Paris catalogue de l exposition du Centre Pompidou 5 octobre 2006 5 f vrier 2007 2006 p 33 42 ll Pierre Restany La minute de v rit court mais violent manifeste imprim sur le carton d invitation Galerie Colette Allendy Paris 21 f vrier 7 mars 1956 Sur ce sujet voir notamment Denys Riout Impr gnations sc narios et sc nographies dans Yves Klein Corps couleur immat riel op cit p 35 42 12 Geste fondateur cette uvre d Yves Klein a r cemment servi de point de d part l exposition Vides une r trospective qui recensait une dizaine d expositions vides de 1958 2009 Centre Pompidou 24 f vrier 24 mars 2009 rien Mais cet effort s av re rapidement vain et l o Yves Klein visait le vide l auteur choue pour sa part penser le rien suivre cette image Il m a t impossible en d pit de mes efforts de suivre cette pens e cette image jusqu au bout Le langage lui m me me semble t il s est av r inapte d crire ce rien ce vide comme si l on ne pouvait pa2. la d coration int rieure n cessaires papier peint agrafeuse pistolet peinture chafaudage mobile chelle multipose perceuse percuteuse etc De m me c est aussi avec infiniment de pr cision que le narrateur pr cise les emplacements des objets dans leur environnement Ce sens du d tail ne se limite videmment pas un simple effet de r el outre la possibilit d ouvrir des espaces au lecteur il traduit galement une conscience tr s aigu du syst me des objets l uvre dans ces installations d appartement Notons enfin que cet agencement ne rel ve pas du go t du personnage mais qu il s effectue par le biais des listes dress es par Perec et sur la base d algorithmes math matiques une logique impersonnelle et toute conceptuelle pr side ces am nagements A l image de celui qu il imagine pour le peintre Franz Hutting un des artistes de l immeuble de La Vie mode d emploi ainsi voit on l artiste fictif montrer dans une galerie sa p riode brouillard suite de copies de tableaux c l bres comme La Joconde ou Le D jeuner sur l herbe sur lesquelles il a ensuite peint des effets plus ou moins prononc s de brume Lors de l exposition de ces toiles dont le lyrisme m t orologique n est pas sans rappeler celui d Yves Klein la brume se trouve augment e d un effet de brouillard qui touche cette fois la totalit de l espace Le vernissage de
3. Essais Paris 2001 p 81 117 Les archives de la galerie Colette Allendy de 1946 1960 ont t d pos es l Institut M moires de l Edition Contemporaine IMEC 6 Esp ces d espaces Paris Galil e 1974 2000 nouvelle dition revue et corrig e p 166 7 Autre souvenir d exposition plus lourdement autobiographique cette fois dans les derni res pages de W ou le souvenir d enfance Plus tard je suis all avec ma tante voir une exposition sur les camps de concentration Elle se tenait du c t de La Motte Picquet Grenelle ce m me jour j ai d couvert qu il existait des m tros qui n taient pas souterrains mais a riens Je me souviens des photos montrant les murs des fours lac r s par les ongles des gaz s et d un jeu d checs fabriqu avec des boulettes de pain Paris Deno l 1975 r dit Gallimard coll L Imaginaire p 215 8 Jean Marc Huitorel Les r gles du jeu Le peintre et la contrainte Caen Frac Basse Normandie 1999 p 99 d art Jean Marc Huitorel Si Perec tait un spectateur r gulier du cin ma le Cam ra situ 70 rue de l Assomption Paris 16 c est en voisin qu il fut un visiteur de la galerie Colette Allendy Peut tre m me eut il l occasion d y voir les uvres de Fran ois Morellet en 1950 la galerie offrit cet artiste dont on retrouve le nom parmi les personnages de La Vie mode d emploi sa toute premi re exposition personnelle P
4. Julliard 1965 r d dans Romans amp r cits op cit p 51 52 Idem p 53 233 Sur Plamen Dejanov et Swetlana Heger voir notamment leur exposition au Consortium de Dijon 1 25 avril 1998 et le catalogue Compilation une exp rience de l exposition Dijon Les presses du r el 1998 p 336 337 Ou www leconsortium com 2 Les Choses op cit p 102 Perec l espace int rieur d un individu est anim dans son agencement par un principe qui rel ve pleinement de l exposition Cette logique se trouve notamment exemplifi e dans La Vie mode d emploi par la boutique de Madame Marcia S y organise une circulation d objets entre son appartement son magasin son arri re boutique et sa cave embl matique de cette tendance constituer chaque appartement comme le mus e personnel de son personnage Madame Marcia a tout le temps de renouveler son stock sans tre contrainte de surcharger la pi ce o elle expose les meubles qu elle d sire ce moment l vendre et qu elle pr f re pr senter dans un cadre sp cifiquement con u pour eux Tandis que l ameublement de sa chambre pr sente un audacieux m lange d l ments ultramodernes et de curiosit s d poques diverses l arrangement de sa boutique est tout autant un ensemble minutieusement compos au centre de la pr sentation actuelle de cette pi ce se trouve un salon fin de si cle entour de meubles austro hongrois p
5. c est dire de l interroger d en int grer les caract ristiques dans l uvre elle m me de travailler en r v ler tout le syst me aussi bien architectural que social urbain conomique la pratique de l art s largissant alors au champ des sciences politiques et sociales Or il y a chez Perec une pratique in situ de l criture Dans son tude critique Derek Schilling a d j rapproch l entreprise descriptive esquiss e dans Lieux de nombreuses uvres conceptuelles des ann es 60 70 telle la Location Piece 1 1969 de Douglas Huebler dans laquelle l artiste documente l tat d un site Mais de notre point de vue la notion d in situ d velopp e par Daniel Buren semble plus m me d clairer les travaux pratiques de notre crivain En 1969 j ai choisi dans Paris 12 lieux des rues des places des carrefours un passage ou bien dans lesquels j avais v cu ou bien auxquels me rattachaient des souvenirs particuliers J ai entrepris de faire chaque mois la description de deux de ces lieux L une des descriptions se fait sur le lieu m me et se veut la plus neutre possible assis dans un caf ou marchant dans la rue un carnet et un stylo la main je m efforce de d crire les maisons les magasins les gens que je rencontre les affiches et d une mani re g n rale tous les d tails qui attirent mon regard Reprise diff remment dans la Tentative d puisement d u
6. ces dans une longue s rie de listes et organis autour d un texte crit par l artiste Pierre Joseph reconstituant de m moire l exposition en question la mani re d un Je me souviens C est de la qualit des fondus encha n s dont je me souviens tr s peu des images elles m mes Je peux dessiner le chat de m moire sa forme stylis e a tendance s imposer au d triment du reste Des livres encore sont dispos s sur une moquette orange parfois en double exemplaire ou de traduction diff rente Dans certains cas des tirages photos sont ins r s comme autant de marque pages oubli s Il m est impossible de me souvenir d un titre en particulier Je me souviens de cadres blancs constitu s de paraffine valorisant des images de film D autres l ments et indices taient pr sent s dans des vitrines Par del les effets de citation les jeux d emprunts et sans oublier les strat gies publicitaires actives dans l intitul d une exposition reste que cet ensemble de textes offre ind niablement aux artistes mais galement aux commissaires d expositions des dispositifs qui sortent du traditionnel accrochage principes structurants jeux de contraintes num ration d uvres classements inventaires listes Et c est cette congruence entre l uvre de Georges Perec et l art de l exposition qu il convient aujourd hui d interroger en largissant consid rablement le c
7. de Hutting n est plus la fin du roman que l espace d exposition d une pi ce unique sur un chevalet d acier clair par quatre projecteurs tombant du plafond une grande toile intitul e Eurydice Certains appartement augmentent donc le coefficient d exposition l uvre dans ces d corations si l int rieur de Madame Marcia n a jamais tabli de distinction r elle entre les 7 La Vie mode d emploi op cit p 1086 48 Idem p 1121 et p 1070 Ibid p 705 5 Tbid p 1259 1263 5l Tbid p 1263 meubles qu elle vend et ceux dans lesquels elle vit la d coration de l appartement de Mme Moreau manifeste un go t susceptible d impressionner les invit s Le d corateur Henry Fleury fit mieux que s acquitter simplement de sa t che Il comprit qu il tenait l une occasion unique de r aliser son chef d uvre il pourrait donner avec ce d cor prestigieux et au d part anonyme une image directe et fid le de son talent illustrant exemplairement ses th ories en mati re d architecture int rieure remodelage de l espace redistribution th tralis e de la lumi re m lange des styles Boiseries meubles divans et gu ridons ont ainsi t soigneusement choisis tandis que les rayonnages de la biblioth que ont t am nag s en vitrines d exposition Mais Madame Moreau ne dit jamais tout fait ce qu elle pense de cette ins
8. geste m me de l exposition On en retrouvera d ailleurs le m canisme dans une fameuse pi ce de l artiste am ricain Dan Graham Alteration to a suburban House 1978 On a enlev toute la fa ade d un pavillon de banlieue ordinaire pour la remplacer par un grand panneau de verre transparent On regarde ces maisons comme l amateur clair contemple une uvre d art Et de m me Gordon Matta Clark a galement proc d au d fa adement d une maison dans sa performance Bingo en 1974 Notons galement au passage l attention extr me port e par le narrateur de La Vie mode d emploi aux syst mes d accrochage aux conditions mat rielles de pr sentation des uvres et objets qui composent ces installations d appartements Il serait m me fastidieux d en dresser 6 Dan Graham Buildings and Signs 1981 trad dans Dan Graham uvres 1965 2000 catalogue d exposition Paris Mus e d art Moderne de la Ville de Paris 2001 p 179 180 l inventaire cartes postales punais es au mur toile agraf e ou clair e par quatre projecteurs tombant du plafond tapisseries spots immacul s orient s de mani re converger vers le centre de la pi ce cadre en bambou ou de baguettes en bois pr sentoirs albums vitrines etc Le texte fourmille d une vari t de modalit s techniques d exposition jusqu au catalogue de Madame Moreau o sont recens s certains outils n cessaires
9. Ainsi le travail de Dejanov amp Heger ne s int ressait pas tant aux questions de go t ou l objet en tant que tel il mettait surtout en exergue les rouages conomiques du d sir de possession et marquait au passage l extr me porosit entre les formes de l exposition mus ale de l talage marchand et de la d coration int rieure Dans Les Choses c est non par le travail mais par le r ve du cambriolage que l criture virtuelle de l exposition reprend son cours offrant la visite imaginaire d un riche int rieur o les deux personnages s imaginent voler loisir meubles et objets Ce serait l appartement d un diplomate en mission d un financier v reux aux go ts n anmoins parfaits d un grand dilettante d un amateur clair Ils en conna traient les moindres recoins Ils sauraient o trouver la petite vierge du XII le panneau ovale de Sebastiano des Piombo le lavis de Fragonard les deux petits Renoir le petit Boudin l Atlan le Max Ernst le de Stael les monnaies les bo tes musique les drageoirs les pi ces d argenterie les fa ences de Delft Une une les vitrines seraient fractur es une une les toiles d croch es du mur d clou es de leurs cadres Avec cette liste quasiment chronologique d uvres d art suivies des collections d arts d coratifs le riche appartement rejoint la logique du mus e l encore comme souvent chez Les Choses
10. Perec et l exposition Jean Max COLARD Cahiers Georges Perec num ro sp cial Perec et l art contemporain ditions du Castor Astral Paris p 51 65 A l heure o le champ de l art contemporain affirme plus que jamais l existence d un art de l exposition au point d en faire dans une re hi rarchisation inavou e des pratiques l art majeur de notre poque l heure o l histoire de l art commence seulement int grer dans son r cit les conditions de monstration des uvres et crire une histoire de l exposition et tandis que certains critiques d art commissaires ou curateurs revendiquent pour eux la notion d exposition d auteur l crivain Georges Perec peut nous appara tre aujourd hui comme la figure source et inverse d un auteur d expositions Des artistes et des institutions lui ont d ailleurs r guli rement emprunt non seulement des titres mais aussi des modalit s de l exposition pour exemple tandis qu Esp ces d Espace a servi de titre au moins deux reprises en retour la grande exposition Voil le monde dans la t te organis e en juin 2000 au Mus e d art moderne de la Ville de Paris avec la complicit active de Christian Boltanski et Bertrand Lavier tait con ue autour du c l bre Je me souviens de Georges Perec Au point que le catalogue relevait d une d marche pleinement perecquienne dressant l inventaire exhaustif des pi
11. adre des relations entre Perec et les arts plastiques trop souvent restreints la peinture la photographie ou au cin ma Sous cet angle de lecture les textes de Perec se donnent m me lire comme un catalogue d expositions non pas raisonn et d ment inventori plut t un puzzle de pi ces parses de L art de l exposition une documentation sur trente expositions exemplaires du XX Si cle ouvrage collectif Paris Editions du regard 1998 Suzanne Pag et B atrice Parent Introduction catalogue de l exposition Voil le monde dans la t te Paris Mus e d Art Moderne de la Ville de Paris Paris Mus es 2001 p 5 Pierre Joseph Exercice f vrier 2001 dans Voil le monde dans la t te op cit p 9 379 lieux intra ou extra muros mais toujours tr s con us tr s pens s jusque dans leur agencement Continuation et avatar des expositions universelles mus ales ou priv es qui saturaient d j l espace litt raire du XIX si cle poque privil gi e du ph nom ne mus e l uvre de Perec manifeste une conscience aigu de cette esp ce d espace qu est l exposition et participe sans nul doute pleinement son ge de raison d sormais entr e dans une p riode r flexive l exposition n est pas envisag e ici comme un v nement artistique la mani re des Salons de Diderot mais bel et bien comme une forme un langage un dispositif du regard co
12. e en abyme bien des peintures gravures ou photographies recens es dans son uvre d voilent en effet de nouveaux espaces int rieurs l am nagement lui aussi extr mement soign et qui sont voir comme autant d expositions dans l exposition d installations dans l installation d appartement La pr sence r currente du cabinet de travail de Saint J r me est cet gard symptomatique de cette volont de m nager des images o s inventent d autres esp ces d espaces o figurent d autres syst mes expositionnels de repr sentation Idem avec la derni re toile de Hutting qui d ploie la vision d un atelier vide ou encore dans La Vie mode d emploi la reproduction d un tableau de Forbes dans le salon des Marquiseaux intitul Un rat derri re la tenture toile d voilant une histoire o il est question de la collection d automates et de montres de la vieille Lady Forthright Enfin et l vidence c est surtout avec Un Cabinet d amateur et avec la toile qui sert de matrice l ensemble de ce roman d guis sous les allures d un catalogue d exposition que Perec manifeste une hyperconscience des modalit s de monstration des uvres Car l criture de l exposition se manifeste non seulement chez Perec travers les formes usit es de la liste de l inventaire de la notice de catalogue mais encore dans les bibliographies fictives qu on trouve notamment dans La Vie mode d emploi t
13. eintures de Morellet A la recherche d une base Reste que ce souvenir n en demeure pas moins flottant de quelle exposition d Yves Klein la galerie Allendy s agit il exactement Difficile de le pr ciser puisque l artiste y est intervenu deux reprises et dans un temps tr s rapproch D abord en f vrier 1956 avec le titre Propositions monochromes mais elle n tait pas sign e du nom de l artiste seulement de son pr nom Yves Taxinomie oblige on pr f rera donc pencher en faveur de la seconde exposition un an plus tard en mai 1957 cette fois pleinement sign e par l artiste sous le titre Yves Klein propositions monochromes Quoi qu il en soit il s agit toujours pour Yves le Monochrome de penser l exposition esp ce d espace paradoxale o le lieu donn physique et mat riel se trouve bient t aboli sous l effet d une transsubstantiation picturale En f vrier 1957 d j le rassemblement de toiles monochromes de couleurs diff rentes visait une densification spirituelle du lieu et sa d mat rialisation Il a fui jusqu au moindre pr texte d int gration architecturale des espaces color s commenta Pierre Restany On ne peut le suspecter d aucune tentative de d coration murale En 1958 cette qu te de la d mat rialisation de l espace donn de la galerie s intensifie rassemblant des pigments purs des Monochromes bleus mais aussi des paravents e
14. elle la liste des ditions savantes relatives aux sculptures de Franz Hutting r pertori es la fin du chapitre IX et par o ce r cit d espaces prend alors la forme d une publication savante L exposition est donc un dispositif fictionnel g n rateur de r cits C est dire qu elle ouvre des fictions et fonctionne comme un leurre l image du tableau fictif et fauss qui sert de matrice Un cabinet d amateur de m me le Vide incertain d Yves Klein le plein d sesp rant des Choses les am nagements int rieurs qui composent La Vie mode d emploi ou les collections immenses de l Exposition Universelle sont galement des pi ges des fictions des constructions parfois m mes id ologiques ainsi l exposition n chappe pas au regard ironique revers que Perec porte d une mani re g n rale sur tous les syst mes de repr sentation dont il r investit et manipule les dispositifs Perec auteur d exposition Cette hypoth se ne vaut que si elle se double de sa contradiction Perec en critique ou plut t en d monteur d expositions La Vie Mode d emploi o l auteur d crit syst matiquement l agencement des espaces int rieurs des occupants de l immeuble nous appara t aujourd hui comme un multiplex d expositions Notons d ailleurs que le principe m me de l immeuble d fa ad de la rue Simon Crubellier inspir entre autres d un dessin de Sa l Steinberg rel ve pleinement du
15. es et de revues avec et l pour rompre la succession des reliures et des brochages quelques gravures des dessins des photographies le Saint J r me d Antonello de Messine un d tail du Triomphe de Saint Georges une prison de Piranese un portrait d Ingres un petit paysage la plume de Klee une photographie bistr e de Renan dans son cabinet de travail au Coll ge de France un grand magasin de Steinberg le Melanchton de Cranach fix s sur des panneaux de bois encastr s dans les tag res Dans le champ de l art ce syst me des objets convoit s a pu trouver hors de toute r f rence l uvre de Perec une remarquable application vers la fin des ann es 90 un duo d artistes venus d ex pays communistes Plamen Dejanov et Svetlana Heger ont r alis six plateformes intitul es Plenty Objects of Desire sur lesquelles ils exposaient les objets de leurs d sirs uvres d artistes occidentaux ou pi ces de mobilier design qu ils tentaient de s acheter progressivement en travaillant comme peintres en b timent pendant la dur e de leurs expositions Toutes li es l espace domestique chambre bureau salon etc ce plein d objets devait finalement servir l am nagement d un appartement extension du Kunstverein de Berlin Mais en attendant align sur une plate forme color e ce display d objets faisait appara tre l installation toute enti re comme un showroom commercial
16. ficit de chaque art c est dans l objet final que ces deux pratiques in situ tendent se dissocier l o Buren d veloppe une critique structurelle du lieu dans lequel il est invit intervenir Perec tente de cerner tout autre chose l infra ordinaire c est dire ce que l on ne note g n ralement pas ce qui ne se remarque pas ce qui n a pas d importance ce qui se passe quand il ne se passe rien sinon du temps des gens des voitures et des nuages Quand Buren vise l tre du lieu Perec en crit plut t le passage Reste que sous ce regard la rue est vue la fois comme un texte un tissu mais aussi comme une autre esp ce d espace d exposition Perec en souligne les am nagements sp cifiques en d nombre le plein en dresse par moments le catalogue Juste en bordure de caf au pied de la vitrine et en trois emplacements diff rents un homme plut t jeune dessine la craie sur le trottoir une sorte de V l int rieur duquel s bauche une mani re de point d interrogation land art Ainsi la Tentative d puisement d un lieu parisien rel ve t elle l vidence d une autre tentative d exposition dont il serait alors moins l auteur que le commentateur Ou pour reprendre un terme r cemment employ par l crivain Thomas Clerc Profession critique d art r el Mais l o Perec s approche plus encore d une prati
17. l exposition parisienne Galerie 22 en mai 1960 s accompagna d un brouillard artificiel que l affluence d invit s fumeurs de cigares ou de cigarettes rendit plus opaque encore Dans l appartement de Hutting en revanche les tableaux de la p riode brouillard sont montr s selon un dispositif d accrochage fort diff rent Sur un rail fix peu pr s deux m tres cinquante du sol coulissent plusieurs tringles m talliques sur lesquelles le peintre a accroch une vingtaine de ses toiles la plupart de petits formats Entre l espace de la galerie et l atelier o il travaille o il est bien s r strictement interdit de le d ranger le salon de Hutting est un espace interm diaire de monstration mi priv mi public pas tr s loign au fond de l arri re boutique de Madame Marcia c est un show room diraient les galeristes d aujourd hui o le peintre re oit d ailleurs en compagnie de sa secr taire des clients autrichiens venus n gocier l achat d une toile de sa p riode brouillard Autre esp ce d espace et autre modalit de l exposition le salon accueille ensuite lors des Mardis de Hutting une s rie de performances devan ant de peu la mode des happenings un public nombreux vient notamment assister la production collective et en direct d une grande toile agraf e sur les trois murs de la grande pi ce D sert ensuite le grand atelier
18. lon des crit res de d coration en fonction de la couleur du papier peint ou du divan John Armleder fournit donc tout la fois la toile et le meuble assorti ou d pareill produisant alors un autre effet de style int rieur De cette mani re la peinture ne se pose plus comme un absolu autonome et s par e de son contexte d accrochage ce qui tait le credo du modernisme pictural et l uvre d art se voit assumer la fois son statut d objet parmi d autres et sa fonction d corative Combinatoire ludique modus operandi qui n aurait certes pas d plu Perec la s rie des Furniture Sculptures est un format hybride qui participe tout ensemble l exposition mus ale et l installation d appartement Autre porte parole minent d une conscience toute post moderne et exacerb e du lieu et du contexte d exposition Daniel Buren et sa pratique th oris e de Pin situ Ma d marche a t de reconsid rer le lieu comme essentiel y compris dans la production artistique En effet l un des apports majeurs de Daniel Buren l art du XX si cle tient au fait d avoir d cr t la non neutralit des lieux d exposition et d avoir r tabli par le biais de l in situ la relation consciente que les uvres entretiennent avec leurs lieux d exposition Que ce soit dans un mus e dans le salon d un collectionneur ou dans l espace public il s agit chaque fois de travailler sur un lieu
19. mme un syst me de repr sentation Tentative d exposition Le saut dans le vide Souvenir marquant souvenir marqu le fragment 118 de Je me souviens contient l une des rares expositions d ment mentionn es par Georges Perec Je me souviens de l exposition Yves Klein la galerie Allendy rue de l Assomption Souvenir personnel aussi et frapp en sous main du sceau de l autobiographie Georges Perec habituait lui m me au num ro 18 de cette rue non loin de la galerie Colette Allendy haut lieu des avant gardes artistiques des ann es 50 situ e l cart des circuits habituels de Saint Germain des Pr s ou de l avenue Matignon mais tout pr s du lieu de vie de l auteur Georges Perec 18 rue de l Assomption Escalier A 3 tage Porte droite Paris 16 Seine France Europe Monde Univers Chez Perec l espace d exposition voisine avec le lieu intime Et ce rapport de voisinage peut d finir assez justement dans son uvre les liens entre art et litt rature Perec n a entretenu sng sa avec les arts plastiques que des rapports pour le moins approximatifs commente le critique Sur ce sujet voir l ouvrage capital de Philippe Hamon Expositions litt rature et architecture au XIX si cle Paris Jos Corti 1989 et du m me le chapitre L image expos e Mus es dans mageries litt rature et image au XIX si cle Jos Corti coll Les
20. n lieu parisien ou dans La Rue Vilin cette criture in situ des lieux et surtout de la ville ne tient pas seulement au fait d crire sur place et comme en direct C est qu il s agit plus profond ment de r v ler le lieu Noter ce que l on voit Ce qui se passe de notable Sait on voir ce qui est notable Y a t il quelque chose qui nous frappe Rien ne nous frappe Nous ne savons pas voir Et contre cette indiff rence ordinaire il s agira non seulement d observer de noter d inventorier mais plus encore de d chiffrer un morceau de ville Certes il convient de ne pas r duire la m thode et 2 Derek Schilling M moires du quotidien les lieux de Perec Villeneuve d Ascq Presses universitaires du Septentrion coll perspectives 2006 p 147 150 Esp ces d espaces Lieux notes sur un travail en cours op cit p 108 109 34 La Rue Vilin dans L infra ordinaire Paris Seuil coll La librairie du XX si cle 1989 p 15 31 Esp ces d espaces La rue Travaux pratiques op cit p 100 3 Idem p 102 103 le travail in situ de Daniel Buren un simple marquage des lieux Il s agit autant d une m thode d investigation critique du lieu que d une intervention visuelle Et d ailleurs les Lieux de Perec font eux aussi l objet d une enqu te proche de la m thode sociologique Au del des diff rences relatives la sp ci
21. nnelle de l espace public Sa visite auto guid e travers les rues les images mentales qu elles suscitent et les uvres d art involontaires qu il rencontre au gr de sa d ambulation aboutissent en effet consid rer le spectacle de la rue comme une vaste installation comme si la ville tait con ue par un commissaire d exposition invisible p 22 Bon connaisseur du milieu de l art contemporain collaborateur r gulier de la revue 02 Thomas Clerc adopte sur la rue le regard d un critique d exposition Il y a des gens qui sont de bons critiques d art mais de mauvais critiques de la r alit Ils voient ce qui fait la beaut d une uvre ou ce qui cloche en elle mais ils passent inertes devant la rue splendide le visage en ruine la chemise moche p 199 D o cette d finition de son entreprise litt raire Profession Critique d art r el p 215 4 Dans Penser Classer Paris Hachette coll Textes du XX si cle 1985 p 17 23 Dans L infra ordinaire op cit p 107 119 Notes concernant les objets qui sont sur ma table de travail op cit p 17 44 Still life Style leaf op cit p 107 p 113 4 Notes concernant les objets qui sont sur ma table de travail op cit p 18 M ta expositions Tr s souvent chez Perec les images accroch es sur les murs ouvrent elles m mes d autres espaces Par un jeu d embo tement et de mis
22. nverse Le Plein Plus r cemment l artiste Yann S randour a mis ce Plein d Arman plat il a dress la liste des objets qui constituaient la reconstitution en 1994 au Centre Pompidou de la vitrine de la galerie Iris Clert Imprim sur un papier peint qui forme toute la largeur du mur r expos sous la forme d un texte l inventaire de ces objets ordinaires prend l vidence l allure d un penser classer tout perecquien D monstration s il en tait besoin que Perec se situe davantage du c t du plein que du saut dans le vide Source d attraction pour les artistes qui trouvent ici une juste combinaison du concept et de la mat rialisation cette propension au plein d espaces d objets de choses de listes de tableaux de puzzles d uvres et de collections est sans nul doute un trait saillant de son uvre par l Perec se d marque nettement des critures blanches de la tendance au vide ou l videment qui caract rise bien des entreprises narratives de son poque Installations d appartements Plenty Objects of Desire Reste que le plein d espace est lui aussi un leurre qu on songe toutes ces choses que J r me et Sylvie aimeraient pouvoir acqu rir et dont ils emplissent m me virtuellement leur appartement Dans notre perspective de lecture le roman Les Choses offre de fait une autre modalit de l criture de l exposition il s ouvre
23. onteur narrateur d expositions Perec trouve enfin dans cet encadrement largi de l uvre d art une matrice profusionnelle de r cits tout un ouvroir de litt rature potentielle C est dire s il s impose dans le champ des arts plastiques comme une figure extr mement contemporaine sinon anticipatrice de cette conscience aujourd hui tr s aigu d un art de l exposition Donnant non seulement voir mais montrant la monstration Exposition d expositions 5 Penser Classer op cit p 159 En rev nant de l Expo op cit p 48 5 Brian O Doherty White Cube L espace de la galerie et son id ologie Patricia Falgui res d Catherine Vasseur trad Z rich Paris jrp ringier La Maison rouge 2008 Citations suivantes p 45 46
24. par la description par l ekphrasis m me d une Esp ces d espaces D un espace inutile op cit p 66 67 4 C est nous qui soulignons Nous empruntons ce terme l artiste Alain Bublex 6 Je ne suis pas critique d art extraits d une table ronde tenue le 28 novembre 1981 l Association culturelle italo fran aise de Bologne les propos de Perec ont t reproduits dans les Cahiers Georges Perec n 6 L il d abord Georges Perec et la peinture Paris Seuil 1996 p 196 203 7 Esp ces d espaces Avant propos op cit p 13 8 C est nous qui soulignons Esp ces d espaces op cit p 14 20 Sur cette exposition voir Catherine Francblin Les Nouveaux r alistes Paris Flammarion 1997 p 89 90 exposition imaginaire o l appartement r v s organise la mani re ici d une boutique d antiquaire l d une vitrine de magasin L il d abord glisserait sur la moquette grise d un long corridor haut et troit Tout serait brun ocre fauve jaune un univers de couleurs un peu pass es aux tons soigneusement presque pr cieusement dos s au milieu desquelles surprendraient quelques taches plus claires L vocation du bureau et d un mur d images qui compose sa mani re une exposition est l occasion de r v ler la dimension proto mus ale de l appartement priv Les murs de haut en bas seraient tapiss s de livr
25. que in situ de l criture ce n est peut tre pas tant dans l espace public que face son propre espace de travail ainsi ses Notes concernant les objets qui sont sur ma table de travail ou encore les exercices s riels de Still Life Style leaf manifestent ils une conscience critique du lieu qui am ne l auteur examiner le contexte de production de ses propres crits Je passe plusieurs heures par jour assis ma table de travail Le bureau sur lequel j cris est une ancienne table de joaillier et sur celui ci est pos e une feuille de papier quadrill de format 21 x 29 7 presque enti rement couverte d une criture exag r ment serr e cet am nagement de mon territoire se fait rarement au hasard R dig es au pr sent de l nonciation dans une simultan it feinte de l acte de voir et d crire ces notes m tatextuelles n en ob issent pas moins l vidente modalit d une criture in situ 37 Tentative d puisement d un lieu parisien Paris UGC 1975 r d Christian Bourgois diteur coll Titres p 10 Esp ces d espaces La rue op cit p 95 Tentative d puisement d un lieu parisien op cit p 17 18 4 Subtil continuateur de Perec dans son livre Paris Mus e du XXK si cle Le X arrondissement Paris Gallimard coll L arbal te 2007 l crivain Thomas Clerc intensifie cette appr hension expositio
26. r s desquels Madame Marcia a dispos quelques l ments qui y accordent leur tourment baroque ou qui y opposent au contraire leur tranget rustique ou sauvage ou leur perfection glac e Impossible de ne pas voir dans cet art minutieux de l installation de l exposition boutiqui re dans cet agencement la fois chromatique ambiant et stylistique une mise en abyme du travail sp cifique de l crivain qui se livre lui aussi l agencement d objets qui sous la lumi re discr te de spots invisibles semblent reli s entre eux par une multitude de fils imperceptibles L exposition se donne ici comme la m taphore m tatextuelle et structurante du texte tandis que le texte se d veloppe comme la visite mentale d une esp ce d espace chaque fois savamment con u In Situ Toute l uvre de Perec manifeste une tr s forte conscience du lieu Et de fait r cusant la qu te immat rielle d Yves Klein l espace fait chez Perec in luctablement retour Il y a des tableaux parce qu il y a des murs crit il encore dans d Esp ces d espace Et si les tableaux effacent les murs et de m me si les monochromes d Yves Klein affirmaient leur capacit d sint grer l espace le d mat rialiser tr s vite en retour les murs tuent les tableaux Entre ces deux p les il est possible de trouver ce qui s appelle proprement parler un arrangement Ou alors il faud
27. rait changer continuellement soit de mur soit de tableau mettre sans cesse d autres tableaux sur les murs ou tout le temps changer le tableau de mur Or cet arrangement variable cette n gociation entre le mur et le tableau a pr cis ment un nom cela s appelle l exposition Pour le champ de l art ce rappel du mur r sonne fortement avec certaines d clarations artistiques des ann es 70 qui d non aient le mythe moderniste de l autonomie de l uvre d art Cette pr sence du tableau au mur et inversement du mur derri re le tableau aboutit ainsi chez un artiste sigl postmoderniste comme John Armleder la fameuse s rie des Furniture La Vie mode d emploi op cit p 784 2 Idem p 1058 27 Ibid p 847 7 Thid p 1058 A noter que Madame Marcia cultive cet art en consultant des catalogues d architecture d int rieur d coration objets d art en visitant des expositions avec ses amis ibid p 1056 On trouve d ailleurs sur sa table un carton d invitation au vernissage d une exposition du peintre Silberselber ibid p 846 3 Thid p 1059 31 Esp ces d espaces Murs op cit p 77 78 sculptures soit un ensemble compos d un tableau et d une pi ce de mobilier canap ou fauteuil par exemple assorti la toile en question Partant de l id e que les toiles finissent toujours dans des int rieurs de collectionneurs et sont souvent choisies par eux se
28. rler que de ce qui est plein utile et fonctionnel Vu sous cet angle le texte de Perec nous appara t comme une tentative d exposition qui fait cho l exp rience immat rielle de Klein Mais son chec n est pas seulement linguistique ou litt raire il tend aussi d savouer cette qu te du vide esp r e par Yves Klein Je ne suis absolument pas critique d art commentera plus tard Perec et de fait le fragment 118 de Je me souviens ne laisse rien entendre du jugement port par Perec sur l exposition de la galerie Allendy Pour autant cette tentative avort e de concevoir son tour un espace inutile nous ouvre une critique implicite de la d marche de Klein Et l avant propos d Esp ces d espaces sonnait d j comme un d saveu lointain de cette qu te immat rielle L objet de ce livre n est pas exactement le vide Certes au d part il n y a pas grand chose du rien de l impalpable du pratiquement immat riel Mais tr s vite l espace appara t davantage comme un plein il n y a pas un espace un bel espace un bel espace alentour un bel espace tout autour de nous il y a plein de petits bouts d espace Cette r ponse du plein au Vide souvenons nous encore qu elle sera pr cis ment celle d Arman r pliquant en octobre 1960 Yves Klein en remplissant la m me galerie Iris Clert d objets de rebut et de d chets avec une exposition exactement i
29. rtforum entre 1976 et 1981 le critique d art Brian O Doherty en appela une meilleure connaissance des conditions de monstration des uvres pass es ou pr sentes L accrochage justement voil sur quoi nous voudrions en savoir plus L histoire des conventions de l accrochage partir de Courbet demeure explorer Plut t que d tudier une forme approuv e collectivement le Salon par exemple nous pourrions commencer par nous pencher sur les caprices du discernement individuel sur ces tableaux du dix septi me et du dix huiti me si cles figurant le collectionneur l gamment vautr au beau milieu de son inventaire A l vidence ce programme de r vision s av re en r alit tr s proche de la liste des expositions offertes par les textes de Georges Perec d Un cabinet d amateur Esp ces d espace de l Exposition Universelle aux expositions particuli res qui meublent La Vie mode d emploi du Vide d Yves Klein l criture in situ de la Tentative d puisement d un lieu parisien son uvre enti re manifeste un vif int r t pour les conditions de monstration des images une compr hension tr s subtile et volontiers ironique de cet exercice d interpr tation qu est l exposition et affiche enfin une rare curiosit pour l histoire des modalit s d accrochage des uvres pass es ou pr sentes des Wunderkammern du XVI si cle l espace blanc de la galerie Auteur inventeur d m
30. t une tapisserie l exposition d Yves Klein s augmente l tage sup rieur du premier Immat riel une salle vide pr sent e sous le titre Surfaces et blocs de sensibilit picturale Intentions picturales Les deux exp riences se touchent au rez de chauss e la dilatation du bleu permet aux dires de l artiste lui m me de supprimer l espace qui existe devant le tableau dans le sens o la pr sence du tableau envahit cet espace et le public lui m me Tandis qu l tage l immat riel entend donner la sensibilit picturale invisible l il nu Engag sur cette voie de l immat riel Yves Klein organisera bient t en avril 1958 la galerie Iris Clert sa fameuse exposition dite du Vide La porte donnant sur la rue tait condamn e la vitrine tait peinte en bleu de mani re ne voir depuis l ext rieur que du Bleu P n trant par le couloir les visiteurs d couvraient une pi ce vide dont les murs et la face int rieure des vitres taient peints en blanc Loin d en rester au seul fragment 118 de Je me souviens il semble que cette exposition d Yves Klein ait laiss d autres traces dans l uvre de Perec et qu elle trouve un prolongement quelques ann es plus tard dans un c l bre passage d Esp ces d espace intitul D un espace inutile J ai plusieurs fois essay de penser un appartement dans lequel il y aurait une pi ce inutile
31. t les int rieurs des romans r alistes du XIX si cle ce syst me des objets adopt par Perec ne doit donc rien aux v rit s de la psychologie ou aux effets de r el du roman naturaliste et se rapproche bien davantage des proc dures expositionnelles combinaison de r gles et d al atoire mises en place l poque de La Vie mode d emploi par Fran ois Morellet ou Claude Rutault par exemple Ainsi l exposition s impose t elle tr s consciemment comme un syst me de repr sentation de soi ou du Monde dans le cas de l Exposition Universelle de 1900 laquelle Perec consacre une section de Penser Classer et une de ses Perec rinations R partie en 18 groupes et 121 classes cette manifestation est moqu e par l auteur qui ironise sur son classement tout autant fastidieux qu arbitraire sur sa taxinomie douteuse et ses incoh rences les uvres d Art s y trouvant m lang es quantit d autres productions tandis que les m tiers d art se trouvent expos s bien plus loin Et Perec de souligner nouveau l incongruit de ce bazar moderne sans qu aucune id e de syst me se d gage avec vidence Ibid p 784 5 Ibid p 779 54 Tbid p 741 5 Ibid p 736 737 56 Edmond de Goncourt La maison d un artiste Paris Charpentier 1881 tome 1 p 3 57 Dans Penser Classer op cit p 158 160 58 En rev nant de l Expo Perec rinations Paris Z
32. tallation terme qui se partage entre la d coration int rieure et le champ des arts plastiques Chez les Altamont le soir de la r ception annuelle il n y a aucun tableau sur les murs car les murs et les portes sont eux m mes d cors ils sont rev tus d une toile peinte un panorama somptueux Dans le salon de R mi Rorschash une aquarelle une statuette des monnaies antiques et neuf assiettes d cor es sont invoqu es par l occupant lui m me comme des t moins de ce qu il appelle son inlassable activit de producteur dans le monde de la t l vision ou du spectacle Mais tr s vite le narrateur met en doute cette fastueuse activit et les objets ne sont plus alors que des leurres aptes tracer un portrait fallacieux et fictif de R mi Rorschash par lui m me Chaque ameublement de La Vie mode d emploi sert donc de matrice au r cit personnel de chaque occupant et compose le miroir flatteur trompeur mais toujours r v lateur de sa personne Pour autant n oublions pas que c est par un syst mes d algorithmes math matico lexicaux compos s sur la base de listes pr alables que l crivain a distribu ces objets images tableaux et r f rences picturales l int rieur de chaque appartement Avatar de la bricabracomanie et des mus es priv s de la pension Vauquer de Tartarin de Tarascon du Capitaine Nemo et jusqu la maison de des Esseintes qui sature notammen
33. ulma 1985 p 48 50 Le 15 groupe est comme il se doit consacr tout ce qui n a pas trouv sa place dans les quatorze autres c est dire aux Industries diverses papeterie coutellerie orf vrerie joaillerie et bijouterie horlogerie bronze fonte ferronnerie d art m taux repouss s brosserie maroquinerie tabletterie et vannerie caoutchouc et gutta bimbeloterie A ce titre le fatras composite de l Exposition Universelle n est finalement pas tr s loign des collections beaucoup plus particuli res mais galement tr s savamment organis es qui saturent les appartements priv s des habitants de La Vie mode d emploi Voisine des multiples collections qui s y donnent voir l Exposition Universelle s impose en effet comme un autre bric brac une autre collection de collections dont les d tenteurs apparaissent alors comme autant de matrices narratives potentielles On pouvait y admirer entre autres une collection de boutons peints par marie Antoinette une collection de targettes et verrous des XVI et XVII si cles la collection de sonnettes de M Jules Domergue la collection de flacons parfums de la parfumerie Pinaud la collection de b sicles lorgnettes et jumelles de M Alfred Heymann et la collection d teignoirs de M Michon Finissage Dans son livre Inside the White Cube d cisif pour la pens e de l exposition publi en quatre essais dans la revue A
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